Vues cavalieres sur la typographie

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• Vues cavalières

• sur le modernisme

• en typographie


Cette brochure, composée en Gradot normal et italique, est publiée à l’intention de ses clients et amis par jean-claude siegrist, à Belmont-sur-Lausanne B 2009 A


EN GUISE D’INTRODUCTION

est un sujet passionnant que l’étude des caractères d’imprimerie. Celui qui s’y plonge y découvre bien vite une abondante autant qu’intarissable source de faits historiques, de traits artistiques, d’événements dont l’importance va du domaine strictement local à celui de portée internationale, d’aspects inattendus touchant aussi bien à la simple psychologie du lecteur et de la lecture qu’à l’ensemble de la culture humaine. Quelqu’un a dit : Donnez-moi ces vingt-six soldats de plomb et je partirai à la conquête du monde. C’est que l’alphabet, en effet, est la clé de toutes nos nourritures spirituelles et de bien d’autres encore. Et l’alphabet se présente à nous sous des formes innombrables. Il peut être de capitales ou de bas de casse, de romain, d’italique, de gras ou de maigre. Il peut être du style qu’on appelle moderne, avec toutes ses variantes. Il peut être elzévirien. Il peut être tracé comme l’aurait délicatement écrit la main du calligraphe. Il peut enfin revêtir la forme assez dure parce que plus géométrique qu’artistique qui est celle de la lettre dite antique. Une typographie belle jusqu’à la perfection serait peut-être celle qui marierait l’esprit de la lettre qu’elle emploie à l’esprit du texte à composer, un caractère léger et gracieux pour les sujets plaisants, un autre pour les textes légaux, un autre style pour les manuscrits scientifiques, un autre encore pour les belles-lettres, un autre enfin pour ceci ou pour cela. Peut-être l’antique, parce que sa conception et sa construction tiennent plus aux données de la mécanique et de l’architecture qu’à la ligne classique ou à la fantaisie débridée d’un artiste, trouverait-elle alors sa vraie et unique vocation dans les imprimés de nature réellement technique. Et l’on ne verrait plus cette chose impardonnable qui veut parfois que, du billet de naissance à

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l’avis mortuaire en passant par son faire-part de mariage, un homme soit poursuivi par les formes les plus vulgaires du caractère bâton. Mais nous savons que si le style de la lettre est une chose, celui de la page imprimée en est une autre... Il nous a ainsi paru intéressant de demander son avis à un typographe de renom, à un homme qui jouit d’une réputation bien établie dans les milieux internationaux du livre. Nous avons nommé jan tschichold, qui a fort aimablement accepté de nous donner dans les pages qui suivent quelques opinions évidemment très personnelles sur certaines tendances modernes de la typographie et les débordements qui les accompagnent parfois. Ces opinions sont les siennes plus que les nôtres. Jan Tschichold aurait, fort à propos, put intituler ses notes Quo vadis, Typographia ? En les appelant, comme il l’a fait, Vues cavalières sur le modernisme en typographie, l’auteur, dans le style énergique qui lui est propre, dit si admirablement ce qu’il entend dire que tout commentaire de notre part serait superflu. andré tschan

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Vues cavalières sur le modernisme en typographie

a typographie est un but en elle-même, et ce but est de rendre facilement accessible à l’esprit du lecteur le message à lui transmettre. Une lettre lisible et bien utilisée est la condition première d’une belle page. Il faut pourtant reconnaître que rarement encore nous avons vu autant d’exemples quotidiens d’une typographie si inconsciemment ou peut-être si consciemment enlaidie ; et par cela même devenue difficile à lire. Le goût actuel va d’un extrême à l’autre. C’est l’emploi inconsidéré de trop de caractères différents dans un même travail, d’où l’impossibilité d’obtenir une construction claire et plaisante à l’œil. Ou bien alors c’est une réduction irréfléchie du nombre des corps qui finit par rendre le contexte difficile à comprendre. Une macédoine typographique est une erreur ; mais la typographie ramenée à l’emploi d’un seul corps n’est certes pas une meilleure solution. La technique a mis à notre disposition des moyens qui vont bien au-delà de ce que nos prédécesseurs ont connu. Un immense choix de papiers répond aux buts les plus variés et aux procédés d’impression les plus divers, nos machines tournent plus rapidement que jamais auparavant et la palette des alphabets offerts au client rejette dans l’ombre tous les souvenirs du passé. Il y a certes, dans cette palette, des caractères excellents à tous points de vue. Manier comme il convient le contenu d’une casse est un art, un art difficile à acquérir et à maîtriser. Il faudrait enseigner aux jeunes l’art, précisément, d’utiliser les beaux caractères lisibles que sont les Garamond, leur apprendre à les mettre en valeur en les disposant magistralement à la bonne place dans la page. Mais que fait-on en réalité ? On préfère donner aux apprentis ce que l’on pourrait

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appeler des recettes infaillibles, pour émasculer plus encore des caractères difficiles à lire et d’un dessin insipide, comme le sont tant d’antiques du XIXe siècle. On les pousse à utiliser sans goût ni grâce ces recettes dont l’emploi est ramené à de simples jeux ou effets de surfaces. De tels contrastes peuvent, évidemment, avoir leur utilité. Mais encore conviendrait-il de se souvenir qu’il ne suffit pas qu’un texte ainsi traité devienne une seule tache noire ou grise sur un papier blanc. Ce texte a tout de même son message à transmettre. Personne, que nous sachions, n’a jamais demandé à un typographe de se livrer à ce que l’on pourrait appeler une manière d’exhibitionnisme artistique. Ce qui importe n’est pas d’offrir au compositeur ou au maquettiste une chance de se faire valoir, ce qui compte est au contraire de voir l’un comme l’autre s’essayer à modeler l’aspect physique d’un texte pour en faire quelque chose de plaisant à l’œil. Ce texte doit agir dans le sens voulu par l’auteur ou le client. Et l’esprit du lecteur doit pouvoir l’absorber sans le moindre effort. L’admirable suffisance du modernisme en typographie en arrive à rendre confus ou obscurs les textes les plus clairs. Jouant arbitrairement avec des figures géométriques, le style moderne parvient à en faire une sorte de peinture abstraite privée de sens, sinon même une simple publicité pour le caractère bâton. Il crée, si l’on peut dire, des sujets pour une exposition de mode typographique passagère au lieu de construire œuvre utile. On voit même nos modernes recourir à des solutions qui tiennent plus du rébus que de la logique. Le message à transmettre est mutilé : on dirait pour un peu que le typographe lui a passé la camisole de force... Les réalisations de la technique moderne, et les mystères qui, pour beaucoup d’esprits simples accompagnent cette technique, font souvent vive impression sur le compositeur debout devant sa casse. Et il arrive qu’il essaie d’en incorporer les formes dans son travail quotidien, un peu comme si c’était à lui qu’il appartenait de réaliser la synthèse du modernisme et de la typographie, un peu comme s’il

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dépendait de lui de faire d’un texte ou d’une image à reproduire une sorte de produit industriel tel qu’il sortirait d’une usine. Ne vous avisez pas alors de lui rappeler que tant de choses dans la typographie en font aujourd’hui encore une des formes les plus nobles des arts appliqués. Car le sens de ces deux mots d’arts appliqués s’est depuis longtemps perdu, au point que certains, déjà, y voient presque une insulte... Il est évident que, comme Diogène cherchait un homme, la salle de composition cherche un style qui exprimerait mieux l’esprit de l’époque où nous vivons. D’aucuns croient avoir trouvé ce style. Mais pourquoi faudrait-il qu’à une période donnée corresponde nécessairement un système artistique déterminé ? Si l’architecture nous offre des formes nouvelles et des aspects nouveaux, c’est bien plutôt aux nouvelles méthodes de travail et aux nouveaux matériaux que nous les devons. Il n’y a point là de relation de cause à effet, ou vice versa, avec la musique moderne ou la peinture d’un Chagall. Ce qui se crée dans un domaine ne dépend pas de ce qui se fait dans un autre domaine. Les lois de l’un sont sans rapport avec les lois de l’autre. La typographie, elle aussi, s’est depuis longtemps élevée bien au-dessus de ce qu’on avait cru être l’immutabilité de son style. Donnons-en comme exemple que la condition première du succès d’un nouveau caractère est le besoin réel de voir venir ce nouveau caractère. Cette condition pourrait presque être déterminée et formulée scientifiquement. Je vous défie de tirer grande inspiration de la vue d’un phare d’auto ou d’un gratte-ciel. Et la lettre n’est ni immeuble ni voiture. La carrosserie d’une voiture des modèles 1960 ou 1961 ou même le logement idéal d’aujourd’hui ne sont qu’illustrations de la faculté de se déplacer plus vite et de la recherche d’un plus grand confort. Le sentiment de notre époque, au surplus difficile à définir, n’a rien à voir avec le fait, tout simple en lui-même, de la lecture. Nous lisons aujourd’hui exactement comme nos prédécesseurs ont lu, et les exigences physiologiques de ce que l’on voudrait appeler

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le confort typographique sont demeurées pareilles à ce qu’elles étaient il y a quatre cents ans. La seule différence est qu’il est aujourd’hui plus facile de répondre à ces exigences. On n’attend pas d’un caractère qu’il soit l’expression de ce qui est moderne, on lui demande tout simplement d’être lisible. L’homme qui sait lire, et non pas l’individu-qui-a-appris-à-lire-sur-les-bancs-d’école, lit aujourd’hui exactement comme lisait le lecteur de 1540. En ces temps-là comme aujourd’hui, la typographie avait un but clair et précis: l’équilibre et la clarté de la page. Mais si nous jetons un regard sur la presse quotidienne, force nous est bien de reconnaître que l’équilibre typographique d’hier est trop souvent devenu un magnifique désordre, une bruyante orgie d’effets d’optique, un festin de manques d’égards, une explosion du moi d’abord, à l’image de la rue d’une grande ville à midi ou le soir. Eh! oui, les bonnes manières deviennent rares en typographie, tout comme elles sont devenues rares sur la route... La tâche de la typographie n’est point de s’identifier à l’image de son temps. Elle doit être ce qu’elle est, ou ne pas être. Elle doit s’harmoniser avec nos yeux, être pour eux une détente et une relaxation. La belle typographie n’a pas besoin de crier comme un camelot sur un champ de foire ; elle parle, elle sait se faire entendre comme se fait comprendre l’homme qui a reçu une bonne éducation. Le code de la lecture est vieux de plusieurs siècles. Il règle la forme de la lettre, il ordonne la construction de la ligne et de la phrase. Et parce que l’œil humain ne se modifie pas, les habitudes du lecteur sont peut-être les seules habitudes qui ne se sont pas non plus modifiées au cours des siècles. On dit souvent aujourd’hui que l’antique est l’expression typographique la plus parfaite de notre temps. En réalité, seuls les tout jeunes écoliers lisent bien l’antique, parce que, dépourvue de tout artifice, c’est une lettre exactement à la hauteur de leur niveau intellectuel. Le romain, lui, connaît les pleins et les déliés, les traits

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renforcés et les traits affinés, les empattements et quelques autres caractéristiques qui lui sont propres, en particulier aux elzéviriens. Le romain est donc un caractère éminemment lisible. L’image que donne à l’œil la composition des lettres en mots et des mots en lignes est plus difficile à visualiser si le caractère employé est l’antique ; mais elle est plus facile à saisir parce que plus harmonieuse dans le cas d’un elzévirien. Les empattements ne sont point superflus ; leur but est d’aider à la clarté de la lettre. Une ligne entière composée en bas de casse d’antique manque de cohésion ; ce n’est qu’avec un certain effort que l’œil suit le staccato de ces lettres. Le passage du plein au délié à l’intérieur du dessin de la lettre est chose nécessaire. Un trait dont l’épaisseur demeure constante est une erreur par rapport à la forme originelle de notre alphabet tracé tout d’abord à l’aide du calame. Ce trait d’épaisseur uniforme en réduit la lisibilité, tout comme le fait la suppression des empattements. L’antique porte en allemand comme en anglais le nom barbare de grotesque ! Elle est bien un peu un monstre. C’est une erreur de choisir systématiquement aujourd’hui l’antique pour la composition de la plupart des travaux d’une imprimerie, car ce style de caractère appartient au siècle passé. A une seule exception près – et encore demeura-t-elle sans succès – aucun des partisans du mouvement artistique du Bauhaus de Dessau, et Dieu sait pourtant s’ils eurent l’esprit fertile dans d’autres domaines et s’ils surent se dire à la page, n’a jamais créé un nouveau caractère : on s’en est toujours tenu aux caractères existants, et même aux plus mauvais. Les protagonistes de l’antique ne veulent souvent rien savoir de la meilleure des versions modernes d’un caractère sans empattements, celle d’Eric Gill. Peutêtre est-ce parce que cet alphabet ne repose pas sur les antiques dégénérées du XIXe siècle que certains experts persistent à tenir pour inégalables mais qu’il dérive en droite ligne de la forme la plus pure de notre alphabet, le romain de la Renaissance, sinon celui des inscriptions lapidaires du temps de l’empereur Auguste. Pour les entichés

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de l’antique et d’un style qui serait propre à notre époque, le Gill est trop souvent encore ce qu’est la cape rouge du matador pour le taureau entrant dans l’arène. On entend parfois les thuriféraires de l’antique exprimer naïvement l’espoir que le lecteur finira bien par se faire à l’emploi de cette forme de la lettre. Ils oublient que c’est le style même de l’antique qui la rend peu lisible. La meilleure preuve de ce que nous avançons est le fait que, après trente ans de toutes sortes de débordements dans son emploi, elle n’est toujours pas plus lisible qu’alors. Et ce serait chose pour le moins impensable que d’imaginer la Nature modifiant la réceptivité de nos yeux pour le seul plaisir d’être agréable aux fanatiques d’une certaine forme de la lettre. L’abus de l’antique – et naturellement aussi de l’égyptienne – résulte pour une bonne part de la recherche de l’effet facile des surfaces quadrangulaires. L’une et l’autre, il est vrai, permettent d’obtenir ces surfaces carrées. Et c’est pour cette même raison, ces figurations compactes précisément, que l’antique comporte toujours une grasse ou une mi-grasse. Connaissez-vous un compositeur qui ignorerait encore combien il est difficile d’arriver à un effet combiné de surfaces rectangulaires noires ou grises sans avoir recours à une modification du texte ? Pour être juste, disons qu’un imprimé moderne, composé en caractère bâton, laisse souvent deviner l’effort tenté pour mettre en valeur les surfaces sombres par opposition à celles qui le sont moins. Il peut alors y avoir un certain risque : les premières seules frappent le lecteur qui ne voit plus le texte. Je me demande parfois si les auteurs de telles œuvres d’art ont jamais appris à lire... On a même l’impression qu’il leur importe d’ailleurs fort peu en définitive qu’un imprimé ainsi conçu trouve audience ou non. On ne saurait pourtant renoncer sans autre à l’antique. Elle est, il est vrai, une survivance des nombreuses déformations de la lettre datant des années 1820. Elle peut avoir sa raison d’être pour obtenir

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dans la composition d’imprimés publicitaires certains contrastes utiles avec le romain. Mais seul un usage modéré correspond à la vraie fonction de ce genre de lettre. Si le typo en abuse, le lecteur s’en fatigue bien vite car l’antique n’a en vérité ni grâce ni élégance. Et de charme encore moins. Son comportement est, si l’on nous passe l’expression, un comportement qui manque un peu de civilité ; et personne n’a jamais éprouvé le moindre plaisir à se faire houspiller à longueur de journée. La lettre éternelle de l’Europe est le romain, et c’est dans l’une de ses plus anciennes variations, celle que Claude Garamond grava vers 1540 et d’autres qui la suivirent, que nous trouvons sa forme la meilleure. C’est avec ce caractère et avec quelques dessins apparentés ne le cédant en rien à l’original qu’un compositeur doit apprendre à travailler. Ceci n’a pas toujours été facile dans les pays de langue allemande, du moins aussi longtemps qu’y régna la gothique (disons pour être plus exact le caractère Fraktur). On sait que, dans un texte en Fraktur, on espace ce que l’on veut faire ressortir. Or il n’est pas admis d’espacer un passage ou un mot dans un texte composé en romain. Le typo dispose pour cela de l’italique et des petites capitales. Mais renoncer complètement à l’emploi du caractère allemand serait d’autre part une perte infiniment regrettable. Nous ne répéterons jamais assez que seule une construction parfaitement équilibrée de la page facilite la lecture. L’œil perçoit plus lentement la suite des lettres et des mots d’une ligne malvenue. L’emploi des ligatures fait partie de l’équilibre optique d’une belle page de composition, en romain comme en caractères allemands. La lisibilité du romain baisse dès que l’opérateur néglige d’employer les ligatures fi, fl et autres pour se contenter des lettres simples. Il est absolument faux de penser, comme d’aucuns affectent de le croire, que les ligatures du romain ne sont pas nécessaires ou même qu’elles sont tombées en désuétude ; elles appartiennent au contraire à une composition correcte et exécutée d’après les règles. Les ligatures ffi

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et ffl, qui sont indispensables à la composition correcte des textes français et anglais, manquent généralement dans les fontes d’origine allemande. Les caractères créés par les fonderies d’outre-Rhin sont d’un aspect typiquement germanique. C’est un défaut qui en limite considérablement l’utilisation au point de vue international. Leur caractéristique est trop souvent une déformation intentionnelle des traits du romain. La production anglaise et la production hollandaise montrent fort heureusement des tendances beaucoup plus saines, même parmi les dernières créations. Il en est d’ailleurs des caractères d’imprimerie comme de certaines femmes : la beauté est une qualité naturelle, le charme n’a pas besoin d’être relevé par l’abus du maquillage. Le dessin criard d’une lettre, de même qu’une fantaisie incontrôlée dans l’emploi des caractères, nuisent à la bonne typographie. La manie prétentieuse de chercher toujours du nouveau dans la présentation des imprimés publicitaires est déplorable. C’est par contre chose rafraîchissante que de voir un de ces rares textes normalement composés, dans un corps convenable, ni trop lourd, ni trop minuscule, sur une justification correcte, avec l’espacement parfait, les ligatures convenables, un bel interlignage et, pour couronner le tout, une admirable mise en page. On dirait parfois qu’un travail simple et bien fait est pour beaucoup un but par trop modeste. Une typographie digne de ce nom ne cherche pas à se faire voir, elle n’est ni violente ni timide, elle n’a en somme pas d’autre prétention que celle d’être soignée. Que dire alors de ces imprimés qui ont l’air de marcher à pas fourrés mais qui, en réalité, se démènent et s’agitent comme s’ils faisaient le pas de l’oie... Ce qui manque à la typographie courante de notre époque, c’est le don de savoir faire montre d’une certaine grâce. Le fait d’être gracieux est une qualité plus rare, plus précieuse et plus belle que la seule élégance. La grâce est chose naturelle qui vient tout simplement et sans effort. Recherche du précieux, effort inutile et pathos

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vide de sens sont faciles à déceler dans nombre d’imprimés. Une élégance fignolée est parfois admissible ; elle peut même être une preuve de maîtrise. Elle repose en bonne partie sur le jeu des nuances. En disant grâce ou élégance, je ne pense pas ici au style confiserie ou à l’affadissement du goût, je ne pense pas non plus à la préciosité, au faux romantisme ou à une simple copie du rococo. L’harmonie qui se dégage de la page bien construite est une chose découlant tout naturellement de l’amour du typo pour la «belle» ouvrage. Il n’y a que l’amour pour engendrer la beauté. C’est au typo qu’il appartient d’aimer à la fois la lettre et l’art de la bien disposer dans la ligne. L’artiste à qui manque l’amour de son travail, l’amour qui va jusqu’aux plus petits détails, fait œuvre parfaitement inutile. Tout ce qui sortira de ses mains ne sera jamais qu’un de ces prospectus perdus dans l’ornière de la routine, un de ces travaux qui suent déjà l’ennui avant même qu’en soit tirée la première épreuve. Il est en bonne typographie un principe qui reste et demeure, c’est celui qui veut que le déroulement du mot ou de la ligne soit chose naturelle que rien ne saurait modifier. Cette seule raison fait que la composition d’un texte en un bloc géométrique est une hérésie typographique. Et la même raison fait qu’une ligne moins longue terminant un paragraphe est chose tout aussi normale. Une telle ligne ne saurait néanmoins suffire à marquer un nouvel alinéa car une fin de phrase pourrait tout aussi bien se terminer à la longueur normale de la justification. Il faut donc marquer les paragraphes par un renfoncement. Jeter plus de blanc entre les alinéas conduit à une rupture du rythme dans la séquence des lignes, et cette séquence harmonieuse est précisément un critère de la bonne typographie. La composition des labeurs évite naturellement une telle irrégularité dans l’interlignage ; si elle venait par hasard à se produire, on découvrirait bien vite qu’une phrase sans le cadratin de renfoncement gêne la clarté du texte et dérange l’ordre des interruptions prévues par l’auteur. L’art de savoir jouer avec le cadratin ou le double

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cadratin est souvent la clé de la bonne typographie. Le recours au renfoncement renversé en est une aussi, c’est-à-dire le renfoncement de tous les alinéas sauf de la première ligne. Mais c’est une technique ridicule que celle qui compose un texte assez long sans renfoncer aucun alinéa. Il est d’autres manies encore. Celle, par exemple, qui consiste à déplacer deux pages recto verso vers la gauche ou vers la droite si bien que chacune d’elles perd son registre et que le verso laisse transparaître partie de l’impression et partie du blanc de la page du recto et vice versa ; c’est un étonnant manque d’expérience, une rare démonstration du dilettantisme en typographie. Le respect du registre de la page est une règle élémentaire de la composition comme de l’impression. La symétrie de deux pages se faisant vis-à-vis est une chose naturelle, leur asymétrie frise presque le déséquilibre mental. Le manuscrit est intangible. Mais c’est au typographe qu’il appartient de disposer harmonieusement des proportions et des couleurs, peut-être du format du papier, surtout des forces de corps des caractères. C’est peut-être dans ce domaine seulement qu’il a toute liberté d’agir et de prouver ce qu’il sait faire. La normalisation des formats des papiers n’a pas apporté que des avantages ; elle a malheureusement fait perdre le sens de la proportion correcte dans les dimensions des papiers. Il arrive même que l’œil de l’homme du métier ne remarque plus les entorses à l’esthétique qui peuvent résulter de ces formats. Le A5, par exemple, ne convient pas même pour le livre d’école. La lettre commerciale en A4 est critiquable pour plusieurs raisons et pas seulement parce que ce format est inconnu en dehors de la Suisse, de l’Allemagne et de la Suède. Si nous changeons la proportion 1:1,414 en 3:4, nous avons avec le quarto, la largeur restant la même, un nouveau format 21 sur 28 cm. Mettez deux feuillets en regard, l’un de 21 sur 29,7 cm et l’autre de 21 sur 28 cm, et vous verrez bien vite lequel des deux convient le mieux pour le papier à lettre commercial.

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Le nombre et le choix des caractères, ainsi que leur grandeur, sont un aspect à peine différent du problème des proportions. Il est rationnel de travailler avec un nombre limité de casses. Mais il est évidemment faux de vouloir tout composer dans un seul corps. Il est même bien rare que deux corps seulement suffisent. C’est un peu comme s’il manquait une voix... Une harmonie à trois voix est donc, en typographie également, une bonne et peut-être même la meilleure des règles. Il peut encore arriver qu’un quatrième ou même un cinquième corps soit nécessaire. Souvenons-nous que, malgré tout ce que l’on peut en penser, rien ne vaut une limite volontairement acceptée dans les moyens dont nous disposons ; l’effet n’en sera que plus énergique ou plus naturel. Tout comme rien ne vaudra l’image que nous donne un choix parfait de couleurs. Une débauche de tons et de nuances est une aberration. On recourt souvent aujourd’hui à l’asymétrie dans la disposition des éléments typographiques d’un imprimé ; c’est souvent très bien. Mais la forme première de la typographie est la symétrie. Et nulle part la symétrie n’est plus indiquée qu’en typographie. L’écolier, l’écrivain ont de la peine à centrer une ligne. Rien n’est plus facile pour le compositeur. C’est la façon la plus simple et la plus pratique de composer un texte. C’est aussi celle qui, dans les mains d’un bon typo, donne en fin de compte et avec le plus de naturel un résultat satisfaisant, bien supérieur à n’importe quel essai de fantaisies asymétriques. Il est vrai qu’il n’est pas toujours aisé de disposer sur le papier un groupe et à plus forte raison plusieurs groupes, ou plusieurs éléments, ayant chacun un axe central. Il est difficile de choisir le blanc qui leur convient. C’est ce qui explique la rareté des belles pages de titres. Cette solution est pourtant plus simple que le recours à un arrangement non symétrique avec tout l’à peu près qu’il entraîne. Il serait faux de vouloir jouer l’asymétrie contre la symétrie et de proclamer que cette dernière a passé de mode. L’asymétrie fatigue l’œil quand on la voit trop.

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Le jeune typo – celui qui sait ce qui manque encore à sa formation – n’est pas en peine de choisir parmi les innombrables conseils qui lui arrivent de partout ; il en est même, de ces conseils, qui ont la prétention d’être de vraies panacées. On lui donne naturellement l’antique comme le caractère parfait de notre époque, on lui chante la louange des couleurs simples et des solutions ignorant la symétrie, on lui dit de chercher son inspiration dans la forme des carrosseries d’autos ou dans le style des bâtiments administratifs de la grosse industrie. Et si notre jeune typo ne suit pas ces conseils, prompte est la conclusion : absence complète de talent... L’emploi des seules couleurs fondamentales est dangereux. Trop souvent, elles ne s’harmonisent pas avec la blancheur des papiers, pas même et peut-être moins encore avec les papiers extrablancs qui ont généralement deux défauts : ils choquent l’œil et ils sont au surplus trop chers. Des surfaces trop grandes recourant à des couleurs trop pures sont déplaisantes. Elles éblouissent le lecteur. Celui qui les emploie inconsidérément oublie que la Nature, dans laquelle nous sommes nés et dont les limites forment un cadre dont nous n’arrivons pas à sortir, ne connaît les couleurs pures qu’en très petit nombre. Il ne viendra jamais à l’esprit d’une femme élégante de s’affubler d’un costume fait d’une seule couleur criarde. Les couleurs du spectre solaire n’apparaissent dans la nature que sous une forme savamment mesurée, dans les œillets ou d’autres fleurs de teintes violentes, mais jamais par contre en grandes surfaces criardes. Cette sagesse de la Nature devrait nous servir de modèle et d’exemple ; il faut savoir doser l’intensité des couleurs, la doser proportionnellement à l’environnement. Et il faut savoir n’employer les couleurs fondamentales qu’en infimes quantités afin de leur donner ainsi un effet d’autant plus lumineux. Une combinaison de couleurs primaires et secondaires est généralement d’un effet trop brutal. Mais le jeu des nuances est un jeu plaisant à l’œil. Une juxtaposition harmonieuse des couleurs est sans

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aucun doute ce qui convient le mieux dès que nous avons affaire à de grandes surfaces. Il serait bien naïf l’homme qui imaginerait que l’arc-en-ciel pourrait suffire à animer les arts et, par-là même, la typographie. Car nous savons que ce n’est pas l’effet de la couleur en ellemême qui importe mais bien plutôt la manière correcte de l’employer dans le cadre d’un problème donné. Le papier blanc n’est pas toujours, disons même qu’il est rarement, le meilleur support. Un couché blanc est, il est vrai, très souvent nécessaire, mais n’est pas une solution passe-partout. On oublie trop souvent, quand on parle de ce que devrait être la typographie, que ce n’est ni le typo ni le maquettiste qui en sont les ultimes instances. Le dernier mot appartient au lecteur. Mais ni le typo ni le maquettiste ne se soucient généralement du lecteur. Or ce dernier n’est normalement ni un compositeur ni un maquettiste et plus rarement encore un peintre ; le lecteur est n’importe qui, tout simplement. Le travail créé à la salle de composition doit pouvoir s’adresser à n’importe qui et être compris par n’importe qui. Et c’est pourquoi, bien souvent, c’est encore le bon sens qui demeure le meilleur critère du typographe debout devant sa casse. jan t sch ichold

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Gradot normal et italique

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ABCDEFGHIJKLM abcdefghijklmnopqrstuvwxyz NOPQRSTUVWXYZ ({0123456789}) ⁰¹²³⁴⁵⁶⁷⁸⁹⁄₀₁₂₃₄₅₆₇₈₉° ([0123456789]) ¦|#†‡™®©‰ªº .,:;…?!¿¡-–—_«»‹›*•·'" ” “ ‘‚ „¶ €$£¥ƒ¢ +−±×<=≠>÷¬≤≥∞√∫◊/ øœæØŒÆfiflß &§@ ½¼¾ abcdefghijklmnopqrstuvwxyz µ∆Ωπ∂∏∑

ABCDEFGHIJKLM abcdefghijklmnopqrstuvwxyz NOPQRSTUVWX YZ Catalogue ou spécimen complet sur demande B 18 A


Quelques mots sur le caractère Gradot utilisé dans cette brochure

a police Gradot a été réalisée dans le cadre du cours post-diplôme « Schrift design » de la Zürcher Hochschule der Künste, de Zurich. Le défi a consisté à concevoir, à dessiner puis à réaliser une police pour la lecture de texte en s’affranchissant des formes traditionnelles rattachées aux groupes des Humanes, des Garaldes ou des Réales. J’ai voulu, par provocation, créer une collection de formes abstraites basées sur le squelette de la lettre « antique », avec des habits dont la coupe devait s’affranchir des technologies et des formes héritées du plomb et de ses adaptations aux nouvelles techniques. Un assemblage – le terme est en vogue chez les vignerons et les œnologues – dont l’esthétique ne reposait pas uniquement sur le développement de thèmes purement conceptuels, mais également sur la fonction et l’utilisation. Le caractère Gradot a pour vocation de s’allier aux papiers recyclés ou à la nouvelle gamme de papiers couchés imprimés sur les presses numériques. La police Gradot est un bien modeste hommage aux cafés et clubs, reflet de la mode anglaise, qui furent les nouveaux lieux culturels du Siècle des Lumières. Le caractère Gradot a été conçu avec le souvenir d’Emilie du Châtelet, qui était dans les meilleurs termes avec les scientifiques, les philosophes et les mathématiciens qui se réunissaient chez Gradot. Mais les femmes n’étaient pas admises dans les cafés. Quand elle se vit refuser l’entrée dudit café, Emilie se fit faire un ensemble de vêtements d'homme, réussit ainsi à entrer dans le café 0ù elle fut acclamée par ses amis. Les propriétaires feignirent de ne pas remarquer qu’ils servaient une femme. Ils ne voulaient pas perdre leur illustre clientèle. C’est ainsi qu’Emilie devint une

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habituée de chez Gradot. Elle arrivait toujours remarquablement habillée... en homme. Faut-il, aujourd’hui, faire une différence entre les caractères conçus pour faciliter la lecture des longs textes et qui se réclament de la tradition et entre les polices au dessin plus contemporain ? L’adaptation et la copie du dessin des caractères typographiques, donc issus de la technique matérielle du plomb, représente la première vague de création numérique. Les créateurs adaptèrent et effectuèrent d’abord les corrections optiques pour répondre aux exigences d’une bonne reproduction photographique pour le procédé offset. Dessiner pour la photocomposition nécessitait de contrer les déformations de lentilles (sphérisations convexes et concaves) en fléchissant la venticalité des fûts. Ce qui aboutissait à l’incision des formes. Les créateurs se plièrent aussi – tout comme pour le flashage selon la technologie du tube cathodique – à des contraintes de largeur de signes en nombre d’unités constant. On se félicita d’une plus grande netteté des contours, mais les spécialistes mirent en évidence une certaine uniformité pouvant nuire au rythme de lecture... L’introduction de l’ordinateur personnel, des logiciels spécialisés et du laser, notamment, ont alors offert des perspectives nouvelles aux formes de la communication écrites et ont « démocratisé » l’expression visuelle. Les créateurs de la première heure ont cédé à la tentation de partir des poinçons plutôt que de partir du signe imprimé, d’où un « gris typographique » trop prononcé. Il est important de mettre en exergue le fait que le concepteur ou dessinateur de lettres réalise lui-même la bienfacture technique de son œuvre, à l’image des graveurs de poinçons que furent Nicolas Jenson, Simon de Colines, Claude Garamond notamment. Ce qui ne fut plus le cas dès la fin du XVIIe siècle: la division des étapes de travail, instituée par le projet de « romain du roi», contraignit le concepteur (designer) à transmettre les instructions de réalisation, ainsi que

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les modèles utiles pour le réglage de tous les paramètres visuels, à un graveur de poinçons ou à un dessinateur de lettres. Ce partage de la tâche eut ses côtés positifs et négatifs, le graveur de poinçons ayant l’obligation de traduire les intentions du créateur, d’effectuer de subtils ajustements en fonction du corps du caractère et d’éviter les problèmes liés à une mauvaise communication ou à l’opposition de personnalités fortes et opposées. Le même problème demeura lors de l’introduction de la gravure au pantographe : l’opérateur ne disposait pas toujours de la compétence exigée par la création de polices de caractères. Il ne faisait que suivre le contour des dessins que lui avaient fourni les professionnels d’un bureau technique, qui avaient eux-mêmes retravaillé l’œuvre originale du créateur, à qui on demandait des dessins d’une très haute précision. Nous assistons, aujourd’hui, au retour d’un professionnalisme bienfaisant dans le domaine de la création de caractères. Pour satisfaire les besoins de rendement et de profit, les créateurs de polices habillent leurs signes d’un nouvel esprit d’identité institutionnelle (Corporate Design). Mais quelles en sont les caractéristiques ? Les polices comprennent un nombre de signes étendus répondant, au moins, aux besoins de composition des différentes langues latines. Souvent accompagnés de variantes stylistiques, de nombreuses ligatures, de chiffres destinés à être utilisés dans des contextes différents, les nouveaux assortiments permettent donc une plus grande souplesse typographique au niveau fonctionnel, selon le type de travail ou le genre de l’imprimé. Sur le plan formel, les créateurs donnent plus de force aux signes en modulant finement les formes ainsi que les traits et en réduisant, donc, le contraste entre pleins et déliés. Ce qui augmente la lisibilité dans les petits corps. Ils habillent leurs œuvres de touches personnelles. La marge de créativité pour interpréter le ductus de la minuscule humanistique est étroite et se porte sur l’attaque des traits et les terminaisons, les jonctions ainsi que sur les empattements.

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A l’aube de ce XXIe siècle, certaines écoles, d’influence anglosaxonne pratiquent une synthèse perspicace et délicate de la calligraphie et de la décomposition des gestes en formes distinctes, à l’image du pochoir, de l’étude des modèles historiques et de la redécouverte de certains processus formels telle la «formule M» de Dwiggins. Alors que Dwiggins sculptait ses marionnettes en bois, il se heurta au problème consistant à représenter de manière réaliste les traits d’expression des visages de jeunes filles, en les modulant à l’aide de courbes très douces. Le résultat et l’impact sur le public étaient jugés insatisfaisants. Il expérimenta différentes manières de modeler les formes et élabora son concept en découpant des pièces de bois plates et unies comportant des bords vifs et anguleux. L’image de ces marionnettes ainsi perçue, à une certaine distance et sous un éclairage adéquat, reflétait parfaitement la volonté de Dwiggins de représenter la douceur infantile de ses figurines. Il en conclua que ce principe pouvait être appliqué à la création de caractères ou à d’autres domaines artistiques. Cette formule fait le bonheur (ou comble les attentes) des jeunes créateurs contemporains, pour les caractères de lecture. Ceux-ci ne se privent pas de donner un aspect anguleux aux apex, aux empattements, voire aux blancs de contrepoinçon des lettres. Cette technique permet aussi d’ouvrir et même d’exagérer les angles aigus des lettres comportant des traits obliques. Ces contours tranchants sont aussi appliqués au lettrage de l’italique, lors de l’étape de stabilisation des dessins. Cette méthode, appropriée pour les corps de lecture, n’est pas pertinente pour le titrage. Le caractère Gradot, en version normale, possède une bonne lisibilité, dans les petits corps, en raison surtout de son œil assez fort. Sa chasse, très légèrement étroitisée, sa subtile modulation entre pleins et déliés et la solidité des apex et des empattements en font un modèle idéal pour la composition des périodiques ou des feuilles d’information. Les approches, par contre, sont un peu plus géné-

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reuses que les autres polices contemporaines. L’ouverture de ses formes intérieures, ses barres et ses fûts rectilignes lui permettent de s’allier aux papiers recyclés ou à la nouvelle gamme de papiers couchés imprimés sur les presses numériques. La version italique qui l’accompagne est le fruit d’un sérieux travail de recherche calligraphique. Elle s’oppose à la variante normale par sa fluidité, l’adoucissement de ses droites, mais garde cependant la forme d’attaque des traits spécifiques au romain. Son inclinaison est peu prononcée et marquée à huit degrés, sans aucune exception. Le défi de sa conception a porté sur la recherche dans la traduction du geste et de l’écriture au moyen des courbes de Bézier, le rythme du mouvement calligraphique perdant de sa spontanéité et de sa tension dynamique au cours du dessin numérique. La difficulté a consisté aussi à résoudre le problème du gris typographique lorsque l’italique est utilisé au sein d’un texte en romain, remplissant ainsi sa fonction de mise en évidence. L’opposition de style entre les deux versions, la chasse plus étroite de l’italique ont nécessité de régler optiquement de nombreux signes. L’italique se présente d’une façon avantageuse, même lorsque texte, telle une préface, est d’une certaine ampleur. La famille Gradot sera complétée ultérieurement d’une version grasse ainsi que d’un ensemble d’ornements et de vignettes utiles à la composition de travaux de presse et de labeurs. Jean-Claude Siegrist

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l’ original est un texte allemand ayant paru sous le titre

Zur Typographie der Gegenwart dans une brochure de prĂŠsentation de monotype corporation limited en 1961


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