Créer et expérimenter en sciences et technologie

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Faits&idées la signification et l’utilisation par les moniales. À partir de là, deux consignes s’offraient au choix des élèves durant le cours d’histoire : « Être une moniale du XIIIe siècle qui fait visiter son abbaye à un pèlerin ; être l’archéologue qui a fouillé cette abbaye et qui présente les lieux à des visiteurs fictifs. » Grâce à un logiciel de capture d’image et de son, les élèves ont réalisé leur capsule vidéo, de façon individuelle, pendant deux séances d’une heure avec leur professeur d’histoire. Ils ont fait plusieurs enregistrements, revenant sur leur texte rédigé afin d’apporter des améliorations. « Les élèves ont très peu eu besoin de moi, aussi bien dans le travail de recherche des informations que dans la réalisation des capsules. C’est la production des élèves et leur capacité à décrire l’abbaye avec le vocabulaire approprié qui a été évaluée », rapporte l’enseignant. Du côté de la technologie, l’enseignant a « plus naturellement évalué la démarche des élèves, la mobilisation des connaissances de façon différenciée que l’aboutissement d’une tâche ». Le double d’élèves

Les élèves se sont montrés très motivés pour mener à bien ce projet. L’utilisation d’un jeu vidéo a été le vecteur d’un enthousiasme débordant lors de la construction. En effet, jouer virtuellement est pour certains une pratique extrascolaire quotidienne. Dès les premières séances, le niveau sonore lié à cette motivation a augmenté. Certains élèves ont testé les limites du vivre ensemble virtuel : se promener partout, déconstruire et détruire le travail d’un camarade, utiliser le logiciel de discussion à tort et à travers, etc. En arts plastiques, l’enseignant a « eu aussi à gérer quelques conflits liés à la double présence des élèves, réelle en classe et virtuelle dans le jeu : il y a le double d’élèves à surveiller ! Mais rapidement chacun s’est pris au jeu et a joué le jeu afin d’atteindre l’objectif. » L’option de laisser les élèves s’autodiscipliner a été retenue tout en nommant un modérateur virtuel parmi eux, nommé « le douanier ». Les dérives se sont rapidement estompées. Le rapport à la connaissance s’inverse entre les élèves et les professeurs, qui se retrouvent dans le même univers et doivent collaborer pour construire des bâtiments et avancer dans le projet. Le professeur sachant devient professeur aidant et chaque élève devient un expert potentiel susceptible de délivrer un contenu informatif, car ce sont eux qui détiennent les compétences d’utilisation du jeu. Pour les enseignants, l’utilisation de Minecraft a été « comme enseigner en terre inconnue » ou « une sorte de saut dans le vide dans lequel on sait délibérément qu’on ne maitrisera pas tout, ce qui signifie qu’il faut énormément faire confiance aux élèves ». Le professeur de technologie, qui a dû annoncer à ses élèves son ignorance de ce jeu, ajoute : « Je me suis rendu compte que 80 % des élèves savaient y jouer. Alors pourquoi m’inquiéter sur cette difficulté ?  » Avec leur concours, cette construction de maquette numérique était possible. En arts plastiques, les séances en salle pupitre se sont même déroulées sans nécessité pour l’enseignant de manipuler un clavier d’ordinateur : « J’ai pu m’appuyer sur quelques élèves habitués à ce jeu qui ont

servi d’éléments moteurs, en guidant les moins expérimentés. Adoptant cette nouvelle posture de lâcher prise, mon positionnement dans la classe a été de guider la réflexion, d’inciter au dialogue et à la prise de parole, de proposer des choix, faciliter le débat et la prise de décision. » Épilogue

Élèves et enseignants furent entièrement conquis par ce projet, malgré l’aspect chronophage des concertations pour les professeurs. Par la construction, les réflexions induites par les problèmes à surmonter, la réalisation de la visite virtuelle, les élèves ont totalement été acteurs de leur projet. D’une étude passive du fonctionnement d’une abbaye médiévale, les élèves l’ont construite et lui ont donné vie par leur visite virtuelle. L’abbaye étudiée dans cette séquence a véritablement été manipulée, façonnée, au sens propre, par les élèves. L’EPI est élargi cette année à l’ensemble des Chaque élève devient six classes de 5e, dans le un expert potentiel cadre de la thématique susceptible de « Sciences, technologie et débloquer un contenu société ». Les professeurs informatif. de mathématiques rejoignent le projet. Une seigneurie virtuelle sera réalisée. Il y a quelques jours, une classe a fait des mesures dans une abbaye du Nord, dont l’office de tourisme a souhaité que le collège réalise la visite virtuelle. Un Traam (travail académique mutualisé) sur le thème de la création numérique est en cours avec l’équipe porteuse du projet. La notion d’évaluation sera notamment approfondie. Minecraft rend l’erreur visible et donc évidente, ce qui permet aux élèves de s’autocorriger. Selon la formule de Valérie Lavergne Boudier et Yves Damach[2], le jeu devient ainsi « un ingrédient pédagogique » fondamental dans le processus cognitif de nos élèves. n Émilie Le Cornec Principale adjointe du collège Jeanne-de-Constantinople de Nieppe, académie de Lille

Lionel Acquart Professeur d’arts plastiques

Arnaud Lionet Professeur de technologie

Timothée Vaillant Professeur d’histoire-géographie-EMC

Francis Fortier IA-IPR de physique-chimie

Pour en savoir plus La production des élèves est accessible

en ligne : https://miniurl.be/r-18xn

2  Serious Game, révolution pédagogique, éditions Lavoisier, 2010.

Décembre 2016

I N° 533 I Les Cahiers pédagogiques I 67


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