TROISCOULEURS #189 – Juin 2022

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Journal cinéphile, défricheur et engagé, par

ISABELLE ADJANI « Je n’appartiens au désir de personne » ALAIN CHABAT « Je n’ai pas envie de faire des films dans des ambiances de merde »

RETOUR DE CANNES Le Festival en photos et en jeux de mots

ÉDITO au cinema le 6 juillet

Sans artifice. C’est ainsi qu’Isabelle Adjani s’est livrée à nous dans l’intimité d’un café parisien à l’occasion de son jubilatoire rôle d’ex-égérie d’un grand réalisateur (Rainer W. Fassbinder, que l’on reconnaît bien sous les traits de Denis Ménochet) dans Peter von Kant de François Ozon. L’actrice est revenue avec simplicité et lucidité sur sa carrière – jusque dans ses recoins les plus inexplorés – et les évolutions de son image. On la savait drôle depuis Le monde est à toi de Romain Gavras (2018), mais on

DJIBRIL DIOP MAMBETY Portrait du cinéaste sénégalais qui a embrasé le ciné des années 1970

avait aussi toujours, gravée en nous, la facette sombre et torturée des rôles qui l’ont inscrite dans la légende, que ce soit dans L’Histoire d’Adèle H. de François Truffaut, dans Mortelle randonnée de Claude Miller, dans L’Été meurtrier de Jean Becker, dans Camille Claudel de Bruno Nuytten, ou dans un monument sur la folie (et sur le lâcher-prise dans le jeu, presque chamanique), l’indélébile Possession d’Andrzej Żuławski. Lumineuse, généreuse et ultrasensible, la star nous a fascinés dans sa capacité à analyser rétrospectivement l’emprise de certains réalisateurs sur leurs actrices, son cheminement progressif pour s’en défaire, jusqu’à surmonter les chocs vécus au fil de sa vie professionnelle et

intime pour ne finalement plus appartenir qu’à son propre désir… Le lendemain de cette rencontre, on partait pour le Festival de Cannes retrouver le monde des paillettes et de l’apparence, avant de voir couronner de la Palme suprême un film qui brocarde précisément la mise en scène de soi et la déconnexion des riches : Sans filtre du Suédois Ruben Östlund. On revient sur nos highlights de cette 75e édition dans ce numéro, qui couvre aussi les sorties et événements culturels jusqu’à la veille du 14 juillet, et ses fameux feux d’artifice. TIMÉ ZOPPÉ



EN BREF

Sommaire

P. 4 P. 8 P. 10

ENTRETIEN DU MOIS – ALAIN CHABAT CHEZ QUENTIN DUPIEUX RÈGLE DE TROIS – SALOMÉ SAQUÉ SCÈNE CULTE – LE DICTATEUR DE CHARLIE CHAPLIN

CINÉMA P. 18 P. 30 P. 40 P. 42

PARADISCOPE

COUVERTURE – ISABELLE ADJANI PORTFOLIO – CANNES REVIVAL HISTOIRES DU CINÉMA – DJIBRIL DIOP MAMBETY CINEMASCOPE – LES SORTIES DU 15 JUIN AU 13 JUILLET

LE GUIDE DES SORTIES PLATEFORMES P. 64 SÉRIE – IRMA VEP D’OLIVIER ASSAYAS P. 67 FILM – LES GLANEURS ET LA GLANEUSE D’AGNÈS VARDA

MK2 INSTITUT RENCONTRE AVEC PHILIPPE APELOIG FESTIVAL CINÉMA PARADISO EN SEPTEMBRE AU MK2 INSTITUT

TROISCOULEURS éditeur MK2 + — 55, rue Traversière, Paris XIIe tél. 01 44 67 30 00 — gratuit

CULTURE P. 72 P. 73 P. 74

ÉL

EST

I N DU

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BROSSA T

Diplômé en histoire et en journalisme, Tristan a rejoint notre team après avoir travaillé plusieurs années à Satellifacts, quotidien spécialisé dans l’audiovisuel et le cinéma, tout en signant pour Le Monde des enquêtes sur le partage de la culture sur Internet. Ce cinéphile-archéologue aime plus que tout fouiller dans la mémoire du cinéma pour y repêcher des chefs-d’œuvre oubliés, invisibles. Ce mois-ci, il enquête sur l’un des premiers films de Coline Serreau, Pourquoi pas ! (1977).

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R CO

CL

ENTIN LÊ

Dans ce numéro, il signe un papier sur les films ukrainiens montrés cette année à Cannes. Quand il nous a contactées, en 2019, pour faire un stage à la rédac, Corentin finissait son master 2 en journalisme après un master en cinéma. Depuis, il est devenu rédac chef adjoint de Critikat, prof (à 3iS et à l’INA sup) et a entamé sa thèse de doctorat à Paris-III – sur les liens esthétiques entre montage et navigation informatique. Il est brillant, oui, mais il est surtout super sympa.

AIRE BRET

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TRI

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Célestin a 8 ans et demi. Il est fan d’Avatar, des araignées et des ninjas, et il n’aime pas les armes à feu (il préfère les katanas, les blessures sont plus propres). Plus tard, il veut être créateur de robots et de plateformes de rechargement de voitures volantes. Ce qu’il aime, avec la petite critique qu’il fait chaque mois dans TROISCOULEURS avec son père, le journaliste Julien Dupuy, c’est que ça lui permet de « voir les films en avance » et d’« avoir des heures d’écran en plus ». Comme nous !

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© 2018 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / dépôt légal quatrième trimestre 2006 Toute reproduction, même partielle, de textes, photos et illustrations publiés par mk2 + est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur — Magazine gratuit. Ne pas jeter sur la voie publique.

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Illustration de couverture : Pierre Mornet pour TROISCOULEURS Imprimé en France par SIB imprimerie — 47, bd de la Liane — 62200 Boulogne-sur-Mer TROISCOULEURS est distribué dans le réseau ProPress Conseil ac@propress.fr

LIVRES – BLACKWATER DE MICHAEL MCDOWELL DANSE – JAN MARTENS JEU VIDÉO – CITIZEN SLEEPER

ILS ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO

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directeur de la publication : elisha.karmitz@mk2.com | rédactrice en chef : juliette.reitzer@mk2.com | rédactrice en chef adjointe : time.zoppe@mk2.com | rédacteurs : quentin.grosset@mk2.com, josephine.leroy@mk2.com | directrice artistique : Anna Parraguette | graphiste : Ines Ferhat | secrétaire de rédaction : Vincent Tarrière | renfort correction : Claire Breton | stagiaire : Lucie Leger | ont collaboré à ce numéro : Margaux Baralon, Judith Beauvallet, Julien Bécourt, Nora Bouazzouni, Xanaé Bove, Tristan Brossat, Jules Brussels, Renan Cros, Julien Dupuy, Yann François, Claude Garcia, Corentin Lê, Damien Leblanc, Olivier Marlas, Belinda Mathieu, Stéphane Méjanès, Thomas Messias, Wilfried Paris, Laura Pertuy, Perrine Quennesson, Bernard Quiriny, Cécile Rosevaigue, Raphaëlle Simon & Célestin et Ellie, Lisa, Miléna et Anselmo | photographes : Ines Ferhat, Julien Liénard | illustratrice : Sun Bai | rédactrice mk2 Institut : Joséphine Dumoulin | publicité | directrice commerciale : stephanie.laroque@mk2.com | cheffe de publicité cinéma et marques : manon.lefeuvre@ mk2.com | responsable culture, médias et partenariats : alison.pouzergues@mk2.com | cheffe de projet culture et médias : claire.defrance@mk2.com

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P. 68 P. 70 P. 71

On ne sait par quel miracle on a réussi à attraper cette voyageuse, mais toujours est-il que Claire est avec nous une semaine par mois en tant que renfort correctrice. Après ses études à Bilbao et à Bruxelles, et deux ans comme traductrice à Dublin, elle vit à Paris où elle est sous-titreuse pour sourds et malentendants. À part ça, Claire fait du body combat, de la salsa, et pas mal de petites blagues dont il ne faut pas sous-estimer l’importance en période de bouclage.

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Cinéma -----> « Incroyable mais vrai »

Tout le monde aime Alain Chabat. Incarnation de l’irrévérence des années 1990, le comédien est passé du statut de Nul à celui de roi de la comédie à la française en réalisant des succès comme Didier (1997) ou Santa & Cie (2017). On aime aussi Chabat acteur, plus rare mais toujours impeccable. Ce mois-ci, il joue avec brio un mari gentil et un peu paumé face à la frénésie qui s’empare de sa femme (jouée par Léa Drucker) dans Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux. Un film fou, vif et surprenant – bref, l’occasion rêvée pour rencontrer Alain Chabat.

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Vous tournez peu en tant qu’acteur. Pourtant, Incroyable mais vrai (lire p. 47) est votre deuxième film pour Quentin Dupieux, et vous avez rempilé dans Fumer fait tousser, qui vient d’être présenté à Cannes en Séance de minuit. Qu’est-ce qu’il a de plus que les autres, Dupieux ? Quand il vous propose un scénario, quand il vous en parle, vous avez déjà envie de le suivre. Il a une imagination, des idées qui n’appartiennent qu’à lui. Et puis il sait vous embarquer. Parce que, des mecs géniaux, il y en a ; mais des mecs géniaux aussi marrants, il y en a peu. Surtout, ce sont des tournages très joyeux. Je n’ai pas envie de faire des films dans des ambiances de merde, avec des réalisateurs pas bien malins qui se prennent pour des génies, ou avec des partenaires qui font des caprices pour savoir qui a la plus grosse loge. J’ai la chance de pouvoir m’éviter ça et d’avoir une carrière qui me permet de bosser avec des gens qui m’inspirent et qui me touchent. Quand Quentin me propose un film, j’ai la certitude que je ne vais pas perdre mon temps. Avec lui, il se passe toujours quelque chose. Pour lui, je suis même prêt à jouer un rat. Vous incarnez plutôt le versant doux de la galaxie Dupieux. Que ce soit dans Réalité ou dans Incroyable mais vrai, vous traversez des tempêtes d’absurdités avec un calme, une douceur, une résignation qui détonne dans son cinéma… Dans Fumer fait tousser, j’ai un rôle un peu particulier, mais, le mieux, c’est que le public le découvre par lui-même. C’est un tout petit rôle… Il y a des films de Dupieux pleins

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de cadavres et de trucs sanglants. Moi, j’ai toujours le droit aux névroses et aux prises de tête. Je ne sais pas vraiment pourquoi je lui inspire ça. Je suis assez calme dans la vie, c’est vrai. Et, comme les personnages de Réalité et d’Incroyable mais vrai, j’ai une assez bonne faculté à accepter les choses, même les plus dingues. J’ai toujours eu une tête un peu ahurie, j’ai toujours eu l’air un peu effaré dans les sketchs et dans les films. Moi, la normalité du bizarre, ça me parle. J’aime quand l’incroyable, l’impensable, devient tout à coup logique. Je ne saurais pas jouer dans des films catastrophes ou des trucs avec des monstres dans lesquels il faut hurler et faire comme si c’était une question de vie ou de mort. J’aurais l’air con. Ce que j’adore, chez Quentin Dupieux, c’est que rien n’est efficace. Tout est déroutant. Son cinéma a beau être fantastique ou absurde, il est toujours hyper quotidien. Et Quentin tient à ça. Moi, je suis du genre à vouloir changer une réplique, chercher l’efficacité, la vanne, mais les textes de Quentin sont tellement précis, tellement écrits que je sais qu’il faut que je me laisse porter. C’est difficile de se laisser filmer quand on est avant tout un réalisateur ? J’aime faire les films de Quentin, parce que j’adore le regarder tourner. Sur le plateau, il invente, il cherche. C’est très organique. Moi, en tant qu’acteur, je suis au spectacle. Un champ-contrechamp, chez lui, ça devient toute une aventure. La moindre scène banale prend soudain, sur le plateau, une dimension folle. Dans Incroyable mais vrai, on a une scène, Léa Drucker et moi, chez le médecin.

Franchement, 95 % des réalisateurs français mettraient le médecin derrière un bureau, nous devant, et hop ! champ-contrechamp, c’est réglé. Pas Quentin. Il déteste s’ennuyer sur un tournage. Alors, pour cette scène, il a construit tout un décor, il a posé sa caméra ailleurs. Son cinéma ne supporte pas l’ennui. Comme le sien, votre cinéma a toujours eu lui aussi ce côté merveilleux… Oui, mais, moi, je n’ai pas le rythme de production de Quentin. Je suis un besogneux, un lent. Je me prends trop la tête, aussi. La moindre ligne que j’écris, la moindre petite idée, je la tords dans tous les sens. Quentin a fait la paix avec ses angoisses. Ou, en tout cas, il a réussi à les mettre dans les films. Je me pose des milliards de questions, tout le temps. J’envie sa liberté, sa force de travail et sa capacité à prendre le cinéma pour ce qu’il est, un espace de création. Il invente, il cherche, il trouve. C’est lui qui a raison. Il y a quelque chose de très joyeux dans sa façon de faire du cinéma, dont on devrait tous s’inspirer. Le problème, c’est que, moi, dès que j’écris trois pages, le film coûte déjà vingt barres ! Donc forcément tout se complique… Avec moi, ça devient très vite le bordel. Il y a des effets spéciaux, des figurants, des comédiens partout, des décors… Vous rêveriez de réaliser un film par an, comme Dupieux ? Je ne saurais pas le faire. L’énergie de Quentin me rappelle ce qu’on vivait sur Les Nuls, l’émission, où on était portés par l’envie d’inventer, de créer envers et contre tous. On avait une idée, elle nous faisait


« Incroyable mais vrai » <----- Cinéma

L’ENTRETIEN DU MOIS FLORENT MARCHET

GARDEN PARTY

marrer, alors il fallait la faire. Quentin a cette liberté-là. Il arrive à faire une force des contraintes économiques. Il a intégré le chaos dans son cinéma. Je ne sais pas comment il fait. Moi, je n’arrive pas à créer par la contrainte. J’adorerais savoir tourner un film en quatre semaines avec une idée brillante, comme lui. Pour l’instant, je n’y arrive pas. Vous êtes un acteur de comédie. Pourtant, vous n’avez pas du tout un jeu burlesque ou tout en force. Moins vous en faites, plus vous êtes drôle. Vous avez conscience de votre pouvoir comique naturel ? Je n’ai pas toujours pris conscience du plaisir que je pouvais avoir à jouer. Avec Les Nuls, on était dans la performance, c’était du théâtre, c’était live. Le cinéma, je l’apprivoise un peu chaque fois. Je n’aime pas voir l’effort à l’écran, c’est un truc qui me sort du film. La moindre des choses, à l’écran, c’est que le spectateur n’ait pas l’impression de voir les virgules du scénario. Il faut que ça coule, que ça file. Les films avec des bons mots, si c’est mal dirigé et mal joué, c’est un peu un cauchemar. Tu ne vois plus le personnage,

C’est quoi, pour vous, une bonne histoire ? Une histoire qui ne me lasse pas, alors que je sais que je vais passer deux ans de ma vie dessus. J’ai des dizaines de débuts de scénario qui ont fini au fond d’un tiroir parce qu’au bout d’un mois ou deux, déjà, moi, ça ne m’intéressait plus tellement. Alors, le spectateur… Après, de manière plus concrète, pour moi, une bonne histoire, c’est avant tout un point de vue. Je crois qu’on voit des films, on lit des livres, on va au spectacle pour voir le monde à travers les yeux d’un autre, non ? Je suis de plus en plus impressionné et fasciné par toute cette nouvelle génération du stand-up français, par exemple. Chaque fois, je me dis : « Putain, je n’avais pas pensé à ça, mais, en fait, si j’y avais pensé, j’aurais sûrement pensé ça ! » Pour moi, c’est ça, une bonne histoire : quelqu’un que tu ne connais pas te raconte un truc que tu pensais, sans le savoir. Le cinéma n’est pas très en forme en ce moment. Un film d’Alain Chabat, ça ferait du bien à tout le monde, non ? C’est gentil. J’y pense. Et c’est bien, vous me mettez la pression, et ça m’a toujours boosté. Faut trouver la bonne idée. Je

« Pour Quentin Dupieux, je suis même prêt à jouer un rat. » tu vois le mec avec sa clope et son café, devant son écran d’ordinateur, en train de taper, et qui se dit : « Ça, c’est drôle ; ça, ça va faire marrer les gens. » Il faut chercher les accidents au cinéma. Donc, pour répondre à votre question, je crois qu’il ne faut pas tout à fait savoir comment on fait rire pour pouvoir continuer à le faire. C’est un truc d’instinct, un truc physique, un truc de swing, qui tient aussi beaucoup au montage au cinéma.

crois que, plus que jamais, aujourd’hui, le cinéma doit faire la différence. Il faut raconter des histoires qu’on n’a jamais vues, emmener les gens ailleurs. Qu’est-ce qui fait aujourd’hui qu’on se déplace dans une salle de cinéma pour voir un film ? Qu’est-ce qui donne envie ? La salle, aujourd’hui, pour beaucoup de gens, c’est une contrainte : ça demande d’être attentif, on ne peut pas faire ce qu’on veut, ça ne correspond pas à nos modes de vie. Mais

ça veut dire que les films doivent être à la hauteur de ça. Quand j’ai commencé à faire des films, déjà je me posais la question de la nécessité de ce que je racontais. Aujourd’hui, c’est capital. C’est dix balles minimum, une place de cinéma. Ce n’est pas rien. Comment on fait pour donner aux gens l’envie de nous donner de leur temps et leur argent ? Le cinéma, c’est une promesse. Et il ne faut pas la trahir. Et, ça, j’y pense depuis Didier. Avec Astérix et Obélix. Mission Cléopâtre (2002), Sur la piste du Marsupilami (2012) ou Santa & Cie (2017), vous avez réussi à faire du cinéma français à la fois populaire, merveilleux et ambitieux. Vous êtes un peu le Pixar français. C’est compliqué à faire aujourd’hui, ce type de cinéma ? Ça a toujours été compliqué. Aujourd’hui, c’est juste qu’on ne vous pardonnera pas l’échec. Vous me comparez à Pixar, et c’est vraiment un super compliment, mais Pixar aussi c’est compliqué. Tout le monde attend constamment qu’ils se renouvellent. On n’a pas le droit à l’erreur quand on fait du cinéma cher comme je le fais. Là, j’ai en tête un projet de film que j’imagine pour le cinéma. Je ne peux rien vous en dire, je suis vraiment au tout début de l’écriture, mais j’ai envie de croire que ce type de cinéma populaire à grand spectacle est encore possible en France. C’est une idée un peu dingue, un truc qui me plaît pas mal, mais, encore une fois, je ne me suis pas simplifié la tâche. J’espère que ce projet arrivera au bout. Je bosse aussi sur une série animée, Astérix, pour Netflix, mais ça va prendre des mois pour la créer. Donc je vais avoir un peu de temps bientôt. C’est bon signe. Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux, Diaphana (1 h 14), sortie le 15 juin

NOUVEL ALBUM DISPONIBLE Inclus les titres “De justesse”, “En famille” et “Freddie Mercury”.

EN CONCERT À PARIS 8 NOVEMBRE 2022

2 FÉVRIER 2023 ET EN TOURNÉE EN FRANCE

PROPOS RECUEILLIS PAR RENAN CROS Photographie : Julien Liénard pour TROISCOULEURS

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R U S E , T L A E T R C E E T P O S U S R E Infos graphiques L SPECTATEURS, LE RETO

213,2

LES

95,5

TICKETS

65,3 2019

2020

MILLIONS

TICKETS

2021

ON FAIT LE BILAN, CALMEMENT En 2021, on recense 95,5 millions de billets vendus en France métropolitaine. C’est 46,3 % de plus qu’en 2020, année maudite des salles obscures, la pire depuis 1917, c’est dire… Mais, si l’on se réfère aux 213,2 millions de tickets vendus en 2019, c’est évidemment la dégringolade. Reste que, en 2021, 32,7 millions de Français se sont rendus dans les salles obscures, soit plus d’un Français sur deux. Ou plutôt Française, car les femmes représentent 57,3 % des entrées.

ÇA S’EN VA, MAIS ÇA REVIENT Si l’essor des plateformes est indéniable (avec une part de marché en hausse de 20 %), les sondés les plébiscitent surtout pour les séries, le cinéma restant un plaisir à partager en salles pour 51 % des Français. Même si 48 % des Français ont déclaré être moins retournés en salles, les conditions optimales de son, d’image et de confort (37 % des sondés), l’expérience collective (36 %) ou encore l’envie de sortir de chez soi (34 %) continuent de faire du cinéma un loisir de choix.

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Sources : Bilan 2021 du CNC, n 345, mai 2022 CNC, « Pourquoi les Français vont-ils moins souvent au cinéma ? », Cannes, mai 2022 o

VID

CO

EN BREF

MILLIONS

Après une pandémie qui ne les a pas épargnés, à coups de fermeture et de passe sanitaire, comment vont les cinémas ? Si vous lisez ce magazine, c’est qu’il y a de grandes chances que vous soyez vous-même dans une salle obscure. Mais ce n’est pas (encore) le cas de tout le monde. Le CNC vient justement de publier coup sur coup son bilan de l’année 2021 et une étude inédite sur la baisse de la fréquentation des salles. On est sympas, on vous résume tout ça.

T R SO

S

En bref

& CON

En 2021, les cinémas sont restés fermés 138 jours. Puis sont venues les restrictions horaires, avec couvre-feux à 21 heures puis à 23 heures, jusqu’à l’arrivée du passe sanitaire, le 21 juillet. Le tout avec port du masque – une obligation qui a agacé plus de 33 % de la population sondée, tous âges confondus. Depuis, le public revient peu à peu dans les salles, même si 36 % des Français considèrent le prix du billet trop élevé – selon le CNC, il est d’environ 7 euros en 2021. L’autre point d’accroche, ce sont les films eux-mêmes, considérés comme pas assez attractifs par 23 % des spectateurs.

PERRINE QUENNESSON

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UR

ON REGARDE QUOI CE SOIR ? En 2021, 455 films inédits ont été projetés (contre 746 en 2019). Parmi ces nouveautés, les longs métrages américains dominent le marché avec 40,3 millions d’entrées, alors que le cinéma français a fédéré 38 millions de spectateurs. Au top du box-office : Spider-Man. No Way Home (4,58 millions d’entrées), Mourir peut attendre (4 millions) et Dune (3,18 millions). Le premier film français du classement est Kaamelott. Premier volet, avec 2,66 millions d’entrées. À noter que 45,1 % des tickets vendus ont été captés par les vingt premiers films, le plus haut niveau de concentration depuis 2002.

f c l dr h

QUE DEMANDE LE PEUPLE ?

Alors, quelles pistes pour réinventer la salle de cinéma ? La majeure partie des Français (42 %) affirme avoir envie de comédies. Les 15-34 préféreraient des films fantastiques, et les plus de 60 ans du cinéma français. Mais tous s’accordent sur l’envie d’événements à tarifs réduits, de rencontres avec des professionnels, et de débats. Enfin, 6 % souhaitent une programmation en lien avec l’univers des jeux vidéo et 4 % en lien avec des retransmissions sportives.


En bref

Ça tourne

“UNE

COMÉDIE SAVOUREUSEMENT AMORALE”

HHH

Ridley Scott

PREMIÈRE

De l’épique pour ouvrir le bal : l’infatigable Ridley Scott a été spotted à Malte fin mai. Il y tourne un ambitieux biopic sur Napoléon, porté par Joaquin Phoenix (à qui le bicorne sied étonnamment bien) et Vanessa Kirby (vue dans la série The Crown). Impérial.

PANAME DISTRIBUTION PRÉSENTE

Hafsia Herzi Après nous avoir bouleversés avec Tu mérites un amour (2019) et Bonne mère (2021), Hafsia Herzi planche sur l’adaptation de La Petite Dernière, premier roman à succès de Fatima Daas dans lequel la romancière se livrait sur sa difficulté à concilier, en tant que jeune femme ayant grandi en banlieue parisienne, son homosexualité et sa foi dans la religion musulmane. Le cinéma à fleur de peau de Hafsia Herzi + la plume acérée de Fatima Daas = un combo romanesque et féministe très probablement gagnant. Michel Gondry En 2012, Pierre Niney (alors tout jeunot) avait choisi Michel Gondry comme parrain (il était nommé dans la catégorie « meilleur espoir masculin ») lors de la cérémonie des César. Dix ans plus tard, le réalisateur d’Eternel Sunshine of the Spotless Mind embarque son poulain (désormais plus proche du cheval de course) dans son univers bricolé pour Le Livre des solutions, sur un réalisateur en manque d’inspiration cherchant à vaincre ses démons. Il paraîtrait que Blanche Gardin et Vincent Elbaz seraient de la partie.

IL S’OCCUPE DE TOUT...

Audrey Diwan On était affalés tout tranquilles sur notre fauteuil Pomare quand on a appris qu’Audrey Diwan (déjà derrière le sublime L’Événement, Lion d’or à la Mostra de Venise l’année dernière) allait se réapproprier le mythe Emmanuelle, héroïne de la saga érotique sortie avec fracas dans les années 1970. Léa Seydoux aurait été choisie pour camper ce personnage sulfureux, que l’on imagine dépeint avec un peu plus de subtilité que dans l’original (qui avait un regard carrément exotisant). Ken Loach Alors qu’il fêtera ses 86 ans cet été, Ken Loach prépare son nouveau drame social, qui suivra d’anciens mineurs de charbon s’efforçant de maintenir leurs valeurs et leur train de vie malgré un désespoir grandissant et le départ des derniers jeunes du village. Comme toujours avec le cinéaste britannique, il faut se préparer à un récit terrassant. À Cannes en 2023 ? Thomas Cailley Repéré dans le Lot-et-Garonne par Sud-Ouest : Romain Duris sur le tournage du Règne animal, le deuxième long métrage de Thomas Cailley (Les Combattants). Un récit fantastique qui se situera « deux ans après l’apparition des premières mutations de l’homme vers l’animal ». En interview, Adèle Exarchopoulos nous avait confié que le scénario était « complètement fou ». L’attente est maximale.

JOSÉPHINE LEROY

MEILLEUR FILM MEILLEUR RÉALISATEUR MEILLEUR ACTEUR MEILLEUR SCÉNARIO MEILLEUR MONTAGE MEILLEURE MUSIQUE

UN FILM DE

FERNANDO LEON DE ARANOA

LE 22 JUIN

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En bref

Règle de trois

Flash-back

MENTEUR MENTEUR

Il y a vingt-cinq ans sortait cette comédie menée par un Jim Carrey survolté. Central dans la carrière de l’acteur, ce film de Tom Shadyac faisait par ailleurs curieusement référence au président Bill Clinton. Sorti en France en juin 1997, Menteur menteur connut un beau succès (plus de 1,5 million d’entrées), mais les critiques ne goûtèrent pas franchement cette comédie dans laquelle Jim Carrey incarne un avocat qui gagne tous ses procès en mentant éhontément, jusqu’à ce que son fils fasse un vœu qui rend soudain le mythomane incapable de mentir pendant vingt-quatre heures. « En 1997, on se disait que le film se contentait de répéter une formule connue où Jim Carrey fait des grimaces régressives, mais on se rend compte vingtcinq ans plus tard que Menteur menteur offrait un spectacle très politique en faisant tomber le masque social », confie Adrien Dénouette, auteur de Jim Carrey. L’Amérique démasquée (Façonnage Éditions, 2020). Contraint de devoir dire la vérité à toutes les personnes qu’il croise, le héros

du film ressent une souffrance qui déforme littéralement son visage et fait qu’il se sent tiraillé au point de se frapper lui-même. « C’était une bonne idée de placer le film dans le cadre d’un tribunal : c’est comme si Jim Carrey faisait son propre procès, celui du théâtre social, celui des winners et des cols blancs qui manquent cruellement d’exemplarité. Sa filmographie devenait à ce moment-là frontalement critique envers la classe supérieure américaine. » Autre constat inattendu a posteriori : le parallèle avec le président des États-Unis de l’époque, Bill Clinton, qui se retrouva l’année suivante empêtré dans l’affaire Monica Lewinsky et fut accusé de parjure pour avoir nié sous serment avoir eu des rapports sexuels avec la jeune femme avant de dire le contraire quelques mois plus tard. « La comparaison avec le film a été faite en Amérique, ce qui prouve l’importance culturelle qu’avait acquise Jim Carrey. Clinton fut un président qui n’arrivait pas à supporter le poids de son exemplarité, et c’est pile ce que raconte le film. Cela me fait dire que Jim Carrey était vraiment le visage de l’Amérique des années 1990. »

© Solène Artaud

SALOMÉ SAQUÉ

En octobre dernier, elle vivait une scène digne de Don’t Look Up. Déni cosmique sur le plateau de 28 minutes en essayant d’alerter sur le réchauffement climatique au milieu de boomeurs hilares. Chroniqueuse pour LCP et Arte, journaliste économique et politique pour le média indépendant Blast, l’intrépide Salomé Saqué, 27 ans, répond à notre questionnaire cinéphile.

Pourriez-vous vous décrire en 3 personnages de films ? Petite, j’avais le caractère d’une Hermione dans Harry Potter : un peu madame je-sais-tout, qui met son nez dans les affaires des autres. À l’adolescence, je crois que j’ai ressemblé au personnage de Julija dans le film croate Murina, dans la colère qui l’habite et sa volonté de résister au système patriarcal. Aujourd’hui, j’aime à croire que j’ai quelques points communs avec Erin Brockovich : la langue bien pendue, têtue voire obsessionnelle, et prête à mettre sa vie personnelle en péril pour ses convictions.

3 films sur le journalisme qui vous ont donné envie de faire ce métier ? Blood Diamond avec Leonardo DiCaprio et Jennifer Connelly. J’ai un peu honte de dire ça, mais ce film a été déterminant dans mon choix de carrière. Je l’ai vu à 12 ans, et ça a été une révélation. Je voulais tout faire comme la reporter Maddy : je suis allée jusqu’à porter exactement les mêmes vêtements qu’elle pendant des années. Avec le recul, je me rends compte que ce film promeut une vision complètement fantasmée du journalisme, mais je le regarde toujours avec nostalgie. Sinon, Les Hommes du président m’a fait réaliser le rôle déterminant que pouvaient avoir des journalistes en démocratie (jusqu’à faire tomber un chef d’État !), tout comme l’excellent Pentagon Papers.

DAMIEN LEBLANC Illustration : Sun Bai pour TROISCOULEURS

3 documentaires pour comprendre quelque chose à l’économie ? Pour s’intéresser à l’économie, qui est un sujet aride, je crois que rien ne vaut la fiction pour se représenter les conséquences sur la vie réelle des politiques économiques. Ken Loach a traité ça avec beaucoup de clairvoyance pendant toute sa carrière, et son dernier film, Sorry We Missed You, montre les ravages de l’ubérisation du monde du travail avec justesse. Dans un autre style, j’ai adoré le dernier film de Stéphane Brizé, Un autre monde, qui décrit les mécanismes d’entreprise, les licenciements et les injustices que la logique néolibérale génère, mais du point de vue des patrons, ce qui est plutôt rare. Et, en ce qui concerne la finance, Le Loup de Wall Street est indétrônable à mes yeux, ne serait-ce que pour la performance de Leonardo DiCaprio. Oui, encore lui.

PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ

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En bref

3 films qui donnent une bonne claque pour se réveiller sur l’urgence climatique ?

“ UN DOCUMENTAIRE EXTRAORDINAIRE AU CŒUR D’UNE RELATION FUSIONNELLE”

DEUX BEAUX GARÇONS FILMS ET DULAC DISTRIBUTION PRÉSENTENT

TÉLÉRAMA

On ne le présente plus, mais Don’t Look Up. Déni cosmique décrit vraiment les mécanismes du déni climatique avec brio. La première fois que je l’ai vu, j’en ai pleuré, tant j’ai eu l’impression que quelqu’un posait des mots sur ce que je ressentais. Dans un autre genre, Goliath dénonce avec beaucoup de pédagogie les conséquences de l’usage de pesticides, et surtout les stratégies des lobbys industriels pour dissimuler les dégâts. Le film met une « claque » parce qu’il souligne à quel point nous sommes manipulables. Enfin, Animal de Cyril Dion alerte avec sensibilité sur la destruction de la biodiversité, qui est un aspect de la crise environnementale souvent délaissé dans les médias.

Vos 3 réalisatrices préférées ? Jane Campion, son dernier film The Power of the Dog m’a beaucoup émue. Céline Sciamma, pour la manière dont elle filme les femmes. Et Audrey Diwan pour L’Événement, qui nous rappelle avec violence la réalité de l’avortement lorsqu’il est illégal.

L’acteur ou l’actrice dont vous étiez amoureuse à 13 ans ?

VIVIANE FILM 2 RONIT FILM 1

Leonardo DiCaprio, naturellement. Ex æquo avec Orlando Bloom dans Pirates des Caraïbes, j’avais carrément tapissé ma chambre de posters à son effigie ! J’avais des goûts très discutables.

Thelma et Louise, c’est pour moi LE film sur l’amitié, la sororité, la liberté, que je mets pour me remonter le moral. Après, je ne vais pas prétendre que je suis toujours regardante sur la qualité cinématographique de ce que je regarde à 3 heures du matin. Généralement, ça se termine plutôt en navet romantique. À cette heure-là, je suis moins à cheval sur le féminisme.

UN FILM DE SHLOMI

ELKABETZ

AVEC RONIT ELKABETZ, MIRIAM ELKABETZ, ELI ELKABETZ,

MENASHE NOY, SIMON ABKARIAN, SASSON GABAY

LE 29 JUIN AU CINÉMA

juin 2022 – no 189

DEUX BEAUX GARÇONS FILMS PRÉSENTE CAHIERS NOIRS - RONIT AVEC LA PARTICIPATION DE VIVIANE AMSALEM RONIT ELKABETZ MIRIAM ELKABETZ ELI ELKABETZ MENASHE NOY SHLOMI ELKABETZ SASSON GABAY AVNER YASHAR KOBI REGEV YAM EITAN OMER MOSKOVICH SIMON ABKARIAN YECHIEL ELKABETZ PRODUIT PAR SHLOMI ELKABETZ GALIT CAHLON PRODUCTEURS EXÉCUTIFS DOMINIQUE WELINSKI BRUNO NAHON IMAGE SHLOMI ELKABETZ GIL RAMON JEANNE LAPOIRIE MUSIQUE ORIGINALE DIKLA SON ITZIK COHEN CO-SCÉNARISTE ET MONTEUSE JOËLLE ALEXIS UN FILM DE RONIT ET SHLOMI ELKABETZ ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR SHLOMI ELKABETZ DISTRIBUÉ PAR DULAC DISTRIBUTION

© PHOTO: AMIT BERLOWITZ

CAHIERS NOIRS

Le film que vous aimez regarder à 3 heures du matin,une nuit d’insomnie ?

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En bref

Scène culte

LE DICTATEUR DE CHARLIE CHAPLIN (1940)

Le 17 mai dernier, devant un parterre de cinéastes réunis pour la cérémonie d’ouverture du 75e Festival de Cannes, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, intervenait en direct de Kiev par retransmission vidéo. Son discours surprise, puissant, rappelait la responsabilité du cinéma en évoquant Le Dictateur de Charlie Chaplin, charge contre le régime d’Adolf Hitler et contre le fascisme, sorti en 1940.

LA SCÈNE (Le barbier [Charlie Chaplin] gravit les marches jusqu’à la tribune, tête baissée, sa casquette de soldat à la main. Il s’installe devant le pupitre.) Le barbier « Je regrette, je ne veux pas être un empereur. Ce n’est pas mon affaire. Je ne veux pas régner ni conquérir. J’aimerais aider tout le monde : juifs, chrétiens, Noirs, Blancs. Tous, nous désirons nous entraider, vivre du bonheur des autres, pas de leur malheur. Nous ne voulons ni haïr ni mépriser. Il y a place pour chacun. La terre est riche et peut nourrir tout le monde. La vie peut être libre et belle, mais nous avons perdu ce chemin. […] À ceux qui m’entendent, je dis : ne désespérez pas. Notre malheur actuel est né de la cupidité, de l’amertume de ceux qui redoutent le progrès. La haine passera, les dictateurs mourront, et le pouvoir pris au peuple reviendra au peuple. Tant que des hommes mourront, la liberté ne périra pas. Soldats ! N’obéissez pas à des brutes qui vous méprisent et vous oppriment, qui vous dictent vos actes et vos pensées, qui font de vous du bétail, de la chair à canon. Ne cédez pas à ces êtres dénaturés aux cerveaux et aux cœurs de machines ! Vous n’êtes ni des machines ni du bétail, mais des hommes ! Vous portez l’amour dans vos cœurs. Vous n’avez pas de haine ! Seuls haïssent les dénaturés ! Ne luttez pas pour l’esclavage, combattez pour la liberté ! Saint Luc écrit : “Le royaume de Dieu est en l’homme.” Non pas un, ou un groupe, en tous les hommes ! En vous ! C’est vous, le peuple, qui avez le pouvoir de créer les machines, de créer le bonheur ! Vous avez le pouvoir de rendre cette vie libre et belle, d’en faire une merveilleuse aventure. Au nom de la démocratie, usons de ce pouvoir, unissons-nous ! Combattons pour un monde nouveau, qui donnera à tous un travail, un avenir aux jeunes, une sécurité aux vieux. En promettant cela, des brutes ont pris le pouvoir. Ils mentaient ! Ils n’ont pas tenu leurs promesses. Les dictateurs se libèrent, mais asservissent le peuple. Luttons pour accomplir ces promesses. Pour libérer le monde, abolir les barrières nationales, abolir la cupidité, la haine et l’intolérance. Luttons pour un monde de raison où la science et le progrès mèneront au bonheur de tous ! Soldats ! Au nom de la démocratie, unissons-nous ! »

(Des cris de joie s’élèvent de la foule.)

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En bref

L’ANALYSE DE SCÈNE Dans son premier film parlant, Chaplin croise les parcours d’un dictateur d’un pays fictif, la Tomanie (inspiré de l’Allemagne nazie), et d’un barbier juif persécuté – tous deux joués par l’acteur-­ cinéaste. Dans la scène finale, le discours humaniste du barbier – qui s’est glissé dans le costume du dictateur – apparaît comme une pause à la fois dans le film et dans la carrière burlesque de Chaplin. C’est un moment de suspension, comme le fut l’intervention de Volodymyr ­Zelensky au Festival de Cannes. Un plan rapproché isole Chaplin sans profondeur de champ, non pas pour le transformer en icône, comme il a pu l’être en vagabond à moustache et chapeau dans ses précédents rôles, mais pour faire de lui un porte-voix du combat pour la liberté. S’ensuit un montage alterné entre un plan pastoral sur une paysanne éplorée au sol, image universelle du peuple qui souffre, et un plan desserré figurant un Chaplin à l’éloquence insoupçonnée, haranguant la foule devant un parterre de micros. Plus qu’une conclusion, il s’agit bien d’un appel. À Cannes, Zelensky l’a relancé au monde du cinéma : « Il nous faut un nouveau Chaplin qui prouvera que le ­cinéma n’est pas muet face à la guerre en Ukraine. » Le Dictateur de Charlie Chaplin, en DVD et Blu-ray (Potemkine, mk2)

QUENTIN GROSSET

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En bref

La phrase

© D. R.

« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu être un gangster. » Émopitch

C’est la première réplique du mafieux Henry Hill dans Les Affranchis de Martin Scorsese (1990). L’acteur qui l’interprétait, Ray Liotta, est décédé le 26 mai dernier à l’âge de 67 ans.

DECISION TO LEAVE DE PARK CHAN-WOOK (SORTIE LE 29 JUIN) : UN DÉTECTIVE ENQUÊTE SUR UN MEURTRE SURVENU EN HAUT D’UNE MONTAGNE, MAIS SA RENCONTRE AVEC LA FEMME DU DÉFUNT VA LE RENDRE AUSSI IN LOVE QUE CONFUS.

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Le Réalisme magique du cinéma chinois d’Hendy Bicaise (Playlist Society, 136 p., 14 €)

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Champs-Élysées Film Festival, du 21 au 28 juin

Pour rendre accessible l’apprentissage complexe de la langue, elle a recours aux mythes et aux images. D’étudiant largué, vous êtes en voie de tenir une discussion avec facilité. Remerciez-la en lui offrant Le Réalisme magique du cinéma chinois, passionnant ouvrage signé par notre ancien collaborateur Hendy Bicaise qui crée des ponts entre les films de Bi Gan, Diao Yinan ou Jia Zhang-ke pour explorer le mariage envoûtant entre le terre-à-terre et l’imaginaire.

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Vous l’avez emmené à des rétrospectives, en vain. Lui aime la nouveauté et avoir les poils qui se hérissent dans une salle bondée – un effet que lui procurent à coup sûr Hérédité et Midsommar d’Ari Aster. Ça tombe bien, ce dernier est l’invité d’honneur du Champs-Élysées Film Festival, géniale pépinière du ciné indépendant (américain et français) contemporain. Film d’ouverture : After Yang de Kogonada, qui nous fera rencontrer des androïdes domestiques (totalement la came de papi).

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JOSÉPHINE LEROY

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À offrir

À chaque jour ou presque, sa bonne action cinéphile. Grâce à nos conseils, enjolivez le quotidien de ces personnes qui font de votre vie un vrai film (à sketchs).

Elle a 24 ans, donc ne les a évidemment pas connues. Pourtant, les eighties la fascinent – elle a une tonne de leggins et se frise les cheveux façon Madonna. Emmenez-la découvrir la toute nouvelle galerie Paris Cinéma Club qui propose, à l’occasion de la sortie de Variety de Bette Gordon, une expo autour des photos de la légendaire artiste pluridisciplinaire Nan Goldin, figure de l’underground new-yorkais qui en a capturé l’esprit queer et libertaire. « Exposition Nan Goldin » à la galerie Paris Cinéma Club


En bref

Pépite

FALCON LAKE DE CHARLOTTE LE BON

La youtubeuse Demoiselles d’horreur, spécialiste du cinéma de genre, a adoré le premier long métrage de Charlotte Le Bon, présenté au dernier festival de Cannes. Elle nous raconte. Si on la connaît en tant que comédienne, Charlotte Le Bon s’est aussi mise à briller derrière la caméra en 2018 avec Judith Hôtel, un court métrage de genre racontant l’histoire d’un établissement mystérieux promettant à des insomniaques de les soigner de manière radicale. Très admirative de ce court, j’attendais avec impatience que la réalisatrice émergeante s’essaye au format long. Vœu exaucé avec Falcon Lake, une histoire d’amour de vacances comme on pourrait en avoir vu beaucoup, sauf que, dans cette histoire-là, la jeune fille, Chloé, a une fascination toute particulière pour la mort. Persuadée que le fantôme d’un adolescent noyé dans le lac hante les environs, elle raconte ses idées noires à Bastien, qui va se laisser entraîner dans cette spirale de réflexions morbides, par amour et par désir pour la jeune fille. Charlotte Le Bon traduit admirablement avec sa caméra cette incursion du fantastique dans un paysage bucolique et baigné de soleil. Les apparitions du personnage de Chloé sont mises en scène à travers des codes qui rappellent le gothique : une silhouette découpée par un éclair dans la nuit, un plan de dos où ses cheveux au vent gesticulent vers la caméra comme ceux d’un spectre en train de flotter, la découverte de son corps inerte au milieu de paysages ouverts… Des plans qui surprennent et qui détonnent avec le reste du film, et qui montrent à quel point Charlotte Le Bon sait utiliser ces références avec précision et surtout avec un style propre. Ce glissement de la mise en scène vers le fantastique va progressivement dominer le récit et changer le film en véritable histoire de fantômes, pour mon plus grand plaisir de spectatrice, qui n’en espérait pas tant. Falcon Lake de Charlotte Le Bon, Tandem (1 h 40), sortie à venir JUDITH BEAUVALLET (DEMOISELLES D’HORREUR)

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LES NOUVELLES

En bref

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L’actrice et plasticienne est l’envoutante et déterminée révélation du très beau Retour à Séoul de Davy Chou, présenté en sélection Un certain regard à Cannes. Retenez bien son nom, en attendant la sortie prochaine du film. Dans le film, son personnage déboule à Séoul et entame des démarches pour retrouver ses parents biologiques. C’est une héroïne intense, désarmante dans sa manière de toujours agir avant de réfléchir. « Je suis comme ça. C’est de l’instinct de survie, de ne pas tout intellectualiser. » Née en Corée du Sud, arrivée à Paris à 8 ans avec ses parents artistes (un père écrivain, une mère plasticienne), Park Ji-min trace sa route avec aplomb. De son pays natal, elle garde la nostalgie de la neige en hiver avec laquelle elle faisait des bonshommes flippants, et des chamanes. « Le chamanisme, en Corée, se transmet de femme en femme. » Diplômée des Arts déco, elle crée de

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grandes œuvres charnelles où se mélangent peinture sur latex, tissus, paillettes, photographies anciennes. Son engagement féministe, la jeune artiste l’a nourri dans les milieux queer. « C’est passé par la violence que je percevais quand je sortais de ce milieu ultra bienveillant. En plus, le racisme ordinaire, je le perçois tous les jours. Avec mes potes, on s’est demandé s’il y avait des actrices d’origine asiatique dans le cinéma français. Il n’y a personne. C’est aussi pour ça que j’ai voulu participer à ce film. » Elle a rencontré Davy Chou par un ami commun. « Je lui ai dit : “Tu fais un film sur une femme et tu es un homme, ça fausse la donnée.” Ça a été assez violent mais, s’il n’y avait pas eu ce travail main dans la main, je n’aurais pas fait le film. » Ensemble, il a donc fallu déconstruire, pour reconstruire. Et de conclure, sourire aux lèvres : « Je ne dis pas que le film va changer le monde, mais on peut ajouter une petite pierre à l’édifice. » Retour à Séoul de Davy Chou, Les Films du Losange (1 h 59), sortie à venir Photographie : Julien Liénard pour TROISCOULEURS

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JULIETTE REITZER

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On a hâte que vous rencontriez la saisissante Shanna Pahoa dans le libre et fou Pacifiction. Tourment sur les îles d’Albert Serra, qui était en Compétition à Cannes et sortira prochainement. L’actrice nous a bluffés en serveuse nouant une relation évanescente avec un représentant de l’État français. Shanna Pahoa a l’air de se laisser porter, comme il faut se laisser porter par Pacifiction. Tourment sur les îles. Née en 1998 à Papeete, l’actrice au parler flottant a grandi et vit à Mahina, dans le nord de la Polynésie française. « J’ai été contactée sur Facebook pour faire de la figuration. Puis Albert Serra m’a demandé de revenir le lendemain, et encore le surlendemain… » Elle tient le rôle largement improvisé d’une serveuse d’hôtel qui entame une histoire (mais ça reste hors champ, c’est ça qui est génial) avec le haut-commissaire d’État De Roller (Benoît Magimel). « C’est impro-


En bref

bable de voir un homme d’État avec une femme trans, comme moi. Mais, dans le film, ça passe super bien, alors tu te fais à l’idée. » Celle qui n’était jusque-là qu’apparue dans la série TahitiNagers se dit assez emballée par la méthode d’Albert Serra, basée sur l’incertitude. « À la fin d’une scène, j’ai regardé Benoît, et il m’a demandé : “Euh ! je pense que dans cette séquence on vient juste de coucher ensemble, non ?” » C’est bien ce caractère déroutant qu’elle a retrouvé lorsqu’elle a découvert le film à Cannes, la veille de notre entretien : « On a l’impression d’avoir pris un truc, quoi ! » Elle nous confie que, pour l’instant, elle n’a pas d’autre projet. Si on espère vite la voir réapparaître à l’écran, elle nous dit qu’il faut « laisser voir venir ». « Ça fait un moment que je ne travaille plus. Du coup je profite, je vais à la plage, je vais bronzer, je crée mes bijoux avec des perles et du keshi. » Et d’ajouter : « Tu sais, à Tahiti, on vit la vie, c’est tout. » Pacifiction. Tourment sur les îles d’Albert Serra, Les Films du Losange (2 h 45), sortie à venir

QUENTIN GROSSET

Photographie : Julien Liénard pour TROISCOULEURS

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En bref -----> La page des enfants

L’interview ­

Tout doux liste

LES MINIONS 2. IL ÉTAIT UNE FOIS GRU [CINÉMA] En racontant la genèse de la relation entre les Minions et leur mini-boss, le film déroule ingénieusement une réflexion sur la loyauté, sur une toile de fond seventies drolatique. • LUCIE LEGER Les Minions 2. Il était une fois Gru de Kyle Balda, Brad Ableson et Jonathan Del Val (Universal Pictures, 1 h30), sortie le 6 juillet, dès 6 ans

BUZZ L’ÉCLAIR [CINÉMA] Dans ce spin-off de Toy Story, Buzz se retrouve à la tête d’une fine équipe composée de jeunes rangers de l’espace comme lui, et d’un chat robotique. Objectif : rentrer sur Terre. • L. L. Buzz l’Éclair d’Angus MacLane (Walt Disney, 1 h 40), sortie le 22 juin, dès 6 ans

C’est dans un parc qu’Ellie et Lisa, 6 ans, Miléna et Anselmo, 8 ans, ont rencontré les autrices du livre Sous les paupières, un voyage dans les rêves d’une petite fille, Sofia. Une histoire pleine de fantaisie, écrite par Claire Pommet (la musicienne Pomme) et illustrée par Pauline de Tarragon. Ellie : Pourquoi Sofia a rêvé ? Claire Pommet : Ce n’est pas parce qu’on dort qu’on rêve, ce n’est pas systématique, mais je pense qu’elle a rêvé parce qu’elle n’est pas très à l’aise dans sa vraie vie. Dans ses rêves, elle retrouve une atmosphère rassurante, c’est un endroit où elle se réfugie. Il y a son monde préféré, cela fait partie de son équilibre et de ses besoins pour être bien dans la vie. En tout cas, moi c’est ce que je fais dans la vie, j’aime beaucoup rêver. Pauline de Tarragon : Moi, je fais très souvent des rêves pendant la sieste, plus que pendant la nuit, parce que mon sommeil est moins profond. Anselmo : Est-ce que vous avez écrit et dessiné l’histoire ensemble ? C. P. : J’ai écrit l’histoire et Pauline a dessiné. Sauf qu’en réalité, après que Pauline a illustrée l’histoire, il y avait tellement de nouveaux personnages que l’intrigue a évolué. Miléna : Pourquoi la fée Moustache a des moustaches ? P. T. : C’est peut-être un secret, mais il y a plein de dames qui ont des moustaches et des barbes. Nous, on en a déjà rencontrées, et c’est trop stylé. Alors on s’est dit que ce pourrait être bien que dans notre livre on parle de ces gens qu’on ne voit jamais.

LE VOYAGE DE TOHÉ [SPECTACLE] À travers des chansons et une mise en scène inter­ active, les enfants apprennent la tolérance grâce au voyage transformatif de Tohé, un ballon troué marginalisé. • L. L. Le Voyage de Tohé, jusqu’au 31 juillet au théâtre Essaïon, les mercredis, samedis et dimanches, dès 3 ans

A : On a bien des poils sur la tête ! C. P. : Oui, de plus gros poils ! Lisa : Pourquoi tout le monde est ami dans votre histoire ? P. T. : C’est un rêve, alors on s’est dit ce serait formidable que tout le monde soit différent et ami. Il n’y aurait jamais de gros problèmes, juste parfois des petites disputes, mais rien de grave. C. P. : Dans la vraie vie, on met toujours plus en avant l’amour que l’amitié. Nous, on avait aussi envie de valoriser l’amitié. A : Oui, mais la fée Moustache est amoureuse de la fée Ministe ! C. P. : Exactement ! On peut le dire, ce n’est plus un secret, elles sont en couple, elles vivent ensemble, même. L : Pourquoi la fée s’appelle Ministe ? P. T. : C’est un jeu de mot, cela nous a fait rire de penser que dans le mot « féministe » il y a le mot « fée ». C. P. : Et être féministe, c’est vouloir que les hommes et les femmes aient les mêmes droits. La fée Ministe dans notre histoire

La critique de Célestin, 8 ans

THE TRUMAN SHOW RESSORTIE LE 15 JUIN

Et toujours chez mk2 SÉANCES BOUT’CHOU ET JUNIOR [CINÉMA] Des séances d’une durée adaptée, avec un volume sonore faible et sans pub, pour les enfants de 2 à 4 ans (Bout’Chou) et à partir de 5 ans (Junior). samedis et dimanches matin dans les salles mk2, toute la programmation sur mk2.com

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C. P. : Ça veut dire aussi que les filles peuvent avoir des poils et que ce n’est pas grave de les garder, qu’on a le droit, que c’est autorisé, et que l’on peut être aimée si on est une fille et qu’on a des poils.

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est un symbole, cela vous permet de poser des questions et de discuter avec l’adulte qui vous lit notre histoire. E : Pourquoi le chien fait le ménage ? C. P. : Les fées sont très occupées, il faut que quelqu’un les aide, et le petit chien sait faire plein de trucs : le ménage, la cuisine, et tenir la maison. Il s’occupe de toutes les tâches ménagères qui prennent beaucoup de temps pour laisser les fées faire leur travail. E : Pourquoi tu dis que Sofia est différente ? C. P. : « Différente » c’est comme « normale », cela ne veut pas dire grand-chose. Mais, l’idée, c’est que Sofia a le droit de changer d’apparence, de s’habiller comme elle veut, d’être qui elle a envie d’être. Plutôt que de se dire « je suis normal », tout le monde devrait se dire « je suis différent ». Idéalement, le mot « différent » pourrait remplacer le mot « normal ». Sous les paupières de Claire Pommet et Pauline de Tarragon (La ville brûle, 48 p., 16 €) PROPOS RECUEILLIS PAR ELLIE, LISA, MILÉNA ET ANSELMO (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) Photographie : Ines Ferhat pour TROISCOULEURS

« Attention, pour parler de ce film, je vais grave vous spoiler ! Au début, j’ai cru que c’était une histoire avec des agents secrets, mais en fait c’est l’histoire d’un enfant qu’on a enfermé dans une sorte de monde parallèle : c’est un décor avec des acteurs, pour faire croire à Truman qu’il est sur la terre ferme alors qu’on le filme pour faire une série. C’est quand même horrible de se rendre compte que tout le monde te ment. Mais il se rend compte que c’est faux, parce qu’il voit que tout tourne en boucle autour de lui. Bon, moi aussi j’ai des choses qui se répètent tout le temps… Mais, je sais que ma vie est vraiment

vraie. Déjà, je sais au fond de moi que mes parents ils m’aiment pour de vrai, alors que Truman il se doute d’un truc avec sa femme qui est vraiment horrible. Ensuite, j’ai voyagé dans d’autres pays, alors que Truman il reste sur son île. Et puis, je sais que je suis pas dans un faux monde comme Truman, parce qu’on me fait faire une critique de cette histoire. » The Truman Show de Peter Weir, Ciné Sorbonne (1 h 42), ressortie le 15 juin PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN DUPUY


On ne nait pas herOs, On le devient.

©2022 Disney/Pixar

le 22 JUin aU CineMa


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« Peter von Kant » <----- Cinéma

Dans Peter von Kant, Isabelle Adjani apparait pour la première fois chez François Ozon. Elle y joue le rôle de l’ex-actrice fétiche d’un grand réalisateur, alter ego de Rainer W. Fassbinder – qui signait Les Larmes amères de Petra von Kant en 1972, dont s’inspire ici Ozon. L’adulation et l’abandon, l’actrice française les a expérimentés tout au long de sa carrière, avec François Truffaut dans le tragique L’Histoire d’Adèle H. en 1975, Andrzej Żuławski en 1981 dans le dément Possession, ou encore Bruno Nuytten dans le méta Camille Claudel en 1988. Depuis ces rôles indélébiles, l’actrice aux yeux bleus perçants et au magnétisme hors norme a pris de la distance par rapport à ce statut de muse. Dans l’intimité d’un café parisien, la star s’est longuement livrée sur son rapport à l’image. Entretien-fleuve. PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ

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Qu’est-ce qui vous a plu, dans le rôle proposé par François Ozon ? La symbolique de l’idéal féminin adoré et détesté chez Rainer W. Fassbinder, revu et à peine corrigé par François Ozon. Et puis j’aime bien l’obsession d’un metteur en scène pour un autre. C’est drôle, parce qu’Ozon est tout le contraire de ce qu’était Fassbinder. Il y a quelque chose de mystérieux dans son engouement pour ce cinéaste, il connaît vraiment bien sa vie et sa carrière. Lui qui est si rigoureux, je me demande où, dans quelle cachette intime, il place ce chaos-là, celui de la vie et de l’œuvre de Fassbinder… François Ozon m’avait proposé plusieurs films auparavant, que j’avais refusés. Pour Peter von Kant, je me suis dit que c’était le moment. Même si mon personnage a peu de scènes, cette actrice existe même quand elle n’est pas là. Il y a cette espèce de présence, presque d’emprise sur le héros, au-dessus de son lit, de sa sexualité, de son imaginaire. Pourquoi n’avez-vous pas tourné plus tôt avec François Ozon ? Je l’avais rencontré il y a très longtemps, peutêtre vingt ans, mais il ne me regardait pas comme moi ; il me regardait comme une actrice d’un film de François Truffaut qui l’avait marqué, L’Histoire d’Adèle H. [qui ressort en version restaurée le 3 août, ndlr]. Il me posait beaucoup de questions sur Truffaut. Je crois qu’il se vit – à juste titre – comme un de ses héritiers. Plus récemment, on avait presque eu une engueulade, il m’avait dit : « Mais qu’est-ce que vous faites ? Pourquoi vous tournez si peu ? Pourquoi vous me refusez ? » Je lui avais répondu : « Mais parce que, votre désir, il n’exprime pas du désir. Je ne ressens pas cet élan. » Pour Peter von Kant, ça m’a semblé différent. Il m’a dit qu’en tant qu’actrice j’apportais du mystère. Je sentais qu’il avait besoin de ça dans son film et, ça, j’étais absolument prête à le lui apporter. Vous aviez déjà joué avec Hanna Schy­gulla dans Antonieta de Carlos Saura, tourné au Mexique en 1982. Quel souvenir gardez-­ vous de cette collaboration, alors que vous ne partagiez qu’une seule scène ? J’avais revu des archives du premier film de Fassbinder, L’amour est plus froid que la mort, en 1969. Hanna Schygulla ressemblait à un personnage warholien, elle était très Edie Sedgwick [actrice et mannequin américaine, égérie d’Andy Warhol dans les années 1960, ndlr] dans son allure. Elle avait

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Cinéma -----> « Peter von Kant »

encore ça quand on avait tourné ensemble. Manque de pot, Antonieta était un vrai gâchis. Je voulais m’en aller de ce tournage, qu’un camion mexicain m’écrase ! Pourtant, le sujet du suicide de cette femme était intéressant. Je ne sais pas ce qui s’est passé chez Carlos Saura.

« François Truffaut, je ne savais pas que j’étais sa muse. » C’était comment, de retrouver Hanna Schygulla sur le plateau de Peter von Kant ? Ça a été très vite, parce que François Ozon tenait à tourner presque aussi rapidement que Fassbinder. J’avais été stupéfaite de la revoir dans le précédent film d’Ozon, Tout s’est bien passé ; en passeuse vers la mort, en plus ! [Le personnage joué par l’actrice allemande y aidait le personnage d’André Dussollier à mettre fin à ses jours, ndlr.]

Sur le plateau de Peter von Kant, je dirais qu’elle était très berlinoise. Elle avait une espèce de force tranquille, comme si elle était là moins en tant qu’actrice que pour ce que ça représente, comme si elle disait : « Je sais qui je suis, je connais ma voix, la vibration de ma présence, et je permets à François Ozon de l’emprunter. » Ça donne une distance. J’ai dû m’empêcher pendant le tournage de la regarder comme une actrice qui représente tout un cinéma, une époque et une vie de société qu’on a seulement connue de façon fictionnelle. Je n’ai pas pu parler avec elle, et je pense que ça l’aurait dérangée que je lui impose un désir de conversation. Je suis restée observatrice et fan. Comme François, d’ailleurs. On accueillait une légende. Dans le film, vous jouez la muse d’un grand réalisateur. Comment vous situez-vous par rapport à ce statut ? J’adore cette vision de la muse, qu’un metteur en scène se laisse prendre par une actrice, et de façon fidèle. C’est quelque chose que je regrette de ne pas avoir vécu comme on avait voulu le faire avec Bruno Nuytten [réalisateur et chef opérateur avec lequel Isabelle Adjani a entretenu une relation amoureuse pendant plusieurs années et avec qui elle a eu un premier fils, Barnabé, en 1979, ndlr] après Camille Claudel.

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Vous l’avez tout de même été pour Bruno Nuytten sur ce film, en 1988, et pour François Truffaut sur le tournage de L’Histoire d’Adèle H., en 1975, non ? Oui ! Mais, pour Truffaut, je ne savais pas que j’étais sa muse. Quand vous avez 1920 ans, vous ne pouvez pas comprendre que quelqu’un vous regarde comme si vous faisiez exister son cinéma de façon qu’il pense qu’il ne pourrait pas le faire sans vous. C’est impossible de se proposer à soi-même cet état d’être. Avec Bruno, ça s’est arrêté malgré lui, malgré moi, malgré nous, parce qu’il a fait ce qui s’appelle un suicide artistique. Je crois que c’est un traumatisme définitif pour moi. On avait imaginé des portraits de femmes… mais ça ne s’est pas fait. J’ai toujours eu beaucoup de tendresse pour les couples de cinéma metteur en scène-actrice – qui sont souvent des couples dans la vie d’ailleurs, pour un temps au moins. André Téchiné s’est choisi Catherine Deneuve… je trouve ça très beau, cette espèce de confiance, même s’il y a de la défiance, cette façon d’appartenir à l’univers de l’autre, qui ne se lasse pas de vous. Il n’y a pas d’abandon. Vous allez reprendre cet été au théâtre Le Vertige Marilyn, dans lequel le metteur en scène Olivier Steiner imagine un dialogue entre vous et Marilyn Monroe en reprenant

des passages de vos interviews respectives. Que représente cette actrice mythique pour vous ? Pour moi, c’est Norma Jeane qui a réussi à s’en sortir. C’est ça qui me touche, sans misérabilisme. Il y a ce parcours de famille d’accueil, d’abus, jusqu’à l’abus sexuel… Dans sa carrière, elle s’est mise en scène en proie, sans accepter de l’être réellement. J’ai souvent dit à Olivier Steiner (et je sais que c’est horrible de dire ça) : « Heureusement qu’elle n’a pas vécu trop longtemps, parce que je crois qu’elle n’aurait pas supporté de ne plus être ce qu’elle a voulu devenir. » Je pense qu’il y a certaines actrices pour lesquelles c’est comme ça. J’ai ce sentiment pour Françoise Dorléac. Elle avait déjà brûlé sa vie alors qu’elle n’avait que 25 ans quand elle est morte. Il y avait déjà quelque chose de carbonisé par la pulsion de vie. Je pense que la dégradation par le temps, les épreuves, tout ça aurait été intolérable pour ces actrices. Vous étiez une amie proche de l’écrivain et photographe Hervé Guibert. Il avait même écrit un scénario pour vous, Gemina, inspirée de votre vie, que vous n’avez finalement pas tourné. Qu’est-il arrivé à ce script ? C’est drôle, parce que je suis justement en train d’essayer de remettre la main dessus,


« Peter von Kant » <----- Cinéma

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parmi mes affaires. Si je fais un film en tant que metteuse en scène, je voudrais que ça soit celui-là. C’est quelque chose qui vous tente, la mise en scène ? Oh oui, souvent ! Mais je n’aime pas l’idée de travailler toute seule. C’est peut-être un manque de confiance en moi… Mais j’aimerais bien « faire avec », travailler en binôme. Pour le film qu’on a fait avec Josée Dayan sur Diane de Poitiers [téléfilm dont la diffusion est prévue sur France 2 dans le courant de l’année, ndlr], elle m’a fait un très joli cadeau. On s’est donné le pari de faire un film en deux parties, bicéphale, et elle m’a laissée collaborer artistiquement à toutes les étapes. Je suis fière de ça. On avait déjà commencé ce type de collaboration avec Bruno sur Camille Claudel. Mais j’ai toujours des scrupules, parce que je n’ai pas fait La Fémis, je suis très admirative de l’expertise technique de certains et certaines. En même temps, j’avais lu une interview d’Orson Welles qui disait : « Moi, je dis juste à mon directeur de la photo ce que je veux voir. » Je me demande comment ça peut être possible. C’est l’imposture qui me fait peur. Vous voudriez aussi jouer votre propre rôle dans Gemina ? Non, bien sûr que non ! Ça racontait l’histoire d’une actrice qui était dans l’empêchement,

qui vivait avec un directeur de la photo, et qui était persécutée par un producteur qui était lui-même l’amant d’une actrice qui vampirisait les rôles. Hervé a été témoin de tout ça. [Dans les années 1980, le patron de Gaumont, Daniel Toscan du Plantier, entretenait une liaison avec Isabelle Huppert, ce qui aurait, d’après Isabelle Adjani dans une interview à Libération en 2014, donné à Huppert le monopole des rôles intéressants de l’époque, ndlr.] Il a écrit sur ce désir de mort qui n’opère pas tel qu’il avait été organisé, même si la mort prend quand même à la fin : elle meurt assassinée au fond d’un autobus. C’est atroce. Dans le roman d’Hervé Guibert, À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (Gallimard, 1990), on comprend que votre amitié s’est étiolée quand vous êtes partie aux États-Unis, alors qu’il essayait de faire financer le film. Oui, il ne l’a pas bien vécu. Là, il s’est un peu posé en juge. Il n’avait pas tort sur le fond, mais il a été cruel sur la forme. Mais c’est ce qui se passe dans les rapports passionnels… C’est à ce moment-là que vous avez eu une relation avec Warren Beatty, aux ÉtatsUnis. Vous gardez quel souvenir de lui ? On ne m’a jamais posé cette question, c’est assez déstabilisant ! (Rires.) C’était à un moment où cet homme cherchait à se marier

– c’est très anglo-saxon ça, cette façon de se dire un jour : « Bon, finie ma vie de patachon, ma vie de garçon, maintenant il faut que je me pose ! » Il voulait me faire tourner. Il y a eu Ishtar [comédie d’Elaine May sortie en 1987, pour lequel Warren Beatty avait choisi Isabelle Adjani comme partenaire, ndlr], ensuite j’ai refusé Dick Tracy [adaptation de la BD éponyme réalisée et jouée par Warren Beatty, sortie en 1990, avec Madonna, ndlr]. Étrangement, c’est quelqu’un qui veut faire tourner les actrices dont il est amoureux, mais en même temps veut les empêcher de tourner. Je me souviens que, à ce moment-là, mon ami Adrian Lyne voulait que je fasse Liaison fatale [sorti en 1988, avec Michael Douglas et Glenn Close, ndlr], et que Warren m’a convaincue de ne pas le faire. C’était typiquement le genre de relation dans laquelle vous finissez par appartenir au metteur en scène-producteur avec lequel vous vivez une histoire. C’est là que je suis revenue à moi. Je suis revenue en France, il y a eu l’histoire de la rumeur du sida, qui était complètement aberrante [la rumeur la disait atteinte de ce virus, voire morte, ce qu’elle est venue démentir au journal de TF1 de Bruno Masure le 18 janvier 1987, ndlr], et qui a été aussi le propulseur de notre volonté, à Bruno et moi, de rendre justice à une artiste, que ce soit elle ou que ce soit moi, en se mettant à préparer Camille Claudel.

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En 2019, dans Les Inrocks, vous avez soutenu le témoignage d’Adèle Haenel qui accusait le réalisateur Christophe Ruggia d’attouchements et de harcèlement sexuel alors qu’elle était adolescente. Il y a eu ensuite son départ des Césars après la remise d’un prix à Roman Polanski, plusieurs fois accusé et condamné une fois pour abus sexuel sur mineures, avec qui vous aviez tourné dans Le Locataire, en 1976. Comment vous situez-vous par rapport à ce geste d’« on se lève et on se casse », comme l’a appelé Virginie Despentes par la suite ? Je l’ai pris pour ce que c’était, un moment sans artifice. Ça ne va pas être politiquement correct de dire ça, mais c’est comme le geste de Will Smith [monté sur scène aux derniers Oscars pour gifler le présentateur Chris Rock, qui venait de faire une blague sur une maladie dont souffre l’épouse de Will Smith, Jada Pinkett, ndlr]. Je ne le prends pas mal non plus. Ce geste d’Adèle Haenel, je ne l’ai pas vécu comme une exclusion de Polanski, une mise à mort de son être artistique. Et puis, le problème de Polanski, c’est qu’il ne sait pas dire « excusez-moi ». Peut-être que c’est quelque chose qui le met en danger, qu’il a peur que ça l’annule. Ça se respecte. Le Locataire a été le premier film qu’il a fait en France, après son éviction des États-Unis. Ce projet, on sentait que c’était vraiment une expression de

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© Giff/fanbovet

Cinéma -----> « Peter von Kant »

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son cauchemar, celui qu’il vivait. En même temps, j’ai très mal vécu ce tournage. Il y a notamment une scène à l’hôpital où je me penche sur une femme dont on ne sait pas si elle est tombée par la fenêtre ou si on l’a assassinée. C’est un moment d’émotion très fort. Sur le plateau, Roman s’est mis en concurrence avec moi. Je l’ai vu comprendre que j’avais travaillé mon état, que je m’étais préparée douloureusement pour la scène, et

rorisée. Sven Nykvist [directeur de la photo qui a beaucoup travaillé pour Ingmar Bergman, ndlr] tentait de me réconforter sur le plateau. Pour en revenir au geste de Will Smith, je trouve ça incroyable cette façon de puritaniser absolument toute action un peu en marge, un peu punk. Parce qu’il file une claque à l’autre, on va le rayer de tout ? C’est terminé, on le déclasse définitivement ? Quel cauchemar ! Peut-être qu’il aurait mieux fait

« La vie qui surgit et fout le bordel dans le cérémonial, ça me touche. » il retardait les choses sans cesse. Il me disait : « Qu’est-ce que tu as besoin de te mettre dans cet état-là ? » Mais ce n’était pas moi qui en avait besoin : c’était le personnage ! la situation ! Pour lui, sur la question de l’altération des états, il suffisait de se claquer un poppers sous le nez. J’étais malheureuse, ter-

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de prendre un Xanax avant d’y aller, c’est sûr. Mais bon. C’est tout à coup la vie qui surgit et fout le bordel dans tout ce cérémonial. Moi, ce geste me touche. Je préfère ça à la bonne conduite. Et Adèle, c’est la même chose, c’était comme une électrocution liée à son post-trauma.

Adèle Haenel vient justement de déclarer dans le journal italien Il manifesto que, à l’exception de Céline Sciamma, elle ne voulait plus tourner qu’avec des jeunes réalisateurs. C’est quelque chose qui vous parle, cet engagement par la sélectivité des rôles ? Je trouve ça super, parce que ça vient défoncer la notion de carrière. Je n’ai jamais aimé cet établissement des choses. En général, on ne comprend pas pourquoi une actrice n’a pas tourné avec machin. « Et sa carrière américaine, pourquoi ça n’a pas pris ? » Bin mon vieux, parce que ça n’allait pas dans ma vie ; parce que j’étais désespérée ; parce que ce n’était pas possible ; parce que mes parents étaient en train de mourir ; parce que mon frère était toxico et que je m’en occupais ! C’est tout, c’est comme ça. Ça m’appartient, je n’appartiens au désir de personne. Il faut désintoxiquer la norme. Quand je lis ou que j’entends ce qu’a déclaré Adèle, ça me soulage. Je me dis : « Pas besoin de prendre de la chimie ! » C’est comme l’homéostasie, c’est le corps qui se répare tout seul. C’est l’impression de réparer ce qu’a produit la carrière imposée par l’imaginaire des autres, par leur attente. Vous avez bâti la première partie de votre carrière sur des rôles de femmes intenses,

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torturées, qui sombrent souvent dans la paranoïa voire la folie (Mortelle randonnée, Possession, Camille Claudel…). Depuis quelques années, vous avez opté pour des rôles plus lumineux, parfois comiques (Le monde est à toi, un épisode de la série Dix pour cent…). Ce basculement, c’était conscient ? Oui. En même temps, entre les deux, il y a eu un passage où j’étais en guerre avec mon corps. Il ne pouvait plus exister au cinéma pour exprimer un féminin attirant. C’était un moment de souffrance. Je crois que j’ai fait un rejet saboteur des rôles que j’aurais pu faire, comme si je disais : « Ne venez plus me donner des choses, je ne sais pas pourquoi je ne veux plus les faire mais je ne peux pas ! Regardez comment je suis, vous ne pouvez pas m’utiliser comme ça. » Ce qu’on ne pouvait plus utiliser de façon cinégéniquement aphrodisiaque, je l’ai utilisé pour faire oublier justement cette image, et pour me mettre au service d’autre chose. Comme avec La Journée de la jupe [de Jean-Paul Lilienfeld, 2009, dans lequel elle incarnait une prof de collège au bord de la dépression nerveuse qui prenait sa classe en otage, ndlr] et avec Carole Matthieu [de Louis-Julien Petit, 2016, où elle campait une médecin du travail tentant d’alerter sa hiérarchie sur les techniques managériales écrasantes, ndlr]. Ça me sou-


« Peter von Kant » <----- Cinéma

Critique

ART HOUSE FILMS PRÉSENTE

EN LEUR HONNEUR

Relecture des Larmes amères de Petra von Kant de R. W. Fassbinder (1972), l’enlevé Peter von Kant porte lui aussi une réflexion sur les rapports de pouvoir autant qu’il se fait hommage au maître allemand et aux grandes actrices. Tout est là : le lit douillet sur une estrade, le tapis à poils longs, le téléphone gris à la sonnerie stridente, l’alcool, les larmes, le drame. C’est presque le même appartement que dans le film de 1972, sauf que la torturée – et démiurge – Petra (Margit Carstensen) est ici Peter (excellent Denis Ménochet), que Marlene, l’assistante-­ esclave muette, devient Karl (Stefan Crepon, hilarant de mimétisme avec Irm Hermann), et que Karin (Hanna Schygulla), la jeune modèle objet de désir, devient Amir (Khalil Gharbia). François Ozon relit ce classique au masculin pour faire un portrait amoureux de R. W. Fassbinder et de son œuvre. À Cologne, Peter von Kant, au seuil de ses 40 ans, est un cinéaste reconnu en pleine crise. Lors de la visite de son actrice et amie Sidonie (Isabelle Adjani, impériale), il rencontre le protégé de celle-ci, le jeune et ambitieux Amir, qui accepte vite d’emménager chez Peter… Cette étude des rapports de pouvoir dans un couple avec un grand écart d’âge évoque un autre chef-d’œuvre de Fassbinder, Tous les autres s’appellent Ali, dans lequel une veuve allemande entretenait une relation avec un immigré marocain plus jeune qu’elle, joué par El Hedi Ben Salem, l’un des amants de Fassbinder – et qui donne ici son patronyme à Amir. Entrelaçant vie réelle, films et vie fantasmée, François Ozon impulse énergie et humour à ce huis clos à l’origine versé dans la mélancolie. La veine mélodramatique, c’est la présence de deux reines qui l’apporte : Isabelle Adjani, en égérie déchue, et Hanna Schygulla, qui revient hanter cette histoire en tant que mère de Peter/Fassbinder. TIMÉ ZOPPÉ

UN FILM DE

AKIKO OHKU

SORTIE LE 20 JUILLET juin 2022 – no 189

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Cinéma -----> « Peter von Kant » lage de voir des jeunes femmes ne pas passer par cette autodestruction pour dire ce qu’elles veulent et ce qu’elles ne veulent pas. Moi, je ne suis pas d’une génération qui me permettait de le faire facilement. Qu’est-ce qui vous a guidée vers cette façon de réfléchir à votre image ? La psychanalyse est passée par là ! J’ai commencé le jour où je me suis dit « je vais mourir », il y a une bonne vingtaine d’années. Ça a été essentiel. D’ailleurs, il faut que j’invite mon ancien psy à voir Le Vertige Marilyn, parce que c’est une pièce qui est faite pour les psychanalystes. Dans le film de Nicolas Bedos [Mascarade, présenté hors Compétition à Cannes cette année et en salles le 1er novembre, ndlr], c’est un peu ça aussi. Je joue une actrice, comme dans le film de François Ozon, mais cette fois vraiment odieuse. J’espère que c’est drôle tellement elle est infecte. En 2007, Florence Foresti vous avait parodiée dans l’émission On n’est pas couché. Comment vous l’aviez vécu ? Très bien, j’avais adoré ! Florence est extraordinaire. Je jouais Marie Stuart au théâtre à ce moment-là, je me souviens qu’une femme était venue dans ma loge après une représentation et m’avait dit : « Oh, quand même, Florence Foresti exagère ! » Je lui avais répondu : « Vous voulez rire ? C’est merveilleux, quelqu’un qui vous

aime et qui l’exprime avec un humour si bienveillant ! » J’étais morte de rire. Ils étaient arrivés à lui faire un costume identique au mien, en plus. En 2018, vous annonciez aux Inrocks que vous alliez tourner dans un film de Virgi­ nie Despentes l’année suivante, portant sur

vingt ans de moins qu’elle et était le meilleur ami – pour ne pas dire l’« amant » – de Maurice, tout simplement parce qu’elle ne voulait pas être séparée de son fils. Donc… ça envoie du bois ! Il va falloir être en forme pour tourner ça… D’ailleurs, comme disait Catherine Deneuve : « Même pour jouer la fatigue, il faut être en forme. »

« J’ai eu un passage où j’étais en guerre avec mon corps. » un épisode de la vie de Maurice Utrillo et de sa mère, Suzanne Valadon. Où en est ce projet ? Virginie l’a coécrit avec Santiago Amigorena. Il était envisagé qu’elle le mette en scène avant de se rendre compte que ce n’était pas pour elle. On attend la bonne personne, mais on va le faire ! C’est un trio infernal, avec cette mère et son fils, tous deux peintres, et leurs rapports avec André Utter, l’homme qui vendait leurs tableaux. Suzanne s’est mariée avec Utter, qui avait

Votre compte Instagram est très vivant, on peut voir des selfies de vous avec le chanteur Eddy de Pretto, des petits textes inédits, des vidéos drôles sur le tournage de Diane de Poitiers… Qu’est-ce qui vous plait, dans la mise en scène de soi sur les réseaux ? Alors, la mise en scène de soi, non ! Je parlerais plutôt de mise en existence de ce qui peut toucher ou plaire ou avoir un sens. Mais c’est dangereux pour les personnes sujettes à la dysmorphie, à la remise en

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question de son identité, ce phénomène qui touche surtout les ados. Comme j’ai dit récemment à mon plus jeune fils [GabrielKane Day-Lewis, né en 1995 de sa relation avec l’acteur Daniel Day-Lewis, ndlr] : tout ce qui te met en valeur de cette façon-là, avec cet artefact-là, peut tuer. Il a enfin réussi à modérer – j’espère que ça sera pérenne – cette façon de se mettre en scène. C’est comme une libido de la vie qui arrive, et puis ça finit en priapisme. Ça, ça me fait complètement flipper. Après, il y a des gens qui font des choses incroyables. Je viens de voir une petite vidéo, des scènes de mes films montées par un ou une fan, ça s’appelle « Tribute to Isabelle Adjani », je n’en revenais pas. Ça m’a permis de me dire : « J’ai fait tout ça ? Bin c’est pas mal, hein… » Ça m’a fait très plaisir. Certaines personnes, sur les réseaux, de temps en temps, sortent une photo de vous dont vous ne vous souvenez pas, et ça me touche. Ce n’est pas obscène, quoi. Peter von Kant de François Ozon, Diaphana (1 h 25), sortie le 6 juillet

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François Truffaut et Isabelle Adjani sur le plateau de L’Histoire d’Adèle H. (1975) © Bernard Prim – Collection Christophel

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Camille Claudel de Bruno Nuytten (1988) © Les Films Christian Fechner/Lilith Films I. A. – Collection Christophel

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Isabelle Adjani, Sven Nykvist et Roman Polanski (qui regarde dans la caméra) sur le plateau du Locataire (1976) © Bernard Prim – Collection Christophel

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Isabelle Adjani et Denis Ménochet dans Peter von Kant © Carole Bethuel – FOZ


« Peter von Kant » <----- Cinéma

Filmo

DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE

Isabelle Adjani a bâti sa légende en incarnant comme personne des femmes irrésistibles et torturées, avant d’opérer un virage vers des rôles plus méta, drôles ou engagés. Traversée en dix films. • T. Z.

1975

1974

L’Histoire d’Adèle H.

La Gifle

de François Truffaut

de Claude Pinoteau

L’année suivante, François Truffaut a le coup de foudre et la choisit pour jouer Adèle Hugo, la fille du célèbre écrivain, perdue dans une obsession amoureuse pour un lieutenant anglais. Sur le plateau, Adjani, 19 ans, résiste à Truffaut, 44 ans, lui-même perdu dans une obsession pour elle.

Si elle a fait ses premiers pas au cinéma quatre ans plus tôt dans Le Petit Bougnat de Bernard Toublanc-Michel, c’est dans le film générationnel La Gifle qu’Adjani explose en ado intense qui se rebelle contre l’autorité de son père, un célibataire bourru (Lino Ventura).

1981

Possession

d’Andrzej Żuławski

Subway

de Luc Besson

La folle cavale d’un détective (Michel Serrault) et de la jeune meurtrière (Isabelle Adjani) qu’il est censé filer mais qu’il confond progressivement avec sa fille disparue. Le scénario (écrit par les Audiard, père et fils), aussi poignant que délirant, offre à Adjani un rôle d’écorchée vive à multiples facettes.

1983

de Bruno Nuytten

1988

La Reine Margot

de Romain Gavras

1994

de Patrice Chéreau

2009

En 2018, on la découvre dans le rôle le plus drôle de sa carrière sur grand écran, en mère outrancière et castratrice d’un petit dealeur (Karim Leklou) qui tente un gros coup en Espagne. Elle prouve qu’elle excelle aussi dans le registre comique et que l’autodérision lui sied comme un gant.

2018

de Jean Becker

Dans ce film d’époque théâtral et sanglant, Adjani campe la fille de Catherine de Médicis, prise dans les intrigues de cour à la veille du massacre de la Saint-Barthélemy. Un rôle baroque qui vaut à l’actrice son quatrième César (après ceux obtenus pour Possession, L’Été meurtrier et Camille Claudel).

Après deux ans aux États-Unis, elle retrouve la France et Bruno Nuytten pour adapter la biographie de la sculptrice Camille Claudel, collaboratrice et amante d’Auguste Rodin. Encore un immense rôle pour Adjani, qui interprète viscéralement cette artiste de génie… qui finit à l’asile.

Le monde est à toi

L’Été meurtrier La même année, elle crève l’écran en bimbo qui enflamme un village provençal, rôle que Jean Becker a écrit pour elle, mais qu’elle a hésité à accepter en raison des scènes de nu. Son personnage révèle une noirceur et une profondeur vertigineuses – et finit par sombrer, là encore, dans la folie.

En 1985, Adjani endosse un rôle qui marqua les esprits cette fois moins pour sa complexité dramatique que pour son style dark unique : cheveux relevés en crête et robes gothiques, elle plonge avec panache dans le métro où se planque le héros et dans l’univers futuristo-punk de Luc Besson.

Camille Claudel

1983

de Claude Miller

Le cinéaste polonais donne un rôle dément à Adjani, qui avoua vingt ans après regretter de l’avoir joué tant il était éprouvant. Dans sa partition la plus sombre, elle campe l’épouse d’un homme jaloux et disjoncte – notamment dans une scène de métro hallucinante – dans un Berlin dissocié par le Mur.

1985

Mortelle randonnée

La Journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld

Après dix ans de discrétion au cinéma, elle revient dans un rôle choc : celui d’une prof de lettres qui pète un plomb et prend sa classe de collégiens en otage. Délestée de l’injonction à la séduction, Adjani amorce un virage vers des rôles plus politiques. Et empoche son cinquième César.

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S E N N CA

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Cannes 2022 <----- Cinéma

EIGHTIES © 2022 Focus Features

NO FUTURE © Coproduction Office

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Le 28 mai dernier, le jury du 75e Festival de Cannes, présidé par Vincent Lindon, décernait une deuxième Palme d’or à Ruben Östlund pour sa farce Sans filtre. Le Festival a signé son grand retour, entre nouvelles têtes, grandes œuvres, films punk et pépites déstabilisantes. Résumé en cinq mots clés.

Sans filtre de Ruben Östlund

Armageddon Time de James Gray

Comment interpréter ce nihilisme ? Cette année, même les cinéastes les plus humanistes ont versé dans le désespoir, à l’image des frères Dardenne qui nous ont bouleversés mais aussi malmenés avec Tori et Lokita (Compétition), film terrible sur l’importance vitale qu’il y a à naturaliser les mineurs étrangers. Le Suédois Ruben Östlund, qui nous avait confié, pour son film précédent, que la limite qu’il refusait de franchir était de tuer un de ses personnages, passe allègrement la barrière avec Sans filtre (Compétition), farce anar au ton féroce à la Dino Risi, qui a valu au cinéaste sa deuxième Palme. Mais, face au désenchantement, le cinéma peut aussi constituer un dernier recours. Dans How to Save a Dead Friend (ACID), la Russe Marusya Syroechkoskaya fait le deuil d’un grand amour mort d’addiction aux drogues, grâce à un montage de vidéos intimes et punk, chroniquant en fond la violence du pouvoir de Vladimir Poutine. Dans Feu follet (Quinzaine des réalisateurs), son ode folle et musicale à la gayness, le Portugais João Pedro Rodrigues jette, lui, les désordres de l’époque (Covid, crise climatique, postcolonialisme…) dans le brasier ardent allumé par son héros, héritier du trône du Portugal devenu pompier à la sexualité insatiable. Punk attitude.

On ne s’en cache pas, on est fans des eighties. Pas forcément celles de Michel Sardou, plutôt celles de The Sugarhill Gang. Le célèbre groupe de hip-hop fait partie de la sublime B.O. d’Armageddon Time de James Gray (Compétition), un de nos plus grands coups de cœur cannois, qui revisite avec sensibilité l’enfance du cinéaste américain dans le Queens. Magistral, le film porte à l’écran toute la grandeur et la décadence de l’époque, qui fait étrangement écho à la nôtre – on y croise l’affreux père de Donald Trump ; on rêve d’espace avec les deux gamins héros du film, et on pense aux milliardaires américains qui rivalisent en ce moment même pour le conquérir. Cette outrance typique des années 1980, on l’a aussi retrouvée avec Top Gun. Maverick (hors Compétition), suite jouissive du blockbuster de Tony Scott sorti en 1986. Une ambition démesurée, un immense plaisir visuel (et un Tom Cruise à la plastique intacte)… Le film nous a fait virevolter en appuyant sur le bouton « nostalgie » en permanence. Autre ambiance, même pouvoir de réactivation : Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi (Compétition), qui nous plonge dans la folle aventure collective qu’elle a vécue au Théâtre des Amandiers (fondé par Patrice

JOUR 1.

Arrivés à Cannes, pas le temps de niaiser : on attaque avec la première projo mondiale de La Maman et la Putain, chef-d’œuvre tourmenté de Jean Eustache, et la cérémonie d’ouverture avec le discours inattendu et très émouvant de Volodymyr Zelensky, avant de lâcher la bride devant la comédie zombie Coupez ! de Michel Hazanavicius.

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JOUR 2. Dès 7 heures du mat’,

on rafraîchit frénétiquement le site de la billetterie pour trouver une place pour When You Finish Saving the World, premier long de l’acteur Jesse Eisenberg (verdict : génial). Le soir, on fait le plein de testo avec Tom Cruise et son Top Gun. Maverick, cueillis à la sortie par un show de la patrouille de France.

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Cinéma -----> Cannes 2022

Moonage Daydream de Brett Morgen

Cette année a été celle de la grande désorientation. Les cinéastes ont transcrit notre perte de repères face aux maux du monde en inventant des labyrinthes tous plus fous et inextricables. Avec l’incroyable Pacifiction. Tourment sur les îles (Compétition), Albert Serra fait sourdre la menace nucléaire à Tahiti, en suivant un haut-commissaire de la République (Benoît Magimel) complètement déphasé. Avec lui, on arpente l’île, qui devient peu à peu un enfer de paranoïa, une boîte de nuit géante où des figures déliquescentes s’agitent, impuissantes. Dans le remuant Retour à Séoul (Un certain regard), Davy Chou traduit la quête d’identité de son héroïne Freddie (révélation Park Ji-min, lire p. 14), partie à la rencontre de ses parents biologiques, en Corée du Sud, par sa manière de filmer l’espace. Freddie tâtonne et remodèle ellemême son environnement, comme pour aller au-devant de ses peurs. Même flottement dans Decision to Leave de Park Chan-wook

ENTRAILLES

treprise de tech à concevoir des fauteuils pour aider le transit. Gros problèmes intestinaux aussi du côté des passagers ultrariches du yacht de Sans filtre de Ruben Östlund. Un dîner a lieu en pleine tempête et transforme la croisière paradisiaque en enfer : fruits de mer, alcool, gelées douteuses et houle fiévreuse ne font pas bon ménage dans les estomacs des bourgeois, qui se mettent à vomir et déféquer partout. Comme quoi, ramenés à nos fonctions élémentaires, on est bien tous égaux. Mais on n’avait surtout jamais vu l’intérieur du corps comme dans le docu De humani corporis fabrica (Quinzaine des réalisateurs). Véréna Paravel et Lucien Castaing-­Taylor nous immergent dans des hôpitaux de France et filment au plus profond de nos entrailles. Ils en tirent un brillant essai visuel, abstrait et hypnotique, doublé d’une passionnante étude anthropologique.

ENFANTS © Mobra film

© D. R.

DÉDALES

(Compétition, Prix de la mise en scène) dans lequel un détective (Park Hae-il) enquête sur un meurtre, tandis que ses insomnies rendent l’investigation confuse, comme un rêve éveillé aux multiples mirages et chausse-trapes. Clément Cogitore, lui, nous a impressionnés en cartographiant dans Goutte d’or (Semaine de la critique) le XVIIIe arrondissement de Paris tout en ombres et en mysticisme, sans pour autant être dans le fantasme, et surtout en n’oubliant pas d’être politique. Enfin, dans son documentaire psyché Moonage Daydream (Séance de minuit), Brett Morgen nous perdait dans l’esprit visionnaire de David Bowie à travers un montage éclaté, comme une aventure sensorielle mêlant archives, animation et sons inédits. Bizarrement, on n’a pas du tout envie de retrouver notre chemin.

© Les Films du Losange

Chéreau, impeccablement incarné par Louis Garrel), alors qu’elle n’était encore qu’une jeune apprentie comédienne de 20 ans. Passion amoureuse toxique, appétit vorace du jeu, tragédie du sida : on a été emportés par l’ampleur romanesque du film. Les années 1980 ne nous ont jamais paru aussi proches.

De humani corporis fabrica de V. Paravel et L. Castaing-Taylor

Rarement une édition cannoise aura été aussi versée dans l’introspection… au sens le plus littéral. David Cronenberg nous a servi sur un plateau les organes de Viggo Mortensen dans Les Crimes du futur (Compétition), dans lequel l’acteur américano-danois interprète un body artist qui se fait tatouer puis enlever des tumeurs par sa collaboratrice (Léa Seydoux). Dans ce futur inquiet, l’appareil digestif humain mute, ce qui a poussé une grande en-

R.M.N. de Cristian Mungiu

Beaucoup de films ont fait la part belle à la puissance secrète des enfants. Dans l’incandescent Nos cérémonies de Simon Rieth (Semaine de la critique), ce sont deux frères qui sont touchés par une grâce morbide : l’un peut ressusciter l’autre à l’infini, figurant un hommage inédit à l’amour fraternel. Frères de cœur ou amoureux ? C’est la question qui

tendait la relation entre les deux héros de Close de Lukas Dhont (Compétition, Grand Prix), deux jeunes garçons inséparables soudain confrontés au regard jugeant de leurs camarades de classe. À la Semaine de la critique, le court métrage Hideous de Yann Gonzalez travaillait le thème de l’homosexualité dans l’enfance, dans une veine moins mélo mais très libératrice, en montrant un petit garçon admirer à la télé la prestation monstrueuse et flamboyante du chanteur Oliver Sim et son baiser à un présentateur, sous le sourire attendri de sa mère (Kate Moran). Il y eut aussi le regard de l’héroïne de Dalva d’Emmanuelle Nicot (Semaine de la critique), qui tente de changer de perspective sur son père abusif pour amorcer sa résilience ; celui de l’alter ego de James Gray dans son sublime Armageddon Time, qui refuse de voir le monde à travers les lunettes de la hiérarchie sociale ; celui du plus jeune garçon d’Un petit frère de Léonor Serraille, qui observe sa mère et son grand frère lutter avant lui pour trouver leur place en France ; celui du fils du héros dans R.M.N. de Cristian Mungiu, muet après avoir eu une vision traumatique dans la forêt de son village. Mais c’est peut-être dans Les Cinq Diables de Léa Mysius (Quinzaine des réalisateurs) que se trouvait l’enfant la plus forte : une petite fille dotée d’un odorat surpuissant, qui trouve comment s’en servir pour se projeter physiquement dans le passé de ses parents et épier leurs précédentes love stories, venant rebattre les cartes de son clan. Recomposition familiale, recomposition intérieure, mais aussi réagencement du passé et du futur : la 75e édition était pour le moins riche et porteuse d’ambitions. QUENTIN GROSSET, JOSÉPHINE LEROY, JULIETTE REITZER ET TIMÉ ZOPPÉ

1 Pacifiction. Tourment sur les îles d’Albert Serra

3 Un petit frère de Léonor Serraille 4 2 Armageddon Time de James Gray Cinquième fois en Compétition, La réalisatrice de Jeune femme (Caméra C’était notre Palme, ou Prix d’interprétation cinquième fois qu’il repart sans rien. d’or en 2017) nous a bouleversés avec ce pour Benoît Magimel. On y suit un Quelle injustice ! Notre chouchou James film ambitieux qui suit sur trente ans le commissaire de la République française Gray signait pourtant un grand film parcours d’une mère et de ses deux fils désorienté à Tahiti, filmé comme un enfer sur son enfance dans une famille juive arrivés en France à la fin des années 1980. dédaléen. Mais le film le plus libre et fou d’origine ukrainienne à New York. On lui Le voir au palmarès aurait été un beau de la Compétition est reparti bredouille. aurait bien décerné le Grand Prix. signe de renouveau.

JOUR 3.

Retour sur Terre avec Philippe Faucon et ses Harkis, sidérante chronique sur le recrutement puis l’abandon des harkis pendant la guerre d’Algérie.

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JOUR 4.

James Gray nous cloue avec Armageddon Time, grand film sur le racisme et l’antisémitisme aux États-Unis, B.O. à tomber, mise en scène ultrasensible. Voilà ce qu’on a twitté après la projection. Réaction d’un lecteur pas content : « Encore un chef-d’œuvre de gauche ! » Ça fait un bon slogan.

JOUR 5.

On voit la Palme (Sans filtre de Ruben Östlund), satire sur les ultrariches à base de selfies et de gros vomis sur un yacht. Après, on va manger une pizza, parce qu’on n’est pas des fragiles.

JOUR 6.

Au mitan du Festival, la fatigue des nuits ronge les jours (la veille, on assistait au DJ set de Jamie xx sur un rooftop avec Tilda Swinton). Ça nous met dans l’état propice pour recevoir le fascinant film de SF de David Cronenberg avec Viggo Mortensen et Léa Seydoux.

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© Amirhossein Shojaei

© Blue Monday Productions – France 3 Cinéma

© Les Films du Losange

© 2022 Focus Features, LLC

4 OUBLIÉS DU PALMARÈS

Leila et ses frères de Saeed Roustayi L’Iranien Saeed Roustayi (La Loi de Téhéran) n’aurait pas volé le Prix de la mise en scène. Il signe un film d’une ampleur tragique folle, avec une idée par plan et des scènes d’engueulades familiales d’anthologie. Impressionnant.

JOUR 7. On se prend en pleine face De

humani corporis fabrica, dans lequel Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor fouillent nos viscères (et on adore le kilt de Lucien en interview). On tombe sur Nicolas Sarkozy dans un palace alors que l’on cherchait la suite dans laquelle on devait interviewer Annie Ernaux. En soirée, on voit un cinéaste rouler des pelles à deux personnes simultanément avant de vomir dans une jardinière. On se demande si on n’a pas tout inventé.

JOUR 8.

Excellente surprise avec Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi, plongée exaltée dans l’école de théâtre de Patrice Chéreau, à Nanterre, dans les eighties.


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BESTIAIRE CANNOIS

TOURNAGE Pendant toute la durée du 75 e Festival de Cannes, plusieurs cinéastes présents se sont prêtés à une drôle d’expérience pensée par la réalisatrice Lubna Playoust, reprenant le dispositif imaginé par Wim Wenders en 1982 pour son documentaire Chambre 666.

DES ÂNES « Je veux remercier mes ânes… » Dans son discours, prononcé alors qu’il venait de recevoir le Prix du jury, Jerzy Skolimowski, 84 ans, a rendu hommage aux six animaux (Taco, Paula, Rocco, « l’incroyable Marietta ») qui se sont relayés pour camper le personnage principal de son film, le très punk Eo (Hi-Han) : un âne malmené par les humains qui part en fuite. DES CHIENS

« Le cinéma est-il un langage en train de se perdre, un art qui va mourir ? » Seuls face à une caméra dans une chambre d’hôtel de Cannes, réalisatrices et réalisateurs ont carte blanche pour répondre à cette question. En mai 1982, pour Chambre 666 de Wim Wenders, Jean-Luc Godard, Steven

La Palm Dog a cette année été décernée à Britney, le caniche femelle argenté de Beast de Riley Keough et Gina Gammell – l’histoire de deux garçons dans une réserve amérindienne, repartie avec la Caméra d’or. Notre Palm Dog perso, on la remet à un petit chien à collier de perles croisé entre deux projections, qui a semblé un peu nous mépriser, nous et nos visages en sueur.

Spielberg, Susan Seidelman ou encore Ana Carolina s’étaient prêtés au jeu. Un paradoxe en plein Festival de Cannes ? Pas tant que ça, puisqu’à l’époque les réflexions sur la menace que représentait la télévision pour le septième art allaient bon train. Cette question prémonitoire sur l’avenir du cinéma s’est même amplifiée face à la crise du Covid-19, à l’essor des plateformes et à la miniaturisation des écrans. S’interrogeant sur l’actualité de la question posée par Wim Wenders, la réalisatrice Lubna Playoust (Le Cormoran) a proposé au Festival de transposer le dispositif en 2022, quarante ans plus tard. Pour ce film, produit par MK Productions, en association avec le Festival de Cannes, des réalisatrices et réalisateurs tels que Kirill Serebrennikov, Claire Denis, Audrey Diwan, David Cronenberg ou James Gray ont répondu présent. Leurs témoignages donneront lieu à un nouveau documentaire. • Q. G.

UN PIGEON Kelly Reichardt a livré avec Showing Up un film simple et puissant, portrait d’une sculptrice (Michelle Williams) qui prépare une expo. Dans le film, son adorable chat roux attaque un pigeon. Alors qu’elle pense s’être débarrassée du corps, sa voisine le lui ramène le lendemain, et toutes deux se partagent la garde de l’animal convalescent. Pour lire tous nos articles sur Cannes, scannez le QR Code

3 BIFURCATIONS INATTENDUES 2 Annie Ernaux

1 Oliver Sim C’était l’une des plus belles surprises de la Semaine de la critique : Oliver Sim, chanteur et bassiste du groupe The xx, collaborant avec le cinéaste Yann Gonzalez pour Hideous, bijou d’horreur camp dans lequel le musicien se livre de manière bouleversante.

JOUR 9.

Dans le ciel cannois, ballet d’hélicos pour convoyer le plus grand nombre de stars jamais rassemblées sur la scène du Grand Théâtre Louis-Lumière, pour la séance du 75e anniversaire du Festival. À l’écran, L’Innocent de Louis Garrel, géniale comédie de braquage en province.

3 Louis Garrel

Notre écrivaine préférée vient au cinéma avec Les Années Super 8 (Quinzaine des réalisateurs), coréalisé avec son fils David Ernaux-Briot, à partir de ses archives Super 8. Un film-essai aussi modeste que bouleversant, dans lequel, avec sa fibre sociale, elle sonde ses souvenirs.

JOUR 10. Gros shot

d’audace avec Pacifiction. Tourment sur les îles d’Albert Serra, trip dément en Polynésie avec un Benoît Magimel au sommet. On finit au Vertigo (meilleure boîte de Cannes) avec un show drag sur le thème du ciné d’Almodovar, sûrement l’une des plus belles scènes de cette édition.

Dans le très drôle et rocambolesque L’Innocent, son quatrième long, qui respire l’amour du risque, Louis Garrel s’inspire du vécu de sa mère (la cinéaste Brigitte Sy) et étonne en s’emparant du film de braquage, auquel il mêle une histoire de marivaudage exaltée.

JOURS 11 & 12.

Claque de fin avec le très beau Un petit frère de Léonor Serraille. Retour à Paris pour mater à la télé la cérémonie de clôture et le sacre du Suédois Ruben Östlund, dont on a imité le cri victorieux (il était temps que ce Festival de Cannes se finisse).

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PORTFOLIO

CANNES REVIVAL On a laissé carte blanche au photographe Julien Liénard pour shooter son Festival de Cannes. Il a notamment pu constater que les stars les plus glamour étaient les caniches. Depuis quelques années, Julien Liénard nous accompagne à Cannes, en plus de prendre, le reste de l’année, la plupart des photos qui accompagnent nos interviews. Cette 75e édition était pour lui l’année du grand retour à la vie : « Je n’avais pas vu autant de monde depuis 2015-2016. Le Covid a fait redescendre les gens sur terre, j’ai trouvé l’ambiance plus bienveillante. » Dans cette agitation, il faut jouer avec l’urgence des shootings à réaliser en cinq minutes chrono. « À Cannes, il faut être souple, ça permet de se poser des questions différentes, de se réinventer. » Parmi les rencontres qui l’ont marqué cette année, Vincent Lacoste, « très pro, de bonne humeur, toujours une petite blague » ; le cinéaste catalan Albert Serra, « photographié à côté d’un parking, ça change du décor un peu imposé des plages ou des palaces » ; ou les enfants qui jouent dans Un petit frère de Léonor Serraille – « J’ai essayé de les faire rigoler, d’aborder l’exercice de manière plus ludique, car ça peut être un peu impressionnant pour eux. » Entre deux stars, Julien a aussi capturé les bizarreries de la Croisette, et surtout les chiens aux looks improbables qu’on y rencontre comme nulle part ailleurs. « Les personnes âgées laissent facilement leurs chiens se faire prendre en photo. En éditant mes photos, j’ai remarqué qu’un chien avait un blouson Festival de Cannes. Les maîtres sont souvent habillés avec des couleurs très flashy, ça donne un petit côté Miami de la Côte d’Azur. » Briller sur le tapis rouge, toujours une affaire de détail qui tue. • La rédac Photographies : Julien Liénard pour TROISCOULEURS

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Léa Mysius, réalisatrice des Cinq diables (Quinzaine des réalisateurs), photographiée le 24 mai sur la terrasse des bureaux de l’attachée de presse du film, Karine Durance

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Eden Dambrine, acteur de Close de Lukas Dhont (Compétition officielle), photographié le 26 mai sur la terrasse Albane

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Louis Garrel, réalisateur et acteur de L’Innocent (hors Compétition), photographié le 24 mai sur la terrasse Albane

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Albert Serra, réalisateur de Pacifiction. Tourment sur les îles (Compétition officielle), photographié le 20 mai sur la terrasse du bar Le Petit Majestic

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Lucien Castaing-Taylor et Véréna Paravel, réalisateur et réalisatrice de De humani corporis fabrica (Quinzaine des réalisateurs), photographiés le 23 mai sur la plage de la Quinzaine

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Kenzo Sambin, Milan Doucansi et Ahmed Sylla, qui interprètent le même personnage à des âges différents dans Un petit frère de Léonor Serraille (Compétition officielle), photographiés le 27 mai sur la plage du Majestic

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Marina Foïs, actrice d’As Bestas de Rodrigo Sorogoyen (Cannes première), photographiée le 26 mai dans une suite du Majestic

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Le cinéaste Wim Wenders, photographié le 24 mai dans les couloirs de l’hôtel Marriott

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Vincent Lacoste, acteur de Fumer fait tousser de Quentin Dupieux (Séance de minuit) et du Parfum vert de Nicolas Pariser (Quinzaine des réalisateurs), photographié le 25 mai sur la terrasse Orange

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Un geste magistral qui résistera à l’épreuve du temps CINEMA SCOPE

Une expérience hypnotique et poétique LE MONDE

LES TRAVAUX ET LES JOURS

(DE TAYOKO SHIOJIRI DANS LE BASSIN DE SHIOTANI)

présente

UN FILM DE C.W. WINTER & ANDERS EDSTRÖM

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FRAGMENTS D’UKRAINE

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Trois mois après le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, le Festival de Cannes a souhaité accorder une place de choix au cinéma ukrainien dans sa 75e édition. Plusieurs cinéastes ukrainiens, parmi lesquels Sergeï Loznitsa, qui n’en est pas à sa première montée des marches, se sont affirmés en marge de la compétition, évoquant frontalement ou à distance, en documentaire ou en fiction, les affres d’une guerre qui se joue, aussi, sur les écrans.

Le conflit en Ukraine n’aura pas attendu longtemps avant de faire irruption dans le 75e Festival de Cannes. Trois quarts d’heure à peine, pour être exact. À la fin de la cérémonie d’ouverture, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, apparaissait sur l’écran du Grand Théâtre Louis-Lumière, en visio, pour livrer un discours à l’attention des cinéastes et cinéphiles de tous bords. Face à l’horreur, « le cinéma ne doit pas rester muet », a-t-il déclaré en référence à la satire antihitlérienne Le Dictateur (lire p. 10), dans laquelle Charlie Chaplin prenait la parole pour dénoncer l’ignominie nazie en Europe. Au cours d’une intervention surprise qui a détonné dans le cadre festif et mondain de la cérémonie d’ouverture, Zelensky a rappelé les faits : « Des centaines de personnes meurent tous les jours, elles ne vont pas se relever. » Le documentariste lituanien Mantas Kvedara­ vicius en fait partie. Avant d’être assassiné par l’armée russe en mars dernier, l’auteur du documentaire Mariupolis (2016) a enregistré des images immédiates de la guerre en Ukraine. Rassemblés par sa compagne, Hanna Bilobrova, ces fragments posthu­ mes ont abouti à un film choc, sans voix off, qui montre la survie et l’attente insoutenable de celles et ceux vivant dans la ville ukrainienne sous la menace des bombardements : le glaçant et bouleversant Mariupolis 2, présenté en Séance spéciale au surlendemain de la prise de parole de Zelensky. Si cette disparition a ainsi nimbé le début du Festival d’une atmosphère de recueillement, plusieurs cinéastes ont ensuite pris le relais pour témoigner de la vitalité d’un cinéma qui, en dépit de l’instabilité croissante du pays depuis plusieurs années (après la révolution proeuropéenne de 2014 : l’annexion de la Crimée, l’émergence des mouvements séparatistes dans le Donbass, à l’est de l’Ukraine, puis

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l’invasion du pays par la Russie en février dernier), paraît loin d’avoir abdiqué.

AU FRONT La proposition la plus abrasive se trouvait dans la section Un certain regard, avec le premier long métrage de Maksym Nako­ nechnyi, Butterfly Vision (sortie prévue le 12 octobre). C’est lors du montage d’un documentaire sur la place des femmes dans l’armée ukrainienne (Invisible Battalion d’Alina Gorlova, Svitlana Lishchinska et Iryna Tsilyk, réalisé en 2017 et inédit en France) que le jeune cinéaste a eu l’idée de cette fiction dans laquelle on suit le retour au bercail d’une pilote de drone qui été enlevée, torturée et violée pendant la guerre du Donbass, lorsque l’Ukraine a tenté de récupérer cette région tombée aux mains de séparatistes prorusses. Au gré d’un montage elliptique et d’effets visuels suggérant une intense déréalisation, Butterfly Vision figure les séquelles laissées par la guerre sur le corps et la psyché des individus. L’extrême violence des images n’a d’égale que la virulence du scénario de Nakonechnyi, qui n’hésite pas à aborder, de front, des sujets assez polémiques. « Le film aborde quelques sujets controversés, comme les exactions qui ont pu être menées par des vétérans après leur retour du front. Ce n’est pas quelque chose qui est mis en avant désormais, car la Russie utilise ces problèmes comme une arme de propagande à notre encontre, mais, il y a peu de temps encore, c’était un sujet de débat important. » Sur les marches, l’équipe du film a déployé une banderole sans équivoque, en forme d’adresse aux censeurs : « Des Russes tuent des Ukrainiens. Trouvez-vous ça offensant et dérangeant de parler de ce génocide ? » Présenté à la Quinzaine des réalisateurs,

Pamfir racontait lui aussi l’histoire d’un retour difficile au foyer, mais laissait la guerre en toile de fond. Premier long métrage de Dmytro Sukholytkyy-­ Sobchuk, le film suit le retour de Pamfir, travailleur détaché, ex-­ contrebandier et père d’une petite famille vivant dans la partie ouest du pays, assez loin, donc, du Donbass. Chronique des obstacles qui se dressent face à celles et ceux désirant vivre à la campagne aujourd’hui en Ukraine, Pamfir reste toutefois hanté par un climat anxiogène. Une angoisse généralisée que Sukholytkyy-­Sobchuk a su retranscrire par la mise en scène : lors de longs plans-séquences, la caméra tournoie autour des personnages, moins pour entamer une ronde que pour donner l’impression que les corps sont enfermés, cernés, pris au piège d’un œil qui voit tout, qui les surveille. « Si mon film se passe de l’autre côté du pays, près de la frontière avec la Roumanie, on a le sentiment qu’un danger est quand même présent, que quelque chose de grave pourrait arriver à tout moment. » Troublante coïncidence : alors que Pamfir est un contrebandier qui traverse illégalement les frontières, posant un pied en Europe à chaque livraison, la région dans laquelle se déroule le film est aujourd’hui devenue une zone sécurisée ainsi qu’un point de passage pour les réfugiés ukrainiens.

CINÉMA MUET Outre cette jeune garde, Cannes a aussi accueilli un habitué : Sergeï Loznitsa. De la révolution proeuropéenne dans le documentaire Maïdan (2014), à l’issue de laquelle le gouvernement prorusse de Viktor Ianoukovitch a été destitué, jusqu’au conflit qui en a découlé dans les contrées séparatistes de l’est du pays avec Donbass (2018), farce ultra­ violente où, selon lui, « tout était déjà là »,


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le travail de Loznitsa n’a cessé de raconter ce qui se passe en Ukraine depuis dix ans. Cette année, le cinéaste est pourtant venu présenter L’Histoire naturelle de la destruction en Séance spéciale, fugue musicale montrant les dégâts causés par les bombardements alliés sur la population allemande à la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est de cette manière, par un détour historique, que Loznitsa a évoqué le conflit en cours. Et c’est par ce même chemin de traverse que la guerre en Ukraine a peutêtre trouvé son plus vibrant écho. Avec ce film d’archi­ves sans intertitre ni voix off, Loznitsa nous plonge au cœur d’un enfer aérien par l’entremise d’un montage virtuose, sûr de ce que peut nous transmettre le langage vertigineux des raccords. L’Histoire naturelle de la destruction ne nous donne ni mot ni slogan pour saisir l’horreur de la guerre : il nous en livre les images. En témoigne la fin du film, centré sur des ruines qui s’étendent à l’horizon et qui évoque les vues aériennes captées au-dessus de Marioupol, ville presque entièrement détruite depuis l’invasion russe. En ravivant, comme Zelensky, le spectre de la Seconde Guerre mondiale, Loznitsa s’est attaché à rappeler que ce qui a court en Ukraine n’a rien d’inédit à l’échelle de l’histoire (quel que soit le camp dans lequel nous nous trouvons), et que c’est aussi pour cette raison que ce qui s’y passe aujourd’hui est insupportable. Saisissant paradoxe : le « nouveau Charlie Chaplin » qu’appelait Zelensky de ses vœux pendant la cérémonie d’ouverture, celui qui sortirait du silence, se trouvait peut-être dans les plis d’un beau film quasi muet.

CORENTIN LÊ 1

Pamfir de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk (2022) © D. R.

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Mariupolis 2 de Mantas Kvedaravicius (2022) © D. R.

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L’Histoire naturelle de la destruction de Sergeï Loznitsa (2022) © D. R.

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Cinéma -----> « Pourquoi pas ! »

POURQUOI PAS !

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Chaque mois, notre journaliste part à la recherche de films oubliés, devenus introuvables. Ce mois-ci, Pourquoi pas ! de Coline Serreau (1977), l’histoire d’une femme et deux hommes vivant librement une idylle bisexuelle et polyamoureuse. Ce film majeur, délicatement subversif et unanimement salué par la critique, a progressivement sombré dans l’oubli pour des raisons peu avouables. Enquête sur le combat d’un film pour exister.

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Les Enfants du paradis, Les Diaboliques, Jules et Jim… Le cinéma français n’a pas attendu la fin des années 1960 pour bousculer la représentation du couple traditionnel et mettre en scène des triangles amoureux. Mais c’est un tout autre défi que souhaite relever Coline Serreau lorsqu’elle s’attaque, au milieu des années 1970, au scénario de son premier long métrage de fiction, Pourquoi pas ! Porté par le ménage à trois que forment Alexa, Louis et Fernand dans un pavillon de banlieue à l’écart des regards, le film lève le voile sur des questions auxquelles le cinéma français ne s’était pratiquement jamais confronté : la bisexualité et le polyamour. Un sujet probablement trop sulfureux pour la commission de l’avance sur recettes du CNC – pourtant créée en 1959 par le ministre des Affaires culturelles André Malraux pour permettre à des films originaux difficilement finançables de voir le jour – devant laquelle Coline Serreau essuie deux refus. Déterminée, la réalisatrice expose son projet à Antoinette Fouque, l’une des pionnières du

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Mouvement de libération des femmes. Cette dernière lui remet une enveloppe d’argent en liquide, indispensable pour acheter les précieuses pellicules. Cette somme permettra à Coline Serreau de tourner le documentaire Mais qu’est-ce qu’elles veulent !, portraits de femmes d’origines sociales variées dont elle présente des extraits à la commission. Ce troisième oral, qui voit l’un des jurés menacer de démissionner si Pourquoi pas ! n’est pas aidé, sera le bon.

DE LA LUMIÈRE À L’OMBRE À partir du 21 décembre 1977, ce trouple peut enfin vivre en toute liberté son amour sur les écrans des salles françaises. Il est subtilement incarné par Christine Murillo et Mario Gonzalez, qui feront de grandes carrières au théâtre, et Sami Frey, loin de ses rôles habituels de romantique ténébreux. Bien que le

carcan patriarcal enserre toujours une société française loin d’avoir été totalement libérée par la révolution sexuelle de la fin des années 1960, la critique est en grande majorité élogieuse. Dans Le Monde, le prude Jean de Baroncelli ne voit aucun inconvénient à « bousculer la traditionnelle arithmétique sentimentale, et vivre à trois […] plutôt qu’à deux, si cette combinaison apporte à chaque partenaire la paix, l’équilibre et un surcroît de bonheur ». À la table du Masque et la plume de France Inter, le vénérable Georges Charensol, passant habituellement pour le rétrograde de service face à son contradicteur avant-gardiste Jean-Louis Bory, loue comme ses confrères la qualité et la drôlerie du film. Comme elle le résume dans l’émission de FR3 Ciné regards, le propos de Coline Serreau n’est pas de faire de ce ménage un exemple, ni de choquer en en montrant plus qu’il n’en faut. « La sexualité, ce n’est pas seulement l’acte sexuel », insiste-t-elle dans une émission d’Antenne 2 sur le thème « la femme et les valeurs af-


« Pourquoi pas ! » <----- Cinéma

fectives ». On se contente parfaitement des tendres embrassades collectives, filmées avec pudeur, entre Louis le musicien, Fernand l’homme de maison et Alexa, chargée de travailler à l’extérieur pour rapporter de l’argent. Ce qui n’empêche pas un journaliste d’attaquer violemment le film lors d’une conférence de presse, le jugeant « porno-

à l’affiche du cinéma Le Paris à New York). Mais la télévision de l’époque, qui n’est sortie du joug de l’ORTF qu’en 1975, ne semble pas encore prête à laisser cette utopie joyeuse et subversive pénétrer les foyers. FR3, qui avait accepté de financer une partie du film, se rétracte en apprenant qu’il y est question d’homosexualité. Non diffusé, éclipsé par le

Des cinéphiles passionnés ne peuvent se résoudre à voir cette œuvre disparaitre des mémoires. graphique ». Plus tard, il expliquera en sanglots à Coline Serreau s’être senti obligé de s’opposer au film devant ses collègues pour ne pas être soupçonné de cautionner cette situation amoureuse qui était aussi la sienne. Le film reçoit de nombreux prix et bénéficie d’un bon accueil du public, aussi bien en France qu’à l’étranger (il restera six mois

succès phénoménal d’un des films suivants de Coline Serreau, Trois hommes et un couffin (1985), Pourquoi pas !, moins feel-good, sombre progressivement dans un certain oubli. Dépourvue de scènes trop charnelles, qui participent parfois à la postérité des films libertaires, cette fiction comporte par ailleurs une part très sombre, à travers la

famille névrotique de Louis et la séparation de Fernand avec ses enfants, imposée par son ex-femme, qui symbolisent la violence du monde extérieur contaminant le foyer.

L’AVENTURE CONTINUE Lorsque, en 2005, StudioCanal souhaite commercialiser un coffret DVD des films les plus connus de Coline Serreau, cette dernière impose à l’éditeur récalcitrant d’y inclure Pourquoi pas ! Si ce coffret est épuisé depuis longtemps, les quelques exemplaires toujours en circulation aujourd’hui sont proposés à des tarifs prohibitifs par des revendeurs tiers habitués à spéculer sur ce type de rareté. Contrairement aux autres films de Coline Serreau, et malgré son importance dans l’histoire du cinéma français, Pourquoi pas ! n’est disponible sur aucune plateforme par abonnement, ni en V.o.D. La cinéaste nous a expliqué être « trop prise par [son] travail de création » pour s’occuper de la visibilité de ce film. « Il reste bien sûr très important aujourd’hui, dans cette société toujours patriarcale. Mais, en tant qu’artiste, ce n’est pas mon rôle de gérer tout ça. » Coline Serreau fait confiance aux autres, notamment à des ciné-

philes passionnés qui ne peuvent se résoudre à voir cette œuvre disparaitre des écrans et des mémoires. C’est le cas d’Anne Delabre, programmatrice du 7e genre, ciné-club dont l’objectif est de « revisiter l’histoire du septième art au prisme des questions de genres et des sexualités minoritaires ». Un travail de longue haleine qui passe notamment par une visite annuelle au marché du film classique du festival Lumière de Lyon. Éprise de ce film depuis de nombreuses années, elle y croise un autre passionné de Coline Serreau, Stéphane Bouyer, fondateur de la société d’édition Le Chat qui fume, autorisée début 2021 à accéder au négatif pour restaurer Pourquoi pas ! Une projection unique peut ainsi être organisée fin mars 2022 à Paris, en présence de la réalisatrice et des acteurs, ovationnés par le public venu en nombre. Reste maintenant au Chat à convaincre les distributeurs de proposer plus largement cette belle copie en salles. Et surtout, après avoir démêlé l’écheveau complexe des différents droits, d’obtenir l’autorisation pour une exploitation vidéo, afin de l’éditer en Blu-ray, et ainsi d’assurer pour au moins quelques années la survie de cette œuvre précieuse. TRISTAN BROSSAT

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Christine Murillo, Mario Gonzalez et Sami Frey © Collection Christophel

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Sami Frey © Collection Christophel

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Cinéma -----> « Histoires de petites gens »

DJIBRIL DIO PM AM BE TY

Telle une météorite, l’œuvre détonante, déroutante, visionnaire et rebelle du réalisateur sénégalais a embrasé le cinéma mondial au tournant des années 1970. À l’occasion de la sortie en salles en version restaurée de ses films Le Franc et La Petite Vendeuse de Soleil, retour sur l’itinéraire de cet autodidacte de génie qui rêvait de révolutionner le cinéma. C’est l’histoire d’un cinéaste épris de liberté qui aura bousculé, avec un langage autre et inclassable, fait d’éclats et de ruptures, le cinéma. Pour Djibril Diop Mambety, faire des films consistait à fermer les yeux et à plonger dans les tréfonds du rêve. La lumière jaillissait alors de l’obscurité, faisant éclore des histoires et des personnages. Le cinéaste forgeait, façonnait un cinéma imprégné d’art, de rue, d’amour, de musique, de couleurs, de spiritualité, d’émotion et de mystère. Fils d’imam, Djibril Diop Mambety naît en 1945 à Colobane, un quartier populaire de Dakar. À 8 ans, il a pour habitude de se rendre en cachette au cinéma avec sa bande de copains. Faute d’argent pour acheter un billet, il reste à l’extérieur et écoute simplement les films. Au commencement, la musique et le son. Puis vint

l’image. Adolescent, une rencontre va changer sa vie : Yaadikoone Ndiaye, une figure populaire dans le Sénégal des années 1960. Mambety en parlait en ces termes au festival Gindou, en 1997 : « C’est notre Robin des bois à nous […] Il a mené la vie difficile aux colons et à leurs valets locaux. Par son charisme, il venait quand nous étions hauts comme cela, devant les salles de cinéma où nous n’entendions que des rumeurs. Il faisait ouvrir les portes, et nous entrions au cinéma. Je lui dois ma présence ici. » Cette figure d’aventure et de mystère planera sur tous les films de Djibril Diop Mambety, qui suivra ses traces avec la ferme intention de mettre en scène la marge. Le parcours artistique de Djibril Diop Mambety débute sur les planches, au Théâtre national Daniel-­Sorano, à Dakar. Pendant trois ans,

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il y interprète plusieurs rôles à succès dans des pièces de Birago Diop, de Molière ou de William Shakespeare, fait de la mise scène, avant d’être exclu pour indiscipline. « En tant que comédien, je me suis toujours considéré en stage pour arriver au cinéma. C’était donc une chose fatale », précisait-il à la journaliste et critique de cinéma Catherine Ruelle, lors d’un entretien pour L’Afrique littéraire et artistique, en 1978. Il joue dans des films sénégalais et italiens, puis passe derrière la caméra en 1966. « C’est le cinéma qui m’a choisi. Parce que je voulais toujours, toujours refaire Le train sifflera trois fois. Peut-être que si je n’avais pas vu ce film, je n’aurais pas fait de cinéma », confiait-il à l’écrivain et critique d’art Simon Njami, lors d’un entretien pour Revue noire en 1991. 2

UN CINÉMA POUR RÊVER Grâce au soutien d’un ami du Centre culturel français de Dakar, il dispose d’un équipement et d’une assistance technique pour le tournage de son premier court métrage, en noir et blanc, Badou Boy (1966). S’ensuivent le court métrage Contras’ City en 1969 et la seconde version, en couleur, de Badou Boy en 1970, qui suit un gamin dans les rues de Dakar pourchassé par la police, et qui sera projetée au Festival de Cannes en 1971. Aux

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mouvements de la vie quotidienne, aussi ordinaire soit-elle, Djibril Diop Mambety insère le rêve. Dans Touki Bouki, en 1972, son chef-d’œuvre, il conte l’histoire d’un berger amoureux tenté par l’exil en France. Pour s’échapper de Dakar, le jeune couple cherche à se procurer par tous les moyens l’argent du voyage. Le film remporte le Prix de la critique internationale au Festival de Cannes en 1973. Dans le magistral Hyènes (1992), une femme revient à Colobane trente années après en avoir été bannie, poussée par un fantasme de vengeance. Sa trilogie inachevée Histoires de petites gens, dont il ne tournera que les deux premiers volets, les deux moyens métrages Le Franc (1994) et La Petite Vendeuse de Soleil (1998), avant sa disparition prématurée en 1998, scrute le mirage de l’argent, entremêle les genres et épouse la virtuosité narrative de la tradition orale africaine. D’une beauté onirique intemporelle, Le Franc raconte les pérégrinations de Marigo (interprété par le chanteur et musicien Madieye Massamba Dieye), un musicien sans le sou qui gagne à la loterie. Il survit avec le rêve de jouer de son instrument bien-aimé, un congoma, confisqué par sa logeuse (jouée par Aminata Fall, célèbre chanteuse surnommée la Mahalia Jackson africaine). Solitaire, flâneur, il vit au rythme de la musique et d’une rêverie éternelle ponctuée de tableaux théâtraux et surréalistes. La musique opère ici comme un levier libérant l’imaginaire de Marigo, dernier refuge dans une société minée par


« Histoires de petites gens » <----- Cinéma

INTERMEZZO FILMS ET DOLCE VITA FILMS

GLOIRE ET CHUTE DE LA GUÉRILLA FARC JOURNAL INTIME D’UNE UTOPIE RÉVOLUTIONNAIRE PRÉSENTENT

la dévaluation du franc CFA. De cette relation tortueuse entre l’artiste et le réel qui l’entoure émerge la vie. Marigo l’Irrévérencieux, comme Badou (dans Badou Boy) ou Mory (dans Touki Bouki), ressemble au cinéaste. Il est un artiste libre, solitaire, vivant, parvenant à aller à l’encontre de l’ordre établi. « Pour lui, la modernité était dans la marginalité, dans l’irrévérence et l’indiscipline, dans l’indocilité », précise l’universitaire Sada Niang dans son ouvrage Djibril Diop Mambety. Un cinéaste à contre-courant. Omniprésente dans Le Franc, la musique fait partie intégrante de la recherche artistique de Djibril Diop Mambety. Elle devient dans ses films une matière à animer, générant des histoires, bifurquant, s’ancrant, se heurtant et se juxtaposant au récit visuel. « Son cinéma n’a pas de logique formelle, comme le conte, comme le rêve, comme lui », souligne l’acteur et romancier Nar Séne dans son livre Djibril Diop Mambety. La caméra au bout… du nez.

LE HAVRE DE L’ENFANCE Dans les années 1980, Djibril Diop Mambety crée la Fondation Yaadikoone pour venir en aide aux enfants démunis – une cause qu’il défendra jusqu’à la fin de sa vie. Dans ses films, il célèbre avec intensité et poésie leur candeur, leur spontanéité, leur authenticité, leur vulnérabilité et leur éclat. Il se montre toujours solidaire de leurs conditions de vie, de leurs drames, de leurs combats et de leurs rêves. Dans La Petite Vendeuse de Soleil, sa caméra virevoltante ralentit pour suivre Sili, une fillette infirme se déplaçant avec des béquilles. Elle quitte la mendicité pour s’introduire dans l’univers masculin des vendeurs de journaux : « Ce que les garçons font, les filles aussi peuvent le faire ! » déclare-t-elle. Hymne à la pugnacité, à la résistance et à la résilience, le film entrelace simplicité lyrique du quotidien, fantastique, tableaux surréalistes et images empruntées au rêve. Par la seule force de son imagination, de sa dignité et de sa joie, Sili trace alors son chemin, malgré l’âpreté du monde. « Histoires de petites gens », deux moyens métrages de Djibril Diop Mambety, Le Franc et La Petite Vendeuse de Soleil, JHR Films (45 min ; 45 min), ressortie le 6 juillet

LÉTHICIA O. NGOU-MILAMA 1

Djibril Diop Mambety © Carlo Reguzzi

2 La Petite Vendeuse de Soleil (1998) © D. R.

3 Le Franc (1994) © D. R.

JUAN JOSÉ

UN FILM DE LOZANO & ZOLTÁN

HORVÁTH

AU CINÉMA LE 22 JUIN

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Cinéma -----> L’archive de Rosalie Varda

UNE FEMME, TROIS HOMMES ET UNE CLOPE !

Jacques Demy (et ses lunettes de soleil) et Agnès Varda (la clope au bec) sur le tournage des Créatures (1965) © Marilù Parolini – Ciné-Tamaris

Chaque mois, pour TROISCOULEURS, Rosalie Varda plonge dans les archives de ses parents, les cinéastes Agnès Varda et Jacques Demy, et nous raconte ses souvenirs à hauteur d’enfant. Ce mois-ci : sur le tournage des Créatures d’Agnès Varda, en 1965.

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« D’abord, il faut dire que mes parents étaient de grands fumeurs devant l’Éternel… Agnès se roulait des cigarettes quand elle était jeune, les pêcheurs de la Pointe courte, à Sète, le lui avaient appris. Ensuite, dans mon enfance, elle fumait des Peter Stuyvesant rouge ou bleu avec filtre, plus d’un paquet par jour… Souvent, sur les tournages, elle allumait deux cigarettes en même temps, ne se rappelant pas qu’elle en avait déjà une aux lèvres ! Le premier assistant avait comme mission d’en éteindre une. Jacques, lui, c’était des Pall Mall rouge, je me rappelle encore la publicité : “The smoothest taste from the U.S.A.” Amusant, car ensuite on a habité à Los Angeles deux années… Ils fumaient dans la voiture et même dans l’avion ! On l’a oublié, mais beaucoup de

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personnes fumaient, et partout. Revenons à cette photographie et à cet instant arrêté du tournage du film d’Agnès, Les Créatures, entre septembre et octobre 1965 sur l’île de Noirmoutier. Sur la plage du bois de la Chaise, Agnès, la clope au bec, dirige la scène. Trois hommes regardent dans la même direction qu’elle. À droite, Willy Kurant, le directeur de la photographie ; derrière Agnès, Michel Legrand ; à gauche, notre Jacques Demy. Je ressens la tension de la scène et comment Agnès, telle une cheffe d’orchestre, envoie son énergie aux acteurs. Nos trois hommes et les autres personnes autour paraissent intrigués ou surpris. Qu’est-ce que la caméra filme ? On le saura lorsque nous redécouvrirons le film dans une version restaurée, en 2023 ! Ce

film étrange, en noir et blanc avec des séquences en couleur, nous raconte l’histoire d’Edgar (Michel Piccoli) et de Milène (Catherine Deneuve), qui vivent reclus. Ils ne peuvent pas dialoguer – elle est muette. Ils s’aiment, et leur amour va donner vie à un enfant. Au hasard de ses promenades, Edgar rencontre des personnages quotidiens qui deviennent, transformés ou imaginés, les “créatures” de son roman, les pions d’un jeu d’échecs qu’il invente. Mais bientôt les créatures prennent vie, au cours d’une partie dans laquelle il va devoir défendre ses convictions mais aussi son amour. Il y a une énergie dans cette photographie que j’aime beaucoup ! » • ROSALIE VARDA P.-S. : Agnès a arrêté de fumer en 1972, quand elle a été enceinte de Mathieu Demy.


Pour 93% des femmes, Il est l’homme idéal. BETA CINEMA présente

OURS D’ARGENT MEILLEURE ACTRICE

DAN STEVENS

MAREN EGGERT

I’m Your Man un film de MARIA

SCHRADER

au cinéma

le 22 juin


Cinéma -----> Sorties du 15 juin au 13 juillet

A P A M É N I C S IE

T R O S ES

D E D I U G E L

DECISION TO LEAVE SORTIE LE 29 JUIN

Le réalisateur d’Old Boy et de Mademoiselle a décroché son deuxième Prix de la mise en scène à Cannes (après Thirst. Ceci est mon sang en 2009) avec ce thriller sentimental qui mélange ingénieusement les genres et transforme les dangereux jeux de séduction d’un enquêteur et d’une veuve en grand mélodrame réflexif et tragique.

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Inspecteur de police coréen expérimenté, Hae-joon (joué par Park Hae-il) enquête sur la mort mystérieuse d’un homme dont le corps a été retrouvé au bas d’une falaise. Quand il commence à soupçonner Seo-rae (incarnée par Tang Wei), infirmière gériatrique et épouse du défunt, le détective ressent une attirance irrépressible pour cette femme d’origine chinoise, ce qui va fortement perturber l’enquête… Sur cette trame de thriller classique qui rappelle entre autres Sueurs froides d’Alfred Hitchcock ou Basic Instinct de Paul Verhoeven, Park Chan-wook propose un kaléidoscope d’images merveilleusement réflexives qui appuie le brouillage des frontières morales. Situé dans les attrayants décors de la ville de Busan, Decision to

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Leave dévoile un environnement extrêmement dangereux pour les protagonistes. Tout, dans la mise en scène, est affaire de miroirs et de fantasmes reflétés à travers des écrans tactiles (téléphones, ordinateurs) qui mettent Hae-joon et Seo-rae cruellement à distance et leur donnent l’illusion de pouvoir vivre un amour impossible. Sous le vernis des objets contemporains et de la technologie se cache en effet un monde invisible dans lequel se mêlent indistinctement le soupçon, l’attraction, l’observation et l’exhibition, comme si toutes ces notions ne formaient plus qu’une seule entité. L’enquête policière et les jeux de séduction se confondent tant que thriller et film sentimental fusionnent pour offrir un grand mélodrame dans lequel

le mirage devient également formel et stylis­ tique. Adepte des changements de points de vue et de perspectives, Park Chan-wook ne cesse de nous égarer narrativement pour finalement livrer un propos tranchant : dans un final grandiloquent, le cinéaste réaffirme toute la force d’une nature déchaînée face à laquelle l’esprit et le destin humains s’avèrent tragiquement insignifiants. Decision to Leave de Park Chan-wook, Bac Films (2 h 18), sortie le 29 juin

DAMIEN LEBLANC


Il y a des crimes qui vous hantent...

ANOUK GRINBERG

scénario Gilles Marchand et Dominik Moll

d’après l’ouvrage de PAULINE GUÉNA 18.3 UNE ANNÉE À LA PJ

© denoël, 2020

Crédits non contractuels • Photo : Fanny De Gouville • Design : Benjamin Seznec \ TROÏKA • Visa n° : 155.927.

AR

haut et court présente


Cinéma -----> Sorties du 15 juin au 13 juillet

LE PRINCE SORTIE LE 15 JUIN

Produit par Maren Ade (Toni Erdmann), le premier long métrage de l’Allemande Lisa Bierwirth réfléchit à la place de l’amour dans une société individualiste et révèle le rappeur Passi en acteur, impeccable de sobriété. Brillante galeriste installée à Francfort, Monika brigue un poste de directrice au sein d’un milieu qu’elle sait retors. Sa rencontre impromptue avec Joseph, un Congolais aux activités mystérieuses, vient peupler son quotidien de sentiments naissants… D’entrée de jeu, Le Prince ne boude pas son amour pour Rainer Werner Fassbinder en saluant Tous les autres s’appellent Ali dans sa struc-

ture, comme au gré de quelques scènes clés. S’il n’est pas ici question de différence d’âge, le fait que Monika et Joseph soient tous deux quadragénaires dit quelque chose de leur rapport au travail et à l’amour. La vie qu’ils se sont créée, toute solitaire qu’elle est, repose en effet sur une pleine nécessité à exister pour et par soi-même, sans les compromis instaurés par une relation sentimentale. C’est dans cette résistance – mais aussi dans les frictions liées à leurs différences d’origine et de classe sociale – que le duo prend forme, imagine un lien qui ne répond à aucun modèle connu. Et c’est aussi là que Lisa Bierwirth trouve la singularité de son film, ne reculant jamais devant les facettes moins reluisantes de ses personnages. Une liberté dont s’emparent avec brio l’actrice autrichienne Ursula Strauss et Passi, très convaincant dans ce rôle interprété entièrement en anglais.

Le Prince de Lisa Bierwirth, Shellac (2 h 05), sortie le 15 juin

LAURA PERTUY

BOUM BOUM SORTIE LE 15 JUIN

Sélectionné en compétition au dernier Cinéma du réel, ce premier long métrage incandescent et passionnel de Laurie Lassalle documente la lutte des « gilets jaunes » en même temps que la naissance des sentiments de la réalisatrice pour un manifestant. Fascinant. Éclats de verre, voitures brûlées, effluves de gaz lacrymogène… À l’automne 2018, dans une ambiance électrique, Laurie Lassalle a embarqué sa caméra aux Champs-Élysées pour capturer les manifestations des « gilets jaunes ». Mais le projet de son film (au départ proche d’un reportage classique) évolue à partir de sa rencontre avec Pierrot, un jeune manifestant tchatcheur, avide de débats politiques et de liberté. À la lutte politique collective se greffe alors la lutte amoureuse : Pierre est en couple libre, il ne peut rien promettre à Laurie, qui, elle, commence à s’attacher… La magie du documentaire consiste à faire fusionner l’atmosphère de chaos qui se répand dans les rues aux

sentiments tout aussi éclatés de la cinéaste, prise dans un tiraillement constant entre idéalisation et désillusion. Le « boum boum » du titre, c’est à la fois les tirs de LBD, qui fusent et causent des blessures dramatiques chez les manifestants (filmées au plus près par la caméra de Laurie Lassalle), et le son des battements incontrôlables de son cœur. Ce qui frappe, dans le film, c’est le contraste entre un romantisme exacerbé (une forme de naïveté assumée) et l’extrême lucidité de la réalisatrice, qui se demande constamment si ce mouvement politique comme ses sentiments pour cet homme qu’elle fantasme vont s’inscrire dans la durée. Presque quatre ans après l’explosion du mouvement des « gilets jaunes », et presque trois ans après le début d’une crise sanitaire mondiale éprouvante, il nous fallait un film aussi fort pour nous rappeler l’importance de la combativité – dans tous les champs. Boum boum de Laurie Lassalle, JHR Films (1 h 50), sortie le 15 juin

JOSÉPHINE LEROY

À la lutte politique collective se greffe la lutte amoureuse. 46

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Sorties du 15 juin au 13 juillet <---- Cinéma

INCROYABLE MAIS VRAI SORTIE LE 15 JUIN

Increvable, Quentin Dupieux présentait à Cannes son nouveau film, Fumer fait tousser, alors que son long métrage précédent, Incroyable mais vrai, montré à Berlin l’hiver dernier, arrive tout juste sur les écrans. Une fantaisie drôlissime qui mêle absurde, crise existentielle et casting de rêve. En février dernier, à peine arrivées au Festival de Berlin, où le film était présenté en Séance spéciale, on savourait le nouveau Quentin Dupieux quand soudain : bug, l’écran s’éteint, le son continue, puis le film saute et reprend quelques minutes plus tôt. La salle était mi-figue mi-currywurst : fallait-il alerter le projectionniste, ou

était-ce partie intégrante du programme ? Bon, c’était un banal problème de projection (déception) mais, quand même, drôle de timing : le film raconte justement l’histoire d’un couple (parfaits Alain Chabat [lire p. 4] et Léa Drucker) qui emménage dans une maison où se trouve un conduit aux pouvoirs fascinants… Les modalités sont assez techniques (on ne les dévoilera pas ici pour garder le mystère) et bien expliquées par l’agent immobilier très pro (génial Stéphane Pezerat) qui fait la visite : cette trappe, dans la cave, c’est le clou du spectacle. Ouvrez-la messieurs dames, et descendez dans le trou – vous n’allez pas en croire vos yeux. Le couple sceptique s’engouffre, emprunte l’échelle métallique, et… n’en croit pas ses yeux. « Incroyable, non ? » dit l’agent immobilier, bon vendeur. « Vous la prenez ? » Ils la prennent, bien sûr, et très vite la femme est comme happée par ce trou magique, dans une quête narcissique vers la jeunesse et la beauté (qui se mue évidemment en descente dans la folie), tandis que lui la

regarde, tristoune mais impuissant. Ce que n’est pas le cas de son ami et patron, joué par Benoît Magimel (génial en assureur beauf), qui s’est fait greffer une bite électronique qu’il commande depuis son smartphone (ce qui le mène, lui aussi, tout droit vers la folie narcissique). À partir de ces deux intrigues (le trou et la bite, donc), Dupieux déroule habilement son programme de toujours : laisser l’absurde percer le banal (et dans ce registre, soyons clairs, Alain Chabat est inégalable), puis observer (avec humour et style) les dérèglements occasionnés, glissant çà et là des hommages à ses maîtres – une image empruntée à Un chien andalou de Luis Buñuel, un clin d’œil à Didier de Chabat. C’était une mouche géante dans Mandibules, un pneu qui traçait sa route dans Rubber, une bosse énorme qui défigurait Éric Judor dans Wrong Cops… Ici, Dupieux s’amuse en plus à faire s’entre­choquer les époques, une science-fiction branlante (la fameuse verge n’arrête pas de tomber en panne) côtoyant une nostalgie tout aussi hors sol (le héros joue à Pac-Man au lieu de bosser et fait de la pêche à la ligne pendant que sa femme perd la boule). À l’arrivée, tout le monde semble largué, inadapté à une époque elle-même barrée (idée qui parcourt encore le dernier film de Dupieux, Fumer fait tousser, qui vient d’être présenté à Cannes en Séance spéciale), mais – même si le film se délite un peu sur la fin – on s’est bien marrés. Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux, Diaphana (1 h 14), sortie le 15 juin

JULIETTE REITZER

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Cinéma -----> Sorties du 15 juin au 13 juillet

SWEAT SORTIE LE 15 JUIN

Difficile, pour le cinéma, de s’emparer du phénomène des influenceurs sans tomber dans les clichés. Magnus von Horn relève habilement le pari, conjuguant étude sociétale et dénonciation du harcèlement avec cette dramédie plus profonde qu’elle n’en a l’air. En Suède, Sylwia est une coach sportive star sur les réseaux. Alors qu’elle cumule tous les signes extérieurs de réussite, le vernis craque vite : dès la première partie de Sweat, elle poste sur Instagram une déchirante vidéo d’elle-même en train de pleurer, partageant son sentiment de solitude générale et son désarroi de ne pas trouver l’amour malgré sa popularité. Une notoriété et une confession qui suscitent des réactions consternantes, voire carrément innommables, comme celle de ce « fan » qui

se poste en voiture en bas de chez elle et se masturbe en la regardant promener son chien… Avec une photographie reproduisant l’aspect très net et les couleurs un peu trop vives de l’imagerie Instagram, le film de Magnus von Horn plonge dans le quotidien de cette influenceuse en évitant la surenchère scénaristique. L’héroïne, esseulée mais pleine d’aplomb, est autant capable de déployer une énergie délirante pour sa passion, le fitness, que de la contenir pour ne pas céder à la colère devant des comportements aberrants – ceux du désaxé qui la stalke ou de sa mère égoïste. Sans les mettre toutes dans le même panier, Sweat redore ainsi le blason des personnalités influentes sur les réseaux, autant qu’il condamne les dérives que ceux-ci peuvent engendrer. Sweat de Magnus von Horn, ARP Sélection (1 h 46), sortie le 15 juin

TIMÉ ZOPPÉ

Le film de Magnus von Horn plonge dans le quotidien de cette influenceuse en évitant la surenchère scénaristique.

JE TREMBLE Ô MATADOR SORTIE LE 15 JUIN

Rodrigo Sepúlveda adapte le roman d’un activiste chilien qui imagine la rencontre d’un travesti vieillissant et d’un guérillero sous la dictature de Pinochet. Un film sensible porté par l’interprétation géniale d’Alfredo Castro. Dans Je tremble ô matador, tout est affaire d’équilibre et de points de bascule. Le premier intervient dès l’ouverture, dans un club sur la scène duquel chantent des drag-queens, avant que le claquement des armes interrompe la fête. Nous sommes en 1986, au Chili, et la police d’Augusto Pinochet pourchasse les LGBTQ comme les opposants politiques. Un travesti sexagénaire qui

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se fait appeler La Loca échappe aux forces de l’ordre grâce à Carlos, un révolutionnaire. Le guérillero fait irruption dans la vie cachée mais tranquille d’un homme qui découvre qu’il peut encore être amoureux. Il fallait bien le talent de l’acteur Alfredo Castro pour donner à cette Loca, qui accepte d’aider des militants politiques par fascination pour leur leader, toute sa délicatesse sans tomber dans la caricature. Le film de Rodrigo Sepúlveda, adapté du roman de Pedro Lemebel, artiste pionnier du mouvement queer au Chili, oscille entre la politique et l’intime. Carlos et La Loca se lancent dans un pas de deux millimétré, chacun jouant avec l’autre pour arriver à ses fins. Aux clairs-obscurs de leurs intentions répon­ dent ceux de la photographie, sobre mais sublime. Jusqu’à ce que l’équilibre se brise et que l’amour, celui que l’on donne éperdument sans jamais trouver autre chose que soi-même à la fin, l’emporte définitivement.

Je tremble ô matador de Rodrigo Sepúlveda, Outplay (1 h 33), sortie le 15 juin

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MARGAUX BARALON


Sorties du 15 juin au 13 juillet <---- Cinéma

MON AMOUR SORTIE LE 15 JUIN

Dans ce journal de deuil bouleversant, le cinéaste David Teboul remonte le fil de son histoire d’amour avec un homme disparu en 2007, tout en partant au fin fond de la Sibérie interroger des villageois isolés sur leur rapport au sentiment amoureux. Aussi consolateur qu’inapaisé. Réalisateur travaillant principalement pour la télévision (dernièrement, le très beau documentaire Hervé Guibert. La mort propagande, déclaration d’amour à l’écrivain), David Teboul vit avec cette question : à quoi sert d’aimer si on ne peut pas sauver ? En voix off, dans un texte à vif qui ressemble à une mise à nu, il s’adresse à nous ou à son amour disparu, en se remémorant leur histoire. Deux ans après avoir quitté Teboul,

cet amoureux, Frédéric, s’est perdu dans la défonce ; il en est mort, à 37 ans. Le documentariste-narrateur se dit comme amputé, portant la culpabilité de ce décès qu’il n’a pas pu empêcher. Teboul est alors parti très loin, en Sibérie – Frédéric aimait les paysages secs et glacés. On pense un peu à Ce répondeur ne prend pas de message (1979) d’Alain Cavalier, dans lequel le protagoniste, après la mort de sa femme, peignait son appartement en noir jusqu’à disparaître – Mon amour en est presque le contrepoint, puisque Teboul va comme se perdre dans de grandes étendues blanches. Mais, ici, le cinéaste va à la rencontre d’inconnus, les interviewant sur leurs amours passées, comme pour recomposer le magma insensé de son histoire à travers d’autres fragments de discours amoureux. Chaque entretien est intense, remuant : David Teboul leur pose les questions les plus simples du monde (« Est-ce que vous l’aimez autant qu’il vous aime ? Vous ne pouvez pas vivre sans lui ? »), et on a le sentiment que ces personnes, filmées dans une lumière douce, ne se sont jamais confiées auparavant, que leurs visages plissés par le temps ou la tristesse se

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recolorent au fil de chaque souvenir. C’est par exemple cette vieille dame qui a perdu son fils et se rappelle une rencontre de jeunesse au cinéma, ou ce vieil homme qui a dû quitter sa femme parce qu’il avait le mal du pays – il dit qu’il ne l’a pas vue depuis 1998 mais qu’il l’aime toujours. Le moment le plus déchirant a lieu lorsque Teboul recueille les mots d’un homme qui vient de devenir père et que sa propre mère a battu lorsqu’il était enfant. Cette histoire d’enfance meurtrie résonne autant avec celle du cinéaste qu’avec celle de son amour disparu. Dans cette solitude partagée, il y a quelque chose qui ne pourra jamais être pacifié, mais aussi quelque chose de réconfortant.

Mon amour de David Teboul, Rezo Films (2 h 53), sortie le 15 juin

QUENTIN GROSSET

Dans cette solitude partagée, il y a quelque chose de réconfortant. 49


Cinéma -----> Sorties du 15 juin au 13 juillet

EL BUEN PATRÓN SORTIE LE 22 JUIN

Construite et mise en scène comme un thriller, la comédie espagnole El buen patrón fait monter la tension crescendo avec, au centre, un Javier Bardem en grande forme, qui sublime les vices d’un chef d’entreprise. Pour avoir une chance de gagner le prestigieux prix pour lequel il est en lice, Juan Blanco (Javier Bardem) doit maintenir l’ordre dans son entreprise familiale de fabrication de balances. La semaine qui précède la remise des prix, il s’incruste dans la vie de son chef de production distrait, d’un ex-employé mécontent et de la nouvelle stagiaire irrésistible pour les empêcher de

tout gâcher… Découpé jour par jour, rythmé par les notes en pizzicato d’un violon angoissant, le film accélère crescendo pour installer une ambiance dramatique qui nous embarque. On saute d’une intrigue à l’autre avec des scènes de plus en plus courtes et explosives, une musique plus rapide et une caméra à l’épaule qui suit tant bien que mal notre personnage principal. Javier Bardem, de tous les plans, déploie un jeu à la fois drôle et intelligent : si son personnage ne perd jamais le contrôle et garde le sourire, l’acteur espagnol trahit subtilement sa panique par une respiration qui s’accélère ou des yeux trop alertes. Il trouve ainsi le langage corporel parfait pour que l’on soit les seuls dans la confidence. Incarnation d’un patronat à l’ancienne, le héros réussit à se sortir de tous ses ennuis avec classe, nous faisant osciller entre admiration et dégoût – et espérance qu’il se vautre.

El buen patrón de Fernando León de Aranoa, Paname (2 h), sortie le 22 juin

LUCIE LEGER

LES GOÛTS ET LES COULEURS SORTIE LE 22 JUIN

Avec cette comédie mélancolique qui suit les galères d’une jeune chanteuse tentant de sortir un album enregistré avec son idole disparue, Michel Leclerc jette un regard politique inspiré sur la question de l’héritage culturel et de ce que l’on en fait. Jeune chanteuse idéaliste, Marcia (Rebecca Marder) enregistre un album avec son idole, Daredjane (Judith Chemla), grande figure rock des années 1970. Quand celle-ci décède, Marcia doit convaincre l’ayant droit de Daredjane, le bourru Anthony (Félix Moati), d’accepter que le disque conçu avec la défunte voie le jour. Mais le jeune homme n’a jamais apprécié sa lointaine parente et déteste sa musique, ce qui complique les projets de Marcia… Après les comédies politiques Le Nom des gens ou La Lutte des

classes, Michel Leclerc aborde l’industrie de la chanson, persuadé que les goûts musicaux constituent un fort marqueur social et culturel. Le cinéaste, qui a de nouveau coécrit le scénario avec Baya Kasmi, s’en donne à cœur joie pour décrire la fascination de son héroïne envers une chanteuse d’antan à qui il crée un passé et un répertoire musical dignes d’une Patti Smith ou d’une Catherine Ringer. En résulte une réflexion mélancolique sur la notion d’héritage dans un monde où la concurrence artistique est devenue infernale. Comment exister après les mythes ? Que faire de ses idoles ? Le film mêle passion et frustration, et refuse de céder au désenchantement, lui préférant l’espoir et la clairvoyance. Les Goûts et les Couleurs de Michel Leclerc, Pyramide (1 h 50), sortie le 22 juin

DAMIEN LEBLANC

Une réflexion sur la notion d’héritage dans un monde où la concurrence artistique est devenue infernale. 50

no 189 – juin 2022


LE FILM SUR LE PLUS GRAND COMPOSITEUR DE TOUS LES TEMPS

UN FILM DE

PIANO B PRODUZIONI en association avec POTEMKINO, TERRAS et GAGA présentent

AU CINÉMA LE 6 JUILLET

©2021 PIANOB PRODUZIONI/POTEMKINO/GAGA/TERRAS ALL RIGHTS RESERVED

GIUSEPPE TORNATORE


Cinéma -----> Sorties du 15 juin au 13 juillet

ELVIS SORTIE LE 22 JUIN

En retraçant la carrière d’Elvis Presley sous l’angle de la relation professionnelle mouvementée entre le chanteur et son diabolique imprésario, Baz Luhrmann (Moulin Rouge) réussit un biopic musical flamboyant qui ressuscite les fantômes de l’Amérique. Adepte d’un cinéma furieusement glamour, musical et dansant, Baz Luhrmann n’avait encore jamais réalisé de biopic et s’était contenté de personnages de fiction avec Roméo + Juliette, Moulin Rouge ou Gatsby le Magnifique. Il fallait donc un mythe à la hauteur de la démesure du cinéaste pour cette première incursion dans le genre. Elvis Presley, icône absolue du rock ’n’ roll, ayant incarné durant ses vingt-trois ans de carrière toutes les splendeurs, les excès et les désillusions de l’Amérique, constituait le candi-

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dat parfait. Pour donner corps à l’étincelante vie du King, le cinéaste a l’ingénieuse idée de développer le point de vue du manageur d’Elvis, le dénommé Colonel Parker (joué par l’imposant Tom Hanks), mystérieux homme venu des Pays-Bas et ayant changé d’identité aux États-Unis pour se lancer dans le métier d’imprésario. C’est à travers la voix off de cet ambigu protagoniste, qui fut accusé d’avoir poussé Elvis Presley à bout, que l’on découvre l’ascension du chanteur (incarné avec fougue par Austin Butler), de ses débuts, en 1954, jusqu’à son décès, en 1977, à l’âge de 42 ans. Se disant inspiré par Amadeus de Miloš Forman, qui montrait la carrière de Wolfgang Amadeus Mozart à travers les yeux de son rival, Antonio Salieri, Baz Luhrmann s’en donne surtout à cœur joie pour solliciter frénétiquement le regard et démultiplier les décors, images d’archives et autres séquences musicales, à l’aide d’un montage exaltant. Le film dépeint ainsi l’état de transe quasi sexuelle dans lequel était plongé le public des concerts d’Elvis Presley, et aborde l’aspect politique de la carrière de ce rockeur qui décoinça l’Amérique conservatrice des années 1950, puis

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ressentit de plein fouet la grave désillusion des années 1960 et 1970 – les assassinats de Martin Luther King et Bobby Kennedy sont évoqués –, avant de connaître un déclin physique et personnel. Grâce à une première partie au style visuel euphorisant et à une seconde partie à la tonalité nettement plus désenchantée et mélancolique, Luhrmann brocarde magistralement une industrie du spectacle qui épuise et vampirise ses plus belles icônes pour engendrer autant de destruction que de profit.

Elvis de Baz Luhrmann, Warner Bros. (2 h 39), sortie le 22 juin

DAMIEN LEBLANC

Un mythe à la hauteur de la démesure du cinéaste Baz Luhrmann.


APRES LE NOM DES GENS ET LA LUTTE DES CLASSES MANDARIN & COMPAGNIE PReSENTE

© D’APRÈS PHOTO : FLORENT DRILLON

rebecca marder

felix moati

judith chemla

un fILm de

michel leclerc

AU CINEMA LE 22 JUIN


Cinéma -----> Sorties du 15 juin au 13 juillet

JUNGLE ROUGE SORTIE LE 22 JUIN

Basé sur les écrits de l’ancien numéro 2 des FARC, ce film semi-animé mêle le portrait d’un personnage singulièrement romanesque et l’analyse de la chute de la guérilla colombienne. Le résultat déconcerte autant qu’il fascine. On fera difficilement plus hybride que ce film coréalisé par un documentariste suisso-­ colombien et un spécialiste suisse du cinéma d’animation. Tourné en studio avec de vrais êtres humains, puis transformé en long métrage d’animation au gré d’une longue phase de postproduction, Jungle rouge crée un in-

confort visuel qui colle bien à l’état d’insécurité dans lequel gravitent les personnages. À l’intersection du docu et de la fiction, ce film utilise dix ans de correspondance laissée à sa mort par Raúl Reyes, guérillero colombien abattu par la C.I.A. en 2008, au service d’un portrait en partie fantasmé : celui d’un leadeur charismatique finissant par sombrer dans la folie. Le quotidien de Reyes et de ses acolytes est de l’ordre du cauchemar éveillé, impression renforcée par l’étrange patine d’un film au surréalisme croissant. Jungle rouge, c’est Predator revu par Ari Folman, Aguirre. La colère de Dieu revisité par le Richard Link­later de A Scanner Darkly, un trip tortueux dans lequel la descente n’arrive jamais. En ligne de fond, Juan José Lozano et Zoltán Horváth dépeignent la chute des FARC, révolutionnaires ayant vrillé jusqu’à se retrouver privés de tout soutien populaire. Aucun naufrage n’avait jamais été montré de cette façon.

Jungle rouge de Juan José Lozano et Zoltán Horváth, New Story (1 h 32), sortie le 22 juin

THOMAS MESSIAS

MUSIC HOLE SORTIE LE 6 JUILLET

En une savoureuse révérence à l’humour noir belge, le duo Gaëtan Liekens et David Mutzenmacher signe une comédie roublarde sur l’amour déçu et les névroses contemporaines, servie par un casting aux petits oignons. Récompensé du Prix du public au dernier festival international du film grolandais de Toulouse, Music Hole s’intéresse à Francis (Wim Willaert), comptable sans histoires qui, à la suite d’une dispute avinée avec sa femme (Vanessa Guide), se retrouve pris dans un rodéo aussi funèbre que farfelu. Se presse autour de lui une foule de personnages azimutés – un patron de cabaret mafieux à l’autorité discutable, un apollon aussi mégalo que suicidaire –, dont les aventures ajoutent des strates narratives à sa folle épopée. Fort d’un montage nerveux et d’un humour corrosif, Music Hole cherche dans ces situations rocambo-

lesques, qui tutoient souvent l’absurde, un propos sur le couple en perte de vitesse. Déjà coréalisateurs du court métrage José, en 2014, le Belge Gaëtan Liekens et le Français David Mutzenmacher reprennent un personnage sensiblement similaire, spectateur d’une existence frustrée, et explorent la cavalcade que peut entraîner le déni amoureux. S’il est pétri d’un humour qui rappelle le cultissime Dikkenek d’Olivier Van Hoofstadt, Music Hole déploie toutefois sa propre musique, très inspiré dans ses cadrages qui dévoilent les trajectoires de différents personnages au même moment, et nourri du jeu sidérant de Wim Willaert (Quand la mer monte). Music Hole de Gaëtan Liekens et David Mutzenmacher, Paramax Films (1 h 22), sortie le 6 juillet

LAURA PERTUY

Francis, comptable sans histoires, se retrouve pris dans un rodéo aussi funèbre que farfelu. 54

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Cinéma -----> Sorties du 15 juin au 13 juillet

EN ROUE LIBRE SORTIE LE 29 JUIN

Une infirmière en burn-out se retrouve coincée dans sa voiture lorsque celle-ci est braquée par un petit malfrat. Marina Foïs et Benjamin Voisin forment un duo hilarant dans ce road movie au rythme impeccable et aux dialogues ciselés. Il est rare qu’une comédie tienne la distance sur un concept unique. Plus rare encore lorsqu’il s’agit d’un huis clos. Si l’on considère qu’il s’agit d’un premier long métrage, la probabilité de réussite est encore plus mince. En roue libre est donc, n’ayons pas peur des mots, un petit miracle, signé Didier Barcelo. On y suit Louise, infirmière épuisée par ses gardes de nuit, qui se rend soudainement compte qu’elle est incapable de sortir de sa voiture. La voilà condamnée à rouler sans but jusqu’à ce que, la nuit ve-

nue, Paul kidnappe le véhicule et elle avec… Didier Barcelo part de cette situation absurde pour développer un face-à-face réjouissant entre deux personnages que tout sépare, jusqu’au choix de la playlist. À ce jeu-là, Marina Foïs, tout en soupirs blasés, et Benjamin Voisin, qui insuffle à son personnage autant de légèreté que de violence, sont excellents. En roue libre déploie un humour tout en finesse, qui repose autant sur les jeux de cadrage dans un espace restreint que sur les bons mots balancés au bon moment. Ce road trip follement drôle et drôlement tendre prouve, s’il en était encore besoin, que la bonne comédie est d’abord une mécanique de précision. En roue libre de Didier Barcelo, Memento (1 h 29), sortie le 29 juin

MARGAUX BARALON

Didier Barcelo développe un face-à-face réjouissant entre deux personnages que tout sépare.

I’M YOUR MAN SORTIE LE 22 JUIN

Et si l’homme idéal était un robot calibré suivant nos désirs ? À l’image de son pitch, un film à la fois séduisant et programmatique, relecture féministe et techno du thème boy meets girls. Une brillante scientifique accepte de vivre pendant trois semaines avec un robot à l’apparence humaine parfaite, spécialement programmé pour elle. Mais Alma est une célibataire endurcie, et Tom, un androïde vieux jeu… Le film s’ouvre sur une réjouissante scène de bal qui plonge Alma dans un monde trop beau pour être vrai. Et pour cause : la plupart des danseurs sont des

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robots ou, plus économique, des hologrammes. Tom est charmant et passe haut la main les tests d’Alma : il connaît Rainer Maria Rilke par cœur, répond à ses questions métaphysiques. Soudain, il bugge ! Réparation, deuxième essai. Est-ce le bon ? Non, car Alma envoie bouler le scénario romantique qu’il lui propose… La réalisatrice Maria Schrader déjoue avec malice les stéréotypes des genres et… des machines. Déjà autrice du beau et tourmenté Stefan Zweig. Adieu l’Europe (2016), qui contait les derniers jours du grand écrivain ayant fui le nazisme, la cinéaste surprend par des ruptures de ton. I’m Your Man oscille entre comédie romantique et film existentiel, livrant une réflexion acide sur les algorithmes et notre prévisibilité. Une jolie trouvaille finale fait bifurquer la trajectoire dramaturgique – qui semblait toute tracée – et celle des personnages.

I’m Your Man de Maria Schrader, Haut et Court (1 h 45), sortie le 22 juin

no 189 – juin 2022

XANAÉ BOVE


MADEM

Par le réalisateur de O I S E L L E et O

LD BOY

Un film de

PARK CHAN-WOOK

D E C I S I O N TO . TANG WEI

L E AV E

PARK HAE-IL

LE 29 JUIN ©2022 CJ ENM Co., Ltd., MOHO FILM. TOUS DROITS RESERVES


Cinéma -----> Sorties du 15 juin au 13 juillet

ENNIO

SORTIE LE 6 JUILLET

Avec ce documentaire-fleuve qui décortique le processus créatif d’Ennio Morricone, Giuseppe Tornatore délivre un poignant portrait du génial compositeur de musiques de films disparu il y a deux ans, et rend un vibrant hommage aux émotions cinématographiques. Auteur de plus de cinq cents bandes originales de films et associé à jamais aux westerns de Sergio Leone et à tant d’autres chefs-d’œuvre dont il composa les musiques, Ennio Morricone était une légende bien avant de disparaître le 6 juillet 2020. Giuseppe Tornatore, réalisateur de Cinema Paradiso (dont Ennio Morricone signa la déchirante partition), a longuement interviewé le compositeur à propos de sa carrière et dévoile ici ces entretiens, auxquels il ajoute de passionnants témoignages (de Marco

Bellocchio, Dario Argento, Quentin Tarantino, Joan Baez ou Bruce Springsteen), des archives en tous genres et de nombreux extraits de films. Conçu comme un spectacle qui fait passer par des émotions variées, le film raconte comment les sublimes compositions de Morricone découlaient des blessures d’un génie en quête de reconnaissance, frustré de voir que la composition de musiques de films était alors considéré comme un art mineur. Recherchant en permanence l’inventivité et l’expérimentation, comme quand il créa la foudroyante partition d’Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, Morricone apparaît ici dans toute sa sensibilité et tout son perfectionnisme, ce qui rend l’hommage particulièrement bouleversant. Ennio de Giuseppe Tornatore, Le Pacte (2 h 36), sortie le 6 juillet

DAMIEN LEBLANC

Ennio Morricone apparaît ici dans toute sa sensibilité et tout son perfectionnisme.

JESÚS LÓPEZ SORTIE LE 13 JUIN

Après la perte de son cousin, espoir de la course automobile fauché en pleine gloire, un ado effacé prend peu à peu sa place. Quitte à risquer la même sortie de route… Un récit initiatique traversé par l’obsession de la virilité et la figure du double. Abel vit dans la province d’Entre Ríos, au nord-est de l’Argentine. Veillant sur sa sœur enceinte, filant un coup de main à contrecœur dans la ferme familiale, attendant que sa vie démarre. Que la lumière aveuglante qui irradie la plupart des séquences ne nous y trompe pas : la mort récente de Jesús, son

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cousin, promis à un brillant avenir de pilote, a dévasté Abel et son clan. Au-delà du chagrin évident, un terrible constat s’impose : même avec le plus grand des talents, toute personne naissant dans ce village semble condamnée à y végéter. « Le meilleur moyen de partir d’ici est peut-être de mourir », fait dire Maximiliano Schonfeld à l’un de ses personnages. Pourtant, le réalisateur argentin ne cesse de chercher la lumière – on est si loin de ce qu’aurait tiré d’un tel sujet le Bruno Dumont de La Vie de Jésus, aux thématiques pourtant très voisines (motos, ruralité et figures christiques). L’important est ici d’observer jusqu’où Abel va pousser le mimétisme avec sa défunte idole et, à travers cela, comment les jeunes mâles confondent quête de virilité et accomplissement. Car, dans Jesús López, tout ce qui compte, c’est de devenir un homme, un vrai, et surtout de se prouver qu’on en est un. Qu’importe le prix.

Jesús López de Maximiliano Schonfeld, Tamasa (1 h 26), sortie le 13 juin

no 189 – juin 2022

THOMAS MESSIAS


Sorties du 15 juin au 13 juillet <---- Cinéma

CAHIERS NOIRS I. VIVIANE & CAHIERS NOIRS II. RONIT SORTIE LE 29 JUIN

JAZZ Villette présentent

à la

31 août / 11 septembre 2022 jazzalavillette.com

NE BI DA

MAT & HUTHIS PAS CAU S « HO GH C MMA D ERRT, Y GE À OLTMA L A N DR J F D RI OHN SS, JOELETTIE H » A E L UL RL NG RK ABDRAHIM EAY WO& MA Y F R R B I S LD, E O H A THfeat. CE SMIT SC DING IE OF , L T C CO RAV NA GOOHN SNEONNGS, LT I I O J S & D . TANK N t T JO plays RAN fea MO GOL CKE H AND E Y PO N C ALIC E OL RR OL E BAN THE LA ARY IS C TR GAS SC LOU AN & E H A U DJ CHIEF AN SCOTT) JO IA T IS OKO C R (CH KOKOR & CE MIE e t i v « D HA NN in RE Y NK SS SS IEL FU ESLE CO OL A DE M W CI ED » ASY A R NCH Z F Y T « HO A RON M NIEIO À MMA E SAKRUYCHGE U R AMO I D T LE TO » EMISIEN WID I BAT DA PAROUISE » ANGEL ROTHAHOOD L « & THA B KEN AN DAV NY BA A EH CA RRO OLL N R TRIO AN SO LA D LO M AZ A N A E R ?» I COH A T H IS S n V A ET HE ing o QUART RCat’s go ROBERTO O N « Wh O I FONSECA S T E’ IZAN GAY L I I e... cor CIVMARV s en u U l s p N sent n bie B O C JA

et

Cahiers noirs I. Viviane & Cahiers noirs II. Ronit de Shlomi Elkabetz, Dulac (1 h 48 ; 1 h 40), sortie le 29 juin

QUENTIN GROSSET

Dans les deux films, l’appartement parisien que vous partagez avec votre sœur, Ronit, a une grande importance. C’était un refuge ? À une époque, ça a été l’endroit le plus important du monde pour nous. Je me souviens que, parfois, j’entrais et je caressais les murs. On s’y sentait protégés, autorisés à rêver aussi grand que possible. Paris a été le premier endroit qui nous a accueillis en tant que cinéastes. Et le cinéma nous a tant donné dans la vie, il nous donnait la vie même.

Graphisme : Hartland Villa

Trois questions À SHLOMI ELKABETZ Cahiers Noirs est-il pour vous une manière de revisiter le passé ou bien de le réécrire ? Je me suis dit : « Et si je considérais toute cette matière comme du présent ? » Au moment où j’ai pris cette décision, je me suis interrogé : « Et moi, où suis-je ? » J’ai décidé de faire comme si je venais du futur, car je savais ce qui allait arriver. Et alors j’allais pouvoir prévenir les personnages de ce qui allait leur arriver et, peut-être, changer le cours des choses.

Ronit dit d’un de vos films faits ensemble : « Nous devons en faire un lieu d’illumination, malgré et grâce aux obstacles. » On n’avait pas assez d’argent pour finir ce film, et j’étais découragé. Ronit m’a dit : « Oublie, on fera le film avec la matière qu’on a. » Je n’aurais jamais abandonné, mais elle avait l’aptitude à formuler les choses. Ces mots m’ont donné de la force, et ils m’en donnent toujours. Il faut aller chercher dans ses propres ressources et s’arroger le droit de créer.

juin 2022 – no 189

Le Jazz n’est pas mort

SI NA NE LA PH RO

D JD OM BE I CK

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&

Leur désir commun de création est ainsi figuré, comme traversé par une urgence, mais aussi par une colère retentissante contre les tabous de la société israélienne. Shlomi relate comment son père et sa mère, filmés sans ménagement mais aussi avec beaucoup de tendresse, ont été heurtés par les films de leurs enfants, qui osaient montrer comment le patriarcat s’était insinué dans leur famille. Ce qui marque le plus, c’est ce portrait bouleversant de la fratrie fusionnelle qu’il formait avec Ronit. Ces Cahiers noirs semblent comme une façon pour lui de toujours faire corps avec elle et avec ses luttes.

Licence : E.S. - R-2022-004254, R-2022-003944, R-2021-013751,R-2021-013749

En trois longs métrage, le tandem Ronit et Shlomi Elkabetz a proposé, en s’inspirant de leurs parents juifs marocains, une saisissante critique de la famille en Israël. Dans Prendre femme (2005) et Le Procès de Viviane Ansalem (2014), on suivait une héroïne qui faisait tout pour quitter son

époux, affrontant dans le premier film ses frères et leur vision familialiste, dans le second une justice qui, jusqu’à l’absurde, lui refusait le divorce. Dans Les Sept Jours (2008), c’était le poids aberrant du silence après un deuil touchant leur foyer que les cinéastes tentaient de conjurer. On retrouve tous ces thèmes dans les deux films qui composent Cahiers noirs, à ceci près qu’on a devant nous les modèles réels de tous ces personnages : Shlomi Elkabetz entrelace des vidéos de sa sœur – morte d’un cancer du poumon en 2016 – et de ses parents avec des images de leurs films et de leurs tournages. Ce vertige de fragments documentaires, tantôt home movie tantôt making of, Shlomi Elkabetz le fait toujours basculer vers la fiction : les deux films jouent d’un côté hanté, imaginant des prophéties qui toujours poursuivent le frère comme la sœur, les plaçant dans une lutte acharnée contre le temps, accélérée dans la deuxième partie lorsque l’on assiste aux différentes étapes de la maladie de Ronit.

DU KN O V OW ISU AL ER SH OW

S NK BA

Shlomi et Ronit Elkabetz prolongeaient leur fratrie à travers leurs films. Dans le diptyque émouvant Cahiers noirs, Shlomi rend un sublime hommage à sa sœur disparue en mêlant archives familiales en vidéo et extraits de leurs œuvres, tout en poursuivant leur travail sur la prégnance du patriarcat dans la société israélienne.

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Cinéma -----> Sorties du 15 juin au 13 juillet

LA NUIT DU 12 SORTIE LE 13 JUILLET

Trois ans après l’excellent Seules les bêtes, Dominik Moll trouve dans l’isolement de la montagne le décor idéal pour un thriller corrosif présenté en avant-première à Cannes. Et le cinéaste français d’injecter à sa Nuit du 12 un discours féministe impétueux. Révéré pour ses polars psychologiques à la mécanique implacable, Dominik Moll (Harry, un ami qui vous veut du bien ; Lemming) engage, avec ce nouveau film, une étude minutieuse des microgalaxies qui entourent un meurtre irrésolu. Coécrit avec Gilles Marchand (L’Autre Monde), La Nuit du 12 adapte deux chapitres du livre de Pauline Guéna 18.3. Une année à la PJ et met en scène Bastien Bouillon (vu chez Valérie Donzelli et Sébastien Betbeder) dans le rôle de Yohan, un enquêteur fraîchement nommé. Hanté par l’affaire Clara, du prénom d’une

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jeune femme brûlée vive dans une petite ville de montagne, près de Grenoble, il fait équipe avec Marceau (un grand sentimental colérique campé par Bouli Lanners) pour résoudre l’affaire… À un polar classique, qui suit pas à pas une enquête tout en s’intéressant aux dynamiques plus intimes qui régissent la police judiciaire, s’ajoute une réflexion fine sur les rapports entre les genres. Car, si Clara n’apparaît que dans la scène introductive, sa personne irrigue avec force les deux heures suivantes du film – tout comme son affiche, qu’elle occupe entièrement. C’est toute l’intelligence et la finesse de Dominik Moll que de replacer l’intégrité de la jeune femme au centre des réflexions et des pistes, comme pour lui donner une tribune posthume, l’affranchir de ce que ses anciens amants livrent d’elle. Au sein d’une équipe exclusivement masculine, Yohan fait exister la voix de la disparue. La nature calme et observatrice – avec l’idée d’une intériorité inaccessible, comme souvent dans le cinéma de Dominik Moll – de ce jeune inspecteur le déleste de l’agitation à laquelle sont soumis ses collègues. La Nuit du 12 prend, ce faisant, un tour politique et pourrait même être lu comme une allégorie du

mouvement #MeToo. S’il adopte un aspect circulaire – Yohan s’entraîne au cyclisme sur piste, de nuit, sur un vélodrome, l’enquête patine avec un retour récurrent à l’envoyeur (la PJ) –, le film trouve parfois des brèches, notamment grâce à trois personnages clés, qui viennent énoncer d’imparables vérités sur le traitement réservé aux femmes, qu’elles soient mortes ou vives. Ces regards permettent aussi à Dominik Moll d’analyser des masculinités en souffrance, une incapacité crasse de certains hommes à se positionner par rapport au féminin et à échanger à propos de sentiments. Propulsé par un imperturbable sens du rythme comme par des dialogues qui donnent tout leur jus à une galerie charnue de personnages, La Nuit du 12 réconcilie méthode et émotion autour d’un corps de métier encore trusté par les hommes. La Nuit du 12 de Dominik Moll, Haut et Court (1 h 54), sortie le 13 juillet

LAURA PERTUY

no 189 – juin 2022

Trois questions Le scénario est assez peu commun étant donné qu’il n’offre pas de résolution… J’aimais le fait qu’on ne trouve pas le coupable. Dans L’Inconnu de la poste de Florence Aubenas, paru pendant l’écriture du scénario, on suit l’affaire Gérald Thomassin, ancien acteur un temps soupçonné de meurtre puis porté disparu, sans qu’il n’y ait de résolution. Aubenas dit que cela permet de regarder ailleurs, d’observer la fabrication d’une enquête, de laisser les questions ouvertes. Comment avez-vous travaillé Yohan, héros taiseux et ordonné ? C’est un personnage un peu casse-gueule, un vrai bloc ! Mais Bastien Bouillon parvient à jouer sur les vibrations dans son

À DOMINIK MOLL visage, à laisser transparaître des émotions. Dans le scénario, il y avait deux scènes dans lesquelles on en apprenait plus sur son passé, mais on s’est rendu compte que ça « psychologisait » trop les choses et que moins on en savait, plus on pouvait projeter de choses sur lui. Qu’est-ce qui vous plaît dans le genre du thriller ? Choisir le film de genre permet d’avoir une base que le spectateur connaît, dans laquelle il peut se sentir en confiance et où l’on peut ajouter des sous-couches ou des surcouches, comme ces questionnements sur les rapports entre hommes et femmes. Cette approche permet de travailler sur des tensions et un suspense très plaisants à explorer.


APACHES ET SOLDATS FEATURES PRÉSENTENT

AU CINÉMA LE 6 JUILLET


Cinéma -----> Sorties du 15 juin au 13 juillet

JUIN

15

Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux

Au-delà des sommets de Renan Öztürk et Freddie Wilkinson

c

JUIN

Buzz l’Éclair

Decision to Leave

Walt Disney (1 h 40)

Bac Films (2 h 18)

d’Angus MacLane

Jupiter Films (1 h 36)

51c4s

o

En roue libre

Paname (2 h)

Memento (1 h 29)

Le Chemin du bonheur

Les Goûts et les Couleurs

Rezo Films (1 h 55)

Pyramide (1 h 50)

de Fernando León de Aranoa

c c Elvis

Ciné Sorbonne (1 h 42)

Solaris (1 h 21)

Warner Bros. (2 h 39)

de Laurie Lassalle JHR Films (1 h 50)

o

lire p. 46

Le Prince

d’Alexandre Messina

Fidélio Production (1 h 20)

de Magnus von Horn ARP Sélection (1 h 46)

Mon amour

3

lire p. 48

de David Teboul

o 62

lire p. 49

h

lire p. 54

As Tear Go by Ainsi vont les larmes de Wong Kar-wai

The Jokers/Les Bookmakers (1 h 42)

om

drz

I’m Your Man

Entre la vie et la mort

Haut et Court (1 h 45)

Le Pacte (1 h 35)

de Giordano Gederlini

de Maria Schrader

rsc

td

lire p. 56

Portrait d’une agricultrice dans la campagne de Kyōto, ce film en trois parties, de plus de huit heures au total, prend une ampleur existentielle dans son rapport au temps.

À partir de ses carnets et journaux intimes, ce docu sensible déroule la vie de la romancière américaine Patricia Highsmith, reine du thriller psychologique (L’Inconnu du Nord-Express, Carol…).

Loving Highsmith

Les Travaux et les Jours part. I, II & III

Dean Medias (1 h 24)

Capricci Films (3 h 33 ; 2 h 10 ; 2 h 28)

d’Eva Vitija

Rezo Films (2 h 53)

Apollo Films (1 h 27)

de Romy Trajman et Anaïs Straumann-Lévy

c

lire p. 48

Sweat

de Barthélemy Grossmann

Ciné Sud Promotion (1 h 23)

Je t’aime… Filme-moi !

Outplay (1 h 33)

dir

5

c

de Rodrigo Sepúlveda

lire p. 59

Ce film d’épouvante, produit par Luc Besson, imagine l’angoissante virée d’un groupe d’ados sur le lieu de tournage d’Arthur et les Minimoys (de Besson), dont l’un d’eux est fan.

Le Divorce de mes marrants

lire p. 46

o

Arthur. Malédiction

New Story (1 h 32)

Le Pacte (1 h 25)

Je tremble ô matador

lire p. 52

de Juan José Lozano et Zoltán Horváth

de Karole Rocher et Barbara Biancardini

Shellac (2 h 05)

lire p. 50

Jungle rouge

Fratè

de Lisa Bierwirth

dr

bm

Dans un village corse, la tension humoristique entre deux frères rivaux (Thomas Ngijol et Samir Guesmi) permet de souligner la solidarité entre les habitants.

Boum boum

lire p. 56

Cahiers noirs I. Viviane & Cahiers noirs II. Ronit

de Baz Luhrmann

d

c

de Shlomi Elkabetz

Demain, je traverse

lire p. 16

lire p. 50

Dulac (1 h 48 ; 1 h 40)

3 de Sepideh Farsi

d’Anders Edström et C. W. Winter

3

d no 189 – juin 2022

lire p. 44

de Didier Barcelo

de Michel Leclerc

The Truman Show

dcz

rtdp

lire p. 16

El buen patrón

lire p. 4 et 47

de Peter Weir

de Park Chan-wook

Le charismatique Saül anime avec ardeur son restaurant bruxellois, et se réapproprie son traumatisme d’enfant de la Shoah en le transformant en film.

de Nicolas Steil

Diaphana (1 h 14)

22 29

JUIN

CALENDRIER DES SORTIES

L’Équipier

de Kieron J. Walsh Épicentre Films (1 h 35)

d Giulia

de Ciro De Caro Moviemento Films (1 h 49)

d


Sorties du 15 juin au 13 juillet <---- Cinéma

de François Ozon Diaphana (1 h 25)

lire p. 18

deux films de Djibril Diop Mambéty (Le Franc et La Petite Vendeuse de Soleil)

de Hiner Saleem Jour2fête (1 h 37)

JHR Films (45 min ; 45 min)

Music Hole

Irréductible

cd4

de Jérôme Commandeur SND (1 h 25)

Paramax Films (1 h 22)

c

3

La Traversée

Ennio

Metropolitan FilmExport (1 h 45)

Le Pacte (2 h 36)

JUILLET

c

01

5ac4

Une famille doit faire le deuil de son fils adoptif cyborg… Avec cette fable qui rappelle le A. I. Intelligence artificielle de Spielberg, Kogonada ancre la science-fiction dans le quotidien.

Norte (1 h 45)

Jour2fête (1 h 20)

lire p. 58

Jesús López

de Maximiliano Schonfeld Tamasa (1 h 26)

sd

Salam

L’Esprit sacré

Pan (1 h 20)

La Fabrica Nocturna Cinéma (1 h 37)

Les Minions 2 Il était une fois Gru

de Kyle Balda, Brad Ableson et Jonathan Del Val

tp

lire p. 60

Menteur

d’Olivier Baroux Gaumont (N. C.)

c

Relatant une série de féminicides commis il y a vingt ans en Iran par un tueur fanatique, Ali Abbasi ose un thriller sanglant qui a valu le Prix d’interprétation à Cannes à l’actrice Zar Amir Ebrahimi.

de Chema García Ibarra

s3

Stacy Martin et Vincent Dedienne jouent deux amoureux confrontés à leurs rapports différents à la famille lors d’un voyage en Grèce.

Thor Love and Thunder de Taika Waititi

Walt Disney (N. C.)

1as comédie

action

Metropolitan FilmExport (1 h 56)

tpd

Woody Allen revient avec une comédie romantique et psychanalytique sur un couple d’Américains en goguette, cinéphile et adultère, au festival de San Sebastián, en Espagne.

Pyramide (1 h 31)

c

sci-fi

comédie dramatique

thriller

fantastique

aventure

horreur

historique

documentaire

catastrophe

biopic

policier/ enquête

super-héros

buddy movie

psychologie

technologie

musical

luttes sociales

féminisme

voyage/ road trip

western

ressortie

romance

famille

comingof-age

guerre

espionnage

écologie/ nature

animation

enfant

Rifkin’s festival

de Robert Jabbaz

drame

d’Ali Abbasi

de Nafsika Guerry-Karamaounas

The Sadness

dtf

Les Nuits de Mashhad

I Love Greece

de Woody Allen

ESC (1 h 40)

Apollo Films (1 h 32)

Universal Pictures (1 h 30) lire p. 16

lire p. 58

Haut et Court (1 h 54)

dm

06

d de Dominik Moll

Bodega Films (1 h 51)

o

13

Condor (1 h 36)

de Kogonada

de Dror Zahavi

de Diam’s, Houda Benyamina et Anne Cissé

d’Agustina San Martín

d

After Yang

Crescendo

JUILLET

To Kill the Beast

de Marí Alessandrini

La Nuit du 12

Dans ce docu, qu’elle cosigne avec Houda Benyamina et Anne Cissé, Diam’s se livre sur les origines de son rap, sa descente aux enfers et comment la foi l’a sauvée.

o

lire p. 54

de Giuseppe Tornatore

de Varante Soudjian

Zahorí

lire p. 40

de Gaëtan Liekens et David Mutzenmacher

Partie à la recherche de son frère disparu, une ado en questionnement est happée par les légendes chimériques d’une forêt dans laquelle les jeunes filles disparaissent.

Cochez les films que vous ne voulez pas manquer

3 Histoires de petites gens

Goodnight Soldier

d

Dans les beaux décors de Patagonie, le film suit une jeune ado. En lutte contre les idéaux d’autonomie de ses parents, elle s’attache à un vieux Mapuche et son cheval.

Peter von Kant

JUILLET

Blessé, le soldat Avdal ne peut plus faire l’amour avec son épouse, Ziné… L’Irakien Hiner Saleem sonde les rapports hommes-femmes dans le Kurdistan d’aujourd’hui.

rd

h juin 2022 – no 189

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© 2022 Home Box Office Inc. All rights reserved. HBO

U G LE

E D IDE

R O SS

P S TIE

O F E T A L

S E RM

IRMA VEP SÉRIE

De Louis Feuillade à HBO, est-ce que l’art de raconter des histoires a vraiment changé ? Transposition virtuose et joyeuse de son long métrage de 1999 en série, le nouvel Irma Vep d’Olivier Assayas ose un état des lieux drôle et pertinent de la petite fabrique contemporaine des récits.

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Depuis les années 1990, Olivier Assayas n’a cessé de bousculer le sacro-saint cinéma français, il a toujours cherché dans ses films quelque chose de l’ère du temps. Son nouvel Irma Vep confirme qu’il est bien le grand cinéaste du contemporain, du flou du monde tel qu’on ne le comprend plus tellement. Un film façon série, une série façon film, un remake, une suite, on ne sait plus très bien et tant mieux, nous explique le réalisateur tout le long de ces huit épisodes qui zigzaguent avec brio entre les personnages, les époques et les histoires. Si, en 1996, cette histoire d’actrice étrangère (l’extraordinaire Maggie Cheung) qui se perdait sur le tournage chaotique d’un remake parisien des Vampires de Louis

no 189 – juin 2022

Feuillade semblait solder les comptes de la Nouvelle Vague, le retour d’Irma Vep en 2022 fait le portrait d’une industrie dominée par le blockbuster roi, le règne des séries, l’hyperprésence des écrans dans nos vies et le devenir tout image du monde, tout ça avec un mélange d’humour ravageur et de mélancolie délicate. Libre et joueur, Assayas filme Alicia Vikander paumée entre la promo d’un film à gros budget, un chagrin d’amour tenace et le tournage en France d’un remake des Vampires, film en dix épisodes des années 1910, par un réalisateur génial mais complètement névrosé (du grand Vincent Macaigne, tout en imitation tordante d’Assayas). Comme dans son film original, il tire ce canevas vers

une forme très contemporaine, où les films dans les films se répondent, les images se mélangent (sublime idée de faire dialoguer le cinéma des débuts de Feuillade avec l’esthétique HBO, qui coproduit la série), la fiction et le réel s’épousent, et le temps n’existe plus. Une célébration passionnante et jamais dogmatique du pouvoir inépuisable qu’auront toujours les histoires sur nous. le 7 juin sur OCS

RENAN CROS


THE GIRL FROM PLAINVILLE SÉRIE

© Hulu 2022

Juillet 2014. Garé sur le parking d’un supermarché du Massachusetts, le moteur pourtant éteint, un pick-up émet un étrange vrombissement. Derrière les vitres embuées, la police découvre le corps sans vie d’un adolescent de 18 ans. À l’arrière, la pompe à eau utilisée pour remplir l’habitacle de monoxyde de carbone ronfle toujours. Conrad « Coco » Roy, jeune homme dépressif, anéanti par le divorce de ses parents, avait déjà été hospitalisé deux ans auparavant pour une tentative de suicide au paracétamol. La même année, en vacances en Floride, il avait rencontré Michelle Carter, une jolie blonde profondément solitaire et fan de la série Glee. Les ados s’amourachent, mais ne se reverront que cinq fois en deux ans, malgré les 50 kilomètres qui les séparent. Une intense relation épistolaire s’installe, par mails et par textos, dans laquelle ils se confient leurs angoisses, le sentiment d’être rejetés par leurs camarades, de n’être pas digne d’amour. Ils projettent un road trip, de se marier en Californie… Michelle se veut rassurante. Quand Coco évoque ses idées noires, elle le dissuade de pas-

ser à l’acte et l’encourage à consulter. Mais, en juillet 2014, brutalement, le ton change. Elle lui écrit : « Bois de la Javel. Pends-toi. Saute d’un immeuble, poignarde-toi. Y a plein de manières. » Plus tard : « Tu dois le faire, Conrad… Arrête de repousser le moment. » Le jour où Conrad passe à l’acte, ils échangent des dizaines de messages, dans lesquels Michelle lui ordonne d’agir. Alertée par ces échanges, la police ouvre une enquête. De son côté, la jeune fille – dont ni la famille ni les amis de Coco n’avaient entendu parler – fait tout pour être au centre de l’attention, tour à tour éplorée puis manipulatrice. Ce deuil exauce son souhait le plus cher : il l’a rendue « spéciale »… La comédienne Elle Fanning, inquiétante à souhait, est exceptionnelle dans ce rôle sur le fil, comme dans cette scène glaçante où Michelle récite, en pleurs devant son miroir, le monologue de Rachel après la mort de Finn dans Glee, puis redevient stoïque la seconde d’après. Entre crises d’angoisse, fantasmes et mensonges, Michelle se (nous) convainc de la véracité des histoires qu’elle se (nous) raconte, mais où est la vérité ? Et surtout : quel est le mobile de la jeune femme ? Poursuivie pour incitation au suicide et condamnée pour homicide involontaire, elle ne l’explique pas. The Girl From Plainville sonde la tumultueuse psyché adolescente sans chercher de réponse. Un true crime remarquable et sensible, loin du sensationnalisme hélas typique du genre. le 10 juillet sur Starzplay

© Hulu 2022

Tirée d’une histoire vraie, la série de Liz Hannah (Mindhunter, Pentagon Papers) et Patrick Macmanus (Dr. Death) revient sur l’affaire Conrad Roy, un jeune homme de 18 ans dont la petite amie, Michelle, a été condamnée en 2019 pour incitation au suicide.

NORA BOUAZZOUNI

© RTL – Wolfgang Ennebach

© Apple TV+

© Two Brothers Pictures & All3Media International

Les sorties du mois

THE TOURIST

FOR ALL MANKIND

FAKING HITLER. L’ARNAQUE DU SIÈCLE

Série, le 20 juin sur France 2

Série, saison 3 le 10 juin sur Apple TV+

Série, le 9 juin sur Histoire TV

Un thriller surprenant, malgré un pitch familier : percuté par un camion lancé à sa poursuite dans l’outback australien, un Irlandais (Jamie Dornan, vu dans The Fall ou Belfast) se retrouve frappé d’amnésie et traqué par des tueurs… Cette minisérie nous embarque dans un jeu de pistes haletant façon Jason Bourne, mâtiné d’une bonne dose d’humour à la Fargo. • N. B.

Dans cette uchronie signée Ronald D. Moore (Battlestar Galactica), la dernière frontière est l’objet d’une lutte sans merci entre Américains et Russes depuis que ces derniers ont, les premiers, posé le pied sur la Lune. Cette saison-ci, avec Mars dans le viseur, les nations ennemies vont devoir compter sur un nouveau concurrent inattendu : le privé. • N. B.

En 1983, Stern, hebdo allemand à gros tirage, achète pour une somme colossale le journal intime d’Adolf Hitler… qui s’avèrent être un faux. Retour sur l’affaire qui a scandalisé le pays, avec une belle brochette de personnages : un reporter fasciné par les nazis, une journaliste déterminée à déterrer le passé SS de célébrités, et un faussaire expérimenté. • N. B.

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LA BÊTE DANS LA JUNGLE FILM

© INA

Quelle est donc cette bête tapie dans l’ombre que John passe son temps à attendre ? Car, il en est persuadé, la vie lui réserve un destin exceptionnel, pour le meilleur ou pour le pire. Comme dans la pièce de Samuel Beckett En attendant Godot, ce questionnement sur ce qui devrait arriver mais qui ne semble jamais advenir ouvre un abîme qui plonge le personnage, et donc le spectateur, dans une réflexion qui le hantera bien après la fin du film. Il fallait tout le talent de Sami Frey et de Delphine Seyrig pour donner corps à ce mystère, et pour rendre cette attente passionnante. Dans la haute société anglaise de la fin du xix e siècle, John et Cathe­rine se retrouvent par hasard dix ans après leur première rencontre. Catherine, qui semble en savoir davantage que lui, écoute John se confier sur ce pressentiment qui le tourmente. Si, dans les mentalités de l’époque, seuls les hommes pouvaient connaître un grand destin, Catherine fait preuve ici d’une sagesse supérieure. Ce n’est sans doute pas un hasard si le metteur en scène franco-argentin Alfredo Arias choisit, en 1981, de confier ce rôle

à Delphine Seyrig, grande féministe. Et si Marguerite Duras avait décidé d’adapter pour le public français cette pièce de James Lord, elle-même tirée d’une célèbre nouvelle publiée par l’Américain Henry James au début du xx e siècle. Quelques années après la première de Sami Frey et de Delphine Seyrig conduite par Marguerite Duras au Théâtre Gérard-Philipe à Saint-Denis, Benoît Jacquot fait le pari d’adapter cette même pièce pour la télévision, en 1989, y apportant tout ce que les mouvements de caméra et le montage peuvent produire d’effets supplémentaires. Accompagnant discrètement les déplacements des personnages, isolant tantôt John tantôt Catherine pour mieux scruter les subtiles émotions de leur visage respectif, la caméra de Caroline Champetier (César de la meilleure photographie 2011 pour Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois) accompagne calmement la mélodie de dialogues magnifiquement écrits. Teintée de mystère, la musique de Carlos d’Alessio, filmé à son piano au début de certaines scènes, porte la voix toujours douce des deux personnages. Une œuvre hypnotique sur l’amour et le mystère de l’existence. La Bête dans la jungle de Benoît Jacquot, sur Madelen

TRISTAN BROSSAT

© INA

En 1989, Benoît Jacquot portait à la télévision cette pièce de Marguerite Duras, adaptée d’une nouvelle de Henry James. Une belle et fascinante réflexion sur le mystère de la destinée.

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QUATRE AVENTURES DE REINETTE ET MIRABELLE

L’HISTOIRE OUBLIÉE DES FEMMES AU FOYER

Film, sur Mubi

Documentaire, sur Arte.tv

Si Delphine cherchait son rayon vert dans le film de 1986, c’est l’heure bleue, cet instant si particulier de la levée du jour à la campagne, que Reinette fait découvrir à son amie Mirabelle en 1987. Cette dernière l’initie ensuite à la vie parisienne, notamment à ses garçons de café exécrables… Des images et des dialogues sublimes. Bref, du Rohmer. • T. B.

À peine remis du visionnage en salles du splendide Et j’aime à la fureur d’André Bonzel, rien de mieux que de se plonger dans ces autres bobines de films amateurs ranimés par Michèle Dominici. Porté par la lecture puissante de journaux intimes, ce film libère les femmes du triste carcan de la vie de foyer laborieuse de l’après-Seconde Guerre mondiale. • T. B.

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© 1967 Toho Co., Ltd. Tous droits réservés

© Les Films du Losange

© Squawk Image – Cinémathèque de Bretagne

Les sorties du mois

NUAGES ÉPARS Film, sur LaCinetek

C’est au tour du réalisateur Pedro Costa de dévoiler la liste de ses cinquante films de chevet pour LaCinetek. On y trouve le bouleversant mélodrame de Mikio Naruse Nuages épars, ultime tableau – et l’un des seuls en couleurs – d’une filmographie de quatre-vingt-neuf films. Une œuvre tout en retenue sur la relation entre une veuve et l’homme responsable de la mort de son mari. • T. B.


LES GLANEURS ET LA GLANEUSE FILM

En 1857, Edmond Hédouin peint un groupe de paysanes menacées par un somptueux orage. Ce tableau, Les Glaneuses à Chambaudoin, Agnès Varda l’a filmé dans Les Glaneurs et la Glaneuse. Mais pas n’importe comment : elle le voulait à la lumière du jour. Le tableau s’est retrouvé à l’air libre, dans la cour d’un musée, toile vibrante au contact du vent. Peut-être la plus simple définition de son cinéma : la lumière qui rend visite. Les Glaneurs et la Glaneuse dit beaucoup de Varda : c’est un film autobiographique, un film en miroir de sa pratique cinématographique. Agnès Varda, glaneuse d’images, rend visite aux glaneurs, ramasseurs des choses du monde. Réalisé en 2000 à l’aide d’une petite caméra numérique, le film incarne le rapport à l’altérité de sa réalisatrice. Une familiarité malicieuse, pleine d’au-

daces enfantines : ses mains devant l’objectif capturant des camions, des cheveux blancs qu’on découvre comme un trésor, une valse de bouchons de bouteille… Agnès Varda à un goût radical pour la rencontre, moyen d’aiguiser un regard engagé et libertaire. Tourné dans le Jura, la Beauce, la Provence, les Pyrénées orientales, Paris et sa banlieue, ce road movie aléatoire trouve refuge dans l’épaisseur de ses sujets : artistes, ferrailleurs, étudiants ou agriculteurs racontent d’où ils viennent et ce qui les anime. C’est simple, et pourtant c’est beaucoup de cinéma qui déborde de ces images DV. Des itinéraires qui se meuvent peu à peu en un plus large panorama, empreint de violence sociale mais toujours gonflé de poésie. Sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes en 2000, le film est aussi traversé par une réflexion profonde sur la vieillesse, qu’aborde alors la réalisatrice en tant qu’individu.

© Ciné-Tamaris

À l’aube du xxie siècle sortait Les Glaneurs et la Glaneuse, film millefeuille d’Agnès Varda : documentaire sur sa réalisatrice, fresque écologique, expérimentation visuelle…

Les Glaneurs et la Glaneuse d’Agnès Varda, du 23 au 30 juin sur mk2curiosity.com, gratuit

JULES BRUSSELS

Les Glaneurs et la Glaneuse dit beaucoup d’Agnès Varda.

© D.R.

© D.R.

© D.R.

© D. R.

La sélection mk2 Curiosity

AMOR SUR MAMA

AU LOIN, BALTIMORE

TRACER UN TERRITOIRE

d’Anais Tohé-Commaret (2019, 12 min, France) du 16 au 23 juin sur mk2curiosity.com, gratuit

de Lola Quivoron (2016, 25 min, France) du 23 au 30 juin sur mk2curiosity.com, gratuit

de Zineb Sedira (2016, 16 min, Algérie) du 30 juin au 21 juillet sur mk2curiosity.com, gratuit

Solange s’est réfugiée en France après la dictature chilienne. Dans la maison de retraite où elle travaille, des histoires d’âmes vagabondes se confondent avec sa propre situation d’errance… La réalisatrice Anais Tohé-Commaret sonde ses origines franco-chilienne avec ce film récompensé du Grand Prix essai / art vidéo au festival Côté court 2020. • J. B.

La liberté ne signifie qu’une seule et unique chose pour Akro : rouler en motocross dans la cité, comme un prince, la roue avant braquée vers le ciel. Mais, ce soir-là, le moteur lâche… Ce court métrage de Lola Quivoron est un préambule de son premier long métrage, Rodéo, sélectionné au Festival de Cannes cette année dans la section Un certain regard. • J. B.

Filmée en Algérie dans la propriété du père de Zineb Sedira, Tracer un territoire interroge la manière dont on peut se représenter mentalement et physiquement un territoire. Arpentant une terre à la manière d’un funambule, son père s’efforce de délimiter et appréhender « sa terre » par son corps. Sedira représente la France à la 59e biennale de Venise. • J. B.

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Découvrez nos conférences, débats, cinéma clubs à retrouver dans les salles mk2

PHILIPPE APELOIG « Je m’attache à l’infime, au beau et au bien fait. »

Graphisme Célèbre designeur graphique, il est le créateur, entre autres, des affiches et des identités visuelles du Petit Palais, des éditions Odile Jacob et de la maison Hermès. Invité au mk2 Institut pour évoquer Enfants de Paris (1939-1945) (Gallimard) et Ces murs qui nous font signe (Studio Philippe Apeloig), deux livres qui restituent une enquête personnelle sur les plaques commémoratives parisiennes de la Seconde Guerre mondiale, il revient ici sur son métier de typographe, ses influences et son parcours. Selon vous, qu’est-ce qu’un graphisme réussi ? C’est la combinaison d’un concept et sa mise en forme. Il faut arriver à créer une forme esthétique, pour qu’elle s’inscrive ensuite dans la mémoire visuelle et l’inconscient des gens. La composition ne doit pas être purement décorative sinon elle perd de sa force. Elle doit être utile et fonctionnelle, être perçue le plus vite possible, provoquer une émotion…

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Comment travaillez-vous ? Après avoir reçu un brief, il y a un dialogue avec le commanditaire. On travaille en tandem et en osmose : on ne peut pas ignorer les besoins du client. La chance, c’est qu’on est confronté à toutes sortes d’univers qui ne nous sont pas familiers. Il faut écouter, s’instruire, dialoguer. J’ai besoin de me documenter en permanence, d’aller sur place parfois. Pour la maison Yves Saint Laurent, l’une de ses expositions et son musée à Marrakech, j’ai eu besoin de comprendre le parcours et les inspirations du couturier avant de pouvoir trouver une image qui rendrait compte de sa création. Vous avez travaillé au fil de votre carrière avec plusieurs institutions prestigieuses. Comment définiriez-vous votre style à travers toutes ces collaborations ? Plus qu’un style, je parlerais davantage d’une méthode. Pour moi, chaque travail a sa singularité. Et c’est un piège de s’enfermer dans des recettes. D’un point de vue strictement formel, je m’aperçois aussi qu’au fur et à mesure du temps j’ai tendance à raboter ce qui est superflu. Je sais aussi là où je suis mal à l’aise, notamment dans le recours à l’illustration que je trouve trop narrative. Je pense qu’on peut déjà raconter beaucoup de choses par l’usage des lettres et des mots. L’alphabet romain est limité par exemple, mais les formes et les combinaisons possibles, elles, sont illimitées : avec les majuscules ou les minuscules, l’italique, les différentes graisses, les empâtements… Vous vous êtes formé au graphisme aux Pays-Bas. Qu’y avez-vous appris ? Lors de mes stages étudiants dans le studio

Total Design, je suis arrivé dans une équipe de graphistes avec une grande rigueur de conception. Ils étaient comme des architectes. J’y ai découvert la combinaison entre la rigueur et l’audace ; le modernisme très présent dans leur culture, et la rationalisation de l’espace. Cette rationalité se retrouve dans la façon dont le pays lui-même est construit. Chaque parcelle de terrain est précisément exploitée et dessinée. Là-bas, j’ai eu rendez-vous avec l’abstraction. Peut-on dire la même chose de la culture graphique française ? Même si elle n’a jamais primé comme c’est le cas dans les pays anglo-saxons, en France, cette culture est multiple, diverse. On peut citer Claude Garamont, qui reste un canon de la typographie classique ; mais aussi la tradition des affiches réalisées par des artistes au xixe siècle avec Henri de Toulouse-Lautrec, Pierre Bonnard… L’édition a joué également un rôle important avec des identités visuelles très fortes comme celles de la NRF, des Éditions de Minuit, de P.O.L… Paris a été une terre d’affluence, elle attirait beaucoup de gens venus de l’extérieur. Cela a permis une histoire du graphisme français chaotique, en dents de scie, mais aussi joyeuse car difficile à définir précisément. Depuis vos débuts, observez-vous des tendances et des modes dans le graphisme français ? La publicité et le marketing ont empiété sur le domaine des designeurs graphiques. Aujourd’hui, la production provient souvent d’agences qui n’inventent rien et répondent

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à la loi du marché et à la rapidité de consommation des images. La création est souvent absente ou truffée de clichés. Toutefois, il y a de temps à autre des petits éclats graphiques dans la masse de ce qui est produit. On remarque aussi une floraison des étudiants dans les filières dédiées au graphisme au sein des écoles d’art. Cela est lié aux nouvelles technologies et à l’apport de l’information dans notre métier qui bouscule la chaîne graphique : de l’impression, qui se raréfie, à la diffusion des informations sur les supports numériques. Par ailleurs, de jeunes fonderies se créent, les institutions publiques et culturelles ont pris le rythme, même si ellesmêmes commencent à s’adresser de plus en plus à la publicité. Le graphisme a tendance à être vivant malgré ses difficultés. Votre métier mais aussi votre enquête sur les plaques commémoratives parisiennes témoignent d’un souci d’attention aux détails. Quel regard portez-vous sur cette démarche ? Je m’attache à l’infime, au beau et au bien fait. Le contexte urbain demande beaucoup d’attention et beaucoup plus qu’il n’y en a. On s’habitue à la laideur, à ce qui n’est pas pratique. Le design graphique fait partie de ces métiers modernes qui doivent concevoir des espaces publics agréables et pratiques d’usage. Cela vaut pour ces plaques, les immeubles… mais aussi des objets comme les affiches. Même si c’est éphémère, c’est une chance de voir ces créations apparaître et disparaître : cela donne l’occasion de se renouveler et de réparer ce qu’on a raté. Car la création n’a pas de limite.


© Alfredo Salazar

« Traces, signes et mémoire », avec Philippe Apeloig et Christophe Cognet, le 16 juin au mk2 Bibliothèque à 20 h PROPOS RECUEILLIS PAR JOSÉPHINE DUMOULIN

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CE MOIS-CI CHEZ MK2

----> JUSQU’AU 13 JUILLET

----> SAMEDI 25 JUIN

MK2 JUNIOR À partir de 5 ans : Mulan ; La Princesse et la Grenouille.

JAPANIME MANIA Kiki la petite sorcière de Hayao Miyazaki.

> mk2 Bibliothèque, mk2 Gambetta, mk2 Quai de Loire, les samedis et dimanches matin

> mk2 Parnasse, en fin d’après-midi

----> JEUDI 16 JUIN

CULTISSIME ! American Sniper de Clint Eastwood.

UNE HISTOIRE DE L’ART « Dubuffet et l’art brut. »

> mk2 Gambetta

> mk2 Beaubourg, à 20 h

JAPANIME MANIA Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki.

----> SAMEDI 18 JUIN VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Spéciale enfants : Voyage à la découverte du cosmos. »

> mk2 Bibliothèque (entrée BnF), à 17 h 30

----> JEUDI 30 JUIN UNE HISTOIRE DE L’ART « Le retour de la figuration. »

JAPANIME MANIA Mon voisin Totoro de Hayao Miyazaki.

> mk2 Beaubourg, à 20 h

> mk2 Parnasse, en fin d’après-midi

----> DIMANCHE 19 JUIN CULTISSIME ! J. Edgar de Clint Eastwood. > mk2 Gambetta

JAPANIME MANIA Porco Rosso de Hayao Miyazaki. > mk2 Bibliothèque (entrée BnF), à 17 h 30

Du 15 au 18 juillet, TROISCOULEURS est partenaire de la troisième édition de ce festival de films projetés en plein air dans l’impressionnante cour carrée du Louvre. Un événement gratuit, accessible cette année par une grande loterie ouverte du 8 au 28 juin. UNE COORGANISATION DU MUSÉE DU LOUVRE ET DE MK2

> mk2 Quai de Loire, à 11 h

----> SAMEDI 2 JUILLET JAPANIME MANIA Porco Rosso de Hayao Miyazaki. > mk2 Parnasse, en fin d’après-midi

----> DIMANCHE 3 JUILLET CULTISSIME ! The Dark Knight. Le chevalier noir de Christopher Nolan. > mk2 Gambetta

L’ART DANS LE PRÉTOIRE « Œuvres spoliées : l’art face à l’histoire. » > mk2 Bastille (côté Fg St Antoine), à 11 h

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Spéciale enfants : Voyage à la découverte du cosmos. » > mk2 Odéon (côté St Germain), à 11 h

----> LUNDI 20 JUIN LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Pouvons-nous vraiment être légers ? » > mk2 Odéon (côté St Germain), à 18 h 30

----> MARDI 21 JUIN AVANT-PREMIÈRE Elvis de Baz Luhrmann. > mk2 Gambetta, mk2 Nation, mk2 Bastille (côté Beaumarchais), mk2 Odéon (côté St Germain), à 20 h et mk2 Quai de Loire et mk2 Bibliothèque à 19 h et 20 h 30

----> JEUDI 23 JUIN UN CHEF-D’ŒUVRE DU PASSÉ, UN ÉCRIVAIN D’AUJOURD’HUI Anne-Marie Garat explore Noé de Jean Giono.

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----> DIMANCHE 26 JUIN

TROISCOULEURS VOUS DONNE RENDEZVOUS À CINÉMA PARADISO LOUVRE

JAPANIME MANIA Mes voisins les Yamada d’Isao Takahata et Hisaichi Ishii. > mk2 Bibliothèque (entrée BnF), à 17 h 30

----> LUNDI 4 JUILLET AVANT-PREMIÈRE Peter von Kant de François Ozon, présenté par le réalisateur. > mk2 Bibliothèque (côté BnF) à 19 h 30

Réservations : mk2festivalparadiso.Com

#CINEMAPARADISOLOUVRE

----> MARDI 5 JUILLET AVANT-PREMIÈRE Peter von Kant de François Ozon. > mk2 Gambetta, mk2 Quai de Seine, mk2 Beaubourg, mk2 Odéon (côté St Germain), mk2 Bastille (côté Fbg St Antoine), à 20 h

----> SAMEDI 9 JUILLET JAPANIME MANIA Princesse Mononoké de Hayao Miyazaki. > mk2 Parnasse, en fin d’après-midi

----> DIMANCHE 10 JUILLET CULTISSIME ! The Dark Knight Rises de Christopher Nolan.

> mk2 Quai de Loire, à 20 h

> mk2 Gambetta

UNE HISTOIRE DE L’ART « L’abstraction, de Paris à New York. »

JAPANIME MANIA Le Voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki.

> mk2 Beaubourg, à 20 h

> mk2 Bibliothèque (entrée BnF), à 17 h 30

no 189 – juin 2022

Une projection inédite d’un épous­ touflant documentaire sur les volca­ nologues Katia et Maurice Krafft (Fire of Love), suivie d’un DJ set de Nicolas Godin (Air) ; ou alors une avant-première de l’attendu The Gray Man de Joe et Anthony Russo, avec Ryan Gosling, Ana de Armas et Chris Evans au casting ; mais aussi le magistral Amadeus de Miloš Forman, le tonitruant La grande bellezza de Paolo Sorrentino, un concert de Riopy, des sets de La Femme et de Breakbot & Irfane… C’est l’affiche du prochain Cinéma Paradiso Louvre, une série de soirées pensées par le Louvre et mk2. Comme d’habitude, c’est gratuit, sur inscription. Cette année encore, l’événement mêle musique, cinéma et bistronomie dans l’écrin de la cour qui a accueilli la première représentation de Molière devant Louis XIV.

TROISCOULEURS fait gagner des places à ses lecteurs par tirage au sort*. Pour participer, découpez et retournez ce bon complété avant le 25 juin 2022 à : Troiscouleurs – mk2 55 rue Traversière 75012 Paris Je souhaite participer au tirage au sort pour remporter deux places à une séance de Cinéma Paradiso Louvre : NOM : ……………………………………….............. Prénom :…………………………………….............. Adresse mail :……………………...................... *Règlement du jeu sur wwww.troiscouleurs.fr/article/jeucinemaparadiso2022. Les données récupérées ne sont utilisées que dans le cadre de ce concours. Informations et inscriptions sur www.mk2festivalparadiso.com/louvre


AU MK2 INSTITUT EN SEPTEMBRE Féminisme, postcolonialisme, culture LGBT+… En septembre, le mk2 Institut mettra à l’honneur des sujets brûlants d’actualité qui agitent notre société. Sélection, en avant-première, des temps forts de la rentrée, au mk2 bibliothèque.

© Hannah Assouline

Laurent de Sutter : Le danger, une question philosophique et politique ? À l’heure où les dispositifs de surveillance se multiplient et où la question de la sécurité est au cœur du débat politique, le philosophe Laurent de Sutter se propose de faire l’éloge du danger dans son nouvel ouvrage du même nom publié aux Presses universitaires de France. En convoquant musique, psychanalyse, droit romain et théologie, l’auteur nous rappellera combien redouter le danger équivaut à craindre un pouvoir qui considère la sécurité comme la meilleure manière de se perpétuer.

© Robert Mapplethorpe Foundation

le 26 septembre à 20 h

Eileen Myles, figure majeure de la culture underground et LGBT+ aux États-Unis Iconoclaste, Eileen Myles compte parmi les poètes vivants les plus célébrés aux États-Unis. Elle viendra présenter Chelsea Girls (Éditions du sous-sol) au mk2 bibliothèque. Paru en 1994 et réédité en 2015 aux États-Unis, ce texte fondateur, aujourd’hui acclamé comme un souffle de liberté littéraire, inventif et addictif, sort enfin en France. Dans ce roman autobiographique encensé par l’écrivaine Maggie Nelson et par l’ensemble de la critique américaine, Eileen Myles transforme sa vie en œuvre d’art. le 15 septembre à 20 h

© Frank Ruiter 2020

David Van Reybrouck revient sur la décolonisation de l’Indonésie Dix ans après le succès de Congo. Une histoire, l’historien David Van Reybrouck publie Revolusi. L’Indonésie et la naissance du monde moderne (Actes Sud), ouvrage consacré cette fois à l’Indonésie, premier pays à avoir proclamé son indépendance le 17 août 1945 et modèle pour les pays décolonisés de la décennie suivante. Le temps d’une soirée au mk2 Bibliothèque, l’auteur nous invitera à repenser l’histoire de l’émancipation des peuples non européens et son incidence sur le monde contemporain.

© Charlotte Krebs

le 20 septembre à 20 h

Christelle Taraud analyse la mécanique des féminicides De la première chasse aux sorcières aux féminicides de masse, Christelle Taraud retrace dans Fémi­nicides. Une histoire mondiale (La Découverte) l’histoire de la machine féminicidaire à l’échelle planétaire, s’appuyant sur des travaux de spécialistes, des contributions d’activistes, des œuvres d’art et des témoignages. Au mk2 Bibliothèque, elle mènera une discussion avec Léa Michaëlis, photojournaliste et membre de Collages féminicides Paris. Pa ris ât re 75 00 4 s vr ai m en t sû r. e , 9 ru e du Pl m ai En tré e lib re ux . se s ; Je ne su is ja ux cie *L es sil en : Bu re au An to ine Ro e Gr ap his m tic ipa tio ns .co m laf ay et te an

le 19 septembre à 20 h

avec la participation de

juin 2022 – no 189

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ÉTERNEL REVENANT

Livres Romancier de genre, fan de cinéma bis, scénariste des Contes de la crypte et « inventeur » de Beetlejuice, Michael McDowell fait un carton en librairie ce printemps avec les six tomes de Blackwater, une saga familiale mâtinée de fantastique dans l’Alabama profond. Vingt ans après sa mort, ce spécialiste des revenants est plus vivant que jamais. Si vous passez par Chicago et que vous êtes d’humeur macabre, allez à la Northwestern University voir la Michael McDowell Death Collection, un ensemble de plusieurs centaines de pièces et documents relatifs à la mort au fil des siècles : daguerréotypes, lettres de condoléances, photos d’exécutions capitales et de processions funéraires, broches mortuaires, catalogues de pierres tombales et autres curiosités. L’auteur de cette étrange collection, Michael McDowell, n’en était pas à son coup d’essai en la matière. Dans les années 1970, il avait soutenu sa thèse de doctorat intitulée « Comporte-

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© D. R.

CULTURE

Culture

Capture du clip « Close to Your Heart » d’Ed Mount

ments américains envers la mort, 1825-1865 ». Comment s’étonner après ça que la mort, les revenants et les phénomènes surnaturels impliquant l’au-delà aient pullulé dans son œuvre, et qu’il soit l’« inventeur » du Beetlejuice de Tim Burton, le plus célèbre fantôme du cinéma américain ? Quasi inconnu jusqu’à présent en France, McDowell fait un carton en librairie depuis le printemps. La raison ? Blackwater, une série de romans dont la publication dans l’Hexagone doit beaucoup au flair de Dominiques Bordes, patron de Monsieur Toussaint Louverture. Parue en 1983 aux États-Unis, Blackwater est une saga familiale dans l’Alabama de 1919 à 1969 : une histoire de dynastie et de pouvoir mâtinée d’éléments horrifiques et fantastiques qui en font un cocktail addictif. La bonne idée de McDowell à l’époque fut de la publier en feuilleton, un volume par mois pendant six mois. Bordes a respecté le principe, en resserrant le calendrier sur deux mois pour ne pas lasser les lecteurs. Une stratégie couronnée de succès : tout le monde se les arrache depuis La Crue, sorti le 7 avril. Bordes avait labouré le terrain en amont, mené une campagne auprès de la presse et des libraires, créé la page française Wikipédia de McDowell et soigné l’emballage, comme d’habitude, en confiant au graphiste espagnol Pedro Oyarbide – spécialiste des cartes à jouer – la création de superbes couvertures à reliefs et dorures, qui génèrent une ambiance gothique à souhait et attirent l’œil en librairie. McDowell n’avait que 32 ans quand il a publié Blackwater, mais il était loin d’être un inconnu dans les littératures de genre. Il s’était lancé dès ses études à Harvard et

Brandeis, au début sans succès – ses premiers manuscrits sont refusés partout –, jusqu’à percer en 1979 avec The Amulet. Suivront une foule de romans horrifiques, influencés par le cinéma de genre : Les Brumes de Babylone (1980), Cauchemars de sable (1981), Katie (1982)… Efficaces, soignés, ces récits se déroulent souvent dans son Alabama natal, mais il aime aussi à reconstituer des décors historiques tel que le New York de 1870 dans Gilded Needles (1980), avec un sens du détail documentaire apprécié des connaisseurs.

DE HITCHCOCK À BURTON Devenu une figure majeure du paperback, cette littérature commerciale publiée en poche sous une couverture souple, héritière des pulps, McDowell a toujours assumé son côté d’artisan de la série B. « Je suis un écrivain commercial et j’en suis fier […], confie-t-il en 1985 à Douglas Winter. J’écris des choses qui seront mises en vente dans une librairie le mois suivant. » Et de poursuivre : « J’écris pour que des gens puissent lire mes livres avec plaisir, qu’ils passent un bon moment sans avoir à lutter. » Cela ne l’empêche pas de susciter l’admiration des grands : Stephen King, qui le suit depuis ses débuts, chipera d’ailleurs à Blackwater le principe du feuilleton pour La Ligne verte. L’incursion de McDowell à Hollywood, elle, résulte d’un malentendu. Le bureau de George A. Romero, alors occupé par la série Histoires de l’autre monde, l’appelle

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pour lui demander s’il écrit des scénarios. Ils pensaient en fait avoir affaire à un autre McDowell ! Engouffré dans la brèche, Michael écrira onze épisodes pour la série, dont « Seasons of Belief », qu’il réalise en 1986. On le retrouve aussi parmi les scénaristes d’Alfred Hitchcock présente et des Contes de la crypte. Quoi de plus normal pour ce fan de séries, de cinéma japonais et de slashers américains bas de gamme ? C’est aussi par le biais d’Alfred Hitchcock présente qu’il rencontre Tim Burton, lequel s’intéresse à l’un de ses scénarios : l’histoire d’un bio-exorciste chargé par des fantômes de débarrasser leur maison des vivants venus l’habiter… Initialement plus sombre et plus trash que la version finale, le scénario de Beetlejuice sera retravaillé par Warren Skaaren, qui en tirera la comédie que l’on connaît. McDowell travaillera de nouveau avec Burton sur L’Étrange Noël de monsieur Jack, et continuera ses travaux de mercenaire pour Hollywood. Le sida le fauche en 1999, alors qu’il écrivait un roman, Candles Burning. Tabitha King, l’épouse de Stephen, écrira la fin et le publiera sept ans plus tard. McDowell n’aurait pas été surpris de commencer une carrière posthume, en bon apôtre des retours de l’au-delà. Blackwater de Michael McDowell, traduit de l’anglais (États-Unis) par Yoko Lacour et Hélène Charrier, (Monsieur Toussaint Louverture, 260 p., 8,40 €, six tomes)

BERNARD QUIRINY


Culture

LA SÉLECTION DU MOIS TORBJØRN RØDLAND © Torbjørn Rødland – Courtesy the artist and Air de Paris, Romainville.

1 Expo

Torbjørn Rødland, Head and Fingers, 2019-2022

C’est l’envers du cool que cherche à révéler le photographe Torbjørn Rødland dans des mises en scènes fétichistes, entre attraction et répulsion. Derrière leur surface glacée, détournant les codes de l’industrie du divertissement et de la publicité, les photographies et les vidéos de Torbjørn Rødland déclenchent une gamme d’émotions

paradoxales : jouant à la fois de la séduction formelle et d’un malaise résiduel, leurs sujets cristallisent toute l’ambiguïté du monde contemporain, figeant les rapports de pouvoir et d’asservissement inhérents au capitalisme. Il y a quelque chose de ballardien dans cette juxtaposition de fétichisme des objets de consommation, de body horror dégoulinante et d’extase spirituelle. On n’y décèle pourtant aucune ironie, mais une forme d’innocence corrompue et de violence larvée, à l’image de cet enfant tout sourire, emprisonné dans une cage à lapin. Et que dire de ces implants dentaires qui émaillent les restes d’un repas, de ces papillons noirs butinant des fruits pourris

ou de ces pieds de femme aux ongles vernis, englués dans de la gélatine ? Les forces contradictoires – douleur et béatitude, allégresse et mélancolie, abjection et beauté – s’y assemblent pour redéfinir et érotiser le réel, en assumer toute son ambivalence. Bonne nouvelle, le glamour a enfin viré sa cuti.

SPECTACLES, PERFORMANCES, EXPOSITION, ROLLERDANCE, SKATEPARK...

Theatre of Immediacy de Torbjørn Rødland à la galerie Air de Paris (Romainville)

JULIEN BÉCOURT

LA MULTIPLICATION DES FEUX FOLLETS © Abel García Roure

2 Livre

DU 29 JUIN AU 3 JUILLET 2022

Jusqu’où peut aller le fétichisme cinéphilique ? Très loin, si l’on en croit le premier roman de Raquel Taranilla : elle imagine qu’un fondu du cinéaste F. W. Murnau vole son crâne embaumé au cimetière de Stahnsdorf, près de Berlin. La narratrice, jeune universitaire spécialisée en sociologie, croit connaître le coupable : un certain Quirós, artiste dandy avec qui elle a partagé jadis une loca-

© Luis Xertu

3 Spectacle

Le ponte flamand de la danse contemporaine Jan Martens rend un hommage sensible et humble à la claveciniste virtuose Élisabeth Chojnacka. Star du clavecin, la Polonaise installée en France Élisabeth Chojnacka a électrisé les scènes des années 1970 à 1990 en remettant au goût du jour un instrument suranné à coups de coiffure flamboyante, tenues sexy et fougue

tion… Au début, on pense avoir affaire à un roman d’aventures mâtiné d’enquête sur les traces du crâne perdu, mais c’est tout autre chose qui nous attend. Quoi, au juste ? On est bien en peine de le dire. La Multiplication des feux follets est un roman-nénuphar qui prolifère dans tous les sens, bourré de digressions, mélangé d’essai, saturé de noms propres (336, l’autrice a fait le compte !), de notes de bas de page et de mises en abyme. Post-postmoderne en diable, il réactive la veine des jeux littéraires ouverte par Laurence Sterne il y a deux siècles et continuée depuis par une kyrielle d’écrivains tels que Mark Leyner, John Barth ou William Gaddis. C’est brillant, potache, cérébral, avec des références innombrables et des gags parodiques qui ne

feront pas forcément rire tout le monde. Les lecteurs épris de linéarité auront envie de jeter le livre par la fenêtre au bout trois chapitres (« J’admets que j’avance sans boussole », s’amuse Taranilla), mais les amateurs d’ovnis littéraires sophistiqués – et, accessoirement, les fans de Murnau – trouveront bien leur chemin dans cet épatant labyrinthe textuel. La Multiplication des feux follets de Raquel Taranilla, traduit de l’espagnol par François Gaudry (Métailié, 304 p., 22 €)

BERNARD QUIRINY

ÉLISABETH GETS HER WAY irrésistible. En guise d’hommage, le Flamand Jan Martens a pris à bras-le-corps le répertoire de cette personnalité immanquable et très médiatisée, dans le solo Élisabeth Gets Her Way. En sept tableaux, qui sont autant de pièces musicales soigneusement choisies, le chorégraphe dévoile progressivement un portrait de cette figure aussi atypique que virtuose, pour qui ont composé György Ligeti et Iannis Xenakis. Seul au milieu d’une grande scène, il déplie des chorégraphies, scénographies et costumes différents à chaque tableau, qui tisse chacun un dialogue sensible avec la musique de Chojnacka. La gestuelle statique du danseur, simple mais précise, révèle une humilité touchante, sans

tomber dans le piège de la surenchère. Ces moments de danse sont ponctués par des archives sonores et visuelles qui confèrent une dimension documentaire délicieusement vintage à cette création. L’occasion de découvrir une figure éblouissante, qui touchera à coup sûr les mélomanes comme les profanes. Élisabeth Gets Her Way de Jan Martens, du 4 au 13 juillet au Théâtre de la Ville (1 h)

WWW.LECARREAUDUTEMPLE.EU - 01 83 81 93 30

BELINDA MATHIEU

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Culture

LA SÉLECTION DU MOIS 4 Jeu vidéo Dans cette fable cyberpunk qui repose uniquement sur des textes et sur des choix cornéliens, l’abstraction devient le moteur d’un imaginaire fascinant. Nous voilà dans la peau d’un Sleeper, corps synthétique dans lequel on a téléchargé une conscience humaine antérieure. Totalement amnésique, on se réveille sur The Eye, station orbitale bouillonnant d’une société interlope et désabusée. Tout en essayant de survivre au jour le jour, en alternant les petits boulots ingrats et les missions dangereuses mais lucratives, il nous faut aider l’avatar à décrypter son propre passé en piratant les systèmes alentour, en quête de révélations. On pourrait croire qu’un tel pitch, dans la droite lignée d’un roman de Philip K. Dick, nécessite un budget de blockbuster pour exprimer toute sa puissance. Mais non : Citizen Sleeper, c’est avant tout un texte-fleuve, parfois ponctué de quelques illustrations, que l’on fait défiler pendant des heures. À la manière de la collection « Un livre dont vous êtes le héros », ses aiguillages narratifs reposent sur des choix cornéliens, dont l’issue est décidée à coups de dés. Devant tant de frugalité, on pourrait vite craindre un abus de nostalgie, celle pour

rant devient rapidement le nôtre. Citizen Sleeper dépouille son médium de toute artificialité, pour mieux revenir à l’essence même de l’aventure et attiser sa flamme première : celle du romanesque. (PC, Xbox Series, Switch, Xbox One, Mac | Fellow Traveller)

YANN FRANÇOIS

TELLA

La chanteuse grecque Σtella (prononcer Stella) illumine les premières nuits d’été de ses chansons douces et vaporeuses, combinant chant en anglais, groove sixties et instruments traditionnels. Star indé en Grèce, son premier album sur le label Sub Pop voit la musicienne collaborer avec le producteur londonien Redinho, qui insuffle une chaleureuse coloration vintage à ses chansons pop, glissant la voix éthérée de l’étoile grecque sous les vibrations d’une section rythmique soul-funk, à même hauteur que de virtuoses improvisations de bouzouki et de kanoun. « Dans les chansons populaires grecques des années 1950 et 1960, explique la chanteuse, il était courant que le bouzouki suive la mélodie vocale, ou – dans certains cas – l’inverse. » Tous deux fans de la fusion entre Occident et Orient portée par des groupes comme Khruangbin ou Altın Gün, leur collaboration ravive la nostalgie de Σtella pour les chansons de Nikos Gounaris ou de Grigóris Bithikótsiset, et pour la pop anglo-saxonne, des Crystals à Fleetwood Mac en passant par Sade – « Je suis une grande fan de Sade. J’aime la façon dont sa voix peut être si subtile et si puissante à la fois. » Cet album transfrontalier évoquant la sé-

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le jeu de rôle papier et les premiers jeux d’aventure textuelle, voire une régression totale. Et, pourtant, si Citizen Sleeper est bien moderne, c’est justement parce qu’il prend à rebours les clichés de la modernité, que l’on confond trop souvent avec le devoir de performance visuelle. Son écriture est si précise et si dense qu’elle déploie un imaginaire tentaculaire dans lequel on s’immerge dès ses premières lignes. Mais, surtout, le jeu sait donner à chaque choix un enjeu émotionnel, si bien que le vécu de ce pauvre cyborg er-

© Dimitra Tzanou

5 Son

CITIZEN SLEEPER

paration (« sans être un album de rupture », dit-elle) sonne à la fois comme un journal intime (« Up and Away », « Charmed ») et une réflexion collapsologique (« Titanic », « Who Cares »), mais toujours tourné vers le haut, et l’ailleurs. Up and Away, comme son nom l’indique. Up and Away de Σtella (Sub Pop)

WILFRIED PARIS

Si votre album était un film... « D’une manière générale, j’ai l’impression qu’écrire des chansons m’aide à comprendre ma relation aux autres et au monde, d’une façon très rapide et directe. La vie se transforme constamment en quelque chose d’autre, et c’est définitivement un thème qui traverse le temps et les frontières. J’aime beaucoup le film Lost in Translation, qui me laisse toujours dans un état d’esprit qui pourrait être proche de celui de cet album. »

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LUCIEN DE GUILLAUME CARAYOL ET STÉPHANE SÉNÉGAS

WORLD WIDE POP DE SUPERORGANISM

OBSOLESCENCE DES RUINES DE BRUCE BÉGOUT

Après la série des Anuki, Stéphane Sénégas signe sa première BD pour adultes, nous faisant découvrir un balayeur lunaire, virtuose de la feuille morte, dont la vie bascule dans la violence. Les dessins sont à l’image du héros : aériens et fins. Par la rareté des dialogues, Guillaume Carayol trouve un langage de l’émotion pour raconter abus, amitié et résilience. • L. L. > (Delcourt, 264 p., 27,95 €)

Si le collectif psyché-pop anglais, révélé en 2017 par un premier album effervescent, s’est réduit à un noyau dur de quatre membres, son mishmash de pop indie, de pixels d’electronica et de mélodies en millefeuille n’a rien perdu de sa prolixité colorée, acide, sucrée. World Wide Pop met tout (genres, langues, Stephen Malkmus) en réseau, comme un grand trip numérique. • W. P. > (Domino)

RIDERLESS HORSE DE NINA NASTASIA

HELLFIRE DE BLACK MIDI

Les bâtiments modernes, conçus pour durer quelques années, se transformeront-ils un jour en belles ruines, ou deviendront-ils des gravats ? Bruce Bégout s’interroge sur l’architecture contemporaine, l’obsolescence programmée et le « présentisme » dans un essai pointu et littéraire qui fait suite à ses travaux sur les motels, les suburbs et autres objets philosophiques inattendus. • B. Q. > (Inculte, 352 p., 23,90 €)

Le troisième album de Black Midi impose le trio anglais comme les plus virtuoses représentants d’un math-rock upgradé, fourmillant d’informations, de signatures rythmiques complexes et de riffs rock, jazz, prog, hollywoodiens. Opéra-rock dans le cerveau d’un soldat traumatisé, Hellfire est le plus dense, le plus brutal, mais aussi le plus harmonieux de leurs albums fous. • W. P. > (Rough Trade)

VAMPIRE. THE MASQUERADE – SWANSONG

L’OBSESSION DU MATTO-GROSSO DE CHRISTOPHE BIER

Après le meurtre d’un des siens, la confrérie vampirique de Boston est sur le pied de guerre. Trois de ses membres sont dépêchés aux quatre coins de la ville… Cette nouvelle adaptation de Vampire. La Mascarade déploie une enquête passionnante où tout n’est que complot d’alcôve et rhétorique manipulatrice. • Y. F. > (PC, PS5, Xbox Series, Switch, PS4, Xbox One | Nacon)

Bien connu des fidèles de l’émission Mauvais genres sur France Culture, Christophe Bier est un collectionneur passionné de bizarreries X, notamment les volumes de la SelectBibliothèque, romans fétichistes des années 1930… Il raconte sa chasse au trésor dans ce récit qui, au-delà du sujet kitsch, est un superbe éloge de la collectionnite. • B. Q. > (Éditions du Sandre, 96 p., 10 €)

STUDIO ONE WOMEN. VOL. 2

© Theo Stanley

SHOPPING CULTURE

Culture

Le premier album depuis douze ans de la chanteuse folk américaine, encore une fois produit par Steve Albini, la voit délaisser les arrangements gothiques de cordes pour des chansons épurées à la guitare acoustique, évoquant sa relation tragiquement dysfonctionnelle avec son compagnon, qui s’est suicidé en 2020. Un très beau disque de peine et de résilience. • W. P. > (Temporary Residence)

LÉAWALD DE DOV LYNCH

REVITA

THE GREAT AWAKENING DE SHEARWATER

© Éditions du sous-soll

THE STANLEY PARABLE ULTRA DELUXE

Soul Jazz Records poursuit son exploration du mythique catalogue Studio One de Kingston avec cette sélection de chansons interprétées par les légendaires Marcia Griffiths et Rita Marley, et les moins connues Nina Soul, Nana McLean ou Doreen Schaeffer (chanteuse des Skatalites). Une collection crépitante de voix d’or et de tubes ska, rocksteady, roots, lovers. • W. P. > (Soul Jazz)

livre

BD

CD

vinyle jeux vidéo

Pour qui ne connaît pas cette incroyable fable, initialement sortie en 2013, cette édition remastérisée permettra de découvrir un chef-d’œuvre d’écriture. Pour qui croit la connaître par cœur, son nouveau contenu, d’une richesse abyssale, permettra de redécouvrir une grande œuvre méta qui n’a rien perdu de sa modernité. • Y. F. > (PC, PS5, Xbox Series, Switch, PS4, Xbox One | Crows Crows Crows)

Dans un Paris futuriste coupé en deux par la guerre civile, Léa est missionnée par le pouvoir légitime pour restituer aux insurgés la dépouille d’un de leurs chefs… Le roman raconte son épopée nocturne dans la capitale en état de siège, dans un style au couteau, halluciné et froid. À mi-chemin entre SF et littérature blanche, un récit palpitant qui tire sa force de son décor. • B. Q. > (Éditions du sous-sol, 176 p., 17 €)

Notre jeune héros doit arpenter les différents niveaux d’un métro hanté par des monstres, dont chaque boss porte le nom d’un trouble mental. Chaque mort le renverra au même point de départ, comme un cauchemar sans fin… L’exercice peut paraître sisyphéen, mais l’énergie et l’élégance graphique de Revita en font un des meilleurs jeux d’action du moment. • Y. F. > (PC, Switch | BenStar)

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Depuis son départ d’Okkervil River en 1999, Jonathan Meiburg a créé avec Shearwater une singulière entité musicale, célébrant le monde naturel dans des chansons atmosphériques et captivantes. Textures contrastées, murmures à la Mark Hollis, glissandos de cordes façon Scott Walker, ce « grand réveil » stimule nos sens, entre thrénodie folk et aube nouvelle. • W. P. > (Polyborus)

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Culture -----> « Le Songe d’Ulysse »

PORTFOLIO

SONGE SUR MER C’est bientôt l’été, cap sur la Méditerranée. Situés sur l’île de Porquerolles, dans le Var, la Villa Carmignac et ses jardins se transforment en labyrinthe à l’occasion de l’exposition « Le Songe d’Ulysse », une aventure esthétique et mythologique librement inspirée de L’Odyssée d’Homère. De Man Ray à Louise Bourgeois, de Niki de Saint Phalle à Keith Haring ou Yves Klein, on y découvre près de soixantedix œuvres majeures dans une scénographie faite de jeux de miroirs et d’illusions. Aperçu en images.

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Héroes boca a bajo de Jorge Peris, 2022 © Coproduction Fondation Carmignac et l’artiste. Photo : Thibaut Chapotot Sous le plafond d’eau de la Villa Carmignac, cette œuvre est la métaphore d’un naufrage. Serait-ce celui d’Ulysse ? Les matières sont en tension, et les plans à l’envers luttent contre la gravité. C’est ce moment de bascule et de silence qui intervient au moment du naufrage et de l’immersion dans l’eau, lorsque le contrôle n’est plus, pour laisser place au danger.

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The Kiss (Bela Lugosi) d’Andy Warhol, 1962 © Fondation Carmignac. Paris – The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc., ADAGP, Paris, 2022 L’œuvre The Kiss (Bela Lugosi) est l’une des rares sérigraphies sur papier d’Andy Warhol. L’image en noir et blanc est tirée du film Dracula de Tod Browning, sorti en 1931 aux États-Unis. Elle montre le comte Dracula, incarné par Bela Lugosi, sur le point de mordre le cou de Mina Seward, interprétée par Helen Chandler, scène prélude à la mort, et à l’immortalité, de l’héroïne.

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Alycastre de Miquel Barceló © Fondation Carmignac, ADAGP, Paris, 2021. Photo : Laurent Lecat L’Odyssée est un livre, un mythe, un monde. L’exposition est inspirée par Ulysse qui, après la guerre de Troie, navigua dix ans durant pour retrouver son foyer. Ce héros grec aurait touché, dans son errance, au rivage de Porquerolles. II y aurait combattu et terrassé l’Alycastre, ce monstre envoyé par Poséidon et sculpté par l’artiste Miquel Barceló à l’entrée de la Villa Carmignac.

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1

Faire et défaire Pénélope That’s the Rule de Martial Raysse, 1966 © Martial Raysse, Fondation Carmignac, ADAGP, Paris 2022 – Marinus Boezem, Tapis velours, 1998 © Collection du Mobilier national. Photo : Thibaut Chapotot Cette œuvre magistrale, jamais présentée au public, a été conçue originellement pour la salle de cinéma de la princesse Aga Khan. Constituée de panneaux amovibles, elle met en scène le processus cinématographique. Et au sol se trouve un tapis dont le motif fait référence au labyrinthe de la cathédrale de Chartres.

« Le Songe d’Ulysse », jusqu’au 16 octobre à la Villa Carmignac (Porquerolles) • CLAUDE GARCIA 3

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« Le Songe d’Ulysse » <----- Culture ODEON_Troiscouleurs.qxp_Mise en page 1 17/05/2022 15:29 Page 1

16 septembre – 14 octobre / Odéon 6e

Jours de joie

d ’Arne Lygre mise en scène Stéphane Braunschweig

6 – 22 janvier / Odéon 6e

Les Frères Karamazov

création

d ’après le roman de Fédor Dostoïevski mise en scène Sylvain Creuzevault

20 septembre – 14 octobre / Berthier 17e

artiste associé

Dans la mesure de l ’impossible texte et mise en scène Tiago Rodrigues

en français, anglais et portugais, surtitré en anglais et en français

11 – 21 janvier / Berthier 17e

Une mort dans la famille texte et mise en scène Alexander Zeldin artiste associé

Love

texte et mise en scène Alexander Zeldin artiste associé en anglais, surtitré en français

8 novembre – 1er décembre / Berthier 17e

En transit

d ’après le roman Transit d ’Anna Seghers un spectacle d ’Amir Reza Koohestani

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en français, anglais et farsi, surtitré en anglais et en français

10 – 18 novembre / Odéon 6e

Liebestod

texte et mise en scène Angélica Liddell

31 janvier – 19 février / Berthier 17e

Kingdom

d ’après le film Braguino de Clément Cogitore texte et mise en scène Anne-Cécile Vandalem 2 – 26 février / Odéon 6e

Oncle Vania d ’Anton Tchekhov mise en scène Galin Stoev

© Shawn McBride

15 – 22 octobre La Commune – Aubervilliers

18 mars – 22 avril / Odéon 6e

Othello

de William Shakespeare mise en scène Jean-François Sivadier

en espagnol, surtitré en français

23 mars – 21 avril / Berthier 17e

23 novembre – 16 décembre Centquatre-Paris

d ’après le roman de Philip Roth mise en scène Tiphaine Raffier

Depois do silêncio [Après le silence] d ’après le roman Torto Arado d ’Itamar Vieira Junior texte et mise en scène Christiane Jatahy artiste associée en portugais, surtitré en français

25 novembre – 22 décembre / Odéon 6e

La Ménagerie de verre de Tennessee Williams mise en scène Ivo van Hove

9 – 15 décembre / Berthier 17e

Dogs of Europe d ’après le roman d ’Alhierd Bacharevič un spectacle du Belarus Free Theatre mise en scène Nicolai Khalezin, Natalia Kaliada

en biélorusse, surtitré en français

Némésis

création

9 – 26 mai / Odéon 6e

Daddy

un spectacle de Marion Siéfert 12 mai – 9 juin / Berthier 17e

Hedda

d ’après Hedda Gabler d ’Henrik Ibsen un spectacle d ’Aurore Fattier 7 – 17 juin / Odéon 6e

Sur les ossements des morts [Drive Your Plow Over the Bones of the Dead] d ’après le roman d ’Olga Tokarczuk un spectacle de Complicité mise en scène Simon McBurney en anglais, surtitré en français

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Culture

CE MOIS-CI À PARIS

RESTOS

----> OGATA Dans ce temple du bon goût japonais, on s’attable au restaurant étoilé sur des tables ou au comptoir. Bento d’entrées (salade de bœuf grillé, tataki de bonite), oden (potau-feu de légumes), tamagoyaki (omelette roulée) : le voyage est subtil. Accord thé ou saké recommandé. Menus : 65, 120 et 170 €. • STÉPHANE MÉJANÈS > 16, rue Debelleyme, Paris IIIe

----> PARCELLES Nouvelle vie et nouveau quartier pour Sarah Michielsen (ex-Itinéraires). Avec son associé sommelier, Bastien Fidelin, et son chef, Julien Chevallier, elle bistrotte joyeusement, pâté-croûte, tête et ris de veau, gnocchis, poêlée de coques ou beignets de potimarron. Vins vivants de haut vol. Carte : environ 50 €. • S. M. > 13, rue Chapon, Paris IIIe

2019. Avec Corps extrêmes, il poursuit son exploration de l’acte acrobatique, toujours avec les membres de cette compagnie fascinante, ainsi qu’avec deux sportifs : la grimpeuse Ann Raber Cocheril et le slacklineur (funambulisme sur une sangle élastique) Nathan Paulin. Au fil de cette pièce poétique, ils arpentent des hauteurs sur scène grâce à un mur d’escalade et à une slackline, et esquissent des acrobaties au ralenti auxquelles se superposent les récits personnels de chacun. Inspiré par le dernier saut du danseur russe Vaslav Nijinski, pris en photo alors qu’il était interné, le saisissant Corps extrême nous rapproche de l’envol. • B. M. > du 16 au 24 juin au Théâtre national de la danse de Chaillot (1 h)

----> AFTER ALL SPRINGVILLE DE MIET WARLOP Une table, une boîte en carton et un tableau électrique montés sur des jambes, un joggeur au buste gigantesque… Dans le théâtre absurde de Miet Warlop, on peine à distinguer si le registre est comique ou tragique. Avec cette recréation de Springville, une dizaine d’années plus tard, la metteuse en scène belge ravit encore grâce à son ton décalé. • B. M. > les 23 et 24 juillet au Théâtre Paris-Villette (45 min)

----> CLÉO

Vu à la télé, Bruno Aubin est plus qu’un top chef, un top gars. En discrétion, dans l’hôtel Le Narcisse Blanc, il mitonne une cuisine vive et sans chichi : poireau rôti à l’ail des ours, poulpe snacké à l’huile de cumin, quasi de veau, et barre chocolatée à la cuillère. Menus : 34-49 €. Carte : à partir de 50 €. • S. M. > 19, boulevard de la Tour-Maubourg, Paris VIIe

Gagnez des places en suivant TROISCOULEURS sur Facebook et Instagram

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----> SHAZAM DE PHILIPPE DECOUFLÉ Crée en 1998, ce ballet culte de Philippe Découflé – connu notamment pour avoir chorégraphié la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’Albertville – nous transporte à une période charnière de la danse contemporaine en France. Mime, magie, cirque et cinéma s’entremêlent dans cet ensemble foisonnant aux allures de cabaret expérimental. • B. M. > du 30 juin au 10 juillet à la Grande Halle de la Villette (1 h 30)

----> CORPS EXTRÊMES

----> ANDY DE GROAT, UNE HISTOIRE POST-MODERNE Figure de la danse post-moderne, Andy De Groat (1947-2019) a partagé sa vision novatrice de la danse de New York à Montau-

cabre et érotisée des grandes héroïnes au xixe siècle. Avant de vous jeter dans le bain, on vous recommande « Les sacrifiées du romantisme », l’épisode palpitant consacré à l’expo par le génial podcast Vénus s’épilait-elle la chatte. • RAPHAËLLE SIMON > jusqu’au 4 septembre au musée de la Vie romantique

CONCERTS ----> SOIRÉE « HEXAGONE »

AU FESTIVAL DAYS OFF Dans le prolongement de l’expo « Hip Hop 360 » à la Philharmonie, cette soirée « Hexagone » réunit sur scène la fine fleur du rap contemporain francophone : la plume acide de Benjamin Epps, la verve féministe de Chilla, ou bien les influences cinématographiques de Sheldon. • Q. G. > le 7 juillet à la Cité de la musique

----> KAE TEMPEST

Léopold Burthe, Ophélia, 1852

----> JUDITH JOY ROSS. PHOTOGRAPHIES 1978-2015 Le Bal rend un bel hommage à la photographe américaine, célèbre dans le monde entier pour ses portraits saisissants et graves principalement de la classe ouvrière de Pennsylvanie, sa région natale. La scénographie met admirablement en valeur sa méthode particulière de tirage, qui donne ces effets de flou et ces teintes sépia. • R. S. > jusqu’au 18 septembre au Bal

Chilla

Artiste phare du slam en Angleterre et voix majeure de la culture queer, Kae Tempest présente sur scène son quatrième album, The Line Is a Curve. Ses performances, qui marient spoken words et productions hiphop, jazz ou électroniques, touchent au cœur, entre poésie et politique, colère et vulnérabilité. • W. P. > le 8 juillet à la Cité de la musique

Judith Joy Ross, Sin título, 1982

----> HEY ! LE DESSIN La revue de pop culture Hey ! reprend ses quartiers à la Halle Saint-Pierre pour un accrochage géant et génial dédié au dessin radical et à la contre-culture. Art carcéral japonais, dessins préparatoires de graffitis, Lowbrow Art ou art brut : une centaine d’artistes internationaux viennent peinturlurer Montmartre. • R. S. > jusqu’au 31 décembre à la Halle Saint-Pierre

----> ANDREW BIRD

Violoniste de formation, Andrew Bird est l’un des plus brillants songwriters américains, de ceux qui ont donné un souffle nouveau à la musique folk. L’Orchestre national d’Île-deFrance l’accompagnera pour des chansons réarrangées, et pour la première française d’une nouvelle pièce instrumentale. • W. P. > le 10 juillet à la Philharmonie de Paris

EXPOS

SPECTACLES DE RACHID OURAMDANE Connu pour sa danse sensible, qui s’attache à dévoiler la personnalité de ses interprètes, Rachid Ouramdane, nommé depuis peu à la tête du Théâtre national de la danse de Chaillot, s’était frotté à la virtuosité avec la compagnie circassienne XY dans Möbius en

ban. À travers trois pièces (Red Notes, Rope Dance Translations et Fan Dance) remontée par le Centre chorégraphique international de nulle part, on découvre le vocabulaire ludique de cet artiste en quête d’expérimentations, friand des apports de différentes techniques artistiques et qui n’hésitait pas à s’ouvrir à des interprètes amateurs. • B. M. > les 17 et 18 juin au CND (1 h 10)

----> HÉROÏNES ROMANTIQUES Ophélie noyée, Juliette empoisonnée, Jeanne d’Arc brûlée vive… Les héroïnes romantiques n’ont pas la vie – ni la mort – facile ! À travers les toiles de grands maîtres (Alexandre-Évariste Fragonard, Eugène Delacroix) et de jolies découvertes (les portraits photo de Julia Margaret Cameron), l’exposition dévoile la représentation à la fois ma-

no 189 – juin 2022

Conrad Botes, collection particulière

----> PHARAON DES DEUX TERRES. L’ÉPOPÉE DES ROIS DE NAPATA Cette expo réunit des vestiges exhumés par la mission archéologique du Louvre au Soudan. Elle nous plonge au viiie siècle avant J.-C., dans le royaume de Napata, capitale de la Nubie. Les pharaons de la 25e dynas­tie y ont régné pendant cinquante ans, entre le delta du Nil et le confluent du Nil Blanc et du Nil Bleu. • Q. G. > jusqu’au 25 juillet au Louvre © Ogata Paris ; © Bastien Fidelin ; © Guillaume de Laubier ; © Pascale Cholette ; © Reinout Hiel ; © Sigrid Colomyès ; © Céline Van Heel ; © Wolfgang Tillmans ; © musée de Poitiers – Christian Vignaud ; © Judith Joy Ross courtesy galerie Thomas Zander, Cologne ; © D. R.


Marine Hugonnier Le cinéma à l’estomac Exposition

08.06 — 18.09.2022

Jean Painlevé Les pieds dans l’eau Exposition

PEDRO COSTA

08.06 — 18.09.2022

Rétrospective et carte blanche Cinéma

14.06 — 26.06.2022 Soutenu par

Cycle cinéma Pedro Costa

Expositions Jean Painlevé / Marine Hugonnier

Remerciements

Manifestation organisée dans le cadre de la Saison France-Portugal 2022

Médias associés

Remerciements

Média associé

Jean Painlevé, Hippocampe femelle, vers 1934–1935. Tirage gélatino-argentique solarisé © Les Documents Cinématographiques /Archives Jean Painlevé, Paris Marine Hugonnier, Desire Is Not Much, but Nonetheless…, 2015. Film 16 mm. En collaboration avec Michael Newman. Courtesy de l’artiste et Marian Goodman Gallery © Marine Hugonnier Pedro Costa, Dans la chambre de Vanda, 2000 © Pedro Costa


UNE CRÉATION DÉCALÉE C+

©Magneto–LionelJanKerguistel

UNE SÉRIE D’OVIDIE

EN CE MOMENT SEULEMENT SUR


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