TROISCOULEURS #188 – Mai 2022

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Cinéma -----> Sorties du 11 mai au 8 juin

COMPÉTITION OFFICIELLE SORTIE LE 1ER JUIN

Penelope Cruz et Antonio Banderas brillent dans cette mise en abyme assumée. En manipulant habilement autodérision et clichés, les Espagnols Mariano Cohn et Gastón Duprat célèbrent un cinéma en majesté. Pour réaliser le film qui raflera toutes les récompenses, un riche mécène engage Lola Cuevas (royale Penélope Cruz) et la charge de diriger les deux meilleurs acteurs d’Espagne. Sur fond de pluie battante et de musique sensationnelle, le visage de la réalisatrice trône au centre d’un gros plan pendant qu’elle raconte l’intrigue à son bienfaiteur, bouleversé, une coupe de glace en main… En se moquant de cette mise en scène dramatique trop facile, Mariano Cohn et Gastón Duprat, les réalisateurs, donnent le ton : ils veulent qu’on reste de leur côté, critiques et attentifs. Quand

Cuevas exige de ses acteurs des nuances d’émotions impossibles, quand elle tapisse une pièce de micros pour entendre le bruit d’un baiser, on se délecte de la palette de jeu d’Antonio Banderas, ici starlette méprisante, et du travail sur le son, qui place le spectateur en point de vue subjectif. Mais c’est dans la joute d’ego entre les trois personnages que le film démontre son intelligence : les acteurs restent arrogants ; la réalisatrice, tyrannique. On ne cherche pas à les humaniser, plutôt à montrer le cinéma comme un monde parallèle qui transforme les individus en narcisses modernes, mais dans lequel l’art passe, pour une fois, avant tout le reste. Compétition officielle de Mariano Cohn et Gastón Duprat, Wild Bunch (1 h 54), sortie le 1er juin

LUCIE LEGER

On se délecte de la palette de jeu d’Antonio Banderas, ici starlette méprisante, et du travail sur le son. MIZRAHIM LES OUBLIÉS DE LA TERRE PROMISE SORTIE LE 8 JUIN

Dans ce road trip sur les traces de son père, Michale Boganim restitue le destin sacrifié des Juifs orientaux, les mizrahim, sur les terres d’Israël. Un documentaire qui narre une histoire des villes et des périphéries aussi bouleversante que révoltante. Ils avaient un rêve qui s’appelait Jérusalem. Dans les années 1960, de nombreux Juifs d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient cédèrent à l’appel de la Terre promise, espérant une vie meilleure en Israël. Mais, à défaut de mur des Lamentations, ils ne trouvèrent que sable et désillusions. Relégués dans le désert

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de Néguev, ces mizrahim, comme on les a appelés, ont surtout servi de main-d’œuvre pour le développement de villes périphériques à peine sorties du sol, quand les Juifs venus d’Europe étaient traités bien différemment. Ce n’était que le début de nombreuses discriminations et violences que la réalisatrice Michale Boganim expose dans son documentaire. Elle rencontre plusieurs générations de mizrahim dans un road trip intime qui revient sur le parcours de son père, l’un de ces expatriés déçus, de son arrivée sur la Terre promise à son exil en banlieue parisienne, en passant par sa lutte politique, sur le modèle des Black Panthers, pour faire reconnaître les droits des mizrahim en Israël. Sous la forme d’une lettre didactique à sa fille, elle propose une réflexion puissante et universelle sur ces périphéries délaissées où la cohésion sociale est la victime directe de politiques d’exclusion aussi arbitraires que dangereuses.

Mizrahim. Les oubliés de la Terre promise de Michale Boganim, Dulac (1 h 33), sortie le 8 juin

no 188 – mai 2022

PERRINE QUENNESSON


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