TROISCOULEURS #159 Mars-Avril 2018

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N 159

O

MARS—AVR. 2018 GRATUIT

L’ÎLE AUX CHIENS

WES ANDERSON NOUS DIT TOUTOU




LES FILMS DU WORSO

‟BRILLANT” ‟IMPRESSIONNANT” LE MONDE

JDD

‟BOULEVERSANT” LA CROIX

L A U N

F I L M

P R I ÈR E D E

C É D R I C

K A H N

21

MARS

À UTILISER SUR FOND SOMBRE

ANTHONY BAJON DAMIEN CHAPELLE ALEX BRENDEMÜHL LOU ISE GRINBERG AVEC LA PARTICIPATION DE HANNA SCHYGULLA À UTILISER SUR FOND CLAIR

PHOTO CAROLE BETHUEL

PRÉSENTE


ÉDITO Sous

ses airs sage et bien rangé, le cinéma de Wes Anderson est peuplé d’enfants turbulents, de losers magnifiques, d’aventuriers loufoques : les braqueurs ratés de Bottle Rocket, le lycéen fantaisiste de Rushmore, les membres dépressifs de La Famille Tenenbaum, le renard resquilleur de Fantastic Mr. Fox, les gamins fugueurs de Moonrise Kingdom, le binôme hyperactif de The Grand Budapest Hotel… De sorte que chaque film semble animé par cette tension, qui nous tient en haleine : l’ordre – symétrie, obsession du détail, harmonie des couleurs – finit toujours dynamité par le chaos – rythme effréné, intrigues rocambolesques, héros trop idéalistes et sentimentaux. Pour son nouveau film, L’Île aux chiens, Wes Anderson délocalise son univers dans un Japon magnifié. « Il y a certains aspects de la culture japonaise qui me parlent particulièrement, comme la précision, l’ordre et l’équilibre », nous a-t-il confié. Il y plonge une bande de clébards doués de parole, déclassés et maltraités – mais facétieux et solidaires. Réalisé en animation image par image, technique rigoureuse et laborieuse s’il en est, visuellement extrêmement sophistiqué, c’est un film plein d’inventions et de bifurcations, d’humour et de fantaisie. Aussi précis qu’indiscipliné. • JULIETTE REITZER


C FOU-MI PRODUCTIO CHITIONS N PRÉSENTE PR

Zita HANROT

PHOTO PHOT HOTO HHOT OTO OT TO EDD DDDY DYY BBRI BRIÈ BRRIÈ IIÈÈRE RE

Leïla BEKHTI

UN FILM DE

Jérémie ET Yannick RENIER

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Av A vec c Ba assttiien en BOUI BOUI BO UILL LL L LO ON N et et la p pa arrttiic cip pat atio ion on ex exxce cep ce pttio ion ionn nn nel nel elle le de Jo oha han HE EL LDE ENB BE ER RGH H et et Hi Hiam iam ABB BBAS ASS S

LE 28 MARS AU CINÉMA


POPCORN

P. 14 RÈGLE DE TROIS : VALD • P. 28 LA NOUVELLE : OPHÉLIE BAU P. 30 L’ŒIL DE MIRION MALLE

BOBINES

P. 32 EN COUVERTURE : L’ÎLE AUX CHIENS • P. 40 INTERVIEW : F. J. OSSANG ET ELVIRE • P. 46 INTERVIEW : SERGE BOZON

ZOOM ZOOM

P. 66 GHOSTLAND • P. 70 MEKTOUB MY LOVE. CANTO UNO P. 72 LA ROUTE SAUVAGE

COUL’ KIDS

P. 98 INTERVIEW : SHIRLEY SOUAGNON • P. 100 LA CRITIQUE D’ÉLISE : DARK CRYSTAL • P. 102 TOUT DOUX LISTE

OFF

P. 104 DÉCRYPTAGE : LA BANDE DESSINÉE ARABE • P. 114 CONCERTS : FEU! CHATTERTON • P. 126 SÉRIES : HERE AND NOW

ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIe — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM CHEFFE DE RUBRIQUE CINÉMA : TIME.ZOPPE@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@MK2.COM, JOSEPHINE.LEROY@MK2.COM GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY | SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRE : EDGAR MERMET ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : THOMAS AGNELLI, JULIEN BÉCOURT, CHRIS BENEY, HENDY BICAISE, LOUIS BLANCHOT, LILY BLOOM, SARAH DEHOVE, ADRIEN DÉNOUETTE, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, CLÉMENTINE GALLOT, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, RAMSÈS KEFI, VLADIMIR LECOINTRE, GRÉGORY LEDERGUE, NICOLÁS LONGINOTTI, MIRION MALLE, STÉPHANE MÉJANÈS, JÉRÔME MOMCILOVIC, MEHDI OMAÏS, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, LAURA PERTUY, PERRINE QUENNESSON, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, RACHID ZERROUKI, ETAÏNN ZWER & ÉLISE, CARLA ET TOSCANE PHOTOGRAPHES : PALOMA PINEDA, ERIOLA YANHOUI | ILLUSTRATEURS : AMINA BOUAJILA, PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, ÉMILIE GLEASON, PABLO GRAND MOURCEL, PIERRE THYSS | PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM RESPONSABLE MÉDIAS : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM | ASSISTANT RÉGIE, CINÉMA ET MARQUES : DORIAN.TRUFFERT@MK2.COM RESPONSABLES CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : MELANIE.MONFORTE@MK2.COM, ESTELLE.SAVARIAUX@MK2.COM ASSISTANTE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : LUCILLE.ETCHART@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR contact@lecrieurparis.com © 2018 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.


INFOS GRAPHIQUES

Nos

AVOIR DU CHIEN

fidèles compagnons s’invitent au cinéma avec les sorties de Chien de Samuel Benchetrit (lire p. 74) et de L’Île aux chiens de Wes Anderson (lire p. 32). Dans l’un, Vincent Macaigne se métamorphose en chien loyal. Dans l’autre, des toutous parqués sur une île tentent de déjouer un complot. Des chiens parlants aux humains jappants, focus sur des héros à la croisée des espèces. • JOSÉPHINE LEROY — ILLUSTRATION : JÉRÉMIE LEROY

DIDIER D’ALAIN CHABAT (1997)

THE LOBSTER DE YÓRGOS LÁNTHIMOS (2015)

SCOOBY-DOO DE RAJA GOSNELL (2002)

Quand Didier le labrador se mue en homme (Alain Chabat), c’est Jean-Pierre (Bacri), chargé de le garder jusqu’au retour de sa maîtresse, qui aboie.

BAXTER DE JÉRÔME BOIVIN (1989)

Dans un hôtel froid, David (Colin Farrell) doit vite trouver l’âme sœur sous peine d’être transformé en animal, à l’image de son frère, changé en clebs.

WALLACE ET GROMIT LE MYSTÈRE DU LAPIN-GAROU

DE NICK PARK ET STEVE BOX (2005)

Dans l’affolement d’un danger imminent, ce dogue allemand pourtant imposant saute dans les bras de Sammy, un grand dadais humain pas plus courageux.

RAYMOND DE BRIAN ROBBINS (2006)

D’une jalousie cruelle, ce bull-terrier à la voix grave et monocorde rêve secrètement que le bébé qui lui vole la vedette se noie dans une piscine.

Lorsqu’il n’est pas occupé à coudre, lire, écouter du Bach et astiquer son nonos, ce chien muet aide son maître Wallace dans ses quêtes scientifiques.

Après s’être fait mordre dans un laboratoire maltraitant les animaux, un avocat est pris de tics (course après un chat, grognements…) curieusement canins.

: « L’Île aux chiens » de Wes Anderson

: « Chien » de Samuel Benchetrit

20th Century Fox (1 h 41)

Paradis Films (1 h 34)

Sortie le 11 avril

Sortie le 14 mars

ÉMOPITCH MADAME HYDE DE SERGE BOZON (SORTIE LE 28 MARS) 8


S E N SI TO F I L M S & C I N É M A D E FA CTO P R É S E N T E N T

« UNE MISE EN SCÈNE GRANDIOSE QUI RENOUE AVEC LA GRANDE TRADITION DU CINÉMA POLITIQUE ITALIEN. » L’Humanité

C h a r l o t t e C é ta i r e

B a r b o r a B o b u lova

Design : Benjamin Seznec / TROÏKA

G i u s e p p e B at t i sto n

AU CINÉMA LE 21 MARS


FAIS TA B.A.

À chaque jour ou presque, sa bonne action cinéphile. Grâce à nos conseils, enjolivez le quotidien de ces personnes qui font de votre vie un vrai film (à sketches). POUR VOTRE COLLÈGUE QUI S’ESTIME MAUDIT ET PLEURE DANS SON COSTUME GRIS TROP PETIT Un pigeon se pose sur les toits ? Ses excréments finissent sur la tête de Robert. Un bus roule sur une flaque ? Le malheureux est éclaboussé direct. Mais la roue tourne… La rétrospective consacrée au Japonais Seijun Suzuki, simple réalisateur de catégorie B reconnu des années plus tard comme un des maîtres du septième art, le prouve. Courage, Bébert !

: « Rétrospective Seijun Suzuki » (Splendor Films) Ressortie le 28 mars

POUR VOTRE PROF D’ÉQUITATION QUI PRÔNE TOUJOURS LA PONDÉRATION Il attaque le cours d’équitation hebdomadaire par une séance de méditation. Ce vieux sage vous a appris à apprivoiser un cheval et aussi à dompter vos émotions. Parce qu’il passe toujours les musiques d’Ennio Morricone, vous le savez fan de western. Ce coffret en deux volumes (« Les Cowboys » et « Les Indiens ») et ses douze films le combleront de bonheur.

: « Une histoire du western » (GM Éditions / Carlotta Films)

POUR ROSELINE, VOTRE VOISINE QUI CHANTE « FEMME LIBÉRÉE » DE COOKIE DINGLER À TUE-TÊTE Vous avez intégré l’idée qu’« être une femme libérée […] c’est pas si facile ». Pour signaler à votre voisine préférée toujours habillée en pantalons pattes d’eph et en chemisiers fleuris que vous n’êtes pas sourd, glissez-lui la bio de Delphine Seyrig, fée brillante chez Jacques Demy, bourgeoise fofolle chez Luis Buñuel et vraie féministe. Comme Roseline.

: « Delphine Seyrig. Une vie » de Mireille Brangé (Nouveau Monde Éditions, 400 p.)

POUR VOTRE SŒUR QUI DOIT ÊTRE LA SEULE DE SA CLASSE À AIMER L’ALLEMAND Et ce n’est pourtant pas une fayotte. Elle sèche même tout le temps les cours, excepté celui d’allemand, qu’elle ne manquerait pour rien au monde, alors même que ses camarades pleurent en plein contrôle… Parce que son plaisir passe avant tout, offrez-lui ces coffrets pleins de joyaux de Rainer Werner Fassbinder. Elle vous remerciera dans la langue de Goethe.

: « Coffret Rainer Werner Fassbinder. Vol. 1 et vol. 2 » (Carlotta Films)

POUR CE VIEUX MONSIEUR QUE VOUS CROISEZ TOUT LE TEMPS DANS LE QUARTIER LATIN Avec sa canne et son bonnet en laine tout effiloché, il ne quitte pas les salles obscures aux alentours de la Sorbonne, sauf entre deux séances, quand il marche en admirant le soleil tout sourire, tel un bienheureux. Ce serait trop bête qu’il rate la rétrospective Louis Malle. Sortez-le de sa zone de confort en l’y invitant et allez-y vous aussi, avec ou sans canne.

: Rétrospective Louis Malle du 14 mars au 1er avril à la Cinémathèque française

• JOSÉPHINE LEROY 10


EX NIHILO

LAETITIA CLEMENT

©2018-PYRAMIDE - PHOTOGRAPHE ©THORSTEN GREVE

un film de

presente

ROD PARADOT

EL S A DIR IN G E R

LE 11 AVRIL


CHAUD BIZ

POPCORN

OÙ VA L’ARGENT D’UN TICKET DE CINÉMA ?

Système

taxe particulière. Le prix d’un ticket de cinéma se divise en cinq parties. Il y a d’abord la TVA, qui ne nécessite pas d’explication (n’est-ce pas ?), à hauteur de 5,5 %. Puis l’exploitant, qui possède le cinéma dans lequel vous êtes assis, et le distributeur, qui a permis au film de se retrouver en salles et a assuré sa promotion – ils touchent chacun environ 41 % des recettes. Par ailleurs, la Sacem, qui gère les droits d’auteur, reçoit 1,5 % du prix du billet. Enfin, il y a la TSA qui s’élève à 11 %. Cette taxe spéciale additionnelle est une spécificité française, messieurs dames, créée en 1948 par André Malraux pour lutter contre l’hégémonie des films américains et protéger le cinéma français. Le fruit de cette exception culturelle française est directement reversé au CNC (le Centre national de la cinématographie et de l’image animée). Avec cet argent, ce dernier a pour objectif de soutenir la mécanique du septième art hexagonal : il aide les films au moyen de subventions telles que l’aide à l’écriture ou l’aide à la réalisation, mais aussi certains distributeurs sous forme de participation aux frais, ainsi que la plupart des exploitants par le biais d’aides à la modernisation des salles et des équipements. Pas mal pour un petit bout de papier carré, non ? • PERRINE QUENNESSON — ILLUSTRATION : ÉMILIE GLEASON

vertueux s’il en est, le financement du cinéma passe en partie par nos porte-monnaie au moment où nous payons notre place. Mais dans quelle mesure cet argent revient-il à la production de nouveaux films ? Et qui empoche le reste ? Installé dans le fauteuil rouge, popcorn à la main, coca dans le porte-gobelet, prêt à dégainer, vous êtes paré pour votre séance. En rangeant votre ticket dans votre poche, vous soupirez en regardant le prix. Ne faites pas cette tête-là, d’abord. Sachez que le coût moyen d’une place est de 6,51 € (ceci n’est pas une blague, les Parisiens) et qu’il varie en fonction des cinémas et de la taille de la ville où ils se trouvent. Avec plus de 200 millions de spectateurs par an, les Français dépensent environ 1,35 milliard d’euros chaque année dans les salles de cinéma. Ce qui place la France en première position des pays européens dans ce domaine. « Mais où va l’argent ? » me direz-vous. « Mais dans le financement du cinéma, voyons ! » vous répondrai-je. Alors, tous actionnaires ? C’est un raisonnement un peu capillotracté ; cependant, il est vrai que le public des salles françaises contribue grandement au financement du septième art hexagonal. Et cela grâce à une

« Mais où va l’argent ? Dans le financement du cinéma, voyons ! »

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PAR LE RÉALISATEUR DE

TEL PÈRE, TEL FILS ET NOTRE PETITE SŒUR

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AVRIL

un film de KORE-EDA HIROKAZU


VALD

RÈGLE DE TROIS

3 acteurs à qui tu aimerais dire « bonjour » ? Leonardo DiCaprio pour Basketball Diaries. Jason Statham pour Hyper tension. Et Bruce Willis pour Die Hard 2. Les trois sont trop beaux. Si j’étais gay, franchement, je serais super attiré par eux. Statham, on l’appelle que pour des blockbusters insupportables, je trouve ça génial. En fait, c’est le nouveau Bruce Willis. Bruce Willis, c’est vraiment le roi des films d’action de merde, je l’aime tellement… et même son doubleur français, tellement intense… D’ailleurs, je dirais plus « bonjour » au doubleur français de Bruce Willis qu’à Bruce Willis lui-même. Tes 3 films d’horreur préférés ? Halloween, Saw et Sinister. Saw, ça m’a traumatisé quand j’avais 11 ans. Halloween j’étais enfant quand je me le suis pris, et c’est chaud… Autant l’original que celui qui

a été refait par Rob Zombie. Tous les films de Rob Zombie sont exceptionnels. Décris-toi en 3 personnages de fiction. Jim Carrey dans The Mask, parce que j’ai un autre gars en moi. Samuel L. Jackson dans Incassable, car je suis un peu ce mec qui est énervé contre tout le monde parce que lui-même est fragile. Et Morgan Freeman quand il joue Dieu [dans Bruce tout-puissant, ndlr]. 3 films que tu aimerais vivre ? J’aimerais beaucoup vivre la vie de la série Modern Family. Avoir une famille comme ça, avec des gens remariés, des enfants, des homosexuels, je trouve ça vraiment bien. J’aimerais vivre la vie de Rick, dans la série animée Rick et Morty, pour changer de dimension, vivre quarante vies dans une seule. Et celle de Mushu dans Mulan. Je kifferais être une statue

— : « Xeu » de Vald (Capitol)

— 14

© D. R.

Alors que le rappeur d’Aulnay-sous-Bois sort son deuxième album, Xeu, et qu’il s’apprête à jouer dans la trilogie de courts métrages Je t’aim3, réalisée par les clippeurs Leïla Sy, Cristobal Diaz et Lucas « Kub » Fabiani, il a répondu à notre questionnaire cinéphile, brouillant comme toujours les frontières entre sérieux et absurde.

immobile, et qu’on m’appelle juste pour aller sonner la cloche. 3 leçons de vie que tu as apprises au cinéma ? La première leçon de vie, dans Fight Club, c’est de toujours me demander si c’est vraiment moi. Dans ma vie et celle de mes copains, ça a vraiment tout changé. D’un coup, c’était possible que chacun ne soit pas lui-même, qu’il soit juste complètement schizophrène. Ça te permet de prendre un maximum de recul… Quand j’ai regardé Forrest Gump, j’ai eu des révélations du type : « Putain, quand t’es gentil et que tu fais les choses que t’aimes, l’univers t’écoute et te le rend bien. » Attends, je vais t’en trouver un autre… Dans Scream, de ne jamais dire : « Qui est là derrière la porte ? » Voilà.

• PROPOS RECUEILLIS PAR EDGAR MERMET


LE BRAS CASSÉ

RUPTURE

Chaque mois, les aventures d’un bras cassé du ciné. Ton ex-copine était actrice. Le soir, il arrivait qu’elle t’attende en bas du boulot avec des places pour des œuvres uniques. Un film d’auteur bulgare, par exemple, racontant l’histoire d’un concepteur de porte-clés fétichiste qui décide d’ouvrir, envers et contre tous, une fabrique de pantoufles. Ou une fiction en 2D – le procès en 2030 d’un cadre supérieur qui tutoyait son chien en dépit des nouvelles circulaires sur le vouvoiement des canidés. Ton mensonge du premier rencard t’avait coincé – quand elle avait dit : « J’ai quitté mon ancien compagnon parce qu’il regardait des séries grotesques, avec des dialogues de mufle », tu avais répondu : « Évidemment, pff… » Tu étais si amoureux que tu étais prêt à toutes les concessions. Au bout du huitième mois, elle s’était installée chez toi. Vous aviez des projets : visiter un aqueduc dans la banlieue

d’Orléans, et acheter une lance à un artisan basé en Dordogne. Mais une soirée de faiblesse a tout gâché. Alors qu’elle tournait à Manchester, tu as décidé de penser à toi et de t’offrir ton kif suprême, impossible à avouer à ta douce : la saison 1 de Rick H., le flic à la calvitie qui rôde à vélo et tire sans sommation. Toi, un fin consommateur d’œuvres transgressives ? Billevesées. Plutôt un type qui refoule ses passions. Un foutu fan des séries B dans lesquelles le héros aurait la CPI (Cour pénale internationale) sur les côtes. Pile au moment où Rick envoyait deux pruneaux dans le plexus d’un ado, elle a poussé la porte. « Surprise, je suis rentrée plus tôt ! » Tu étais allongé sur le dos avec de la tarte chinoise sur les cuisses et un short de bain. Alors que l’ado agonisait, le flic à moitié chauve l’étouffait avec son genou pour qu’il se mette à table. Malgré deux phrases en araméen – elle adorait cette langue –, elle s’en est allée. The end. • RAMSÈS KEFI — ILLUSTRATION : PIERRE THYSS


RÈGLE DE TROIS

BARBARA CARLOTTI 3 rêves dans des films qui te fascinent ? Réalité de Quentin Dupieux. Tout le film est construit comme un rêve dans le rêve dans le rêve. Je trouve qu’il suit bien la logique onirique, qui est circulaire et aléatoire. Mulholland Drive de David Lynch. On ne le comprend pas à la première vision, mais on est dans le cauchemar du personnage joué par Naomi Watts. Enfin, je pense que, s’il y avait une image qui devait représenter le rêve au cinéma, ce serait ce moment, dans Le Miroir d’Andreï Tarkovski, où la dormeuse est en lévitation au-dessus de son lit alors qu’un homme lui caresse les mains. C’est incroyablement beau. 3 films qui pourraient décrire l’ambiance de ton album ? Il y a des chansons un peu cosmiques, comme « Voir les étoiles tomber » ou « Radio mentale sentimentale ». Du coup, je dirais 2001 : l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. Ensuite,

on pourrait penser à Sueurs froides d’Alfred Hitchcock, pour le côté onirique, justement. Il y a une chanson, « Mensonge », qui raconte bien cette manière dont un rêve peut vous donner accès à un pan de la réalité que vous ne soupçonniez pas. Une sorte de prescience… Et puis Anna, le téléfilm de Pierre Koralnik avec Anna Karina, pour l’ambiance pop sixties. 3 films trop méconnus que tu aimerais faire découvrir ? Quatre nuits d’un rêveur de Robert Bresson. Une balade nocturne très enchanteresse, réalisée avec une sorte d’ascétisme qui correspond bien à mon goût d’un certain cinéma d’auteur français. Notre dame des hormones de Bertrand Mandico, pour son univers baroque, sale et crépusculaire – c’est vraiment un héritier de Kenneth Anger et de David Lynch. Et mon film de chevet : La Jetée de Chris Marker. La bande-son de Trevor Duncan m’a

— : « Magnétique » de Barbara Carlotti (Elektra)

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© ÉLODIE DAGUIN © JF PAGA

Avec Magnétique, un nouvel album sensuel et raffiné inspiré par la logique des rêves, Barbara Carlotti nous emmène dans ses intrigantes errances nocturnes. On en a profité pour l’interroger sur ce qui la faisait rêver au cinéma. beaucoup marquée. Le film est d’une très grande tenue et c’est très fort sur ce que ça raconte du futur et de l’humanité. Décris-toi en 3 personnages de fiction. Mon pseudo sur Facebook, c’est Barbarella, comme le personnage du film de Roger Vadim. Je la trouve drôle, sexy, naïve. Être une aventurière intergalactique, ce serait pas mal, je trouve… Fanny Brice, jouée par Barbra Streisand dans Funny Girl de William Wyler. Elle est maladroite, mais ça lui est utile. Et puis quand elle chante, il y a une ferveur que je trouve très forte. Et Violet (Greta Gerwig) dans Damsels in Distress de Whit Stillman. Elle est un peu perdue, mais elle prend les choses en main. Et puis son idée d’une nouvelle chorégraphie qu’elle invente pour faire école, c’est quand même super.

• PROPOS RECUEILLIS PAR

QUENTIN GROSSET


DU 14 MARS AU 13 MAI 2018

CARTE BLANCHE À L’ARTISTE JR

J1

MARSEILLE


LA CONSULTATION disparu. Dans ce jeu, le joueur pilote une voiture – un symbole puissant de mort et d’autonomie – à laquelle le patient s’est identifié. Il faut se frotter à d’autres voitures et les éjecter de la route. Symboliquement, son corps était comme une carrosserie, ça lui a permis d’extérioriser toutes ses pulsions agressives, de se dégager de son problème et de prendre une autre route. Le côté « cocon protecteur » du monde virtuel de Ready Player One s’appuie notamment sur un effet de nostalgie : il est plein de références à la pop culture des années 1980 et 1990, ce qui le rend rassurant. J’ai travaillé sur la licence Pokémon, qui existe depuis longtemps. Des joueurs qui ont connu les premières versions commencent à pouvoir partager cet univers avec leurs enfants. Cette transmission intergénérationnelle à travers les jeux, comme ça se passait jusqu’ici avec les livres, est très intéressante. Un des premiers films qui a interrogé l’effet « cocon du virtuel », c’est Matrix des Wachowksi (1999). En 2004, quand j’ai commencé à recevoir des jeunes déscolarisés qui ne faisaient plus que jouer, j’ai lié dans un article les MMORPG, ces jeux de rôle en ligne massivement multijoueur, et le ventre maternel, car c’est un processus très régressif, il n’y a plus de contraintes corporelles. L’enjeu de ces jeux est moins l’hypercompétence que le fait d’y rester le plus longtemps possible. Ce sont des « mondes persistants », sans fin, un espace transitionnel qui permet d’éviter de se confronter au fait d’être adulte. Qu’est-ce que ça fait, de se perdre dans un monde virtuel ? Les mondes virtuels ont permis à mes patients d’échapper à leur corps et à leur sentiment d’échec. Cela dit, ils restent des compétiteurs, ils ne jouent pas dans des mondes d’empathie, mais dans des mondes où ils doivent écraser l’autre, même en coopération. Il faut être performant, à l’image de ce que prône notre réalité : la réussite à tout prix. Mais l’espace virtuel, en tant qu’échappatoire, peut se révéler poétique, à travers des activités comme la « web-errance » – on passe d’un site à l’autre sans forcément chercher une réponse, mais pour le plaisir de se poser des questions. • PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ

READY PLAYER ONE L’AVIS DE MICHAËL STORA, PSY SPÉCIALISÉ

DANS LES MONDES VIRTUELS

Adapté d’un roman d’Ernest Cline, le nouveau film de Steven Spielberg raconte un futur dans lequel les humains se réfugient dans un monde virtuel pour fuir le réel. L’occasion de consulter Michaël Stora, psychologue pionnier de l’usage du virtuel en thérapie. Comment le virtuel peut-il soigner ? Après des décennies de toute-puissance de la télé, donc de soumission aux images, le jeu vidéo a permis de jouer avec celles-ci, de faire de nous des metteurs en scène, des « interacteurs ». Je les ai utilisés en psychothérapie avec des jeunes qui souffraient d’état limite. Le jeu vidéo peut leur permettre de se dégager d’une culpabilité écrasante, en extériorisant leurs pulsions agressives. J’ai eu un patient de 12 ans dont 70 % du corps était couvert d’eczéma. Il a joué pendant six mois à Burnout. Revenge, et sa maladie a totalement

— : « Ready Player One » de Steven Spielberg

Warner Bros. (N. C.) Sortie le 28 mars • « Hyperconnexion » de Michaël Stora et Anne Ulpat (Larousse, 288 p.)

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SCÈNE CULTE

MANHUNTER

POPCORN

« Vous voulez savoir pourquoi vous m’avez eu ? Parce que nous sommes pareils. »

Bien

avant que David Fincher ne devienne la référence en matière de tueurs en série et de profileurs (Seven, Zodiac, la série Mindhunter), avant même que Le Silence des agneaux (1990) ne lance la mode de ce type de thrillers, Michael Mann avait magnifiquement balisé le terrain avec ce film, d’abord distribué en France en 1987 sous le titre Le Sixième Sens (on comprend la pertinence du retour à la V.O.). Ancien agent blessé par le psychopathe cannibale Hannibal Lecter, William Graham est rappelé par le F.B.I. pour arrêter un autre serial killer surnommé Dragon rouge. De nouveau mis face à ses obsessions, il rend visite en prison à son ancien meilleur ennemi pour lui demander de jeter un œil averti au dossier. Son entrée dans la cellule est filmée en contre-plongée à travers les barreaux. Un second plan découvre le détenu allongé, la tête cachée par le bloc de serrure. « C’est le même affreux after-shave qu’au procès il y a trois ans », lance-t-il avant de se mettre en position assise. Zoom sur le monstre

dont c’est la première apparition filmique, sous les traits d’un Brian Cox glaçant, qui n’a rien à envier à Anthony Hopkins. Toute la scène est rythmée en champs-contrechamps, épousant la tension montante des dialogues et plaçant les deux personnages à égale distance, le visage enserré par les mêmes barreaux. Un jeu de déstabilisation réciproque s’engage, qui tourne peu à peu à la faveur du psychopathe. « Vous voulez savoir pourquoi vous m’avez eu ? Parce que nous sommes pareils. Vous cherchez une piste ? La réponse est en vous. » Ce sont les dernières paroles de Lecter, tandis que Graham quitte précipitamment la cellule et qu’un dernier plan en plongée vient parachever l’effet miroir de la scène. Tous les codes du genre sont clairement énoncés dans ces cinq minutes virtuoses et hypnotiques. • MICHAËL PATIN

— : « Manhunter » de Michael Mann, disponible en DVD (ESC)

20


© CHRISTMAS IN JULY – FRANCE 3 CINÉMA – AUVERGNE-RHÔNE-ALPES CINÉMA – 2018

CHRISTMAS IN JULY présente

un film de Sophie Fillières

ACTUELLEMENT


C’EST ARRIVÉ DEMAIN

3026

POPCORN

L’ANNÉE OÙ LES FILMS FIRENT MAIGRIR

En

direct de l’avenir, retour sur le moment où les salles de cinéma remplacèrent les salles de sport. Tout le monde était myope. Très myope. Il fallait se rendre à l’évidence : il existait désormais une grave usure des yeux, générale et irréversible. Les lunettes-jumelles avaient atteint leur limite. Le soir, les rues se vidaient : tout le monde avait en tête ces histoires sordides de badauds tâtonnant dans la nuit et finalement écrasés par des navimobilistes qui n’y voyaient pas davantage qu’eux. Le jour, on se pressait : lire à distance un panneau d’aérogare demandait un tel effort visuel que l’épuisement gagnait vite. Trop dangereux pour la santé, les cinémas n’étaient fréquentés que par de pauvres âmes venues agoniser devant le flux d’images, des suicidaires dont on évacuait les dépouilles en fin de séance… Seules les prothèses oculaires I.O. purent mettre un terme à ces désagréments, avec un effet secondaire

REWIND

inattendu. Ces nouvelles extensions puisaient leur énergie dans la graisse du corps de leurs propriétaires. Plus on les sollicitait, plus elles pompaient les poignées d’amour : plus on regardait attentivement, plus on maigrissait. Le succès commercial de ces prothèses aidant, les cinémas cessèrent aussitôt d’abriter des suicides assistés pour retrouver un rôle plus positif. Les personnes se pressaient aux portes pour voir un film d’une durée adaptée à leur surpoids (il fallait compter sur un long métrage de trois heures pour perdre huit kilos, hors bande-annonce). La prise de poids des Occidentaux ayant passé la barre des douze kilos hebdomadaires, le calcul était vite fait : tout le monde enchaînait les séances. Loin des salles de sports et des risques de crise cardiaque, gourmandise et cinéma se retrouvaient enfin dans une pratique commune et vertueuse. • CHRIS BENEY — ILLUSTRATION : PIERRE THYSS

PRINTEMPS 1968

Tournage de L’Enfance nue de Pialat, réputé parfois odieux avec ses acteurs. Dans son livre L’Hirondelle du faubourg, la productrice Véra Belmont raconte que, choquée, elle a appelé son partenaire François Truffaut pour le prévenir que Pialat avait giflé le jeune comédien Michel Terrazon. En rage, Pialat s’est saisi du téléphone. « Vous n’avez aucun talent, vous êtes pire que Delannoy ! » Insulte suprême pour le réalisateur des Quatre Cents Coups, Jean Delannoy étant l’incarnation du cinéma de « qualité française » qu’il exécrait. • Q. G.

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LE TEST PSYNÉPHILE

ES-TU UN ŒUF DE PÂQUES, UN LAPIN EN CHOCOLAT OU UN ENFANT GOURMAND ?

POPCORN

Au détour d’une ruelle sombre, tu espères toujours…

Le paradis pour toi… L’île de Themyscira…

Une rencontre du troisième type.

La tête dans les nuages !

Une fessée de Superman.

Tu n’es pas un ange, et encore moins un saint…

Le baiser d’une libertine, d’une catin. Crois-tu en l’âme ?

Si je te dis que ce printemps sera « fantastic »…

Oui, l’âme « stram gram ».

Allez… optimistique-moi !

De quoi ? Des androïdes ?

I wonder…

Aux âmes errantes plutôt. Avant de dormir… Tu vérifies trois fois si tu as fermé la porte de la cuisine.

Tu es super ready ! La chasse aux œufs peut commencer, les enfants ! Tu es affolé(e), le cauchemar recommence.

Toi (et ta chaussette préférée), vous lisez des comics…

Tu n’as qu’une chose à dire (à hurler plutôt) : « Team Laura ! »

Tu bois un Oasis sans sucre.

Vite, une cape, un bouclier !

SI TU AS UN MAXIMUM DE : TU ES UN LAPIN EN CHOCOLAT ET TU FLIPPES. Mais avoue-le, tu adores être martyrisé(e) et tu vas adorer te liquéfier devant Ghostland (sortie le 14 mars). Couronné au festival international du film fantastique de Gérardmer, le dernier film de Pascal Laugier va te scotcher à ton siège. Tu auras à peine le loisir d’étudier les fans chelou de Mylène Farmer autour de toi.

TU ES UN PETIT ŒUF DE PÂQUES, QUI SE RÊVE GRAND. Papy Spielberg a pensé à toi et t’offre Ready Player One qui s’annonce comme LE film SF de l’année (sortie le 28 mars). Ça se passe en 2045, et tout le monde cherche un grand œuf de Pâques dans un univers virtuel pour toucher un héritage astronomique… Question à cinq cent milliards de dollars : qui l’a caché ? Un certain J. Hallyday.

TU ES UN ENFANT GOURMAND, TU EN VEUX TOUJOURS PLUS ! Si tu n’as pas peur de la crise de foie, va voir My Wonder Women (sortie le 18 avril). Angela Robinson s’attaque à la genèse scandaleuse de sa super-héroïne et la réalisatrice s’y connaît en objets filmiques pop, sexy et addictifs (True Blood, The L Word…). Elle livre un film qui va te rassasier pour le goûter.

• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 24


“ UN MAGNIFIQUE WESTERN MODERNE. ”

★★★★

THE HOLLYWOOD REPORTER CAVIAR & HIGHWAYMAN FILMS PRÉSENTENT

CAVIAR ET HIGHWAYMAN FILMS PRÉSENTENT UN FILM DE CHLOÉ ZHAO “THE RIDER” BRADY JANDREAU LILLY JANDREAU TIM JANDREAU AVEC LANE SCOTT ET CAT CLIFFORD MUSIQUE NATHAN HALPERN SUPERVISEUR MUSICAL BEN SOKOLER SUPERVISEUR DU MONTAGE DES EFFETS SONORES PAUL KNOX MONTAGE ALEX O’FLINN DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE JOSHUA JAMES RICHARDS PRODUCTEURS ÉXÉCUTIFS MICHAEL SAGOL JASPER THOMLINSON YUJI ZHAO DICKEY ABEDON DANIEL SBREGA PRODUIT PAR BERT HAMELINCK SACHA BEN HARROCHE MOLLYE ASHER ÉCRIT, RÉALISÉ ET PRODUIT PAR CHLOÉ ZHAO

LE 28 MARS


LE NOUVEAU

POPCORN

ANTHONY BAJON

Dans

La Prière (lire p. 78), le nouveau film de Cédric Kahn, il campe avec une intensité stupéfiante un junkie envoyé dans un établissement qui soigne l’addiction par la prière, rôle pour lequel il vient de recevoir le Prix d’interprétation masculine à Berlin. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, entre la scène où il se fait gifler par Hanna Schygulla et celle où il se casse la jambe dans la montagne, le tournage aura été une épreuve initiatique. « J’ai repoussé mes limites dans le jeu, mais je me suis aussi découvert en tant qu’homme », confie, avec une candeur non feinte, celui qui, à 23 ans, n’ose pas encore se qualifier d’acteur. Conscient que son visage enfantin constitue un atout (même si « c’est un truc qui me gêne

dans la vraie vie, notamment avec les filles »), ce grand sportif né de parents ouvriers s’est jeté « à corps perdu » dans l’art dramatique. Adoubé par Adèle Haenel, sa partenaire dans Les Ogres en 2016, puis par Vincent Lindon, qui l’a pris sous son aile sur le tournage de Rodin, il rêve aujourd’hui d’incarner un boxeur, un taulard ou un héros de comédie à la OSS 117. Après l’avoir rencontré, on en est convaincu : sa foi (dans le cinéma) pourrait déplacer des montagnes. • JULIEN DOKHAN — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

— :« La Prière » de Cédric Kahn

Le Pacte (1 h 47) Sortie le 21 mars

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PAR LE RÉALISATEUR DE

N A R C O S 1976 OUGANDA 248 OTAGES UN DÉTOURNEMENT QUI A CHANGÉ LE COURS DE L’HISTOIRE.

ROSAMUND PIKE

MUSIQUE DE

DANIEL BRÜHL

PARTICIPANT MEDIA PRésENTE uNE PRoDuCTIoN WoRKING TITLE FILMs “OTAGES À ENTEBBE” RosAMuND PIKE DANIEL BRÜHL EDDIE MARsAN LIoR AsHKENAZI DENIs MENoCHET BEN sCHNETZER FIONA WEIR DIRECTEUR DE RODRIGO AMARANTE COSTUMES BINA DAIGELER MONTAGE DANIEL REZENDE COSTUMES KAVE QUINN LA PHOTOGRAPHIE LULA CARVALHO, AsC, ABC PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS JEFF SKOLL JONATHAN KING OLIVIER COURSON JEAN-CLAUDE DARMON ANGELA MORRISON JO BURN LIZA CHASIN PRODUCTEURS TIM BEVAN ERIC FELLNER KATE SOLOMON MICHELLE WRIGHT RON HALPERN SCÉNARIO GREGORY BURKE RÉALIPARSÉ JOSÉ PADILHA © 2017 STORYTELLER DISTRIBUTION CO., LLC. Tous droits réservés.

LE 25 AVRIL


LA NOUVELLE

POPCORN

OPHÉLIE BAU

Elle

est le soleil autour duquel batifole la bande de jeunes gens du nouveau film d’Abdellatif Kechiche, l’estival Mektoub My Love. Canto uno (lire p. 70). « Mon personnage est fort, battant, joyeux et indécis. Comme moi. Non, je rigole. » Après avoir laissé tomber le cours Florent de Montpellier (« trop formaté ») où elle vit, elle s’apprêtait à reprendre ses études quand une directrice de casting, rencontrée pour de la figuration en 2015, l’a appelée. « J’étais à la bibliothèque en train de réviser le concours de puéricultrice. J’ai refermé le livre, et au revoir. » Pour préparer son rôle de fille d’éleveurs ovins, la jeune femme de 25 ans, originaire d’un village de Franche-Comté, s’est

installée plusieurs mois à la ferme. « Je faisais le fromage, je m’occupais des bêtes : la traite, les mises bas… J’ai pas peur de me mouiller ou de me salir. » Ophélie raconte avec simplicité un tournage – son premier – idyllique. « J’ai appris à partager avec les autres, à être libre de mon corps… Je n’ai eu qu’à profiter de l’instant », conclut-elle dans un sourire radieux. • JULIETTE REITZER — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

— : « Mektoub My Love. Canto uno »

d’Abdellatif Kechiche Pathé (2 h 55) Sortie le 21 mars

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L’ŒIL DE MIRION MALLE

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SIRET 798 857 017 00015

Ouverture Samedi 10 mars 2018 9 rue du Plâtre 75004 Paris


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BOBINES

L’ÎLE AUX

L’ÎLE AUX CH 32


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BOBINES

CHIENS Huit ans après le bien nommé Fantastic Mr. Fox, Wes Anderson à l’animation Huit ans après le bien nommé Fantastic Mr. Fox,revient Wes Anderson revientimage à par avec film encore l’animation image par image avec un film encoreimage plus fou et un sémillant, gorgéplus de fou et plusde sémillant, gorgé de détails détails et de bons mots – ici déclamés par une bande cabots condamnés à et de bons mots – ici déclamés l’exil sur une île poubelle, au Japon. Le cinéaste a répondu à nos questions par par bande deses cabots condamnés téléphone, au cours d’un trajet bref et dissipé enune voiture avec coscénaristes sur une île-poubelle Jason Schwartzman et Roman Coppola (rejoints,à l’exil à mi-parcours, par un invitéau Japon. Le cinéaste répondu surprise). Un joyeux bordel qui ne l’a pas empêché de parler de L’Île aaux chiens à nos avec la précision qui caractérise son cinéma. questions par téléphone, au cours d’un trajet bref et dissipé en voiture avec ses coscénaristes Jason Schwartzman et Roman Coppola (rejoints, à mi-parcours, par un invité surprise). Un joyeux bordel qui ne l’a pas empêché de parler de L’Île aux chiens avec la précision qui caractérise son cinéma.

IENS

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CHIENS FOUS BOBINES

Les chiens du film ont tous des noms qui évoquent la domination : Chief, Boss, King… Pourquoi ?

Wes Anderson : Ce sont tous des mâles alpha, des mâles dominants. Avec Jason et Roman [Jason Schwartzman et Roman Coppola, ses coscénaristes, ndlr], on aimait l’idée d’avoir un groupe de chiens dont chacun était, dans son ancienne vie, un leader. Maintenant qu’ils sont réunis, il n’y a plus de chef et, au moment de prendre une décision, ils sont obligés de composer avec les autres et de voter. C’était presque le point de départ du film, l’idée était présente dès la première page de notes. Une grande partie de l’intrigue se passe dans une décharge. Qu’est-ce que ce lieu symbolise pour vous ? W. A. : On aime l’idée de la décharge, parce que c’est un lieu créé par l’homme, mais pas vraiment délibérément. C’est rempli de toutes sortes d’objets qui n’ont plus d’intérêt ou d’utilité, et c’est tout ce qu’on laisse à ces chiens. Et c’est aussi comme ça qu’on les traite : ils ont été domestiqués, utilisés, et finalement jetés avec le reste des ordures. Les héros sont condamnés à l’exil et livrés à une grande misère. De quelle façon le film résonne-t-il avec le monde actuel ? W. A. : Je vois les animaux du film comme des gens, et donc l’histoire comme celle de gens qui sont maltraités, dont on fait des réfugiés, qui souffrent inutilement entre les mains de sociétés dévoyées au profit d’intérêts individuels. On peut faire un lien avec l’actuelle crise des migrants.

L’histoire se situe au Japon. Comment éviter l’écueil de l’exotisme ? W. A. : On a choisi de situer l’histoire au Japon surtout parce qu’on adore le cinéma japonais. On est d’immenses fans d’Akira Kurosawa ou de Hayao Miyazaki. Je crois qu’on voulait représenter le pays d’une façon qui nous permette de partager les choses, les images, les objets qu’on y a découverts et aimés. Il y a certains aspects de la culture japonaise qui me parlent particulièrement, comme la grande attention à la nature ou à la poésie, et les valeurs comme la précision, l’ordre et l’équilibre… Ah, attendez… Bill Murray vient de nous rejoindre [l’acteur joue le chien Boss dans la version originale du film, ndlr]. Bill, tu as entendu la question ? Bill Murray : Oui. Moi je pense que les Japonais aimeront ce film. Ils ont beaucoup d’autodérision, je pense qu’ils vont surtout apprécier les personnages de méchants. Qu’est-ce que vous aimez dans le cinéma d’Akira Kurosawa ? W. A. : Tout. Je veux dire, quiconque a une voix aussi forte et singulière est remarquable pour de multiples raisons. Pour L’Île aux chiens, on a été très inspirés par ses films qui se passent dans des univers urbains et contemporains, comme Chien enragé (1949), Les salauds dorment en paix (1960) ou Entre le ciel et l’enfer (1963). Pour le personnage du maire dans L’Île aux chiens [interprété par Kunichi Nomura, ndlr], on

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ROYAL CANIN C’est au son des tambours que s’ouvre L’Île aux chiens, deuxième long métrage d’animation réalisé en stop motion par Wes Anderson, après le merveilleux Fantastic Mr. Fox (2009) et sa famille de renards en lutte contre des fermiers. Cette fois, direction le Japon, où des toutous victimes d’une épidémie de grippe canine sont déportés sur une île par le maire de Megasaki. Attristé, le jeune Atari vole un avion pour ramener son ami à poils, aidé sur place par une bande de clebs parlants au flair intact. Dès l’introduction, le ton est donné : dans une partition millimétrée, Anderson soigne ses miniatures avec son habituel sens du détail tout en rendant hommage au cinéma japonais. Le cinéaste, dont les choix de casting sont impeccables (Bryan Cranston, Edward Norton, Bill Murray pour la V.O., Vincent Lindon, Romain Duris pour la VF), renifle du côté de la dystopie (l’attaque de chiens robots sur l’île est bluffante). Avec l’animation, Anderson a trouvé une niche créative inépuisable. • JOSÉPHINE LEROY

s’est beaucoup inspirés de l’acteur fétiche de Kurosawa, Toshirō Mifune. D’ailleurs, c’est marrant, mais la première fois que j’ai parlé à Bill Murray, c’était au téléphone, il y a très, très longtemps, quand on préparait le film Rushmore. Ça devait être en 1997. Bill m’a dit que le scénario lui avait fait penser au film de Kurosawa Barberousse, sur un médecin de campagne au xix e siècle… Donc Kurosawa fait partie de notre relation depuis le tout début. C’est votre second film d’animation après Fantastic Mr. Fox. Ici, vous explorez encore davantage les possibilités de l’animation, avec une multitude de détails, d’inventions… W. A. : Oui, grâce à l’expérience de Fantastic Mr. Fox, j’avais une idée très claire de comment être efficace, communiquer et utiliser les contraintes imposées

par l’animation image par image pour transformer le film en quelque chose de nouveau, de surprenant. Ce film a trois fois plus de personnages et de décors que Fantastic Mr. Fox, mais on a réussi à le faire pour à peu près le même budget. Vous avez la réputation d’être un cinéaste très précis, rigoureux. Est-il plus facile de tout contrôler sur un film d’animation que sur un film en prises de vue réelles ? W. A. : Quand on m’interroge sur cette histoire de contrôle, c’est toujours… En fait je ne sais même pas ce que ça veut dire exactement. Quand vous faites un film, le but n’est pas de tout contrôler, mais juste d’arriver à faire le film que vous avez en tête. Je ne contrôle pas mon équipe, je les invite dans mon univers, j’échange avec eux, c’est vraiment un travail collectif.

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BOBINES

WES ANDERSON


WES ANDERSON

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« J’aime les trucages qui sont conçus plus comme des tours de magie, les illusions réalisées avec des techniques artisanales. » Dans vos films, les acteurs ont de l’espace pour improviser, par exemple ? W. A. : Les dialogues sont généralement écrits et respectés, sauf si on se rend compte que ça ne marche pas. Mais tout le reste est improvisé, oui ; les acteurs s’approprient le texte, l’espace, ils font les choses à leur façon. Si vous regardez dix prises d’une même scène de Bill Murray, par exemple, vous aurez souvent dix propositions différentes. Vous utilisez beaucoup la profondeur de champ dans vos films, et ici aussi. Mais avoir une grande profondeur de champ quand on filme de petits objets, c’est un défi technique… Comment avez-vous fait ? W. A. : Ah, une question technique, j’adore ça ! Vous avez raison. Avoir une grande profondeur de champ avec des miniatures, c’est un gros challenge. Ce qui trahit souvent une miniature, c’est que la profondeur de champ est tellement réduite que vous voyez tout de suite que c’est une miniature. Nous avions des objectifs très larges, et le truc avec l’animation image par image, c’est que, s’agissant d’objets immobiles, l’exposition peut être aussi longue que vous le souhaitez. Donc en allongeant l’exposition, on augmente la quantité de lumière qui imprime la pellicule, et on augmente la profondeur de champ. Mais parfois, la solution est de

tourner deux images différentes, puis de les combiner numériquement pour former un premier plan et un arrière-plan qui soit tous les deux nets. Mis à part ces plans combinés, vous êtes généralement réfractaire aux effets spéciaux numériques. Le film en contient-il ? W. A. : C’est rempli d’effets spéciaux, sauf qu’ils ne sont pas faits sur ordinateur mais au moment de la prise de vue. J’aime les trucages qui sont conçus plus comme des tours de magie, les illusions réalisées avec des techniques artisanales qui peuvent être captées en direct par la caméra. Les chiens, ce sont des poupées, leurs poils sont faits avec de la laine. Les nuages sont faits avec du coton, la pluie est faite avec des petits bouts de ficelle, le feu est fait avec des paillettes de savon… Les ombres… bon, ce sont de vraies ombres, évidemment.

• PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER

— : « L’Île aux chiens »

de Wes Anderson 20th Century Fox (1 h 41) Sortie le 11 avril

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« Délicat et sensible » « Gemma Arterton est bouleversante. » M A D M O I Z E L L E .CO M

LE JOURNAL DES FEMMES

KMBO PRÉSENTE

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LORTON ENTERTAINMENT PRÉSENTE UNE PRODUCTION SHOEBOX FILMS UN FILM DE DOMINIC SAVAGE AVEC GEMMA ARTERTON, DOMINIC COOPER “UNE FEMME HEUREUSE (THE ESCAPE)”, JALIL LESPERT, FRANCES BARBER ET MARTHE KELLER CASTING SHAHEEN BAIG COSTUMES LIZA BRACEY CO-PRODUCTEUR DANIEL TOLAND MUSIQUE COMPOSÉE PAR ANTHONY JOHN ET ALEXANDRA HARWOOD MONTEUR DAVID CHARAP DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE LAURIE ROSE BSC PRODUCTEURS EXÉCUTIFS GEMMA ARTERTON, PAUL WEBSTER, JULIAN BIRD, JOSEPH BERRY, JR PRODUIT PAR GUY HEELEY ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR DOMINIC SAVAGE


EN COUVERTURE

LANGUES MORTES SOUS-TITRAGE : QUI A DROIT À LA PAROLE À HOLLYWOOD ? Priver des personnages étrangers de traduction : détail technique ou vieille convention raciste ? On s’est posé la question en français et en anglais, à l’occasion de la sortie de L’Île aux chiens de Wes Anderson, film d’animation bilingue sis au Japon.

BOBINES

Si

vous ne vous en souvenez pas, c’est nor mal : en sortant de la salle, on oublie. Pourtant, certains dialogues ne sont pas traduits au cinéma – en particulier, hollywoodien. Pour le public français, l’effet est d’autant plus saisissant que le sous-titrage ou le doublage s’interrompt au cours d’une scène pour laisser place à… rien. A-t-on loupé une information cr uciale pour l’intrigue ? Quelqu’un a-t-il simplement demandé : « Passemoi l’sel ? » Mystère. Peuplade jugée paresseuse par l’indus-

rygmes dans cer tains classiques sur la guerre du Viêt Nam, comme Platoon d’Oliver Stone ou Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino. Un bel exemple de chauvinisme amé­r icain, décrypte Jennifer Ho dans son essai Consumption and Identity in Asian Ameri­can Coming- ­of-Age No­ vels. Au point que Hollywood a longtemps oublié de s’adres­ ser à un public autre qu’anglophone : ainsi, au début d’Iron Man de Jon Favreau, un dialogue en ourdou non sous-titré entre des terroristes spoile la

Une partie des dialogues japonais n’est pas traduite. Hommage ou négligence ? trie hollywoodienne, le public américain a longtemps été rétif aux sous-titres et s’en passe dès que possible : une question de confort du plus grand nombre. D’ailleurs, note Eric Hynes pour le site Slate, à Hollywood, « le moyen le plus simple d’aborder les langues étrangères est de faire comme si elles n’existaient pas ». Ainsi, le reste du monde parle-t-il souvent, comme par magie, anglais, parfois avec un accent approximatif. À l’inverse, on n’a pas hésité à réduire le vietnamien des Viêt Công à d’incompréhensibles borbo-

suite du film. Et tant pis pour le public pakistanais ! À qui la faute ? Du réalisateur améri­ cain au distributeur français, une règle prime : la fidélité à l’œuvre originale. Autre principe à appliquer, selon Maïs Boiron, traductrice ayant travaillé sur L’Île aux chiens de Wes A nderson : « Se mettre dans la peau du héros. Si il ou si elle ne comprend pas, on ne sous-titre pas. » En jouant sur l’empathie, la mise en scène, qui retranscrit la barrière de la langue, peut ainsi amplifier le sentiment d’incompréhension, comme dans Ba38

bel d’Alejandro Iñárritu, où les personnages sont égarés entre le Maroc, le Mexique et le Japon. Plus rarement, il s’agit d’un choix militant, comme dans Salvador d’Oliver Stone, dont une scène montre les difficultés de communication entre un Américain moyen et des interlocuteurs hispanophones. « Le héros parle espagnol, donc cela ferait sens de traduire ; mais non, on nous met dans la position d’acolyte paumé qui ne parle pas la langue. Cette barrière linguistique est interrogée au cœur même du film et, venant d’Oliver Stone, hyper critique vis-à-vis de l’impéria– lisme américain, c’est un geste politique », avance Adrien­n e Boutang, historienne du cinéma à l’université Bourgogne - Franche-Comté. En salles en avril, L’Île aux chiens cons­ titue un véritable défi à la compréhension : le film, qui se passe au Japon, suit une meute de chiens parlant anglais (traduits en français, chez nous). Un casse-tête li ng uistique qui nécessite même un carton explicatif et drolatique en début de film. Si le cinéaste a mis en œuvre plusieurs stratagèmes, comme l’apparition d’une traductrice face caméra, une partie des dialogues japonais n’est pas traduite. Hommage ou négligence ? Une manière de privilégier une transmission


ENQUÊTE

C’EST DU CHINOIS

L’effet comique est souvent à double tranchant, quand on en vient à rire moins de celui qui ne comprend pas que de l’interlocuteur étranger : une tendance à l’« exotisation » reprochée à Lost in Transla-

tion de Sofia Coppola, qui suit l’errance mélancolique de Scarlett Johansson et Bill Murray à Tokyo. De son côté, Wes Anderson a lui aussi été taxé d’orientalisme à propos d’À bord du Darjeeling Limited,

Hollywood a longtemps oublié de s’adres­ser à un public autre qu’anglophone. dans lequel trois Américains voyagent au milieu d’Indiens qui baragouinent dans un insondable babil. « Le public n’est pas inclus dans les dialogues qui ne s’adressent pas aux personnages blancs », regrette le site Screen Queens. Une logique idéologique ethnocentrée qui renvoie souvent le reste du monde à une altérité radicale. « On peut y voir la volonté de faire de la langue étrangère une sorte de signifiant d’exotisme ou d’altérité générique plus qu’un vecteur de signification », décrypte Adrienne Boutang. Même constat dans le récent The Cloverfield Paradox de Julius Onah, diffusé sur Netflix : l’équipe internationale du vaisseau spatial parle à la fois anglais et mandarin. Or, « toutes les répliques de l’astronaute Tam [jouée par Zhang Ziyi, ndlr] ne sont pas sous-titrées, elle est donc la seule personne que 39

ment résolu le problème », avance Sylvestre Meininger, traducteur ayant travaillé sur Detroit de Kathryn Bigelow ou Moonlight de Barry Jenkins. La raison ? Le marché globa­ lisé est devenu un enjeu commercial stratégique. « Maintenant, on sous-titre davantage, car il y a des capitaux chinois dans les films comme Independence Day. Resurgence, détaille Nathalie Dupont, professeure associée en études américaines à l’université du Littoral-Côte-d’Opale. Autres conséquences, on voit aussi de plus en plus de héros chinois, et la Chine est présentée sous un jour plus favorable. »

• CLÉMENTINE GALLOT ILLUSTRATION : AMINA BOUAJILA

BOBINES

purement cinématographique du sens (à travers la musique de la langue, l’image, le jeu), tout en signalant la fascination d’un étranger pour la culture japonaise. Wes Anderson : « Nous voulions garder la langue japonaise et la traduire la moins possible, parce qu’à mesure qu’on faisait le film, en écoutant les acteurs japonais, on constatait à quel point le sens passait sans avoir besoin de sous-titres. […] On ne parle pas un mot de japonais, mais c’est une langue parti­ culière pour nous, parce qu’on a regardé tellement de films japonais que la langue nous est devenue familière. » I n fine, ceux que l’on comprend le mieux, les plus humains, donc, sont les chiens… Le procédé est plus problématique lorsqu’il relève du simple gadget. Dans le cas de L’Île aux chiens, il s’agirait presque d’une coquetterie indé, selon le site High Snob Society, qui n’hésite pas à écrire que « l’approche peu conventionnelle des langues ajoute à l’excentricité du film ».

le spectateur ne comprend pas tout le temps », déplore le site Bustle. Un sentiment renforcé par le fait que le personnage n’a ni passé ni épaisseur, note le site The Verge. Et Bustle de rappeler que, « aux ÉtatsUnis, il est fréquent de considérer les Asio-Américains comme étrangers et différents. C’est un stéréotype que renforce The Cloverfield Paradox ». On rappelle que, selon une étude de l’USC Annenberg School for Communication and Journalism, seul 1 % des rôles principaux sont attribués à des comédiens d’origine asiatique à Holly wood. Pour tant, le vent tourne. « Les films améri­ cains ont décidé de prendre conscience de cette problématique des langues étrangères, car ils en ont marre qu’on leur dise qu’ils sont racistes. Mais ils n’ont pas encore entière-


INTERVIEW

BOBINES

LES AMANTS DU CHAOS

Depuis Docteur Chance (1996), le cinéaste, poète et musicien F. J. Ossang et sa compagne, l’actrice Elvire, s’entraînent tous deux dans des fuites cinématographiques sombres, hallucinées et nébuleuses. Alors que, dans l’épique et dément 9 doigts, ils nous font embarquer sur un cargo qui vogue à vue vers le mystérieux Nowhere Land, on est allés leur rendre visite dans leur appartement (dont la déco semble signée Murnau) pour discuter de leur énigmatique tandem. 40


Elvire, on ne sait rien de vous.

J’ai écrit des poèmes dans une revue de médecine sur la syphilis. On m’a encouragée à continuer, et puis j’ai dit non, je passe à autre chose. Je suis arrivée à Paris, mais là, il fallait payer les concerts. Comme j’avais un bon look, on m’y emmenait. J’étais vêtue de noir et j’avais une longue mèche blanche – je me suis fait virer du lycée à cause de ça. Ce n’était pas comme aujourd’hui où tout le monde peut se faire faire un tatoo au coin de la rue : à l’époque, il fallait les mériter, les têtes de morts, les bons trips et les tatouages ! F. J., depuis votre rencontre avec Elvire, elle est de tous vos films. Qu’est-ce qui vous inspire chez elle ? F. J. O. : Ça s’est fait comme ça. Fin 1991, au moment de notre rencontre, j’avais écrit une première version du scénario de Docteur Chance. On est partis en voyage et ça a été toute une saga… E. : Une fuite… F. J. O. : On est partis à Madrid, en Argentine… On a fait tout le Chili en autobus, du nord au sud. On vivait les repérages. Il y avait des espaces intéressants tous les cinq cents kilomètres, des villes fantômes, le désert d’Atacama – je crois que c’est le désert le plus aride du monde après celui de Gobi… On a fait le film mais beaucoup plus tard, en 1996. Après une telle expédition, Elvire s’est naturellement imposée dans le rôle. C’était son premier film. Elvire, vous n’aviez jamais été actrice avant ? E. : Si, pour des petites choses. J’avais joué Pour en finir avec le jugement de Dieu d’Antonin Artaud au théâtre. Je ne suis pas sortie de chez moi pendant deux ans tellement le texte m’a… détruite… révolutionnée. Et du coup, c’est quoi être actrice chez F. J. Ossang ? E. : C’est justement ne pas l’être du tout. Ses dialogues, il faudrait pouvoir les dire dans

Elvire : Cette interview, c’est une exception, ce sera peut-être la dernière. Je n’aime pas ça, je ne veux pas qu’on me présente. Je trouve que c’est beau de rester dans l’ombre. Comme ça, quand on ne sera plus là, quelqu’un se dira peut-être : « Elvire, c’était la muse d’Ossang. » Enfin non, je n’aime pas le mot « muse ». On dira peut-être « c’était la salope d’Ossang ! » (Rires.) Quand on lui demandait où il était né, mon grand-père répondait : « Dans le ciel. Dans les étoiles. » Voilà, on ne va pas attraper les étoiles et se brûler la main. Comment vous vous êtes rencontrés ? F. J. Ossang : En 1991. C’était un hasard. E. : Pas pour moi. À l’époque, j’étais danseuse de nuit et j’habitais chez un ami photographe. Comme je ne dansais pas ce soir-là, il m’a payé la place pour une nuit Ossang dans le XIIIe. On y passait L’Affaire des divisions Morituri, Le Trésor des îles Chiennes et des courts métrages… J’aime beaucoup Béla Lugosi. Quand j’ai vu mister F. J. Ossang pour la première fois, je me suis dit que c’était le fils de Béla Lugosi. Et j’en suis tombée dingue. Ses films sont d’un noir et blanc clair et sombre à la fois. Pour moi, ce sont des symphonies industrielles magnifiques. F. J. O. : On a parlé d’Antonin Artaud ensemble. Elle cherchait quelqu’un pour pouvoir en parler vraiment. C’était drôle, parce qu’on a tout de suite ressenti qu’on avait des pôles magnétiques identiques. Comme moi, elle est de Toulouse. Mais elle est plus jeune, elle a fait partie de la dernière génération punk. Vous y avez vécu l’aventure punk à des moments différents, mais quels souvenirs avez-vous du Toulouse underground ? F. J. O. : En 1977, on devait être cinq punks à Toulouse. Je bossais dans une revue littéraire, Cée, et j’ai monté plusieurs groupes. D’abord DDP (De la Destruction Pure), puis M.K.B. Fraction Provisoire, qu’on a commencé en 1980. C’était du noise ’n’ roll, un mélange entre l’énergie punk et le bruit des machines. On était en rupture avec tout. E. : C’est à Toulouse que j’ai vu les plus beaux concerts. Il y avait deux sortes de punks : les punks à chiens, assez bourrus, presque paysans ; puis ceux que j’appelais les punks gentlemen, très beaux, cultivés, apprêtés juste pour dire : « Fuck off! » J’étais de ceux-là. Moi, je ne voulais pas devenir une junkie, une alcoolique finie. Je voulais me ressourcer avec la musique et l’écriture.

Paul Hamy et Elvire dans 9 doigts

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BOBINES

F.  J.  O SSANG ET ELVIRE


F.  J.  O SSANG ET ELVIRE

Gaspard Ulliel et Paul Hamy

« Je voulais vraiment filmer la parole, éprouver sa dimension toxique. » BOBINES

F. J. OSSANG

un cercueil ou un tombeau de glace. Lors de notre rencontre en 1991, la première fois que je les ai entendus, j’ai été saisie par cette ivresse des mots. Je me suis demandée s’il n’était pas russe, de très, très loin. F. J. O. : Dans 9 doigts, les dialogues sont très importants. Je voulais vraiment filmer la parole, éprouver sa dimension toxique. C’est une plaisanterie, mais je dis souvent que c’est mon film le plus eustachien. Et, puisque vous le côtoyez au quotidien, dans quel état est F. J. lorsqu’il crée ? E. : C’est quelqu’un qui rêve énormément, tout en étant très conscient. Quand il a envie d’écrire, il va se chercher un verre de whisky et, là, je sais qu’il faut le laisser. J’ai la chance d’être la première lectrice. Dans ses scénarios, il y a de l’abstraction, du figuratif : il part toujours de la poésie. Et sur les tournages, il a une sagesse qui déstabilise. F. J., vos tournages sont souvent épiques. Dans la carte postale que vous nous aviez envoyée à la rédaction depuis le tournage de 9 doigts, vous écriviez que vous avez manqué vous noyer aux Açores… F. J. O. : C’est vrai que, pour moi, le tournage a quelque chose de sacré. Les films, ce sont comme des étapes dans la vie. C’est comme planter une lance de feu au point zéro. C’est une épreuve, et après il en sort ce qu’il en sort… Sur 9 doigts, à un moment on a tourné alors qu’il y avait une tempête. Aux Açores, comme c’est volcanique, il y a des remous

très bizarres, des vagues puissantes mais molles. Durant les repérages, un garde-côte dont on aurait dû se méfier nous avait indiqué une plage en disant : « Ici, il n’y aura pas de problème. » C’était une plage inaccessible parce qu’il y avait une falaise ; on aurait pu descendre en rappel mais on s’est jetés à l’eau. Les rouleaux étaient déchaînés et j’avais trois cents mètres à nager. J’y suis arrivé parce que j’ai arrêté de fumer… E. : Cinq mètres de plus et il y passait… Cet homme, il a quelque chose avec les démons et les dieux. Dans votre livre Mercure insolent, vous avez écrit de très belles pages sur l’accidentel, le hasard comme valeur cardinale du cinéaste. F. J. O. : C’est George Bataille qui a écrit « Joue ta vie sur la chance». Je pense qu’il n’y a que les films impossibles qui vaillent le coup d’être tentés. • PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

— : « 9 doigts »

de F. J. Ossang Capricci Films / Les Bookmakers (1 h 38) Sortie le 21 mars • « Rétrospective F. J. Ossang » du 17 au 19 mars à la Cinémathèque française

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MICROSCOPE

DEUX GRANDS FAUTEUILS

Comme le diable, le cinéma se loge dans les détails. Geste inattendu d’un acteur, couleur d’un décor, drapé d’une jupe sous l’effet du vent : chaque mois, de film en film, nous partons en quête de ces événements minuscules qui sont autant de brèches où s’engouffre l’émotion du spectateur. Ce mois-ci : un décor trop grand ou des adultes trop petits, dans Fast Times at Ridgemont High d’Amy Heckerling.

BOBINES

Mark,

encore tremblant d’avoir pris à deux mains son maigre courage, n’en était pas revenu : non seulement Stacy n’avait pas dit non, mais plutôt que dire oui elle avait demandé un stylo pour donner sans délai son numéro. Mark a des airs de Woody Allen jeune, il est celui qui, dans les films dédiés à son âge, n’ose pas demander leur numéro aux filles. Stacy a les joues roses et dans les yeux un redoutable mélange de réserve et de fièvre : elle a donné son numéro tout de suite parce qu’elle n’attendait que ça, qu’un garçon le lui demande enfin. Alors dans le restaurant (mal) choisi par Mark, ni l’un ni l’autre n’en mène très large, chahuté

C’est un premier rendez-vous : ça a un goût de Noël et en même temps d’heure de colle. de l’intérieur à la fois par l’excitation et par le trac. C’est un premier rendez-vous : c’est un miracle et une catastrophe, ça a un goût de Noël et en même temps d’heure de colle. C’est un premier pas dans l’âge adulte et ça vous renvoie dans les cordes de l’enfance, moustaches de lait et larmes prêtes à dévaler les joues. Pour dire ça, dans cette belle scène de premier rendez-vous, il y a le sourire crispé de Brian Backer qui joue Mark (qu’est-il devenu ?) et les yeux vagues de Jennifer Jason Leigh qui joue Stacy (et qui restera une actrice géniale quoique trop rare). Mais il y a aussi, il y a surtout, ce détail extraordinaire : des fauteuils immenses à l’assise trop basse,

au fond de quoi les tourtereaux s’enfoncent comme à l’âge de leurs premières dents. Quelques scènes plus tôt, quand Mark faisait sa demande, il y avait déjà un détail du même genre, cocasse et révélateur : chacun portait un nœud papillon, si bien qu’on aurait cru un entretien d’embauche dans une maison de poupée. Pour elle, un nœud rouge et trop grand, ou trop petit pour une lavallière, pendouillant sur son chemisier rayé à manches ballon : elle ressemblait à Minnie Mouse. Pour lui, nœud noir minuscule sur chemise blanche raide d’amidon. C’est que la demande s’est faite au centre commercial, où tous les deux travaillent quand ils ne vont pas au lycée : elle, à la caisse d’un diner, lui à l’entrée d’un cinéma. Que la moitié du film se joue là, dans ce mall où les élèves de Ridgemont High apprennent la vie d’adulte dans des petits boulots ingrats, est la plus belle idée du film. Parce que rien ne pouvait dire mieux ce que l’histoire entière du teen movie s’est efforcée d’éclairer, avec son canevas invariable toujours conclu sur une fête dansante et trop endimanchée : qu’on entre dans l’âge adulte par la porte d’un bal masqué, maladroitement déguisé dans l’uniforme de la maturité. Si Fast Times at Ridgemont High reste probablement le plus beau, c’est que, daté de 1982, le film respire encore loin de la chape puritaine où fleuriront les films de John Hughes et plus tard Judd Apatow, il sent encore l’humeur licencieuse et gaie du cinéma d’exploitation. Mais ses doux airs de porno soft ne le privent pas de cette merveilleuse justesse burlesque des fauteuils trop grands et de la table aux épaules, revenus peut-être du Brats de Laurel et Hardy, et qui font voir la vie d’adulte dans des yeux de Lilliputiens anxieux. • JÉRÔME MOMCILOVIC

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BOBINES

MICROSCOPE

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INTERVIEW

ÉCOLE DE MAGIE

Après le vif et étonnant Tip top (2013), Serge Bozon et sa coscénariste Axelle Ropert adaptent L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde de R. L. Stevenson. Dans le fantastique Madame Hyde, Isabelle Huppert joue une prof de physique incapable d’enseigner à ses élèves d’un lycée professionnel de banlieue et qui mue après une expérience ratée. Le cinéaste nous a expliqué comment il a éclairé d’une lueur inédite la question de la transmission du savoir.

Comment le roman de Stevenson a déclenché l’idée du film ? Je l’ai lu à l’école primaire. D’ailleurs, ce n’est peut-être pas un livre pour enfants… J’ai adoré, mais je n’y avais jamais repensé. C’est Axelle Ropert qui a eu l’idée du film ; elle voulait le réaliser elle-même mais elle s’est dit que ça m’intéresserait encore plus.

Elle a fait quatre changements majeurs par rapport au livre : ça se passe de nos jours, pas à l’époque victorienne ; ça se déroule en banlieue, pas dans un environnement relativement aisé ; il s’agit d’un contexte d’enseignement, pas d’une pharmacie privée ; et, c’est le plus important, le personnage principal est une femme, pas un homme. Qu’est-ce qui vous intéressait dans la dimension fantastique de ce récit ? Ça nous a permis de traiter d’un sujet qui

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m’importe : l’importance et la difficulté de l’enseignement. Madame Géquil est en échec professionnel total, et ça ne date pas d’hier mais d’il y a trente-cinq ans. Si elle avait pu changer, ça aurait déjà eu lieu. Comme il n’y a plus de changement naturel possible, celui-ci ne peut être que fantastique. L’accident dans le laboratoire privé de l’héroïne m’a servi de déclencheur pour qu’il y ait un basculement. En une scène, la mauvaise prof et le mauvais élève, Malik [joué par Adda Senani, voir encadré, ndlr], deviennent ensemble une bonne prof et un bon élève, par le biais d’une démonstration de logique montrée en entier, sans aucune échappatoire. Évidemment que, dans la vie, ça ne se passe jamais aussi vite. Le fantastique permettait aussi de traiter les choses de manière plus nette. On évite toutes les petites nuances qui font le vraisemblable, le réalisme, mais qui empêchent d’aller à l’essentiel. Je trouve que, quand les choses ne sont pas réalistes, c’est plus marquant, c’est moins émollient. L’accident de Madame Géquil la métamorphose : la nuit, elle devient

physiquement lumineuse. Comment avez-vous conçu cet effet ? Au départ, j’avais une idée simple – et peut-être un peu bête – qui était que, comme elle enflamme les gens, il fallait qu’elle soit en feu. Comme je tourne en 35 mm, je voulais éviter de faire des effets spéciaux numériques en postproduction mais les faire sur le tournage, pour pouvoir corriger si ça ne me plaisait pas. On a essayé pas mal de techniques, mais j’ai trouvé la solution dans le pilote d’Au-delà du réel, une série télé de science-fiction américaine créée par le cinéaste Leslie Stevens [au début des années 1960, ndlr]. Il y a un trucage tout simple : pour figurer un extraterrestre, ils ont polarisé l’image, inversé le négatif. Je suis parti de là sans inverser toute l’image, juste Isabelle Huppert. Donc on ne parle plus de feu, mais ce qui est noir devient clair. Cette lumière semble symboliser le savoir, la transmission, mais elle peut aussi brûler… Jean Douchet a dit une chose à propos du film : madame Géquil est une prof obscure. Pourquoi ? Parce qu’elle n’arrive pas à transmettre la lumière du savoir. Elle ne peut y arriver qu’en devenant elle-même lumière. Or, le danger intrinsèque de la lumière, c’est qu’elle risque de brûler. On trouve cette idée dans Les Misérables de Victor Hugo : c’est assez classique finalement, la beauté et le danger du savoir, l’éclair de la connaissance, le feu sacré… Le problème du feu, c’est que ça amenait une attente d’action, du style homme torche – « comment va-t-elle s’en servir ? » Ça n’était pas le but. Son premier accident dans cet état est provoqué par son désir de protéger Malik, il ne vient pas d’une volonté démoniaque. C’est aussi là qu’on s’éloigne du livre de Stevenson, puisqu’il n’y a pas cette opposition entre le bien et le mal. Dans le roman, monsieur Hyde représente ce qu’il y aurait de mauvais en monsieur Jekyll : son sadisme, sa mécréance sociale se révèlent par la transformation. Dans mon film, madame Hyde n’est pas animée par un sadisme sexuel, et elle ne veut pas foutre en l’air l’ordre social. C’est la première fois qu’Isabelle Huppert joue dans un film fantastique. Comment a-t-elle accueilli l’idée ? J’avais eu du mal à lui présenter le rôle qu’elle a joué dans Tip top – qui était bien plus une comédie que celui-là, bien plus théorique aussi. Parce que je ne la connaissais pas, j’ai dû faire cinq ou six rendez-vous avec elle pour lui expliquer les enjeux et qu’elle accepte. Pour Madame Hyde, que j’ai voulu plus simple et émouvant, j’ai directement envoyé le script à son agent. On s’est

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BOBINES

SERGE BOZON


SERGE BOZON

Madame Géquil est une prof obscure. Elle n’arrive pas à transmettre la lumière du savoir.

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parlé au téléphone. Elle était curieuse du scénario, de son personnage. Elle aurait pu vouloir seulement jouer le côté démoniaque, mais je lui ai dit : « Il faut que tu trouves ton plaisir aussi avant et pendant la transformation, même si c’est moins spectaculaire. » Je trouve l’idée d’Isabelle Huppert en madame Géquil plus surprenante qu’en madame Hyde. Ça m’intéressait davantage qu’elle joue un personnage craintif, effacé, doux, le contraire des rôles très affirmés, autoritaires jusqu’à la violence, qu’elle fait d’habitude. Dans Tip top, vous filmiez un commissariat et un petit hôtel ; vous avez tourné ici dans un collège de banlieue. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ces lieux souvent peu ou mal représentés au cinéma ? Je trouve que la banlieue est un réservoir à fictions. Je ne suis pas un banlieusard, j’ai vécu à Roanne, Lyon et Paris, mais j’ai toujours pensé que, d’un point de vue cinématographique, il y avait des choses à faire sur ce type d’espaces, de lumières, de couleurs, de verticales, ce côté très géométrique. Je ne cherche pas des « banlieues-monstres » avec des barres, mais

des choses un peu miniatures, qui permettent de mettre dans le même cadre une école et deux immeubles. J’ai choisi le lycée de Garges-lès-Gonesse parce qu’il est petit et dans des couleurs primaires très franches. Dans les couloirs, il y a une reprise des motifs géométriques – triangle, losange, carré – que je trouvais d’une beauté particulière. Au-delà de l’architecture, il y a aussi quelque chose à faire sur la représentation des Noirs et des Arabes en banlieue, aussi bien sur l’aspect politique – les questions de racisme, ce truc très fort qui se passe actuellement dans les banlieues françaises ; ou encore la réforme du bac de Macron, qui pose de gros problèmes vis-à-vis des lycées de banlieue – que d’un point de vue non politique, non moral, mais dans l’idée d’un pur plaisir de cinéma.

• PROPOS RECUEILLIS PAR TIMÉ ZOPPÉ

— : « Madame Hyde » de Serge Bozon Haut et Court (1 h 35) Sortie le 28 mars

LE FEU SOUS LA GLACE Dans Madame Hyde, il campe avec un aplomb saisissant Malik, un lycéen que son handicap aux jambes n’empêche pas d’être turbulent à l’école – tout en étant secrètement brillant. Adda Senani, 18 ans, a foulé pour la première fois un plateau lors du tournage du film de Serge Bozon mais n’a pas été très impressionné, même par Isabelle Huppert. « Je ne me rendais pas trop compte, j’ai juste énormément dormi avant ma première scène avec elle. » Pour sa première interview, il est à la fois détendu et « pile électrique ». Plus jeune, le lycéen en section S déversait sa fougue dans des vidéos comiques sur YouTube pour faire marrer ses potes du quartier à Athis-Mons, en banlieue parisienne. Il lâche tranquillement qu’il est deux fois champion de France de boxe. « J’ai arrêté le sport pour le tournage, mais depuis, j’ai un peu repris : je fais quatre cents pompes par jour. Ça met bien. » Entre flegme et explosion d’énergie, il a déjà trouvé comment équilibrer sa formule. • T. Z . — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

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"UN AUTHENTIQUE HUCKLEBERRY FINN DES TEMPS MODERNES" " D’UNE BEAUTÉ

FASCINANTE "

" UNE PERFORMANCE

EXTRAORDINAIRE "

THE GUARDIAN

THE WRAP

THE TELEGRAPH

FILM4 ET BFI PRÉSENTENT UNE PRODUCTION THE BUREAU

MEILLEUR JEUNE ESPOIR

SÉLECTION OFFICIELLE

VENISE 2017

TORONTO 2017

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM

CHARLIE PLUMMER

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM

CHLOË SEVIGNY

TRAVIS FIMMEL

SORTIE LE 25 AVRIL "LA ROUTE SAUVAGE" EST DISPONIBLE AUX ÉDITIONS ALBIN MICHEL - COLL "TERRES D’AMÉRIQUE"

© THE BUREAU FILM COMPANY LIMITED, CHANNEL FOUR TELEVISION CORPORATION AND THE BRITISH FILM INSTITUTE 2017

STEVE BUSCEMI


ENQUÊTE

LUTTES DE CLASSE

Esprits rebelles de John N. Smith, 1996

La relation qui lie le cinéma français et les élèves en milieux défavorisés est belle en apparence, mais souvent désastreuse en profondeur, quand le désir de réconciliation s’égare dans le paternalisme. À l’occasion de la sortie de Madame Hyde de Serge Bozon, qui propose enfin une vision plus nuancée, notre journaliste, qui est aussi prof de collège en enseignement spécialisé (SEGPA), décrypte le phénomène.

Dans

Madame Hyde, Isabelle Huppert incarne une professeure de physique qui enseigne dans un lycée de banlieue. Le cadre était posé pour raconter l’énième histoire d’une bande de jeunes défavorisés (noirs ou arabes) qu’une généreuse enseignante (blanche) parviendra à extraire de la délinquance. Mais le film de Serge Bozon évite ce lieu commun. Timide et vulnérable, madame Hyde n’arrive pas à

imposer son autorité, jusqu’à l’intervention d’une force extérieure. Et si le cinéma français suivait cet exemple pour s’émanciper de ses douteux fantasmes concernant l’enseignement en milieux défavorisés ? Dans son poème de 1899 The White Man’s Burden, Rudyard Kipling exhortait l’homme blanc à assumer son « lourd fardeau » pour entraîner les foules vers la lumière et nourrir les affamés. Le cinéma français 50


Ces films réduisent les inégalités scolaires à une bête question d’effort.

ressemble parfois à ce poème lorsqu’il traite des questions liées à l’enseignement. Prenons les films sortis récemment : dans Les Grands Esprits (Olivier Ayache-Vidal, 2017), François quitte son prestigieux lycée parisien pour enseigner dans un collège difficile en banlieue, et, dans des classes présentées comme indomptables, il parvient à réconcilier les élèves avec la littérature. Dans La Mélodie (Rachid Hami, 2017), Simon, un violoniste émérite, fait découvrir sa passion aux élèves dissipés de la classe de Farid. Même refrain dans Le Brio (Yvan Attal, 2017), qui met en scène un éminent professeur de droit contraint de préparer Neïla au prestigieux concours d’éloquence du barreau. En l’espace d’un an, voilà trois films dans lesquels un prof quinquagénaire blanc assume « son fardeau » et éduque des Noirs et des Arabes en détresse, jusqu’à devenir une sorte de père de substitution. Comme dans le poème de Rudyard Kipling, il tolère la paresse et la sottise pour guider les « sauvages et agités » vers la lumière. Finalement, ces œuvres dissimulent mal le mépris pour le milieu populaire qu’ils filment, puisque ce qui est vanté et glorifié n’est ni le vivre-ensemble, ni l’école de la République, et encore moins le courage des jeunes de banlieue : c’est l’héroïsme d’un « sauveur blanc ». Dans la sphère critique cinématographique anglo-saxonne, le trope du sauveur blanc est bien connu, et Matthew Hughey, professeur à l’université du Connecticut, y a consacré deux ouvrages. Dans The Whiteness of Oscar Night (2015), il décrit ce phénomène ainsi : « Un film de sauveur blanc est souvent basé sur une soi-disant histoire vraie. Il met en scène un groupe non blanc en proie à un danger […]. Un individu blanc arrive et

CHEVALIER BLANC

On doit tendre l’oreille au succès du sauveur blanc au cinéma pour entendre ce qu’il dit de notre société. Dans son livre, Hughey estime que, aux États-Unis, ce schéma narratif doit son essor à un manque de communication entre les différentes communautés. Des films comme Esprits rebelles (John N. Smith, 1996) s’adresseraient ainsi à des spectateurs blancs qui auraient de faibles interactions avec les membres des minorités raciales, leur offrant une expérience qu’ils aimeraient vivre : celle du

Les Grands Esprits d’Olivier Ayache-Vidal, 2017

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BOBINES

grâce à ses sacrifices en tant que professeur, mentor, avocat, héros militaire ou aspirant romancier […], il sauve physiquement – ou au moins rachète moralement – une ou plusieurs personnes appartenant à la minorité ethnique en question. » Qu’il s’agisse de Sandra Bullock dans The Blind Side (2010) ou de Kevin Costner dans Danse avec les loups (1991), le sauveur blanc compatit avec les problèmes des personnes de couleur et comprend vite comment les résoudre.

© MICHAËL CROTTO

© COLLECTION CHRISTOPHEL

ÉCOLE ET BANLIEUE


© PATHÉ

ÉCOLE ET BANLIEUE

BOBINES

Le Brio d’Yvan Attal, 2017

Il faudrait renoncer à sa culture pour être aimé. héros qui, par son courage et sa tolérance, parvient à la réconciliation tant espérée. Ces films ont néanmoins peu de chances d’apaiser les tensions : pour Hughey, ils offrent plutôt une « évasion psychologique », dans le sens où ils évitent aux Américains d’avoir de véritables débats autour des questions raciales. Le sauveur blanc serait donc une sorte d’artefact culturel qui n’arrive, finalement, qu’à secourir l’ego de l’Américain blanc. Cette figure a beau prospérer aussi bien en France qu’à Hollywood, il serait incongru d’interpréter son succès de la même manière dans les deux pays tant nos rapports aux questions raciales sont différentes. Le désir de réconciliation de la France avec ses banlieues et ses jeunes d’origines africaines est palpable, mais, en tant que Français d’origine arabe, je ne peux m’empêcher de noter que le cinéma français pose des conditions à cette réconciliation. L’une d’entre elles, la plus incontournable, semble être le renoncement. Il faudrait renoncer pour être aimé : renoncer à sa culture, à sa façon d’être, à sa religion et à sa famille parfois. Or, c’est en assimilant ces mots de Régis Debray que je me suis réconcilié avec ma double culture : « Renoncer à soi-même est un effort assez vain : pour se dépasser, mieux vaut commencer par s’assumer. » J’ai demandé son avis sur la question à Amandine Gay, réalisatrice

d’Ouvrir la voix, comédienne et militante afroféministe : « L’interaction dans la négation de l’autre, ou son effacement, reste une violence et une traduction de l’impossibilité de penser les non-Blanc.he.s comme des êtres humains à part entière. Pour moi, ça reste du paternalisme ou du “fraternalisme” comme disait Césaire. » François Oulac, un des animateurs du podcast Le Tchip (Arte Radio), qui s’intéresse à la culture afro, m’a quant à lui confié : « J’ai du mal à ne pas y voir une forme de paternalisme directement hérité de la tradition coloniale. » Mais c’est aussi d’un point de vue d’enseignant que ces films qui viennent aplanir, quand ce n’est pas nier, toutes les difficultés des élèves en milieux défavorisés, me mettent mal à l’aise : ils finissent toujours par réduire les inégalités scolaires et sociales à une bête question d’effort et de persévérance. Il est temps pour le cinéma français de se réinventer. Serge Bozon y parvient avec subtilité. Julie Bertuccelli avait opté pour une neutralité elle aussi bienvenue dans son documentaire La Cour de Babel (2014), filmant sans artifices une classe d’accueil pour les nouveaux arrivants en France. Tous les moyens sont bons, pourvu que le sauveur blanc se sauve des salles de classe. • RACHID ZERROUKI

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PORTFOLIO

BOBINES

BOUCLES TEMPORELLES

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ANGE LECCIA

Plasticien,

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photographe et cinéaste (Nuit bleue, avec Cécile Cassel, sorti en salles en 2011 ; La Déraison du Louvre, court métrage tourné en 2006, avec Laetitia Casta déambulant dans les couloirs du musée), Ange Leccia a développé un dispositif expérimental (des plans identiques présentés en mosaïque défilent en boucle dans des timings différents) que l’on peut voir à l’œuvre dans certains des montages vidéo exposés jusqu’à mi-avril au centre des arts d’Enghien-les-Bains. Sans indication de date, de durée, de titre, l’exposition mêle les installations intrigantes (comme un carré de béton entourant une télévision ne diffusant que de la neige) et les montages de l’artiste corse, pour qui tout part du cinéma. « C’est face à la scène d’explosion de Zabriskie Point d’Antonioni que j’ai ressenti pour la première fois un choc. Depuis, je reste persuadé que le paroxysme de la créativité, c’est le cinéma. » Des influences palpables dans ces captures d’écran, commentées pour nous par l’artiste, qui fige quelques instants de ses microfilms aux boucles infinies. • JOSÉPHINE LEROY

La Mer, arrangement vidéo 4K, 2016 « J’ai fait ce montage après un voyage au Japon. Mes amis japonais m’emmenaient voir des cascades, des montagnes. J’ai vu leur visage béat. J’ai appris ensuite que, dans la civilisation shinto, la nature est déifiée. De retour en Corse, je me suis mis à filmer les vagues depuis un promontoire, puis j’ai tourné ma caméra de 90 degrés pour obtenir un champ vertical. Plus fondamentalement, ça remet en question la notion de frontière, avec la mer qui se réinvente sans cesse et devient presque immatérielle. »

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BOBINES

PORTFOLIO

Marilyn, photographie, 2008 « J’avais trouvé cette photo de Marilyn Monroe et Arthur Miller, son mari de l’époque, intéressante – les visages se reflètent dans une porte en verre, ce qui peut donner l’impression d’une instabilité, un entre-deux, une non-définition –, d’où cette superposition floue, cette suspension avec l’image d’un avion planant au-dessus du couple, qui était alors sur le point de se séparer. À mon avis, ça dit quelque chose de la fragilité de l’actrice et ça augure, quelque part, son destin tragique. »

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ANGE LECCIA

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Marissa soleils, 2016 « Ces images solaires ont été montées à partir d’un film Super 8. On y voit une jeune fille qui avale le soleil, en référence aux années hippies, époque de la libération des mœurs, et à leur obsession pour l’alliage entre art et nature. Ces séquences, mises bout à bout, résonnent avec l’esprit des films que je fais, et cet aspect sériel est assez représentatif de ma vision de l’art : j’aime voir une énergie retenue qui se libère d’un coup et qui échappe à la trame linéaire ou narrative. »

La Déraison du Louvre, court métrage, 2006 « C’est une capture d’écran de mon film La Déraison du Louvre, avec Laetitia Casta en visiteuse nocturne. Avec ses traits, qui évoquent les modèles féminins des peintures de la Renaissance, elle se fond et fusionne avec les tableaux et va voir son visage se superposer aux œuvres qu’elle regarde. C’est un rapprochement physique, et par la suite charnel, qui s’opère : les tableaux du Louvre deviennent vivants et elle, qui traîne seule en pleine nuit, ressemble peu à peu à un tableau. »

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ANGE LECCIA

Poussière d’étoiles, arrangement vidéo, 2017 « Sur ce montage, on voit le musicien Jacno [moitié du duo Elli & Jacno, formé en 1980, ndlr]. Je l’ai connu à la fin des années 1970 et comme j’étais un des seuls à avoir une caméra, j’avais l’habitude de filmer les concerts de la new-wave française. Après la disparition de Jacno, j’ai réutilisé certaines images de celui que j’ai alors appelé Poussière d’étoiles . Pour moi, il est comme une étoile qui s’est volatilisée mais qui pourtant continue, d’une manière ou d’une autre, de briller. »

— : « La Communauté des images » d’Ange Leccia, jusqu’au 15 avril au centre des arts d’Enghien-les-Bains

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PRIX DU MEILLEUR SCÉNARIO

SAN SEBASTIÁN FESTIVAL INTERNATIONAL 2017

CAMPO CINE EN COPRODUCTION AVEC BOSSA NOVA BELLOTA FILMS STARON FILM 27 FILMS PRODUCTION MG FILMS TELEFÉ EN ASSOSIATION AVEC FILM FACTORY ACT3 SNOWGLOBE AVEC LE SUPPORT DE INCAA IAAVIM ANCINE AIDE AUX CINÉMAS DU MONDE POLISH FILM INSTITUTE HESSEN FILM UND MEDIEN PRÉSENTENT “NOTRE ENFANT” UN FILM DE DIEGO LERMAN AVEC BÁRBARA LENNIE DANIEL ARÁOZ CLAUDIO TOLCACHIR PAULA COHEN YANINA ÁVILA CASTING MARÍA LAURA BERCH COSTUMES VALENTINA BARI DIRECTRICE DE PRODUCTION INÉS VERA POST-PRODUCTION JOSEFINA CASTILLO ET ALEJO SARAVIA ASSISTANT PRODUCTEUR EXÉCUTIF GIORGINA MESIANO ASSISTANT RÉALISATEUR BRUNO ROBERTI DIRECTION ARTISTIQUE MARCOS PEDROSO MUSIQUE ORIGINALE JOSÉ VILLALOBOS DIRECTEUR SON LEANDRO DE LOREDO MONTAGE ALEJANDRO BRODERSOHN (SAE) PHOTOGRAPHIE/CHEF OPÉRATEUR WOJCIECH STARON (PSC) PRODUCTEUR EXÉCUTIF NICOLÁS AVRUJ COPRODUCTEURS DENISE GOMES PAULA COSENZA DOMINIQUE BARNEAUD ADRIEN OUMHANI MALGORZATA STARON OLIVER DAMIAN MALTE UDSEN GASTÓN GALLO SEBASTIÁN GALLO MARCELO PARGA AXEL KUSCHEVATZKY PRODUCTEURS NICOLÁS AVRUJ / DIEGO LERMAN ÉCRIT PAR DIEGO LERMAN / MARIA MEIRA RÉALISATION DIEGO LERMAN

WWW.ELCAMPOCINE.COM.AR


14 MARS La Belle et la Belle de Sophie Fillières Memento Films (1 h 35) Page 64

Un raccourci dans le temps d’Ava DuVernay Walt Disney (1 h 49)

21 MARS

Après la guerre d’Annarita Zambrano Pyramide (1 h 32) Page 88

Vincent et moi d’Édouard Cuel et Gaël Breton Next Film (1 h 20)

Ghostland de Pascal Laugier Mars Films (1 h 31) Page 66

La Prière de Cédric Kahn Le Pacte (1 h 47) Pages 26 et 78

America de Claus Drexel Diaphana (1 h 22) Page 74

Mektoub My Love Canto uno d’Abdellatif Kechiche Pathé (2 h 55) Pages 28 et 70

Ready Player One de Steven Spielberg Warner Bros. (N. C.) Page 18

Chien de Samuel Benchetrit Paradis Films (1 h 34) Page 74

9 doigts de F. J. Ossang Capricci Films / Les Bookmakers (1 h 38) Page 40

Madame Hyde de Serge Bozon Haut et Court (1 h 35) Page 46

Hostiles de Scott Cooper Metropolitan FilmExport (2 h 13) Page 88

Les Bonnes Manières de Juliana Rojas et Marco Dutra Jour2fête (2 h 15) Page 76

Coby de Christian Sonderegger Épicentre Films (1 h 17) Page 80

Mala junta de Claudia Huaiquimilla Bodega Films (1 h 29) Page 88

Demons in Paradise de Judd Ratman Survivance (1 h 34) Page 76

The Rider de Chloé Zhao Les Films du Losange (1 h 45) Page 80

Razzia de Nabil Ayouch Ad Vitam (1 h 59) Page 88

The Captain L’usurpateur de Robert Schwentke Alfama Films (1 h 59) Page 78

Les Destinées d’Asher de Matan Yair Les Acacias (1 h 28) Page 82

28 MARS


La Tête à l’envers de Josef Hader ARP Sélection (1 h 43) Page 88

Carnivores de Jérémie et Yannick Renier Mars Films (1 h 26) Page 90

Le Collier rouge de Jean Becker Apollo Films (1 h 23)

4 AVRIL

La Mort de Staline d’Armando Iannucci Gaumont (1 h 48) Page 92

Percujam d’Alexandre Messina Jour2fête (1 h 08) Page 92

Frost de Sharunas Bartas Rezo Films (2 h) Page 90

Don’t Worry, He Won’t Get Far on Foot de Gus Van Sant Metropolitan FilmExport (1 h 53) Page 82

Abracadabra de Pablo Berger Condor (1 h 36) Page 94

Jesús Petit criminel de Fernando Guzzoni Optimale (1 h 26) Page 90

L’Héroïque Lande La frontière brûle de Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval Shellac (3 h 45) Page 84

Mademoiselle Paradis de Barbara Albert ASC (1 h 37) Page 94

Vent du Nord de Walid Mattar KMBO (1 h 29) Page 90

Nul homme n’est une île de Dominique Marchais Météore Films (1 h 36) Page 90

Dans la brume de Daniel Roby Mars Films (N. C.)

Croc-Blanc d’Alexandre Espigares Wild Bunch (1 h 20) Page 101

À l’heure des souvenirs de Ritesh Batra Wild Bunch (1 h 48) Page 92

Pierre Lapin de Will Gluck Sony Pictures (1 h 35)

Pat et Mat déménagent de Marek Beneš Cinéma Public Films (40 min) Page 101

Candelaria de Jhonny Hendrix Hinestroza Sophie Dulac (1 h 27) Page 92

Après l’ombre de Stéphane Mercurio Docks 66 (1 h 33)

Mobile Homes de Vladimir de Fontenay Nour Films (1 h 41) Page 92

11 AVRIL L’Île aux chiens de Wes Anderson 20 th Century Fox (1 h 41) Page 32


The Third Murder de Hirokazu Kore-eda Le Pacte (2 h 05) Page 84

Notre enfant de Diego Lerman Potemkine Films (1 h 35) Page 85

Foxtrot de Samuel Maoz Sophie Dulac (1 h 53) Page 86

Kings de Deniz Gamze Ergüven Ad Vitam (1 h 32) Page 94

Allons enfants de Stéphane Demoustier Norte (59 min) Page 96

Nobody’s Watching de Julia Solomonoff Épicentre Films (1 h 41) Page 86

Luna d’Elsa Diringer Pyramide (1 h 33) Page 94

Jersey Affair de Michael Pearce Bac Films (1 h 47) Page 96

Comme des garçons de Julien Hallard Mars Films (1 h 30) Page 97

Southern Belle de Nicolas Peduzzi Septième Factory (1 h 30) Page 94

My Wonder Women d’Angela Robinson LFR Films (1 h 49) Page 96

Comme des rois de Xabi Molia Haut et Court (1 h 24) Page 97

Rester vivant Méthode d’Erik Lieshout Damned (1 h 10)

Nico, 1988 de Susanna Nicchiarelli KinoVista / New Story (1 h 33) Page 96

Milla de Valérie Massadian JHR Films (2 h 08) Page 97

Taxi 5 de Franck Gastambide EuropaCorp / ARP Sélection (N. C.)

Place publique d’Agnès Jaoui Le Pacte (1 h 38) Page 96

Transit de Christian Petzold Les Films du Losange (1 h 41) Page 97

18 AVRIL Mes provinciales de Jean-Paul Civeyrac ARP Sélection (2 h 17) Page 85

25 AVRIL La Route sauvage d’Andrew Haigh Ad Vitam (2 h 01) Page 72

Une femme heureuse de Dominic Savage KMBO (1 h 45) Page 97

Mika & Sebastian L’aventure de la poire géante d’Amalie Næsby Fick, Jørgen Lerdam et Philip Einstein Lipski Condor (1 h 19) Page 101


“Une fresque sociale fougueuse et passionnante” PREMIÈRE

BARNEY PRODUCTION ET KMBO PRÉSENTENT

LES RÊVES DE DEUX OUVRIERS

VENT DU NORD PHILIPPE REBBOT MOHAMED AMINE HAMZAOUI CORINNE MASIERO KACEY MOTTET KLEIN

Un film de WALID MATTAR

U N F I L M D E W A L I D M AT TA R - AV E C P H I L I P P E R E B BOT, M O H A M E D A M I N E H A M Z A O U I , C O R I N N E M A S I E RO , K A C E Y M O T T E T K L E I N , A B I R B E N N A N I - É C R I T PA R L E Y L A B O U Z I D , C L A U D E L E PA P E E T W A L I D M AT TA R - P RO D U I T PA R S A I D H A M I C H C O P RO D U I T PA R I M E D M A R Z O U K E T A N T H O N Y R E Y - A S S I S TA N T R É A L I S AT E U R V I C T O R B A U S S O N I E - S C R I PT E E L S A M E LQ U I O N I - C A S T I N G P I E R R E - F R A N C O I S C R É A N C I E R - I M A G E M A RT I N R I T - S O N N A S S I M E L M O U N A B B I H , V I RG I N I E M E S S I A E N , S A M U E L A I C H O U N C O S T U M E S C AT H E R I N E C O S M E - D É CO R S M A R I O N B U RG E R - M O N TA G E L I L I A N C O R B E I L L E - M U S I Q U E O R I G I N A L E M A L E K S A I E D - U N E P RO D U CT I O N B A R N E Y P RO D U CT I O N , P RO PA G A N D A P RO D U CT I O N S , H E L I C OT RO N C - AV E C L E S O U T I E N D U C E N T R E N AT I O N A L D U C I N É M A E T D E L’ I M A G E A N I M É E , D U F O N D S I M A G E S D E L A D I V E R S I T É , P I C TA N O V O AV E C L E S O U T I E N D E L A R É G I O N H A U T S - D E - F R A N C E , E U R I M A G E S , D O H A F I L M I N S T I T U T E , F O N D S I M A G E D E L A F R A N C O P H O N I E , L A P RO C I R E P, L A F O N D AT I O N J E A N - LU C L A G A R D È R E , E Y E L I T E , L A R U C H E S T U D I O , L E C E N T R E N AT I O N A L D U C I N É M A E T D E L’ I M A G E E N T U N I S I E , TA K M I L J O U R N É E S C I N É M ATO G R A P H I Q U E S D E C A RT H A G E , S H E LT E R P RO D , TA X S H E LT E R . B E E T I N G , E T D U TA X S H E LT E R D U G O U V E R N E M E N T F É D É R A L D E B E LG I Q U E - V E N T E S I N T E R N AT I O N A L E S B E F O R F I L M S - D I S T R I B U T I O N F R A N C E K M B O © 2 0 17 B A R N E Y P RO D U C T I O N / P RO PA G A N D A P RO D U C T I O N S / H E L I C O T RO N C

AU CINÉMA LE 28 MARS


FILMS

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LA BELLE ET LA BELLE

La

si singulière Sophie Fillières (Gentille, Arrête ou je continue) signe une comédie fantastique au charme renversant dans laquelle Sandrine Kiberlain et Agathe Bonitzer se partagent un même personnage. L’histoire est aussi simple que vertigineuse. Au cours d’une fête, Margaux, 20 ans, rencontre Margaux, 45 ans. Très vite, l’une et l’autre se rendent à l’évidence : elles forment une seule et même personne, à deux âges de la vie… La cinéaste exploite avec une jubilation contagieuse le potentiel comique de cette situation (savoureuse séquence avec la danseuse Aurélie Dupont, interloquée face à ce grand écart temporel). Cependant, elle n’en néglige pas la portée mélancolique : aux doutes et aux espoirs de la jeune Margaux répondent la sagesse et les regrets de la Margaux plus mûre. On retrouve les qualités des films précédents de la fée du logique Sophie Fillières : des dialogues

brillants qui ne sonnent jamais comme des mots d’auteur, une façon de mettre le langage sens dessus dessous et un art de puiser dans la réalité la plus concrète (un envoi de SMS, un trajet en téléphérique) matière à des interrogations philosophiques (Peut-on tout contrôler ? Change-t-on au cours de la vie ?). La nouveauté réside dans la composante fantastique qui est au cœur du récit et confère à l’ensemble une tonalité plus légère, moins dépressive. Le plaisir que procure ce film ludique tient aussi à la complicité de la cinéaste avec ses deux actrices équilibristes. Dans le rôle casse-gueule d’une femme coupée en deux, Sandrine Kiberlain et Agathe Bonitzer se révèlent, littéralement, d’un naturel confondant. • JULIEN DOKHAN

— : de Sophie Fillières

Memento Films (1 h 35) Sortie le 14 mars

3 QUESTIONS À SOPHIE FILLIÈRES Dans votre film Aïe (2000), l’héroïne venait d’une autre planète. Le cinéma fantastique vous attire ? Je suis depuis longtemps fan des films qui ont un twist fantastique, comme Big de Penny Marshall, Peggy Sue s’est mariée de Coppola ou certains films des frères Farrelly. Là, j’étais intéressée par la dualité entre un postulat invraisemblable et un traitement très réaliste.

À partir de ce point de départ magique, vous avez réalisé votre film le plus léger et optimiste… À l’écriture comme sur le tournage, je recherchais la fluidité, la simplicité. J’ai essayé de travailler l’amusement comme valeur forte. La Margaux de 45 ans est plus sereine que la Margaux de 20 ans, mais toutes les deux vont vers une forme d’épanouissement. 64

Les dialogues sonnent d’une manière très particulière dans vos films. Comment les travaillez-vous ? Je prends beaucoup de plaisir à les écrire. Ils ne sont pas naturalistes, mais pas non plus impossibles à entendre dans la vie. Le défi, c’est de ne pas faire un film bavard. Il faut viser une certaine économie, la ponctuation compte aussi énormément.


“une formidable réussite” Télérama

“poignant ” “un

Variety

magistral

souvenir”

Le Journal des Femmes


FILMS

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GHOSTLAND

Après

Martyrs (2008) et The Secret (2012), le réalisateur français Pascal Laugier signe un film d’horreur viscéral mettant en lumière une Mylène Farmer revenue de loin. Grand prix du dernier festival international du film fantastique de Gérardmer. En 1987, dans le clip de « Sans contrefaçon », Mylène Farmer incarnait une poupée de ventriloque métamorphosée en femme par la grâce d’une sorcière. Trente ans plus tard, dans Ghostland, les poupées hantent toujours la star, qui avait déjà collaboré avec Pascal Laugier sur le clip de « City of Love » en 2015 et qui, surtout, avait disparu des écrans de cinéma depuis Giorgino (Laurent Boutonnat, 1994). Pour son come-back, l’icône joue une mère qui, à la suite du décès de sa tante, hérite d’une demeure qui est prise d’assaut

par deux psychopathes qui transforment ses deux filles en poupées tuméfiées. Cet événement traumatique est vécu de façon différente par les deux sœurs : l’une (Crystal Reed), devenue une auteure renommée, s’est reconstruite ; l’autre (Anastasia Phillips), mue par des pulsions autodestructrices, a sombré dans la démence. Avec ce film d’horreur dérangeant dans lequel la monstruosité n’est pas exempte de beauté, Laugier montre la même chrysalide que Boutonnat dans son clip culte des années 1980 : celle d’une fille-poupée qui, pour devenir femme, doit s’affranchir des démons. • THOMAS AGNELLI

— : de Pascal Laugier

Mars Films (1 h 31) Sortie le 14 mars

3 QUESTIONS À PASCAL LAUGIER Ghostland ne ressemble pas aux films d’horreur actuels. Faut-il y voir l’ambition de faire un film d’horreur plus adulte ? Oui. Le film d’horreur pour multiplexes peut donner lieu à des déclinaisons sympathiques comme Ça d’Andrés Muschietti (2017). Mais je suis triste de voir à quel point la sauvagerie inhérente au genre est éteinte. Pour moi, l’horreur doit foutre mal à l’aise, elle doit bousculer, ne pas laisser tranquille.

Votre film est interdit aux moins de 16 ans dans l’Hexagone. Comment recevez-vous cette mesure ? Mal. Ghostland s’adresse aux ados. Il raconte comment une jeune femme de 14 ans passe à l’âge adulte en faisant l’expérience du mal. On doit tout vivre avec elle pour comprendre qui elle va devenir. Frapper le genre à grands coups d’interdictions absurdes confirme surtout à quel point le climat est tendu en France. 66

Le choix de Mylène Farmer, avec qui vous aviez déjà tourné un clip, s’est-il imposé naturellement ? Mylène et moi partageons des imageries, des obsessions en commun. Je respecte son parcours tant elle a réussi à imposer pendant des décennies le bizarre et le gothique chez le Français moyen. Sur nos deux tournages, le clip et le film, elle m’a fait une confiance aveugle. C’est ma plus belle collaboration artistique.



SAÏD BEN SAÏD ET MICHEL MERKT PRÉSENTENT

AGNÈS JAOUI

UN FILM RÉALISÉ PAR

AGNÈS JAOUI

SCÉNARIO, ADAPTATION, DIALOGUES DE AGNÈS JAOUI ET JEAN-PIERRE BACRI LÉA DRUCKER KEVIN AZAÏS NINA MEURISSE SARAH SUCO HELENA NOGUERRA MIGLEN MIRTCHEV OLIVIER BROCHE YVICK LETEXIER FRÉDÉRIC PIERROT ÉRIC VIELLARD

1 8 av r i l


© 2018 SBS FILMS - FRANCE 2 CINÉMA - PHOTO : © GUY FERRANDIS / SBS FILMS

JEAN-PIERRE BACRI


FILMS

MEKTOUB MY LOVE. CANTO UNO

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L’ogre

est de retour : Abdellatif Kechiche remet les pendules du cinéma français à l’heure en signant une œuvre somme, épurée, radicale, dont on sort aussi lessivé qu’ébloui. Depuis L’Esquive en 2004, rien ne semble pouvoir égratigner la toute-puissance d’Abdellatif Kechiche. Rien : ni les polémiques sur son tempérament exécrable sur les tournages, ni les litiges entre le cinéaste et ses différents partenaires financiers – prévu pour constituer un seul film, Mektoub My Love se verra en effet décliné en deux épisodes de près de trois heures, au grand dam de certains investisseurs. Avant de découvrir ce nouveau film, l’interrogation était pourtant sur toutes les lèvres : et si Kechiche avait eu, cette fois-ci, les yeux vraiment plus gros que le ventre ? Il faut dire que Mektoub My Love est une œuvre absolument pantagruélique, sans retenue ni modération. L’auteur de La Graine et le Mulet semble ainsi prendre un malin plaisir à régler tous les potentiomètres de son cinéma au maximum : au mitan des années 1990, on y suit l’été agité de désirs d’une petite ville balnéaire d’Occitanie où se mêlent commerçants au travail, touristes en vacances, jeunesse locale et anciens habitants de passage. Dans un tourbillon ininterrompu de bavardages, de

drague, de baignades et de fêtes, Kechiche capte et amplifie jusqu’à l’effervescence les interactions entre ces corps de tous âges, de tous sexes et de tous tempéraments. Gorgé d’amour et de cruauté envers ses personnages (aucun autre film à ce jour n’aura donné une telle incarnation à l’expression « dévorer du regard »), Mektoub My Love enchaîne avec une virtuosité prodigieuse les morceaux de bravoure naturalistes (une soirée en discothèque étirée jusqu’à la limite du possible, la naissance d’un agneau en temps réel devant le regard d’un photographe), abandonnant toute idée de récit ou de narration pour plonger le spectateur dans une étourdissante expérience de sidération behavioriste. Allégé de son habituelle pesanteur sociétale (la lutte des classes sans cesse relancée et commentée dans La Graine et le Mulet ou dans La Vie d’Adèle), ce cinéma s’élève dès lors vers une quête d’absolu, d’abstraction, de plénitude, qui permet à ce « chant un » de s’installer d’emblée haut, très haut dans le ciel du cinéma français, quelque part entre La Règle du jeu de Jean Renoir et Mes petites amoureuses de Jean Eustache. • LOUIS BLANCHOT

Aucun autre film à ce jour n’aura donné une telle incarnation à l’expression « dévorer du regard ».

— : d’Abdellatif Kechiche

Pathé (2 h 55) Sortie le 21 mars

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UNE FEMME HEUREUSE


FILMS

LA ROUTE SAUVAGE

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Cocréateur

de la série Looking, qui suivait une bande d’amis gays à San Francisco, le Britannique Andrew Haigh explore de manière tout aussi sensible une autre partie de l’Amérique, plus rurale, à travers les vagabondages d’un ado et d’un cheval. Subtil et puissant. Andrew Haigh surprend : on ne l’imaginait pas tellement faire un film situé dans le monde des courses hippiques… Pourtant, c’est avec la même délicatesse que dans ses précédents films (Week-end, 45 ans) qu’il réussit à nous faire ressentir la solitude d’un de ses personnages. Soit Charley (Charlie Plummer), ado désœuvré vivant dans l’Oregon qui découvre par hasard le milieu des hippodromes et des paddocks. À la mort de son père, il se retrouve orphelin et décide de fuir sa bourgade pour retrouver

sa tante et surtout sauver Lean on Pete, un vieux cheval de course que ses propriétaires destinent à l’abattoir. Commence alors, dans les vastes paysages déserts de l’Amérique mythologique, une échappée dangereuse et quasi solitaire au cours de laquelle le jeune homme très réservé va se confier à ce cheval qui apparaît comme un substitut de tous ceux (parents, amis…) qui ne l’ont jamais écouté. Ces pérégrinations mélancoliques évoquent le meilleur du cinéma de Gus Van Sant – My Own Private Idaho, parce que Plummer a la même candeur et la même fragilité que River Phoenix, et Gerry, pour la faculté de Haigh à donner une ampleur existentielle à l’errance morose de son personnage. • QUENTIN GROSSET

— : d’Andrew Haigh

Ad Vitam (2 h 01) Sortie le 25 avril

3 QUESTIONS À ANDREW HAIGH Vos personnages sont souvent des solitaires qui se créent eux-mêmes leur propre famille. Je crois qu’on a tous ce sentiment de solitude : on passe nos vies à essayer de faire comprendre aux autres qui nous sommes vraiment. Quand j’ai lu le livre Lean on Pete de Willy Vlautin dont mon film est adapté, je me suis immédiatement senti connecté à ce que ressentait Charley. Je trouvais ça très triste qu’il doive se confier à un cheval plutôt qu’à un père ou à un ami.

Vous connaissiez ce milieu des courses hippiques avant de lire le livre ? Pas du tout. Dans ma vie j’ai dû monter à cheval seulement deux ou trois fois… C’est fascinant, parce que c’est un monde qui est un peu en train de mourir. Je pense que l’hippodrome dans lequel on a tourné va bientôt fermer. Les jeunes ne s’y intéressent plus, ou alors ils y travaillent parce qu’ils désespèrent de trouver un autre job. 72

Qu’est-ce qui différencie l’Amérique de La Route sauvage de celle de Looking ? Je trouve que, dans les petites villes comme celle du film, il y a un plus fort sentiment communautaire. Plus généralement, en tant que britannique, je trouve aussi que les Américains, qu’ils soient de gauche ou de droite, ont une sorte de philosophie partagée qui les porte vers le patriotisme. C’est intéressant de voir comment ça affecte leur vision du monde.


© CARACTÈRES/COURAMIAUD CRÉDITS NON CONTRACTUELS

Un éblouissement absolu Les Inrocks

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FILMS

AMERICA

— : de Claus Drexel Diaphana (1 h 22) Sortie le 14 mars

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Pour

retranscrire la voix de l’Amérique qui s’apprêtait à voter Trump en 2016, Claus Drexel (Au Bord du monde) a posé ses valises à Seligman, en Arizona. Dans cette bourgade de quatre cent cinquante habitants traversée par la célèbre route 66 (Easy Rider) et située non loin des décors de western de la Monument Valley, les habitants vivent dans une relative pauvreté, au milieu de décors décrépits. Leurs états d’âmes font écho à ces flamboyantes ruines ; ils ont le parfum amer de la grandeur passée. Le documentaire écoute cette parole contrastée avec une patience rare, pleine d’empathie. Saisi en plan fixe et en grand-angle, chaque intervenant a le temps de s’exprimer, tandis que notre œil a tout loisir de s’attarder au second plan où s’étalent leurs objets personnels, aussi évocateurs qu’une nature morte – carabines, animaux empaillés, DVD de Seinfeld, scènes religieuses… Ces rednecks sont à la fois l’exacte idée que l’on se fait du Far West pro-Trump, patriote et amateur de flingues, et en même temps bien autre chose, parfois même l’exact contraire. Si bien qu’on est surpris en permanence devant cet épatant documentaire. • ÉRIC VERNAY

CHIEN

— : de Samuel Benchetrit Paradis Films (1 h 34) Sortie le 14 mars

Jacques

Blanchot (dément Vincent Macaigne, qui offre ici une interprétation subtile et dérangeante) semble ne plus avoir aucune prise sur sa vie. Hélène, sa femme (Vanessa Paradis), atteinte d’une maladie de la peau, lui annonce qu’il doit partir (pour elle, il est la cause de son mal) ; puis il est licencié. Il paraît tout subir, ne jamais se révolter, comme s’il avait été domestiqué. Alors qu’il rencontre un dresseur de chiens autoritaire (flippant Bouli Lanners) qui le recueille chez lui, Jacques s’identifie de plus en plus à ses congénères canins… Mine de rien, Samuel Benchetrit creuse un sillon assez singulier et fantasque dans le cinéma français. Depuis son très convaincant Asphalte (2015), il s’est libéré de ses imposantes références (Jim Jarmusch, Aki Kaurismäki…) pour faire entendre sa propre musique, absurde, lancinante, raffinée. Dans ce récit tordu et kafkaïen, souvent drôle, parfois insidieusement violent, le réalisateur trouble et séduit en suivant la trajectoire d’un personnage docile jusqu’au malaise, incarnation possible d’une société pas assez insurgée. • QUENTIN GROSSET

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FILMS

LES BONNES MANIÈRES

— : de Juliana Rojas et Marco Dutra Jour2Fête (2 h 15) Sortie le 21 mars

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Clara

est une infirmière noire qui vit dans une banlieue populaire de São Paulo. Sa destinée bascule lorsqu’Ana, blanche et aisée, l’embauche avant son accouchement. Une tension, à la fois sexuelle et horrifique, infuse très vite, à mesure que la femme enceinte développe des comportements suspects – somnambulisme, attirance pour la chair fraîche, jaunissement des yeux… –, surtout les soirs de pleine lune. Tout les sépare, et pourtant les héroïnes se désirent, se rapprochent et voient bientôt leurs trajectoires scellées à la naissance d’un bébé pas comme les autres. Le scénario des Bonnes Manières prend la main du spectateur, comme un enfant à qui on lit un conte, pour lui faire croire en l’impossible – comme cette intervention, à mi-chemin, de la figure du loup-garou. Les cinéastes brésiliens Juliana Rojas et Marco Dutra prennent le temps de déployer un récit mutant qui navigue entre drame social, comédie musicale, fantastique et romance. En creux, ils n’oublient pas de faire l’éloge de la différence, qu’elle soit physique, sexuelle ou liée aux fractures de classes. • MEHDI OMAÏS

DEMONS IN PARADISE

— : de Judd Ratman Survivance (1 h 34) Sortie le 21 mars

Témoin

de la guerre civile opposant à partir de 1983 le gouvernement du Sri Lanka, dominé par la majorité cinghalaise, et la minorité tamoule, Jude Ratman remonte trois décennies plus tard dans le train par lequel il avait fui les exactions à l’âge de 5 ans. Entre-temps, il s’est envolé avec son oncle pour le Canada, le plus loin possible d’un conflit qui lui aura volé plusieurs proches et qui aura tracé des frontières indélébiles au sein du peuple tamoul – en particulier à cause des Tigres, des indépendantistes dont la furie vengeresse causa au moins autant de tort aux civils que la police d’État. Sans parti pris, Demons in Paradise navigue au gré de ses rencontres dans un Sri Lanka contemporain faussement réconcilié où le pouvoir pro-cinghalais s’efforce en vain d’entraver la rancœur, quitte à encourager l’oubli. Dans le sillage des documentaires de Rithy Panh au Cambodge (grand cinéaste de la parole, que l’on ne s’étonne pas de retrouver sous la mention « mentor » au générique), Judd Ratman fait lentement surgir une mémoire endormie, menant par le biais de leur identité commune les différentes factions tamoules sur la voie de l’apaisement. • ADRIEN DÉNOUETTE

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Quand le désir de vengeance tourne à la farce

ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR

©CARACTÈRES CRÉDITS NON CONTRACTUELS

JOSEF HADER

8RS 2 MA


FILMS

LA PRIÈRE

— : de Cédric Kahn Le Pacte (1 h 47) Sortie le 21 mars

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Avec

une mise en scène emplie de plénitude, Cédric Kahn filme l’itinéraire de Thomas (intense Anthony Bajon, lire p. 26), toxicomane de 22 ans qui part à la montagne pour rejoindre une communauté d’anciens drogués ayant trouvé le salut dans la foi catholique et la solidarité. Le réalisateur s’intéresse aux doutes profonds qui animent ce personnage revêche et blessé, ceux bien sûr qui concernent l’existence d’un dieu, mais surtout ceux qui ont trait à son rétablissement. Dans une atmosphère de recueillement, Kahn, qui a passé du temps avec des ados au vécu semblable, fait un portrait empathique de Thomas, boule de nerfs qui a du mal à se canaliser. À travers lui, il s’applique à montrer comment, lorsque l’on a été exclu ou que l’on s’est soi-même écarté de la société, l’on peut renouer avec elle à force d’entêtement et grâce à un entourage solide. Si le film a un côté « chemin de croix », le cinéaste affirme son point de vue d’agnostique en prêtant plus d’intérêt à cette communauté d’entraide qu’au rôle des croyances dans la guérison du personnage. • QUENTIN GROSSET

THE CAPTAIN. L’USURPATEUR

— : de Robert Schwentke

Alfama Films (1 h 59) Sortie le 21 mars

À

quelques semaines de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Willie Herold, un jeune déserteur allemand, tombe sur une valise contenant un costume d’officier SS, abandonnée aux abords d’une forêt. Jusqu’ici traqué, affamé et apeuré, l’homme voit son salut dans le vêtement et dans l’usurpation de l’identité de son défunt propriétaire. Mais si l’habit ne fait pas le moine, il crée ici le monstre… Loin de certains de ses travaux passés, comme la saga young adult Divergente ou le film d’action géronto-comique Red, Robert Schwentke réalise ici son premier long métrage allemand, tiré d’un fait réel terrifiant. Dans un noir et blanc glacial et rythmé par une musique anachronique, sorte d’electro grinçante, The Captain raconte l’histoire d’une déshumanisation progressive animée par un mélange acide de peur panique d’être démasqué, d’insatiable désir de revanche et de toute-puissance grisante. Peu affable et déstabilisant, le film ne retient pas ses coups et frappe directement la rétine à coups de massacres virtuoses mais estomaquants, de dialogues sur le fil et de décadence orgiaque digne de Jérôme Bosch. Inglourious Basterds, l’humour et la distance en moins. • PERRINE QUENNESSON

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FILMS

COBY

— : de Christian Sonderegger Épicentre Films (1 h 17) Sortie le 28 mars

ZOOM ZOOM

Suzanne

veut devenir ce que, au fond, elle a toujours été : un garçon. Elle saute le pas à 23 ans, grâce aux pilules de testostérone et à la chirurgie. Coby sera son nom de transition. Tourné dans une bourgade neigeuse du Midwest, le documentaire de Christian Sonderegger décrit ce changement de genre avec une belle retenue, sans complaisance ni sensationnalisme facile. C’est que le cinéaste français a su trouver un angle d’approche singulier pour filmer sa demi-sœur, devenue demi-frère : la mécanique de groupe, et, plus précisément, la place d’un individu dans le cercle familial. Car le bouleversement physique et moral – bien réel et dûment documenté par les archives crues et pleines d’humour de ses confessions postées sur YouTube – induit par la transition de Coby n’est pas seulement intime. Il produit aussi une lente onde de choc impliquant ses proches – ses parents, sa copine Sarah, dont la relation homo avec Coby devient techniquement une relation hétéro – qui doivent réajuster leurs comportements pour ne pas s’éloigner ; bref, opérer eux-mêmes une émouvante mue. • ÉRIC VERNAY

THE RIDER

— : de Chloé Zhao Les Films du Losange (1 h 45) Sortie le 28 mars

Chloé

Zhao retrouve les grands espaces américains de son premier film (Les Chansons que mes frères m’ont apprises, 2015) pour une virée dans le monde du rodéo. On y voit la face sombre et mélancolique de la discipline, à travers le chemin de croix de Brady, un jeune cow-boy, membre de la tribu sioux des Brûlés, gravement blessé lors d’une chute de cheval. Comment se réinventer lorsque l’on perd tout ce qui constituait notre ADN ? Brady semble dans une impasse, peu aidé par un environnement familial difficile, entre un père endeuillé, qui noie son maigre pécule dans le jeu et l’alcool, et une sœur souffrant du syndrome d’Asperger. Quant à ses amis de rodéo, trop fringant pour ne pas le rendre jaloux, ou trop délabré (Lane, paralysé) pour ne pas le démoraliser, ils le renvoient malgré eux à son malheur du simple fait de leur état de santé. Le pathos guette, mais la cinéaste chinoise n’y cède pas. Sa manière à la fois onirique et documentaire de décrire des situations bien réelles, vécues par des cow-boys indiens d’une réserve du Dakota (qui jouent ici leur propre rôle), confère à ce récit de résilience une fragilité bouleversante. • ÉRIC VERNAY

80


ARCADIA MOTION PICTURES PRÉSENTE

APRÈS "BLANCANIEVES"

ABRACADABRA UNE COMÉDIE HYPNOTIQUE DE PABLO BERGER

AU CINÉMA LE 4 AVRIL


FILMS

LES DESTINÉES D’ASHER

— : de Matan Yair Les Acacias (1 h 28) Sortie le 28 mars

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Asher

est un lycéen israélien impulsif, toujours prêt à exploser. Une vraie cocotte-minute. Dès qu’il voit un obstacle, il fonce dedans, tête baissée. Cette instabilité permanente n’est pas sans causes extérieures. Le garçon de 17 ans est pris entre deux feux : d’un côté son père, blagueur mais autoritaire, souhaitant qu’il délaisse les études pour reprendre son entreprise d’échafaudages, et de l’autre un prof de lettres charismatique stimulant son intellect en vue du bac. Il y a du Will Hunting dans ce coming-of-age movie hanté par des questions de filiation, d’héritage et de transmission. Modeste dans ses ambitions formelles (caméra à l’épaule de rigueur pour la chronique réaliste), et parfois un peu sur-écrit dans sa volonté de faire résonner les cours de littérature avec la vie personnelle d’Asher, le premier long métrage du cinéaste israélien Matan Yair noie ses scories dans une narration sous tension, au service d’une énergie rugueuse, dûe notamment à son comédien principal, Asher Lax, fausse brute à l’intelligence butée qui amène chaque situation à son point de saturation avec une candeur désarmante. • ÉRIC VERNAY

DON’T WORRY, HE WON’T GET FAR ON FOOT — : de Gus Van Sant

Metropolitan FilmExport (1 h 53) Sortie le 4 avril

Gus

Van Sant, dont le dernier film, Nos souvenirs (2016), nous avait laissé un goût amer, revient en meilleure forme avec ce biopic ciselé du dessinateur tétraplégique et alcoolique John Callahan (Joaquin Phoenix), mort en 2010. Tombé dans la picole dès l’enfance, ce rouquin traînait sa lose sur les plages de Portland avant de perdre l’usage d’une bonne partie de son corps dans un accident de voiture dû à une beuverie à 21 ans. Cloué dans un fauteuil roulant, il ne s’est pas calmé d’office sur la boisson, mais a d’abord soigné son âme par le biais de la BD, développant un style tout en humour noir. La mise en scène de Van Sant épouse à merveille la drôlerie malaisante des dessins de Callahan – il y raille les marginaux : handicapés, LGBT, SDF –en montrant, par exemple, son héros filer en fauteuil dans les rues comme un chauffard jusqu’à se rétamer sur le bitume. Selon une chronologie éclatée, il recompose surtout, avec délicatesse, la façon dont l’artiste est sorti de l’alcoolisme, grâce à une thérapie menée par un bon gourou (surprenant Jonah Hill) aux côtés de joyeux lurons (campés par Beth Ditto ou encore Kim Gordon). • TIMÉ ZOPPÉ

82


» e t n a s r e v e l u o b s t o o P n e « Imog MADE

TO FILMS LITHIUM ST LEINE FILMS INCOGNI

UDIOS PRODUCTIONS

PRÉSENTENT

AMA

TÉLÉR

ÉMA

U CIN A L I R V LE 4 A


FILMS

L’HÉROÏQUE LANDE. LA FRONTIÈRE BRÛLE — : de Nicolas Klotz et

Élisabeth Perceval Shellac (3 h 45) Sortie le 4 avril

ZOOM ZOOM

Monumentale,

la durée du dernier film de Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval (3 h 45) est pourtant dérisoire au regard de l’ambition affichée par ses auteurs : explorer, par le témoignage et l’observation, les méandres de la jungle de Calais, sorte de bidonville labyrinthique vers lequel des milliers de réfugiés affluent dans l’espoir de passer en Grande-Bretagne. Sans commisération, le film détache de cette fourmilière d’existences anonymes quelques destinées individuelles qu’il suit – et dont on perd puis retrouve le fil au gré des vicissitudes de l’exil. Car l’espoir de traverser la Manche est progressivement réduit à peau de chagrin par des mesures policières rendant ce projet de plus en plus complexe et périlleux. Initialement lieu de transit, la lande se transforme alors en nation hybride, agglomérant tous les déracinés du monde au sein d’une enclave que rien ne semble pouvoir faire disparaître (le camp est sans cesse démantelé, avant de se reconstruire de lui-même). C’est, du reste, ce qui intéresse au premier chef Klotz et Perceval : l’émergence, sous l’entrelacs apparent des langues et des cultures, d’un étrange et imprescriptible destin commun. • LOUIS BLANCHOT

THE THIRD MURDER

— : de Hirokazu Kore-eda Le Pacte (2 h 05) Sortie le 11 avril

Le

Japonais Hirokazu Kore-eda (Nobody Knows, Après la tempête) démonte, dans un drame policier teinté de mélancolie, les rouages d’un système judiciaire expéditif. Misumi, qui a purgé trente ans plus tôt une peine pour meurtre, se retrouve devant la justice pour une nouvelle affaire. Cette fois, on le soupçonne d’assassinat et de vol, et il encourt la peine de mort. L’affaire pourrait vite être bouclée, car le suspect a avoué. Mais Shigemori, un avocat au départ persuadé de sa culpabilité, voit ses certitudes vaciller au contact du présumé coupable. Au fil d’un récit tendu, Kore-eda perturbe notre vision et notre jugement, nous menant lentement vers une vérité plus trouble. Dans une séquence intense d’interrogatoire, le visage de Misumi, personnage taciturne, se dédouble à travers les reflets de la vitre qui le sépare de son avocat – l’image suggère qu’il lui ment… En se détachant des échafaudages complexes de l’affaire et en privilégiant l’affect, le cinéaste manie l’art du faux-semblant pour livrer une œuvre humaniste, loin de la cruauté d’une machine judiciaire toute-puissante. • JOSÉPHINE LEROY

84


FILMS

MES PROVINCIALES

— : de Jean-Paul Civeyrac ARP Sélection (2 h 17) Sortie le 18 avril

(Andranic Manet) arrive de province pour étudier le cinéma à l’université Paris-VIII. Il est fasciné par Mathias (Corentin Fila), qui semble avoir tout lu, tout vu, et tombe sous le charme d’Annabelle (Sophie Verbeeck), une militante politique qui remet en cause ses convictions… La jeunesse dépeinte dans le somptueux Mes Provinciales paraîtra peut-être anachronique à certains spectateurs (Blaise Pascal et Bach y sont choisis comme guides), voire carrément irritante (on y tient de grands discours sur l’art et le cinéma qui sont emplis de certitudes). Film fiévreux, noir et hors du temps, ce nouveau long métrage en forme d’éducation sentimentale de Jean-Paul Civeyrac (Malika s’est envolée, Des filles en noir) n’en reste pas moins très émouvant, notamment parce qu’il montre avec un romantisme fièrement désuet des personnages à fleur de peau, sans concession dans leurs sentiments à l’égard de leurs amoureux, de leurs amis, des œuvres ou des causes qu’ils considèrent comme précieuses. Avec grand talent, Civeyrac touche le point sensible où l’art, la politique et la vie fusionnent et s’entrechoquent. • QUENTIN GROSSET

NOTRE ENFANT

— : de Diego Lerman Potemkine Films (1 h 35) Sortie le 18 avril

L’Argentin

Diego Lerman (L’Œil invisible, Refugiado) trace le parcours semé d’embûches de Malena, une médecin de Buenos Aires qui s’enfonce dans la campagne reculée pour adopter un bébé. Sauf que, évidemment, rien ne se passe comme prévu : l’entourage de la mère biologique, une paysanne pauvre déjà mère de plusieurs enfants qu’elle élève, réclame beaucoup plus d’argent que convenu pour le bébé dont elle va accoucher, et Malena peine à convaincre son compagnon de revenir dans la bataille après s’être brouillée avec lui. Porté par la charismatique actrice espagnole Bárbara Lennie (repérée en 2015 dans La niña de fuego de Carlos Vermut), Notre enfant prend les atours d’un thriller sombre dont la tension est générée par la convoitise du bébé à venir, convoitise qui cristallise aussi, en l’espace de quelques jours, une somme de problèmes jusqu’alors latents. Le cinéaste joue avec le stéréotype d’un pseudo-désir obsessionnel de maternité qui pousserait à la folie pour mieux le déconstruire et bâtir des personnages complexes et profonds, dans un contexte d’inégalités sociales tout aussi habilement dépeint. • TIMÉ ZOPPÉ

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ZOOM ZOOM

Étienne


FILMS

FOXTROT

— : de Samuel Maoz Sophie Dulac (1 h 53) Sortie le 25 avril

ZOOM ZOOM

L’Israélien

Samuel Maoz – à qui l’on doit l’impressionnant huis clos Lebanon (2010), inspiré de son expérience de soldat dans l’armée israélienne lors de son intervention au Liban en 1982 – signe un film dense et surprenant qui convoque à la fois l’histoire européenne du xx e siècle et l’actualité d’un conflit israélo-palestinien dont on ne voit pas le bout. Le récit, pensé comme une tragédie grecque, se divise en trois actes, suivant tour à tour le point de vue d’un père (qui sent remonter en lui des traumatismes d’enfance), d’un fils (un soldat mobilisé dans un check-point désert) et d’une mère (personnage qui conclut le film sur une note cathartique). Mais c’est dans sa deuxième partie que le film tire le mieux les ficelles de sa tragédie. Dans une scène onirique, Maoz filme de façon expérimentale, déstructurée, les corps des jeunes soldats israéliens, avec une liberté qui fait oublier un instant la dureté de leur quotidien. Le retour à la réalité – et à un cadrage plus classique –, quand ils se retrouvent soudain nez à nez avec leurs ennemis palestiniens, n’en est que plus brutal. • JOSÉPHINE LEROY

NOBODY’S WATCHING

— : de Julia Solomonoff Épicentre Films (1 h 41) Sortie le 25 avril

Nico,

vedette déchue d’une série argentine à succès, a tout plaqué pour tenter sa chance à New York, mais surtout pour fuir une histoire d’amour impossible. Sur place, il galère depuis des mois, vaguement accroché à la promesse d’embauche d’un cinéaste qui peine à financer son film. Pourtant, sur le visage de l’acteur, pas de trace de panique ; plutôt une douce sérénité. Dans sa précarité, il a su se tisser un cocon protecteur : il squatte le canapé d’une amie joyeuse et bienveillante, emmène régulièrement le bébé d’une autre copine au parc – se servant au passage de la poussette pour voler des produits au supermarché – et drague de beaux garçons la nuit. Passé maître dans la dissimulation de ses émotions, il ne laisse affleurer ses blessures enfouies – une rupture avec un manipulateur, sa lente éviction de la série – que lorsque personne ne le regarde. Avec une pudeur et une douceur qui font écho au style d’Ira Sachs (Love Is Strange), la trop rare cinéaste argentine Julia Solomonoff (Le Dernier Été de la Boyita, 2009) décrit, sur plusieurs saisons, une patiente reconstruction dans un New York intimiste. • TIMÉ ZOPPÉ

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“ILS NOUS DONNENT LE LA DU BONHEUR. ON RIT, ON EST ÉMU, ON A ENVIE DE DANSER.” LE PARISIEN ALEXANDRA LEDERMAN ET ALAIN MIRO PRÉSENTENT

Création graphique : Emma Boutboul

A R T I S T E

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ALEXANDRA LEDERMAN & ALAIN MIRO PRÉSENTENT UN FILM RÉALISÉ PAR ALEXANDRE MESSINA RODUCTION DRAGOONIE FILMS ALAIN MIRO PRODUCTION ET FIDÉLIO PRODUCTION IMAGE NICOLAS CONAN SON AMAURY ARBOUN MUSIQUE ORIGINALE PERCUJAM MONTAGE GUILLAUME LEBEL MONTAGE SON OLIVIER LAURENT MIXAGE LAURENT CHASSAIGNE POST PRODUCTION SON M STUDIO ÉCRIT PAR ALEXANDRA LEDERMAN, ALEXANDRE MESSINA ET ALAIN MIRO APRAHM AUTISME

LE 4 AVRIL


FILMS HOSTILES

En 1892, le capitaine Joseph Blocker (Christian Bale) est chargé, contre sa volonté, d’escorter un chef cheyenne mourant et sa famille sur leurs terres. Sur leur périlleux trajet, ils sont rejoints par une veuve (Rosamund Pike) et confrontés aux Comanches… Porté par un incroyable casting, ce western sec, dur et contemplatif impressionne par sa maîtrise. • E. M.

— : de Scott Cooper (Metropolitan FilmExport, 2 h 13) Sortie le 14 mars

RAZZIA

À Casablanca, à deux époques différentes (1982 et 2015), cinq hommes et femmes tentent de dépasser les carcans culturels, religieux ou liés aux stéréotypes de genre pour vivre libres… Dans la continuité thématique de son acclamé Much Loved (2015), Nabil Ayouch compose un ambitieux film choral pour pointer les affres de la société marocaine. • T. Z .

— : de Nabil Ayouch (Ad Vitam, 1 h 59) Sortie le 14 mars

MALA JUNTA

Envoyé chez son père, Tano, ado rebelle, se lie d’amitié avec Cheo, garçon d’origine mapuche (une communauté amérindienne en lutte) malmené par ses camarades… Ce premier long métrage vibrant articule avec intelligence et sensibilité deux formes de rage, celle qui est propre à la jeunesse et celle qui anime les minorités opprimées. • J. Do.

— : de Claudia Huaiquimilla (Bodega Films, 1 h 29)

Sortie le 14 mars

APRÈS LA GUERRE

Retour en 2002. Accusé d’avoir commandité l’assassinat d’un magistrat à Bologne, un ex-militant d’extrême gauche italien, réfugié en France depuis vingt ans, prend la fuite avec sa fille de 16 ans… Avec peu de dialogues et de nombreux plans fixes, la subtile Annarita Zambrano nous fait ressentir l’angoisse d’une famille rattrapée par les années de plomb. • J. L .

— : d’Annarita Zambrano (Pyramide, 1 h 32) Sortie le 21 mars

LA TÊTE À L’ENVERS

En Autriche, Georg, célèbre critique musical, est subitement licencié. Abasourdi par cette nouvelle, il la cache à sa femme et cherche à se venger de son patron, repoussant sans cesse les limites du raisonnable… Cette comédie dramatique ausculte avec ironie la chute, aussi progressive que surprenante, d’un homme bien sous tous rapports. • E. M.

— : de Josef Hader (ARP Sélection, 1 h 43)

Sortie le 28 mars

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FILMS FROST

Alors que la guerre du Donbass oppose les troupes loyalistes aux séparatistes pro-russes, un couple de Lituaniens se rend en Ukraine pour y apporter une aide humanitaire… D’abord lointaine, la réalité du conflit s’incarne brutalement quand le film nous confronte, par une lumière éclairant les terres enneigées, aux malheurs d’une population exsangue. • J. L .

— : de Sharunas Bartas (Rezo Films, 2 h) Sortie le 28 mars

VENT DU NORD

Dans le nord de la France, Hervé (Philippe Rebbot) perd son job d’ouvrier à la suite de la délocalisation de son usine en Tunisie, ce qui permet à Foued (Mohamed Amine Hamzaoui) de retrouver un emploi… Ce beau drame social se distingue par son dispositif narratif – les parcours des héros, montrés en parallèle, entrent en écho – et la justesse de ses acteurs. • E. M.

— : de Walid Mattar (KMBO, 1 h 29) Sortie le 28 mars

CARNIVORES

Quand Mona (Zita Hanrot), une jeune actrice en vogue, souffre d’un burn-out en plein tournage, sa sœur, Sam (Leïla Bekhti), qui l’assiste, y voit une chance de la remplacer et de réaliser ainsi son rêve… Fiévreux et envoûtant, ce thriller psychologique sophistiqué réalisé par les frères Renier instille une perversité complexe au cœur de ce duo fusionnel. • J. L .

— : de Jérémie et Yannick Renier (Mars Films, 1 h 26) Sortie le 28 mars

JESÚS. PETIT CRIMINEL

Ce premier long métrage d’un jeune cinéaste chilien suit la descente aux enfers de Jesús, ado à la gueule d’ange qui multiplie les expériences limites jusqu’à, un énième soir de beuverie, participer à un lynchage. La réalisation sombre et nerveuse retranscrit bien la culpabilité et la solitude qui asphyxient dès lors inexorablement le jeune homme. • J. R.

— : de Fernando Guzzoni (Optimale, 1 h 26) Sortie le 28 mars

NUL HOMME N’EST UNE ÎLE

Dominique Marchais filme une coopérative agricole en Sicile, ainsi que des architectes et artisans qui cherchent des moyens de lutter contre le dépeuplement dans les Alpes suisses et dans le Vorarlberg en Autriche… Dressant un juste parallèle entre ces initiatives locales qui veulent réinventer la politique, le documentariste insiste sur leur refus des hiérarchies. • Q. G.

— : de Dominique Marchais (Météore Films, 1 h 36) Sortie le 4 avril

90


SOPHIE DULAC DISTRIBUTION PRÉSENTE

« UN TRÉSOR D’ÉMOTION ET D’HUMANITÉ » CINEUROPA

UN FILM DE

D’APRÈS PHOTOS : ALDO DALMAZZO © 2017 – ANTORCHA FILMS

Jhonny Hendrix Hinestroza

4

AVRIL ANTORCHA FILMS EN COPRODUCTION AVEC FUNDACION LA MANADA, RAZOR FILM, DAG HOEL, PUCARA CINE, FIDELIO FILMS, PRODUCCIONES QUINTA AVENDIA PRÉSENTENT ALDEN KNIGHT, VERÓNICA LYNN, MANUEL VIVEROS, PHILIPP HOCHMAIR DANS CANDELARIA SON MILLER CASTRO MUSIQUE ÁLVARO MORALES MIXAGE JESSICA SUAREZ MONTAGE ANITA REMON, MAURICIO LEIVA, JHONNY HENDRIX HINESTROZA DIRECTION ARTISTIQUE CELIA LEDON PHOTOGRAPHIE YARARÁ RODRIGUEZ ÉCRIT PAR MARIA CAMILA ARIAS, JHONNY HENDRIX HINESTROZA, ABEL ARCOS, CARLOS QUINTELA ASSISTANT RÉALISATEUR DIÓGENES CUEVAS PRODUCTEURS EXÉCUTIFS FABIANY JAIME, LAURA BARBOSA, MARIA CAMILA ARIAS COPRODUCTEURS ROMAN PAUL, GERHARD MEIXNER, DAG HOEL, FEDERICO EIBUSZYC, BARBARA SARASOLA-DAY, JUAN DIEGO VILLEGAS, CLAUDIA CALVIÑO PRODUIT ET RÉALISÉ PAR JHONNY HENDRIX HINESTROZA / Sophie Dulac Distribution

www.sddistribution.fr

#FilmCandelaria


FILMS À L’HEURE DES SOUVENIRS

Quand il apprend que la mère de son premier amour (incarné par Charlotte Rampling) lui a légué le journal intime de son meilleur ami du lycée, Tony (Jim Broadbent), bientôt grand-père, est troublé… À travers des flash-back reconstituant progressivement les souvenirs du héros, ce récit, tendre et profond, ménage intelligemment ses effets de surprise. • J. L .

— : de Ritesh Batra (Wild Bunch, 1 h 48)

Sortie le 4 avril

LA MORT DE STALINE

À peine la mort de Staline constatée, son entourage se divise pour prendre le pouvoir… Après In the Loop, sur les relations anglo-américaines à la veille de la guerre en Irak, Armando Iannucci poursuit, grâce à un casting royal (Steve Buscemi, Jeffrey Tambor), dans la veine de la comédie grinçante, imaginant une bataille d’egos absurde et piquante. • J. L .

— : d’Armando Iannucci (Gaumont, 1 h 48) Sortie le 4 avril

CANDELARIA

La Havane, 1995. Elle s’appelle Candelaria ; lui, Victor Hugo. Dans leur modeste appartement, ces septuagénaires manquent d’à peu près tout, sauf de ressources pour faire durer leur histoire d’amour… Le réalisateur colombien porte un regard neuf sur la vie sentimentale et sexuelle des personnes âgées, avec un mélange séduisant de douceur et d’audace. • J. Do.

— : de Jhonny Hendrix Hinestroza (Sophie Dulac, 1 h 27) Sortie le 4 avril

MOBILE HOMES

En Amérique du Nord, Ali (Imogen Poots) participe au trafic de coqs de combat que gère son compagnon, jusqu’à ce que le hasard lui offre, ainsi qu’à son fils de 8 ans, une chance de s’écarter de cette voie dangereuse… Le gracieux premier long métrage de Vladimir de Fontenay évite la moralisation pour mieux regarder ses héros marginaux avec douceur. • T. Z .

— : de Vladimir de Fontenay (Nour Films, 1 h 41)

Sortie le 4 avril

PERCUJAM

Percujam est un groupe de musique rock ’n’ slam, composé d’autistes et de leurs éducateurs, qui écume les salles françaises. Sans misérabilisme, ce documentaire brut explore la manière dont le processus créatif et les relations de confiance tissées au sein du groupe permettent à ses membres de trouver leur place et de s’épanouir pleinement. • E. M.

— : d’Alexandre Messina (Jour2fête, 1 h 08) Sortie le 4 avril

92



FILMS MADEMOISELLE PARADIS

Dans le Vienne aristocratique du xviiie siècle, la pianiste surdouée Maria Theresia von Paradis suit un traitement censé lui rendre la vue… Barbara Albert signe un biopic puissant. Tout en déformant notre perception par des effets visuels (le flou, la réflexion), elle entoure son héroïne d’une aura majestueuse. • J. L .

— : de Barbara Albert (ASC, 1 h 37) Sortie le 4 avril

ABRACADABRA

À Madrid, lors d’une fête de mariage, Carlos, cliché de l’homme macho, se porte volontaire pour une séance d’hypnose. Dès le lendemain, son comportement change du tout au tout… Après le poétique Blancanieves (2013), Pablo Berger revient avec une comédie fantasque, parfois un peu confuse, portée par un trio de comédiens hilarants. • E. M.

— : de Pablo Berger (Condor, 1 h 36) Sortie le 4 avril

LUNA

Une ado amoureuse d’un bad boy se retrouve impliquée dans une agression sexuelle contre un tagueur. Alors qu’elle panique en retrouvant celui-ci dans l’exploitation maraîchère où elle travaille, lui ne la reconnaît pas… Le premier film solaire d’Elsa Diringer tire le portrait sensible d’une jeune paumée qui apprend à forger ses armes. • T. Z .

— : d’Elsa Diringer (Pyramide, 1 h 33) Sortie le 11 avril

SOUTHERN BELLE

Southern Belle est autant le portrait documentaire de Taelor, 26 ans, héritière du plus riche exploitant de pétrole du sud des États-Unis, que d’une jeunesse à la dérive. Celle de l’Amérique déboussolée de Donald Trump, résumée ici, comme dans le récent The Florida Project de Sean Baker, à un vaste parking vide où dansent des princesses orphelines. • A. D.

— : de Nicolas Peduzzi (Septième Factory, 1 h 30) Sortie le 11 avril

KINGS

Après le très remarqué Mustang en 2015, changement radical de décor pour Deniz Gamze Ergüven, qui réunit Halle Berry et Daniel Craig à Los Angeles pour une romance tragicomique ballottée dans le tumulte des émeutes raciales qui suivirent le tabassage de Rodney King par des policiers en 1992. Inégal, mais porté par une mise en scène inspirée. • J. R.

— : de Deniz Gamze Ergüven (Ad Vitam, 1 h 32) Sortie le 11 avril

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O S S / 1 0 0 F I L M S & D O C U M E N T S , 1 0 :1 5 P R O D U C T I O N S P R É S E N T E N T

« UN NOUVEAU TRIP EN 35MM NOIR ET BLANC, SUPERBE ET MYSTÉRIEUX »

TÉLÉRAMA

MEILLEUR RÉALISATEUR

M O RT ÉE POUR L A R T N ’E D T E CE ! T É U N T IC K T U A S A C H E G A R D E -L A B IE N E N FA RE

LOCARNO 2017

UN FILM DE

F.J. OSSANG

AVEC PAUL HAMY, DAMIEN BONNARD, PASCAL GREGGORY, GASPARD ULLIEL, DIOGO DORIA, ALEXIS MANENTI, ELVIRE, LIONEL TUA, LISA HARTMANN | SCÉNARIO F.J. OSSANG | PHOTOGRAPHIE SIMON ROCA | MONTAGE WALTER MAURIOT | DÉCORS RAFAEL MATHIAS MONTEIRO | COSTUMES KARINE CHARPENTIER SON JULIEN CLOQUET, NICOLAS BECKER | MUSIQUE JACK BELSEN / MKB FRACTION PROVISOIRE | DIRECTION DE PRODUCTION RONAN LEROY, JOAQUIM CARVALHO | UN FILM PRODUIT PAR BRUCE SATARENKO, SEBASTIEN HAGUENAUER ET LUIS URBANO | PRODUCTEURS ASSOCIÉS CATHERINE DUSSART, PASCAL METGE AVEC LA PARTICIPATION DU CNC/CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE, DE L’ICA-INSTITUTO DO CINEMA E DO AUDIOVISUAL ET DU FONDS D’AIDE FRANCO-PORTUGAIS | AVEC LE SOUTIEN DE REGION NOUVELLE-AQUITAINE, GOVERNO REGIONAL DOS AÇORES ET CÂMARA PRINCIPAL DE VIANA DO CASTELO EN ASSOCIATION AVEC CINEMAGE 11 | AVEC LE CONCOURS DE MEDIA EUROPE CREATIVE |UNE COPRODUCTION OSS/100 FILMS & DOCUMENTS, 10:15! PRODUCTIONS ET O SOM E A FURIA | VENTES INTERNATIONALES ET DISTRIBUTION CAPRICCI

capricci

graphisme

:

marc lafon

EN SALLE LE 21 MARS


FILMS ALLONS ENFANTS

Cléo, 3 ans et demi, et son frère jumeau, Paul, se perdent, l’un après l’autre, dans le parc de la Villette, prélude à une déambulation dans un Paris multiculturel. Ils se confrontent alors à des adultes pas si sages, parmi lesquels Vimala Pons, à l’aise dans ce film au charme volatil, entre documentaire et fiction, récréation et expérimentation. • J. Do.

— : de Stéphane Demoustier (Norte, 59 min) Sortie le 18 avril

JERSEY AFFAIR

Constamment scrutée par ses parents, Moll étouffe. Jusqu’à ce qu’elle rencontre le mystérieux Pascal, alors ciblé par de sombres rumeurs… Des intérieurs de pavillons traditionnels asphyxiants aux très beaux paysages sauvages de l’île de Jersey, ce thriller de plus en plus haletant parvient à placer le danger dans chaque recoin de ses fascinants décors. • J. L .

— : de Michael Pearce (Bac Films, 1 h 47) Sortie le 18 avril

MY WONDER WOMEN

Dans les années 1930, Elizabeth et William Marston, chercheurs en psychologie, tombent sous le charme de leur assistante. Un trio amoureux qui inspirera Marston, créateur de la BD culte Wonder Woman… Passionnant, le biopic actualise subtilement les combats féministes savamment cryptés derrière les premières aventures de la super-héroïne. • J. L .

— : d’Angela Robinson (LFR Films, 1 h 49) Sortie le 18 avril

NICO, 1988

En 1988, Nico, en tournée mondiale, passe son temps à reprendre les journalistes qui ne veulent l’entendre parler que du Velvet Underground (et pas de sa carrière solo) et à tenter de renouer avec son fils qu’elle n’a pas élevé… En plus de se concentrer sur une période peu connue de sa vie, ce biopic saisit bien son aura fantomatique et torturée. • Q. G.

— : de Susanna Nicchiarelli (KinoVista / New Story, 1 h 33) Sortie le 18 avril

PLACE PUBLIQUE

Un animateur télé cynique (Jean-Pierre Bacri) et son ex-femme idéaliste (Agnès Jaoui) se retrouvent lors d’une fête à la campagne. L’occasion de faire le point sur leur vie et celle de leur entourage… Le célèbre duo Jaoui-Bacri collabore à nouveau au scénario pour décortiquer, avec humour, les paradoxes de la société contemporaine. • T. Z .

— : d’Agnès Jaoui (Le Pacte, 1 h 38) Sortie le 18 avril

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FILMS COMME DES GARÇONS

En 1969, à Reims, Paul Coutard (Max Boublil) est contraint d’organiser la kermesse de son journal. Pour narguer son patron, il organise un match de foot entre femmes et crée sans le savoir la première équipe de football féminine de France… Cette comédie s’amuse des rapports hommes-femmes – sans en déjouer tous les clichés – sur un rythme effréné. • E. M.

— : de Julien Hallard (Mars Films, 1 h 30) Sortie le 25 avril

COMME DES ROIS

Quand un garçon annonce à son père, petit escroc, son ambition de devenir acteur, difficile pour le voyou de l’accepter… Une comédie réjouissante qui se joue adroitement des faux-semblants et qui, grâce à l’efficacité de son duo d’acteurs (Kacey Mottet-Klein et Kad Merad), oppose avec malice la sagesse d’un ado et l’immaturité d’un adulte. • J. L .

— : de Xabi Molia (Haut et Court, 1 h 24) Sortie le 25 avril

MILLA

Ce portrait d’une jeune fille, entre galère et moments de réconfort, se déploie en trois chapitres qui retracent autant d’expériences fondatrices : l’amour, le deuil, puis la maternité. Les choix affirmés de la mise en scène et la grâce de l’interprète principale, Séverine Jonckeere, confèrent à cette chronique une ampleur romanesque et poétique insoupçonnée. • J. Do.

— : de Valérie Massadian (JHR Films, 2 h 08) Sortie le 25 avril

UNE FEMME HEUREUSE

Femme au foyer vivant dans la banlieue de Londres, Tara (Gemma Arterton) se lasse de sa vie monotone et rêve de suivre des cours d’histoire de l’art à Paris… Malgré quelques artifices (le côté « papier glacé » des scènes romantiques se déroulant à Paris), ce récit d’émancipation lumineux déconstruit avec force le mythe ancré de la mère sacrificielle. • J. L .

— : de Dominic Savage (KMBO, 1 h 45) Sortie le 25 avril

TRANSIT

Dans Marseille occupée par les fascistes, Georg prend l’identité d’un mort et tombe amoureux de sa femme… En situant cette intrigue, qui évoque les événements de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte contemporain, Petzold (Barbara, Phoenix) pose un regard incisif sur la situation actuelle de l’Europe et ses politiques d’immigration. • N. L .

— : de Christian Petzold (Les Films du Losange, 1 h 41) Sortie le 25 avril

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L’INTERVIEW KIDS

SHIRLEY SOUAGNON COMÉDIENNE ET HUMORISTE

Comment vous est venue l’idée d’exercer le métier d’humoriste ? C’est un métier qui n’est pas courant, que l’on ne te propose pas à l’école. Moi, à 8 ans, j’ai commencé à écrire des sketches auxquels je forçais mon cousin à participer. On faisait même payer l’entrée de la chambre à la famille pour assister au spectacle. Écrire, c’est un truc qui était en moi depuis très longtemps, même si je ne connaissais pas encore le mot « humoriste ». C’est quoi au juste, le stand-up ? Dans la musique, tu as plusieurs styles : le jazz, le rap, le rock… Eh bien dans l’humour, c’est pareil : tu as par exemple le one-man-show, le mime, le stand-up… Ce qui caractérise le stand-up, c’est que, sur scène, on parle toujours en tant que soi, pas en incarnant un personnage.

Vos sketches s’inspirent toujours de votre vie personnelle ? Pas forcément, mais c’est vrai que je parle beaucoup de moi dans ce spectacle, parce que, dans la société dans laquelle on vit aujourd’hui, ce que je représente en tant que femme noire, lesbienne, avec des locks, ça peut poser des problèmes… et moi, je veux montrer, de par mon expérience et ma vie, que tout va bien. Vous écrivez tous les jours ? J’essaie, mais je suis aussi productrice, alors des fois je fais des comptes, et après je n’ai plus envie de faire des blagues. Mais quand je joue, j’écris toujours un peu avant de monter sur scène, j’aime bien venir avec quelques petits trucs nouveaux chaque soir. Donc ton spectacle n’est jamais le même ? Non, le stand-up, c’est comme un sport, il faut s’entraîner. J’ai fait beaucoup de basket : à l’entraînement, on fait des pompes, mais pendant un match on ne fait jamais de pompes ; en revanche, elles vont nous servir pour le shoot et la force du bras. Eh bien, pour

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PAR CARLA ET TOSCANE

Carla est en terminale et Toscane, sa sœur, est en 4e. Elles ont découvert Shirley Souagnon sur scène dans Monsieur Shirley, son nouveau spectacle de stand-up. L’humoriste vient par ailleurs de réaliser un documentaire, Le Stand-up français (au smartphone), visible sur YouTube, dans lequel on croise par exemple Bérangère Krief, Fary et Kyan Khojandi. Carla : J’ai adoré son documentaire, c’est comme si on était avec elle dans les coulisses, comme une petite souris. Ce n’est pas tourné pour la télé, ça fait « vrai ». Et j’aime bien son style. Elle s’habille cool : son grand chapeau, ses vêtements amples ; on voit que c’est une artiste. Toscane : Sur scène, elle n’a aucun tabou, elle parle de tout.

Shirley Souagnon, Toscane et Carla

le stand-up, l’important c’est de jouer, sans forcément répéter toujours le même texte. Perdre la fraîcheur, c’est l’inverse du stand-up. Vous n’avez jamais peur de faire un flop quand vous lancez une blague ? Avant, j’avais vraiment peur, parce que j’écrivais des blagues qui n’étaient que des blagues, je n’avais rien d’autre à défendre derrière. Dans ce spectacle, mes blagues racontent quelque chose, alors même s’il y en a une qui ne marche pas, ce n’est pas dramatique, j’ai quand même fait passer un message, et ça, c’est important. Est-ce que vous avez des rituels avant de monter sur scène ? J’essaie d’avoir des copains autour de moi. Avant, je faisais des respirations, des étirements, mais ça allait à l’encontre de l’esprit du stand-up. Maintenant, je me dis : « Viens avec l’humeur du jour ! »

Quel est votre meilleur souvenir sur scène ? En 2012, à La Cigale ! C’était super d’avoir mille personnes venues pour moi. Au Théâtre de Dix Heures, une petite salle dans laquelle je jouais juste avant, j’avais pris l’habitude de faire la bise à tous les spectateurs quand ils sortaient de la salle, alors j’ai fait la même chose à La Cigale. C’était sympa, mais je suis tombée malade pendant une semaine ! • PROPOS RECUEILLIS PAR CARLA ET TOSCANE (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : ERIOLA YANHOUI

— : « Monsieur Shirley », jusqu’au 31 mars

à La Nouvelle Seine • « Le Stand-up français (au smartphone) » de Shirley Souagnon, visible sur YouTube

COMME CARLA ET TOSCANE, TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR

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COUL' KIDS

LE DÉBRIEF


LA CRITIQUE CINÉMA D’ÉLISE, 9 ANS

« C’est un film qui parle d’un cristal qui a été brisé, dans un monde fantastique. Une prophétie dit que quelqu’un d’une certaine race va réparer le cristal pour que le monde redevienne bien. On voit que c’est un film fantastique parce que tout le monde, sans exception, est très spécial : les méchants sont des espèces de vautours décharnés avec des vêtements très riches, et les personnages du bien ressemblent à de vieilles tortues sans carapace. Dans tout ce qu’ils font, on sent qu’ils sont bons. Par exemple, s’ils devaient coudre quelque chose, ils sauraient quel est le meilleur endroit pour coudre. Ça change de ce que l’on voit aujourd’hui, et j’ai l’impression qu’ils ont fait le film avec des poupées de cire qu’ils ont bougées avec des fils invisibles. Ça se voit un peu d’ailleurs, parce que quand ils parlent, les bouches ne suivent pas vraiment les paroles. Mais c’est un film très palpitant, alors ça ne gêne pas. C’est un film pour les 4 à 11 ans. Après, les gens ont du mal à se laisser transporter dans l’univers du film. Moi, comme j’ai au moins 60 000 m2 d’imagination, j’aimerais toujours ce film. » invisibles

COUL' KIDS

DARK CRYSTAL

LE PETIT AVIS DU GRAND Fruit de la vision artistique et de l’ambition technique de Jim Henson, le père de Kermit la grenouille, Dark Crystal est de cette race exceptionnelle de films qui sont parvenus à créer un univers de toutes pièces. Car derrière l’aventure palpitante et parfois cruelle de Jen et Kira, il y a un monde foisonnant et une mythologie complexe, héritière de l’hindouisme et des légendes celtiques. Trente-cinq ans après sa sortie en 1983, Dark Crystal reste un film unique et une exaltante ode au pouvoir magique du cinéma. • JULIEN DUPUY

LIS L’ARTICLE ET RETROUVE LE MOT ÉCRIT À L’ENVERS !

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— : de Jim Henson et Frank Oz Sony Pictures (1 h 35) En DVD le 21 mars dès 6 ans


1, 2, 3… FILMS

redécouvrez le chef-d’œuvre de Jack London SUPERPROD ANIMATION, BIDIBUL PRODUCTIONS et BIG BEACH présentent

PAT ET MAT DÉMÉNAGENT Bricoleurs aussi farfelus qu’impatients, Pat et Mat arrivent toujours à leurs fins, mais jamais sans dégâts… La série culte de l’animation tchèque se réinvente grâce à l’incrustation inédite d’effets numériques. • H. B.

: de Marek Beneš

festival international du film de toronto

Cinéma Public Films (40 min)

tiff.kids

Sortie le 28 mars dès 3 ans

CROC-BLANC Dans le Grand Nord, Croc-Blanc est un intrépide chien-loup. Il est vendu à un organisateur de combats pour sauver la tribu indienne qui l’a recueilli… Cette adaptation du roman de Jack London fascine par son animation originale et ses paysages majestueux. • E. M.

: d’Alexandre

Espigares

Wild Bunch (1 h 20) Sortie le 28 mars dès 8 ans

MIKA & SEBASTIAN L’AVENTURE DE LA POIRE GÉANTE Un chaton et un éléphanteau mènent une vie paisible dans une petite ville portuaire, jusqu’à ce que le maire disparaisse… Ce film d’animation coloré et trépidant interroge les notions de courage et d’amitié dans une aventure qui conduit ses héros jusque sur une île perdue. • E. M.

: d’Amalie

avec les v oix

de V I RG I EFIR NIE A, RA PERSPHAËL ON N AZ et D OM I N IQ P I NO U E N

Næsby Fick, Jørgen

Lerdam et Philip Einstein Lipski Condor (1 h 19) Sortie le 25 avril dès 4 ans

28 mars


TOUT DOUX LISTE

PARENTS FRIENDLY WILL-ET-VILLETTE

ART

Si vous vous rendez à la Villette en famille, la Cité des sciences et de l’industrie est immanquable. Mais dès le retour du printemps, s’attarder dans le parc devient un autre must : pour la première fois en France, l’artiste new-yorkais Will Ryman y aura installé deux de ses sculptures monumentales.

: du 22 mars au 16 sept. dans le parc de la Villette, dès 2 ans

BON PLAN

JEU DE PISTE

Le musée des Plans-reliefs met en valeur ses maquettes miniatures, visibles toute l’année, grâce aux Énigmes du Roi-Soleil, un jeu d’enquête dans lequel on doit répondre à des devinettes, relever des défis et tout observer tel un détective du Grand Siècle.

: le 19 avril au musée des Plans-reliefs, dès 9 ans

À NE PAS LOUPER !

ATELIERS

Les bien nommés Ateliers à la loupe permettent d’observer, muni d’une loupe, pour en percer tous les mystères, une quarantaine d’ateliers d’artistes fabuleusement peints par Damian Elwes. Les petits muséophiles rendront ainsi visite à Claude Monet, Jean-Michel Basquiat, David Hockney ou Ai Weiwei.

: jusqu’au 9 septembre au Musée en herbe, dès 5 ans

• HENDY BICAISE ILLUSTRATIONS : PABLO COTS

KIDS FRIENDLY

10 SUR 10

CONCERT

Programmé dans le cadre du festival techno-ludique Capitaine futur, La meilleure façon de compter est une géniale performance musicale et mathématique signée du MC rigolo-bricolo japonais Yuichi Kishino, accompagné d’un chien géant en peluche. Loufoque et dansant.

: le 25 mars à 15 h 30 à La Gaîté Lyrique, dès 6 ans

HARLEM DÉSIRS

SPORT

En matière de spectacle, les Harlem Globetrotters figurent toujours dans le haut du panier. Depuis près de cent ans, l’équipe originaire de Chicago offre des matchs de basket délirants et uniques en leur genre, enchaînant avec humour passes spectaculaires et gestes inédits.

: le 25 mars à l’AccorHotels Arena, dès 6 ans

COUP DE BALLET

SPECTACLE

Shen Yun, c’est un gigantesque numéro de danse classique chinoise aux chorégraphies et aux costumes admirables rassemblant près de quatre-vingts artistes. La musique jouée live et les décors digitaux animés parachèvent ce fabuleux tableau. Étourdissant.

: du 6 avril au 6 mai au Palais des Congrès, dès 4 ans

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Vincent van Gogh, Vue depuis l’appartement de Theo, 1887, huile sur toile, Van Gogh Museum (Vincent Van Gogh Foundation), Amsterdam, Pays-Bas. Conception graphique : Doc Levin / Jeanne Triboul

EXPOSITION ORGANISÉE EN COLLABORATION AVEC LE VAN GOGH MUSEUM, AMSTERDAM. AVEC LE SOUTIEN EXCEPTIONNEL DU RKD – INSTITUT NÉERLANDAIS D’HISTOIRE DE L’ART, LA HAYE

#artisteshollandais WWW.PETITPALAIS.PARIS.FR petitpalais.paris.fr MÉTRO : CHAMPS-ÉLYSÉES CLEMENCEAU AVEC LE SOUTIEN DE


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CECI N’EST PAS DU CINÉMA

CITÉS D’OR

Elle traverse les frontières, rayonnante, tumultueuse, saisissante. D’Alger à Beyrouth, la bande dessinée venue du monde arabe ouvre peu à peu ses pages en France. Témoignages, récits intimes, poésie se bousculent dans une polyphonie vibrante de voix au cœur desquelles résonnent les villes qui les abritent.

C’est

sous la forme du collectif et du fanzinat que ces bédéistes pallient depuis une dizaine d’années l’absence de structure éditoriale locale. Initiés par JAD Workshop puis Samandal au Liban, ces ateliers d’autoproduction ont fait des émules lorsque s’est éveillé le printemps arabe en 2011 : Toktok puis Garage au Caire, Lab619 en Tunisie, Skefkef au Maroc, Masaha en Irak, Habka en Lybie, Comic4Syria en Syrie… Fédérés par les réseaux sociaux ainsi que par des festivals comme CairoComix en Égypte (initié en 2015, avec l’appui de l’Institut français du Caire, par Mohammed Shennawy et Magdy El-Shafie, auteur en 2008 du premier album égyptien pour adulte, Métro,


© ALIFBATA

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LA BD ARABE

Beyrouth. La trilogie de Barrack Rima

censuré par le gouvernement Moubarak), ou le festival international de la bande dessinée d’Alger, ces collectifs et revues déploient leur diversité, la confrontent, avec une énergie et une maturité artistique indéniables. Et depuis peu, ces traits venus d’ailleurs nous arrivent. Le festival d’Angoulême consacrait en janvier une exposition à cette nouvelle génération, rassemblant une cinquantaine d’auteurs. Son catalogue, Nouvelle génération. La bande dessinée arabe aujourd’hui (aux éditions Alifbata), et le recueil La Nouvelle Bande dessinée arabe, publié à l’occasion par Actes Sud BD, offrent un regard panoramique sur cette production effervescente. L’Algérienne Rym Mokhtari (Épines) y déploie une sombre

poésie muette du corps féminin dominé par les hommes ; Nawel Louerrad (De la violence), elle aussi algérienne, s’interroge sur les mécanismes de la violence au travers de personnages oiseaux ; le Libanais Mazen Kerbaj (Demain ne viendra pas) établit quant à lui un dialogue graphique et textuel avec sa mère, l’artiste Laure Ghorayeb. « On montre un mouvement au moment où ça se passe, on n’est pas en retard pour une fois ! La bande dessinée arabe est en train d’étendre les territoires de la bande dessinée », s’enthousiasme Thomas Gabison, éditeur d’Actes Sud BD. Trentenaires, urbains, souvent engagés, ces bédéistes ont trouvé dans le neuvième art le lieu d’une résistance à la pensée unique et de

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© ACTES SUD BD

DÉCRYPTAGE

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Épines de Rym Mokhtari, extrait de La Nouvelle Bande dessinée arabe

réalisation d’une idéologie révolutionnaire, grâce aux libertés thématiques, formelles et économiques qu’il offre. Et, fait marquant vu de France, pays qui ne compte que 12 % environ d’auteures, les femmes s’imposent tout autant que les hommes dans ce paysage créatif. Aussi politiques qu’intimes, tant réalistes qu’oniriques, les sujets et les formes se révèlent divers, les influences plurielles, les traits individuels.

CAPITALE BEYROUTH

Pourtant, une figure récurrente se dégage de ces récits : la ville. Beyrouth, Le Caire, Alger, Casablanca s’animent le long de ces cases qui se lisent pour la plupart de droite à gauche.

En avril, le Pulp Festival, installé à La Ferme du Buisson à Noisiel (77), choisit de resserrer le faisceau sur la capitale libanaise dans une exposition intitulée « Beirut Strip Extended » qui rassemble les travaux d’Alex Baladi, Sandra Ghosn, Joseph Kai, Mazen Kerbaj, Raphaelle Macaron, Barrack Rima, Jana Traboulsi et Lamia Ziadé. Le choix s’avère pertinent, étant donné la vitalité singulière historique de la scène locale. En 1980, quand Georges Khoury, alias Jad, publie Carnaval (non éditée en France), macabre défilé des acteurs d’un pays en proie à la guerre civile, le neuvième art libanais, jusque-là cantonné aux revues pour enfants, s’ouvre à tous les possibles. Le bédéiste fonde ensuite, avec Lina Ghaibeh et

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SAMANDAL Ce collectif fondé en 2007 fait, depuis ses débuts, office d’avant-garde dans le monde arabe. Rassemblant des auteurs de bande dessinée libanais installés à Paris, Bruxelles, Marseille et Beyrouth, Samandal édite chaque année une revue – déclinée en français, anglais et arabe – à vocation expérimentale. « Aujourd’hui nous sommes quatre : Lena Merhej, Joseph Kai, Barrack Rima et moi, explique Raphaelle Macaron. Un rédacteur en chef s’occupe de la compilation sur une année d’un numéro ; cette année, c’était moi. » Autour d’une thématique déterminée, des auteurs de pays variés, au travail singulier, sont invités à explorer les possibles de la bande dessinée. Peu de hasard, donc, au fait que le dernier numéro, titré Topie et autoproduit avec les éditions Fidèles dans leur studio des Grands Voisins, à Paris, se consacre au thème de l’utopie, pour en expérimenter les contours et les contradictions. • S. D.

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© DENOËL

LA BD ARABE

Ville avoisinant la terre de Jorj A. Mhaya

Et, fait marquant, les femmes s’imposent tout autant que les hommes dans ce paysage créatif. Edgar Aho, le JAD Workshop, premier collectif du monde arabe consacré à la bande dessinée. L’album Min Beyrouth, qui dépeint le quotidien d’une ville transformée en champ de bataille, naît de cette association d’auteurs. De ce conflit, de cette capitale déchirée éclôt ainsi la noirceur des premiers traits, précurseurs d’une créativité qui ne cesse depuis de se renouveler. Mourir partir revenir. Le jeu des hirondelles (Cambourakis, 2006), autobiographie de Zeina Abirached, se concentre sur un huis clos familial pour mieux énoncer la tétanie de la ville alentour. Dans la magnifique trilogie Beyrouth de Barrack Rima (Alifbata, 2017), l’auteur, immigré en Belgique, griffe à l’encre les fissures et les révoltes de cette capitale qu’il quitte et retrouve continuellement pendant vingt ans. Ville avoisinant la terre de Jorj Abou Mhaya (Denoël Graphic, 2016) sublime la violence sociale et politique de l’espace urbain par un récit fantasmagorique teinté de gris insidieux. Matière vivace, centres d’une énergie nouvelle, les villes se font personnages, reflets

d’une population, espaces de l’institution, et ancrent les récits dans le contemporain. « La bande dessinée est un des rares endroits où ces auteurs peuvent s’exprimer en argot, en dialecte, langages typiques des villes », note Thomas Gabison. Elles sont aussi des espaces d’affections complexes, parfois contradictoires, entre un passé dont il s’agit de se défaire, une mémoire collective à soigner, et des solutions à inventer. Raphaelle Macaron, membre du collectif Samandal (lire l’encadré) aujourd’hui installée à Paris, témoigne de cet attachement à la ville encore prégnant chez la nouvelle génération, parfois bien malgré elle : « Beyrouth est un personnage à part entière. Elle a vécu énormément de choses et ça se voit beaucoup : dans les gens, l’architecture, l’air qu’on respire, la manière dont nos parents en parlent, dont en parlent ceux qui ont vécu la guerre ou pas. À chaque fois que j’essaie de ne pas parler de Beyrouth, je me retrouve à parler de Beyrouth. » • SARAH DEHOVE

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BLACK DOLLS

EXPOS

— : « Black Dolls. La collection Deborah Neff », jusqu’au 20 mai à La Maison rouge © ELLEN MCDERMOTT

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Fidèle

à sa volonté d’offrir une diversité de regards, La Maison rouge accueille la fascinante collection de Deborah Neff, avocate américaine ayant rassemblé près de deux cents poupées noires confectionnées par des Afro-Américains entre 1840 et 1940. Cartels très fournis et photographies d’époque mettent en évidence l’omniprésence des poupées blanches dans les jeux enfantins. Pour contrer cette vision du monde monochrome, qui mine au passage l’estime de soi chez les enfants noirs, les employés de maison se mettent à fabriquer des poupées qui répondent à leur réalité. Au-delà de l’intérêt esthétique et artistique présenté par ces jouets d’une incroyable variété de formes, de techniques et de matériaux, c’est sur la représentation qu’ils induisent que s’interroge la commissaire Nora Philippe – également réalisatrice de l’émouvant film diffusé en fin d’exposition. Les poupées se font le reflet d’une histoire politique, culturelle et intime, et posent la question de l’identification, du conditionnement raciste qui vient nier le noir jusque dans l’esprit des enfants, comme en témoigne cette étude menée en 1954 qui voient des enfants désigner comme « méchante » et « laide » une poupée noire placée face à une immaculée poupée blanche. Mais la confection de ces jouets permet également de bousculer la place traditionnellement donnée aux Afro-Américains, d’affirmer leurs identités et de se faire cheval de Troie dans les chambres des enfants blancs… pour mieux exprimer les infinies nuances de noir. • LAURA PERTUY

À gauche : Auteure inconnue, Poupée portant une robe tunique à motifs, circa 1er quart du xxe siècle À droite : Auteure inconnue, Couple en habits du dimanche aux visages peints, circa 1890-1910

Ces jouets permettent de bousculer la place donnée aux Afro-Américains.

IGNASI ABALLÍ

TALISMANS

Un objet de mesure scientifique en verre brisé puis recomposé ; une série de couleurs prélevées dans le journal El País correspondant à celles d’un dictionnaire japonais ; ou encore cent quatre-vingt-dix feuilles de papier A4 où se lit subliminalement le mot almost suivi d’un adjectif… Accompagnée pendant ses dix premiers jours de la projection de films de l’artiste catalan autour de la lumière, du langage et de la disparition, l’exposition d’Ignasi Aballí nous en fait voir, tout en nuances. • A. L .-V.

Convoquant la portée critique de la dématérialisation de l’œuvre d’art théorisée dans les années 1960, « Talismans » réunit exposition, conférences, chorégraphies, films, textes et performances autour de la dématérialisation des murs, de la reconstitution humaine et du talisman, objet tangible ou non, symbolique et protéiforme, silencieux ou explicite. Ou comment concilier destruction et création, « concrétude » et croyances, absence et résistance. • A. L .-V.

à la galerie Thomas Bernard

à la Fondation Calouste Gulbenkian

: « Presque invisible » jusqu’au 21 avril

: jusqu’au 1er juillet

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ART COMPRIMÉ Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.

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mars

20 mai

Le débat dure depuis plus d’un an : que faire du Bouquet of Tulips, la sculpture proposée par Jeff Koons à la Ville de Paris ? Le « cadeau » du très coté artiste américain, symbolisant « un geste d’amitié entre le peuple américain et le peuple français » après les attentats, divise. Car de cadeau, il n’a que l’apparence – un immense bouquet de 10 mètres de haut et de près de 30 tonnes de métal –, la production étant financée par une collecte de fonds privés. L’emplacement – entre le musée d’art moderne de la ville de Paris et le Palais de Tokyo – est toujours sujet à discussion. Le projet est entre les mains du ministère de la Culture, qui semble privilégier un autre lieu, encore indéterminé. • Une petite peinture au pastel d’Edgar Degas, Les Choristes (1877), estimée à 800 000 euros et subtilisée à Marseille en 2009, a été retrouvée dans la soute d’un bus lors d’un contrôle opéré par des douaniers dans une station-service de Seine-et-Marne, à la mi-février. • Depuis quelques semaines, les Londoniens ont l’immense honneur de pouvoir admirer une œuvre collaborative d’un genre tout particulier, au London Museum : un morceau d’un fatberg, amas géant de graisses alimentaires et autres déchets qui bouchait un égout du quartier de Whitechapel, d’où il a été retiré en septembre dernier. Cette masse de 250 mètres de long et de 130 tonnes était aussi solide que du béton, selon les égoutiers. Miam ! • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL

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5/7 rue de Fourcy 75004 Paris Téléphone: 01 44 78 75 00 Web: www.mep-fr.org M Pont Marie ou Saint-Paul

Ouvert du mercredi au dimanche inclus, fermé lundi, mardi et jours fériés.

© Pierre et Gilles

La photographie française existe... Avec le soutien de

En partenariat média avec


SPECTACLES

DÉCRIS-RAVAGE — : d’Adeline Rosenstein, du 4 au 9 avril au Théâtre de la Cité internationale (3 h 45 avec entracte)

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© HICHEM DAHES

Lorsqu’Adeline

Rosenstein, depuis son petit pupitre, commence à raconter les folles aventures de Napoléon et les débuts de la colonisation au Moyen-Orient, les rires ne tardent pas à fuser. La fausse conférencière a beau avancer dans son récit avec une ironie cinglante, son propos n’en est pas moins hautement sérieux. S’il s’agit de replonger dans les origines du conflit israëlo-palestinien, la metteuse en scène tente également, avec patience et à l’aide des outils du théâtre, de nous rappeler que l’histoire se fabrique au présent et qu’elle n’est jamais neutre. « Il faut vérifier », répète-elle inlassablement. Pour cela, elle convoque un tas de documents, sans jamais les montrer, des témoignages traduits et rejoués en direct par ses acolytes comédiens, et des pièces de théâtre arabes à moitié oubliées. Dans cette écriture où s’entrecroisent réalité et fiction, notre imagination ne tarde pas à faire advenir d’autres images, celles de ce qui aurait pu se passer. Car l’histoire a un second secret, encore mieux gardé : tout aurait pu se dérouler différemment. • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

Adeline Rosenstein nous rappelle que l’histoire n’est jamais neutre.

ITHAQUE

Christiane Jatahy s’est taillé une place de choix sur les scènes françaises, en donnant tout son sens à l’adaptation des classiques, comme en empruntant au cinéma et à l’installation pour renouveler les formes. Au printemps, elle s’approprie l’Odyssée à travers une pièce deux en un. Préférerez-vous assister à l’histoire d’Ulysse, ou à celle de sa femme, Pénélope ? • A. J.-C.

C’est l’histoire improbable d’un type, obligé de partir en cavale parce qu’il a oublié sa carte de fidélité au supermarché du coin. Délicieusement absurde, la BD de Fabcaro est transposée par Paul Moulin et Maïa Sandoz sur la scène d’un théâtre radiophonique où l’on retrouvera, au micro (et aux bruitages), Adèle Haenel et Blanche Gardin. • A. J.-C.

: du 14 mars au 21 avril aux Ateliers

Berthier – Odéon-Théâtre de l’Europe (2 h)

ZAÏ ZAÏ ZAÏ ZAÏ

: les 7 et 8 avril

à la Ferme du Buisson (Noisiel), dans le cadre du Pulp Festival (55 min)

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RESTOS

LA BONNE ÉTOILE

© D. R.

Le Michelin a attribué quinze nouvelles étoiles à Paris. Outre le Chateaubriand d’Iñaki Aizpitarte, pionnier du néobistrot, récompensé après douze ans d’existence, outre Bruno Verjus et sa Table, on retient l’entrée de Pertinence, Loiseau Rive Gauche et Quinsou.

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PERTINENCE Ils sont deux, unis à la scène comme à la ville. Kwen Liew est malaisienne, Ryunosuke Naito est japonais. Ensemble, aidés d’un seul employé en salle, ils rendent hommage à la cuisine française, avec respect et justesse, comme le nom de leur restaurant l’indique : Pertinence. Monsieur s’occupe plutôt des bouillons, la touche asiatique de leurs plats. Il excelle aussi dans la préparation des poissons et des dressages, fort d’un parcours pavé d’étoiles, au Taillevent (deux étoiles au guide Michelin) avec Alain Soliverès, au 1947 et au Meurice (trois étoiles) avec Yannick Alléno. Madame s’épanouit dans la cuisson des viandes, les garnitures, les assaisonnements, mais aussi la pâtisserie, française, qu’elle a étudiée au même titre que la cuisine. Ils se sont rencontrés en 2011 au Restaurant Antoine (Paris XVIe) de Mickaël Féval (repris depuis avec brio par Thibault Sombardier). Ils se sont retrouvés au Bistrot Alexandre III en 2015, avant d’ouvrir l’an dernier leur cocon intimiste de dix-huit couverts dans une rue discrète. Sous un étonnant dais en lattes de bois, entre sommier et persienne, ils reçoivent dans une atmosphère apaisante. On peut même apercevoir leur éternel sourire bicéphale par le passe de la cuisine semi-ouverte. De là, ils envoient des assiettes classiques aux dressages élégants, diablement goûteuses : langoustines rôties, bouillon de champignon noir ; tourte de ris de veau et foie gras, jus de veau ; ou soupe de poire. Pertinent, n’est-ce pas ? Menu déjeuner : 38 € (entrée, plat, dessert). Menu dégustation (six services) : 85 € (135 € avec l’accord mets et vins). • STÉPHANE MÉJANÈS

: 29, rue de l’Exposition, Paris VIIe

LOISEAU RIVE GAUCHE

QUINSOU

L’ex-Tante Marguerite renaît grâce à Dominique Loiseau et sa fille Bérangère. Elles ont fait confiance à un jeune Auvergnat bourré de talent, Maxime Laurenson, élève de Mathieu Viannay et Jean Sulpice. Le décor est dans son jus, et la cuisine, très nature. On aime le brochet, anguille fumée, et la meringue au géranium. Menus : 42 €, 60 €, 70 €, 90 €. • S. M.

Étoilé à The Greenhouse (Londres) et au Sergent Recruteur (Paris), Antonin Bonnet revient aux affaires. Ce disciple de Michel Bras joue l’épure au service du produit : lieu jaune, topinambour et poire ; porc Kintoa, céleri, pruneau. En prime, un pain maison à la farine de Roland Feuillas (Les Maîtres de mon moulin, Cucugnan). Menus : 35 €, 48 €, 65 €. • S. M.

: 5, rue de Bourgogne, Paris VIIe

: 33, rue de l’Abbé-Grégoire, Paris VIe

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CONCERTS

FEU! CHATTERTON — : les 9, 10 et 11 avril au Bataclan • « L’Oiseleur », disponible (Barclay)

© SACHA TEBOUL

OFF

Après

un premier album couronné de succès qui en a fait une figure de proue de la nouvelle chanson française, Feu! Chatterton revient en scène avec L’Oiseleur, ode au temps béni de l’amour perdu. En treize titres au lyrisme exacerbé, l’album capture diverses figures de l’absence et du deuil, ce « tendre passé qui nous hante », comme l’évoque sur « Grace » la voix toujours à la limite de la rupture du chanteur Arthur Teboul. Parcourues par l’élément aquatique, la pluie, la mer, l’alcool, ces poésies déclamées ou soufflées, envolées lyriques ou langue des oiseaux, sont toujours imprégnées d’une abyssale mélancolie. Dans « L’Ivresse », autoportrait dilué dans le flow du divin vin, le chanteur fait rimer rade et raide et confond la quiétude avec l’existentielle question « Qui es-tu ? ». Signe des temps, le quintet parisien met ici ostensiblement et pour la première fois du hip-hop dans sa pop, quand ailleurs, guitares progressives, violons orientalisants ou inédits synthétiseurs invitent à la grandiloquence d’un Jacques Brel adolescent, à la scansion d’un Léo Ferré haschischin ou au singulier placement des syllabes d’un Dominique A léger, léger dans « L’Oiseau ». « Quand tu ne seras plus là, je serai la rouille se souvenant de l’eau » (« Anna ») chante le volatil Arthur Teboul. À moins qu’il ne se change en or, comme le premier disque de Feu! Chatterton, prouvant s’il le fallait que la flamme juvénile de la poésie était toujours bel et bien vivante, et ardente. • WILFRIED PARIS

Ces poésies déclamées ou soufflées sont imprégnées d’une abyssale mélancolie.

THE GONZERVATORY

ROMÉO ELVIS

Fou génial, vraie bête de scène et ardent pédagogue, le pianiste Chilly Gonzales a créé son conservatoire idéal : huit jours de stage go fast à Paris, offerts à sept musiciens bricoleurs (du saxophoniste ukrainien à la punk chilienne) sélectionnés parmi près de huit cents candidats. L’objectif : bûcher la performance live en acoquinant technique et plaisir. Vu la fantaisie du maître, ce tour de chauffe devrait être alléchant… avant la remise des diplômes en mai. • E. Z .

Damso, Hamza et autres Caballero : les rappeurs du plat pays s’imposent dans l’Hexagone. Dans cette échappée belge, l’efflanqué Roméo Elvis tire son épingle du jeu. La faute à sa voix rauque ultra grave, à son phrasé posé, à une écriture soignée (clin d’œil au jeune MC Solaar) à l’ego-trip second degré, et à son partner in crime – Le Motel, beatmaker doué. De « Morale » au 2-step shiny de « Dessert », il assure : « Bruxelles arrive », et ça va punchliner. • E. Z .

: le 26 avril au Trianon

: le 3 mai au Bataclan

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festival 6e édition

13 mars > 14 avril 2018

Christian Rizzo – le syndrome ian © Marc Coudrais

01 53 35 50 00 www.104.fr

séquence danse paris

Aurélien Bory Pierre Rigal Kaori Ito Amala Dianor Ayelen Parolin Olivier Dubois Christian Rizzo AragoRn Boulanger Cie Genôm Daniela Bershan et Ula Sickle Atelier 37.2 Lia Rodrigues avec les jeunes de la Maré Cie Black Sheep Dominique Boivin et Claire Diterzi Koen Augustijnen et Rosalba Torres Guerrero Raphaëlle Delaunay et Sylvain Prudhomme La Fabrique de la Danse Omar Rajeh / Maqamat Dance Theatre Nach Gustavo Gelmini, Renato Cruz et Cyril Hernandez Valeria Giuga Cie Labkine Sylvère Lamotte - Cie Lamento Salia Sanou WYNKL


CONCERTS

EDGAR SEKLOKA — : le 15 mars, le 17 mai et le 18 juin au mk2 Quai de Seine

© HASHKA

OFF

Après

avoir mis en musique le cinéma de Charlie Chaplin l’an dernier, l’écrivain et musicien Edgar Sekloka revient, toujours bien entouré, pour une nouvelle série de trois ciné-concerts, cette fois sur le thème vibrant des musiques noires. Sur la scène d’une salle du mk2 Quai de Seine, Edgar Sekloka, accompagné du guitariste Jean-Baptiste Meyer-Bisch et du chanteur et percussionniste burkinabé Koto Brawa, interprète des compositions originales qui empruntent autant au jazz qu’au rap ou au blues. Textes poétiques et musique sont naturellement liés pour Sekloka, qui déjà en 2004 avait monté, avec son ami Gaël Faye, une pièce de théâtre-slam intitulée L’Éclipse des cent jours, présentée lors de commémorations du génocide rwandais. C’est dans un même esprit qu’il conçoit le ciné-jam. « Dans des projets comme celui-ci, je propose une forme de rap lisse, c’est-à-dire douce. Pour moi, ça n’est pas du tout péjoratif, c’est une manière de prêter attention aux paroles. » Et plutôt qu’une série d’hommages aux grandes figures de la musique noire, c’est par un bout plus intimiste que le chanteur et auteur (Coffee, Adulte à présent) a choisi de filer ce thème,

« La musique noire est d’abord une musique de témoignage, notamment sur l’esclavage. » puissant. « Je me suis questionné sur ce qu’est la musique noire. C’est d’abord, je pense, une musique de témoignage, notamment sur l’esclavage, liée pour moi à certaines lectures, comme Le Peuple du blues d’Amiri Baraka, ou Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage de Maya Angelou. Après avoir lu ces bouquins, je me suis dit que j’étais moi aussi un esclave. C’est en chantant que je réussis à m’en libérer. » À l’écran, un montage vidéo conçu par le photographe de rue Hashka fera défiler des images illustrant l’esclavage moderne, en harmonie avec les paroles écrites pour l’occasion par Sekloka et la musique jouée par les musiciens. La promesse d’un moment simple et gracieux, entre cinéma engagé et musique engageante. • JOSÉPHINE LEROY 116



RÉALITÉ VIRTUELLE

SPRINT VECTOR COURSE INTERGALACTIQUE

— : Survios, dès 8 ans

OFF

Il

va y avoir du sport. Avec Sprint Vector, en effet, votre corps est mis à contribution comme rarement dans un jeu vidéo en VR. Le principe ? Une course d’obstacles intergalactique, quelque part entre le fun de Mario Kart et l’adrénaline d’un Rollerball (sans la violence). L’Oculus Rift sur la tête, des patins virtuels aux pieds, vous évoluez dans un décor flashy au rendu très cartoon, en quête de vitesse extrême ; ou du moins, vous essayez d’évoluer car, soyons honnêtes, la prise en main demande un peu de patience et de dextérité. Et c’est tout l’intérêt du jeu, que de donner au novice l’impression physique de découvrir un sport inédit, avec ses techniques et ses sensations propres. Sans oublier la fatigue ! Il faut en effet de l’énergie à revendre pour patiner, sauter, grimper et même voler dans Sprint Vector. Au départ, un simple mouvement de balancier des bras, façon roller, est censé vous donner l’accélération nécessaire. Or ce n’est pas si facile, car, détail important, la nécessité d’appuyer et de relâcher la gâchette à chaque mouvement, de manière véloce et synchronisée, implique un réel effort. Un peu comme si on plantait des bâtons de ski ultra légers pour se mouvoir dans un skatepark futuriste. Ensuite, il faut apprendre à escalader des parois verticales dans lesquelles des trous béants vous obligent à sauter, et parfois même à léviter, les deux poings brandis au-dessus du vide, tel Superman. Bref, foncez : ce n’est pas tous les jours qu’on se découvre de nouveaux muscles. • ÉRIC VERNAY

Il faut de l’énergie à revendre pour patiner et voler dans Sprint Vector.

GUNS ’N’ STORIES

TIR

Vous connaissez les belles histoires du père Castor ? Voici celles de Grandpa Bill, un vieux chasseur de primes. Alors qu’il égrène ses hauts faits d’armes d’une voix traînante, vous êtes catapulté avec lui à Sintown. Dans ce décor de western, les ennemis vous assaillent de partout. Pour faire long feu, dégainez vos colts plus vite qu’eux, tout en esquivant balles, jets de dynamite et autres explosifs. Un gunfight au trait cartoon, fluide et jouissif. • É. V.

: Mirowin, dès 12 ans

OVERVIEW

SPACE ODYSSEY

Avoir la tête dans les étoiles en VR, c’est possible grâce à ce documentaire à 360 degrés. Le film de Paul Mezier s’intéresse aux galaxies et astres de notre système solaire. Quoi de plus relaxant que de survoler Saturne guidé par des explications scientifiques en voix off ? Le spectacle est saisissant : devant un coucher de soleil ricochant sur les anneaux de glace et de poussière de la planète géante, difficile de ne pas écarquiller les yeux. • É. V.

: I.C.E.B.E.R.G. / Orbital Views, dès 6 ans

PROGRAMMES À DÉCOUVRIR À L’ESPACE VR DU mk2 BIBLIOTHÈQUE INFOS ET RÉSERVATIONS SUR MK2VR.COM



PLANS COUL’ À GAGNER

LA PHOTOGRAPHIE FRANÇAISE EXISTE… JE L’AI RENCONTRÉE

EXPO

— : jusqu’au 20 mai à la Maison européenne de la photographie

que l’exposition met en exergue. Qu’il fasse figure de témoignage Pierre et Gilles, Les Amants de Paris, 2018 intime (Hervé Guibert, Pierrick Sorin), privilégie la mise en scène (Bernard Faucon, Philippe Ramette), le paysage (Sebastião Salgado, Minot-Gormezano, Sophie Ristelhueber) ou le portrait sur le vif (Martine Barrat, Marie-Laure de Decker), l’art photographique est toujours le reflet de son époque. Un constat s’impose : la France n’a pas à rougir devant ses homologues anglo-saxons. • JULIEN BÉCOURT

OFF

considérée à l’étranger comme anodine, pour ne pas dire inexistante, la photographie en France était, dans les années 1980, assimilée à une antichambre de la publicité et de la mode. Sur le point de passer le flambeau à son successeur, Jean Luc Monterosso, directeur de la Maison européenne de la photographie, remet les pendules à l’heure en dressant un panorama haut en couleur de la création contemporaine des trois dernières décennies. Des incontournables (Raymond Depardon, Pierre et Gilles, Bettina Rheims) aux plus discrets, c’est la singularité et la diversité des propositions

© PIERRE ET GILLES

Longtemps

EXPO

Avant tout connu pour ses paysages, Jean-Baptiste Camille Corot était plus secrètement un grand portraitiste. L’exposition fait renaître une soixantaine de ses créations, des chefs-d’œuvre – comme La Femme à la perle (vers 1868-1870) ou La Dame en bleu (1874) – aux plus méconnues, comme certains de ses nus. • E. M. Jean-Baptiste Camille Corot, Louise Harduin, 1831

: jusqu’au 8 juillet au musée Marmottan Monet

PULP FESTIVAL

FESTIVAL

Pour sa 5e édition, le Pulp Festival, dédié à la rencontre entre la BD et les autres arts, accueille notamment une rétrospective de Philippe Druillet (Lone Sloane, Salammbô), un spectacle adapté du roman graphique Trois ombres de Cyril Pedrosa ou encore une performance participative de dessin et de danse intitulée Dessinathlon. • E. M.

: festival du 6 au 8 avril, expositions du 6 au 21 avril, Battersea Arts Center, Paper Cinema Macbeth, 2017

à La Ferme du Buisson (Noisiel)

ARTE CONCERT

FESTIVAL

Pour la 3 édition de son festival musical, Arte reprend ses quartiers à La Gaîté Lyrique pour célébrer toutes les formes de pop-rock, d’electro et de piano avec une programmation éclectique et fédératrice qui accueille notamment Juliette Armanet (photo), Jean-Michel Blais, Actress, I Have A Tribe et des DJ sets de Modeselektor et Nathan Fake. • E. M. e

: les 19, 20 et 21 avril à La Gaîté Lyrique

© STERLING AND FRANCINE CLARK ART INSTITUTE, MASSACHUSETTS, USA (PHOTO BY MICHAEL AGEE) ; JAMES ALLAN ; ERWAN FICHOU ET THÉO MERCIER

COROT. LE PEINTRE ET SES MODÈLES

SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL


Festival

Création numérique & mondes virtuels

4-8 avril 2018

Forum des Halles forumdesimages.fr


PLANS COUL’ À GAGNER

LUTZ BACHER © DELFINO SISTO LEGNANI AND MARCO CAPPELLETTI

EXPO

— : jusqu’au 30 avril à Lafayette Anticipations

Vue de l’exposition

Il

américaine Lutz Bacher. Méconnue en France, cette artiste culte qui se cache derrière un pseudonyme accomplit depuis les années 1970 une œuvre protéiforme, axée aussi bien sur des performances dans l’espace public que des jeux de piste entre les mailles d’Internet. À travers ses interventions, ses photographies ou ses récupérations d’objets liés à la culture pop urbaine se dessine une réflexion complexe sur l’identité, le genre, la violence, l’intime, la société et l’espace. • JULIEN BÉCOURT

OFF

aura fallu toute la pugnacité de Guillaume Houzé, directeur de l’image et de la communication des Galeries Lafayette et collectionneur d’art aguerri, pour convaincre son entreprise familiale d’investir dans une fondation dédiée à l’art contemporain. Après plusieurs expositions depuis 2004 au sein même des grands magasins, c’est dans un bâtiment entièrement réhabilité par l’architecte Rem Koolhaas que le projet Lafayette Anticipations s’est installé. Pour son exposition inaugurale, l’institution convie la plasticienne

SHEILA HICKS. LIGNES DE VIE

EXPO

Sheila Hicks, étonnante artiste américaine de 83 ans, noue, enveloppe, tord ou empile le textile et joue avec les couleurs en s’inspirant notamment de techniques précolombiennes. Cette exposition rassemble cent quarante-cinq de ses œuvres de coton, de laine, de lin ou de soie, des années 1950 à aujourd’hui. • E. M.

: jusqu’au 30 avril au Centre Pompidou

LES HOLLANDAIS À PARIS. 1789-1914

: jusqu’au 13 mai au Petit Palais

MP2018. QUEL AMOUR !

ÉVÉNEMENT

Pendant sept mois, l’association MPCulture inonde les Bouches-du-Rhône d’art et de création à travers quatre cent cinquante projets sur le thème de l’amour. Du 30 mars au 15 avril, empruntez le Train bleu pour des excursions artistiques sur un parcours de 32 kilomètres ou embarquez sur le Love Boat pour une croisière en amoureux. • E. M.

: jusqu’au 1er septembre Groupe F, Coups de foudre, 2008

dans divers lieux des Bouches-du-Rhône

© CRISTOBAL ZANARTU ; GROUPE F

Johan Barthold Jongkind, Notre-Dame de Paris vue du quai de la Tournelle, 1852

EXPO

Entre 1789 et 1914, plus d’un millier de peintres hollandais émigrent en France, attirés par l’effervescence de sa capitale. L’exposition retrace les rapprochements artistiques avec leurs pairs français. Cent quinze œuvres sont présentées, de Monet à Mondrian en passant par Jongkind, Van Gogh ou Picasso. • E. M.

SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL


à la Maison des métallos focus à la vie, à la mort

« Ce qui est certain   c’est que je ne voulais   pas faire de la peine   aux gens. Mais j’ai tué  quelqu’un. Une fois,   j’ai tué quelqu’un ».

sandre Confession d’une

la bande dessinée au croisement des arts 6/7/8 avril 2018

Médée moderne

druillet / prudhomme / cestac fabcaro / pedrosa / bd libanaise ...

Solenn Denis, Erwan Daouphars

expositions jusqu'au 21 avril

27 mars > 8 avril

lafermedubuisson.com avec la complicité

rer a noisiel


FRANKIE COSMOS

SONS

— : « Vessel » (Sub Pop / [PIAS])

OFF

© ANGEL CEBALLOS

La

mélodie de la quatrième chanson du cinquante-deuxième album (!) de Greta Kline, 23 ans seulement, s’installe dans son délicat écrin indie-pop, quand soudain, au bout d’une minute trente exactement, retentit un miaulement extraterrestre, suivi d’éclats de rire. Fin brutale du morceau, au suivant. « J’ai une capacité d’attention très limitée, confie la New-Yorkaise dans un sourire timide. Je préfère les shows télé aux films – souvent trop longs à mon goût –, j’écoute des singles plutôt que des albums : c’est mon côté “millenial” ! » Ses morceaux dépassent rarement les cent quatre-vingts secondes, aussi bien avec son groupe à géométrie variable, Frankie Cosmos, que sous ses autres alias (Ingrid Superstar, Little Bear, Zebu Fur…). Pour arriver à l’os de ses idées poétiques, elle n’hésite pas à élaguer. « Mes chansons ne répètent pas les mêmes paroles plusieurs fois, alors que la pop music abuse un peu de refrains identiques, souvent rejoués deux fois à la fin. En les écoutant, je me dis régulièrement : “Ça va, on a compris, tu

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ? « Ce serait un film indé à petit budget, très court – pas plus d’une heure dix ! – et en couleurs, mais avec une image au grain apparent, comme dans un John Cassavetes. Le personnage principal, une fille de 17 ans au look de garçon manqué, se demande qui elle veut être. Il y a

pourrais varier, non ?” Moi, je dis tout ce que j’ai besoin de dire, et je passe à autre chose. D’où mes formats de chansons anormaux. » Pop et débraillée, colorée et imprévisible, malicieuse et sensible, la musique de Frankie Cosmos carbure à la spontanéité. Et ce dès l’écriture, consignée sur un bloc-notes dont elle ne se sépare jamais. « J’écris souvent sur le vif, au cœur d’une crise pas encore terminée, sans que je sache exactement ce que je ressens : ça donne à mes morceaux un aspect instantané et inachevé. » Mais tout n’a pas toujours été si fluide pour la fluette fille de Kevin Kline et Phoebe Cates, longtemps complexée dans sa famille d’artistes. Sa découverte de la scène anti-folk de New York fut une véritable épiphanie. « À dix ans, je chantais The Moldy Peaches et Jeffrey Lewis en permanence ! Ils m’ont montré que tu n’as pas besoin d’être la meilleure chanteuse pour jouer de la musique. Tant que l’émotion affleure… L’important n’est pas la perfection, mais la chanson. » CQFD. • ÉRIC VERNAY

peut-être aussi une histoire d’amour… Mais il n’y a pas de vrai début ni de chute à la fin dans ce film joué uniquement par des acteurs amateurs : c’est un aperçu de la vie de l’héroïne. La morale de l’histoire ? Deviens ton propre meilleur ami ; apprends à devenir autonome, à te faire confiance. » GRETA KLINE

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JUKEBOX

MUSÉE DU LUXEMBOURG 7 MARS 1er JUILLET 2018

ROBERT GÖRL

: « The Paris Tapes » (Grönland)

Belle époque pour les fans de DAF, duo post-punk allemand dont l’existence fut aussi courte que son influence est vaste. Après le coffret Das Ist DAF, ce sont des inédits de Robert Görl qui font surface. Réfugié à Levallois-Perret au milieu des années 1980 avec un petit synthé et une boîte à rythme, il déverse dans ces morceaux toute sa solitude, ses doutes et sa frustration. Une descente intérieure dans un Paris sans lumière. • MICHAËL PATIN

THOUSAND

: « Le Tunnel végétal » (Talitres)

Maintenant que l’expression « variété française » a cessé d’être une injure, il fallait bien qu’un artiste vienne lui (re)donner ses lettres de noblesse. Sur son troisième album, Stéphane Milochevitch, alias Thousand, trouve un équilibre parfait entre cut-up littéraire et poésie vulgaire, mélodies proverbiales et arrangements prodigieux. S’il fallait choisir un héritier à Bashung, ce serait lui, sans hésiter. • M. P.

ALTIN GÜN : « On »

(Bongo Joe)

Dans les années 1960 et 1970, un vent de liberté souffle sur la Turquie. Mêlant rock psychédélique à l’anglo-saxonne et musiques traditionnelles, l’anadolu rock incarne les aspirations de la jeunesse. Cinq décennies plus tard, des musiciens hollandais et turcs émigrés redonnent des couleurs à ce style disparu avec le coup d’État de 1980. Bien plus groovy, dansant et extatique qu’un discours d’Erdoğan. • M. P. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT Tintoret, Autoportrait, vers 1547, huile sur toile © Philadelphia Museum of Art, Gift of Marion R. Ascoli and the Marion R. and Max Ascoli Fund in honor of Lessing Rosenwald, 1983, Philadelphie - Design www.solennmarrel.fr


SÉRIES

HERE AND NOW — : saison 1 sur OCS et OCS Go

OFF

On

le croyait pour de bon reconverti en producteur de séries B (True Blood, Banshee). Mais avec Here and Now, Alan Ball nous rappelle qu’il n’a pas tout à fait perdu la main depuis Six Feet Under. Les Fisher, les croque-morts californiens de Six Feet Under, cèdent ici la place aux Bayer-Boatwright, une famille d’intellectuels aisés de Portland. Mais d’un clan à l’autre, les questionnements existentiels demeurent, à l’image de la mélancolie morbide qui anime Greg, le patriarche, joué par Tim Robbins. C’est que Here and Now, avec son titre façon livre de développement personnel, a pour grand sujet la crise d’identité que traverse une certaine Amérique. Les époux Bayer-Boatwright, WASP bon teint portant en bandoulière leur ouverture d’esprit (trois enfants adoptés

REVOIS THE END OF THE F***ING WORLD Quand un couple d’ados paumés (elle est en colère contre la terre entière, lui affiche de troublants penchants psychopathes) décide de fuguer, l’escapade amoureuse vire à la cavale criminelle. Rageuse, chaotique, absurde et émouvante, cette série britannique fait résonner avec une justesse rare les tourments intérieurs de ses Bonnie and Clyde amateurs. • G. L .

: sur Netflix

au Liberia, au Viêt Nam et en Colombie), incarnent cette gauche progressiste laissée groggy par les dernières élections. Très politique, la série évite le piège de la diatribe anti-Trump. Alan Ball, qui parle ici de ce qu’il connaît, en a d’abord après ses concitoyens liberals. Et si le problème, avance-t-il, était moral, voire spirituel ? L’irruption du réalisme magique vient ouvrir des pistes de réflexion intéressantes. Évidemment, le scénariste d’American Beauty, qui a toujours eu la main lourde, en fait trop. Mais même quand il cède aux aphorismes benêts, Alan Ball ne perd pas son mordant. Il faut voir cette famille de cartésiens athées défaillir quand Ramon, le fils cadet, révèle être assailli de visions mystiques… Ball est de retour, et il en a encore sous le pied. • GRÉGORY LEDERGUE

VOIS

PRÉVOIS

J’AI 2 AMOURS

KELVIN’S BOOK

Entre Jérémie, l’homme de sa vie, et Louise, son premier amour, Hector hésite. Portée par des comédiens inspirés (François Vincentelli en tête) et une écriture enlevée, cette minisérie un peu courte (trois fois 52 minutes seulement) renoue avec le mélange de vaudeville et de comédie romantique à l’anglo-saxonne qui avait fait le succès de Clara Sheller. Charmant. • G. L .

On n’attendait pas forcément Michael Haneke à la télévision. Le réalisateur d’Amour s’est laissé convaincre par la compagnie allemande UFA Fiction de développer une série en dix épisodes. Kelvin’s Book s’annonce comme une dystopie qui proposera « une réflexion sur le monde digital dans lequel nous vivons », dixit son producteur. Bigre. • G. L .

: en mars sur Arte

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: prochainement


Georges-Henri

PINGUSSON

Une voix singulière du mouvement moderne

Exposition

16 février 2 juillet 2018

Cité de l’architecture & du patrimoine Palais de Chaillot / Mo Trocadéro citedelarchitecture.fr ExpoPingusson

[1929-1930] Sanatorium, Aincourt (Val-d’Oise) – projet. Vue d’une perspective du bâtiment principal, n.d., cliché Chevojon. ENSBA / Cité de l'architecture et du patrimoine /Archives d’architecture du XXe siècle.


JEUX VIDÉO

OFF

MONSTER HUNTER. WORLD

La

— : One, PS4 (Capcom) —

chasse aux monstres atteint ici son summum, avec un épisode qui fera date. Et pourtant, c’est toujours le même refrain : catapulté(e) dans un monde préhistorique imaginaire, vous êtes chargé(e) de chasser les monstres (à mi-chemin entre le dinosaure et la bête mythologique) qui terrorisent votre communauté. Née il y a presque quinze ans, Monster Hunter est une saga de niche qui commençait quelque peu à ronronner. Heureusement, cet opus vient faire voler en éclats ce soupçon d’immobilisme avec une mue radicale. Cette fois, ce ne sont plus de petites zones qu’il vous faut explorer, mais d’immenses mondes ouverts, à la faune abondante et à la flore luxuriante, dans lesquels il fait bon se perdre pour le seul plaisir de la flânerie. Mais ce sont surtout les règles

de la chasse qui changent. Il ne s’agit plus seulement d’affronter d’immenses (et sublimes) créatures dans d’intenses duels à la difficulté redoutable. Il faut désormais apprendre à les pister, à les observer en cachette, à étudier leur comportement, pour mieux détecter leur talon d’Achille. Mine de rien, c’est toute une philosophie de jeu qui s’installe avec brio : nous ne sommes plus ce chasseur imbu de sa propre puissance, mais l’atome infime d’un grand tout cosmique qui nous dépasse par sa beauté et sa complexité. Pour survivre, il faut se fondre dans le décor, respecter ses us et coutumes et ne jamais abandonner (certains combats durent près d’une heure). Plus qu’un grand jeu, Monster Hunter. World est une sacrée leçon d’humilité, aussi majestueuse que ses colosses sauvages. • YANN FRANÇOIS

DRAGON BALL FIGHTERZ

STRIKERS EDGE

SHADOW OF THE COLOSSUS

C’est un rêve de gosse qui se réalise : voilà enfin un jeu vidéo qui parvient à reproduire la frénésie guerrière de Dragon Ball Z, voire à la dépasser. Véritable prouesse technologique, ce jeu de baston a tout pour devenir la nouvelle référence du genre. • Y. F.

Dans une arène coupée en son milieu par une rivière, deux (ou quatre) combattants s’affrontent en se jetant toutes sortes de projectiles. Entre la joute de gladiateurs et la balle aux prisonniers, Strikers Edge est parfait pour enflammer une soirée entre potes. • Y. F.

Pour qui n’a jamais joué à un tel monument, ce remake s’impose comme une séance de rattrapage obligatoire. Sa jouvence graphique, belle à se pâmer, ravive la flamme d’un des plus grands contes moraux du jeu vidéo – à l’évidente intemporalité. • Y. F.

: PS4, One, PC (Bandai Namco)

: PC, PS4 (Playdius)

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: PS4 (Sony)


INDÉ À JOUER

LE MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE PRÉSENTE

Manette dans une main, carnet de notes dans l’autre, notre chroniqueur teste chaque mois une sélection de jeux indés.

MÉTÉORITES E T TERR E N T R E C IE L E

EXPOSITION 18 OCTOBRE 2017 10 JUIN 2018 JARDIN DES PLANTES

Météorite Magnésia © M.N.H.N./Jean-Christophe Domenech — Désert d’Atacama © Evantias Chaudat — Ciel étoilé © Mikhail Kolesnikov/Shutterstock.com

Ce mois-ci, je crapahute des profondeurs aux cimes célestes. Je démarre avec Subnautica (Unknown Worlds | PC, One), robinsonnade SF en milieu aquatique. Perdu dans l’océan d’une planète alien, je galère d’abord à trouver le minimum vital pour résister à la faune locale. Puis je trouve enfin de quoi bricoler un Nautilus de fortune et pars à la découverte d’une ville engloutie dans les tréfonds. Mais le gardien des lieux, une sorte de Léviathan, m’a repéré et j’échoue dans son estomac, faute de prudence. Avec The Red Strings Club (Deconstructeam | PC), je troque l’équipement de plongée pour un shaker. Dans un futur cyberpunk, j’incarne le patron d’un bar à cocktail qui peut, grâce à ses recettes, modifier le comportement de ses clients. Après les abysses aquatiques, je sonde celles de l’âme humaine dont j’extraie des informations secrètes afin de les revendre au plus offrant. Mes talents d’alambiqueur me font lentement dériver vers Opus Magnum (Zachtronics Industries | PC), une simulation d’alchimie savante. Après avoir trouvé la formule parfaite pour fabriquer une pierre philosophale en série, je pars me ressourcer sur la montagne de Celeste (Matt Makes Games | PS4, One, PC, Switch). Mon héroïne, une jeune randonneuse, s’est juré de mener à bien une ascension pour vaincre ses crises d’angoisse. Je découvre un jeu de plate-forme de génie qui mêle admirablement acrobaties et thérapie existentielle. Après avoir touché le fond, me voilà désormais au sommet, libéré de mes démons intérieurs. • YANN FRANÇOIS ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT

GRANDE GALERIE D E L’ É V O L U T I O N 3 6 R U E G E O F F R OY S T. - H I L A I R E P A R I S 5e


LIVRES

WERNER ET LES CATASTROPHES NATURELLES À

16 ans, il fait à pied le tour de l’Albanie, l’un des pays les plus fermés au monde à l’époque. À 18 ans, il veut voir le Congo, plongé dans le chaos depuis le départ des colons belges. Quelques années plus tard, il choisit comme décor de son premier long métrage l’île de Kos, dans la mer Égée, en plein coup d’État militaire en Grèce. Et ce n’est rien par rapport à ce qui l’attend ensuite : l’enfer du Sahara, d’où il ramène les images de Fata Morgana ; les vents de Lanzarote, où il tourne Les nains aussi ont commencé petit ; et la jungle amazonienne, où il filme Aguirre. La colère de Dieu, son chef-d’œuvre de 1972 ! Lui, c’est Werner Herzog, maître du renouveau du cinéma allemand des années 1960-1970, surnommé le Cinéaste de l’impossible en raison de ses projets dantesques, de ses tournages apocalyptiques et de sa direction d’acteurs musclée. Cofondatrice de la revue Playlist Society et de la maison d’édition du même nom, Laura Fredducci annonce la couleur : elle est une admiratrice passionnée de Herzog, même si, comme bien des fans, elle juge avec sévérité ses productions des années 1990-2000. Plutôt que d’ajouter une nouvelle biographie conventionnelle à la longue liste des livres qui lui ont déjà été consacrés, elle choisit le registre – fort à la mode ces dernières années – du roman-portrait, offrant un parcours libre, intime et subjectif dans la vie de son héros. Un genre casse-gueule, dans lequel l’auteure tire cependant son épingle du jeu grâce au bon dosage entre propos biographique, analyses

cinéphiliques et jugements personnels, ainsi qu’à une écriture légère et rapide où les bonnes formules abondent et où l’ironie fait mouche. Au-delà du matériau romanesque en or que forment les tournages déments de Herzog et ses rapports hystériques avec son acteur fétiche, Klaus Kinski, Werner et les Catastrophes naturelles peut se lire comme

OFF

Une méditation nostalgique sur les temps héroïques où les réalisateurs bravaient la nature. une histoire de la reconstruction de l’Allemagne après 1945 et comme une méditation nostalgique sur les temps héroïques où les réalisateurs bravaient la nature et risquaient leur peau sur des tournages au bout du globe, un monde hostile que le tourisme n’avait pas encore domestiqué. • BERNARD QUIRINY

— : de Laura Fredducci (Anne Carrière, 170 p.)

J’AURAI TANT AIMÉ

L’INTERRUPTION

L’ANIMAL DE COMPAGNIE

À la façon du Je me souviens de Georges Perec, Emmanuel Venet compile quatre cent quatre-vingts éclats de vie et pensées qui, tous, commencent par « J’aurai tant aimé ». Un petit livre poétique, nostalgique, évocatoire et souvent drôle qui s’achève, hommage à Perec, sur une grille de mots croisés. • B. Q.

Un philosophe de l’EHESS se rêve en professeur au Collège de France. Il commence sa tournée de visites… Une comédie pétillante sur le monde intellectuel qui, derrière son ton badin et ses portraits satiriques, cache une leçon de noirceur bien dans la manière de l’auteur. • B. Q.

Un couple prend en pension le chien de leurs amis, partis en vacances. Un boxer nommé Buster, qui réveille bizarrement leur libido… Une fantaisie érotique de grand style, par Léo Barthe alias Jacques Abeille, l’auteur du célèbre Cycle des contrées. Pour lecteurs avertis. • B. Q.

(JC Lattès, 160 p.)

(Flammarion, 230 p.)

(La Musardine, 160 p.)

: d’Emmanuel Venet

: de Dominique Noguez

130

: de Léo Barthe


BD

L’EXÉCUTEUR Allez, sors de là !

Je vois, il va falloir que je renforce ce fumoir.

Tu devrais faire attention, mon gars, ou tu vas te faire abattre. Bon allez, dégage.

OFF

Je croyais t’avoir dit « assis » !

On n’y échappe jamais.

Peu importe qu’on ait bien brouillé les pistes, on a toujours la même peur à l’esprit… Ils vont nous retrouver.

On ne peut jamais quitter le jeu.

14 —

: « L’Exécuteur. Tome 3. Les proies » de John Wagner et Arthur Ranson, EXECUTEUR 03_pp001-112.indd 14

traduit de l’anglais par Philippe Touboul

12/01/2018 22:25

(Delirium, 112 p.)

Regard

bleu glacial, cheveux d’ange, silhouette massive et manteau de cuir noir, Harry Exton est doué pour tuer. Ex-mercenaire recruté pour prendre part à un jeu de paris clandestins confrontant des gladiateurs modernes pour le plaisir décadent d’une poignée de fortunés, il est ce pion qui n’aime pas être manipulé. Habitué à être seul contre tous, Harry est un individualiste qui refuse le rythme que la société tente de lui imposer. Il reste attaché aux méthodes traditionnelles et se défie de la technologie et des gadgets. Il n’y a qu’à observer, dans ce dernier opus, comment un GPS le perturbe pour comprendre que Harry est un homme d’un temps révolu. À l’image du personnage, précis et efficace, sobre mais avec une touche baroque, les trois tomes de L’Exécuteur, bien qu’écrits entre 1991 et 2001, semblent sortis des années 1970, puisant à la même source que les polars de Don Siegel et Sam Peckinpah, des œuvres au rythme posé dans lesquelles les éclats de violence n’en sont que plus saillants, car surgissant sur un tapis de pression contenue. • VLADIMIR LECOINTRE 131


mk2 SUR SON 31 LUNDI 12 MARS

LUNDI 19 MARS

SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « La résistance institutionnalisée. » Projection de L’Armée du crime de Robert Guédiguian, suivie de son commentaire par l’historien Denis Peschanski (CNRS), membre du Centre européen de sociologie et de science politique, spécialiste de l’histoire du communisme, des « années noires » de l’Occupation et des relations entre mémoire et histoire.

LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « La Tate Modern de Londres. »

: mk2 Bibliothèque

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30

ARCHITECTURE ET DESIGN « Les objets miniatures : le cas du Japon. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

CINÉ-JAM D’EDGAR SEKLOKA Hommage à la musique noire par le rappeur et écrivain Edgar Sekloka (lire p. 116).

: mk2 Quai de Seine à 20 h

LA PHOTOGRAPHIE « La dématérialisation de la photographie : la photographie à l’ère du numérique. »

: mk2 Quai de Loire à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « Les nabis et l’Art nouveau. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 17 MARS L’ART CONTEMPORAIN « Le graffiti. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « Léonard, ce génie. »

: mk2 Beaubourg à 11 h

DU 18 AU 20 MARS LE PRINTEMPS DU CINÉMA Pendant trois jours, les séances de cinéma (hors 3D et séances spéciales) sont au tarif unique de 4 €.

: tous les mk2

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 24 MARS L’ART CONTEMPORAIN « La photographie contemporaine. »

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « La science est-elle le chemin pour atteindre la vérité ? » avec Albert Moukheiber.

(côté Beaumarchais)

: mk2 Odéon (côté St Germain)

à 11 h

: mk2 Bastille

à 18 h 30

à 19 h 45

JEUDI 15 MARS

UNE HISTOIRE DE L’ART « Paris 1900. »

ARCHITECTURE ET DESIGN « Le modernisme scandinave : un retour à la courbe. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Le Paris présidentiel, de Pompidou à Mitterrand. »

: mk2 Grand Palais à 20 h RENDEZ-VOUS DES DOCS « Rituels. » Projection de Haruki Yukimura et Nana-Chan de Xavier Brillat et d’Être cheval de Jérôme Clément-Wilz, suivie d’un débat avec les réalisateurs.

: mk2 Quai de Loire à 20 h

MARDI 20 MARS HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE « Nos contemporains, enjeux de la langue. »

: mk2 Parnasse à 20 h UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « À la loupe ! Luis Buñuel, Alejandro Jodorowsky, Terrence Malick. »

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

JEUDI 22 MARS ARCHITECTURE ET DESIGN « Les années 1960 : design pop et anti-design. »

FASCINANTE RENAISSANCE « Raphaël, le maître de la grâce. »

: mk2 Beaubourg à 11 h

LUNDI 26 MARS LES PLUS BEAUX MUSÉES DU MONDE « Le MoMA de New York. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais) à 12 h 30

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Vieillir, est-ce désapprendre ? »

: mk2 Odéon (côté St Germain) à 18 h 30

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR « Défis et grands travaux : le Paris du XXIe. »

: mk2 Grand Palais à 20 h

MARDI 27 MARS ENTRONS DANS LA DANSE « Érotisme et nudité. »

: mk2 Quai de Seine à 20 h

HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE L’invité cinéma : le regard de Laurent Delmas, journaliste et critique.

: mk2 Parnasse à 20 h

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

LA PHOTOGRAPHIE « La beauté de l’ancien : quand les procédés traditionnels refont surface. »

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « John Ford n’est-il qu’un réalisateur de western ? » Conférence suivie d’une projection des Raisins de la colère de John Ford.

: mk2 Odéon

: mk2 Quai de Loire

(côté St Michel)

à 20 h

à 20 h

132


Licences E.S. : 1-1083294, 1-1041550, 2-1041546, 3-1041547 –

P H I L H A R M O N I E D E PA R I S

saison

La nouvelle saison est arrivĂŠe.

philharmoniedeparis.fr 01 44 84 44 84 Porte de Pantin

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mk2 SUR SON 31 JEUDI 29 MARS ARCHITECTURE ET DESIGN « Les formes de l’utopie. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

LA PHOTOGRAPHIE « Panorama de la photographie aujourd’hui. »

UNE HISTOIRE DE L’ART « Derain et Vlaminck, l’aventure fauve. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 7 AVRIL L’ART CONTEMPORAIN « Les grandes figures de l’art contemporain : Koons, Hirst, Murakami. »

: mk2 Bastille

RENDEZ-VOUS DES DOCS « Manuel de conjugaison. » Projection de Je, tu, il, elle de Chantal Akerman, suivie d’un débat avec Claire Atherton, monteuse, et Élisabeth Lebovici, critique et historienne d’art.

: mk2 Quai de Loire à 20 h

MARDI 10 AVRIL CONNAISSANCES DU MONDE « Le Texas. L’étoile solitaire » par François Picard et Cécile Clocheret.

: mk2 Quai de Loire

(côté Beaumarchais)

à 20 h

à 11 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « Matisse et Picasso, deux grandes figures de l’art moderne. »

CYCLE « LES SAFDIE MATINS BY SOCIETY » Le magazine Society présente The Pleasure of Being Robbed de Ben et Joshua Safdie.

à 14 h

: mk2 Bibliothèque

: mk2 Quai de Seine à 20h

: mk2 Gambetta

: mk2 Beaubourg à 20 h

SAMEDI 31 MARS L’ART CONTEMPORAIN « La sculpture contemporaine. »

: mk2 Bastille (côté Beaumarchais)

à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « Titien, le prince de la couleur. »

: mk2 Beaubourg à 11 h

à 11 h

FASCINANTE RENAISSANCE « Michel-Ange, le terrible. »

: mk2 Beaubourg à 11 h

MARDI 3 AVRIL UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Alfred Hitchcock : l’artiste du suspense. » Conférence suivie d’une projection de L’Ombre d’un doute d’Alfred Hitchcock.

: mk2 Odéon

JEUDI 5 AVRIL ARCHITECTURE ET DESIGN « Le temps du rejet : le post-modernisme. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

LA PHOTOGRAPHIE L’invité cinéma : le regard de Laurent Delmas, journaliste et critique.

: mk2 Quai de Loire à 20 h

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Orson Welles : l’homme qui brisait les règles. » Conférence suivie d’une projection du Procès d’Orson Welles.

: mk2 Odéon (côté St Michel) à 20 h

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD « Matière noire et énergie noire : les mystères de notre univers. »

: mk2 Quai de Loire à 11 h

LUNDI 9 AVRIL

JEUDI 12 AVRIL LA SORBONNE NOUVELLE FAIT SON CINÉMA « En transit : aéroports, gares et chambres d’hôtel », par Anne Isabelle François, maîtresse de conférences en littérature comparée.

: mk2 Bastille

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN « Peut-on être intelligent et optimiste ? »

(côté Fg St Antoine)

: mk2 Odéon

à 12 h 30

(côté St Germain) à 18 h 30

(côté St Michel) à 20 h

ENTRONS DANS LA DANSE « À la rencontre des arts : le cirque, les arts plastiques, la mode, l’opéra. »

NOS ATELIERS PHOTO ET VIDÉO « Le montage vidéo au smartphone (2). » Ajoutez du texte, des effets spéciaux et de la musique à votre film. Faites des GIF, du split screen, du stop motion et du picture in picture.

: mk2 Bibliothèque à 19 h 30

ARCHITECTURE ET DESIGN « L’architecture high-tech ou la mise en scène de la technologie. »

: mk2 Bibliothèque (entrée BnF) à 20 h

UNE HISTOIRE DE L’ART « L’Expressionnisme en Allemagne. »

: mk2 Beaubourg à 20 h

SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA « La résistance institutionnalisée. » Projection de No de Pablo Larraín, suivie de son commentaire par Paola Diaz (EHESS), membre du Centre d’étude des mouvements sociaux.

SAMEDI 14 AVRIL L’ART CONTEMPORAIN « Lumière sur Paris. »

: mk2 Bastille

: mk2 Bibliothèque

(côté Beaumarchais)

à 19 h 45

à 11 h

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Jean-Baptiste Camille Corot, La Dame en bleu, 1874, huile sur toile, 80 x 50,5 cm, Inv. RF 2056, Paris, musée du Louvre, Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

Musée Marmottan Monet 08 février 08 juillet

2, rue Louis-Boilly 75016 Paris Ligne 9 La Muette RER C Boulainvilliers

COROT

LE PEINTRE ET SES MODÈLES



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