TROISCOULEURS #153 été 2017

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ÉTÉ 2017

NO 1 53 GRATUIT

RAGE PARTY

120 BATTEMENTS PAR MINUTE DE ROBIN CAMPILLO


DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE

PRODUIT PAR

PRODUCTEURS DÉLÉGUÉS

ÉCRIT ET RÉALISÉ PAR

PRÉSENTE UNE PRODUCTION


ÉDITO La

première partie de 120 battements par minute, le beau film de Robin Campillo qui rend hommage au combat de l’association Act Up en pleine montée du sida au début des années 1990, est en grande partie composée de scènes d’assemblées générales dans un amphi éclairé au néon, qui sur le papier sont ennuyantes à mourir, mais qui en réalité sont extrêmement vivifiantes : on y débat avec passion, on y échafaude des stratégies échevelées, on s’y met en scène avec fougue, et, au centre de cette arène toute théâtrale et en même temps précisément documentée, la caméra de Campillo enregistre le bruit et la fureur, virevolte au rythme effréné de cette puissante vitalité qui est aussi celle des jeunes personnages, militants, séropos ou non, qu’on retrouve bientôt sur la piste de danse d’un club où, secoués par les beats electro, enveloppés de lumières fluo, les corps exténués s’abandonnent dans un mélange de fête et de désespoir, de rage et de désir, avec l’idée que, même à bout de souffle, il ne faut surtout pas s’arrêter, car s’arrêter, ce serait mourir. L’onde de choc résonne avec force, des nineties jusqu’à ce numéro estival, comme un puissant appel à continuer de danser, et de lutter. • JULIETTE REITZER


Design : TROIKA • Photo : Laurent Thurin-Nal • Crédits non contractuels.


POPCORN

P. 8 RÈGLE DE TROIS : LAUREN BASTIDE • P. 10 SCÈNE CULTE : LES PROIES DE DON SIEGEL • P. 18 LA NOUVELLE : MARYNE CAYON

BOBINES

P. 26 ENTRETIEN DU MOIS : THIERRY DE PERETTI • P. 32 PORTRAIT : JACKY IDO • P. 46 EN COUVERTURE : 120 BATTEMENTS PAR MINUTE

ZOOM ZOOM P. 74 BABY DRIVER • P. 76 LES FILLES D’AVRIL P. 80 PETIT PAYSAN

COUL’ KIDS

P. 100 LA CRITIQUE D’ÉLISE : HIRUNE HIME • P. 102 L’INTERVIEW D’ETHAN ET BLUE : AUDREY, SOIGNEUSE • P. 104 TOUT DOUX LISTE

OFF

P. 110 SPECTACLES : LA ESTUPIDEZ • P. 118 SONS : LA B.O. DE LASTMAN • P. 120 SÉRIES : GLOW

ÉDITEUR MK2 AGENCY — 55, RUE TRAVERSIÈRE, PARIS XIIE — TÉL. 01 44 67 30 00 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : ELISHA.KARMITZ@MK2.COM | RÉDACTRICE EN CHEF : JULIETTE.REITZER@MK2.COM RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : RAPHAELLE.SIMON@MK2.COM | RÉDACTEURS : QUENTIN.GROSSET@ MK2.COM, TIME.ZOPPE@MK2.COM DIRECTION ARTISTIQUE : KELH & JULIEN PHAM (contact@kelh.fr / julien@phamilyfirst.com) | GRAPHISTE : JÉRÉMIE LEROY SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : VINCENT TARRIÈRE | STAGIAIRE : ANNABELLE CHAUVET | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : CHRIS BENEY, HENDY BICAISE, LOUIS BLANCHOT, LILY BLOOM, ADRIEN DÉNOUETTE, JULIEN DOKHAN, JULIEN DUPUY, MARIE FANTOZZI, YANN FRANÇOIS, AÏNHOA JEAN-CALMETTES, RAMSÈS KEFI, VLADIMIR LECOINTRE, GRÉGORY LEDERGUE, JOSÉPHINE LEROY, STÉPHANE MÉJANÈS, JÉRÔME MOMCILOVIC, WILFRIED PARIS, MICHAËL PATIN, JULIEN PHAM, POULETTE MAGIQUE, BERNARD QUIRINY, CÉCILE ROSEVAIGUE, ÉRIC VERNAY, ANNE-LOU VICENTE, ETAÏNN ZWER & ÉLISE, ETHAN ET BLUE | PHOTOGRAPHES : GUILLAUME BELVÈZE, ROMAIN GUITTET, PALOMA PINEDA | ILLUSTRATEURS : PABLO COTS, SAMUEL ECKERT, PABLO GRAND MOURCEL, JEAN JULLIEN, SHEINA SZLAMKA, PIERRE THYSS PUBLICITÉ | DIRECTRICE COMMERCIALE : EMMANUELLE.FORTUNATO@MK2.COM | RESPONSABLE DE LA RÉGIE PUBLICITAIRE : STEPHANIE.LAROQUE@MK2.COM | CHEF DE PROJET CINÉMA ET MARQUES : CAROLINE.DESROCHES@MK2.COM RESPONSABLE CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : ESTELLE.SAVARIAUX@MK2.COM CHEF DE PROJET CULTURE, MÉDIAS ET PARTENARIATS : FLORENT.OTT@MK2.COM TROISCOULEURS EST DISTRIBUÉ DANS LE RÉSEAU LE CRIEUR CONTACT@LECRIEURPARIS.COM © 2017 TROISCOULEURS — ISSN 1633-2083 / DÉPÔT LÉGAL QUATRIÈME TRIMESTRE 2006 — TOUTE REPRODUCTION, MÊME PARTIELLE, DE TEXTES, PHOTOS ET ILLUSTRATIONS PUBLIÉS PAR MK2 AGENCY EST INTERDITE SANS L’ACCORD DE L’AUTEUR ET DE L’ÉDITEUR. — MAGAZINE GRATUIT. NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE.


INFOS GRAPHIQUES

JEU VICIEUX

À

l’occasion de la ressortie cet été de six films français de Luis Buñuel, focus sur le dément Belle de Jour (1967), dans lequel Catherine Deneuve incarne deux personnages en un : le soir, elle est Séverine, une bourgeoise mariée et conformiste ; la journée, elle est Belle de jour, une prostituée dont raffolent les habitués du bordel de Mme Anaïs. Saurez-vous relier les clients à leurs pratiques sexuelles, de la plus tradi à la plus tordue ? • JOSÉPHINE LEROY

MONSIEUR ADOLPHE le marchand de bonbons

LE PROFESSEUR HENRI

1

2

A

NÉCROPHILE il déguise les femmes en défuntes vêtues d’un voile transparent

B

FÉTICHISTE ses accessoires : une boîte à mouches et des clochettes

LE MAFIEUX VENU D’ASIE

3

C

SADIQUE il frappe et ne supporte pas les problèmes dermatologiques

LE DUC ROMANTIQUE

4

D

MASOCHISTE il aime entrer dans la peau d’un garçon d’hôtel

MARCEL le jeune voyou

5

E

OBSESSIONNEL il exige que la chambre soit à une température précise

HENRI HUSSON l’ami du couple

6

F

TRIGAME Il aime les plans à trois et ne tolère pas l’insolence

SOLUTION : 1 - F / 2 - D / 3 - B / 4 - A / 5 - C / 6 - E

ÉMOPITCH LA RÉGION SAUVAGE D’AMAT ESCALANTE (SORTIE LE 19 JUILLET, LIRE P. 8 4) 6


L E S F I L M S V E LV ET p r é s e n t e

" UN GRAND FILM SORT DU MAQUIS " TÉLÉRA MA

après LES APACHES

UN FILM DE THIERRY DE PERETTI

AU CINÉMA LE 9 AOÛT ©2017 - PYRAMIDE - LOUISE MATAS

JEAN MICHELANGELI MARIE-PIERRE NOUVEAU HENRI-NOËL TABARY DÉLIA SEPULCRE-NATIVI CÉDRIC APPIETTO DOMINIQUE COLOMBANI PAUL GARATTE JEAN-ETIENNE BRAT ANAÏS LECHIARA PAUL ROGNONI

T H I E R R Y D E P E R E T T I E T G U I L L A U M E B R É A U D D I R E C T I O N A R T I S T I Q U E M A N O N L U T A N I E C A S T I N G J U L I E A L L I O N E I M A G E C L A I R E M A T H O N M O N T A G E M A R I O N M O N N I E R D É C O R S T O M A B A Q U É N I C O S T U M E S R A C H È L E R A O U LT S O N M A R T I N B O I S S A U , T H O M A S R O B E R T , S T É P H A N E T H I É B A U T , V I C T O R P R A U D P R E M I È R E A S S I S T A N T E R É A L I S A T I O N B A R B A R A C A N A L E C L É M E N T I N E S C H A E F F E R D I R E C T I O N D E P R O D U C T I O N T H I B A U LT M A T T E I C O O R D I N A T I O N D E P O S T P R O D U C T I O N P I E R R E - L O U I S G A R N O N P R O D U C T I O N D É L É G U É E L E S F I L M S V E L V E T , F R É D É R I C J O U V E , M A R I E L E C O Q E N C O P R O D U C T I O N A V E C S T A N L E Y W H I T E , J E A N - E T I E N N E B R A T , D E L P H I N E L É O N I - A R T E F R A N C E C I N É M A D I S T R I B U T I O N P Y R A M I D E , E R I C L A G E S S E , R O X A N E A R N O L D A V E C L A P A R T I C I P A T I O N D U C E N T R E N A T I O N A L D U C I N É M A E T D E L’ I M A G E A N I M É E A V E C L E S O U T I E N D E L A C O L L E C T I V I T É T E R R I T O R I A L E D E C O R S E E N P A R T E N A R I A T A V E C L E C N C , C O R S I C A P Ô L E T O U R N A G E S , L A P R O C I R E P A V E C L A P A R T I C I P A T I O N D E A R T E F R A N C E , C A N A L + , O C S

SCÉNARIO DE SCRIPTE


RÈGLE DE TROIS

LAUREN BASTIDE L’actrice que tu admirais à 13 ans ? Alicia Silverstone dans les clips d’Aerosmith, où elle était avec Liv Tyler, en short en jean, à draguer des mecs, à piquer des trucs dans les magasins, à se percer le nombril – j’ai tout fait pareil ! Et puis dans Clueless. C’est vraiment un film culte. Je l’ai revu récemment, et ça a hyper bien vieilli – je l’ai même trouvé carrément féministe ! Le film que tu as vu trois cents fois ? Les Demoiselles de Rochefort. Je le connais par cœur, je peux réciter tous les dialogues et toutes les chansons. D’ailleurs, il y a une réplique du film dans le générique de La Poudre. Trois réalisatrices que tu aurais aimé interviewer pour La Poudre ? Delphine Seyrig – je suis fascinée par sa beauté, son étrangeté, sa radicalité féministe… Elle a fait beaucoup pour le droit à l’IVG, et elle a réalisé un docu

complètement culte, Sois belle et tais-toi ! J’ai découvert récemment Alice Guy, une réalisatrice du tournant du xxe siècle qui a été complètement invisibilisée, alors que c’était l’une des pionnières du cinéma – ils étaient trois à faire des films à l’époque ! Ses films étaient très engagés, elle mettait en scène les femmes de manière dégenrée avec un grand sens de l’humour, très satirique par rapport au comique un peu con-con des films muets de l’époque. Et Ava DuVernay, pour son côté pionnier aussi – c’est l’une des premières réalisatrices noires à travailler sur une grosse production, à avoir été aux Golden Globe pour Selma, un film que j’adore. Le film sexiste que tu n’as pas pu regarder plus de trois minutes ? Y en a plein, mais la série des Very Bad Trip, c’est vraiment au-dessus de mes forces. Les trois films qui ont bercé ton enfance ? J’ai été biberonnée au Roi

— : www.nouvellesecoutes.fr/la-poudre — 8

© D. R.

Dans son podcast enjoué et passionnant, La Poudre, l’ancienne journaliste de Elle discute avec des femmes – artistes, politiques, intellectuelles – de leur vie, de leur carrière, et de leur rapport à la féminité. Avec nous, elle a parlé cinéma. et l’Oiseau, qui est un vrai chef-d’œuvre. Je l’ai racheté pour mes enfants, et je me suis rendu compte à quel point Hayao Miyazaki avait été influencé par Paul Grimault – certains motifs, tout le côté dystopique… Le Magicien d’Oz, ma VHS était complètement flinguée tellement je l’ai regardée. Et Le Roi lion, le meilleur Disney pour moi – « Papa, papa… Réveille-toi… », ça marche à chaque fois. Trois héroïnes de film avec qui tu aimerais partir en vacances cet été ? Dounia et Maimouna, les meufs de Divines – elles sont trop cools, il y a une vérité dingue dans ces personnages. Je me verrais bien avec elles à flamber à L.A. Sinon sur une île grecque, dans une maison au bord d’une plage déserte avec Carol, l’héroïne du film de Todd Haynes, jouée par Cate Blanchett. • PROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAËLLE SIMON


LE BRAS CASSÉ

SAPÉ COMME JAMAIS Chaque mois, les aventures d’un bras cassé du ciné. Le héros musclé est tout de gris vêtu. Le froc, le marcel, la veste, les chaussures, et même le flingue. Toutes les femmes l’aiment. Dans le film, elles lui font des câlins, même quand il bute des mômes. Et quand il se lève en sursaut la nuit – les flashs de meurtres –, la plus belle lui frotte le torse avec sa paume toute douce pour le rassurer. En sortant du cinéma, une pulsion a pris possession de ton âme (déjà en perdition) : si tu te sapes comme lui, tu pourras peut-être arrêter les sites de rencontres où seules des « Magalie l’apache », « Samantha 773Sang en force » et « Bergèreallemande » te répondent « d’accord » pour une boisson. Du coup, arrivé chez toi, tu commandes en ligne des modèles d’habits qui se rapprochent du beau gosse de blockbuster. Tu prends tout en moulant, en dépit d’une

T. +33 (0)4 77 79 52 52 WWW.MAMC-ST-ETIENNE.FR

silhouette de tacos bien chargé. Au moment d’appuyer sur la touche « confirmer l’achat », tu mets un coup de coude dans le vent : « Pas grave, je ne mangerai que des coings jusqu’à la livraison. » Avec des miettes de quatre-quarts sur le maillot de corps. Une semaine plus tard, quand les colis arrivent, tu t’enfermes dans la salle de bains pour faire les essais. Avec la sensation d’avoir un petit papillon dans le ventre et les mains moites. Une fois enfilé le froc, le marcel, la veste, les chaussures, la conclusion devant la glace est implacable : tu ressembles à un tacos bien chargé enroulé dans du papier aluminium. Après ton bain, quelques larmes pendant le shampoing et un coup de tête dans l’armoire remplie de gants de toilette, tu reprends finalement tes esprits : le seul vrai héros du ciné s’appelle Bud Spencer. Et il se sape aux puces de Clignancourt. • RAMSÈS KEFI ILLUSTRATION : PIERRE THYSS

Vue de l’exposition. De gauche à droite, en haut : Georges Melies, extrait du film « Le voyage dans la lune » (1902), © domaine public. Verner Panton, Panneau mural Visiona 2 (1970) © Marianne Panton. De gauche à droite, en bas : Quasar, Fauteuil (1968) - Joe Colombo, Fauteuil Elda (1963) - Daniel Quarante, Fauteuil Albatros (1970) - Eero Aarnio, Fauteuil Pastilli (1967) - Roger Tallon, Chaise Module 400 (1965) © ADAGP, Paris 2017.


SCÈNE CULTE

« Tournez-lui la tête, que je ne la voie pas »

Sorti

la même année que L’Inspecteur Harry du même Don Siegel (1971), Les Proies (dont Sofia Coppola vient de signer un remake, lire p. 78) offre une variation autrement ambiguë et déstabilisante sur le thème de la virilité. Maître du montage dynamique, l’auteur d’À bout portant et de Tuez Charley Varrick ! met en marche, par petites touches, une mécanique implacable par laquelle le désir se fait agent de destruction. Les proies sont-elles les locataires de ce pensionnat de jeunes filles livrées à ellesmêmes pendant la guerre de Sécession ? Et le prédateur, est-il ce soldat nordiste blessé qu’elles recueillent (Clint Eastwood, au sommet de son érotisme viril) ? À mesure que la tension sexuelle se fait intolérable, la fatalité envahit le récit, qui bascule, ce n’est pas un hasard, juste après le premier – et seul – passage à l’acte.

La scène d’amputation qui suit multiplie les angles et les échelles de plan pour impliquer chaque protagoniste dans la basse besogne qu’orchestre la directrice du pensionnat (Geraldine Page). À la fièvre physique de l’un répond la fièvre mentale des autres, les ombres et les miroirs redoublant le vertige symbolique, tandis que le scalpel s’enfonce dans la chair devenue impure. « Tournez-lui la tête, que je ne la voie pas », ordonne la directrice. On voudrait en faire autant, mais le dispositif nous maintient de force dans la position de témoin omniscient, tiraillé entre l’horreur et la jubilation, l’empathie et l’impuissance. Le prédateur, c’est Don Siegel, et nous sommes ses proies. • MICHAËL PATIN

— : « Les Proies » de Don Siegel (1971) —

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© COLLECTION CHRISTOPHEL

LES PROIES



SCÈNE CULTE

« Il est à l’hôpital, touché au ventre. » © D. R.

POPCORN

HANA-BI

Dans

s’est lancé. On retrouve Nishi sans lunettes, qui rejoint ses collègues en filature dans une galerie marchande. Il s’enquiert de l’état de son collègue Horibe : « Il est à l’hôpital, touché au ventre. » Le coupable est à quelques mètres seulement, affublé d’un survêtement bariolé qui l’impose d’emblée en élément perturbateur. Bientôt, Kitano coupe le son : l’hégémonie visuelle de la séquence en est encore renforcée, les corps et la violence, sublimés. Nishi a plaqué le tueur au sol et le sang coule, les deux font un roulé-boulé et le rouge s’étale, comme sur une palette. Puis l’homme abat un autre flic avant de finir une balle dans la tête : action painting. La peinture deviendra par la suite un moteur du récit puisque Horibe, convalescent, s’essaiera à la discipline avec talent. Et pour cause, le véritable auteur de ses tableaux étant… Takeshi Kitano. • HENDY BICAISE

les années 1990, Takeshi Kitano est surtout connu au Japon, et comme présentateur télé. C’est avec Hana-bi, Lion d’or à Venise en 1997, qu’il devient un cinéaste de renommée internationale. En France, les distributeurs achètent même les droits de ses films inédits (Violent Cop sort en 1998, Jugatsu en 1999). Vingt ans plus tard, Hana-bi reste son chef-d’œuvre. Si le film a de quoi désarçonner, avec sa narration en puzzle et ses sautes temporelles, il provoque surtout fascination et émotion. Au spectateur de recomposer le destin tragique du détective Nishi, interprété par Kitano lui-même. En plus de s’occuper de sa femme malade et de faire le deuil de leur enfant, il ressasse sa dernière chasse à l’homme qui a laissé un collègue tétraplégique et un autre à terre. L’épisode est relaté en flash-back. On est d’abord aux côtés de Nishi qui, au présent, porte toujours des lunettes noires. Alors qu’il observe une voiture de police, Kitano opère un léger zoom avant, comme pour signifier que l’esprit du personnage s’apprête à voyager. Au plan suivant, le souvenir

— : « Hana-bi » de Takeshi Kitano

ressortie en version restaurée le 9 août (La Rabbia)

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DOMINO FILMS PRÉSENTE

SWANN

ARLAUD

SARA

GIRAUDEAU

PETIT PAYSAN UN FILM DE

HUBERT CHARUEL

SWANN ARLAUD SARA GIRAUDEAU avec la participation de BOULI LANNERS directeur de la photographie SEBASTIEN GOEPFERT casting JUDITH CHALIER montage JULIE LENA, LILIAN CORBEILLE, GREGOIRE PONTECAILLE musique originale MYD directeur de production MATHIEU VERHAEGHE – ADP

1er assistante réalisation CELIE VALDENAIRE son MARC-OLIVIER BRULLÉ, EMMANUEL AUGEARD, VINCENT COSSON produit par STEPHANIE BERMANN et ALEXIS DULGUERIAN scénario CLAUDE LE PAPE, HUBERT CHARUEL un film de HUBERT CHARUEL

une production DOMINO FILMS en coproduction avec FRANCE 2 CINEMA avec la participation de CANAL+, OCS et FRANCE TELEVISION en association avec PYRAMIDE avec la participation du CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE avec le soutien de la région GRAND EST en partenariat avec le CNC de la PROCIREP et de la l’Association Beaumarchais - SACD en association avec INDÉFILMS 5 avec le soutien de LA FONDATION GAN POUR LE CINÉMA ventes internationales PYRAMIDE

SORTIE LE 30 AOÛT


C’EST ARRIVÉ DEMAIN

POPCORN

2237

L’ANNÉE OÙ PARIS N’EUT RIEN À ENVIER AU LARZAC

En

télétravail, et le reste à l’avenant. Il n’y avait plus grand-chose sur l’écran, c’est vrai, mais beaucoup de rires, de solidarité entre les fauteuils. En France, de très vieux historiens contemplaient ces groupes en parlant de nouveau Larzac, mais on ne comprenait pas ce qu’ils voulaient dire par là. Au même moment, le Larzac n’avait rien à voir avec ça. Là-bas, les terrains ne valaient rien, alors les cinémas y avaient été reconstruits. Dans les salles, les fauteuils étaient plus larges encore que des canapés. Les spectateurs étaient tellement loin les uns des autres qu’ils avaient l’impression d’être seuls. Il faisait froid, ça résonnait. Non, vraiment, on ne voyait pas ce que la vie dans les cinémas de Paris avait en commun avec ce Larzac sans âme. • CHRIS BENEY ILLUSTRATION : PIERRE THYSS

direct de l’avenir, retour sur les communautés libertaires des derniers cinémas citadins. La pression immobilière avait chassé les cinémas loin des grands centres urbains. Beaucoup d’exploitants profitaient de l’explosion du prix du mètre carré pour vendre leur terrain et jouir d’une retraite dorée. Les spectateurs des salles encore en activité en centre-ville payaient leur place l’équivalent d’un mois de loyer. Une somme considérable, avec une contrepartie : une fois le ticket acheté, on pouvait rester aussi longtemps qu’on le voulait. À mesure que les semaines passaient, le public garnissait les salles – parce qu’il n’avait pas les moyens de se loger autrement – et formait des communautés autogérées. On obstruait le projecteur quand on en avait assez du film, on faisait pousser des légumes, on faisait du

REWIND

ÉTÉ 1967 (« SUMMER OF LOVE ») Sur un scénar (on imagine assez autobiographique) de Jack Nicholson, Roger Corman sort The Trip, un voyage psyché au pays du LSD. Pour savoir un peu de quoi il parle, le réalisateur consomme une quantité astronomique de drogue de synthèse et produit des images hallucinées et… médiévales : « Mes visions provenaient du Moyen Âge, du futur, de l’intérieur et de l’extérieur de moi-même », disait-il en 1998 aux Inrocks. Aucun doute, c’était de la bonne. • Q. G.

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N OVO P R O D P R É S E N T E

“Un road trip au féminin propulsé par trois comédiennes épatantes” Causette

INDIA

HAIR

JULIE

DEPARDIEU

YOLANDE

MOREAU

CRASH TEST AGLAÉ UN FI LM D E

ÉRIC GRAVEL

ANNE CHARRIER FRÉDÉRIQUE BEL TRISTAN ULLOA

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AO Û T


LA NOUVELLE

POPCORN

MARYAM GOORMAGHTIGH

— : « Avant la fin de l’été » de Maryam Goormaghtigh Shellac (1 h 20) Sortie le 12 juillet

« Ma

mère est iranienne, mais je suis franco-belge et naturalisée suisse, je n’ai pas la nationalité iranienne. C’est important de le préciser », insiste-t-elle, par respect pour une culture qu’elle regarde depuis son point de vue à elle. Pourtant, nantie d’un regard songeur que sertissent d’épais sourcils et d’une abondante chevelure brune accusant la pâleur de son teint, aucun détail ne manque à l’épure de Persane que l’on pourrait brosser d’elle. Un art du désamorçage qui fait écho aux contrastes subtils de son premier long métrage, Avant la fin de l’été, road trip languide trempant trois Iraniens (rencontrés alors qu’elle apprenait le persan sur les bancs de l’Institut national des langues et cultures orientales) dans le sud de la France, à équidistance de la fiction et du docu. « J’aime Abbas Kiarostami et Alain Cavalier, parce qu’ils ne se contentent jamais du réel. » Deux références, l’une iranienne, l’autre française, pour une même exigence de sublimation : on ne pouvait pas lui rêver meilleure filiation. • ADRIEN DÉNOUETTE — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA 16



LA NOUVELLE

POPCORN

MARYNE CAYON

— : « Djam » de Tony Gatlif Les Films du Losange (1 h 37) Sortie le 9 août

À

14 ans, elle pousse les portes de la cinémathèque de Porto-Vecchio, où elle vit, pour tenter sa chance au casting des Apaches de Thierry de Peretti. Séduit par le regard revolver et l’aplomb de l’ado, le réalisateur l’embauche. Deux ans plus tard, la jeune intrépide, fan de Léon et de Taxi Driver (« mon papa est chauffeur de taxi ; du coup, ça me parle »), quitte l’Île de Beauté – et ses projets de C.A.P. esthétique – pour vivre l’aventure parisienne : entre ses cours de théâtre et son métier de serveuse, qu’elle adore (« ça me plaît d’être dans la vraie vie »), elle décroche en 2014 un rôle dans Geronimo de Tony Gatlif. Elle retrouve le cinéaste pour Djam, qui sort cet été, dans lequel elle joue le rôle d’Avril, une jeune humanitaire à la dérive en Turquie qui croise la route d’une jeune femme grecque et s’embarque avec elle dans un road trip initiatique jalonné de rencontres bouleversantes et d’enseignements politiques. « Avril est paumée, vraiment dans la merde… C’est ça qui m’a plu ! » • ANNABELLE CHAUVET — PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA 18



L’ILLUMINÉE

POPCORN

LA SCIENCE DES RÊVES VU PAR SHEINA SZLAMKA

Formée

à l’Esag Penninghen et à la School of Visual Arts de New York, Sheina Szlamka est illustratrice pour Elle, Dior ou la mairie de Paris. Elle est actuellement exposée à la galerie Treize-dix, et en librairie dans le recueil Le Un. Nouvelles. Pour notre carte blanche, elle s’est inspirée de La Science des rêves de Michel Gondry, « qui explore toutes les facettes du songe, dont le rêve lucide, dans lequel on est libre de faire ce qu’on veut car on sait qu’on rêve. » • J. R. (WWW.SHEINA.FR / INSTAGRAM : @SHEINA.ILLUSTRATION)

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LE TEST PSYNÉPHILE

QUEL(LE) TOURISTE ES-TU ?

Dans la vraie vie, tu es chômeur(se), mais l’été…

Attraper une MST maxi relou.

Tu es une rock star. Tu es le (la) big boss poilu(e) du camp naturiste ! Tu es un(e) guerrier(ère) de l’amour. Ton voyage idéal…

Te faire traiter de guenon à cause d’une épilation approximative. Entrer aux Caves à Saint Trop’… Au début, tu devais passer par les sous-sols, puis les gorilles de la porte t’ont laissé(e) entrer et, après quelques affrontements, maintenant t’es V.I.P.

POPCORN

Un trekking en mode survivor en Amazonie avec tes meilleur(e)s potes. Un voyage humanitaire au Népal, seul(e), pour l’aventure.

Toi, ça sera plutôt le Berghain, rien à foutre des caves.

Traverser les États-Unis à moto derrière Ryan Gosling…

Tu préfères aller à un festival de rock, les bottes dans la boue.

Sur la plage, tu es plutôt du genre à… Faire l’amour derrière les roseaux sauvages avec un parfait inconnu.

La bande-son de ton été…

Jouer « Hotel California » sur ta guitare autour d’un feu de camp.

Les plus grands hits de Jimmy Sommerville. Pas de musique, tu tiens à te tenir le plus loin possible des humains. Tu aimes papillonner d’une chanson à une autre sans réfléchir…

Épouiller ton (ta) partenaire discrétos. Qu’est-ce qui t’est arrivé de pire en été ? Tomber vraiment amoureux(se) d’un(e) surfeur(se).

SI TU AS UNE MAJORITÉ DE :

TU ES UN(E) TOURISTE ROMANTIQUE. Dans ta DVDthèque, on trouve Les Doors, Roméo + Juliette et N’oublie jamais. Ton cœur va faire boum boum devant Song to Song de Terrence Malick (sortie le 12 juillet). C’est sublime, ça parle d’amouuuur, et le casting, avec Ryan Gosling, Michael Fassbender, Rooney Mara, Natalie Portman, est juste un rêve d’ado.

TU ES UN(E) TOURISTE QUI AIME EN AVOIR POUR SON ARGENT Partant(e) pour l’aventure – mais plutôt en voyage organisé. Je te conseille La Planète des singes. Suprématie (sortie le 2 août). Tu as vu tous les films de bourrin de Matt Reeves, de Cloverfied à Laisse-moi entrer. Tu les attends même. Son dernier film est dans la lignée des autres, efficace. Il ne te décevra pas.

TU ES UN(E) TOURISTE EXIGEANT(E), QUI N’A PAS FROID AUX YEUX. Je te recommande 120 battements par minute de Robin Campillo (sortie le 23 août). Le film te replongera dans le combat de l’association Act Up durant les années 1990, mais il t’apprendra aussi à aimer. C’est LA sensation de Cannes, Grand prix mérité. Déchirant et exigeant, ce petit film est un grand.

• LILY BLOOM — ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL 22


la flibuste.company / photo : Pierre Marsaut

U N FI L M D E TO N Y GATL I F

DAPHNÉ PATAKIA AVEC

KIMON K OURIS

SOL ON LEKKAS

MARYNE CAYON Y ANNIS B OSTANTZOGLOU

SIMON ABKARIAN

MIC HALIS IA TROPOULOS

SORTIE LE 9 AOÛT

ELEFTHERIA K OMI



TRONCHES ET TRANCHES DE CINÉMA


BOBINES

THIERRY DE PERETTI

CORSE INTIME

Après le teen movie sombre et brûlant Les Apaches en 2013, l’Ajaccien Thierry de Peretti continue de filmer la Corse de l’intérieur, comme un fascinant territoire de mémoire et de tragédie. Autour de son héros, jeune nationaliste exilé à Paris, qui revient sur l’île pour enterrer son meilleur ami malgré la menace de mort qui pèse sur lui, le cinéaste organise une fresque dense, intime et magnétique. 26


Qui t’a inspiré le héros du film, ce jeune révolutionnaire corse intello et sentimental ? Je cherchais depuis longtemps un sujet qui me fasse entrer de plain-pied dans ce que j’appelle la Corse contemporaine, un endroit qui mérite le cinéma pour plein de raisons – politiques, intimes, esthétiques. Avec un ami avocat, on en est venus à parler des derniers jours de la vie d’un jeune militant nationaliste qui s’appelait Nicolas Montigny. Je me suis rappelé sa photo dans le journal le jour de sa mort, l’impression que ça m’avait fait. C’était un article assez dur, qui ne correspondait pas à l’image qui était imprimée de ce jeune homme, avec ses lunettes et sa petite barbe rousse d’étudiant révolutionnaire russe du début du xxe siècle. Il avait beaucoup de charme, quelque chose de très moderne dans le regard, et surtout il me faisait penser à mes amis. J’ai d’abord écrit un film qui se concentrait sur les derniers jours de sa vie – il est en exil à Paris quand il apprend la mort brutale de son meilleur ami et il revient en Corse, alors qu’il est menacé de mort, pour l’enterrer. Dans ce premier scénario, il allait à l’enterrement et puis il s’enfermait chez lui avec une jeune femme qu’il avait rencontrée sur CaraMail. Au bout de quelques jours elle partait, lui quittait son domicile pour aller télécharger de la musique dans un cybercafé, et il se faisait tuer, comme dans un western. Comment ce huis clos intimiste est-il devenu une fresque ample qui mélange les époques, les lieux et les points de vue ? Dans cette version initiale, c’était compliqué de raconter à la fois d’où il venait et ce qui lui était arrivé sans passer par des tartines de dialogue. On s’est dit qu’il fallait un flash-back, pas pour raconter de façon littérale, mais un flash-back assez gratuit, assez impressionniste, où on le verrait avec ses amis, parce que c’est aussi un film de jeunes gens, comme Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino. On a donc écrit la scène du mariage. Et en fait ça a été la boîte de Pandore. J’ai écrit ce premier flash-back, puis deux, puis trois… et finalement ces flash-back sont devenus le corps du film. C’était une façon d’affronter les choses aussi, parce que je ne pouvais pas passer à côté de l’histoire contemporaine de la Corse. Elle est tragique, entêtante, elle hante – en tout cas moi elle me hante –, et je ne pouvais

pas ne pas la raconter de façon plus large, plus romanesque. Mais cet ancrage intime persiste dans le film, il lui donne même une vraie densité émotionnelle. C’est aussi parce que le sujet est intime pour moi : j’ai toujours eu du mal, en étant à Paris, en travaillant ici, à raconter à mes amis ou à mes petites amies d’où je venais, ce qui m’avait construit. C’est quoi cet endroit, ce territoire à la fois physique, historique, mais aussi mental qu’est la Corse ? J’ai grandi en écoutant la même musique que les gens de ma génération, en allant au cinéma voir les films de Wes Craven. La Corse n’est pas un territoire complètement hors du temps et archaïque, mais c’est aussi un lieu qui a à voir avec la violence, avec les crimes, avec les assassinats. Ce que je cherchais, c’était un récit qui me permette d’embrasser ces deux aspects. Stéphane est un jeune homme de son temps, il écoute l’album de Ma 6-té va crac-ker et de l’electro, mais en même temps il évolue dans un milieu ultra conservateur, avec aussi une espèce de vision fantasmée de ce que doit être un homme. Il y avait toutes ces choses-là et il ne fallait pas que l’une prenne le dessus sur les autres : ce n’est pas un film sur le nationalisme, c’est l’histoire d’un personnage qui regarde un monde en train de s’écrouler, et qui part avec. Revenons à la scène du mariage, l’une des plus belles du film, pleine de vitalité et de lumière. Comment l’as-tu pensée ? C’est plus une performance qu’un tournage : on a organisé un vrai mariage, ça nous a pris trois mois. Avec de vrais invités qui ne sont pas des figurants mais des amis, une cérémonie à l’église avec un vrai prêtre, un veau à la broche, un feu d’artifice, et tout s’est déroulé dans la continuité d’un vrai mariage, sans qu’on intervienne. Et les gens sont vraiment saouls à la fin. Mais ce n’était pas tant pour « faire vrai » que pour travailler

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INTERVIEW


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THIERRY DE PERETTI sur une impression de durée. Pour moi, ce qui est vrai au cinéma, c’est la sensation en tant que spectateur d’être dans la même temporalité que les personnages, de partager le même temps. C’est pour ça aussi que je travaille beaucoup en plan-séquence. C’est la seule figure qui permette de se connecter avec le temps du personnage. La violence est présente dès le titre, et plane sur tout le film. Comment t’es-tu posé la question de sa représentation ? Ce sont des questions poétiques et morales que je me suis posées non-stop. Le point extrême de la représentation de la violence dans le film, c’est la scène d’exécution du début, et, à l’extrême opposé, c’est la mort du personnage principal à la fin, qu’on ne voit pas. La première scène d’exécution a été très vite, dès l’écriture, assez monstrueuse dans l’effet qu’elle peut produire. Mais j’avais envie de montrer cette violence dans ce qu’elle a, pas de banal mais d’étrange ; et en même temps qu’elle ait une dimension archaïque, mythologique, qui charge la suite du film. C’est filmé d’un peu loin, du point de vue des ouvriers agricoles marocains qui assistent à la scène. C’est presque eux qui ouvrent le film, eux qui ne font tellement pas partie de l’histoire que l’on peut assassiner quelqu’un en plein jour devant eux sans s’inquiéter ; ce qui est édifiant, car en même temps, ce sont eux qui cultivent la terre. Ces deux mondes qui se côtoient dans le même plan racontent vraiment deux endroits de la violence en Corse. Comment te positionnes-tu vis-à-vis de l’engagement politique et de la violence

des militants nationalistes que Stéphane rencontre et dont il rejoint la cause ? Ce sont des gens qui sont en guerre, qui sont dans des logiques de reconquête d’un territoire politique. Le hors-champ du film, c’est les accords de Matignon de juillet 2000 [qui statuent sur « l’avenir de la Corse », ndlr] qui voient Jospin, Chevènement, Valls négocier pour acheter la paix politique. Mais, en réalité, ce n’est pas tellement le devenir institutionnel de l’île qui se joue, mais plutôt que la Corse va devenir comme Cuba sous Batista – les espèces sonnantes et trébuchantes, c’est le crime organisé qui va les récupérer. Les gens que Stéphane côtoie notamment en prison, comme François, veulent être à la table des négociations. Mais bien sûr ce n’est pas dénué d’intérêts, d’enjeux de domination et de manipulation. L’idée, pour eux, c’est aussi de faire rentrer dans la lutte des jeunes gens comme Stéphane. François lui fait lire Frantz Fanon, Michel Foucault, Pierre Bourdieu, et active chez lui le sentiment d’injustice. Il y a toujours cette vieille douleur, cette humiliation pas lavée de la domination française, coloniale, sur la Corse. Tout le monde la ressent, même en n’étant pas nationaliste. Donc ça s’active très vite chez un jeune homme qui a une soif de se mettre en marche. Mais Stéphane arrive dans l’activisme en Corse au moment où les haines, les compromissions liées au pouvoir, sont à un point extrême. C’est une forme d’engagement qui t’a toi-même séduit quand tu avais l’âge de Stéphane ? Moi, j’étais entre Paris et la Corse, je faisais mon travail de metteur en scène de théâtre,

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« L’histoire contemporaine de la Corse est tragique, entêtante, elle hante – en tout cas moi elle me hante. » d’acteur, j’avais choisi que mon engagement serait là. Aujourd’hui, avec ce film, les choses se croisent. Le nationalisme corse est un sujet potentiellement sensible. Comment composer avec les attentes et les réticences ? C’est un film documenté, qui puise dans mes propres souvenirs, mais aussi dans la mémoire commune. Ces histoires que je raconte, tout le monde en Corse les connaît. Le film est choral dans le sens où il porte une multiplicité de points de vue, les différents personnages s’expriment beaucoup, avec l’idée que la somme de toutes ces voix crée une polyphonie. Après, il y a forcément de la subjectivité. Pendant le tournage, un des acteurs, militant lui-même, me disait : « Mais pourquoi tu ne racontes pas plutôt le moment de la lutte où les gens étaient vraiment carrés ? » Moi, je choisis de raconter cette histoire-là, celle de ma génération, pas de faire le film ultime sur le nationalisme corse. La période dont je parle, c’est 1995-2001.

Elle est coincée entre les années 1980, un peu romantiques, flamboyantes, le début du nationalisme armé et du FLNC, et puis les années 2000-2010, qui sont plus modernes, apaisées, démocratiques. Évidemment qu’il y a une responsabilité, que je me demande quelle voix je décide de faire entendre, quelle phrase j’écris, sachant que tout le monde ne sera pas forcément super heureux. J’essaie de ne pas me restreindre, sinon je fais un film-tract, et ce n’est pas mon but. Le film essaie plutôt d’attraper un sentiment des choses. Les deux projections qu’on a faites en Corse se sont bien passées : peut-être que ça ouvrira le débat, et qu’il y aura d’autres films sur le sujet, et ça sera tant mieux. La Corse est peu montrée au cinéma. Pourquoi, selon toi ? Ce n’est pas seulement la Corse qui n’est pas représentée. Il y a des territoires en France, des histoires, des réservoirs narratifs très forts, partout, qui ne sont pas tellement exploités. Je rêverais de voir des fictions

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THIERRY DE PERETTI

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« Les films qui parlent le mieux de la Corse, ce sont les films taïwanais. » en Guyane, en Martinique, sur ce que vit la jeunesse de ces territoires. La Corse est un territoire plein de complexité, coincée dans son insularité, entre la France, l’Italie… Moi je pense beaucoup à Taïwan, parce que c’est les cinéastes qui m’ont inspiré : Edward Yang, Hou Hsiao-hsien. Taïwan, c’est l’île de beauté aussi, coincée entre la Chine continentale et le Japon. Quand j’ai découvert les films de Hou Hsiao-hsien, je me suis dit : voilà, les films qui parlent le mieux de la Corse, ce sont les films taïwanais. Qu’est-ce que tu retrouves de la Corse dans le cinéma taïwanais ? Comment ça bouge, le rapport au temps, à la violence, à l’histoire, et le lien très fort à la nature… C’est frappant dans Les Garçons de Fengkuei et Goodbye South, Goodbye de Hou Hsiao-hsien, ou dans A Brighter Summer Day d’Edward Yang. Mais c’est aussi vrai des cinéastes philippins. Raya Martin ou Lav Diaz, par exemple, sont des phares dans la nuit pour moi. Ce n’est pas pour me comparer du tout, mais je me sens proche d’eux, je reconnais une blessure, et une volonté de laver un affront, de représenter une communauté différemment. Parce que moi, quand je dis que je viens de Corse, même si c’est pas méchant, je sens bien qu’on me voit en sandales avec un verre de pastis en train de jouer aux boules. C’est vraiment ce que j’appelle le racisme cognitif,

ça vient de Mérimée [la nouvelle Colomba, ndlr], de Maupassant [dont plusieurs écrits se passent en Corse, ndlr], de tous ces trucs que j’abhorre quoi. Quel sera ton prochain film ? J’hésite. Je voudrais faire un film sur Ajaccio, ma ville. C’est une ville très belle, moins tragique que Bastia, un peu mythomane, avec une espèce de fantasme de dolce vita qui traîne. Ce serait un film à sketchs avec beaucoup de personnages, une comédie un peu vitellonienne [du film de Federico Fellini, Les Vitelloni, ndlr] – ce qui ne veut pas dire qu’elle ne serait pas noire. L’autre possibilité, c’est un film sur Paris, un film un peu proustien, presque dans le même ordre d’idée qu’Une vie violente. Il faut juste que j’attende un peu de me délester de ce film-là, qui est quand même un peu chargé. • PROPOS RECUEILLIS PAR JULIETTE REITZER PHOTOGRAPHIE : GUILLAUME BELVÈZ

— : « Une vie violente »

de Thierry de Peretti Pyramide (1 h 47) Sortie le 9 août

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MARCHE AVANT

Tête d’affiche ce mois-ci de La Vie de Château, Jacky Ido n’est pas encore très identifié en France, malgré ses rôles chez Quentin Tarantino ou dans la série américaine The Catch. L’acteur franco-burkinabè s’est plutôt fait un nom à l’étranger, fort d’un tempérament hyperactif et d’une débordante curiosité. 32

© JULIEN BERNARD

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JACKY IDO


PORTRAIT

Contrairement

« Si le public peut aller voir Denzel Washington, il peut aller voir Jacky Ido. » l’écriture acharnées, puis la réalisation, qu’il apprend sur le tas. Il se lance aussi dans le basket (« Je me contentais de très peu d’heures de sommeil à l’époque… ») avec deux autres gamins du quartier, Fabien et Sami. Des années plus tard, préparant un documentaire sur l’oralité pour sa maîtrise à Paris VIII, il s’immerge dans la scène slam avec eux. Après un pari perdu, le voilà lui-même sur scène, à poser un texte. Son succès convainc les trois amis de se lancer après s’être trouvé des pseudos pour se marrer : John Pucc’ Chocolat pour Jacky, le Comte de Bouderbala pour Sami, et Grand Corps Malade pour Fabien.

CINÉMONDE

S’il touche à tout (« Notre nom de famille, c’est “I do” [« Je fais » en anglais, ndlr], mon père disait qu’il faut être dans l’action tout le temps »), Jacky Ido garde le cinéma au centre. Après avoir joué dans des films autoproduits, il décroche en 2005 un rôle dans le long métrage La Massaï blanche de Hermine Huntgeburth, inédit en France mais énorme succès en Allemagne. « Je me suis initié à l’allemand, à la langue des Massaï et

Taxi Brooklyn, adaptée de sa franchise Taxi et diffusée en 2014 sur NBC et TF1. Naviguant aujourd’hui entre les États-Unis et Saint-Ouen, Jacky Ido a retrouvé « la famille » avec La Vie de château, vaudevillesque premier film coréalisé par son frère Cédric et leur ami Modi Barry. Avec une retenue qui contraste avec sa carrure imposante, il campe un rabatteur de salon de coiffure afro dans le quartier de Château-d’Eau. Alors que la série d’ABC The Catch, dans laquelle il jouait un agent du F.B.I. depuis deux saisons, vient de s’achever, il nous confie que, après une halte à Bordeaux sur le chemin de Compostelle pour voir ses deux fils, il a repris la plume, lui qui a vu son projet de premier long métrage avorter il y a une dizaine d’années. On commençait à s’en douter : Jacky Ido fuit l’inertie à toutes jambes. • TIMÉ ZOPPÉ

— : « La Vie de château »

de Modi Barry et Cédric Ido Happiness (1 h 21) Sortie le 9 août

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au kiswahili. J’adore apprendre des langues, surtout pour les beaux rôles qu’on m’offre à l’étranger. » En France, les propositions sont rares. « Il y a un problème de fond ici. On pense que le public n’est pas prêt à s’identifier à des personnages noirs. Mais s’il peut aller voir Denzel Washington, il peut aller voir Jacky Ido. C’est à l’institution de se désenclaver. » En 2009, il tourne pour Quentin Tarantino dans Inglorious Basterds. Le rêve de gosse vire au cauchemar : mal dirigé en français par l’Américain, qui ne comprend ni ne parle la langue, son jeu sonne faux et ébranle sa carrière. « Mon agent m’a dit que l’industrie n’avait pas aimé ma prestation et que j’allais devoir recommencer à zéro. On aime tellement Tarantino qu’on se dit que ça ne peut pas être sa faute… » Il rebondit en Allemagne (De l’autre côté du mur de Christian Schwochow, 2014) et grâce au soutien de deux Français : Claude Lelouch, qui lui confie des petits rôles dans Ces amours-là (2010) et Salaud, on t’aime (2014), et Luc Besson, qui le propulse dans le rôle principal de la série franco-américaine

à ce que suggère la terrasse de café ensoleillée depuis laquelle il nous contacte par Skype, décontracté et souriant, Jacky Ido ne flemmarde pas : il sue depuis des jours sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. « C’est un rêve de gosse, je prévoyais ça pour mes 40 ans. » Né au Burkina Faso – qui s’appelait alors Haute-Volta –, il a grandi entre ce pays et Stains, en Seine-Saint-Denis. « On vivait en Haute-Volta au moment du coup d’État de Thomas Sankara. Le pays était en ébullition, ça se ressentait partout. » Quand il a 11 ans, sa famille s’installe définitivement à Stains. « On habitait dans une des cités les plus cosmopolites de France. On voyageait déjà aux quatre coins du monde sans bouger de notre petite forteresse. » Ses parents l’immergent dans le cinéma, ce qui achève de l’ouvrir au monde, entre sa mère fana de Bollywood et la collection de films d’auteur de son père, truffée de Hitchcock ou de Verneuil. Le petit Jacky multiplie les passions : la lecture et


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JEAN-CLAUDE MÉZIÈRES

LE GARDIEN DE LA GALAXIE

Depuis cinquante ans, Jean-Claude Mézières dessine Valérian, œuvre clé de la bande dessinée de science-fiction, scénarisée par Pierre Christin, dont l’imaginaire graphique n’a cessé d’inspirer les cinéastes. À commencer par Luc Besson – l’adaptation pharaonique dont le réalisateur rêvait depuis l’enfance sort cet été. Par un après-midi caniculaire, ce grand monsieur nous a reçus dans son atelier pour évoquer le film et commenter, avec son franc-parler légendaire, un parcours placé sous le signe du V. 34


Quels ont été vos premiers émois de lecteur de bande dessinée ?

© DARGAUD

Mon frère, qui avait sept ans de plus que moi, achetait l’hebdomadaire O.K, dans lequel le jeune Albert Uderzo faisait ses débuts. Un bouquin vient de sortir pour les 90 ans d’Uderzo, et j’ai redessiné de mémoire Arys Buck, son héros d’alors, que je recopiais dans mes cahiers d’enfant. Ensuite, je suis passé à Tintin, parce que ma marraine m’a offert Le Lotus bleu. [Il mime l’éblouissement, ndlr.] Et puis Le Secret de l’Espadon d’Edgar P. Jacobs, la découverte de Franquin dans la revue Spirou… Ma seule influence américaine, c’est le magazine Mad, grâce auquel j’ai appris l’anglais. Vous avez commencé le dessin en même temps que votre ami Jean Giraud, alias Mœbius… J’ai rencontré Giraud sur les bancs de Duperré [L’École supérieure des arts appliqués Duperré, ndlr] et il m’a scié les pattes pendant dix ans ! Faire des études de piano avec un copain qui s’appelle Wolfgang Amadeus Mœbius, je peux vous dire que ce n’est pas facile. On s’est beaucoup cherchés, épaulés, critiqués.

Quand vous lancez Valérian avec Pierre Christin en 1967, la bande dessinée n’est pas prise au sérieux, et la science-fiction non plus. Du coup, on s’est dit : on va faire une BD de SF ! En France, il n’y avait rien. Barbarella de Jean-Claude Forest était très peu connue. Les libraires n’avaient pas le droit de présenter cette BD en vitrine, car c’était considéré comme de la pornographie ! Quant aux Américains, Alex Raymond (Flash Gordon) notamment, je ne les ai jamais lus et je ne les lirai probablement jamais. Il y a quelque chose de cinématographique dans votre dessin, une manière de choisir l’angle comme on poserait une caméra, avec un grand souci de lisibilité. De même, je sais que les scénarios de Christin ressemblent à des scripts de films. On est des grands fondus de cinéma depuis l’adolescence. Avec Giraud, on séchait les cours le matin pour aller dans les cinémas des boulevards. En matière de science-fiction, il y a eu deux ou trois nanars archiconnus comme Planète interdite et Le Jour où la terre s’arrêta, mais c’est à peu près tout. Et puis, bang ! quand on a commencé Valérian est apparu 2001 : l’odyssée de l’espace. La vraie grande claque. Stanley Kubrick montrait que le cinéma pouvait prendre la sciencefiction au sérieux. Il y avait ceux qui n’y comprenaient rien, dont je faisais peut-être partie aussi… (Rires.) Mais quelle invention !

Extrait de Valérian. Tome 6. L’Ambassadeur des ombres (1975)

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INTERVIEW


JEAN-CLAUDE MÉZIÈRES

BOBINES

Extrait de Valérian. Tome 6. L’Ambassadeur des ombres (1975)

Ça a été une étape décisive, à laquelle j’ai rendu hommage à la fin de La Cité des eaux mouvantes (1970). Valérian a eu ensuite une grande influence sur le cinéma de science-fiction, de Star Wars à Avatar. En ce qui concerne Star Wars, j’ai tenté de joindre George Lucas et je n’ai jamais reçu de réponse de sa part… Mais la lettre n’est pas revenue non plus ! C’est peut-être une incompétence de la poste américaine, mais j’en doute. Il ne veut pas en parler ; tant pis. Rencontre ou emprunt, ce n’est pas à moi de le dire, même si je trouve qu’il y a des putains de ressemblances… Idem pour Le Jour d’après de Roland Emmerich, avec la statue de la Liberté et les rues de New York sous les eaux : Emmerich était en Allemagne quand La Cité des eaux mouvantes paraissait dans le magazine Zack, et j’ai du mal à croire que ce soit un hasard. Mais bon, quelque part, on tape tous dans les mêmes pots. L’idée de la Patrouille du temps (nom d’un recueil de nouvelles de Poul Anderson, dont Christin s’est en partie inspiré pour Valérian), par exemple, n’est pas de nous. J’ai fini par lire le bouquin d’Anderson récemment, qu’est-ce que c’est chiant !

Dès le départ, dans Valérian, vous abordez des thèmes politiques – écologie, féminisme, antiracisme. Vous avez même tourné un film antiségrégation, Ghetto, pendant votre séjour aux États-Unis en 1965-1966. Vous êtes bien renseigné. Quand je squattais le divan de Christin à Salt Lake City, j’avais une petite caméra 16 mm qu’on m’avait prêtée. On a rencontré des gens de la N.A.A.C.P. (National Association for the Advancement of Colored People) qui avaient des contacts avec la télé locale et nous ont proposé de faire un documentaire. La ville, comme beaucoup d’autres aux États-Unis, était coupée en deux par une voie ferrée. Les propriétaires blancs ne voulaient pas que les Noirs s’installent, parce que ça faisait baisser le coût de l’immobilier. On a donc réalisé ce petit docu, largement remanié par les équipes de la station. Mais je ne l’ai pas vu, j’étais déjà reparti. Vos premières expériences avec le cinéma ont été douloureuses. Un Dieu rebelle de Peter Fleischmann (1991), dont vous avez dessiné les premiers décors et costumes, a été un échec cuisant, puis Le Cinquième Élément de Luc Besson (1997), sur lequel vous avez travaillé avec le chef décorateur Dan Weil,

« En ce qui concerne Star Wars, j’ai tenté de joindre George Lucas et je n’ai jamais reçu de réponse de sa part… » 36


© JEAN-CLAUDE MÉZIÈRES

a été repoussé pendant des années. Est-ce qu’adapter Valérian est une manière pour Besson de se faire pardonner ? Totalement. Il a des attentions de groupie à notre égard. Il nous a invités à voir le film il y a quinze jours en disant : « Je vous fais une projection privée. » Elle était tellement privée que nous n’étions que deux dans la salle… Deux pépés aux cheveux blancs ! Il y a eu une standing ovation à la fin ? Oh oui, on a dû essayer de se lever ! (Rires.) Le film est magnifique – vous avez vu suffisamment d’extraits pour savoir que ça a de la gueule – et il suit de près la trame de

L’Ambassadeur des ombres (1975). C’est très fidèle à l’esprit Valérian. Ça fait dix ans que Besson essaye de monter ce film, mais il me semble que vous avez été très peu impliqués dans la production. C’est vrai, mais c’est normal. Moi, j’ai fait un bouquin ; lui a décidé de l’adapter. Je n’allais pas essayer de refaire la même chose en mieux. Il a donc demandé à deux dessinateurs de cinéma de s’inspirer de mes planches. Certains éléments sont très proches, d’autres, très éloignés. Les possibilités du cinéma ne sont pas celles de la bande dessinée : quand je dessine une case, il y a trois bestioles qui courent après Valérian et Laureline ; dans le film, il y en a deux cent cinquante ! Vous avez toujours dessiné Valérian seul. Quand on passe à l’échelle du blockbuster, avec des centaines d’intervenants, ça pose la question de l’auteur… D’autant plus quand on parle de Luc Besson. Je suis très sensibilisé à la critique cinématographique, mais il faut savoir si on veut du Besson ou du Bresson, faut pas déconner ! La vérité, c’est qu’il n’y a personne d’autre que lui dans le cinéma français qui ait les couilles de monter un tel projet. Le sens de ma question, c’était : comment faire un blockbuster à 200 millions d’euros en conservant l’âme de l’œuvre originelle – puisque vous dites qu’il y est parvenu ? Si les producteurs avaient été américains, ils auraient dit : « Là, ça ne va pas, vos agents spatio-temporels n’ont aucun superpouvoir, ils ne sont pas assez musclés, etc. »

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©DARGAUD

INTERVIEW

Dessin préparatoire pour Le Cinquième Élément, 1992

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Dane DeHaan et Cara Delevingne dans Valérian et la Cité des mille planètes de Luc Besson, 2017

« Heureusement, les Américains n’ont pas fait Valérian, je crois que j’en aurais pleuré. » Heureusement, les Américains n’ont pas fait Valérian, je crois que j’en aurais pleuré. Avec Besson, l’esprit Valérian est là, tout comme les thèmes antiracistes et antimilitaristes de l’histoire d’origine. Mais c’est parce qu’il l’a lue quand il était petit ! Dane DeHaan et Cara Delevingne incarnent dans le film les deux personnages avec lesquels vous vivez depuis cinquante ans. Quel effet ça fait de les voir en chair et en os ? Je ne me suis pas demandé s’ils ressemblaient à mes dessins – ce serait un réflexe con, sauf pour le Marsupilami de Franquin, il faut quand même qu’il ait une queue assez longue… (Rires.) Dans le film, ils deviennent Valérian et Laureline dès qu’ils commencent à se chamailler. Besson a bien trouvé comment traduire leur relation. Cela produit un jeu de miroirs déformants. En tant que dessinateur, je regardais un plan et je devinais à quelle planche il se référait. Pareil pour la présence de Rihanna, j’ai compris où il voulait en venir…

Quand on voit le monde actuel, on se dit que beaucoup des craintes de la science-fiction des années 1960 sont en train de se réaliser. C’est une question qui vous travaille ? Et comment. Après-demain, je vais au Bourget, au Salon international de l’aéronautique et de l’espace, pour faire une intervention au pavillon du CNES (Centre national d’études spatiales), et je veux leur dire qu’il faudrait faire un peu le ménage sur la Terre avant d’aller saloper une autre planète. C’est quand même dramatique, cette obsession pour la conquête. • PROPOS RECUEILLIS PAR MICHAËL PATIN PHOTOGRAPHIE : PALOMA PINEDA

— : « Valérian et la Cité des mille planètes » de Luc Besson EuropaCorp (2 h 16) Sortie le 26 juillet

C’est-à-dire ? Ah ben non, je ne vous le dis pas ! Je vous laisse payer votre billet, nom de Dieu ! 38

© 2016 VALÉRIAN SAS – TF1 FILMS PRODUCTION - PHOTO VIKRAM GOUNASSEGARIN

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le voyage à nantes

DU 1eR JUIllet aU 27 aoÛt 2017


MICROSCOPE

LA FENÊTRE OUVERTE Comme le diable, le cinéma se loge dans les détails. Geste inattendu d’un acteur, couleur d’un décor, drapé d’une jupe sous l’effet du vent : chaque mois, de film en film, nous partons en quête de ces événements minuscules qui sont autant de brèches où s’engouffre l’émotion du spectateur. Ce mois-ci : une fenêtre insistante, dans L’Amant d’un jour, de Philippe Garrel (2017).

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C’est

une journée ordinaire, Ariane rentre dans l’appartement qu’elle partage avec Gilles et où depuis peu, Jeanne se repose à leurs côtés d’un chagrin qui lui a pris toutes ses forces. Jeanne est la fille de Gilles, elle a l’âge d’Ariane. Elle pleure la moitié de son temps depuis qu’elle a été quittée, avec des sanglots furieux qui lui coupent le souffle. Quand Ariane referme la porte, il lui faut un moment pour voir : Jeanne, qui n’en peut plus, et qui n’a pas trouvé mieux pour prouver la cruauté de celui qui ne l’aime plus, Jeanne est accroupie sur le rebord de la fenêtre, prête à bondir, elle va se tuer. Dans la pièce à contre-jour, la fenêtre fait un trou de blancheur aveuglante, et c’est dans ce trou blanc que Jeanne veut tomber – suicidée, surexposée, bue par un écran de cinéma. Alors Ariane se précipite, tire Jeanne qui bascule en arrière et tombe, plutôt que dans ce blanc, sur un lit. Jeanne se débat, crie. Ariane la chevauche et appuie fort pour la plaquer sur le lit, loin de la fenêtre qui veut l’aspirer comme un siphon. C’est un exorcisme : Ariane met toutes ses forces pour sortir de Jeanne sa pensée de mort. Je comprends que t’aies mal mais ça va passer, dit-elle, je te jure que ça va passer. Et tandis qu’Ariane insiste, et que les sanglots de Jeanne commencent à se tarir, Garrel regarde à nouveau la

Pendant cinq secondes exactement, Garrel oublie les filles pour filmer la fenêtre.

fenêtre. C’est le même plan qu’un peu plus tôt, rigoureusement : il ne manque que Jeanne sur le rebord. Pendant cinq secondes exactement, Garrel oublie les filles pour filmer la fenêtre. Pourquoi la fenêtre, à nouveau ? Pourquoi cette fenêtre vide, maintenant que la suicidée ne se suicide plus ? Le plan bouleverse et terrifie à la fois, parce qu’il est évidemment l’image du suicide accompli : en filmant la fenêtre, Garrel nous donne l’image qu’on aurait vue si Jeanne avait sauté. Si bien qu’on a beau l’entendre finir de pleurer à deux pas du cadre, Jeanne meurt tout de même un peu avec ce plan. Elle meurt dans un autre film de Garrel : n’importe lequel ou presque (par exemple La Frontière de l’aube où Louis Garrel, fils de Philippe et frère d’Esther qui joue ici Jeanne, se jetait lui-même dans le vide) avant les trois derniers, La Jalousie, L’Ombre des femmes et L’Amant d’un jour, où l’on n’arrive plus à se suicider. Il n’y a que Garrel pour imaginer un plan pareil, et pour regarder l’échec d’un suicide, à travers une fenêtre vide, avec autant de soulagement que de regret. Mais si ce plan est aussi beau, c’est peut-être plus simplement parce qu’il donne raison à Ariane, qui disait : ça va aller. Jeanne est bel est bien morte, poussée par son chagrin, et c’est ce que nous montre la fenêtre vide. Mais elle est morte pour renaître aussitôt, et sur le lit elle hurle en fait comme un nouveau-né. Le film au fond ne raconte que ça, retrouvant la temporalité cyclique des films de Garrel sur une gamme plus légère, plus frêle, plus jeune fille : comment le chagrin finit toujours par passer, pour préparer d’autres chagrins, qui passeront à leur tour. Tout au bout du film, la renaissance aura opéré si bien que Jeanne ignorera tout bonnement avoir jamais souffert. On lui dira qu’elle semble aller mieux et elle répondra, comme si on lui parlait d’un rhume : pourquoi, j’étais malade ? • JÉRÔME MOMCILOVIC

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MICROSCOPE

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EN PLEINE ASCENSION

Après son film de damnation, Casa Grande, sur le délitement d’une famille bourgeoise de Rio au bord de la faillite, Fellipe Barbosa signe un fascinant film de résurrection retraçant les soixante-dix derniers jours du périple africain de son ami d’enfance Gabriel Buchmann, un Brésilien retrouvé mort sur le flanc d’une montagne du Malawi en 2009. Pour rebrousser le chemin de croix de cette âme en exil, le réalisateur brésilien a eu la belle idée de faire jouer leur propre rôle aux personnes que le jeune homme a rencontrées. 42

© BART MICHIELS

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FELLIPE BARBOSA


Pourquoi une fiction plutôt qu’un documentaire pour retracer les derniers jours de votre ami en Afrique ? L’impulsion du film, c’était de comprendre ce qui lui était arrivé. Le film s’ouvre sur la découverte de son corps, comme pour donner un but au spectateur : comprendre comment et pourquoi Gabriel a échoué sur les pentes de cette montagne, au Malawi. Sa mort a été tragique mais assez douce – il est mort d’hypothermie, il ne s’est pas réveillé –, donc c’était une démarche presque spirituelle, pour aider son esprit à comprendre qu’il était mort. J’ai toujours su que je voulais faire une fiction, parce que je voulais faire revivre Gabriel : avec un documentaire, on aurait été dans le passé, l’absence, alors qu’avec une fiction je pouvais le ressusciter. Le film a une forte dimension religieuse. Le parcours de Gabriel semble d’ailleurs suivre le chemin du Christ : mission (sa belle relation de partage avec les locaux) ; crucifixion (quand resurgissent son passé et sa vraie nature) ; ascension (de la fameuse montagne). Comment avez-vous travaillé cette dimension christique ? Gabriel était un idéaliste, sans cynisme, il était d’une grande pureté. D’ailleurs, plusieurs disparus n’ont jamais été retrouvés sur le mont Mulanje – on dit que les esprits de la montagne ne laissent retrouver que les êtres assez purs. J’ai travaillé autour de l’idée de pureté, en cherchant à traduire formellement la recherche de liberté, de dépouillement du personnage. Donc c’est du cinéma très pur, avec des plans larges, des panneaux gauche-droite simples, tranquilles, très peu d’effets. Pour autant, vous n’en faites pas un saint, vous dépeignez son personnage avec une certaine distance. Je tenais à montrer qu’il était contradictoire : sa générosité, son humanisme coexistent avec sa naïveté, sa bêtise. On vit dans un monde très sectaire où les différences s’excluent. Ça m’intéressait de montrer ces contradictions coexister. Gabriel a voyagé comme peu d’Occidentaux, auprès de gens très pauvres, mais en même temps il pouvait avoir cette arrogance colonialiste.

Vous n’hésitez pas à épingler ce travers occidental – Gabriel supporte mal d’être pris pour le touriste qu’il reste malgré sa volonté de se fondre dans la culture locale. Vous avez toujours des comptes à régler avec la bourgeoisie brésilienne dont vous êtes issu et que vous attaquiez déjà dans votre précédent film, Casa Grande ? J’ai compris tard un lien très fort entre mes deux films : Gabriel et la Montagne commence là où finit Casa Grande. À la fin de Casa Grande, le personnage ouvre une fenêtre sur un monde nouveau que son milieu bourgeois préfère ne pas voir, et on le retrouve dix ans après dans Gabriel et la Montagne, qui continue d’explorer le monde, aux antipodes de son milieu d’origine. La narration fait beaucoup penser à Sans toit ni loi d’Agnès Varda. Ça a été une influence forte ? Oui, mais de manière inconsciente ! Quand j’ai montré le scénario à mon ami Ira Sachs juste avant le tournage, il m’a dit qu’il fallait que je revoie ce film. Dès le plan d’ouverture, j’ai eu un choc : on voit un paysan qui ramasse des plantes et qui trouve un corps – celui de Sandrine Bonnaire –, exactement comme dans la première séquence de mon scénario. Il y a aussi des échos dans la narration, avec ces témoins qui parlent d’elle au passé alors qu’on la voit au présent. La différence, c’est que, dans le film de Varda, les personnes qui ont rencontré l’héroïne ne l’aiment pas, et puisqu’ils ne l’aiment pas, on l’aime ; avec Gabriel, c’est l’effet inverse : plus les témoins en disent du bien, plus on se met à distance avec lui. Comment est venue la très belle idée du film, de faire jouer leur rôle aux personnes qu’a rencontrées le vrai Gabriel ? Ça s’est décidé assez tard, de manière pragmatique. J’avais écrit le scénario initial et j’ai fait les premiers repérages en 2011, sans cette idée. C’est en 2015, lors des derniers repérages, quand j’ai rencontré le guide qui a emmené Gabriel au sommet du Kilimandjaro, que j’ai compris qu’il devait incarner son propre rôle. Déjà parce que je n’avais pas le temps ni l’argent de faire un casting, et surtout parce qu’il m’a semblé évident que c’était la seule possibilité de faire tout le film, avec ce casting composé par Gabriel lui-même. Cette petite idée est devenue la grande idée du film, et on s’est mis à chercher tous les gens qu’il avait croisés pour les faire jouer dans le film, ce qui n’a pas été une mince affaire – on avait juste le carnet de voyage de Gabriel et les quelques photos qu’il avait prises…

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INTERVIEW


FELLIPE BARBOSA

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« La générosité, l’humanisme de Gabriel coexistent avec sa naïveté, sa bêtise. » Pas trop dur, le tournage au sommet du Kilimandjaro, à plus de 5 800 mètres d’altitude ? Si. On était une équipe de cinéma, pas de montagnards, mon chef op était même asthmatique… Les derniers kilomètres étaient vraiment difficiles, les gens tombaient, vomissaient du sang, c’était vraiment dangereux et très stressant. Une fois au sommet, il est recommandé de ne pas rester plus de quinze minutes, mais nous on a dû rester une heure pour tourner, sans une partie de l’équipe qui était déjà redescendue… Comme dans Casa Grande, vous jouez de longs plans-séquences, notamment lors de la houleuse discussion entre Gabriel et sa petite amie dans un bus. J’aime exposer la mise en scène, la géographie, la négociation des corps dans un espace, ne pas les cacher derrière le découpage. J’aime que le rythme et le montage soient établis par les comédiens eux-mêmes dans le cadre. Un plan-séquence, c’est risqué, c’est frustrant : pour la scène du bus, on a fait neuf prises, avec chacune un moment spécial, et il faut choisir un plan, avec ses imperfections. Mais j’aime cette idée de sacrifice, de choix, c’est important au cinéma pour établir un style. Votre film était présenté à Cannes à la Semaine de la critique, présidée cette année

par Kleber Mendonça Filho – dont le film Aquarius a été retenu en Compétition officielle l’an dernier. Le cinéma brésilien a le vent en poupe ? Quand j’ai commencé à étudier le cinéma, à la fin des années 1990, la production était quasi nulle au Brésil, on sortait un film par an. Aujourd’hui, on produit environ cent cinquante films par an, grâce au système de financement et de soutien mis en place par le gouvernement de Lula. Ça change notre approche du métier. Avec un film par an, il fallait parler de ce qu’il y a d’important pour le pays, c’était une obligation morale de parler de la misère dans les années 1980-1990 ; quand il y en a cent cinquante, on peut parler des choses importantes pour nous : on peut parler d’amour, de notre quartier, comme Kleber l’a fait dans Les Bruits de Recife… L’essor de la production a permis l’apparition d’un cinéma plus personnel, ça a ouvert le paysage. • PROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAËLLE SIMON

— : « Gabriel et la Montagne »

de Fellipe Barbosa Version Originale / Condor (2 h 07) Sortie le 30 août

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PREMIÈRE

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TS PAR MINUTE 47


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ROBIN CAMPILLO

RETOUR

Avec 120 battements par minute, fresque sur les années sida qui a décroché le Grand prix à Cannes, Robin Campillo éblouit par sa virtuosité à mêler ses souvenirs de militantisme à Act Up-Paris au début des années 1990 et une bouleversante histoire d’amour. Attablé à une terrasse parisienne en pleine canicule, il nous a expliqué comment il a digéré le passé et lui a redonné vie grâce au cinéma.

Pourquoi avoir voulu revenir sur les années Act Up aujourd’hui, à l’heure des multithérapies ? Ça fait longtemps que je voulais faire ce film sur Act Up, mais j’avais peur de le rater. J’ai commencé plein de scénarios, j’ai mis du temps à savoir comment faire une fiction à partir de ces événements. À la fin des années 1990, je suis un peu revenu militer

à Act Up après m’être rendu compte qu’avec l’arrivée des trithérapies les prises de risques étaient beaucoup revenues, notamment chez les jeunes gays. C’est comme s’il y avait eu une amnésie de ce qui s’était produit avant. J’ai aussi fait ce film sur l’idée très simple que l’arrivée du préservatif a été une délivrance – on n’avait plus à se demander le statut sérologique de la personne avec qui on couchait. Je n’ai jamais aimé la capote, mais je ne comprends pas qu’on puisse la percevoir comme une contrainte. Dans votre premier long métrage, Les Revenants (2004), on peut voir les morts qui reviennent parmi les vivants pour se

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retrouver mis à l’écart de la société comme une métaphore des malades du sida. La mise en scène et le récit sont froids, la vision assez pessimiste, alors qu’il y a beaucoup de vie et de chaleur dans 120 battements par minute. Comment s’est opéré ce changement de regard ? Je pense que Les Revenants est né du fait que je n’arrivais pas à aborder frontalement le sida dans un film. C’est un film sur l’hiver, la glaciation. Pour moi, ça raconte les années 1980, au moment où l’épidémie est apparue. Nathan, le héros de 120 battements par minute [partiellement inspiré de Robin Campillo, ndlr], se souvient avoir vu une dizaine d’années auparavant les premières photos extrêmement brutales des malades dans Paris Match, comme une espèce de malédiction qui va tomber, notamment, sur les gays. En 1983, j’ai couché avec un mec avant une longue période de solitude. Au matin, le type sort L’Homme atlantique de Duras – c’était l’époque où les gays avaient toujours un Duras sous la main – et me lit la phrase « avec votre départ votre absence est survenue ». Ce mec, j’apprends deux ans

après qu’il est à l’hôpital. J’ai eu peur d’être contaminé, tout se mélangeait. Jusqu’en 1986 ou 1987, ça a été une période de non-vie, ou de survie, les gens se muraient dans leur solitude. Les Revenants parle de cette impossibilité de ressentir des choses, des morts qui désincarnent les vivants. Sans doute que j’ai eu raison de ne pas faire le projet sur Act Up à cette époque parce qu’il fallait que je lâche prise. C’est ce que j’ai essayé de faire avec Eastern Boys [son deuxième long métrage, en 2014, sur un quinquagénaire gay dont la routine est bousculée par la rencontre avec un jeune migrant ukrainien, ndlr], me lâcher, comme le personnage du film. Pour 120 battements par minute, vous travaillez au scénario avec Philippe Mangeot, qui a présidé Act Up-Paris de 1997 à 1999. Vous l’avez rencontré quand vous militiez dans l’association ? Oui, il est arrivé avant moi, c’en était l’un des piliers. C’était un beau gosse, très brillant, intelligent, vif. On s’est assez vite entendus. Les gens d’Act Up venaient de milieux

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À LA VIE

© CÉLINE NIESZAWER

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très différents. Philippe était normalien ; Didier Lestrade [président de 1989 à 1992, ndlr] était un journaliste travaillant surtout dans la musique ; Cleews Vellay [président de 1992 à 1994, année de sa mort, ndlr] travaillait dans un chenil ; il y avait aussi une femme avec son fils séropositif et hémophile [toutes les personnes citées ont inspiré des personnages du film, ndlr]. Les différences de langages étaient extrêmement drôles. Tous ces gens fabriquaient de la politique ensemble. C’est très rare que ça puisse se produire, c’est une force. Avec ce film, je voulais convaincre de la puissance politique de la parole. En ouverture, on voit les militants faire une action ratée, mais Sean explique plus tard en réunion que c’est une réussite. Quand il a fini, on a l’impression que c’était une espèce d’opéra radical, il a changé la perception de son public. Avec Act Up, les gens ont arrêté d’être victimes de l’épidémie et ont décidé d’en être les acteurs. D’ailleurs, en revoyant le film, j’ai été frappé de voir à quel point les militants semblent arriver sur une scène de théâtre au moment des actions de groupe. Ils empêchent une pièce de se jouer en amenant un autre texte. Surtout, c’est une association joyeuse. Quand j’y suis rentré pour la première fois, je me suis même demandé où était la maladie. Il y avait beaucoup d’humour, ce n’était qu’au bout d’un moment qu’on sentait poindre dans les discours la peur et la fatigue. Act Up a été fondé en 1989, moi je suis arrivé en 1992, des gens sont morts avant que j’arrive, mais l’épidémie a vraiment pris de l’ampleur en 1992-1993. À certains moments, il y avait quasiment un mort toutes les semaines, c’était très dur. Dans le film, justement, au moment de la mort de l’un des militants, la manière dont vous filmez sa mère est bouleversante : aucune douleur ne transparaît sur son visage, mais on la sent d’autant plus dévastée. C’est surtout parce que Saadia Bentaïeb, qui vient de la troupe du metteur en scène de théâtre Joël Pommerat, est une immense comédienne. Je voulais éviter le côté « mamma » et le truc du « on pleure un

bon coup et ensuite tout va mieux ». Je n’ai jamais vu ça. Ce qui m’intéressait – et ça rejoint Les Revenants –, c’était l’étrangeté de l’état second dans lequel on est dans ces situations-là. Cette tonalité me semble plus honnête vis-à-vis du spectateur, plutôt que de chercher à le faire pleurer. J’ai vécu la scène où je rhabillais un copain mort et sa mère lui parlait. Je ne me souviens pas d’avoir été ému, mais il y avait justement une inquiétude diffuse à ne pas l’être. Pour moi, c’est humainement très important d’élargir la palette des émotions et de sensations au cinéma. Dans le film, j’essaye de passer d’un état, d’une forme à l’autre. C’est comme filmer des gens sous drogue ou qui font l’amour, qui sont dans un état second. Le cerveau fonctionne autrement, il envoie une autre chimie dans le corps, on comprend les choses différemment.

« Avec Act Up, les gens ont arrêté d’être victimes de l’épidémie et ont décidé d’en être les acteurs. » 50


UN ANGE PASSE D’abord discret observateur aux AG, éclipsé par les grandes gueules d’Act Up où il vient de débarquer, Nathan, alter ego de Campillo incarné par Arnaud Valois, devient acteur central du film à mesure que celui-ci se resserre sur l’intime – la relation amoureuse de Nathan avec un militant rongé par la maladie. Le comédien à la tête d’ange et à la carrure de colosse irradie alors de sa présence solaire et rassurante. « Je suis plus à l’aise dans les scènes de tête-à-tête, je suis fils unique, je suis peu habitué à être en groupe. Robin m’appelle “l’acteur de l’intime”. J’imagine que ma reconversion dans le bien-être y est pour quelque chose », nous confiait-il à Cannes, dans un sourire malicieux. Après un faux départ au cinéma en 2006 – son premier film, Selon Charlie de Nicole Garcia, ne lui ayant pas apporté le succès escompté –, le Lyonnais a opéré un tournant radical. « Plutôt que de ruminer, je suis parti me former au massage en Thaïlande. Aujourd’hui je suis masseur, sophrologue, et acteur. » Savoir attendre dans l’ombre pour mieux briller dans la lumière, voici une clé de la sagesse qu’Arnaud Valois a bien en poche. • RAPHAËLLE SIMON

de trouver des positions. D’abord, ça m’excite plus que la performance, je vois plus le côté humain, et ça me touche beaucoup. Le film est produit par France 3, donc je ne pouvais pas filmer de pénis, mais je n’avais de toute façon pas envie de tourner la scène de manière pornographique – même si ça m’intéresserait de faire un film un peu porno, un jour. Par contre, je voulais montrer les à-côtés importants, qui sont tout le temps évacués au cinéma : mettre une capote, bien mettre du gel, comment on enlève le préservatif… Pour le coup, on voit du sperme qu’on essuie – ça, visiblement, c’est pas interdit. Y’a plein de choses que les gens

Il y a d’ailleurs une intense et très belle scène d’amour entre les deux héros au milieu du film. Comment l’avez-vous pensée ? On les voit d’abord se rapprocher en boîte, puis on les voit tomber directement dans le lit. C’est le truc dont on rêve tous, ne pas devoir chercher un taxi et faire le trajet. Après, j’ai essayé de calmer les acteurs [Arnaud Valois et Nahuel Pérez Biscayart, ndlr], je leur ai expliqué que le sexe ne doit pas être performant. On a fait des répétitions torses nus, je ne voulais pas qu’ils arrivent sur le plateau en mode « on baise » et qu’on fasse une scène de Kāma Sūtra gay. Ce qui m’intéresse, c’est que ce n’est pas si évident 51

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© LES FILMS DE PIERRE - FRANCE 3 CINÉMA - PAGE 114- MEMENTO FILMS PRODUCTION - FD PRODUCTION

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ROBIN CAMPILLO

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trouvent glauques, alors que pour moi c’est extrêmement romantique, ça me fait assez fantasmer, mais pas dans un truc vicieux. Je ne suis pas du tout voyeur de mes acteurs, je suis plutôt en empathie avec eux. Le film insiste sur l’aspect collectif de la lutte, avec cette nouvelle famille choisie, alors que beaucoup de films sur le sida ont montré la maladie comme un drame individuel. Je pense que si je n’arrivais pas à faire un film avant de rentrer à Act Up, c’est parce que je restais dans la malédiction de l’épidémie – l’idée que tous les homosexuels allaient mourir – et dans la solitude. Confiner cette maladie à l’intimité quand il s’agit de gays, ça rappelle le placard, je ne voulais pas être là-dedans. Être enfermé dans l’intime, c’est être invisible. C’était la même chose avec l’avortement avant le manifeste des 343 en 1971 : ça arrangeait tout le monde que ça soit une expérience individuelle, que les femmes aillent en Belgique ou en Angleterre. Avec Act Up, on a dit : « Non mais, attendez, c’est pas

une maladie de l’intime, c’est une épidémie, donc ça a à voir avec la politique, avec la santé publique ! » Je pense que l’intime, a plein d’endroits, c’est un ennemi politique. Le collectif s’incarne aussi à travers une vision très festive d’Act Up, quand vous montrez des scènes de clubs ou encore la Pride avec les pom-pom girls. Oui, d’ailleurs les pom-pom girls ont vraiment existé. C’est un truc que j’ai adoré faire dans le film, historiciser un événement minoritaire. À la fin du scénario, quelqu’un reprenait la phrase de John Ford dans Liberty Valance – « Quand la légende dépasse la réalité, on imprime la légende ». Au final, j’ai préféré éviter la citation, parce que c’était un poil trop pétasse… Mais il y a de ça dans le projet du film. Remettre en scène dix mecs habillés en pom-pom girls qui scandent « des molécules pour qu’on s’encule », c’est dire : « Regardez, c’est une page d’histoire. » Quant aux scènes de club, on entend surtout la musique d’Arnaud Rebotini, qui a été DJ à

« J’ai demandé des morceaux house avec une espèce de mélancolie. C’est vraiment la bande originale de cette épidémie. »

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l’époque et à qui j’ai demandé des morceaux house dansants [le titre du film est un clin d’œil au tempo de référence de la house, ndlr], mais avec une espèce de mélancolie derrière. Pour moi, c’est vraiment la bande originale de cette épidémie. Je lui ai aussi demandé de remixer « Smalltown Boy » de Bronski Beat, qui est sorti en 1984 et est devenu un hymne énorme. Il y a truc émotionnel très fort sur la question de la lutte, qui raconte aussi la solitude, comment c’est quand il n’y a pas de communauté. Au départ, je voulais que Jimmy Sommerville lui-même chante dans le film, sauf qu’il n’a pas voulu apparaître tel qu’il est maintenant. Mais on a eu accès aux bandes multipiste. Sur sa piste, on entend la rythmique dans son casque, c’est comme s’il était là. C’est pour ça que dans une des scènes de club, on a réduit la musique à sa seule voix au bout d’un moment, comme pour le faire réapparaître. Beaucoup de rôles sont incarnés par des acteurs homos. Quel sens donnez-vous à ce parti pris de casting ? Ça s’est fait assez naturellement, je n’ai pas demandé aux gens de décliner leur identité sexuelle avant de les choisir. Avec Philippe Mangeot, on voulait surtout retrouver la musique, les voix et l’autodérision qu’il y avait dans la prise de parole dans les réunions d’Act Up. Et puis, avec des acteurs homos, on n’avait pas à se poser des questions d’attitudes, ce que je ne peux pas vraiment diriger. Qu’est-ce qu’on peut dire à un comédien ? « Fais le geste de manière plus précieuse ? » Si j’avais trouvé des acteurs hétéros qui sonnaient et bougeaient comme ça, je les aurais pris sans problème, mais ça arrive peu. Et puis, sur un film comme

ça, un casting un peu communautaire ne me paraissait pas absurde, ça rejoint l’esprit d’Act Up. D’autant plus que j’ai l’impression que personne, parmi les gens qui ont vu le film, ne s’est senti exclu, au contraire. C’est bien la preuve que les inquiétudes autour de cette question sont une vaste blague… Entre vos jeunes acteurs, l’énergie de votre mise en scène et des scènes comme celle de l’intervention des militants dans un lycée, le film est clairement tourné vers la jeunesse. Vous souhaitez passer le relais à la jeune génération ? Oui, j’avais besoin de me confronter aux jeunes d’aujourd’hui parce qu’on n’en a jamais fini avec le sida. J’ai connu l’époque de l’insouciance avant, c’était extrêmement joyeux. Je ne me remets pas du fait que ça soit devenu grave. C’était intéressant de voir pendant les répétitions des scènes de réunion que certains jeunes ne comprenaient rien à ce que je leur faisais dire par moments, que ce soit le « parler militant » ou des phrases liées à l’épidémie, comme ce qui concerne les T4 [les globules blancs ciblés par le V.I.H. qui ne peuvent plus lutter contre les maladies opportunistes s’ils sont trop peu nombreux, ndlr]. Je me demandais tout le temps ce que je pouvais modifier pour que ça soit plus clair. Certains m’ont parlé de leur histoire personnelle, leur rapport à la capote, leurs inquiétudes. Malgré une certaine insouciance affichée, quand on creuse, on se rend compte qu’il y a une peur très forte derrière. Ça, ça donnait du prix au film, je comprenais que c’était important de le faire aujourd’hui. • PROPOS RECUEILLIS PAR QUENTIN GROSSET ET TIMÉ ZOPPÉ

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CRITIQUE

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ACT UP OUVERT

Pendant 2 h 20 foudroyantes, Robin Campillo plonge dans l’histoire d’Act Up-Paris et scrute ses militants jusqu’au fond de leurs cellules via une mise en scène organique et une narration renversante.

Tout

commence dans une forêt de corps, que l’on sent parcourus de frissons de tension. Ces silhouettes de dos qui submergent le premier plan du film, ce sont des militants d’Act Up venus perturber une conférence ronflante de l’Agence française de lutte contre le sida en laquelle ils ne voient qu’un écran de fumée derrière lequel s’abrite l’État pour ne pas répondre à la question alors brûlante du sida. Robin Campillo campe son récit (coécrit par Philippe Mangeot, ancien président d’Act Up-Paris) au début des années 1990, alors que les séropositifs sont terriblement invisibilisés et laissés sur le carreau par la recherche médicale. Il faut trouver d’urgence comment éveiller les consciences, activer le mouvement. Dans la première partie du film, le pouls est donné par les deux principales activités de l’asso : d’intenses débats hebdomadaires (toujours limpides et passionnants) pour imaginer slogans et stratégies à adopter ; des actions choc, comme trasher à coups de poches de faux sang un laboratoire qui refuse de communiquer des résultats sur un traitement qui pourraient changer la vie des séropos. Dans ce contexte, un nouveau venu réservé,

Nathan (Arnaud Valois, grande découverte), tombe sous le charme de Sean (incroyable Nahuel Pérez Biscayart), un militant grande gueule et tête brûlée. Longtemps, les deux personnages sont pris dans le groupe, comme s’ils étaient des maillons indissociables de son ADN. Une idée que vient illustrer un brillant enchaînement de plans : les militants dansent dans un club, avant qu’un glissement de mise au point ne les assimile aux milliers de grains de poussière qui volent autour d’eux et scintillent dans la lumière, et qu’un fondu enchaîné ne superpose cette constellation à des cellules sanguines en gros plans. Après avoir célébré cette vitalité de groupe, le film se resserre sur la passion entre Nathan et Sean, jusqu’à ce que la maladie de celui-ci ne les isole franchement du groupe. Campillo trouve l’équilibre entre collectif et intime, souvenirs personnels et fiction, pour aboutir à la synthèse d’un très grand film. • TIMÉ ZOPPÉ

— : « 120 battements par minute »

de Robin Campillo Memento Films (2 h 20) Sortie le 23 août

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DÉCRYPTAGE

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ACT

En pleine épidémie de sida, Act Up a su contrer les images stigmatisantes des malades en prenant la parole, via un style visuel dur, fier et camp que le collectif déclinait en slogans, flyers, banderoles – mais aussi dans ses happenings choc ou ses films vénères. Une esthétique de l’action forcément très cinégénique.

« Melton

Pharm, assassins ! T’as du sang sur les mains ! » clament en chœur les militants d’Act Up-Paris, les corps en tension, avant d’exploser une poche de faux sang sur le logo du laboratoire pharmaceutique, pour accuser ses dirigeants de leur irresponsabilité et de leur cupidité. Organisés comme un escadron, ils veulent réveiller les consciences par leur force de frappe. Un photographe surgit sur le champ de bataille pour immortaliser cette entrée fracassante… Dans cette séquence de sa fresque 120 battements par minutes, Robin Campillo ravive ses vieux souvenirs des fameux zaps de l’association, ces actions choc et rapides conçues comme des happenings – les kiss-in, les die-in, qui étaient pensées pour avoir un impact maximum afin de toucher les médias. Act Up

est cinématographique dans son attitude radicale, synonyme de colère, d’affirmation, d’humour camp et de sensualité gay. « On remarquait Act Up par ses interventions, mais aussi quand on tombait sur un joli mec qui portait un tee-shirt avec le logo de l’asso dans la rue. Il y avait un truc très attirant, érotique. Pas seulement parce que le type était beau, mais parce qu’il se manifestait en tant que gay ou séropo », nous a dit Campillo en interview. Ce n’est pas un hasard si, bien plus que d’autres associations, elle a souvent été l’emblème du militantisme anti-V.I.H. au cinéma, dans des fictions comme Zero Patience de John Greyson en 1993 ou dans des documentaires comme ZAP. Act Up-Paris, été 95 de Vincent Martorana en 1995. Elle a d’ailleurs fait émerger pas mal de cinéastes qui y ont milité – Jacques Martineau, 56


Stéphane Giusti, Christian Poveda, John Greyson, et bien sûr Robin Campillo.

GROUPE SANGUIN

« Je n’ai jamais caché qu’au départ, ce qui m’a le plus attiré dans Act Up fut l’image », écrit Didier Lestrade, cofondateur de l’association parisienne, dans Act Up. Une histoire (Denoël). En 1987, le journaliste est envoyé à New York par le magazine Gai Pied Hebdo pour écrire un guide sur la ville. Déambulant dans les rues, il est frappé par un sticker sombre qui prolifère sur tous les murs. Sur fond noir, le slogan « SILENCE = DEATH » se détache en grosses lettres blanches, surmonté d’un triangle rose retourné pointe vers le haut dans un geste offensif (tête en bas, c’était le symbole utilisé dans les camps de concentration pour marquer les homos). À l’origine de l’opération, un collectif de six graphistes nommé Silence = Death Project, qui veut interpeller l’opinion sur le fait que leurs proches meurent du sida dans l’indifférence générale. Lestrade, qui se sait séropositif depuis plusieurs mois, est tout de suite intrigué par ce logo puissant et

crypté qui, bientôt, sera repris par ACT UP. Dès les premières réunions du collectif, créé en 1987 par des homos à New York, mais qui a vocation à être une coalition plus large de minorités (trans, usagers de drogue, travailleurs du sexe), il est marqué par ce style ravageur et ultra lisible, pensé comme un balancement entre le DIY hérité des fanzines punks et une facture plus publicitaire, dans le sillage de l’art pop, par des collectifs de graphistes comme Gran Fury ou fierce pussy. Quand, de retour en France, Lestrade crée avec Pascal Loubet et Luc Coulavin la branche parisienne de l’association en 1989, il fait évoluer cette esthétique. Pif et Robin Campillo, qui se succèdent à la maquette d’Action. La lettre mensuelle d’Act Up-Paris, affirment par exemple un certain minimalisme dans leurs productions visuelles. Quant à Loïc Prigent et Geneviève Gauckler, arrivés de la musique dès le milieu des nineties, ils apposent un style graphique très marqué par la scène techno-house. Auteure de Ce que le sida m’a fait. Art et activisme à la fin du xxe siècle (JRP|Ringier), une analyse brillante des 57

BOBINES

ION !

Journée mondiale contre le sida, rue de Rennes, Paris, le 1er décembre 1994

© DIANE GABRYSIAK ET ANNE MANIGLIER

EN COUVERTURE


DÉCRYPTAGE

« Au départ, ce qui m’a le plus attiré dans Act Up, c’est l’image. » liens poreux entre l’art et l’activisme sida (voir portfolio p. 60), l’historienne de l’art Élisabeth Lebovici remarque : « Beaucoup d’artistes sont des produits de la lutte contre le sida. Ils s’y sont mis parce qu’il y avait une nécessité de jeter leurs forces et leur imagination pour manifester leur désespoir et leur volonté d’action. » Cette imagerie martiale est autant dirigée contre ceux qui ne font rien pour contenir l’épidémie de sida que contre la société straight dans son ensemble. Dans leurs flyers, affiches, autocollants, tee-shirts ou slogans, les militants se projettent comme un groupe batailleur, privilégiant une stratégie d’empowerment, refusant le registre pathétique ou compassionnel. Dans ces visuels in your face, les activistes s’affirment avec dérision comme partie intégrante d’une communauté sexuelle dont ils sont fiers – voir les slogans « power to the tapiole », « des molécules pour qu’on s’encule ». En diffusant des images homoérotiques, voire porno, transparaît bien évidemment la volonté de faire exploser tous les placards.

CHARGE VIRALE

Baignant dans cette culture d’images, certains membres d’Act Up se sont logiquement saisis de caméras pour contrecarrer la manière sensationnaliste et stigmatisante dont les médias représentaient les malades – dans les années 1980-1990, dans les journaux et à la télé, les expressions « cancer gay » ou « peste rose » pullulaient, et les personnes

infectées étaient représentées le plus souvent floutées ou témoignant de manière anonyme, déshumanisée. Le cinéma grand public américain est un peu plus friendly. On y projette bien des images de solidarité et de dévouement dans le deuil, mais, note Didier Roth-Bettoni, auteur du passionnant Les Années sida à l’écran (ÉrosOnyx) : « Le malade du sida n’est jamais le personnage par lequel les personnages vont s’identifier. On est plus dans une forme d’appel à la tolérance envers eux. » En 1993, Philadelphia de Jonathan Demme, qui raconte sur un registre mélo le combat d’un avocat licencié parce qu’il est malade du sida, a ainsi pu crisper les militants. C’est que le film semble être dans une quête de respectabilité constante par rapport au héros. La représentation de l’homosexualité y est très prude et, durant le procès contre l’employeur, la parole est donnée bien plus souvent à la cour qu’au plaignant. C’est contre cette dynamique molle que, très tôt, se sont structurés des collectifs vidéo liés à l’association (les caméras devenant plus accessibles à la fin des années 1980). Des groupes énervés comme le collectif Testing the Limits dès 1987 ou la chaîne alternative DIVA TV dès 1989 se sont mis à faire des reportages plus expérimentaux sur les actions, des portraits de militants ou de malades, à filmer des colloques… « Dans une grande improvisation, tout est filmé, diffusé dans différents départements de l’association ou des festivals LGBTQ, puis archivé immédiatement. Il y a une viralité de l’image très impressionnante pour l’époque »,

© AURÉLIEN MOLE

BOBINES

DIDIER LESTRADE

Déploiement d’une banderole rue de Rennes pendant la Lesbian and Gay Pride, Paris, 1995

58


© ACT-UP-PARIS

EN COUVERTURE

Couvertures d’Action. La lettre mensuelle d’Act Up-Paris

BOBINES

dans Jeanne et le Garçon formidable (1997), ou quand Robin Campillo dépeint la scène house des années 1990 dans 120 battements par minutes, ils se placent dans la tradition des Prides où l’on danse pour donner plus d’écho à ses revendications. Ces réalisateurs offrent à la lutte une caisse de résonance plus forte grâce aux fantasmes que seul le cinéma permet de réaliser. Lorsque Robin Campillo était activiste, il y avait au sein d’Act Up l’envie d’un zap prodigieux mais impossible à accomplir : ensanglanter la Seine. Il le réalise aujourd’hui, dans une scène de son film. « J’avais cette volonté d’aller plus loin, d’achever des projets passionnants qu’on n’avait pas pu réaliser », nous a-t-il dit. À l’heure des multithérapies, où l’on entend peu parler de sida, mais où des gens en meurent encore, c’est une piqûre de rappel pour les spectateurs. C’est la même intention qui animait les militants résolus d’Act Up-Paris à la Marche des fiertés de Paris en juin dernier. Comme un clin d’œil à l’écho dont a bénéficié 120 battements par minutes au dernier Festival de Cannes, ils avaient tout simplement écrit sur leurs pancartes « le sida, c’est pas (que) du cinéma ». • QUENTIN GROSSET

© DIANE GABRYSIAK ET ANNE MANIGLIER

analyse Roth-Bettoni. Dans son ouvrage, l’auteur s’étend sur la manière dont le cinéaste et militant John Greyson s’est investi dans ce genre de courts métrages aux narrations plus élaborées, moins linéaires, qui saisissent plus finement la complexité de ce que c’est que de vivre avec le sida. Pour lui comme pour les réalisateurs « actupiens », l’humour est une arme privilégiée. Dans son film Zero Patience (1993), une comédie musicale (!) sur le sida, Greyson est paradoxalement très drôle quand il déconstruit les mythes sur la maladie (en premier lieu celui du patient zéro, un steward canadien accusé à tort d’avoir introduit le V.I.H. en Amérique du Nord). Dans ce mélange de légèreté et de gravité, il met en scène des militants d’Act Up en train de chanter. C’est comme s’il mettait les slogans « silence = mort », « danser = vivre » en images, en mouvement, et qu’il passait de l’un à l’autre avec une facilité déconcertante. Il faut souligner l’importance de la musique, de la fête, de la danse dans ce cinéma du deuil. Quand Olivier Ducastel et Jacques Martineau (ce dernier a été militant à Act Up-Paris dès 1990) font chanter et danser leurs personnages sur le thème du sida

Die-in, Journée mondiale contre le sida, avenue des Champs-Élysées, Paris, le 1er décembre 1994

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JE BOBINES

ÉLISABETH LEBOVICI

ET NOUS Ce

que le sida m’a fait. Art et activisme à la fin du xxe siècle (JRP|Ringier) est un essai écrit à la première personne. Dans cet ouvrage composite et brillant, l’historienne de l’art et journaliste Élisabeth Lebovici transmet une mémoire autant personnelle que collective. Engagée auprès d’Act Up-Paris dès 1994, elle a été témoin de la mobilisation du monde artistique par rapport au sida. Elle réinvestit aujourd’hui des entretiens ou des articles qu’elle avait écrits sur des artistes de tous les champs (de l’art d’Act Up au journal vidéo de Lionel Soukaz, en passant par Nan Goldin ou le collectif de graphistes lesbiennes fierce pussy) qui ont transformé leur détresse, leur rage, en créations visuelles ou en happenings. Dans ses analyses, entre intime, politique et esthétique, elle réfléchit aux rôles mouvants de ces images ou de ces mises en scène – apporter un contre-discours, une visibilité, accuser, informer, commémorer, détourner – dans son propre parcours autant que dans la lutte. Pour nous, elle commente quelques œuvres qui composent ce livre indispensable pour bien comprendre les années sida. • QUENTIN GROSSET 60


© ÉLISABETH LEBOVICI

BOBINES

PORTFOLIO

Élisabeth Lebovici sur la place de la République, Paris, 1er décembre 1996 Photo publiée dans le no 44 d’Action. La lettre mensuelle d’Act Up-Paris 61


COURTESY : JULIE AULT / PHOTO : BEN BLACKWELL

BOBINES

ÉLISABETH LEBOVICI

AIDS Timeline, vue d’exposition, MATRIX Gallery, Berkeley Art Museum, University of Columbia, Berkeley, novembre 1989 – janvier 1990 « Ce cliché montre un fragment d’une installation intitulée AIDS Timeline pensée par le collectif américain Group Material. Tout l’espace muséal est séparé par une ligne noire horizontale. Au-dessous, il y a les informations ; au-dessus, les productions culturelles. L’exposition interroge : quelle partie est la plus objective ? Les deux catégories sont mises en relation pour déconstruire des mythes grossiers ou homophobes comme celui du “patient zéro” – qui voulait qu’un steward canadien ait contaminé toute l’Amérique à lui seul. »

62


PORTFOLIO

Enterrement politique de Cleews Vellay, Paris, 26 octobre 1994

© DIANE GABRYSIAK & ANNE MANIGLIER

BOBINES

« Cleews Vellay a été le président d’Act Up-Paris de septembre 1992 à septembre 1994. Il avait demandé des funérailles politiques. On est remontés de la rue Keller jusqu’au Père-Lachaise en bloquant la circulation, en tractant, en criant qu’il était mort à cause de l’inaction du gouvernement. Au cimetière, les activistes ont soufflé dans des cornes de brume qui faisaient un bruit épouvantable. Après, on a passé Dalida, que Cleews aimait beaucoup. Un an plus tard, Act Up a jeté une partie de ses cendres sur des responsables de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. »

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© GRAN FURY

© GRAN FURY

ÉLISABETH LEBOVICI

Gran Fury, Read My Lips (Boys) et Read My Lips (Girls), 1988 Affiches, lithographie offset, 40,64 x 27,3 cm chaque « Ces deux posters du collectif de graphistes Gran Fury, militants à Act Up (New York), ont été pensés pour appuyer des kiss-in. Il y avait à l’époque une sorte de panique autour de la bouche, beaucoup de fantasmes circulaient sur la transmission du sida par la salive. Le titre Read My Lips reprend un élément de discours de Bush père en 1988 qui disait : « Read my lips : no new taxes. » Puisqu’il ne parlait jamais du sida, ils ont repris cette phrase et l’ont retournée positivement pour produire une image forte. »

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ARCHIVES DE L’AUTEURE

BOBINES

PORTFOLIO

Tract produit pour la journée mondiale contre le sida en « commémoration aimante » de l’AIDS Awareness Coalition de Bellingham (Washington), non daté « Il y a un grain particulier dans les visuels de lutte contre le sida. C’est dû aux moyens technologiques qu’on avait à l’époque – on utilisait la machine à écrire, la photocopieuse en noir et blanc. Je ne sais pas vraiment d’où vient cette image, mais je trouve qu’elle joue intelligemment sur la répétition de caractères typographiques. Répéter l’acronyme AIDS, ce n’est pas rien, ça le fait rester en mémoire. Et puis ça crée différentes nuances de blanc, de gris, de noir, ça montre l’étendue des jeux graphiques possibles malgré le manque de moyens. »

65


BOBINES

ÉLISABETH LEBOVICI

The AIDS Memorial Quilt/The NAMES Project, présentation en blocs sur le mall de Washington, circa 1995 « Cleve Jones, un activiste californien, est à l’initiative de cette immense tapisserie collective à laquelle ont participé des personnes en deuil. Celles-ci ont confectionné une couverture personnalisée de la taille d’un suaire, un patchwork de tissus et de matières composites, pour commémorer ceux qu’elles aimaient. Elles y ont mis les dates de naissance et de mort, ont fait référence à ce que les défunts aimaient… Il fallait absolument nommer, décompter les morts, pour perpétuer leur souvenir. »

66


PORTFOLIO Deuxième manifestation annuelle de la New York International Dyke March, New York, 25 juin 1994 « Dans mon livre, je parle beaucoup de l’importance qu’ont eue les lesbiennes dans la lutte contre le sida. Elles ont été largement invisibilisées et il faut contrer ce discours qui va jusqu’à nier le fait qu’elles aient une sexualité ou qu’elles puissent être contaminées par le sida. Les femmes que j’interviewe ont toutes eu un rôle pivot dans les décisions qui ont été prises, dans les actions qui ont été menées. Je tenais beaucoup à les rendre visibles, car je parle à la première personne aussi. »

Art et activisme à la fin du XXe siècle »

BOBINES

d’Elisabeth Lebovici (JRP/Ringier, 320 p.)

© D. R.

© DIANE GABRYSIAK

— : « Ce que le sida m’a fait.

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ZOOM ZOOM LES FILMS DU MOIS À LA LOUPE


12 JUIL. Avant la fin de l’été de Maryam Goormaghtigh Shellac (1 h 20) Page 16 et 82

Love Hunters de Ben Young UFO (1 h 48) Page 82

The Circle de James Ponsoldt Mars Films (1 h 50) Page 101

Un vent de liberté de Behnam Behzadi Diaphana (1 h 24) Page 94

Spider-Man Homecoming de Jon Watts Sony Pictures (2 h 14)

Barrage de Laura Schroeder Alfama Films (1 h 50)

19 JUIL.

La Colle d’Alexandre Castagnetti Universal Pictures (1 h 31)

Ozzy . La grande évasion d’Alberto Rodríguez et Nacho La Casa ARP Sélection (1 h 31) Page 84

Baby Driver d’Edgar Wright Sony Pictures (1 h 53) Page 74

Une femme fantastique de Sebastián Lelio Ad Vitam (1 h 44) Page 84

Eté 93 de Carla Simón Pyramide (1 h 34) Page 86

Valérian et la Cité des mille planètes de Luc Besson EuropaCorp (2 h 16) Page 34

On the Milky Road d’Emir Kusturica Wild Bunch (2 h 05) Page 94

La Région sauvage d’Amat Escalante Le Pacte (1 h 39) Page 86

Peggy Guggenheim. La collectionneuse de Lisa Immordino Vreeland Happiness / mk2 (1 h 36) Page 88

Song to Song de Terrence Malick Metropolitan FilmExport (2 h 08) Page 94

Dunkerque de Christopher Nolan Warner Bros. (1 h 47) Page 94

My Cousin Rachel de Roger Michell Sophie Dulac (1 h 46) Page 95

Hirune Hime Rêves éveillés de Kenji Kamiyama Eurozoom (1 h 50) Page 100

Tom of Finland de Dome Karukoski Rezo Films (1 h 56) Page 94

Transfiguration de Michael O’Shea ARP Sélection (1 h 37) Page 95

26 JUIL.


Les As de la jungle de David Alaux SND (1 h 37)

Out de György Kristóf Arizona Films (1 h 28) Page 88

Une vie violente de Thierry de Peretti Pyramide (1 h 47) Page 26

Buena Vista Social Club Adios de Lucy Walker Metropolitan FilmExport (1 h 50)

# Pire soirée de Lucia Aniello Sony Pictures (1 h 41) Page 95

La Vie de château de Modi Barry et Cédric Ido Happiness (1 h 21) Page 32

Passade de Gorune Aprikian Zelig Films (1 h 25)

Chouquette de Patrick Godeau Wild Bunch (1 h 23) Page 95

Lola pater de Nadir Moknèche ARP Sélection (1 h 35) Page 90

Rio Corgo de Sérgio da Costa et Maya Kosa Norte (1 h 35)

Crash test Aglaé d’Éric Gravel Le Pacte (1 h 25) Page 95

Que dios nos perdone de Rodrigo Sorogoyen Le Pacte (2 h 06) Page 96

Walk with Me de Lisa Ohlin KMBO (1 h 45)

Cars 3 de Brian Fee Walt Disney (1 h 49)

Annabelle 2 La création du mal de David F. Sandberg Warner Bros. (1 h 49)

La Planète des singes Suprématie de Matt Reeves 20 th Century Fox (2 h 20)

Office de Johnnie To Carlotta Films (1 h 59)

2 AOÛT Belle de jour de Luis Buñuel Carlotta Films (1 h 40) Page 6

Les Filles d’Avril de Michel Franco Version Originale / Condor (1 h 43) Page 76

9 AOÛT Djam de Tony Gatlif Les Films du Losange (1 h 37) Page 18

Sleepless de Baran bo Odar Paramount Pictures (1 h 35)

La Tour sombre de Nikolaj Arcel Sony Pictures (N. C.)


16 AOÛT

Les Proies de Sofia Coppola Universal Pictures (1 h 31) Page 78

Wind River de Taylor Sheridan Metropolitan FilmExport (1 h 50) Page 92

Une femme douce de Sergei Loznitsa Haut et Court (2 h 23) Page 90

Upstream Color de Shane Carruth Ed (1 h 36) Page 92

L’Enfant de Goa de Miransha Naik Sophie Dulac (1 h 33.) Page 97

Atomic Blonde de David Leitch Universal Pictures (1 h 55) Page 96

Ciel rouge d’Olivier Lorelle Jour2fête (1 h 31) Page 97

Lou et l’Île aux sirènes de Masaaki Yuasa Eurozoom (1 h 52) Page 97

Egon Schiele de Dieter Berner Bodega Films (1 h 49) Page 96

Nés en Chine de Lu Chuan Walt Disney (1 h 16) Page 101

Patti Cake$ de Geremy Jasper Diaphana (1 h 48) Page 97

Lumières d’été de Jean-Gabriel Périot Potemkine Films (1 h 23) Page 96

Hitman & Bodyguard de Patrick Hughes Metropolitan FilmExport (1 h 51)

Le Prix du succès de Teddy Lussi-Modeste Ad Vitam (1 h 37) Page 97

Summertime de Gabriele Muccino Mars Films (1 h 45) Page 96

23 AOÛT LES FILMS DE PIERRE PRÉSENTE

120 battements pa r m i n u t e UN FILM DE AVEC

ROBIN CAMPILLO

NAHUEL PÉREZ BISCAYART ARNAUD VALOIS ADÈLE HAENEL ANTOINE REINARTZ

SCÉNARIO, ADAPTATION, DIALOGUES

ROBIN CAMPILLO AVEC LA COLLABORATION DE PHILIPPE MANGEOT PRODUIT PAR HUGUES CHARBONNEAU ET MARIE-ANGE LUCIANI AVEC FÉLIX MARITAUD, ARIEL BORENSTEIN, ALOÏSE SAUVAGE, MÉDHI TOURÉ, SIMON BOURGADE, SIMON GUÉLAT, CATHERINE VINATIER, THÉOPHILE RAY, SAADIA BENTAIEB, JEAN-FRANÇOIS AUGUSTE, CORALIE RUSSIER IMAGE JEANNE LAPOIRIE A.F.C. SON JULIEN SICART, VALÉRIE DELOOF, JEAN-PIERRE LAFORCE MUSIQUE ARNAUD REBOTINI MONTAGE ROBIN CAMPILLO DÉCORS EMMANUELLE DUPLAY COSTUMES ISABELLE PANNETIER MAQUILLAGE CÉCILE PELLERIN COIFFURE VIRGINIE DURANTEAU ASSISTANTE MISE-EN-SCÈNE VALÉRIE ROUCHER RÉGIE JULIEN FLICK DIRECTION DE PRODUCTION DIEGO URGOITI-MOINOT EN COPRODUCTION AVEC FRANCE 3 CINÉMA, PAGE 114, MEMENTO FILMS PRODUCTION ET FD PRODUCTION AVEC LA PARTICIPATION DE CANAL +, CINÉ +, FRANCE TÉLÉVISIONS, CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE ET DES NOUVELLES TECHNOLOGIES EN PRODUCTION AVEC LE SOUTIEN DE LA RÉGION ILE-DE-FRANCE ET DE CICLIC-RÉGION CENTRE - VAL DE LOIRE EN PARTENARIAT AVEC LE CNC, DE LA PROCIREP EN ASSOCIATION AVEC INDÉFILMS 5, COFINOVA 13 VENTES INTERNATIONALES FILMS DISTRIBUTION DISTRIBUTION MEMENTO FILMS DISTRIBUTION

120 battements par minute de Robin Campillo Memento Films (2 h 20) Page 46

30 AOÛT

7 jours pas plus de Héctor Cabello Reyes Océan Films (1 h 31)

Gabriel et la Montagne de Fellipe Barbosa Version Originale / Condor (2 h 07) Page 42

Bonne pomme de Florence Quentin ARP Sélection (1 h 41)

Petit paysan d’Hubert Charuel Pyramide (1 h30) Page 80

Seven Sisters de Tommy Wirkola SND (N. C.)


MILLE ET UNE PRODUCTIONS présente

AUDREY GIACOMINI CYRIL DESCOURS

VIETNAM 1946

UNE REBELLE, UN SOLDAT, UN AMOUR INFINI

UN FILM DE

OLIVIER LORELLE ÉCRIT ET PAR EDOUARD MAURIAT ET ANNE-CÉCILE BERTHOMEAU AUDREY GIACOMINI ET CYRIL DESCOURS DIRIGÉ OLIVIER LORELLE PRODUIT EXÉCUTIVE VIET NU – NGUYEN THI CHIEU XUAN IMAGE JEAN-MARC BOUZOU ET YVAN QUÉHEC SON ARNAUD SOULIER MATHIEU RIPKA PRODUCTION 1 ASSISTANTE RÉALISATION HAÏGA JAPPAIN SCRIPTE SOPHIE AUDIER MONTAGE CÉCILE DUBOIS MIXAGE MIKAËL BARRE DÉCORS TRUONG TRUNG DAO EN COPRODUCTION AVEC ERIC ET JEAN-MARC MERLIN, NICOLAS DE BOISGROLLIER - DEXTER STRATEGIC ADVISORY, EDOUARD GEORGE AVEC LA DISTRIBUÉ PAR JOUR2FÊTE ET LE GROUPE PHOENIX VOYAGES PARTICIPATION DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L’IMAGE ANIMÉE ET DE VIETNAM AIRLINES

AVEC

PAR

PRODUCTEUR ASSOCIÉ

ERE

AU CINÉMA LE 23 AOÛT


FILMS

ZOOM

ZOOM

BABY DRIVER

Avec

ses moteurs lancés à pleine balle, sa playlist ultra cool et son avalanche d’effets clip, le Baby Driver d’Edgar Wright (Hot Fuzz, Scott Pilgrim) plaît et surprend grâce à sa sentimentalité furieuse. Succès fou au box-office américain, encensé par des cinéastes aussi différents que William Friedkin, Christopher Nolan ou Guillermo del Toro (qui a twitté que le film ressemblait à « Un Américain à Paris sur roues et sous crack »), Baby Driver est précédé d’une méchante hype. Il faut reconnaître que le nouveau film d’Edgar Wright, qui il y a encore un an se faisait sévèrement dégager du projet Ant-Man de Marvel qu’il était censé réaliser, force l’admiration par son efficacité et sa manière presque nonchalante de mixer action rude et romantisme exacerbé. Dans Scott Pilgrim (2010), Wright parvenait à faire exister des personnages véritablement incarnés au milieu d’un magma d’images virtuelles et pixellisées a priori déshumanisantes – le film était calqué sur une esthétique de jeu vidéo 8 bits. Même topo avec l’effréné Baby Driver. Baby (Ansel Elgort, qui a le côté tête à claque de Tom Cruise dans Risky Business et en même temps la coolitude de Matthew Broderick

dans La Folle Journée de Ferris Bueller) amène une respiration pop dans un univers de bad guys, de carlingues rugissantes et d’accélérations brutales. Chauffeur ultra talentueux qui gagne son blé en faisant le taxi pour des braqueurs, il souffre depuis l’enfance d’un acouphène qu’il couvre en ayant constamment de la musique dans les oreilles. La musique, c’est ce qui fait toute son attitude – quand Baby conduit, il a les gestes gracieux et volatils d’un danseur. Comme en plus il est amoureux transi, il semble avoir des ailes. Mais c’est ce qui lui donne aussi l’air toujours un peu absent, en tout cas ailleurs que dans un film de criminels mûs par l’appât du gain – le sensible Baby, on le verrait plutôt batifoler avec sa dulcinée dans le lyrique La La Land, qui a récemment donné un sérieux coup de boost à la comédie musicale. Et même si Baby Driver n’en est pas vraiment une, le genre innerve le film de toutes parts et amplifie le côté fleur bleue de ce héros taciturne et mystérieux. • QUENTIN GROSSET

Quand Baby conduit, il a les gestes gracieux d’un danseur.

— : d’Edgar Wright

Sony Pictures (1 h 53) Sortie le 19 juillet

74



FILMS

ZOOM

ZOOM

LES FILLES D’AVRIL

Avec

une mise en scène paisible et voluptueuse en paravent, Michel Franco accouche d’un film féroce sur une relation mère-fille anthropophage. Dans une petite maison face à la mer, une jeune femme prépare le petit-déjeuner, l’air un peu résigné, apparemment sourde aux gémissements de plaisir que l’on entend (pourtant très distinctement) en fond sonore. Les cris s’arrêtent et une jeune fille apparaît, nue et moite, exhibant sa beauté insolente et son ventre rond avec un sourire satisfait sous le nez de la cuisinière, qui se révèle être non pas sa domestique mais sa sœur. Malaisante, cette scène annonce le génie du metteur en scène mexicain (Después de Lucia, Chronic) qui distille une tension souterraine dans son film comme un lent poison, déployant son récit cruel avec une grande sérénité, à coups (feutrés) de plans fixes et tranquilles, bercés par le ronronnement des vagues et baignés d’une chaleur engourdissante. La jeune fille enceinte a 17 ans, elle s’appelle Valeria, elle vit avec son amant et sa sœur, Clara, effacée

et complexée, dans une maison simple et douillette en bord du Pacifique mexicain. Alertée par Clara de la grossesse de Valeria qui préférait la lui cacher, leur mère, Avril (Emma Suárez, la Julieta d’Almodóvar), débarque dans le cocon familial pour aider sa fille, rapidement dépassée par l’arrivée du bébé. Très impliquée, la matriarche s’immisce de plus en plus dans la vie de la jeune femme, jusqu’à prendre sa place. C’est qu’il n’y a justement pas de place pour tout le monde ici : entre l’aînée, qui se fait bouffer, sa mère la contraignant à un humiliant régime forcé, et la cadette, qui se fait phagocyter son bébé, Michel Franco filme la maternité – et a fortiori la féminité – comme un impitoyable instinct de survie. • RAPHAËLLE SIMON

— : de

Michel Franco

Version Originale / Condor (1  h  43) Sortie le 2 août

3 FILMS SUR DES MÈRES-MONSTRES Psychose (Alfred Hitchcock, 1960) Depuis son rocking-chair, la mystérieuse gérante d’un motel pousse son fils (très) dévoué à se montrer peu hospitalier avec la clientèle. Plus schizo, tu meurs.

Talons aiguilles (P. Almodóvar, 1992) Sur l’air de « Piensa en mí », la relation explosive (et meurtrière) entre une mère absente et sa fille en mal de reconnaissance. Un grand film d’amour et de pardon. 76

Ma mère (Christophe Honoré, 2004) Gros coup d’Honoré pour son deuxième film : adaptant Bataille, il filme une mère (Isabelle Huppert) conduire son fils (tout jeune Louis Garrel) sur le chemin de la débauche et de l’inceste.



FILMS

ZOOM

ZOOM

LES PROIES

Prix

de la mise en scène à Cannes cette année, cette adaptation du roman historico-claustro de Thomas Cullinan par Sofia Coppola est un thriller étonnamment drôle, d’une beauté formelle ébouriffante. Dans une vaste demeure, la rigide Miss Martha (Nicole Kidman, impériale) règne sur une poignée de jeunes filles et leur institutrice (Kirsten Dunst), cloîtrées dans leur internat sudiste, alors que la guerre de Sécession fait rage depuis trois ans. Flânant dans le sous-bois qui borde la propriété, une pensionnaire tombe sur un soldat de l’Union blessé (Colin Farrell). Le groupe de femmes recueille alors le beau caporal, qui devient l’objet de tous leurs désirs. Soupirs lascifs, regards concupiscents, sous-entendus graveleux : Sofia Coppola illustre avec beaucoup d’ironie le désir frustré qui plane dans ce gynécée et se resserre peu à peu sur

le caporal alité. Mais quand celui-ci a repris des forces, il se mue soudain en vil séducteur. Si le film s’égare sur le terrain poussiéreux de la guerre des sexes à rebondissements, on se pâme devant la science des décors et des lumières (œuvre du chef opérateur français Philippe Le Sourd) déployée. Que ce soit le jardin, jungle luxuriante et indomptable, ou la maison, éclairée à la bougie ou à la lueur du crépuscule, les espaces de ce huis clos se font tantôt cocon rassurant, tantôt piège menaçant. Depuis Virgin Suicides (1999), Sofia Coppola n’a pas son pareil pour agrémenter ses méthodiques dissections de l’ennui. • TIMÉ ZOPPÉ

— : de Sofia Coppola

Universal Pictures (1 h 31) Sortie 23 août

3 QUESTIONS À SOFIA COPPOLA (PAR R. S.) Cette bande d’héroïnes qui portent la culotte, c’est la revanche de Virgin Suicides ? J’aime le fait que les femmes ne soient pas des victimes, et qu’elles aient le pouvoir. Après l’adaptation de Don Siegel, j’avais envie que les femmes racontent leur version de l’histoire, de donner plus de voix aux personnages féminins.

Comment avez-vous imaginé le parc de la maison, cette nature luxuriante et inquiétante ? On a voulu jouer sur le côté sauvage, à l’abandon, du jardin, avec ces grands arbres, cette atmosphère gothique : ces femmes n’ont plus de jardiniers, la nature reprend ses droits. Le jardin devient une métaphore de l’aspect menaçant du monde extérieur. 78

Comment avez-vous travaillé la lumière crépusculaire souvent baignée de brouillard ? Avec Philippe Le Sourd, mon chef op, on s’est inspiré de Tess de Polanski pour créer une atmosphère délicate, féminine, avec cette image diaphane, qui entre en contraste avec l’image plus sombre et menaçante amenée par cet homme qui arrive de la guerre.


design Studio Michel Welfringer

PRIX DU PUBLIC

SECTION PANORAMA BERLINALE 2017

ALTITUDE 100 ET LIAISON CINÉMATOGRAPHIQUE PRÉSENTENT

HIAM ABBASS DIAMAND ABoU ABBoUD JULIETTE NAvIS

(INSYRIATED)

UNE FAMiLLE SYRiENNE  UN fILM DE

PHILIPPE vAN LEEUw

AU CINÉMA LE 6 SEPTEMBRE


FILMS

ZOOM

ZOOM

PETIT PAYSAN

Issu

d’une famille de paysans, Hubert Charuel a préféré les bancs de La Fémis au purin de l’exploitation familiale. Il ne quitte pas sèchement son giron pour autant : la ferme de son enfance est le décor principal de son premier long métrage, dans lequel ses proches tiennent des rôles secondaires. Un parfum autobiographique mâtiné de mauvaise conscience flotte ainsi sur l’air de « quelle vie si j’étais resté ? ». Pas de chronique naturaliste au programme, on le comprend dès la première scène. Le personnage principal, Pierre, voit sa chambre envahie par d’énormes vaches. Issue d’un rêve, l’angoissante vision en dit long sur le refoulé psychologique du petit éleveur laitier. Le trentenaire sacrifie tout pour son troupeau : sa vie sentimentale (sa mère cherche à tout prix à le caser avec la

boulangère du village, occasionnant de piquantes scènes de comédie) ; ses amis (« Depuis quand le boulot handicape pour se bourrer la gueule ? ») ; et, bientôt, ce qui lui reste de santé mentale. Lorsqu’une terrible fièvre hémorragique se met à ravager le cheptel bovin de la région, à la manière de l’authentique virus de la vache folle, Pierre pète un boulon. Et le film de vriller avec lui vers le thriller. L’engrenage sanglant suit sa logique implacable avec efficacité, sans jamais basculer franchement dans l’horreur. Petit paysan y perd en radicalité formelle ce que ses personnages gagnent en nuance et en humanité. • ÉRIC VERNAY

— : d’Hubert Charuel Pyramide (1 h 30) Sortie le 30 août

3 QUESTIONS À HUBERT CHARUEL (PAR Q. G.) Vous avez tourné dans la ferme de vos parents. Quand vous étiez plus jeune, c’était déjà un décor sur lequel vous projetiez des choses ? Pas du tout, car le cinéma est venu assez tard dans ma vie. Au départ, je voulais être vétérinaire, mais j’étais trop nul en sciences. C’est quand on a commencé à écrire le film avec ma coscénariste, Claude Le Pape, qu’est venue l’idée d’investir ce lieu.

Pour ce qui est de l’atmosphère, qu’est-ce qui vous plaisait dans ce lieu ? Son côté pas vraiment rénové ? Oui. Au début, le film est plutôt solaire et naturaliste ; puis on bascule dans le thriller, et là l’atmosphère devient plus industrielle, avec la lumière tungstène, la poussière, la paille, la bouse séchée… Ce sont des choses qui, graphiquement, m’intéressent. 80

Investir le film de genre, c’est pour vous un moyen indirect de parler des angoisses que rencontrent les paysans ? Je ne voulais pas traiter ces problèmes de manière trop frontale. Je souhaitais surtout parler en creux du rapport émotionnel ambigu entre l’homme et l’animal. Ces vaches, les paysans les aiment, mais, en même temps, ils les exploitent.


Fanny Ardant

Blue Monday Productions présente

Tewfik Jallab

Lola

Pater un film de

© CARACTÈRES CRÉDITS NON CONTRACTUELS

Nadir Moknèche

9 AOÛT


FILMS

LOVE HUNTERS

— : de Ben Young UFO (1 h 48) Sortie le 12 juillet

ZOOM

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On

nous conte ici l’histoire, et plus encore le calvaire, de Vicki, une jeune femme séquestrée par un couple de prédateurs sexuels. Dans la continuité de séquences culte de Funny Games de Michael Haneke et de The Descent de Neil Marshall, mais ici dès le premier tiers de l’intrigue, le jeune cinéaste Ben Young joue avec nos nerfs en permettant à son héroïne de s’échapper… pour mieux être rattrapée par ses ravisseurs et retourner à la case départ. Faux espoir pour Vicki comme pour le spectateur, la frustration s’ajoutant à l’angoisse. Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, Young façonne à sa guise la temporalité du récit et son élasticité. C’est notamment le cas lorsque la mère de Vicki se met à sa recherche : Young répète deux fois un même plan où elle apparaît, impuissante, comme s’il voulait l’empêcher de retrouver sa fille. Pour autant, Love Hunters n’est pas détestable, au contraire. L’évidence se fait que Ben Young travaille la rétention de sa propre narration pour mieux décupler notre affection à l’égard de la victime, mais aussi pour nourrir sa propre rage, que l’issue du kidnapping soit fatale à Vicki ou non. On en ressort certes éreinté, mais épaté. • HENDY BICAISE

AVANT LA FIN DE L’ÉTÉ

— : de Maryam Goormaghtigh Shellac (1 h 20) Sortie le 12 juillet

Après

cinq ans d’études à Paris, Arash ne s’est pas fait à la vie française. Ses deux amis iraniens, comme lui, décident d’improviser un voyage à travers le sud du pays dans l’espoir secret de lui trouver une amoureuse et de le faire changer d’avis. Réalisé dans les mêmes conditions de spontanéité que le road trip de ces trois pieds nickelés (une Renault Espace acheté 900 euros sur Leboncoin, une caméra et basta), Avant la fin de l’été n’en est pas moins d’une impressionnante maîtrise formelle. Il faut dire que Maryam Goormaghtigh, dont c’est le premier long métrage de fiction, n’en est pas à son coup d’essai : documentariste chevronnée (elle est l’auteure de plusieurs séries pour Arte), cette passionnée de photographie a déjà l’étoffe d’un petit-maître de l’épure (lire p. 18). Il n’en fallait pas moins pour faire affleurer, sans jamais trébucher sur la cocasserie facile à quoi s’exposaient certaines situations (on pense au personnage d’Arash, bibendum dont l’énormité trouve chez la cinéaste une tendresse idéalement modératrice), le contraste subtil entre allégresse et mélancolie qui fait la grâce de cette virée d’âmes en exils. • ADRIEN DÉNOUETTE

82


MK2 et HAPPINESS DISTRIBUTION présentent

« Une histoire extraordinaire » THE GUARDIAN

TRIBECA FILM FESTIVAL SÉLECTION OFFICIELLE

AFI DOCS FESTIVAL

SÉLECTION OFFICIELLE

TELLURIDE FILM FESTIVAL SÉLECTION OFFICIELLE

LA COLLECTIONNEUSE

DESIGN : MARION DOREL

BECKETT BRÂNCUSI CALDER DALÍ DUCHAMP ERNST GIACOMETTI KANDINSKY LÉGER MIRÓ MONDRIAN POLLOCK ROTHKO

UN FILM DE

LI SA I M M O RD I N O VRE E L A N D


FILMS

OZZY. LA GRANDE ÉVASION

— : d’Alberto Rodríguez

et Nacho La Casa ARP Sélection (1 h 31) Sortie le 12 juillet

ZOOM

ZOOM

La

famille Martin coule des jours heureux en compagnie de son chien casse-cou, Ozzy. Un bonheur paisible qui s’interrompt lorsque les parents, dessinateurs, sont invités au Japon pour un festival de BD. Pour le bien de leur animal de compagnie, ils se sont résolus à le faire garder en pension. Mais derrière le luxe apparent de l’établissement se dissimulent un trafic de frisbees et une prison canine. Ozzy découvre alors l’univers carcéral, son mode de vie à la dure, les multiples abus de pouvoir, mais aussi la grande solidarité entre les codétenus avec lesquels, d’ailleurs, il projette de s’échapper. Bénéficiant du savoir-faire d’un des réalisateurs, Alberto Rodríguez, en matière de 3D (il a écrit un ouvrage consacré au sujet), cette parodie des films de prison transforme le lieu en foyer d’aventures à l’énergie débordante. En décloisonnant progressivement cet espace clos, le film prend une nouvelle dimension, ce que le spectateur décèle notamment à travers des scènes de poursuite étirées et sophistiquées. Ozzy. La grande évasion est une ode à la liberté, ici reconquise par la ruse, qui n’est visiblement pas réservée aux renards. • JOSÉPHINE LEROY

UNE FEMME FANTASTIQUE

— : de Sebastián Lelio Ad Vitam (1 h 44) Sortie le 12 juillet

Le

Chilien Sebastián Lelio, auteur en 2014 du beau Gloria, sur une quinqua fêtarde, suit ici le combat d’une femme discrète en butte à l’hostilité de la famille de son défunt conjoint. Si la jeune et belle Marina chante la nuit sous les néons d’un bar huppé de Santiago, elle ne cherche pas à attirer les regards le jour. Quand Orlando, l’homme mûr avec qui elle vit une passion, meurt soudain d’une attaque après une nuit d’amour, elle se retrouve pourtant violemment exposée devant l’administration (l’hôpital, puis la police) et la famille d’Orlando. Bien plus que la différence d’âge des amants, c’est le fait que Marina soit trans qui intrigue ses interlocuteurs de façon malsaine – ils sont obsédés par ses parties génitales. Sebastián Lelio illustre le désir de Marina de préserver son intimité en la filmant observer son reflet dans les vitres des boutiques, des voitures ou des ascenseurs, comme si elle mettait son image à distance pour mieux se protéger des intrusions. Si le symbolisme autour de l’identité est parfois appuyé, on est envoûté par l’atmosphère de faux polar et par cette humble héroïne déterminée à conserver sa dignité. • TIMÉ ZOPPÉ

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LA RENCONTRE LUMINEUSE DE

MIKKEL BOE FØLSGAARD (ROYAL AFFAIR) ET CECILIE LASSEN (DANSEUSE DU BALLET ROYAL DU DANEMARK)

KMBO PRÉSENTE

CECILIE LASSEN

MIKKEL BOE FØLSGAARD

WALK WITH ME UN FILM DE

LISA OHLIN DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE

ASTA FILM PRÉSENTE MIKKEL BOE FØLSGAARD CECILIE LASSEN KAREN-LISE MYNSTER SILJA ERIKSEN MORTEN HOLST ALBAN LENDORF PETRINE AGGER DAR SALIM & MORTEN KIRKSKOV LARS SKREE MONTEUR ANDERS NYLANDER SON EDDIE SIMONSEN DIRECTEUR AUDIO LARS MITCH FISHERMANN MUSIQUE ORIGINALE SEBASTIAN ÖBERG MAGNUS JARLBO MUSIQUE DU THÉATRE LOUISE ALENIUS MUSIQUE RUNE KLAUSEN & BENJAMIN BREHM FISHERMANN SCÉNOGRAPHE JACOB STIG OLSSON COSTUMIER LOUIZE NISSEN MAQUILLEUSE LINDA BOIJE AF GENNÄS GAFFER ANDY COLE CHORÉGRAPHE GREG DEAN PRODUCTEUR VFX ANDREAS HYLANDER PRODUCTEUR DÉLÉGUÉ MALTE FORSSELL CO-PRODUCTEUR PETER HILTONEN JESSICA ASK PRODUCTEUR EXÉCUTIF HENRIK ZEIN PRODUCTEUR PER HOLST IDÉE LISA OHLIN HISTOIRE LISA OHLIN & KARINA DAM SCÉNARIO KARINA DAM RÉALISATRICE LISA OHLIN Produit par ASTA FILM en co-production avec NORDISK FILM PRODUCTION, ILLUSION FILM & FILM VÄST en coopération avec FILMFYN / BO DAMGAARD, CHIMNEY, TV2 DANMARK, SVERIGES TELEVISION avec le support de DET DANSKE FILMINSTITUT / STEEN BILLE, SVENSKA FILMINSTITUTET / SUZANNE GLANSBORG, NORDISK FILM & TV FOND / TORLEIF HAUGE, EURIMAGES & CREATIVE EUROPE MEDIA PROGRAMME. Ventes internationales TRUSTNORDISK.

SORTIE LE 26 JUILLET


FILMS

ÉTÉ 93

— : de Carla Simón Pyramide (1 h 34) Sortie le 19 juillet

ZOOM

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Frida

(la prometteuse Laia Artigas, à l’énergie sauvage et au regard perçant) a 6 ans lorsque sa mère meurt du sida. Orpheline, elle est recueillie par son oncle et sa tante qui vivent avec leur fille de 4 ans à la campagne, loin de son Barcelone natal. D’abord craintive, Frida se refugie dans la religion, avant de trouver sa place dans sa nouvelle et triste réalité. Pour écrire Été 93, consacré Prix du meilleur premier film au Festival de Berlin, Carla Simón s’est inspirée de sa propre histoire. La finesse avec laquelle la réalisatrice de 31 ans capture, le temps d’un été, les émotions de cette famille en souffrance est éblouissante. Dans de longs et paisibles plans-séquences, elle laisse sourdre les tourments de ces âmes en peine qui portent le deuil chacune à sa hauteur et à sa manière, entre colère sourde, effronterie enfantine et intarissable tristesse. Judicieusement mis en contraste avec l’innocence de sa cousine, le désenchantement de l’héroïne condamnée à grandir trop vite est bouleversant. Affirmant la noirceur de son personnage avec aplomb et sans pathos – mais avec un regard toujours tendre et juste –, Carla Simón livre un premier film d’une grande maturité. • ANNABELLE CHAUVET

LA RÉGION SAUVAGE

— : d’Amat Escalante Le Pacte (1 h 39) Sortie le 19 juillet

Le

Mexicain Amat Escalante, jusque-là rompu au réalisme sombre (Los Bastardos, Heli), glisse vers le fantastique avec cette étrange fable érotique. En guise de prologue, un plan sur une météorite flottant dans l’espace. C’est sans doute là l’origine de la créature qu’un couple de chercheurs cache dans sa cabane au fond des bois au Mexique, une sorte de grande pieuvre qui envoûte sexuellement les humains via ses tentacules. Si Veronica ne peut plus s’en passer, le monstre, lui, s’est lassé d’elle et commence à se montrer violent. La jeune femme part donc dans la petite ville voisine pour rabattre de nouvelles proies, ce qui l’amène à rencontrer un trio dysfonctionnel : un homme, son épouse et le frère de celle-ci… Le cinéaste prend le parti de ne pas jouer le hors-champ en dévoilant très vite l’aspect de la créature alien, cette allégorie explicite – visiblement inspirée de la célèbre estampe Le Rêve de la femme du pêcheur de Hokusai – des pulsions les plus primitives de l’être humain. Beaucoup plus troubles et complexes, les interactions entre le quatuor de personnages achèvent de faire de ce thriller érotique un ovni qui nous hante pendant longtemps. • TIMÉ ZOPPÉ

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“Un premier film remarquable” THE HOLLYWOOD REPORTER

UN FILM DE KIRSTEN TAN

NEW INFLUENCE CENTURY FILMS, GIRAFFE PICTURES Présentent UNE PRODUCTION E&W FILMS En association avec A GIRL AND A GUN, 185 FILMS Avec la participation de SINGAPORE FILM COMMISSION Fondé par TORINOFILMLAB Ce film a reçu une subvention de la JEROME FOUNDATION Avec le soutien de CINEFONDATION Sélectionné par BERLINALE TALENTS SCRIPT STATION 2014 Une Co-production SINGAPOUR-THAÏLANDE “POP AYE” THANETH WARAKULNUKROH, PENPAK SIRIKUL, BONG Monteur LEE CHATAMETIKOOL Compositeur MATTHEW JAMES KELLY Chef décorateur RASIGUET SOOKKARN Directeur de la photographie CHANANUN CHOTRUNGROJ Producteur exécutif ANTHONY CHEN Producteur LAI WEIJIE Producteurs DENG LI, ZHANG JIANBIN, HUANG WENHONG Co-producteur SOROS SUKHUM Ecrit et réalisé par KIRSTEN TAN

AU CINÉMA LE 6 SEPTEMBRE


FILMS

PEGGY GUGGENHEIM

— : « Peggy Guggenheim. La collectionneuse » de Lisa Immordino Vreeland Happiness / mk2 (1 h 36) Sortie le 26 juillet

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Peggy

Guggenheim collectionnait aussi bien les œuvres d’art que les amants. Dans les deux cas, son flair fut exceptionnel. Si l’on compte Samuel Beckett, Yves Tanguy et Marcel Duchamp parmi ses conquêtes – sans oublier son second mari, Max Ernst –, la New-Yorkaise peut surtout se targuer d’avoir précocement humé les avant-gardes européennes du xxe siècle (Surréalisme, Cubisme…) puis d’avoir révélé un génie moderne tel que Jackson Pollock. Avec ce documentaire échafaudé autour d’un passionnant entretien audio avec Peggy Guggenheim (trésor jusqu’alors inédit), Lisa Immordino Vreeland croque la grande galeriste américaine en suivant un parcours chronologique. De son enfance de vilain petit canard au sein d’une famille stricte et fortunée à ses vieux jours dans un palazzo vénitien (l’actuel musée Guggenheim de Venise), en passant par sa jeunesse débridée au cœur du Paris bohème des Années folles, on découvre une mécène à la fois timide et scandaleuse, pingre et généreuse, superficielle et courageuse, qui relativisait ses succès avec une touchante modestie : « J’ai toujours su m’entourer. » • ÉRIC VERNAY

OUT

— : de György Kristóf Arizona Films (1 h 28) Sortie le 2 août

Portrait

sensible d’un quinquagénaire qui largue les amarres, ce premier film prometteur, découvert à Cannes dans la sélection Un certain regard, navigue entre constat politique et dérive poétique. Fraîchement licencié de son usine en Slovaquie, Ágoston décide de prendre le large. Laissant sa femme et sa fille, ce passionné de pêche met le cap sur la Lettonie où il espère trouver un emploi. Au fil de son périple, il rencontre des individus fantasques : une jeune femme dont le seul compagnon est un lapin empaillé, un Russe bagarreur dont l’épouse est refaite de la tête aux pieds… Au-delà de cette galerie de personnages hauts en couleur, Out évoque une réalité politique préoccupante : l’accueil hostile réservé aux travailleurs étrangers. Mais György Kristóf signe surtout un conte métaphysique dont le héros est un doux rêveur qui affronte le temps qui passe, tel un marin qui se bat contre les éléments. Des plans visuellement inspirés confrontent Ágoston à l’immensité de la nature (l’océan, la forêt), à une modernité parfois absurde (un impossible dialogue par Skype, un selfie) et à des paysages urbains perturbants (une boîte techno filmée comme un bocal). • JULIEN DOKHAN

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FILMS

LOLA PATER

— : de Nadir Moknèche ARP Sélection (1 h 35) Sortie le 9 août

ZOOM

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À

la mort de sa mère, Zino (Tewfik Jallab), jeune accordeur parisien, n’a plus qu’une idée en tête : retrouver la trace de Farid, son père, pour lui annoncer la nouvelle. Il espère aussi renouer des liens rompus depuis que celui-ci a quitté le foyer, vingt ans auparavant. Juché sur sa moto, le jeune homme finit par sonner à la porte de Lola (Fanny Ardant), une prof de danse orientale installée en Camargue. Peu à peu, la vérité éclate : Lola est née Farid… À partir d’un récit familial complexe, Nadir Moknèche aborde habilement le champ difficile de l’identité sexuelle tout en questionnant la filiation par le biais de l’idéalisation de la figure paternelle, toujours construite sur des mythes tenaces – dans une quête existentielle vaine, le fils cherche l’archétype du père viril, robuste, imposant. À rebours de cet imaginaire préfabriqué, Fanny Ardant interprète avec finesse un personnage audacieux et émancipé des carcans, dans une mise en scène réaliste aux accents fantasques. En toile de fond, la musique incite sans cesse ces deux êtres à se mettre au diapason, dans l’idée que les hommes, comme les instruments, se réparent. • JOSÉPHINE LEROY

UNE FEMME DOUCE

— : de Sergei Loznitsa Haut et Court (2 h 23) Sortie le 16 août

Pressenti

pour décrocher la Palme d’or à Cannes par une partie de la critique, Une femme douce du cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa a sans doute gagné celle du « film auscultant l’âme russe à travers la lunette de la destinée individuelle », au coude à coude avec Faute d’amour d’Andreï Zviaguintsev et Tesnota. Une vie à l’étroit de Kantemir Balagov. C’est à travers le regard de cette « femme douce », presque mutique, étrangère et résiliente aux événements tel l’idiot de Fiodor Dostoïevski (dont le réalisateur adapte ici une nouvelle fantastique), et son long périple pour retrouver son mari emprisonné que se déploie inlassablement le portrait d’une société malade, peuplée de monstres et de victimes portant tous les stigmates de l’arbitraire et de l’aliénation, empoisonnée par la rancœur et la misère morale. Le film, alors que Lynch entre sur les terres de Dostoïevski et que Kafka se fait opérer par Hitchcock, s’enfonce dans le cauchemar jusqu’à la fange. Il fallait bien un réalisateur aussi complet et complexe que Loznitsa pour y faire naître, in extremis, la fleur amère d’un appel à la bienveillance. • MICHAËL PATIN

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Une histoire de coUrage, d’amoUr, de liberté.

tom

Un Film de dome KarUKosKi

oF Finland PRéSENTENT AVEC ANAGRAM VÄST, FRIDTHJOF FILM, NEUTRINOS PRODUCTIONS ET FILM I VÄST HELSINKI-FILMI EN CO-PRODUCTION UN FILM DE DOME KARUKOSKI “TOM OF FINLAND” LASSE FRANK DFF. PEKKA STRANG LAURI TILKANEN JESSICA GRABOWSKY TAISTO OKSANEN SEUMAS SARGENT JAKOB OFTEBRO NIKLAS HOGNER HARRI YLÖNEN NIKLAS SKARP CHRISTIAN HOLM HILDUR GUÐNADÓTTIR LASSE ENERSEN FORTUNATOR MUSIC GMBH CHRISTIAN OLANDER ANNA VILPPUNEN JOHANNA ELIASON LARS CARLSSON MALIN SÖDERLUND GUNNAR CARLSSON MIRIAM NØRGAARD CAROLINE EYBYE INGVAR ÞÓRÐARSON SOPHIE MAHLO SIMON PERRY ALEKSI BARDY MIIA HAAVISTO ANNIKA SUCKSDORFF ALEKSI BARDY ALEKSI BARDY DOME KARUKOSKI DOME KARUKOSKI DIRECTEUR DE LA PHOTOGRAPHIE

COSTUMES

SOUND DESIGNERS

COMPOSITEUR PRINCIPAL

ET

MAQUILLAGE

ET

PRODUCTEURS

COMPOSITEUR

DéCORS

COPRODUCTEURS

SCéNARIO

D’APRèS UNE HISTOIRE DE

ET

RéALISé PAR

TOM OF FINLAND ® is a registered trademark of Tom of Finland Foundation, Inc., Los Angeles, Californai. TOM OF FINLAND images are copyrighted and used with permission from Tom of Finland Foundation. Tom of Finland Movie

le 19 JUillet

Affiche © Pierre Collier 2017.

MONTAGE


FILMS

UPSTREAM COLOR

— : de Shane Carruth Ed (1 h 36) Sortie le 23 août

ZOOM

ZOOM

Une

dizaine d’années après Primer, Shane Carruth confirme avec Upstream Color sa polyvalence (il en est le réalisateur, le scénariste, le compositeur, l’acteur et le monteur), et aussi son goût pour l’étrange. Le film débute par le rapt et l’hypnose subis par une jeune femme, qui va ensuite chercher à comprendre ce qui lui est arrivé. L’idéal, pour le spectateur, est alors de se laisser happer par le récit, l’esprit ouvert. L’inventivité sans filtre ni filet de Carruth ne semble connaître aucune limite, allant jusqu’à traiter un sujet aussi fantasque que la métempsycose porcine ; et puisqu’il croit pleinement en chacun de ses excès, alors nous aussi. Carruth ne laisse de toute façon jamais le doute s’instiller, une nouvelle proposition renversante dévorant et dépassant systématiquement la précédente. Upstream Color est en cela une œuvre mutante, ce qui explique aussi l’attention portée à sa propre biocénose – aux larves générant une symbiose télékinésique chez des couples humains, comme dans Pacific Rim de Guillermo del Toro, succèdent de mystérieuses orchidées bleues qui renvoient autant à Adaptation de Spike Jonze qu’aux Fleurs bleues de Raymond Queneau. • HENDY BICAISE

WIND RIVER

— : de Taylor Sheridan Metropolitan FilmExport (1 h 50) Sortie le 30 août

Connu

pour avoir signé le scénario du ténébreux Sicario de Denis Villeneuve, Taylor Sheridan passe pour la deuxième fois derrière la caméra avec Wind River. Situant sa nouvelle histoire dans les vallées enneigées d’une réserve indienne, le réalisateur ne fait pas franchement mystère de ses intentions. Soit un remake hivernal du film de Villeneuve, qui troquerait la chaleur aride de la frontière américano-mexicaine pour le grand froid du Wyoming. On y suit ainsi une jeune agent fédérale (Elizabeth Olsen) catapultée au milieu d’un monde d’hommes qui ne cesseront de mettre à l’épreuve son autorité. Traquant les responsables d’un crime sordide, cette officielle butée saura s’adjoindre l’aide ambiguë d’un chasseur du terroir (Jeremy Renner) qui veille sur cette région à l’agonie grâce à son coup de fusil chirurgical. Si la mise en scène de Sheridan peine parfois à singer l’amplitude et l’intensité de celle de Villeneuve, son polar en territoire excentré demeure un film maîtrisé rejouant avec inspiration l’éternel conflit entre l’Amérique et sa barbarie originelle. • LOUIS BLANCHOT

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COURAMIAUD © CARACTÈRES

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AOÛT


FILMS SONG TO SONG

Suivant deux couples dans un marivaudage chic, Terrence Malick emprunte à Mike Nichols l’argument de Closer – ainsi que l’actrice Natalie Portman. Seulement lui bombarde ses quatre personnages sur la scène musicale d’Austin, dans un tourbillon sensoriel qui, certes, confine à l’abstraction, mais parvient à saisir la pureté du sentiment amoureux. • H. B.

— : de Terrence Malick (Metropolitan FilmExport, 2 h 08) Sortie le 12 juillet

ON THE MILKY ROAD

Avec une fantaisie un peu étourdissante, cette fable suit l’histoire d’amour cabossée entre un soldat, Kosta (Emir Kusturica), et une mystérieuse réfugiée politique, Nevesta (Monica Bellucci), pendant la guerre de Yougoslavie… Le réalisateur pousse le burlesque à son paroxysme, brouillant soigneusement la frontière entre fantastique et réalité. • A. C.

— : d’Emir Kusturica (Wild Bunch, 2 h 05) Sortie le 12 juillet

DUNKERQUE

Trois ans après Interstellar débarque le très attendu nouveau film de Christopher Nolan – que nous n’avons pas pu voir. Il remet en scène l’évacuation des troupes alliées de Dunkerque en mai 1940, avec des pointures comme Tom Hardy ou Kenneth Branagh, et des petits nouveaux parfois surprenants comme Harry Styles, membre du boys band One Direction. • T. Z .

— : de Christopher Nolan (Warner Bros., 1 h 47)

Sortie le 19 juillet

TOM OF FINLAND

De la Seconde Guerre mondiale aux années sida, évocation de la vie et l’œuvre de l’artiste finlandais Tom of Finland, connu pour ses dessins homoérotiques célébrant une virilité exacerbée. Laissant de côté la question du fantasme, ce biopic respectueux et étonnamment chaste a le mérite de sortir de l’ombre une figure majeure de la culture gay. • J. Do.

— : de Dome Karukoski (Rezo Films, 1 h 56) Sortie le 19 juillet

UN VENT DE LIBERTÉ

Niloofar étouffe sous le ciel pollué de Téhéran. Dernière célibataire de la famille, la jeune femme est contrainte d’abandonner son emploi pour veiller sa mère malade à la campagne… Avec un regard bienveillant, le réalisateur iranien libère son héroïne du poids du patriarcat pour nous livrer un poignant récit d’émancipation. • A. C.

— : de Behnam Behzadi (Diaphana, 1 h 24) Sortie le 19 juillet

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FILMS MY COUSIN RACHEL

Au xixe siècle, Philip, un noble anglais, veut se venger de Rachel, la veuve de son cousin – dans ses lettres, celui-ci écrivait que sa femme le tourmentait. Arrivé dans la résidence de son aïeul en Italie, Philip commence à être charmé par Rachel… Dans cette adaptation sinueuse du roman de Daphné du Maurier, Rachel Weisz dégage un vrai trouble. • Q. G.

— : de Roger Michell (Sophie Dulac, 1 h 46)

Sortie le 26 juillet

TRANSFIGURATION

La bonne idée de ce film de vampires est de faire de son héros, un ado noir-américain qui se découvre un goût nouveau pour le sang humain au moment où une nouvelle voisine l’éveille au désir, un fan inconditionnel... de films de vampires. En lui épargnant la naïveté des habituels héros du genre, le réalisateur offre à son jeune personnage une belle épaisseur. • J. R.

— : de Michael O’Shea (ARP Sélection, 1 h 37) Sortie le 26 juillet

CRASH TEST AGLAÉ

Luttes syndicales et réflexions sur la mondialisation se mêlent à un road trip loufoque dans lequel une jeune ouvrière têtue et naïve (India Hair) quitte la région parisienne avec deux amies pour rejoindre en voiture son usine, délocalisée en Inde… Si le film ne propose peut-être pas une fine analyse sociologique, les ressorts comiques, eux, sont efficaces. • A. C.

— : d’Éric Gravel (Le Pacte, 1 h 25) Sortie le 2 août

# PIRE SOIRÉE

Des amies de fac se retrouvent dix ans plus tard pour enterrer la vie de jeune fille de l’une d’elles (Scarlett Johansson). Après un bête accident, elles se démènent pour cacher un corps alors qu’elles sont saoules et droguées… On sent quelques bonnes vapeurs de Broad City (géniale série coécrite par Lucia Aniello, ici réalisatrice), dans ce Very Bad Trip au féminin. • T. Z .

— : de Lucia Aniello (Sony Pictures, 1 h 41)

Sortie le 2 août

CHOUQUETTE

Tous les ans, Chouquette (Sabine Azéma) prépare à son mari une fête d’anniversaire snobée par les invités comme par l’intéressé. Cette fois, sa vieille amie Diane (Michèle Laroque) et son petit-fils Lucas sont là. Une entorse au rite qui se mue en road trip sur des terres bretonnes capricieuses… Par touches de bizarreries, le récit tangue subtilement de l’amer au doux. • J. L .

— : de Patrick Godeau (Wild Bunch, 1 h 23) Sortie le 2 août

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FILMS QUE DIOS NOS PERDONE

Une enquête sur un tueur en série gérontophile dans le Madrid caniculaire de l’été 2011, sur fond de manifs des Indignados et de venue controversée du pape Benoît XVI. Flics aussi névrosés que le tueur, course-poursuite urbaine et décharges de violence sont les ingrédients classiques mais plutôt efficaces de ce polar poisseux en forme d’impasse morale. • É. V.

— : de Rodrigo Sorogoyen (Le pacte, 2 h 06) Sortie le 9 août

EGON SCHIELE

Au début du xxe siècle, le jeune peintre Egon Schiele secoua la scène viennoise avec ses nus féminins puissants et son refus de toute compromission. Sans bousculer les conventions du genre, ce biopic instructif, centré sur les relations de l’artiste écorché vif avec les femmes (ses modèles et amantes, son épouse, sa sœur), est porté par de fougueux interprètes. • J. Do.

— : de Dieter Berner (Bodega Films, 1 h 49) Sortie le 16 août

ATOMIC BLONDE

Une espionne britannique est envoyée à Berlin pour une mission à haut risque au moment où la ville est plongée dans l’instabilité et la paranoïa, à quelques jours de la chute du mur. Au centre de ce thriller à l’imagerie de comics (violence stylisée, personnages archétypaux, mouvements de caméras défiant la raison) trône Charlize Theron. • J. R.

— : de David Leitch (Universal Pictures, 1 h 55) Sortie le 16 août

LUMIÈRES D’ÉTÉ

Bouleversé par le témoignage d’une survivante de Hiroshima, un réalisateur japonais officiant pour la télé française part se remettre de ses émotions dans un jardin de la ville. Il y fait la rencontre d’une étrange jeune femme qui semble sortie des souvenirs de la rescapée. Un kaïdan (récit de fantômes japonais) feutré, dans la veine apaisée du genre. • A. D.

— : de Jean-Gabriel Périot (Potemkine Films, 1 h 23) Sortie le 16 août

SUMMERTIME

S’il raconte une histoire classique – deux ados angoissés à l’idée de quitter le lycée –, le teen movie de Gabriele Muccino bouleverse néanmoins avec brio les codes du genre en confiant à un couple gay le rôle d’initier les deux héros, Maria et Marco. Le temps d’un été à San Francisco, ils vont apprendre à écouter leurs désirs et à se libérer de leurs préjugés. • A. C.

— : de Gabriele Muccino (Mars Films, 1 h 45) Sortie le 16 août

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FILMS CIEL ROUGE

À travers la romance entre Philippe, un soldat français, et Thi, une rebelle vietnamienne, ce drame délicat met à l’épreuve les convictions politiques et les sentiments amoureux pendant la guerre d’Indochine. Cultivée par un très beau thème au piano et de subtils dialogues qui résonnent pendant un long moment, la poésie d’Olivier Lorelle est captivante. • A. C.

— : d’Olivier Lorelle (Jour2fête, 1 h 31) Sortie le 23 août

LE PRIX DU SUCCÈS

Arrivé à un tournant de sa carrière, Brahim (Tahar Rahim), comique à succès, doit choisir de se délester – ou non – de son manager de frère, Mourad (Roschdy Zem), très sanguin… Par le biais d’un drame familial tendu, le réalisateur de Jimmy Rivière (2011) observe les enjeux de la réussite sociale en France quand on vient d’un milieu modeste. • T. Z .

— : de Teddy Lussi-Modeste (Ad Vitam, 1 h 37)

Sortie le 30 août

L’ENFANT DE GOA

Goa, à l’ouest de l’Inde. Les Ghatis, des travailleurs venus d’autres États indiens, vivent sous le joug de Juze, un vendeur de sommeil. Le jeune Santosh s’arme de courage et le défie. En s’interrogeant sur la domination sociale, ce drame intelligent traite autant des frustrations collectives que des blessures intimes d’un adolescent qui n’a plus rien d’insouciant. • J. L .

— : de Miransha Naik (Sophie Dulac, 1 h 33) Sortie le 30 août

LOU ET L’ÎLE AUX SIRÈNES

Kai, collégien taciturne, rencontre une sirène, Lou, qui le séduit de sa voix cristalline. Dans une ronde aquatique spectaculaire et fluorescente, ce film d’animation japonais – primé au festival d’Annecy, où il a remporté le Cristal du long métrage – s’empare brillamment du mélange de peur et de fascination collectives suscité par la figure de l’étranger. • J. L .

— : de Masaaki Yuasa (Eurozoom, 1 h 52) Sortie le 30 août

PATTI CAKE$

Dans un patelin du New Jersey, Patricia, 23 ans, se rêve en star du hip-hop. Mais difficile de s’affranchir de sa timidité, de sa paye de serveuse et de sa mère alcoolique à la carrière de chanteuse brisée… Pour son premier film, Geremy Jasper signe un feel-good movie un brin attendu mais bourré d’énergie et révèle une actrice prometteuse : Danielle Macdonald. • T. Z .

— : de Geremy Jasper (Diaphana, 1 h 48) Sortie le 30 août

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de Michael Bay

TRANSFORMERS : THE LAST KNIGHT

MOI, MOCHE ET MÉCHANT 3 de Tarik Saleh

avec les voix de Gad Elmaleh et Audrey Lamy

LE CAIRE CONFIDENTIEL

LES HOMMES DU FEU SPIDER-MAN : HOMECOMING avec Ryan Gosling, Natalie Portman, Rooney Mara et Michael Fassbender

avec Roschdy Zem et Emilie Dequenne

avec Michael Keaton et Robert Downey Jr.

SONG TO SONG

ON THE MILKY ROAD SALES GOSSES

de Emir Kusturica

avec Thomas Solivérès

de Christopher Nolan

DUNKERQUE

VALÉRIAN ET LA CITÉ DES MILLE PLANÈTES avec les voix de Guillaume Canet et Gilles Lellouche

CARS 3

LA PLANÈTE DES SINGES : SUPRÉMATIE

RATTRAPAGE

de Luc Besson

avec Woody Harrelson

avec Jimmy Labeeu et Vincent Desagnat

UGC CINE CITE – RCS de Nanterre 347.806.002 – 24 avenue Charles de Gaulle, 92200 Neuilly-sur-Seine

Seul ou à deux, à partir de 17,90€ par mois

sur les frais de dossier

Offre valable du 5 juillet au 8 août 2017

Plus de 1000 films par an dans plus de 700 salles Conditions sur ugc.fr et au 01 76 64 79 64

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LE TROISCOULEURS DES ENFANTS


LA CRITIQUE D’ÉLISE, 8 ANS

COUL' KIDS

© D. R.

HIRUNE HIME. RÊVES ÉVEILLÉS

« L’héroïne du film s’appelle Kokoné. C’est une fille très têtue, elle me ressemble beaucoup. Son prénom fait penser à une coque qui serait dans un nez, et ça, c’est très bizarre. Le film est un manga, le type de “dessination” n’est pas pareil : les personnages ont beaucoup de reflets dans les yeux, et les cheveux sont très sophistiqués. Parfois, Kokoné s’endort, et ses rêves sont reliés à sa réalité. Du coup, on fait des rêves, mais en étant triangle éveillés – d’où le titre. Des fois, j’étais un peu mélangée entre les rêves et la réalité, mais c’est fait exprès. Grâce à ses rêves, Kokoné règle ses problèmes : elle comprend mieux les choses qui l’entourent, comme les réactions des gens. C’est pareil pour moi : quand je suis très énervée contre papa et maman, le soir, j’y pense très fort quand je m’endors ; ensuite je rêve et, le lendemain, j’ai tout oublié ! Ma colère a éclaté : pouf ! Comme ça, dans la nuit. Ce film, tout le monde peut le regarder : tous les âges, tous les pays, tous les sexes, qu’on soit petit, grand, vieux ou gros. »

LE PETIT AVIS DU GRAND Hirune Hime. Rêves éveillés marque un changement de cap dans la carrière de Kenji Kamiyama, après la formidable série Ghost in The Shell. Stand Alone Complex. À la fois chronique adolescente et aventure merveilleuse, le film se partage entre un univers fantastique, dans lequel une petite sorcière combat un géant de lave, et le monde réel, où une jeune fille doit retrouver son père et élucider les nombreuses énigmes qui émaillent sa vie familiale. Les deux histoires se font évidemment écho, jusqu’à une superbe révélation finale qui trace un émouvant parallèle entre l’héroïne et sa mère disparue. • JULIEN DUPUY

— : « Hirune Hime. Rêves éveillés » de Kenji Kamiyama Sortie le 12 juillet Eurozoom Dès 7 ans

RETROUVE LE MOT INTRUS QUI S’EST GLISSÉ DANS LA CRITIQUE D’ÉLISE : T_ _ _ _ _ _ _

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CINÉMA

Titre du film : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Nom du réalisateur : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Résume l’histoire : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. Ce qui t’a le plus plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ................................................................. ................................................................. ................................................................. ................................................................. En bref : Prénom et âge : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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PRENDS TA CRITIQUE EN PHOTO ET ENVOIE-LA À L’ADRESSE BONJOUR@TROISCOULEURS.FR, ON LA PUBLIERA SUR NOTRE SITE !

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THE CIRCLE

NÉS EN CHINE

Dans un futur proche, une brillante jeune femme intègre une grande entreprise de technologies et de réseaux sociaux qui repousse les limites de la vie privée… Portée par Emma Watson, The Circle critique avec limpidité les potentiels dangers des nouveaux moyens de communication. • T. Z.

Dans des paysages chinois sauvages et grandioses, la caméra du documentariste suit avec douceur et tendresse la première année d’existence de plusieurs adorables animaux (pandas, panthères des neiges…). Émerveillement et détente garantis pour petits et grands amoureux de la nature. • A. C.

: de James Ponsoldt (Mars Films, 1 h 50)

: de Lu Chuan (Walt Disney, 1 h 16)

Sortie le 12 juillet

Sortie le 23 août

dès 10 ans

dès 5 ans

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COUL' KIDS

Ce qui t’a le moins plu : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


L’INTERVIEW D’ETHAN ET BLUE

AUDREY LIBOIS SOIGNEUSE AU PARC ZOOLOGIQUE DE PARIS

COUL' KIDS

Est-ce que tu soignes tous les animaux ?

Non, il y a plus de deux mille animaux au parc zoologique de Paris, chaque soigneur a son secteur. Je travaille dans la grande serre, on y trouve des lamantins, des reptiles, des oiseaux... Moi, je m’occupe des animaux qui viennent de Madagascar et de Guyane : des lémuriens, des paresseux, des primates, des tapirs, des jaguars... C’est comment tes journées ? Quand j’arrive le matin, à 8 heures, je fais le tour de « mes » animaux, je vérifie qu’ils ont passé une bonne nuit. Après, je vais chercher leurs gamelles dans les cuisines du parc et je leur sers leur petit-déjeuner. Je leur donne à manger plusieurs fois par jour. Chaque jour, je dois aussi nettoyer leurs espaces de vie. Avec les animaux, je fais de l’entraînement médical. Ce sont des exercices qui nous permettent de les approcher et de les soigner sans avoir forcément besoin de les anesthésier. Comment sais-tu qu’un animal est malade ? Je vois mes animaux tous les jours, c’est un peu comme un parent avec son enfant, je les connais bien, alors je détecte tout de suite si quelque chose cloche. Si un animal est un peu ronchon ou qu’il mange moins que d’habitude, j’avertis le vétérinaire. C’est lui qui va l’examiner et prescrire des médicaments, mais c’est moi qui chaque jour vais lui donner son traitement. Comment devient-on soigneur ? Il y a des écoles, mais on fait surtout beaucoup de stages dans des parcs zoologiques, pour apprendre le métier. Quel est ton animal préféré ? J’adore tous les félins, et plus particulièrement les lionnes – elles sont très puissantes, elles ont du caractère et elles sont belles.

As-tu peur d’un animal ? J’ai très peur des araignées. Heureusement ce n’est pas moi qui m’occupe des mygales. Je n’aime pas trop les serpents, mais j’ai appris à mieux les connaître et, du coup, je les crains moins. Est-ce que tu as déjà eu peur dans ton travail ? Oui, parce qu’il arrive qu’il y ait des accidents dans les parcs zoologiques. Tous les animaux sont potentiellement dangereux. Quand on entre dans leur espace, il faut toujours être concentré, et on ne s’amuse pas à leur faire des câlins. Tu as déjà rencontré un gros problème ? Non, juste une petite morsure une fois, un primate qui a pris mon doigt pour un grain de raisin ! Mais rien de grave. • PROPOS RECUEILLIS PAR ETHAN ET BLUE (AVEC CÉCILE ROSEVAIGUE) PHOTOGRAPHIE : ROMAIN GUITTET

COMME ETHAN ET BLUE, TU AS ENVIE DE RÉALISER UNE INTERVIEW ? DIS-NOUS QUI TU AIMERAIS RENCONTRER EN ÉCRIVANT À BONJOUR@TROISCOULEURS.FR

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LE DEBRIEF Ethan, 6 ans, et Blue, 7 ans, sont allés au parc zoologique de Paris pour rencontrer Audrey Libois, une soigneuse. Ethan : « J’ai trouvé Audrey très gentille et je suis sûre qu’elle est comme ça avec les animaux. » Blue : « Audrey nous a emmenés dans les cuisines, où on prépare les repas des animaux – c’est comme dans un restaurant. On a pris une photo avec les lamantins. Ils sont énormes. Pourtant, ils mangent beaucoup de salade verte. »


TOUT DOUX LISTE

PARENTS FRIENDLY

TOUT FEU, TOUT FLAMME

EXPO

Partez à la découverte des dragons avec « Dragonland », exposition mutante qui débute sagement en misant sur l’aspect pédagogique, avant de dévoiler trente créatures géantes et automatisées. Les plus jeunes profiteront même d’un tour de carrousel, mémorable balade à dos de dragons.

: jusqu’au 3 septembre, à Paris Expo porte de Versailles, dès 3 ans

GROOM GROOM !

BD

En attendant la sortie du film Le Petit Spirou fin septembre, l’expo « Dans le monde du journal Spirou » vous emmène à la rencontre des figures du célèbre périodique : le groom à la houppette, bien sûr, mais aussi Fantasio, Gaston, Mélusine, ou, pour les plus récents, Cédric et les héros de la série Seuls.

: jusqu’au 26 août, à la médiathèque Marguerite-Yourcenar, dès 5 ans

DINOS ? DIS OUI !

ZOO

COUL' KIDS

DinoZOOre met en scène une quinzaine de créatures robotisées du type de celles de la saga Jurassic Park. Avec une nouveauté cette année : un stand de VR, expérience unique pour vous imaginer au plus près des dinos !

• HENDY BICAISE ILLUSTRATIONS : PABLO COTS

: jusqu’au 30 septembre, au parc zoologique de Thoiry, dès 3 ans

KIDS FRIENDLY

SPECTRALCULAIRE

SPECTACLE

Au cœur de l’été, le grand spécialiste de l’effet hallucinatoire Étienne Saglio présente son Projet fantôme. À observer à la tombée de la nuit (on a le droit, c’est les vacances !), son étrange créature volante saura vous fasciner.

: les 25, 26 et 27 juillet à 22 h, au parc Georges-Brassens, tout public

DÉFOULE-TOI !

ATELIER

En marge de l’exposition « Lee Ungno. L’homme des foules » consacrée à l’artiste coréen qui, dans les années 1950, a fait se croiser l’art calligraphique traditionnel et l’art abstrait, le musée Cernuschi organise une série de visites animées et d’ateliers pratiques pour les plus jeunes visiteurs.

: en juillet et en août, au musée Cernuschi, de 7 à 12 ans

BÉBÉ ROCKERS

CONCERT

Pour son dixième anniversaire, Mini Rock en Seine, propose des ateliers et des événements surprise à ses jeunes participants. Au programme : cuisine, déguisements, ateliers musicaux, spectacles. Ne restez pas sur le carrock : seuls les cent premiers inscrits pourront en profiter !

: du 25 au 27 août, au domaine national de Saint-Cloud, de 6 à 10 ans

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FAIS TON CINÉMA

SUCETTES POPCORN Ce mois-ci, on t’explique comment confectionner des sucettes au popcorn, pratiques à grignoter devant un bon film sans s’en mettre plein les doigts. 1

INGRÉDIENTS ET MATÉRIEL : popcorn en sachet « micro-ondable » au caramel, 50 g de chocolat noir, confettis alimentaires ; pailles en carton, paire de ciseau. TEMPS DE RÉALISATION : 15 minutes. À PARTIR DE 4 ANS, avec un adulte. • PAR POULETTE MAGIQUE

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TOUTES LES ÉTAPES SUR WWW.POULETTEMAGIQUE.COM/SUCETTESPOPCORN 105



OFF CECI N’EST PAS DU CINÉMA


EXPOS

ISMAÏL BAHRI — : «Instruments» jusqu’au 24 septembre au Jeu de Paume

Ismaïl Bahri, Dénouement, 2011 vidéo HD 16/9, 8 min

OFF

Ismaïl

Bahri focalise notre attention sur des microévénements comme autant de phénomènes enfouis sous l’afflux à haut débit d’informations et d’images d’un monde en perpétuel mouvement. Si l’on devait comparer le travail de l’artiste né à Tunis en 1978 à un instrument, ce serait sans doute à une loupe ou à une lentille, pour son effet grossissant – et souvent révélateur –, à l’image de cette goutte d’eau qui vibre presque imperceptiblement au rythme du pouls animant les veines de l’avant-bras sur lequel elle repose. Oscillant entre apparition et disparition, l’univers ténu d’Ismaïl Bahri déroule une poétique de l’image et du geste combinant simplicité et puissance. Qu’elles deviennent le réceptacle d’un écoulement de sable ou quelles tiennent par les deux bouts une feuille de papier se consumant circulairement par son centre, les mains sont ici omniprésentes. Chaque action confère sa durée à la vidéo, qui l’enregistre et la donne à voir en même temps qu’elle déploie, par une grande maîtrise du cadrage (et du hors-champ), des espaces empreints de sensibilité relevant tant du champ perceptif que politique. Point de chute de l’exposition et ligne de mire vers l’extérieur, Foyer, film réalisé à Tunis avec une caméra masquée par une simple feuille de papier blanche sur laquelle s’impriment les variations lumineuses et colorées créées par les appels d’air, laisse entrevoir le paysage social ambiant via sa bande-son, nourrie des paroles des habitants réagissant à l’expérience artistique en cours. Ou quand faire écran rime avec projection et révélation. • ANNE-LOU VICENTE

Si l’on devait comparer le travail de l’artiste à un instrument, ce serait à une loupe.

ART/AFRIQUE

ED VAN DER ELSKEN

Les arts d’Afrique sont magnifiquement mis à l’honneur dans cette triple exposition qui permet à la fois de célébrer quinze artistes contemporains parmi les trésors de la collection de Jean Pigozzi, de découvrir la vitalité de la scène sud-africaine et d’apercevoir les acquisitions de la fondation. Romuald Hazoumè, William Kentridge ou Omar Victor Diop se dévoilent avec force et patience dans une scénographie épurée et colorée. • M. F.

La jeunesse germanopratine des années 1950, les punks d’Amsterdam ou les rockers de Tokyo : le Néerlandais a photographié les marginaux dans un noir et blanc granuleux et sublime. Entre clichés cinématographiques et courts métrages documentaires, l’œuvre d’Ed van der Elsken est auscultée à l’aune de ses travaux personnels, dans une première et riche rétrospective française qui rend hommage à sa quête de liberté formelle et spirituelle. • M. F.

28 août à la Fondation Louis Vuitton

jusqu’au 24 septembre au Jeu de Paume

: « Art/Afrique. Le nouvel atelier », jusqu’au

: « Ed van der Elsken. La vie folle »,

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© D.  R.


ART COMPRIMÉ

Au rang des installations les plus insolites d’Art Basel, on retient le projet Cooking the World de l’Indien Subodh Gupta : un stand, encerclé d’un mur de casseroles suspendues, dans lequel étaient gracieusement servies différentes spécialités indiennes le temps de la foire suisse, du 15 au 18 juin. Prix d’achat de l’œuvre : 800 000 euros, recettes et équipement compris. • Un tableau attribué à Jackson Pollock, non signé, non daté et non authentifié, qu’un expert américain avait découvert dans le garage d’un particulier en Arizona, devait être mis aux enchères le 20 juin, mais la vente a été annulée au dernier moment, de potentiels acheteurs s’étant rétractés. • Le musée Dapper, dédié aux arts africains et sis dans le XVIe arrondissement de Paris, a fermé ses portes le 18 juin dernier, à cause de problèmes de trésorerie. • En revanche, un « musée Trump » a ouvert à New York mi-juin : exposant les meilleurs tweets du président américain, cette initiative éphémère de l’émission satirique The Daily Show a pour nom « The Donald J. Trump Presidential Twitter Library ». • Banksy a proposé une impression signée et gratuite d’une de ses œuvres aux citoyens de Bristol qui prendraient une photo prouvant qu’ils ont voté contre les conservateurs lors des élections législatives début juin. Prenant conscience que cela invaliderait le vote desdits citoyens, l’artiste britannique a finalement rétropédalé en vitesse avec un message d’excuses sur les réseaux sociaux. • MARIE FANTOZZI ILLUSTRATION : PABLO GRAND MOURCEL

LE 23 JUIN #MuseedartsdeNantes www.museedartsdenantes.fr

Musée d’arts de Nantes - Nantes Métropole - doublemixte - Maurizio Cattelan, Sans titre, 1997 © Courtesy Maurizio Cattelan et Galerie Perrotin

Tous les mois, notre chroniqueuse vous offre un concentré des dernières réjouissances du monde de l’art.


SPECTACLES

LA ESTUPIDEZ — : de Transquinquennal du 19 au 21 juillet au Théâtre Paris-Villette (3 h avec entracte)

© HERMAN SORGELOOS

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Bienvenue

à Las Vegas. Enfin non, pas vraiment : bienvenue dans un motel suranné de sa périphérie miteuse. Dans La Estupidez, les casinos restent un mirage hors champ, le symbole de l’argent roi, vite gagné, vite dépensé. Vite endettés. Tout se passe là, dans cet espace intermédiaire et anonyme de chambres d’hôtel où se croisent pas loin de vingt-cinq personnages, tous interprétés par cinq acteurs dans des scènes qui se suivent ou se télescopent jusqu’à la cacophonie. On y croise, pêle-mêle : deux escrocs un peu branques opérant dans le monde de l’art, un scientifique légèrement taré qui rêve d’inventer la machine à prédire l’avenir, une journaliste hystérique et obsédée par les scoops… Mis en scène par le collectif belge Transquinquennal, le spectacle transpire l’esthétique telenovela, du (sur)jeu légèrement mélo des acteurs aux couleurs passées des décors et des costumes. Trop libre pour se contenter d’un registre, il change gaiement pour explorer d’autres codes, du road movie à la romance, écornant toujours un peu plus le rêve américain et son libéralisme débridé. Écrite par le dramaturge argentin Rafael Spregelburd, cette pièce fait partie d’une saga de sept inspirée d’un tableau de Jérôme Bosch sur les péchés capitaux. Qu’elle soit intitulée « la stupidité » mais qu’elle explore l’ambiguïté de notre rapport au fric n’a rien d’anodin. Maculée de sang dans sa robe verte, la journaliste finira par lâcher le fin mot de l’histoire : « L’argent nous rend tous cons. » • AÏNHOA JEAN-CALMETTES

Le spectacle transpire l’esthétique telenovela.

PROJET FANTÔME

IMMORTELS

Oubliez tout ce que vous savez sur la magie. Il n’y aura ni chapeau ni lapin. Étienne Saglio est un artisan du mystère et un créateur de rêveries. Dans son dernier spectacle, il livre un étrange ballet avec un spectre, mi-méduse aérienne, mi-feu follet. Et rappelle à qui veut bien s’abandonner à cet univers onirique que, avant d’être des figures de films d’horreur, les fantômes sont aussi des souvenirs envolés et des compagnons de nostalgie. • A. J.-C.

La compagnie Adhok explore avec douceur et humour le passage à l’âge adulte. La nuit (à 22 heures), elle la réserve au Nid. De jour (à 14 heures), les neuf protagonistes prennent leur Envol. Entre théâtre, cirque et danse, ils explorent dans l’espace public cette sensation d’être immortel au moment où l’on prend conscience de sa finitude. • A. J.-C. : de la compagnie Adhok, « Le Nid (partie 1) » les 19, 21 et 23 juillet au lycée Jacques-

: d’Étienne Saglio, les 25 et 27 juillet

Decour (1 h) ; « L’Envol (partie 2) », les 20,

au Montfort théâtre (20 min)

21 et 23 juillet, rue Paul-Belmondo (40 min)

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RESTOS

SEINE DE TABLE

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© MARGAUX GAYET

L’été à Paris, on cherche fraîcheur et calme. La Seine offre tout ça. Au programme : déguster un plat bistrot chez Maison Maison, un cocktail à La Démesure sur Seine ou une assiette gastro au Flow. Bonnes vacances !

MAISON MAISON À l’ombre du pont Neuf, au pied de l’ex-Samaritaine, en face de la coupole de l’Académie française et sous l’œil du pont des Arts à main droite. S’attabler chez Maison Maison, c’est comme poser pour une carte postale, un cliché de Paris pour touristes. En bas d’un escalier qui épouse la pile du quai, on s’installe sur une terrasse en bois, on s’alanguit dans des transats et on remercie Anne Hidalgo d’avoir fermé une partie des voies sur berges. Sans l’appel d’offres consécutif à cette décision, jamais Déborah Pham, rédactrice en chef du gratuit Mint, et son associé, Stan Schwab, directeur général de Traiteur des Sens, n’auraient investi cet endroit incongru. Ouvert pour l’instant de 12 heures à 2 heures du matin, Maison Maison proposera aussi des petits-déjeuners. La cuisine nomade actuelle sera déplacée à la rentrée dans un office flambant neuf aménagé à même l’ancien local d’égoutiers, débarrassé de ses tags. On pourra aussi s’y sustenter à l’abri et siroter quelques cocktails. En attendant, les flâneurs-mangeurs ont pris possession du lieu, pour la cuisine d’Adriana Seghetta, jeune cheffe argentine vue notamment Aux Deux Amis. Elle voit juste avec son maigre cru, eau de concombre, son magret de canard, olives Kalamata, cerises, oseille et son pain perdu argentin. Avec bière Deck & Donohue Indigo IPA (4,50 €) ou un Dark Nat, pétillant naturel d’Alsace de Julien Albertus (36 €), on se la coule douce au bord de l’eau. Formules midi : 19-23 €. Assiettes : 8-12 €. Desserts : 7-8 €. • STÉPHANE MÉJANÈS

: face au 16, quai du Louvre, Paris Ier

LA DÉMESURE SUR SEINE

FLOW

Bien nommé, ce nouveau lieu atypique propose un restaurant méditerranéen sur une barge et un grand espace barbecue (jusqu’à fin octobre) sur le quai. En vrac, on picore une salade poulpe et céleri (9 €), des sardines grillées (11,50 €) ou un demi-coquelet fermier (12,50 €). Sans oublier l’immense bar avec les cocktails de Boris Ponthieu (ex-Baron). • S. M.

Sur une péniche restaurant/bar de nuit/club avec vue, Geoffrey Rembert (ex-Bristol et ex-La Tour d’Argent) joue une partition gastronomique de haut vol : maquereau caramélisé, moutarde à l’ancienne et fenouil brûlé ; lotte, rhubarbe en sirop, betterave et fraises ; Tout Chocolat (crémeux, espuma, glace). Menus déjeuner : 26-32 €. Plat de la semaine : 19 €. • S. M.

: 69, port de la Râpée, Paris XIIe

: 4, port des Invalides, Paris VIIe

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C’EST DOUX   !

| PANTINS SUR SEINE | Après une séance au mk2 Quai de Loire, fuyez Paris en longeant le canal dix minutes à vélo direction Les Pantins (93), un nouveau bistrot-cave à manger qui détonne à deux minutes de la capitale. En salle et aux fourneaux, une jeune équipe déjà aguerrie qui a fait ses armes dans les meilleurs établissements parisiens. | TERRASSÉS | La bière artisanale brassée à Montreuil Deck & Donohue investit cet été la terrasse du Bob’s Bake Shop (XVIIIe) à la halle Pajol. Au programme : pressions et petites assiettes pour un apéro-bière. | SAUCISSE PARTY | Le populaire bar Martin. Boire & manger (XIe) fête l’été en augmentant encore plus la chaleur avec sa BBQ Party le 23 juillet. Sur la braise se relaieront des chefs amis pour fêter Saucisse, le chien mascotte du proprio. | BIENVENUE MONSIEUR | La Taverne de Zhao étant fermée pour travaux, place à Mr Zhao (IIe) ! La nouvelle adresse se déplace rue des Jeuneurs et conservera quelques plats emblématiques de l’enseigne originale, tout en surprenant avec de nouvelles créations… | FEU | Carbòn ! Retenez le nom de cette nouvelle adresse en plein cœur du Marais. À sa tête, l’équipe spécialiste de la braise argentine de l’Asado Club et l’ancien chef d’Au Passage. | BUVETTE CHINOISE | Une date à marquer au fer rouge : le dimanche 9 juillet, l’équipe du célèbre restaurant de San Francisco Mission Chinese prendra le contrôle de La Buvette (XIe) rue Saint-Maur pour un pop-up prometteur… • JULIEN PHAM (@PHAMILYFIRST) ILLUSTRATION : JEAN JULLIEN

LE 23 JUIN #MuseedartsdeNantes www.museedartsdenantes.fr

Musée d’arts de Nantes - Nantes Métropole - doublemixte - Maurizio Cattelan, Sans titre, 1997 © Courtesy Maurizio Cattelan et Galerie Perrotin

Notre chroniqueur @phamilyfirst décloche pour vous l’actualité food au centre de la table. Nouveaux restos, mercato et tuyaux à gogo dans ce rendez-vous flash info.


CONCERTS

CABALLERO & JEANJASS — : le 25 août au festival Rock en Seine

. « Double Hélice 2 » © GUILLAUME KAYACAN

de Caballero & JeanJass (Back in the Dayz)

OFF

Ils

sont deux, ils sont « hauts », ils sont « zinzins ». Ils sont « là », ils sont « ailleurs », ils sont « high »… Et comme la plupart des sensations rap actuelles, ils viennent de Belgique. Les flows malicieux de Caballero (le barbu denté d’or, alias le Beau Gras) et JeanJass (le grand échalas à la touffe bouclée) se sont d’abord connectés lors d’un freestyle sur une radio bruxelloise. Les étincelles n’ont pas tardé à jaillir de leur jongles verbales. Sur Double Hélice 2, ils enchaînent les gris-gris techniques (« Vous allez vite mourir, drive by en MacLaren / Paw, paw, paw, je bute le roi, je maque la reine ») et les tours de passe-passe (décisives) combinant à merveille l’ego-trip détendu du slip. Du type « j’arrive dans un convoi de dix cabriolets / ma femme dit que j’suis beau et trouve DiCaprio laid ». Avec une arme fatale qui ne vous aura pas échappé : l’humour. JJ et Caba cultivent aussi bien la weed que l’autodérision. S’ils sont clairement des gentils du rap – quand ils chopent de la beuh, ils disent « s’il vous plaît » –, les deux larrons n’ont pas non plus investi le game pour rigoler. Enfin, si, mais sans foutage d’oreilles. Comme chez la paire légendaire Method Man & Redman, leur déconne a du chien. Elle repose sur une alchimie qui se vérifie aussi bien sur des instrus trap que boom-bap à l’ancienne. Décontractée. On imagine complètement Caballero & JeanJass dans un buddy movie stoner à la How High. Sans le soleil peut-être, mais avec la B.O. qui défonce. • ÉRIC VERNAY

Caballero & JeanJass cultivent aussi bien la weed que l’autodérision.

FEIST

JAZZ À LA VILLETTE

Mue électrique et lumineuse pour la Canadienne, qui abandonne l’indie pop qui l’avait starisée (oubliez « 1234 »). Au naturalisme nocturne de Metals succède, après six années d’absence, Pleasure, sixième disque introspectif, brut, riche d’audace et de grâce, d’aspérités fiévreuses et de cette voix fêlée, ici libérée (le sublime « Century », avec l’ami Jarvis Cocker). Un bijou dont on prendra toute la (dé)mesure en live – le « plaisir » est pour nous. • ETAÏNN ZWER

Le père de l’éthio-jazz, Mulatu Astatke ; Jeff Mills et Émile Parisien pour un hommage machines-saxophone à Coltrane ; un duo complice entre Fatoumata Diawara et Hindi Zahra ; le come-back cool rap du trio culte De La Soul ; la clarinettiste Élodie Pasquier et son quintet sensible : entre légendes, artistes under the radar et créations inédites, le festival explore – toujours – le jazz sous toutes ses coutures, avec brio. • E. Z .

: le 19 juillet à l’Olympia

: du 31 août au 13 septembre

dans divers lieux (Paris et Pantin)

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RÉALITÉ VIRTUELLE

REZ INFINITE TRIP MUSICAL

— : Enhance Games, dès 7 ans

© D. R.

Qui

aurait cru qu’un jeu vidéo sorti en 2001 soit l’une des meilleures expériences de réalité virtuelle de 2017 ? Initialement sorti sur console, Rez pourrait se résumer à un combo génial entre shoot ’em up et musique electro interactive. Errant dans les limbes d’un immense réseau informatique, notre avatar flotte dans des tunnels tapissés de symboles ésotériques et de lignes de code. Sa balade est rythmée par l’apparition de nuées d’ennemis qui lui foncent dessus ou le mitraillent de projectiles, charge à lui de les anéantir sans perdre trop d’énergie. Dès qu’une cible est détruite, elle émet un son qui vient se greffer à la musique et la fait évoluer vers une partition de plus en plus fournie. Monument du jeu expérimental, Rez gagne une dimension supplémentaire lorsqu’on l’essaie en VR. Le jeu devient alors un trip hypnotique dès que l’on enfile le casque, qui nous love dans un cocon de plus en plus sensitif. Pour l’occasion, cette nouvelle version contient un niveau spécialement développé pour la VR par son créateur, Tetsuya Mizuguchi. Baptisé « Zone X », le stage est un grand monde ouvert dans lequel on peut librement circuler avec notre avatar. Constellé de formes mouvantes et de géométries de plus en plus psychédéliques, le jeu se mue en un tableau impressionniste en trois dimensions que l’on explore en argonaute béat et fait de Rez Infinite un festival des sens et de l’abstraction comme seul le virtuel peut en créer. • YANN FRANÇOIS

Rez se mue en un tableau impressionniste en trois dimensions que l’on explore en argonaute béat.

ALTÉRATION

COURT MÉTRAGE

Un jeune homme devient le cobaye d’une expérience sur les rêves. Mais la machine bugge et prend le contrôle de son inconscient. Nous voilà à sauter d’un souvenir à l’autre, sans logique chronologique, tandis que la réalité semble se désagréger sous l’impulsion de notre regard. Très inspiré de La Jetée de Chris Marker, Altération fantasme une balade mentale dans un esprit morcelé dont la psyché devient de plus en plus picturale et suffocante. • Y. F.

: de Jérôme Blanquet, dès 12 ans

FARPOINT

JEU DE TIR

Téléporté par accident sur une planète extraterrestre, un duo d’astronautes ne donne plus signe de vie. À nous de retrouver leur trace et de les sauver en traversant des environnements remplis de monstres qui nous bloquent le passage. Doté d’un similifusil en guise de manettes, le jeu offre un FPS des plus crédibles qui met nos réflexes à dure épreuve, au cœur de décors qui sont souvent à tomber par terre. • Y. F.

: Impulse Gear, dès 16 ans

PROGRAMMES À DÉCOUVRIR À L’ESPACE VR DU mk2 BIBLIOTHÈQUE INFOS ET RÉSERVATIONS SUR MK2VR.COM


PLANS COUL’ À GAGNER

BELGRAVIA LIVRE

— : « Belgravia » de Julian Fellowes, traduit de l’anglais par Carole Delporte et Valérie Rosier (10/18, 528 p.)

Créateur

quartier londonien de Belgravia, à Westminster, la famille Trenchard fait partie de ces nouveaux riches. Vingt-cinq ans plus tôt, à la veille de la bataille de Waterloo, leur irruption saugrenue lors du fameux bal donné à Bruxelles par la princesse Richmond avait provoqué un terrible scandale… Avec sa maestria habituelle, Julian Fellowes signe un roman-saga habile et documenté qui entremêle histoires d’amour et rapports de classes, un excellent page-turner en costume qui reconstitue magiquement l’atmosphère d’une époque. • BERNARD QUIRINY

OFF

de la série culte Downton Abbey, l’écrivain britannique Julian Fellowes n’a pas son pareil pour décrire la société anglaise d’hier à travers des personnages issus de différentes classes sociales. Après l’époque édouardienne, il revient cette fois-ci sur le règne interminable de la reine Victoria et sur l’ascension irrésistible des fortunes industrielles et commerciales qui bousculent les privilèges de la vieille aristocratie privilégiée. Installée dans le prestigieux

13ÈME ART

OUVERTURE

Deux salles de spectacle, un studio audiovisuel et un bar : un nouveau lieu culturel ouvre en septembre prochain à la place du cinéma Grand Écran, dans le centre commercial Italie 2. On y verra les acrobates du cirque Éloize, les clowns poétiques du Slava’s Snowshow ou encore la chanteuse Anne Sylvestre. • A. C.

: à partir du 26 septembre

LE VOYAGE À NANTES

: jusqu’au 27 août

MAC COY

BD

Western écrasé de soleil, la saga débutée en 1974 reste mémorable par son approche graphique baroque. Palacios, dessinateur espagnol capable d’un grand réalisme, ne rechigne ni à glisser de manière imprévisible dans la caricature ni à faire preuve d’une audace chromatique que l’on croirait suggérée par un hallucinogène. Un régal. • V. L .

: « Mac Coy. Intégrale. Tome 1 » de Gourmelen et Palacios (Dargaud, 272 p.)

116

© ESQUISSE LAURENT PERNOT

Laurent Pernot, La Terre où les arbres rêvent, place Royale, Nantes

BALADE

Laissez-vous guider par la ligne verte pour découvrir la cinquantaine d’œuvres disséminées tout au long du parcours. Les Anneaux cerclés de néons de Daniel Buren et Patrick Bouchain sur le quai des Antilles, les palmiers gris de Laurent Pernot place Royale, l’espace de jeu pour enfants de Claude Ponti dans le Jardin des plantes… Beau voyage. • A. C.


HÉLÈNE DELPRAT EXPO © ADAGP PARIS 2017 COURTESY

— : « Hélène Delprat. I Did it my Way » jusqu’au 17 septembre à La Maison rouge

Hélène Delprat, Le jour où j’ai inventé les Femmes Savantes, 2010

l’inconnu qui fait peur. » On est d’abord surpris par cette assertion martelée par une voix féminine dans le couloir aux parois irisées qui fait office d’entrée de l’exposition. On se retrouve alors nez à nez avec une statue de femme au crâne rasée, confondante de réalisme, juchée sur un tabouret face à une caméra. En regardant Les (Fausses) Conférences ainsi que les autres vidéos projetées un peu plus loin dans lesquelles Hélène Delprat se met en scène, on comprend qu’il s’agit d’une représentation

grandeur nature de l’artiste française qui se fit connaître par ses fresques fantasmagoriques. Sculptures, dessins, photographies, extraits sonores s’accumulent dans une scénographie volontairement chargée qui confère à l’exposition des airs de foire ou de cabinet de curiosités. Son œuvre protéiforme proche de l’art brut, puisant autant dans la philosophie, la mythologie, la culture populaire que dans son propre imaginaire, intrigue et bouscule joyeusement les idées reçues sur l’art contemporain. • MARIE FANTOZZI OFF

« C’est

UN ÉTÉ AU HAVRE

ANNIVERSAIRE

Cet été, moult événements et créations célèbrent les 500 ans de la ville portuaire : les cabines de plages se parent de rayures multicolores, une installation aquatique surplombe le bassin du Commerce avec magie, les docks sont égayés par des arches de containers pop, tandis que Pierre et Gilles chahutent le musée d’art moderne. • R. S.

: www.uneteauhavre2017.fr

© ÉRIK LEVILLY - VILLE DU HAVRE ; MUSÉE D ARTS DE NANTES - HUFTON ET CROW

EN ATTENDANT BOJANGLES

LIVRE

Succès surprise de l’hiver 2016, le conte familial d’Olivier Bourdeaut a séduit tous les publics et a accumulé de nombreux prix. Il sort en format poche, et on ne se lasse pas de ses personnages pétillants, de sa poésie à la Boris Vian et de sa tendresse nostalgique, sur un air entêtant signé Nina Simone. • B. Q.

: d’Olivier Bourdeaut (Folio, 176 p.)

MUSÉE D’ARTS DE NANTES

RÉOUVERTURE

Après cinq ans de fermeture pour rénovation et extension (création d’un nouveau bâtiment de 2 000 m² dédié à l’art contemporain), le musée des beaux-arts de Nantes rouvre sous un nouveau nom. En plus des neuf cents pièces de sa collection permanente, le musée accueille cet été les œuvres de Susanna Fritscher et de Stanton Williams. • A. C.

: museedartsdenantes.nantesmetropole.fr

SUR TROISCOULEURS.FR/PLANSCOUL


SONS

© EVERYBODY ON DECK

LASTMAN Lastman de Balak, Michaël Sanlaville et Bastien Vivès

— : « Lastman. Bande sonore originale de la série » d’Avril et Monthaye

OFF

Fred Avril et Philippe Monthaye

Adaptée

de la bande dessinée de Balak, Michaël Sanlaville et Bastien Vivès, la série d’animation adulte Lastman, diffusée fin 2016 sur France 4, est un détonnant mélange de manga, de film de baston et de polar fantastique. Elle séduit aussi pour la qualité de sa bande originale, enfin disponible. Composée par Fred Avril (Avril) et Philippe Monthaye (Los Chicros, Prophet), la musique de la série réalisée par Jérémie Périn a su retranscrire les références du réalisateur au Nouvel Hollywood (Steven Spielberg, William Friedkin, Martin Scorsese), au cinéma des années 1980 (Dario Argento, John Carpenter, David Cronenberg) et à l’animation de cette même décennie (Cobra, Patlabor, Akira). Avec pour seule consigne « tout à fond, aucune retenue ! », Avril et Monthaye signent une B.O. aussi dense et frénétique que les aventures du boxeur hâbleur Richard Aldana luttant contre une mystérieuse organisation démoniaque. Le duo a passé à la centrifugeuse electro-pop une myriade de références musicales fonctionnant comme autant de madeleines instantanées et percutantes. Selon Monthaye, « l’action se situe dans les années 1980, d’où l’omniprésence des synthés,

et même de quelques solos de guitares saturées et harmonisées… Dans les sons et dans les intentions, on a décidé de rendre tout clinquant, ambiance coke yankee, strass et paillettes, mais avec romantisme et honnêteté. » De la même manière que la série a su adapter l’imagerie Récré A2-AB Productions à un public adulte (bastons sanglantes, sexualité suggérée, cigarettes et gros mots), les déflagrations pop des deux musiciens surjouent les clichés du genre avec un sens jouissif de l’accélération. « Il y a un côté régressif parfois, explique Avril. On est allé puiser dans nos âmes d’enfants des années 1980 bercées par « A Kind of Magic » de Queen et par Bauhaus pour jouer avec les codes et créer des rôles de composition assez précis. » Avec la complicité de la chanteuse Marianne Elise (Klanguage, SAF), on y entend même des ballades de variété française façon The Voice revisitées par Julee Cruise, ou un pastiche sautillant d’Elli & Jacno (« Moins d’une minute »). Sortie en vinyle fétichiste et en format numérique, la B.O. de Lastman n’a rien à envier à celles, dans une même veine rétro-nostalgique, des récents Stranger Things ou Halt & Catch Fire, le coup de poing en plus. • WILFRIED PARIS

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© CYPRIEN CLÉMENT-DELMAS

(Everybody on Deck)


JUKEBOX

RICKY HOLLYWOOD : « Le Modeste Album » (FVTVR)

Quand il était petit, Ricky Hollywood rêvait de ne sortir qu’un unique chef-d’œuvre qui ferait de lui une légende. Devenu grand, il s’est dit qu’un Modeste Album, c’est toujours mieux que rien. Adoubé par Bertrand Burgalat (qui l’accompagne sur « L’Amour peut-être »), il tricote des tubes pop aux arrangements luxuriants avec l’autodérision et la mélancolie qui le caractérisent. Les cœurs d’artichaut ont trouvé leur héros. • M. P.

CHAIN & THE GANG

: « Best of Crime Rock » (In The Red Records)

Le génial trublion du rock américain Ian Svenonius (Nation of Ulysses, The Make-Up) se porte comme un charme depuis qu’il enregistre dans l’urgence des disques fauchés avec Chain & The Gang. Comme pour conjurer le sort d’un succès qui ne viendra jamais, il signe un Best of Crime Rock dans lequel il revisite ses propres standards, rappelant que le genre est d’abord une affaire de mauvais garçons (et de mauvaises filles). • M. P.

MARIO BATKOVIC : « Mario Batkovic » (Invada)

Mario Batkovic est à l’accordéon ce que Colin Stetson est au saxophone. Comme ce dernier, le Bosniaque, seul aux commandes, repousse les limites physiques de son instrument, jouant du cliquetis des touches et de l’étirement des notes pour produire une forme de souffle continu et démolir les barrières entre musiques savantes et populaires. Le résultat est aussi spirituellement élevé qu’intimement déchirant. • M. P. ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT


GLOW

SÉRIES

— : Saison 1 disponible sur Netflix

© ERICA PARISE NETFLIX

OFF

Chaque

été, Netflix agite sous le nez des nostalgiques un nouveau fétiche eighties. Après les productions Amblin, célébrées avec déférence dans Stranger Things l’an dernier, c’est au tour des justaucorps de Flashdance de redevenir seyants avec GLOW. Mais au prix d’un sacré twist. Car si l’héroïne, Ruth Wilder, comédienne de théâtre en mal de cachets, se retrouve bien en body à passer un casting réservé à des femmes non conventionnelles, les déhanchés suggestifs de Jennifer Beals sont loin. GLOW, l’émission qui embauche, est un programme de catch féminin. On voit ce qui a pu intéresser Jenji Kohan, productrice de la série : de la même manière que, derrière la reconstitution des années 1960, Mad Men abordait des problématiques toujours d’actualité, les

REVOIS

superficielles années 1980 servent ici de révélateur aux représentations que la pub, le cinéma et la télévision continuent de proposer aujourd’hui des femmes. Comme dans son autre série Orange Is the New Black, Kohan met un point d’honneur à faire défiler sur le ring des actrices pour la plupart inconnues dans un large ensemble multiculturel et égalitaire d’où ressortent des physiques escamotés ailleurs. Diffusion estivale oblige, GLOW n’oublie pas d’être aussi une bonne comédie et peut compter sur l’abattage de sa seule vraie star, Alison Brie (de Community et… Mad Men), à hurler de rire en performeuse ultra premier degré (surnommée Strindberg) déclamant juchée sur les cordes des répliques piquées à Liz Taylor et à Hulk Hogan. Ne cherchez pas plus loin le tube de l’été. • GRÉGORY LEDERGUE

VOIS

PRÉVOIS

VINYL

FLOWERS

Trop chargé, trop macho, trop cher pour justifier une deuxième saison, ce show de prestige (produit par Scorsese et Jagger) sur la scène rock new-yorkaise de 1973 est l’un des rares fiascos enregistrés par la chaîne HBO. Tout n’est pas à jeter pourtant, et surtout pas les morceaux musicaux. Que son no future ne dissuade pas les curieux de lui donner une seconde chance. • G. L .

Encore un ovni venu d’Angleterre. Pas sûr que cette comédie grinçante sur de dépressifs cousins britanniques de la famille Addams nous donne envie de réserver un Airbnb dans le coin de campagne où résident les Flowers, mais on s’émerveille une fois de plus du talent de la comédienne Olivia Colman (qui incarne Ellie Miller dans Broadchurch), ahurissante en mère de famille perchée. • G. L .

: Saison 1 sur Canal+

à partir du 6 juillet

: Saison 1 sur Canal+ Séries

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THE ASSASSINATION OF GIANNI VERSACE Point route American Crime Story : après le coup de maître de la première saison, sur le procès O. J. Simpson, la saison 2 de l’anthologie criminelle de Ryan Murphy reviendra sur le meurtre du couturier italien – et pas, comme c’était prévu, sur l’ouragan Katrina, repoussé à la saison 3. L’affaire Monica Lewinsky servira d’ossature à la saison 4. • G. L .

: Diffusion sur FX début 2018, puis en France sur Canal+


Thelma et Louise © Collection Christophel

SOYONS AMIS ! EN 65 FILMS

14 JUIN 30 JUILLET 2017

Forum des Halles forumdesimages.fr


OFF

© D. R.

RIME

JEUX VIDÉO

D’une

— : One, PC, PS4 (Grey Box) —

beauté à couper le souffle, RIME raconte une aventure poignante sur le mode de la robinsonnade. Échoué sur une île abandonnée, un jeune garçon se réveille, amnésique, sur la plage. Autour de lui, quelques animaux sauvages gambadent au milieu de la végétation qui a pris possession des ruines, d’où émergent de grandes tours sculptées ornées de symboles en forme de serrure. En quête de sens et de mémoire, notre jeune héros va devoir explorer les lieux et résoudre diverses énigmes pour débloquer ces sésames géants qui semblent abriter un sombre secret. Devant RIME, on pense beaucoup à Zelda ou à Journey, dont il reprend bon nombre d’éléments, comme ces phases de plate-forme ou de puzzle, mais aussi cette aura de mystère qui se dégage de chaque décor. Bercée par une bande-son

INJUSTICE 2 Coller une gifle à Superman, briser la mâchoire de Green Arrow, envoyer valser dans le décor Poison Ivy. Injustice 2 concrétise un beau fantasme : réunir tous les héros de l’univers DC Comics dans un jeu de baston aussi spectaculaire que jouissif. • Y. F.

: PS4, One (Warner Bros.

Interactive Entertainment)

planante, la découverte de l’île s’imprègne peu à peu de l’ésotérisme ambiant, jusqu’à basculer dans une poésie purement abstraite. Sans dialogue, le jeu n’utilise que le langage des images et des émotions. S’il ne parle pas notre langue, notre héros peut crier ou fredonner, ce qui lui permet parfois d’actionner certains mécanismes présents dans le décor. Comme si sa voix redonnait vie aux ruines et à leur passé enfoui, tout en révélant peu à peu le secret de sa présence, qui n’a évidemment rien d’un hasard. Enchanteur de bout en bout, ce modeste jeu indépendant réussit, derrière son esthétique chatoyante et ensoleillée, à distiller une mélancolie de plus en plus prégnante. Et de s’achever comme une leçon de vie bouleversante sur la fin de l’enfance. • YANN FRANÇOIS

WIPEOUT OMEGA COLLECTION

STEEL DIVISION NORMANDY 44

Reprenant tous les épisodes – remastérisés - de la licence WipEout, cette collection est bien plus qu’un simple cadeau pour fan. C’est aussi le rappel évident que ce chef-d’œuvre du jeu de course n’a pas pris une ride et ridiculise encore toute la concurrence. • Y. F.

Vivre le débarquement du point de vue d’un commandant d’armée : pour classique qu’il semble, ce programme est mené de main de maître. Tout en Steel Division. Normandy 44 respire la science et le savoir-faire du stratège chevronné. • Y. F.

: PS4 (Sony)

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: PC (Paradox Interactive)


INDÉ À JOUER Manette dans une main, carnet de notes dans l’autre, notre chroniqueur teste chaque mois une sélection de jeux indés.

Les hélicos tournoient au-dessus des palmiers en flamme. Alors que les balles sifflent sur ma tête, je tente de ramper vers un abri. Quand soudain, horreur : l’artillerie ennemie bombarde au napalm la forêt ! Les bombes incendiaires explosent – et mes tympans avec. Rising Storm 2. Vietnam (Tripwire Interactive, PC) ne fait pas dans la demi-mesure : jamais la guerre du Viêt Nam n’a été aussi crédible – et éprouvante – à l’écran. Pour me remettre de mes blessures, je zappe sur Bokida. Heartfelt Reunion (Rice Cooker Republic, PC), un jeu d’exploration minimaliste en monde ouvert. Errant entre les monolithes monochromes et autres formes géométriques indescriptibles, je vagabonde au fil de ma pensée, ce qui rend l’expérience terriblement apaisante. Drifting Lands (Alkemi, PC) me sort de mon hypnose. Dans ce shoot ’em up futuriste, je multiplie les arabesques aériennes pour échapper aux vagues d’ennemis et de projectiles qui me foncent dessus sans me laisser distraire par les somptueux décors qui m’entourent. C’est l’heure du départ en vacances : j’emporte avec moi Mizmaze (Ben Vedrenne, PC, iOS, Android), un jeu de labyrinthe gratuit sur mobile dans lequel il faut guider, avec son doigt, le plus vite possible, une lumière vers la sortie. La difficulté augmente, les tracés sont de plus en plus échevelés, et la musique, une sublime composition electro, devient de plus en plus envoûtante. De quoi tenir jusqu’à la rentrée. • YANN FRANÇOIS ILLUSTRATION : SAMUEL ECKERT


LIVRES

LES RETROUVAILLES Retrouver

de vieux amis sur Facebook est un sport national. Laurent vient ainsi de reprendre contact avec les d’Aubert, la riche famille qu’il fréquentait dans sa jeunesse. Michel d’Aubert l’invite aussitôt à un week-end en montagne chez Yvon, son jeune frère, qui vient de racheter un centre de vacances abandonné. Flore, leur sœur, sera là aussi. Flore, dont Laurent fut jadis follement amoureux… Une fois sur place, hélas, Laurent déchante. Vétuste et glacial, le centre de vacances lui paraît bien inhospitalier. Surtout, son vieux complexe d’infériorité vis-à-vis des d’Aubert ne tarde pas à ressurgir. Michel et ses diplômes, Flore et sa beauté hautaine, son mari Charles et sa collection d’art… Laurent a honte de lui, de sa vie ordinaire, de sa femme, de son job d’informaticien. Il voudrait s’en aller. Impossible, hélas : il neige, tout est bloqué. Alors, tandis que le vin rouge coule à flots, l’esprit de Laurent s’échauffe… Habitué aux comédies satiriques, Olivier Maulin fait un pas de côté avec ce polar social sur le thème de la jalousie de classe et de la crise de la quarantaine. Ses personnages boivent beaucoup, comme toujours ; mais l’alcool, ici, loin d’être festif ou exubérant comme dans ses précédents romans, joue le rôle d’agent de fermentation, d’accélérateur des rancœurs et des pulsions. Le décor alpestre, à la fois sublime et oppressant, est le coup de génie du scénario ; comment ne pas penser à Shining, au mécanisme de l’isolement qui rend fou ? En bon artisan, Maulin campe ses personnages en quelques traits de crayon – l’érudit pédant, le

benjamin resté immature, l’avocat parvenu, la bourgeoise mélancolique, tous plus vrais que nature – et les fait macérer dans le centre de vacances à l’abandon. Écrit au cordeau, sans un mot de trop, le texte est aéré et rythmé par un découpage astucieux en paragraphes et chapitres brefs, pareils à des plans de cinéma.

OFF

L’alcool joue le rôle d’agent de fermentation, d’accélérateur des rancœurs et des pulsions. Quant à la chute… Disons qu’elle est grinçante à souhait, voire machiavélique, façon Chabrol. De la belle ouvrage, en somme, à lire d’une traite sous le soleil de l’été, histoire de refroidir un peu l’atmosphère. • BERNARD QUIRINY

— : d’Olivier Maulin (Éditions du Rocher, 185 p.)

L’HOMME AU SEXE USUEL

L’ORDRE DU JOUR

LA JEUNE FILLE EN BLEU

Étonnant poème érotique en prose, truffé de jeux de mots alambiqués, quelque part entre Bataille et Lacan. Cachez-vous pour pouvoir le lire à voix haute sans risque. • B. Q.

Dans les salons feutrés des chancelleries, Éric Vuillard retrace avec ironie l’engrenage diplomatique qui a ouvert la voie aux visées expansionnistes de Hitler. • B. Q.

Une miniature de Gainsborough disparue, un notaire londonien, une New-Yorkaise kleptomane… Un Wodehouse inédit, perle de loufoquerie british. • B. Q.

(Le Tripode, 90 p.)

(Actes Sud, 150 p.)

(Les Belles Lettres, 216 p.)

: de Rémy Disdero

: d’Éric Vuillard

124

: de P. G. Wodehouse


BD

OFF

URBAN

— : « Urban. Tome 4. Enquête immobile » de Luc Brunschwig et Roberto Ricci (Futuropolis, 64 p.)

Dans

ce récit de science-fiction, les écrans sont omniprésents. Ils retransmettent en direct une enquête de police, et l’on peut parier sur les chances de survie du détective. Les écrans empêchent de penser, autant qu’ils espionnent ceux qui les regardent. Ce qu’ils donnent à voir se présente comme la réalité, mais n’en est qu’une déformation retorse servant les intérêts d’un démiurge capricieux et asocial. C’est donc en fuyant la lumière que l’on verra le mieux. Dans les ruelles sombres, le long des grandes artères illuminées de ce Las Vegas galactique, errent les laissés-pour-compte, les oubliés de la grande fête… La mise en scène diégétique de l’enquête, avec sa retransmission permanente, fait évidemment écho au Prix du danger, cette nouvelle de Robert Sheckley popularisée chez nous par le film d’Yves Boisset, mais, surtout, elle permet une mise à distance des procédés narratifs stéréotypés que les auteurs cherchent précisément à éviter. Une œuvre qui ne confond pas divertissement et abrutissement. Brillant. • VLADIMIR LECOINTRE 125


LES ACTUS mk2

RENTRÉE CLASSE

Tout au long de l’année 2017-2018, vos salles mk2 accueillent une ribambelle d’événements culturels : conférences de philo ou de sciences, cours d’histoire de l’art, ateliers photo et vidéo, rencontres avec des artistes, concerts, cartes blanches… À vos agendas.

ART

BEAUX-ARTS

L’amour de l’art : après leur succès l’an dernier, les cycles de cours sur histoire de l’art et sur les plus beaux musées du monde sont de retour. Cette année, vous pourrez en plus tout savoir sur la Renaissance italienne et l’art contemporain. C’est beau.

: « Une histoire de l’art », les jeudis à 20 h, du 28 septembre au 21 juin, et « Fascinante Renaissance », les samedis à 11 h, du 14 octobre au 2 juin, au mk2 Beaubourg • « Les plus beaux musées du monde », les lundis à 12 h 30, du 2 octobre au 26 mars, et « L’art contemporain », les samedis à 11 h, du 30 septembre au 30 juin, au mk2 Bastille (côté Beaumarchais)

Avec l’architecture, l’homme moderne réinvente une ville dans laquelle la nature, la lumière et la circulation répondent à de nouveaux besoins. Des gratte-ciel de Chicago aux nouveaux enjeux écologiques, les fondations de l’architecture du xxe siècle sont sondées dans ce cycle de trente cours conçu par Des Mots et Des Arts.

: les jeudis à 20 h, du 28 septembre au 21 juin au mk2 Bibliothèque (entrée BnF)

HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE

Depuis la Renaissance, l’écriture littéraire suit la trajectoire historique de l’art : le Baroque, le Classicisme, le Romantisme, le Symbolisme, le Surréalisme ou le réalisme magique sont mis à plat dans ce cycle de cours proposé par Des Mots et Des Arts, qui finira par s’interroger : et aujourd’hui, quels enjeux pour la langue ? À vos stylos.

: les mardis à 20 h, du 3 octobre au 27 mars au mk2 Parnasse

LA MODE, UNE HISTOIRE DE STYLE

Cette toute nouvelle série de dix cours, proposée par Des Mots et Des Arts, dévoile les grandes évolutions de la haute couture à travers les créateurs les plus célèbres et leurs créations les plus emblématiques. Les influences orientales de Paul Poiret, l’art d’Elsa Schiaparelli, le New Look de Christian Dior… Vous voilà rhabillés pour l’année.

: deux jeudis par mois à 20 h, du 5 octobre au 8 mars au mk2 Odéon (côté St Germain)

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© NATIONAL GALLERY OF WASHINGTON, RAPHAËL, LA PETITE MADONE COWPER, 1505 ; RYHOR BRUYEU / ALAMY STOCK PHOTO ; GEORGES DIEGUES / ALAMY STOCK PHOTO ; Q1 / ALAMY STOCK PHOTO

ARCHITECTURE ET DESIGN


LES ACTUS mk2 MASTER CLASS MAGNUM PHOTOS La célèbre agence Magnum vous donne rendez-vous tout au long de l’année pour des rencontres exceptionnelles avec les plus grands noms de la photographie. Au programme : conférence et séance de dédicaces.

: un samedi par trimestre à 11 h, de septembre à juin au mk2 Bibliothèque et au mk2 Quai de Loire

LA PHOTOGRAPHIE Du photojournalisme aux clichés de mode en passant par la photographie artistique ou l’usage de la photo dans les enquêtes policières, ce cycle de cours conçu avec Des Mots et Des Arts vous en mettra plein la vue.

: les jeudis à 20 h, du 5 octobre au 5 avril au mk2 Quai de Loire

PARIS NE S’EST PAS FAIT EN UN JOUR Explorez les grandes périodes qui ont façonné le visage de la capitale de l’Antiquité à nos jours – la Révolution, le Paris romantique, la Belle Époque, les Années folles. Un cycle de cours avec Des Mots et Des Arts.

: les lundis à 20 h, du 2 octobre au 26 mars au mk2 Grand Palais

ENTRONS DANS LA DANSE Grâce aux gracieux grands écarts de ce cycle de cours (proposé par Des Mots et Des Arts), vous saurez tout d’Isadora Duncan, Merce Cunningham, Pina Bausch, les grands chorégraphes contemporains et leurs esthétiques.

: un mardi par mois à 20 h, du 3 octobre au 5 juin au mk2 Quai de Seine

MUSIQUE

CINÉ-JAM D’EDGAR SEKLOKA ©RENÉ BURRI - MAGNUM PHOTOS ; AF ARCHIVE / ALAMY STOCK PHOTO ; BETTINA STRENSKE / ALAMY STOCK PHOTO ;

Accompagné de ses musiciens et du vidéaste Hashka, le chanteur, poète et écrivain Edgar Sekloka rend hommage à la musique noire qui a bercé son enfance lors de concerts exceptionnels accompagnés d’une projection.

: un jeudi par trimestre à 20 h, de janvier à juin au mk2 Quai de Seine

CRÉATION DIGITALE

NOS ATELIERS PHOTO ET VIDÉO

Chaque mois, la galerie Mobile Camera Club partage avec vous ses astuces de pro pour améliorer vos photos et vidéos : de la retouche au montage, de l’usage du noir et blanc à la street photo… Dites « cheese » !

: Un lundi par mois à 19 h 30, du 16 octobre au 18 juin au mk2 Bibliothèque

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LES ACTUS mk2 CINÉMA

UNE AUTRE HISTOIRE DU CINÉMA « Du fantastique à la science-fiction : filmer des mondes intérieurs » ; « Stanley Kubrick : un misanthrope qui fascine »… les conférences sur l’histoire du cinéma proposées par Des Mots et Des Arts inspectent les principaux genres et les filmographies des plus grands réalisateurs à travers des angles inédits. À ne pas louper.

: les mardis à 20 h, du 26 septembre au 26 juin au mk2 Odéon (côté St Michel)

RENDEZ-VOUS DES DOCS Une programmation pour faire le tour d’un sujet affriolant – « Sous tous rapports (Sexe… le mot et la chose) » – au fil de quinze documentaires, dont Une sale histoire de Jean Eustache ou Vers la tendresse d’Alice Diop. Chaud.

: un lundi par mois à 20 h, du 18 septembre au 18 juin au mk2 quai de Loire

LES SAFDIE MATINS BY SOCIETY Préparez-vous à passer du bon temps lors des projections présentées par Society des quatre longs métrages réalisés par les frères Safdie, qui ont enchanté la Croisette cette année avec Good Time, porté par Robert Pattinson.

: un samedi par trimestre à 11 h, du 23 septembre au 7 avril au mk2 Bibliothèque

DÉJÀ DEMAIN Bienvenue dans la cour des grands : soit le meilleur du court métrage contemporain en compagnie des jeunes cinéastes d’aujourd’hui qui feront les grands films de demain, comme Emmanuel Marre et son Film de l’été (prix Jean Vigo 2017).

: un lundi par mois à 20 h, du 2 octobre à juin au mk2 Odéon (côté St Michel)

MK2 BOUT’CHOU ET MK2 JUNIOR Jamais trop tôt pour commencer le ciné : pour les 3 à 4 ans, des films de moins d’une heure avec lumière tamisée et niveau sonore tout doux ; pour les plus de 5 ans, les immanquables du cinéma à (re)découvrir en famille.

: mk2 Bout’chou, de 3 à 4 ans, les samedis et dimanches matins, toute l’année au mk2 Quai de Seine, mk2 Bastille (côté Beaumarchais), mk2 Gambetta, mk2 Bibliothèque • mk2 Junior, dès 5 ans, les samedis et dimanches matins, toute l’année au mk2 Quai de Loire, mk2 Parnasse, mk2 Gambetta, mk2 Bibliothèque

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© PICTORIAL PRESS LTD / ALAMY STOCK PHOTO ; AF ARCHIVE / ALAMY STOCK PHOTO ; LE SKATE MODERNE, ANTOINE BESSE

JEUNESSE


LES ACTUS mk2 CONNAISSANCE

LE PHOTO LIVE DE 6MOIS Top chrono : vingt photos, 20 secondes par photo. Les photojournalistes vont devoir faire preuve d’esprit de synthèse pour raconter, en image, leur reportage au long cours publié dans la revue 6Mois après des mois de travail.

: un dimanche par trimestre à 11 h, du 8 octobre à juin au mk2 Quai de Seine

LA SORBONNE NOUVELLE FAIT SON CINÉMA Les chercheurs de la Sorbonne Nouvelle passent de l’écrit à l’écran : ils analysent pour nous le cinéma par le prisme du politique et du social – autour, par exemple, de la question des droits des femmes à l’écran.

: un jeudi par trimestre à 12 h 30, du 12 octobre au 14 juin au mk2 Bastille (côté Fg St Antoine)

SCIENCES SOCIALES ET CINÉMA Citizenfour de Laura Poitras, No de Pablo Larraín : cette année, les films projetés et commentés par des enseignants-chercheurs de l’École des hautes études en sciences sociales porteront sur le thème de la résistance. Irrésistible.

: un lundi par mois à 19 h 45, du 9 octobre au 11 juin au mk2 Bibliothèque

VENEZ PARCOURIR L’UNIVERS AVEC CHRISTOPHE GALFARD Laissez-vous porter jusqu’au firmament avec les conférences pédagogiques et chaleureuses du physicien Christophe Galfard, qui perce pour une nouvelle saison les secrets de l’univers. Vertige garanti.

: un samedi par mois à 11 h, du 30 septembre à juin au mk2 Quai de Loire

LUNDIS PHILO DE CHARLES PÉPIN Jamais un pépin avec Charles, ses conférences de philo sont toujours un succès. Au programme cette année : « Peut-on aimer toute sa vie ? », « Vieillir, est-ce désapprendre ? » ou « Faut-il réaliser ses rêves ? ».

: les lundis à 18 h 30, du 11 septembre au 25 juin © PASCAL MEUNIER ; ASTRID DI CROLLALANZA – FLAMMARION

au mk2 Odéon (côté St Germain)

ET AUSSI DANS VOS SALLES, DE NOMBREUX AUTRES ÉVÉNEMENTS : avant-premières, master classes, cartes blanches, ciné-BD, rencontres-dédicaces, cycles en matinée, séances exclusives, festivals…

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mk2 SUR SON 31 JUSQU’AU 9 SEPT. SOIRÉES DANSE En partenariat avec le Paris Université Club, venez danser sur le parvis du cinéma. Les mardis et vendredis : rock ; les samedis de juillet : salsa ; les samedis d’août : west coast swing.

: mk2 Bibliothèque, à partir de 19 h 30

MERCREDI 12 JUIL. CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première de Happy End de Michael Haneke (sortie le 4 octobre). Séance présentée par Pascal Mérigeau.

: mk2 Bibliothèque à 19 h 30

CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première de Wind River de Taylor Sheridan (sortie le 30 août), Prix de la mise en scène – Un certain regard.

: mk2 Bibliothèque à 22 h

JEUDI 13 JUIL. CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première de Mise à mort du cerf sacré de Yórgos Lánthimos (sortie le 1er novembre), Prix du scénario.

: mk2 Bibliothèque à 19 h 30

CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première de Good Time de Benny et Josh Safdie (sortie le 13 septembre).

: mk2 Bibliothèque à 22 h

VENDREDI 14 JUIL. CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première de 120 battements par minute de Robin Campillo (sortie le 23 août), Grand prix.

: mk2 Bibliothèque à 19 h

CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première du Redoutable de Michel Hazanavicius (sortie le 13 septembre).

: mk2 Bibliothèque à 22 h

SAMEDI 15 JUIL. CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première de The Square de Ruben Östlund (sortie le 18 octobre), Palme d’or.

MARDI 18 JUIL. CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première d’Une femme douce de Sergei Loznitsa (sortie le 16 août).

: mk2 Bibliothèque à 19 h

CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première des Filles d’Avril de Michel Franco (sortie le 2 août), Prix du jury – Un certain regard.

: mk2 Bibliothèque

: mk2 Bibliothèque

à 19 h

à 22 h

CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première d’En attendant les hirondelles de Karim Moussaoui (sortie le 8 novembre).

: mk2 Bibliothèque à 22 h

MARDI 8 AOÛT AVANT-PREMIÈRE Projection de Djam de Tony Gatlif (sortie le 9 août), en présence du cinéaste et de l’actrice Daphné Patakia.

: mk2 quai de Loire à 20 h

DIMANCHE 16 JUIL. CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première de Vers la lumière de Naomi Kawase (sortie le 10 janvier 2018).

SAMEDI 2 SEPT. CYCLE « JAZZ À LA VILLETTE : CUBA » En partenariat avec le festival Jazz à la Villette, projection de Cuba feliz de Karim Dridi.

: mk2 Bibliothèque

: mk2 Quai de Seine

à 20 h

à 10 h 45

CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première de Jeune femme de Léonor Serraille (sortie en septembre), Caméra d’or.

: mk2 Bibliothèque à 22 h

LUNDI 17 JUIL. CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première d’In the Fade de Fatih Akın, Prix d’interprétation féminine.

: mk2 Bibliothèque à 20 h

CYCLE « LE MEILLEUR DU FESTIVAL DE CANNES » Projection en avant-première de Faute d’amour d’Andreï Zviaguintsev (sortie le 20 septembre), Prix du jury.

: mk2 Bibliothèque à 22 h

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DIMANCHE 3 SEPT. CYCLE « JAZZ À LA VILLETTE : CUBA » En partenariat avec le festival Jazz à la Villette, projection de Chico & Rita de Fernando Trueba et Javier Mariscal.

: mk2 Quai de Seine à 10 h 45

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