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Léo Kouper, affichiste
Tête d’affiche De Charlot à Emmanuelle, il a traversé six décennies d’affiches, s’illustrant aussi pour le théâtre, les petits pois ou le tourisme. À l’exception du fidèle Jean-Pierre Mocky, le cinéma se passe désormais de ses services. Mais Léo Kouper, lui, est toujours là.
©julien weber
Par Rod Glacial – Photographie de Julien Weber
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Léo Kouper dans son atelier de Saint-Ouen, en juin 2013
uand je suis rentré à Paris après la Libération, c’est en voyant les affiches de Paul Colin sur les murs que j’ai su que c’était le métier que je voulais faire. » De la lithographie au numérique, Léo Kouper a tout connu des modes de production de l’affiche. Il en a conservé une passion intacte pour l’acrylique. La chance lui sourit dès ses débuts en le catapultant dans les pattes d’Hervé Morvan, l’un des grands affichistes de l’époque, mais il devra vite se démarquer en participant à un concours par élimination : « Quand United Artists a décidé de ressortir les films de Chaplin après la guerre, ils n’ont pas voulu se lancer d’un seul coup avec un seul affichiste. À l’époque, attention ! Chaplin supervisait tout. Ils ont donc organisé une compétition. J’étais le plus jeune, au milieu de deux artistes chevronnés : Henri Cerutti et Jan Mara. On était en salle de projection et on devait chacun réaliser une maquette. La mienne,
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pour Les Temps Modernes, l’a emporté. Idem pour La Ruée vers l’or. Finalement pour Le Dictateur, il n’y avait plus que moi dans la salle ! J’ai fait le reste de la série à partir de 1955. Quand ces films sont ressortis en 1971, Parafrance (antenne locale de Paramount, ndlr) m’a dit : “On ne veut pas d’histoire avec Chaplin alors c’est vous qu’on appelle.” Chaplin était plus intelligent que tous les autres, il avait compris le rôle de l’affiche. Le réalisateur de cinéma a une heure trente pour raconter une histoire, l’affichiste n’a qu’une seconde. » Mais tout n’est pas gagné pour autant. Dans le métier « on vous classe », et Kouper est vite cantonné aux films comiques. Pour le reste, on lui laisse les affichettes, destinées à la presse ou à l’affichage sauvage. « Pour un même film, il y avait une création spéciale pour l’affichette, une autre pour la province, etc. On considérait que les provinciaux étaient moins intelligents, et c’est souvent Hervé Morvan qui s’y collait. Raymond Gid, qui faisait des affiches beaucoup plus intellectuelles,
été 2013