Trois Couleurs # 112 - juin 2013

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le monde à l’écran

l’inconnu du lac du 12 juin au 9 juillet 2013

Plongée dans le bain érotique d’Alain Guiraudie

cannes, le retour Portfolio exclusif : ceux qui ont marqué le Festival

et aussi

Jane Campion, censure à Hollywood, les nanars…

no112 – gratuit

Ressusciter les acteurs Et si le scénario du Congrès d’Ari Folman n’était plus de la science-fiction ?


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l’e ntreti e n du mois

L’Inconnu du lac Rencontre avec le réalisateur Alain Guiraudie Cannes, près du port, de bon matin. Alain Guiraudie, marcel blanc et sweat à capuche, chaîne en argent et accent jovial du Sud-Ouest, est venu présenter L’Inconnu du lac, en compétition dans la sélection Un certain regard. Drame classique autant que comédie érotique, le film raconte une histoire d’amour sur une plage naturiste gay. Inclassable, iconoclaste jusqu’au vertige. Critique du film et rencontre avec son réalisateur.

©nicolas guérin

par laura tuillier

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l’e ntreti e n du mois

Un territoire inquiétant et irrésistible : celui de la passion amoureuse, envisagée comme folie mortifère. Ça se passe pendant les vacances d’été, entre la plage et le parking. C’est un lieu de drague et de baise pour hommes, protégé par une végétation généreuse. C’est là que vient tous les jours Franck, un jeune homme à la recherche de plaisir sensuel. L’Inconnu du lac, dans sa simplicité esthétique et narrative, se déploie d’abord sans en avoir l’air. Franck nage beaucoup, il se sèche au soleil, va draguer dans les bosquets, et plus si affinités. La beauté solaire des images d’Alain Guiraudie semble alors pouvoir suffire. En effet, après Le Roi de l’évasion, qui foisonnait de personnages secondaires et de détails sociologiques truculents sur le milieu de l’agriculture et la communauté homo de province, Alain Guiraudie fait le choix intelligent de procéder ici par soustraction : un seul lieu, le lac et ses alentours, que le film ne quittera jamais ; un seul temps, les journées de vacances et leur troublante similarité ; et un seul désir, que Guiraudie prend le temps de filmer de près, dans la longueur. Les scènes de sexe sont là, nombreuses. Le réalisateur n’évite de montrer ni l’acte ni ses alentours – comment on s’y prend, est-ce qu’on se protège, ce qui se dit après la jouissance. Deux hommes s’enlacent, s’enchaînent et s’étouffent, comme si l’épanouissement du corps n’allait jamais sans un serrement, possiblement fatal, du cœur. l’inconnu du lac se déroule en un seul lieu, dont les différents espaces sont très délimités. pourquoi cette envie d’unité ? J’ai fait des moyens métrages qui se passaient dans un seul lieu – je pense à Ce vieux rêve qui bouge ou à Du soleil pour les gueux –, puis un long métrage, Le Roi de l’évasion, qui lui bougeait pas mal. J’avais envie de revenir à une structure plus simple, dans un espace à l’air libre. Je n’en pouvais plus des scènes d’intérieur. Tourner dans une chambre à coucher, ça me fait vraiment chier. C’est une question de claustrophobie, je suis gêné au niveau de ma mise en scène, je me sens à l’étroit. Dans la mise en scène de L’Inconnu du lac, j’ai insisté sur cette récurrence des mêmes espaces ; le parking est toujours filmé sous le même angle.

vos personnages ne sont pas ancrés dans la vie, ils vivent dans un microcosme sans contrechamp. sont-ils hors de la société ? Le film se situe quelque part entre le conte et la tragédie ; j’ai donc mis peu d’indices temporels. La forme d’anse de la plage évoque le théâtre antique. Et la simplicité du film donne un côté Petit Chaperon rouge. Les contes de Perrault ont d’ailleurs beaucoup compté pour moi. En même temps, je suis dans quelque chose d’assez documentaire par rapport aux pratiques de ces lieux-là. le film s’attache à un rythme très routinier, qui est aussi celui de n’importe quelle journée de vacances. comment se lance-t-on dans l’écriture d’un scénario qui fait autant appel à la réitération, à la répétition ? Je ne suis pas dans une logique de « varions les plaisirs ». Je fais confiance aux comédiens pour insuffler des variations, des nuances. Ils doivent, par les regards, le corps, pouvoir véhiculer beaucoup de sous-texte. Le montage joue aussi un grand rôle pour faire croître l’inquiétude. Quelque chose se décale peu à peu, le rythme se crée. C’est un travail extrêmement intuitif. Pour ce film, j’ai eu tendance à retrancher, à couper des séquences dialoguées, toujours dans l’idée d’augmenter le mystère. comment avez-vous travaillé avec les deux acteurs principaux, pierre deladonchamps et christophe paou ? On a vu beaucoup de mecs avant de trouver le duo qui fonctionne à plein – John Ford a dit que le casting, c’est 80 % de la mise en scène. J’ai pas mal répété avec eux. Il y avait des séquences pas évidentes à tourner, celles de sexe par exemple. Je leur faisais des petits dessins, comme pour une chorégraphie. michel, l’inconnu du lac, charrie des forces contraires lorsqu’il est à l’écran. il fascine et inquiète. de quoi est-il le reflet ? Michel, c’est le baiseur moderne. Il dissocie dormir et coucher ensemble pour des raisons sociales. Même s’il est investi dans la relation amoureuse, il arrive à cloisonner sa vie,

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« Aujourd’hui, le désir se vit plus au supermarché que dans l’amour… »

à enchaîner les mecs, et il a le cynisme qui va avec. La question qu’il pose est très importante pour moi : est-ce qu’il faut prolonger le désir le plus longtemps possible, ou le brûler immédiatement ? Moi, je suis romantique, je pense qu’il faut y aller à fond. en marge du duo fusionnel composé par franck et michel, il y a henri, qui est très ouvert, très franc, loin du mystère des deux hommes. son destin est tragique, comme si l’honnêteté pouvait détruire. Henri est un personnage suicidaire, il meurt de désespoir. Pour moi, il est le contrepoint à la frénésie sexuelle qui règne en permanence autour de lui. Il est revenu de tout ça, il cherche à voir si un lien sans tension sexuelle est possible. Les partouzes ne l’ont mené à rien. Je trouve ça très beau d’arriver à un certain âge et de ne plus comprendre ce qui s’est passé jusque-là. La question des rapports amicaux me travaille beaucoup. J’ai toujours l’impression que l’amitié est un sentiment faible par rapport à l’amour. Mais j’aime bien l’idée de pouvoir dormir ensemble sans coucher ensemble. le détective du film rappelle le personnage de l’inspecteur dans le roi de l’évasion. est-il une sorte de jiminy cricket bienveillant ? Effectivement, c’est la voix de la conscience. Il a des couplets moralisateurs ou culpabilisateurs, mais il reste bienveillant. C’est le Candide de l’histoire, il se pose des questions judicieuses sur ce milieu de la drague gay, qui est particulier. Je ne pense d’ailleurs pas que ça concerne uniquement le milieu homo… On a de drôles de façons de s’aimer aujourd’hui ! il note la solitude des hommes qui fréquentent ce lieu. Pour autant, la chair n’est pas triste. L’amour, notamment physique, doit rester joyeux ;

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le sexe, c’est quand même un vrai plaisir ! Mais il y a toujours dans l’amour un moment où plane l’angoisse de la fin du désir. J’ai pensé le film de façon politique. Il débute de manière très solaire, comme a pu l’être l’idéal de libération sexuelle dans les années 1970, puis on sombre dans une sorte d’aliénation, une injonction à jouir pas très excitante. J’ai l’impression qu’aujourd’hui, le désir se vit plus au supermarché que dans l’amour… À la fin, on nage dans des ténèbres cauchemardesques. votre film a des accents hitchcockiens. aviez-vous en tête des films à suspense américains ? J’ai envie de citer Les Dents de la mer, par exemple. Mais je n’avais pas de références précises pour ce film-là, à part La Nuit du chasseur, qui est un film de chevet. D’ailleurs, L’Inconnu du lac est davantage un thriller existentiel qu’un film de genre. la fin de l’inconnu du lac est très sombre, surtout si on la compare à la joyeuse fin hédoniste du roi de l’évasion, votre film précédent. d’où cette noirceur vient-elle ? J’aime cette fin-là. Elle est tragique, parce que Franck choisit d’aller au bout de son désir, même s’il doit en mourir. L’absence de Michel devient alors l’hypothèse la plus terrible. Le tragique n’apparaissait pas vraiment dans Le Roi de l’évasion, j’avais peut-être davantage envie de rire. Là, je voulais tenir le cap de l’inquiétude et du malaise, mêlés au sexe et à l’hédonisme. Je ne dis pas que je ne reviendrai jamais à la bonne vieille comédie, mais je sens que j’ai fait ce film à la lumière du monde, qui me semble de plus en plus inquiétant. L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie avec Pierre Deladonchamps, Christophe Paou… Distribution : Les Films du Losange Durée : 1h37 Sortie le 12 juin

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é dito

lève-toi et marche par étienne rouillon illustration de charlie poppins

C’

était le plus grand film de l’histoire du cinéma, un objet « prophète » pour éveiller l’humanité. C’est du moins comme ça qu’Alejandro Jodorowsky voyait son adaptation du roman culte de science-fiction Dune. En 1975, le réalisateur s’entoure de Pink Floyd, David Carradine, Salvador Dalí, Orson Welles et Mick Jagger. Il fait dessiner par Moebius le storyboard très détaillé de ce film dément, mais qui ne se fera pas, faute de financement. Lors de notre rencontre à Cannes, Jodorowsky refuse que l’interview vire à la nécrologie nostalgique : « Si mon Dune était

allé jusqu’au bout, je serais devenu un genre de Spielberg, et la bande dessinée L’Incal n’aurait pas existé. » C’est la surprise du très bon documentaire Jodorowsky’s Dune, présenté à la Quinzaine des réalisateurs : la fabuleuse saga L’Incal est une réincarnation du storyboard de Dune. Ressusciter les projets et acteurs d’entre les morts, c’est l’idée voisine d’Ari Folman dans Le Congrès. Le film, qui raconte le clonage numérique d’une actrice, nous a inspiré une enquête sur la possibilité de faire jouer les disparus dans de nouveaux films. Reste à savoir si la création peut survivre lorsque rien ne se perd et que tout se transforme.

Alejandro Jodorowsky sur la tombe de son film Dune, consolé par John Difool et la mouette Deepo, héros de L’Incal

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Sommaire Du 12 juin au 9 juillet 2013 éditeur MK2 Agency 55 rue Traversière, 75012 Paris Tél. : 01 44 67 30 00 directeur de la publication Elisha Karmitz (elisha.karmitz@mk2.com) rédacteur en chef Étienne Rouillon (etienne.rouillon@mk2.com) rédactrice en chef adjointe Juliette Reitzer (juliette.reitzer@mk2.com) rédacteurs Quentin Grosset (quentin.grosset@mk2.com) Laura Tuillier (laura.tuillier@mk2.com) directrices artistiques Marion Dorel (marion.dorel@mk2.com) Sarah Kahn (hello@sarahkahn.fr) secrétaires de rédaction Jérémy Davis (jeremy.davis@mk2.com) Vincent Tarrière (vincent.tarriere@orange.fr) iconographe Juliette Reitzer stagiaires Maureen Lepers, Marie Ponchel ont collaboré à ce numéro Stéphane Beaujean, Ève Beauvallet, Léa Chauvel-Lévy, Sophia Collet, Renan Cros, Julien Dupuy, Yann François, Clémentine Gallot, Claude Garcia, Yves Le Corre, Jérôme Momcilovic, Wilfried Paris, Michaël Patin, Alexandre Prouvèze, Bernard Quiriny, Guillaume Regourd, Pablo René-Worms, Louis Séguin, Éric Vernay, Anne-Lou Vicente, Etaïnn Zwer illustrateurs Marion Dorel, Charlie Poppins photographes Nicolas Guérin, Jean-Romain Pac publicité directrice commerciale Emmanuelle Fortunato (emmanuelle.fortunato@mk2.com) responsable clientèle cinéma Stéphanie Laroque (stephanie.laroque@mk2.com) chef de projet communication Estelle Savariaux (estelle.savariaux@mk2.com)

L’entretien du mois 4 Alain Guiraudie, réalisateur de L’Inconnu du lac 9 Édito  Comment Dune, film mort-né, est devenu une bande dessinée 12 Preview Grand Central de Rebecca Zlotowski 14 Les actualités Un tour rapide sur les chiffres, visages et infos du mois 18 À suivre Esther Garrel dans Jeunesse 20 Exclusif Henry Cavill, le nouveau Superman de Man of Steel

l’agenda

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histoires du cinéma

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Les sorties des films du 12 juin au 3 juillet 2013

En couverture : ressusciter les acteurs morts Et si le scénario du Congrès d’Ari Folman n’était plus de la science-fiction ? Scène culte Collateral de Michael Mann Le code Hays Comment le célèbre système de censure des années 1930 a renouvelé le cinéma hollywoodien Jane Campion Rencontre avec la réalisatrice, célébrée à Cannes pour l’ensemble de sa carrière Hollywood stories Epcot, la cité utopique de Walt Disney, épisode 2 Cannes 2013 : l’eau à la bouche Bilan et album souvenir du Festival Les nanars Qui peut bien s’infliger un film qui a pour titre J’irai verser du nuoc-mâm sur tes tripes ? Gender studies Sus aux stéréotypes du film d’action avec Piégée de Steven Soderbergh Nouveau genre Alcool et drogues au cinéma : le mélodrame de la rechute

les films

Le meilleur des sorties en salles Les DVD Hamburger Film Sandwich de John Landis

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chef de projet Clémence Van Raay (clemence.vanraay@mk2.com)

cultures

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assistante chef de projet Anaïs Benguigui (anais.benguigui@mk2.com)

actus mk2

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L’actualité de toutes les cultures et le city guide de Paris

Paris Cinéma au MK2 Bibliothèque

Illustration de couverture ©Ruben Gérard pour Trois Couleurs

© 2013 TROIS COULEURS issn 1633-2083 / dépôt légal quatrième trimestre 2006. Toute reproduction, même partielle, de textes, photos et illustrations publiés par MK2 Agency est interdite sans l’accord de l’auteur et de l’éditeur. Magazine gratuit. Ne pas jeter sur la voie publique.

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previ ew

Sur le gril

Fraichement embauché dans une centrale nucléaire, Tony (Tahar Rahim) tombe sous le charme de Karole (Léa Seydoux), qui le lui rend bien. Le hic, c’est que Karole est fiancée : entre l’exposition aux radiations et la romance électrique, le jeune homme frôle dangereusement la surdose. Rebecca Zlotowski, remarquée avec Belle Épine en 2010, explore à plein le potentiel dramatique de la centrale : un lieu clos sous haute tension, régi par des procédures de sécurité draconiennes, hanté par les cris des alarmes. À cet espace mortifère et aliénant, la réalisatrice oppose une nature estivale, toile de fond des amours clandestines de Tony et Karole. Un havre de liberté et de chaleur, au pied des tours de refroidissement. juliette reitzer

Grand Central de Rebecca Zlotowski avec Tahar Rahim, Léa Seydoux… Distribution : Ad Vitam Durée : 1h35 Sortie le 28 août

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e n bre f

Les actualités Le film commence dans cinq minutes ? Un tour rapide sur les chiffres, visages et infos du mois. pages réalisées par stéphane beaujean, julien dupuy, quentin grosset, maureen lepers, marie ponchel, juliette reitzer et éric vernay

> l’info graphique

Quel spectateur êtes-vous ?

Avec qui ?

Chiffres extraits des Pratiques cinématographiques des Français en 2012

Les spectateurs vont au cinéma :

© centre national du cinéma et de l’image animée / publixiné – harris interactive

Comment décidez-vous du prochain film que vous allez voir ?

5. Par les critiques publiées dans les médias

seul (10 %)  en couple (42 %)  en famille (25 %)  avec leurs collègues et leurs amis (23 %)

1. Par le bouche à oreille

2. Par les extraits ou les bandes-annonces vus à la télévision

Et après ? 6. Par la publicité

3. Par les bandesannonces vues au cinéma 4. Par les sites Internet spécialisés

En dehors des salles obscures, les lieux culturels préférés des cinéphiles sont :

7. Par les réseaux sociaux

des spectateurs choisissent leur film une fois arrivé au cinéma

• les musées et les monuments • les concerts • les bibliothèques

> Ventes aux enchères

©artcurial paris

Ce que veulent les fans

Page de garde du scénario manuscrit du Mépris de Jean-Luc Godard

Le 28 mai dernier, un collectionneur français s’offrait l’unique scénario manuscrit du Mépris de Jean-Luc Godard pour 144 302 euros. Si l’on comprend sans mal l’intérêt cinématographique et historique d’un tel document, on ne cesse de s’étonner des enchères records qu’atteignent les objets de collection liés au septième art : en juin 2011, la fameuse robe blanche que portait Marilyn dans Sept ans de réflexion s’envolait ainsi pour 5,52 millions de dollars. Début juin, Steven Soderbergh bazardait diverses reliques sur son site (une casquette « The Good German » à vingt-cinq dollars, etc.) au profit d’une association humanitaire. « Peut-être que ces objets deviendront un genre de talisman pour un fan », écrivait-il, sans avoir l’air de trop y croire. Pourtant, de la saine passion cinéphile au fanatisme aveugle le plus crasse, il n’y a qu’un pas. Lors d’une vente à Beverly Hills, en novembre dernier, la robe de Judy Garland dans Le Magicien d’Oz côtoyait une part du gâteau servi en 1981 au mariage du prince Charles et de Lady Diana. j.r.

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> LE CHIFFRE DU MOIS

75 000 Calé

Le nombre record de CV reçus par Google en une semaine. Les deux personnages du film Les Stagiaires (Vince Vaughn et Owen Wilson) ont du mérite : ils sont parvenus à intégrer la « techno Mecque » avec salle de jeux et buffet à volonté. En salles le 26 juin. ma.po.

Décalé

Recalé

par m.l.

world war zombie

cotard zombie

one direction zombie

Si Max Brooks avait fait sensation avec la parution en 2003 de son Guide de survie en territoire zombie, c’est finalement son deuxième livre, plus noir, World War Z (2006), qui a pris le chemin des studios hollywoodiens. Sortie le 3 juillet.

Victime du syndrome délirant de Cotard, qui vous fait croire que vous n’existez plus, un Anglais a raconté son expérience de zombie au magazine New Scientist. Ou comment, persuadé d’être un zombie, il a refusé de dormir, parler ou s’alimenter.

Savez-vous faire la différence entre une bande de fans hystériques du boys band anglais One Direction et une attaque de zombies ? C’est la question que pose le site Internet anglais Mirror dans un diaporama de photos confondantes, disponible en ligne.

©2013 warner bros. entertainment inc. and legendary pictures funding, llc

> LA PHRASE

Joel Coen

©venturelli/wireimage

Le réalisateur, qui vient de remporter avec son frère, Ethan, le Grand Prix du Festival de Cannes pour Inside Llewyn Davis, répond au Toronto Star quant à la question d’une suite à The Big Lebowski.

> la technique

Body builders Plus besoin de suer dans les salles de gym pour obtenir un gabarit de surhomme : sur le plateau de Man of Steel, Michael Shannon, l’interprète du vil général Zod, portait une simple combinaison moulante grise qui ne cachait rien de ses bourrelets. En postproduction, les techniciens des effets spéciaux remplacèrent ce corps tout ce qu’il y a de plus commun par une armure musculeuse en image de synthèse, conférant au comédien une silhouette qu’on jurerait sortie des pages d’un comic book. j.d. Man of Steel de Zack Snyder (Warner Bros.) Sortie le 19 juin

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« the big lebowski 2 ? il y a peu de chances… je n’aime pas les suites. »


Vue de l’exposition « Winshluss – Un monde merveilleux », jusqu’au 10 novembre dans la galerie des jouets du musée des Arts Décoratifs

> exposition

Va jouer ! « Le musée des Arts décoratifs m’a proposé de réaliser des mises en scène de quelques-uns des jouets de sa collection. Rapidement, je me suis retrouvé limité par la fragilité et la valeur muséale de ces pièces, ce qui m’a conduit à réaliser mes propres dioramas, boîtes lumineuses et jouets. » Touche-à-tout tendance anarchiste et amateur de la surenchère, Winshluss s’en donne ici à cœur joie. Sa galerie de jouets est tout autant acces-

sible aux plus jeunes qu’à leurs parents. Une fois encore, c’est sa formidable capacité à faire cohabiter la fascination de l’enfance et le cynisme des adultes qui fonde l’ambiguïté perturbante de ses créations. Aux cotés de dinosaures abandonnés par l’arche de Noé et d’un Barbapapa mutant suite à un accident nucléaire trône par exemple une hilarante poupée hirsute intitulée Comment j’ai raté ma vie, à l’image de l’auteur. s.b.

Lu sur le web

« wanI’vammo’ tlha’ Hol Hov trek’ u’ chel bing.com search QuQ mughmeH tool. » Traduit (à peu près) du Klingon  : « Le moteur de recherche bing.com a ajouté la langue issue de l’univers de Star Trek à son outil de traduction. » Star Trek Into Darkness de J.J. Abrams, sortie le 12 juin

Décès Coiffeur de Marilyn Monroe, Jackie Kennedy ou Audrey Hepburn, Kenneth Battelle s’est éteint le mois dernier à l’âge de 86 ans. L’homme avait sauvé la tignasse de Marilyn qui, sur le tournage de Certains l’aiment chaud, avait failli perdre ses cheveux à force de permanentes trop chimiques. q.g.

©venturelli/wireimage

©bloomberg/getty images

> dépêches ©ron galella/wireimage

©luc boegly

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Casting

Qui incarnera Hillary Clinton à l’écran ? Le réalisateur James Ponsoldt (Smashed) est à la recherche de l’actrice qui interprétera l’ancienne secrétaire d’État des États-Unis dans son biopic Rodham. En lice ? Scarlett Johansson, Amanda Seyfried, Jessica Chastain et Reese Witherspoon. ma.po.

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Remake Après Only God Forgives, Nicolas Winding Refn s’offre une plongée dans l’espace. Le réalisateur danois travaille actuellement sur un projet de série de sciencefiction mettant en scène Barbarella, l’aventurière sexy immortalisée par Jane Fonda en 1968 dans le film de Roger Vadim. m.l.


e n bre f

> internet

> décès

©picture alliance/da

Ray Harryhausen Il a bercé les jeunesses cinéphiles de générations de spectateurs et influencé des nuées de réalisateurs : le spécialiste des effets spéciaux Ray Harryhausen est mort le 7 mai dernier, à l’âge de 92 ans. L’extraterrestre reptilien de À des millions de kilomètres de la Terre (1957), les squelettes épéistes de Jason et les Argonautes (1963) ou le cyclope anthropophage du Septième voyage de Sinbad (1958), c’est lui. Ce génie de l’animation s’était construit, avec un esprit d’indépendance forcené, une carrière unique dans l’histoire des effets spéciaux. Ses films partagent son indélébile marque : un mélange d’émerveillement, de candeur et de malice que très peu de cinéastes sont parvenus à égaler. j.d.

Chansons Prozac

Et si vos chansons tristes prenaient une bonne dose d’antidépresseur ? Et si Losing My Religion de R.E.M. donnait envie d’aller gambader dans les champs, le sourire aux lèvres ? Sur Vimeo et YouTube, les alchimistes mélomanes Major Scaled et Oleg Berg travestissent la tonalité de morceaux célèbres. Un passage du mode mineur au mode majeur (ou l’inverse) qui donne parfois le vertige, comme cette version mélancolique de Hey Jude. La manœuvre nécessite plusieurs étapes. « Je ferme les yeux et je chante la nouvelle version dans ma tête », explique l’Ukrainien Oleg Berg, qui isole ensuite la chanson en différentes parties, suivant leur harmonie. « Par exemple, Yesterday des Beatles a été découpée en trois cents petits morceaux. » Il faut alors changer les notes manuellement, à l’aide d’une demidouzaine de logiciels. é.v. http://olegberg.com http:// vimeo.com/majorscaledtv

> hip-hop

Chance The Rapper En marge de l’hyperviolente scène « drill » popularisée par la jeune star Chief Keef, la nouvelle pépite de Chicago s’appelle Chance The Rapper. Sa deuxième mixtape, l’excellente Acid Rap, a été téléchargée plus de cinquante mille fois en une semaine. Sous influences multiples – acid jazz, Kanye West, weed

et LSD –, Chancelor Bennett saute du rap au chant dans le même couplet, imposant un style d’équilibriste, élastique et psyché, gavé aux pilules soul, reggae et hip-hop old school. On découvre un garçon sensible essayant de grandir dans une cité surnommée Chiraq par les MCs locaux (en référence à la guerre en Irak), un gamin traumatisé par la mort de son meilleur pote, assassiné sous ses yeux en 2011. La clope au bec et le verbe au top, Chance le surdoué défonce ses démons à l’acide. é.v.

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©jash

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court métrage

Michael Cera

L’acteur américain incarne un handicapé à la recherche de l’amour dans un court métrage drôle et ambigu. Réalisé par Janicza Bravo, Gregory Go Boom suit son héros qui doit faire face à des filles décontenancées par le fauteuil roulant. À voir sur YouTube. q.g.


à su ivre

Esther Garrel Dans Jeunesse, un film sur le désir d’indépendance, la fille du cinéaste Philippe Garrel incarne la fille du réalisateur Louis Malle. par quentin grosset - photographie de jean-romain pac

S

i, si, la famille : on vient interviewer la sœur de Louis Garrel, qui joue dans un film réalisé par la fille de Louis Malle ; alors forcément, on s’emmêle un peu les pinceaux. Surtout qu’Esther ressemble à son personnage dans Jeunesse, soit Justine Malle postado, quand elle prenait son envol, alors que son père tombait malade : « Elle a un grand frère comme moi, une petite sœur comme moi, un père cinéaste comme moi », raconte l’actrice. À 22 ans, Esther Garrel est une brillante héritière qui s’affranchit de sa famille de cinéma, plutôt tournée vers l’intime : « Je préfère les univers non réalistes », dit-elle. Et pourtant, on la verra dans L’Astragale, le prochain film de sa mère, Brigitte Sy, et dans celui de son père, La Jalousie, une histoire à forte tendance autobiographique. « J’y jouerai la sœur de mon grand-père Maurice », annonce-t-elle. C’est à n’y plus rien comprendre. Jeunesse de Justine Malle avec Esther Garrel, Didier Bezace… Distribution : Pyramide Durée : 1h12 Sortie le 3 juillet

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Man of Steel L’acteur britannique Henry Cavill nous raconte comment il s’est glissé dans les collants de Superman. propos recueillis par étienne rouillon, à londres

« P

our les premiers essais filmés, j’étais dans un costume qui ressemblait à celui porté par l’emblématique Christopher Reeves dans les premiers Superman. Quand vous n’avez pas encore entamé le travail de préparation physique, cette combinaison… comment dire… ne vous met pas forcément en valeur, elle ne vous donne pas vraiment l’allure d’un surhomme. Passé ce moment, pouvoir se glisser dans cette tenue, endosser cet héritage, c’est un outil formidable pour un acteur. Cela permet d’identifier l’essence du personnage, l’élément que l’on retrouve dans toutes ses aventures, malgré leurs tonalités très diverses. J’ai cherché ce dénominateur commun dans les comic books (La Mort de Superman, Red Son, etc.) en les lisant d’une traite, comme on enchaîne les épisodes d’une série télévisée. Superman partage avec mon personnage de Charles Brandon dans Les Tudors ce même poids de l’exercice du pouvoir, mais le superhéros n’est pas une figure machiavélique. Sa toute-puissance fait qu’il n’a pas besoin de convaincre des alliés d’aller dans sa direction. » Man of Steel de Zack Snyder, avec Henry Cavill, Amy Adams… Distribution : Warner Bros. Durée : 2h23 Sortie le 19 juin

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Sorties du 12 juin au 3 juillet Arnaque à la carte de Seth Gordon avec Melissa McCarthy, Jason Bateman Distribution : Universal Pictures Durée : 1h52 Page 61

12 juin L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie avec Pierre Deladonchamps, Christophe Paou Distribution : Les Films du Losange Durée : 1h37 Page 4

Né quelque part de Mohamed Hamidi avec Tewfik Jallab, Jamel Debbouze Distribution : Mars Durée : 1h27 Page 63 Eat Sleep Die de Gabriela Pichler avec Nermina Lukac, Milan Dragiši Distribution : ASC Durée : 1h44 Page 64

Blackbird de Jason Buxton avec Connor Jessup, Michael Buie Distribution : Zed Durée : 1h43 Page 61

Déchirés / Graves de Vincent Dieutre Documentaire Distribution : Pointligneplan Durée : 1h22 Page 57

Offline de Peter Monsaert avec Wim Willaert, Anemone Valcke Distribution : Mica Films Durée : 1h55 Page 64

Ploddy – La Voiture électrique mène l’enquête de Rasmus A. Sivertsen Animation Distribution : Help Durée : 1h14

The Bling Ring de Sofia Coppola avec Israel Broussard, Emma Watson Distribution : Pathé Durée : 1h30 Page 58

A Very Englishman de Michael Winterbottom avec Steve Coogan, Anna Friel Distribution : Pretty Pictures Durée : 1h41 Page 64

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Just the Wind de Bence Fliegauf avec Katalin Toldi, Lajos Sárkány Distribution : Sophie Dulac Durée : 1h39 Page 58

Man of Steel de Zack Snyder avec Henry Cavill, Amy Adams Distribution : Warner Bros. Durée : 2h23 Page 20

Off White Lies de Maya Kenig avec Gurt Bentvich, Elya Inbar Distribution : Solaris Durée : 1h26 Page 60

Belle du seigneur de Glenio Bonder avec Jonathan Rhys Meyers, Natalia Vodianova Distribution : Océan Films Durée : 1h44 Page 61

Room 237 de Rodney Ascher Documentaire Distribution : Wild Bunch Durée : 1h42 Page 65

Joséphine d’Agnès Obadia avec Marilou Berry, Mehdi Nebbou Distribution : UGC Durée : 1h35

The Bay de Barry Levinson avec Kristen Connolly, Christopher Denham Distribution : ARP Sélection Durée : 1h28

People Mountain People Sea de Shangjun Cai avec Jian Bin Chen, Xiubo Wu Distribution : Aramis Films Durée : 1h31 Page 61

La Fille publique de Cheyenne Carron avec Doria Achour, Anne Lambert Distribution : Carron Durée : 2h12 Page 60

Les Beaux Jours de Marion Vernoux avec Fanny Ardant, Laurent Lafitte Distribution : Le Pacte Durée : 1h34 Page 62

La Grande Boucle de Laurent Tuel avec Clovis Cornillac, Bouli Lanners Distribution : Wild Bunch Durée : 1h38 Page 60

Star Trek Into Darkness de J.J. Abrams avec Chris Pine, Zachary Quinto Distribution : Paramount Pictures Durée : 2h10 Page 60

My Movie Project collectif avec Halle Berry, Kate Winslet Distribution : Metropolitan FilmExport Durée : 1h34

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Bambi de Sébastien Lifshitz Documentaire Distribution : Épicentre Films Durée : 58 min Page 63

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mai 2013 juin 2013 22

12 ans d’âge de Frédéric Proust avec François Berléand, Patrick Chesnais Distribution : Pyramide Durée : 1h25 Page 65


ag e n da

Les Petits Princes de Vianney Lebasque avec Paul Bartel, Reda Kateb Distribution : EuropaCorp Durée : 1h30 Page 65

Broken City d’Allen Hugues avec Mark Wahlberg, Russell Crowe Distribution : StudioCanal Durée : 1h49

Quadrophenia de Frank Roddam avec Phil Daniels, Mark Wingett Distribution : Solaris Durée : 2h03 Page 65

Metro Manila de Sean Ellis avec Jake Macapagal, Althea Vega Distribution : Haut et Court Durée : 1h55

Electrick Children de Rebecca Thomas avec Julia Garner, Rory Culkin Distribution : Bac Films Durée : 1h33 Page 66

La Marque des anges – Miserere de Sylvain White avec Gérard Depardieu, JoeyStarr Distribution : Pathé Durée : 1h46

Before Midnight de Richard Linklater avec Julie Delpy, Ethan Hawke Distribution : Diaphana Durée : 1h48 Page 66

En pays cannibale d’Alexandre Villeret avec Axel Philippon, David Saracino Distribution : Commune Image Media Durée : 1h24

Dark Skies de Scott Stewart avec Keri Russell, Josh Hamilton Distribution : Wild Bunch Durée : 1h37 Page 68

Jeunesse de Justine Malle avec Esther Garrel, Didier Bezace Distribution : Pyramide Durée : 1h12 Page 18

Un mois en Thaïlande de Paul Negoescu avec Ionut Grama, Victoria Raileanu Distribution : Épicentre Films Durée : 1h25 Page 68

Le Congrès d’Ari Folman avec Robin Wright, Harvey Keitel Distribution : ARP Sélection Durée : 2h00 Page 25

Amore Carne de Pippo Delbono Documentaire Distribution : Les Films du Paradoxe Durée : 1h15 Page 68 Moi, moche et méchant 2 de Pierre Coffin et Chris Renaud avec les voix de Steve Carell, Kristen Wiig Distribution : Universal Pictures Durée : 1h38 Page 68 Les Stagiaires de Shawn Levy avec Vince Vaughn, Owen Wilson Distribution : 20th Century Fox Durée : 1h59

3 juillet

Pour une femme de Diane Kurys avec Benoît Magimel, Sylvie Testud Distribution : EuropaCorp Durée : n.c. Page 72

Rampart d’Oren Moverman avec Woody Harrelson, Robin Wright Distribution : Metropolitan FilmExport Durée : 1h47 Page 72

World War Z de Marc Foster avec Brad Pitt, Matthew Fox Distribution : Paramount Pictures Durée : 2h Page 72

La Dernière Recrue de Luc Murat avec Moussa Maaskri, Pierre Murat Distribution : Dopamyne Films Durée : 1h37

Les Reines du ring de Jean-Marc Rudnicki avec Marilou Berry, Nathalie Baye Distribution : Warner Bros. Durée : 1h50

Le Roi et l’Oiseau de Paul Grimault Animation Distribution : Sophie Dulac Durée : 1h27

Frances Ha de Noah Baumbach avec Greta Gerwig, Mickey Sumner Distribution : Memento Films Durée : 1h26 Page 70

L’Oncle de Brooklyn de Daniele Cipri et Franco Maresco avec Salvatore Gattuso, Pippo Augusta Distribution : Ed Durée : 1h38

Ma meilleure amie, sa sœur et moi de Lynn Shelton avec Emily Blunt, Rosemarie DeWitt Distribution : Le Pacte Durée : 1h30 Page 72

White Lie de Nyima Cartier avec David Birkin, Olivia Ross Distribution : Les Films à Fleur de Peau Durée : n.c.

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CINéMA

histoires du

jane campion p.32

Rencontre avec la réalisatrice, célébrée à Cannes pour l’ensemble de sa carrière

les nanars p.46

Qui peut bien s’infliger un film qui a pour titre J’irai verser du nuoc-mâm sur tes tripes ?

code hays p.66

Comment le célèbre système de censure des années 1930 a sauvé Hollywood

en couverture

© arp sélection

« Dans quinze ans, on ne remarquera pas la différence entre un vrai et un faux acteur. »

Les immortels

Ari Folman

2016, Tom Cruise est de retour dans Top Gun 2 et il a toujours, en apparence, les 24 printemps de son personnage Maverick. Un clone numérique se charge à l’écran de maintenir la légende des années 1980. Voilà le genre de possibilités ouvertes par le réalisateur Ari Folman dans son film Le Congrès : les studios de cinéma bâtissent le casting de leur choix, en faisant fi de la vieillesse, de la mort, ou de l’emploi du temps des acteurs. De la pure science-fiction ? Éléments de réponse. par quentin grosset, maureen lepers, laura tuillier et étienne rouillon


h istoi re s du ci n é ma

R

obin Wright envoie bouler le producteur de la Miramount. Celui-ci vient de lui proposer un pacte faustien, qu’elle finira tout de même par accepter. Parce qu’à l’évidence, il a raison. La carrière de cette actrice est un terrain vague. Le nom de Robin Wright ne vous dit vraisemblablement pas grand-chose. Sa filmographie peut se résumer à un succès : Jennifer, la copine de Forrest Gump, dans le film de Robert Zemeckis. Il y a vingt ans. Difficile de jouer dans de nouveaux films quand on a près de 50 ans et que les directeurs de castings veulent revoir le visage juvénile de l’héroïne de Princess Bride (1987). La Miramount lui propose de faire revivre la princesse. Il suffit à Robin de signer un contrat de numérisation : on la scannera et l’on fera jouer son avatar numérique, en lui donnant l’âge souhaité. Le producteur la rassure, bientôt, tout le monde le fera. Le Congrès d’Ari Folman signe le retour du réalisateur de Valse avec Bachir à un premier amour : la science-fiction. La deuxième et la troisième partie du film déroulent en effet un univers futuriste, à mi-chemin entre Le Roi et l’Oiseau (de Paul Grimault, 1979) et Paprika (de Satoshi Kon, 2006), dans lequel la Miramount maintient le peuple dans une illusion hallucinogène. Reste que ce que l’on retient du Congrès, c’est surtout cette première partie aux frontières du réel, au cours de laquelle Robin Wright joue un personnage du même nom, inspiré de sa propre biographie. Quelques jours après la projection du film à Cannes, pour l’ouverture de la Quinzaine des réalisateurs, on interrogeait Ari Folman, qui répondait, mi-fasciné, mi-inquiet : « Il y a déjà des entreprises qui scannent les acteurs, nous avons d’ailleurs tourné dans un lieu qui existe. C’est donc possible, techniquement, de se passer des acteurs. Peut-être que dans quinze ans, les spectateurs ne remarqueront pas la différence entre un vrai et un faux acteur. Je ne dirais pas que j’ai peur de cette évolution, mais je voulais réfléchir sur les voies que prend le cinéma aujourd’hui. » Le système utilisé par la Miramount existe bel et bien. On en a trouvé un, à Paris.

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Un grand dôme de lumière entoure un siège vide, pendant que deux techniciens s’affairent sur des visages scannés puis reconstruits numériquement. Il a fallu l’union d’un saltimbanque et d’un scientifique pour que cette machine prenne forme. Le premier, Christian Guillon, travaille dans les effets spéciaux depuis trente ans. Avant de réaliser Le Congrès, Ari Folman est venu lui rendre visite : « Je lui ai montré une vidéo d’un système similaire au nôtre qui se trouve dans une université de Californie, où nous avions réalisé des captations. Leur machine est plus expérimentale, plus spectaculaire. » Folman est donc parti là-bas tourner la poignante scène durant laquelle Robin Wright, accompagnée par son agent (Harvey Keitel, brillant), abandonne sa carrière d’actrice à une copie numérique. L’associé de Guillaume, Cédric Guiard, est un spécialiste de la simulation scientifique. Avec leur entreprise, ADN (Agence de doublures numériques), ils fabriquent des modèles numériques ressemblant à des personnes réelles et suffisamment photoréalistes pour faire illusion dans le cadre d’une application audiovisuelle : « Notre système prend en compte l’apparence, dans son unicité, selon sa morphologie, les matériaux qui la composent, la façon dont le visage va réagir à la lumière ; tout ce qui a trait à l’expressivité et à la dynamique du jeu de l’acteur. Pour les personnes disparues, on travaille sur la géométrie des images d’archives et on fait appel à des doublures », précise Cédric Guiard. Double jeu

Les application sont multiples et vont de la création de doublures pour des cascades à la modification de la physionomie d’un acteur, rajeunissement, grossissement ou vieillissement : « Ça ouvre le champ des possibles, mais on prend bien soin d’encadrer l’usage de ce type de représentations sur un plan juridique, en établissant des contrats avec les personnalités et les producteurs », affirme Christian Guillon. L’aspect juridique, garde-fou de travers non éthiques, est au cœur du film de Folman. Guillon réagit aux craintes exposées dans Le Congrès : « Les acteurs ne se feront jamais

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e n couve rtu re

Robin Wright dans la machine qui va créer son clone numérique

« Il y a déjà des entreprises qui scannent les acteurs. » © arp sélection

Ari Folman

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© arp sélection

h istoi re s du ci n é ma

© adn

© arp sélection

La version animée de Robin Wright arrive au Congrès de la Miramount

L’agent de Robin Wright (Harvey Keitel) assiste au scan de son actrice

Une opération de captation chez les pionniers de ADN

remplacer, simplement ce procédé leur permettra d’étendre leurs capacités. C’est le principe du masque. Ils vont pouvoir se concentrer sur l’essence de leur métier, le jeu, la comédie, en se débarrassant de leur apparence. » Exploser les contraintes générationnelles du casting pour mettre en valeur le jeu, Robert Zemeckis l’avait justement fait dans Forrest Gump, en truquant des images d’archives : le Tom Hanks de 1994 y serrait la main du président John Fitzgerald Kennedy. Le jeu de ces doubles immortels fait illusion, et il n’est pas nouveau. C’est le dernier stade formel d’un vieux rêve des cinéastes : capter l’essence du jeu de l’acteur. L’an passé, le réalisateur Gilles Penso faisait l’historique des progrès en la matière, lors d’une conférence à la Cinémathèque française. En 1915, le procédé de la rotoscopie permettait d’humaniser les mouvements des personnages de dessins animés (Betty Boop, Popeye) en redessinant les contours d’acteurs en chair en en os. Le Secret de la pyramide, en 1986, est le premier film qui associe dans le même plan un humanoïde de synthèse et un acteur filmé en prise de vue réelle. Suit l’explosion, au milieu des années 1990, du motion capture (capture de mouvement), avec ses fameux marqueurs en forme de balles de ping-pong. Robert Zemeckis ira, dès 2007, aux

portes de ce que l’on voit dans Le Congrès avec La Légende de Beowulf, premier film tourné en performance capture, qui capte le mouvement et le jeu d’interprétation des acteurs. Avant Robin Wright, la première star des acteurs scannés est Andy Serkis, qui a incarné le Gollum du Seigneur des anneaux, le gorille de King Kong ou le capitaine Haddock dans le Tintin de Steven Spielberg. Coréalisateur avec Gilles Penso du documentaire Ray Harryhausen – Le Titan des effets spéciaux, Alexandre Poncet estime, sans exclure une nécessaire réserve éthique, qu’il ne faut pas y voir « une simple possibilité de ressusciter les morts, mais bien une nouvelle façon de raconter des histoires. Finalement, personne n’invente rien, mais c’est la façon de raconter qui change ». L’ouverture récente de cette boîte de pandore par la publicité (Alfred Hitchcock pour Citroën, Marylin Monroe pour Dior) ne dissipe pas totalement l’opportunité d’un casting d’immortels choisis pour leur mythe plutôt que pour leur jeu.

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Enquête réalisée avec les précieux conseils de Julien Dupuy Le Congrès d’Ari Folman avec Robin Wright, Harvey Keitel… Distribution : ARP Sélection Durée : 2h Sortie le 3 juillet

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h istoi re s du ci n é ma - scè n e cu lte

LA RÉPLIQUE :

« Un mec monte dans le train à Los Angeles et meurt. Tu crois qu’on le remarquera ? »

Collateral Grand héritier formel de la tradition hollywoodienne, Michael Mann théorise le délitement des héros du cinéma classique pour mieux en cristalliser le mythe. Exemple avec l’usage du champ-contrechamp dans l’épilogue de Collateral (2004).

©rda/bca

par maureen lepers

Vincent (Tom Cruise) et Max (Jamie Foxx)

Dans une rame de métro déserte, Vincent (Tom Cruise), tueur à gages exsangue, affronte Max (Jamie Foxx), le chauffeur de taxi qui l’a accompagné toute la nuit. La séquence se construit autour de deux face-à-face consécutifs. Filmé dans l’obscurité, le premier est un duel tonitruant sur lequel plane l’ombre du western ; le second, une conversation au cours de laquelle Vincent, touché au poumon, raconte à Max l’histoire d’un homme qui comme lui meurt dans le métro. Michael Mann travaille ici le motif roi du classicisme hollywoodien, le champ-contrechamp, pour en révéler l’ambiguïté : les deux hommes ne sont jamais ensemble à l’image, mais ils sont liés par des raccords regard asymétriques, façon pour le réalisateur

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d’isoler progressivement Vincent. Les points de vue se répondent, jusqu’au surgissement d’un plan anonyme qu’aucun regard ne vient naturaliser : l’image de la mort de Vincent, cadrée en contre-plongée, l’angle traditionnel selon lequel étaient filmées les légendes du cinéma classique américain. Le wagon du métro, avec ses teintes bleues et grises, devient alors un tombeau, une chambre froide gardienne de la mémoire d’un héros défait, dont Collateral semble avoir été la dernière croisade. Collateral de Michael Mann avec Tom Cruise, Jamie Foxx… Durée : 2h Disponible en DVD (Paramount Pictures)

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h istoi re s du ci n é ma

le code hays

Totems et tabous Dans ses Secrets d’Hollywood, Patrick Brion arpente les coulisses de la Mecque du cinéma et s’attarde sur la genèse du code Hays. Gare aux apparences : ce célèbre système de censure, plus vertueux qu’il n’y paraît, pourrait bien avoir sauvé la peau des studios.

©harris & ewing collection (library of congress)

par ève beauvallet

P

William Hays à son bureau, en 1922

as de relations interraciales à l’écran. Des baisers, d’accord, mais d’une durée inférieure à huit secondes. Et pas de nombrils à découvert… On ne se lasse pas de rappeler les improbables instructions du code Hays, le célèbre manuel de « protection morale » qui entre 1934 et 1966 a régi l’exploitation des films aux États-Unis. On pourrait énumérer les gags au-delà de l’absurde occasionnés par ces directives – l’obligation, par exemple, de mesurer l’écart entre les lits des amants, puisqu’un couple à l’écran ne pouvait pas dormir dans le même lit –, on listerait les jeux de cache-cache entre cinéastes et censeurs – Raoul Walsh truffait ses films de métaphores phalliques –, mais ce serait passer trop vite sur un aspect plus méconnu de l’histoire : la genèse dudit code. Car loin d’avoir été imposé aux cinéastes par une instance extérieure, ce système de censure fut créé de toutes pièces par l’industrie du cinéma elle-même, main dans la main avec les puritains. Pourquoi diable se tirer une telle balle dans le pied ? Patrick Brion sème quelques indices et rappelle

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pourquoi, au moment même où le cinéma s’imposait comme un média de masse, les grandes firmes hollywoodiennes ont embauché, pour la coquette somme de 125 000 dollars par an, un sénateur des plus rigoristes pour fliquer les décolletés.

Devancer la censure en adoptant l’autocensure, plutôt que de subir les boycotts et l’intervention de l’État. Années 1920. Le cinéma fête la libération des mœurs. Sur les écrans, ça cause adultère, divorce, prostitution, alcool et drogue ; autant de sujets croustillants pour le public, mais qui n’ont pas l’heur de plaire aux puissants groupes de pression dont l’influence menace sérieusement l’avenir des studios. Dès la naissance du cinéma, en effet, des sociétés religieuses, des ligues de vertu ou des

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décryptag e

les secrets d’hollywood de Patrick Brion (La Librairie Vuibert), disponible

©rda/bca

Le créateur du Cinéma de minuit se penche sur l’âge d’or des studios hollywoodiens. En guise d’introduction, il dresse le portrait de quelques producteurs (Samuel Goldwyn, Jack Warner…) qui ont façonné le système des grosses productions. L’auteur s’attache ensuite à retracer le destin de grands films comme Freaks de Tod Browning ou Autant en emporte le vent de Victor Fleming, en se concentrant sur des anecdotes de travail qui éclairent les rapports entre producteurs, scénaristes, réalisateurs et acteurs. l.t. Le long baiser échangé par Cary Grant et Ingrid Bergman dans Les Enchaînés d’Alfred Hitchcock (1946)

associations de parents ont milité pour l’interdiction ou la modification de certains films, organisant des boycotts et parvenant, d’abord à l’échelle municipale, puis nationale, à imposer des censures officielles. Les studios s’inquiètent de la création d’une censure fédérale. Ils ont raison : « Il n’y avait aucun recours juridique, explique Francis Bordat, spécialiste de la civilisation américaine, dans la revue d’histoire Vingtième siècle. Le cinéma était toujours considéré comme un “divertissement forain”. » À ce titre, le septième art ne bénéficie pas encore de la protection du premier amendement garantissant la liberté d’expression. FINI DE RIre

Le climat est donc déjà tendu lorsqu’éclate en 1921 une série de scandales qui vient accélérer l’histoire : parmi eux, l’annonce de la mort de l’actrice Virginia Rappe, suite à un viol imputé au comique Fatty Arbuckle – « Le jour où le rire s’arrêta », écrivit Buster Keaton. Hollywood devient synonyme de luxure. Le box-office national commence à battre de l’aile. Pris de panique, les grandes firmes hollywoodiennes organisent leur défense et mettent au point une stratégie : devancer la censure en adoptant l’autocensure, plutôt que de subir les boycotts et l’intervention de l’État. Ce qui, comme l’a résumé l’historien du cinéma Christian Viviani au micro de France Inter durant l’émission « Pendant les travaux, le cinéma reste ouvert », se traduit concrètement par « la mise en place d’un cadre dans lequel tous vont volontairement se glisser pour pouvoir produire des films de meilleure qualité. »

L’année suivante, Hollywood engage une sorte de Monsieur Propre du cinéma, capable de faire tampon entre les studios et les lobbies, l’irréprochable William Hays, presbytérien et membre du Parti républicain. Mais il faudra attendre douze ans pour que le code qui porte son nom entre en vigueur. Quelques tentatives d’autorégulation avaient bien été lancées avant 1934 : la National Association of the Motion Picture Industry, dès l’année 1916, puis la Motion Pictures Producers and Distributors Association, déjà supervisée par Hays, et qui à défaut d’interdire prodiguait de vertueuses « recommandations »… Mais aucun de ces deux organismes n’était parvenu à convaincre la puissante Legion of Decency – la moins drôle des ligues de vertu – qu’un film comme Tarzan et sa compagne (1934) louait avant tout le bonheur simple du foyer. Le code prend effet au moment où la popularité du cinéma est au sommet et où la liberté de ton est la plus colorée – la période dite du « précode » est celle des sketchs satiriques des Marx Brothers, des films de gangsters ou des ballets dénudés de Busby Berkeley. Pour certains, l’instauration de ces restrictions sonne alors le glas de l’inventivité. Mais bien d’autres s’interrogent encore. À qui profita réellement ce code de « bonne conduite morale » : aux ligues de vertu, maintes fois feintées par les ruses d’Otto Preminger ou d’Alfred Hitchcock ? Ou au cinéma hollywoodien, assurant sa survie en inventant un véritable style esthétique sur fond d’autocensure ? Et si, en définitive, le code avait créé l’âge d’or du septième art ?

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h istoi re s du ci n é ma

jane campion

©patrick swirc

Entre deux eaux

« En matière d’art, la question du genre n’est pas pertinente, il est surtout question de sensibilité, de passion, de travail acharné. » 34

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portr ait

Nous avons rencontré Jane Campion au bord de la Méditerranée, à Cannes, où elle recevait un Carrosse d’or pour l’ensemble de sa carrière. Elle y présentait également sa série Top of the Lake, une histoire de crime nimbée de mystère, installée sur les rives ombreuses d’un lac néo-zélandais. par juliette reitzer

J

ane Campion est la seule femme qui a reçu la Palme d’or au Festival de Cannes. C’était il y a exactement vingt ans, pour La Leçon de piano (1993). Sur la scène de la Quinzaine des réalisateurs, l’éminent critique Michel Ciment se sent donc obligé de lui demander s’il est plus difficile pour une femme de naviguer dans les eaux du cinéma. Elle le regarde longuement, sourire incrédule accroché aux lèvres. Elle hausse les épaules, échange un coup d’œil las avec le public. Puis elle assène : « Cette discussion sur l’absence de réalisatrices fait soit grincer des dents, soit bâiller. Je trouve que c’est un débat extrêmement ennuyeux. Sans doute qu’il faudrait fixer des quotas et exiger que la moitié des films tournés dans le monde soit réalisée par des femmes ? En matière d’art, la question du genre n’est pas pertinente, il est surtout question de sensibilité, de passion, de travail acharné. Et c’est agaçant d’être sans cesse renvoyée à son sexe. Que diraient les hommes si on leur demandait : “Qu’est-ce que ça vous fait, en tant qu’homme, de présenter un film à Cannes ?” » Michel Ciment s’est légèrement tassé sur son siège. Intérieurement, je le remercie d’avoir posé la question : je n’aurai pas à m’y abîmer le lendemain, en interview. Elle arrive en glaneuse, tenant à la main des algues ramassées sur le chemin. Elle les pose sur la table, entre nous, puis me salue chaleureusement, ses longs cheveux blancs ramenés en queue basse. Elle s’assied et me tend une des algues, particulièrement biscornues : « Je vous offre ma Palme d’or. » La discussion sera baignée d’une ambiance étrange, mélange de bienveillance et d’ironie. Jane Campion est née en Nouvelle-Zélande, île du bout du monde, en avril 1954. Son père est un illustre metteur en scène de théâtre, sa mère, une comédienne : « À la maison, Shakespeare était considéré comme la Bible. » Très tôt, elle traverse l’océan pour étudier la peinture et l’anthropologie, à Londres puis en Australie, avant d’intégrer une école de cinéma à Sidney au début des années 1980. « En Nouvelle-Zélande, vous vous sentez coupé du reste du monde. Vous savez qu’il faut que vous en

partiez, et ça vous donne un élan formidable. Assez vite, j’ai donc décidé d’arrêter de rêver que j’avais du potentiel pour commencer à agir, à prendre des risques. » Cette énergie du mouvement irrigue toute sa filmographie. S’il fallait tirer des ponts entre ses sept longs métrages, d’Un ange à ma table à Holy Smoke, de La Leçon de piano à Bright Star, on dirait : d’abord que les films de Jane Campion prennent des femmes pour figures de proue, souvent saisies loin de chez elles ; ensuite que des intrigues épurées laissent toute la place à une atmosphère richement travaillée, ouverte sur le sensible ; enfin que ses films sont à la fois ballotés par une fougue romantique (les tourments intérieurs, l’immensité des paysages) et solidement ancrés dans le concret, voire le trivial (la sexualité, l’humour) : « C’est vrai, j’ai une profonde impulsion romantique, mais en même temps je sais que c’est des conneries. C’est une lutte permanente. » Les mêmes mouvements sont à l’œuvre dans Top of the Lake, la série qu’elle a coécrite avec son vieux complice Gerard Lee (avec qui elle avait signé le scénario de son premier long, Sweetie, en 1989). Une jeune policière (Elisabeth Moss), en vacances chez sa mère dans un bled de Nouvelle-Zélande, enquête sur la disparition d’une fillette de 12 ans. Déployé autour de la figure centrale et symbolique du lac (qui renvoie sans cesse aux sombres secrets tapis sous sa surface), le récit s’amarre parfois à l’une des rives du bassin, où est installée une communauté de « femmes ménopausées », sous la houlette d’un gourou mystique aux cheveux longs campé par Holly Hunter. « Ces femmes sont plus fortes que celles qu’on voit habituellement au cinéma, car elles sont débarrassées du poids du regard masculin », concède la réalisatrice, avant d’ajouter : « Mais elles sont aussi désespérées ! » Toute la série s’amuse, non sans ironie, à opérer un renversement complet des rapports hommes-femmes : le pouvoir change de mains, les jeux de séduction s’inversent, ouvrant du même coup la vanne à un comique mordant, forcément porteur de sens. C’est précisément dans cette finesse du regard que s’affirme la singularité et la justesse de la réalisatrice.  Top of the Lake sera diffusé sur Arte à l’automne 2013

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h istoi re s du ci n é ma - holly wood stori e s

LA CITÉ RÊVÉE DE WALT DISNEY

Epcot (2/3) deuxième épisode, « l’île au trésor » Résumé de l’épisode précédent : octobre 1966, Walt Disney présente son projet de ville du futur, Epcot. Les travaux peuvent commencer. Le vrai chantier s’est fait en amont : Disney a acheté secrètement un bout de Floride. Il doit maintenant convaincre l’État d’y installer son propre gouvernement.

©the walt disney company ©the walt disney company

Plan en coupe d’une rue d’Epcot

Vue d’artiste de la ville

par étienne rouillon

©the walt disney company

D

es marécages, quelques vergers, autant dire rien du tout. C’est impeccable. Depuis le hublot de son avion, en ce 22 novembre 1963, Walt Disney scrute un territoire isolé : les marais de Reedy Creek. C’est un terrain dont personne ne veut, parfait pour développer le plus grand complexe privé du pays. Walt Disney cherche pareil endroit depuis 1959, avec quelques collaborateurs mis dans le secret. Une fois rentré en Californie, il leur annonce que ce sera làbas, en plein milieu de la Floride, que l’on construira Epcot, bientôt desservie par deux autoroutes déjà en construction. Il faut acheter en toute discrétion, et par petits bouts, pour éviter une hausse des prix. Cinq sociétés-écrans sont créées pour faire l’acquisition des parcelles, toutes chapeautées par la Compass East Corporation, qui sera renommée Walt Disney World Company une fois le projet bouclé. Lorsque, en

De gauche à droite : Walt Disney, le gouverneur de l’État de Floride Haydon Burns et Roy Disney lors d’une conférence de presse le 15 novembre 1965

octobre 1965, le journal local Orlando Sentinel identifie Walt Disney comme le mystérieux acheteur compulsif, l’affaire est déjà entendue depuis cinq mois : près de 11 000 hectares, soit une surface légèrement supérieure à celle de Paris, acquis pour 5 millions de dollars de l’époque. En novembre, Disney donne une conférence de presse avec les pontes de l’État de Floride. Il y avoue un « Florida Project » ou « Project X », une sorte de ville du futur, on n’en sait pas plus. C’est qu’au même moment, sa société d’ingénieurs, WED Enterprises, peaufine les plans d’Epcot. Le gigantisme de la réalisation, tout comme le projet politique de cette communauté du futur, ne doit souffrir aucun obstacle ; pas même législatif. Disney veut gouverner son utopie, empêcher d’autres industriels de poser le

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pied sur son domaine. L’un de ses avocats, Paul Helliwell, ancien de la CIA, lui propose de réclamer à la Floride des droits municipaux sur son terrain. Walt Disney, maire d’Epcot. Un intense dialogue juridique conduit les deux parties à un accord : la création d’un « special district », une sorte de sous-État dans l’État. Le 15 décembre 1966, Walt Disney meurt d’un cancer. Le 12 mai 1967, c’est son frère, Roy, qui fera signer au gouverneur de Floride, Claude R. Kirk, Jr., la création du Reedy Creek Improvement District, une juridiction qui confère une totale autonomie à l’entreprise privée.

le mois prochain : « Le train fantôme » – La réalisation d’Epcot survivra-t-elle à son inventeur ?



L’EAU À LA BOUCHE


can n e s 2 01 3

Cannes, à l’heure du bilan. On a beaucoup spéculé sur les goûts supposés du président du jury, Steven Spielberg : le maître hollywoodien des films à gros budget savourerait-il volontiers un cinéma d’auteur bavard, sensuel et engagé ? Les festivaliers n’osaient l’espérer, mais c’est bien le beau film d’Abdellatif Kechiche, La Vie d’Adèle – Chapitres 1 & 2, qui a décroché la Palme d’or le 26 mai dernier. Ses deux exceptionnelles interprètes ouvrent logiquement notre portfolio cannois. portfolio coordonné par juliette reitzer - photographies de nicolas guérin

C

omme chaque année, à Cannes, on a beaucoup parlé, évalué, comparé, râlé. Une certaine quantité de salive a ainsi été employée à commenter la violence d’Heli et de sa scène de torture avec zizi calciné (Prix de la mise en scène) ; à s’agacer du dérapage de François Ozon dans une interview au Hollywood Reporter au sujet de son film Jeune & Jolie (« se faire payer en échange de relations sexuelles est quelque chose d’assez évident dans la sexualité féminine ») ; ou à tirer des conclusions de l’absence de cinéastes femmes en Compétition (seule Valeria Bruni Tedeschi était sélectionnée, avec Un château en Italie, fantaisie bourgeoise sauvée par son sens de l’autodérision). Les réalisatrices qu’on a croisées nous l’ont toutes dit et répété : elles en ont assez d’être réduites à leur sexe. Mais un constat demeure, en forme de regret : ce déséquilibre va de pair avec une faible proportion de personnages féminins forts sur les écrans de la Compétition. De la salive, il y en a aussi beaucoup dans La Vie d’Adèle…, œuvre volubile (le sens du langage actuel est aiguisé chez Kechiche) et gourmande

(le cinéaste filme admirablement les scènes de ripaille), ponctuée des baisers et cunnilingus échangés par ses deux héroïnes. Parmi les plus beaux films vus cette année, deux autres mettent d’ailleurs en scène des couples homosexuels : Ma Vie avec Liberace de Steven Soderbergh (Compétition officielle) et surtout L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie (Un certain regard, lire p. 4). Tous ces bavardages convergeaient vers une même attente inquiète : l’annonce du palmarès. Outre l’euphorie de la Palme d’or, les récompenses attribuées à Jia Zhang-ke (A Touch of Sin, Prix du scénario), Bérénice Bejo (Prix d’interprétation féminine pour Le Passé) et aux frères Coen (Inside Llewyn Davis, Grand Prix) se sont avérées particulièrement justes et réjouissantes. Un seul regret : que le savoureux film de vampires de Jim Jarmusch, Only Lovers Left Alive, n’ait pas été distingué. Les sélections parallèles, quant à elles, se sont fait l’écho d’un jeune cinéma curieux et inventif. Côté français, il faut notamment retenir les noms de Rebecca Zlotowski (Grand Central), Justine Triet (La Bataille de Solférino), Antonin Peretjatko (La Fille du 14 juillet), Yann Gonzalez (Les Rencontres d’après minuit) et bien d’autres, à déguster dans notre portfolio.

- adèle exarchopoulos et léa seydoux actrices de la vie d’adèle – chapitres 1 & 2 (compétition officielle, palme d’or)

Steven Spielberg et son jury ont choisi d’attribuer exceptionnellement la Palme d’or à trois personnes : le réalisateur Abdellatif Kechiche et ses deux actrices, Léa Seydoux (ci-contre) et Adèle Exarchopoulos (page de gauche). Bouche dévorante, regard noyé de larmes, chignon défait, Adèle est la révélation, sublime, du film, qui raconte une histoire d’amour passionnelle et follement contemporaine. j.r.

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h istoi re s du ci n é ma

– valeria bruni tedeschi – réalisatrice d’un château en italie (compétition officielle)

« Je me moque d’être la seule femme en compétition. Bien sûr que les femmes cinéastes, c’est important, mais je n’ai pas envie qu’on réduise mon film à mon sexe. Je revendique le droit à la tragi-comédie, à un cinéma ouvert sur la vie. J’ai besoin de filmer la douleur, ma douleur, mais aussi d’en rire. Avant tout, je voudrais que l’on voie mon film comme une déclaration d’amour à un acteur, Louis Garrel. » propos recueillis par renan cros

– jia zhang-ke – réalisateur de a touch of sin

(compétition officielle, prix du scénario)

«  Ces quatre der nières années, des faits divers d’une extrême violence m’ont choqué ; particulièrement celui d’une jeune femme qui a été frappée par un homme avec une liasse de billets. Cela m’a donné envie de faire un film sur les formes de violence. Un sujet très sensible en Chine, mais je ne me suis pas posé la question de la censure. Apprendre les mécanismes de la violence permet de la repousser. » propos recueillis par é.r.

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– alejandro jodorowsky – réalisateur de la danza de la realidad (quinzaine des réalisateurs)

« Dans ce film, ce que je te montre est vrai. La vérité d’un enfant, poétique, surréaliste. Dans mon village chilien de Tocopilla, j’étais un mutant : blanc, circoncis, avec ce nez, ces cheveux blonds. Ma vision du corps humain a été marquée par ça, ce sujet est devenu très important dans toutes mes œuvres. La chair, c’est ma blessure sociale, j’ai dû me créer un corps spirituel à travers l’art. » propos recueillis par é.r.

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– michael cera, sebastián silva et juno temple – respectivement acteur, réalisateur et actrice de magic magic (quinzaine des réalisateurs)

M. Cera : « J’étais à New York, il neigeait, je suis allé au cinéma pour être au chaud. Et je suis tombé sur La Nana, un film magnifique. Ensuite, j’ai rencontré Sebastián, le réalisateur, aux Golden Globe, et on a décidé de faire un film ensemble. Pour apprendre l’espagnol, je suis allé vivre dans sa famille au Chili. Ils m’ont adopté, je suis resté trois mois à regarder Seinfeld avec ses frères. » propos recueillis par j.r.

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J. Temple : « Les trois problèmes auxquels fait face Alicia, mon personnage, sont l’insomnie, l’isolement et la schizophrénie. Tous trois s’aggravent, et elle ne sait plus ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Au début du film, elle est vulnérable, puis elle devient inquiétante. Sebastián m’a beaucoup parlé des films de Roman Polanski. Il est fasciné par l’esprit humain, sa plus grande peur est de perdre la raison. » propos recueillis par j.r.

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– mahamat saleh aroun – réalisateur de grigris (compétition officielle)

« La première version du scénario se rapprochait du film de genre, mais j’ai voulu m’en affranchir. Je voulais dresser le portrait d’une jeunesse que je côtoie au Tchad et qui se bat malgré l’adversité, qui essaie de donner du sens à sa vie, qui ne baisse jamais les bras. Grigris est l’histoire d’un personnage en mouvement permanent, et la mise en scène du film découle du rythme de ce personnage. » propos recueillis par pablo rené-worms

– lucía puenzo – réalisatrice de wakolda (un certain regard)

« Wakolda, comme El Niño Pez, est adapté d’un de mes romans. Ce qui m’a intéressée, ce n’était pas de faire un film sur la fuite de Josef Mengele en Argentine, mais sur comment des familles argentines ont pu vivre à côté de nazis sans s’en rendre compte. Comment prend-on conscience que l’on a un monstre à l’intérieur ? La mère, Eva, représente le mystère du ventre, le berceau de l’humanité, du mal comme du bien. » propos recueillis par j.r.

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– katell quillévéré et sara forestier – réalisatrice et actrice de suzanne (semaine de la critique)

K. Quillévéré : « Maurice Pialat est le premier cinéaste qui m’a bouleversée. Le point commun le plus important entre À nos amours et mon film, c’est la relation au père. Mais ce n’est pas ma seule influence, il y a aussi beaucoup de Douglas Sirk dans Suzanne. J’ai rencontré cinq comédiennes pour le rôle, et Sara Forestier était la première. Il y a vraiment eu une évidence avec elle. » propos recueillis par louis séguin

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– james gray – réalisateur de the immigrant (compétition officielle)

Pour sa quatrième sélection à Cannes, le maître du néoclassique américain (Two Lovers, La Nuit nous appartient) brosse le portrait appliqué d’une jeune Polonaise (Marion Cotillard, face à Joaquin Phoenix) qui tente de mettre un pied dans l’Amérique des années 1920 sans se faire piétiner. Un purgatoire plongé dans une photographie ocre, où rien ne vient éclairer l’issue incertaine de ce duo puissant. l.t.

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– serge bozon – réalisateur de tip top (quinzaine des réalisateurs)

« L’idée était de rendre l’humour agressif, mais aussi de développer un rythme obsessionnel. J’ai beaucoup emprunté à la série B : peu de décors, retour des mêmes plans, même axe et même lumière ; peu de costumes, les acteurs sont toujours habillés pareil ; et les personnages rodent dans ces lieux avec leurs obsessions. Je voulais rendre le film entêtant, en creusant un seul sillon. » propos recueillis par l.t.

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– tilda swinton – actrice d’only lovers left alive (compétition officielle)

Dans le nouveau film de Jim Jarmusch, les vampires sont des esthètes romantiques et humanistes blasés par la sauvagerie et le manque de finesse des vivants, qu’ils nomment dédaigneusement « les zombies ». Drôle et poétique, Only Lovers… est une balade musicale et forcément nocturne, filmée en noir et blanc, entre Détroit et Tanger. En son centre, la pâleur diaphane de Tilda Swinton hypnotise. j.r.


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Plan 9 from Outer Space d’Ed Wood (1959), roi des nanars

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e nqu ête

nanars

Dans un numéro largement consacré aux meilleurs films du plus grand festival de cinéma du monde se sont glissés des cousins un peu honteux : les nanars. On ne parle pas là du meilleur du pire du cinéma, mais plutôt du moins bon du moins bien. Les jaquettes font rigoler le temps de les parcourir, mais quel grand malade peut bien s’infliger un film qui a pour titre J’irai verser du nuoc-mâm sur tes tripes ? Rencontre avec trois d’entre eux, explorateurs intrépides d’un monde peuplé de requins chasseurs de dinosaures et de légumes géants assassins. par yves le corre

L

es nanars se reconnaissent d’abord à leur jaquette. Tel est du moins l’avis de Jean-Pierre Putters, fondateur du mensuel de cinéma fantastique Mad Movies. Et celui-ci de s’esclaffer : « J’adore ce titre ! Quand te tues-tu ? (1952). Ou celui-là ! Plus moche que Frankenstein tu meurs (1975) avec Aldo Maccione. » Pour Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque française, « cela tient plus d’un goût que d’un genre. Un goût pour la poésie qu’il peut y avoir dans la bêtise. Une forme de dadaïsme qui fait aussi partie de l’histoire du cinéma. » Régis Brochier, fondateur du site Internet nanarland.com, parle quant à lui « d’un acte cinéphile, récréatif et surtout collectif ». Quand on évoque avec ces trois-là ces films d’un genre un peu particulier, leur gêne n’est pas

là où on l’attend, mais bien dans la difficulté à définir un type d’œuvres à mi-chemin entre le désastre malgré lui et la potacherie forcenée. « Le nanar est une catégorie qui n’a pas une validité scientifique très forte », confesse JeanFrançois Rauger. Entre le navet (film pénible à regarder), la série B (film à budget riquiqui), la série Z (film à budget riquiqui et pénible à regarder), le cinéma bis (cinéma de genre à budget riquiqui qui peut être chouette à regarder), les nuances, guillemets et autres points de suspension sont de rigueur pour cerner sans le réduire ce cinéma qui se tient à la croisée des mauvais chemins. L’origine du mot « nanar » n’est pas d’une grande aide. Au xix e siècle, le terme désignait une œuvre picturale ou littéraire de peu d’intérêt, parce que ringarde. Le hic, c’est que si de nombreux nanars sont bien ringards, ils peuvent présenter

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3.

4.

1. Clash of the Ninjas (1986) 2. Ilsa, gardienne du harem (1976) 3. Le premier numéro de la revue Métaluna 4. Ze Craignos Monsters : le retour, livre de Jean-Pierre Putters

1.

2.

un intérêt. Reste à savoir ce qui se cache d’intéressant derrière des films comme Sartana, si ton bras gauche te gêne, coupe-le (1969), Prends ton passe-montagne, on va à la plage (1983) ou encore Spermula (1976). S’il est difficile de définir ce qu’est exactement un nanar, il est par contre bien plus facile de dire à quoi ça ressemble, qu’il s’agisse de films d’horreur, de comédies romantiques, de polars ou même de dessins animés pour enfants. Parmi les constantes de l’« esthétique nanardeuse », on trouvera invariablement des acteurs amateurs ou sur le retour (voire les deux), des plans de filles nues non justifiés par le scénario et des monstres en papier mâché (remplacés aujourd’hui par des effets spéciaux qui tiennent plus de Paint que de Photoshop). La palme du mauvais goût

Les figures les plus connues du genre sont l’inénarrable nanardeur Chuck Norris et le cinéaste Ed Wood, qui inspira à Tim Burton un biopic. Ed Wood a été couronné en 1980 du titre de « plus mauvais réalisateur de l’histoire du cinéma » par les frères Michael et Harry Medved, auteurs du livre The Golden Turkey Awards. On y apprend également que le pire film de tous les temps est Plan 9 from Outer Space (1959) réalisé bien sûr par… Ed Wood. La palme sera ravie en 1982 par L’Homme qui sauva le monde – Épisode 1, plus connu chez nous sous le nom de Turkish Star Wars. Jean-Pierre Putters, désormais rédacteur en chef de la revue de cinéma Metaluna, est le grand spécialiste de la question, lui qui a écrit plusieurs livres sur les dérives du ciné-

ma de (mauvais) genre, dont Ze Craignos Monster, un tryptique hilarant, publié par les éditions Vents d’Ouest, qui dresse l’inventaire des monstres les plus pathétiques du septième art. Il résume la chose de manière assez simple : « Le nanar ? Il s’agit d’un film à petit budget, conventionnel mais naïf ; une naïveté très involontaire. » On ne choisit pas de faire un nanar ; par contre, on fait des choix qui feront du film, au mieux un nanar, au pire un navet. Pour bon nombre de réalisateurs, il s’agit de proposer maladroitement leur version d’un genre, voire d’un sous-genre, issu de grands succès tels que Mad Max, Terminator, Alien ou Rambo. Le nanar est un copier-coller de films existants, mais ce plagiat est fait avec un tel enthousiasme, une telle générosité, une telle énergie qu’il finit par attirer l’affection d’un public étrangement constant. Pour démêler cette bouillie de références cinématographiques, une visite s’imposait dans le temple des cinéphilies auprès de Jean-François Rauger, témoin de cet engouement continu. L’intéressé organise une fois par an la très populaire Nuit excentrique à la Cinémathèque. Quatre films, moult extraits et bandes-annonces et un petit déjeuner pour un public qui, en mars dernier, s’est déplacé parfois depuis la Corse, la Suisse ou encore la Belgique. Tout cela pour s’offrir une nuit blanche devant des films franchement mauvais. « La Nuit excentrique est le fruit d’un pari, presque d’une plaisanterie, développe Jean-François Rauger. Quand la Cinémathèque a déménagé de son site historique du palais de Chaillot pour celui de Bercy, nous avons organisé une fête pour célébrer ce départ, et j’ai eu l’idée

Les familles de nanars et leurs plus beaux rejetons SF & fantastique

L’Homme qui sauva le monde – Épisode 1, le film qui fait l’inventaire de tous les travers à réunir pour mijoter un bon nanar.

Arts martiaux

Clash of the Ninjas, dans lequel un clone de Stallone affronte une bande de soldats avec des brassards sans équivoque : on y lit la mention « ninja ».

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par y.l.c.

Capes & épées

La Revanche de Samson, avec une histoire de méchants hollandais. À l’écran, des acteurs indonésiens déguisés avec des perruques blondes.


e nqu ête

« C’est un plaisir collectif. Le second degré est essentiel. La générosité aussi. On se moque avec affection. »

de proposer une nuit un peu spéciale. Je connaissais un site dédié à ce type de films, nanarland.com, et j’avoue (il rentre légèrement la tête dans ses épaules, gêné, ndlr) que j’ai un petit faible pour l’humour quelque peu involontaire de certains de ces films. » Au pays des nanars

Avec les animateurs dudit site, il programme donc une nuit entière dédiée aux nanars. « L’idée consistait à montrer des objets quelque peu improbables, drôles, charmants, poétiques parfois. Ce soir-là, nous avons dû refuser plus de deux cents personnes, à mon grand étonnement. » Un étonnement partagé par Régis Brochier, qui aujourd’hui encore « hallucine d’être reçu depuis neuf ans dans ce temple du cinéma, pour ce que l’on croyait n’être qu’un événement unique ». Tout comme il n’en revient pas de s’être vu offrir une émission régulière, Escale à nanarland, diffusée sur le site Allociné. « À la base, Nanarland c’était une bande de potes, étudiants en communication et cinéphiles, qui se réunissait l’été autour d’un plaisir coupable : nous louions en vidéoclubs les pires films possibles pour les regarder ensemble, en rigolant. » Le site est né de cette envie d’évaluer les films en fonction de leur niveau d’humour involontaire. « En 2001, quand nous avons lancé le site, nous voulions dénicher des œuvres drôles tant elles étaient mauvaises, avec l’idée d’éviter à la majorité d’avoir à visionner ces films tout simplement nuls. » Une sorte de service public en somme, qui recense également d’autres soirées plus ou moins underground, comme celles de l’association « Pas de pitié

Historique

Le Führer en folie, avec un Michel Galabru en roue libre et une partie de foot qui décide de l’issue de la Seconde Guerre mondiale.

pour les navets », ou encore « Panic ! Cinéma », un rendez-vous hebdomadaire consacré au cinéma de genre. « Ces films ne se regardent qu’entre potes, insiste Régis Brochier. Seul, c’est plus difficilement supportable. » Et Jean-Pierre Putters de confirmer : « C’est un plaisir collectif. Quand j’étais plus jeune, nous nous réunissions devant Dallas pour nous moquer des looks des héros, de leur vision capitaliste et hallucinante du monde. Le second degré est essentiel dans la démarche. La générosité aussi. On se moque avec affection. » JeanFrançois Rauger tente un portrait sociologique du fan de nanars : « Ce sont des gens plutôt jeunes, entre 20 et 35 ans, avec une vision ludique de la projection. On n’est plus vraiment dans du cinéma. Il s’agit plutôt d’une sortie festive, comme un concert. Un grand nombre de ces spectateurs sont des cinéphiles. Le nanar est une perversion de leur cinéphilie. » C’est le cas d’Erwan, un ingénieur de 36 ans, qui retrouve, une fois par mois, un petit groupe d’amis pour partager des films que l’on pourrait croire « introuvables. Mais Internet et les sites de partage de vidéos ont fait beaucoup pour que ces œuvres ne tombent pas dans l’oubli. Et puis des chaînes de télévision comme NRJ 12 ou NT1, qui passent des nanars en prime time, alimentent avec beaucoup de talent nos délires ». Et de valider la définition donnée par le site nanarland.com : les mauvais films sympathiques. Ze craignos monsters, Ze craignos monsters : le retour et Ze craignos monsters : le re-retour de Jean-Pierre Putters (Vent d’Ouest), disponible

Action & policier

Piège mortel à Hawaï, ou les aventures de deux benêts agressés par des tueurs cachés derrière des poupées gonflables.

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Parodie de nanar

Poultrygeist: Night of the Chicken Dead, une critique de la malbouffe des fast food trempée jusqu’au cou dans un ridicule assumé.


©ugc distribution

h istoi re s du ci n é ma - g e n de r stu di e s

Après la libération d’un otage, l’agent secret Mallory Kane (Gina Carano) se fait doubler par ses patrons. Une chasse à la femme truffée de combats chorégraphiés.

saison 1 : la violence des femmes

2. Piégée Chaque mois, une étude des enjeux de la représentation du genre à l’écran. Piégée de Steven Soderbergh prend à rebours les stéréotypes de genre du film d’action. Un thriller d’espionnage avec pour personnage principal une vengeresse traquée. par clémentine gallot

D’après une enquête de l’université de Kaplan, 40 % des VFAC (Violent Female Action Characters) à l’écran sont les compagnes du héros masculin musclé, insérées pour remplir une fonction normative, voire fétichiste. Selon Raphaelle Moine (1), comme personnages principaux, elles constituent souvent une « anomalie ou un objet de fantasme ». Piégée réussit une habile actualisation version « free fight » du canon de la femme d’action tel que défini par Alien et Terminator. « Pourquoi Angelina Jolie détient-elle ce monopole ? », s’est demandé Steven Soderbergh, résolu à faire d’une pro des arts martiaux (Gina Carano)

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une star de cinéma, comme Schwarzie. L’agent Mallory (Carano) est dotée d’une agency ou capacité d’action. Le scénario prend le contre-pied de la bimbo combattante destinée à ravir le male gaze, le regard du spectateur masculin. Ici nul corps hystérisé ou érotisé, mais une « musculinité » plus transgressive qui participe d’un renouvellement de la performance féminine. Le mois prochain : Rebelle de Mark Andrews et Brenda Chapman.

Piégée de Steven Soderbergh, avec Gina Carano, Channing Tatum… Disponible en DVD (TF1 Vidéo) (1) Les Femmes d’action au cinéma de Raphaëlle Moine (Armand Colin)

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Le mélodrame de la rechute

L’Homme au bras d’or d’Otto Preminger (1955)

Tapie dans l’ombre, l’addiction ne fait qu’attendre son tour. 54

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nouveau g e n re

Film noir, mélodrame, road movie, etc., mais encore ? Derrière les dénominations officielles retenues par les encyclopédies, nous partons chaque mois à la recherche d’un genre inconnu de l’histoire du cinéma. Ce mois-ci : le mélodrame de la rechute.

©rda/bca

par jérôme momcilovic

D

Le Poison de Billy Wilder (1945)

ans la chambre d’hôtel qu’a réservée pour lui son avocat, Whip Whitaker (Denzel Washington) attend sereinement l’audition qui, le lendemain, décidera de son sort. Voilà plusieurs jours qu’il est sobre, et dans le minibar judicieusement vidé avant son arrivée, aucune tentation ne le menace. On frappe. Personne derrière la porte, mais une autre porte, dont le claquement obstiné révèle une autre chambre. Et dans la chambre, bien sûr, un autre minibar, plein celui-là. Le spectateur le comprend tout de suite. Mais pour que Whip le comprenne, il faudra que le moteur du frigo se déclenche, résonnant funestement dans son dos comme le glas de son abstinence. Cette scène, superbe, inscrit le récent Flight (Robert Zemeckis) dans une lignée de mélodrames qui, centrés autour de semblables addictions, voient leur mise en scène travaillée par la même tension : alcool dans Une étoile est née (William Wellman, 1937, puis George Cukor, 1954), Le Poison (Billy Wilder, 1945) ou Le Jour du vin et des roses (Blake Edwards, 1962) ; héroïne dans L’Homme au bras d’or (Otto Preminger, 1955)… À chaque fois, les personnages décrochent puis, inévitablement, rechutent. Dans Flight, quand la porte claque pour la première fois, on croit que quelqu’un frappe, à qui Whitaker ne répond pas. Ce n’est pas entièrement faux : c’est le destin qui

se signale, attend qu’on lui ouvre, fantôme régnant sur l’antichambre de la tentation. Le dealer de Frank Sinatra dans L’Homme au bras d’or, lui-même, était filmé par Preminger comme un spectre, glissant dans le dos de son client, donnant l’impression d’être vu de lui seul. À Sinatra, il dit : « The monkey never dies: he just hides in the corner waiting his turn. » Tapie dans l’ombre, l’addiction ne fait qu’attendre son tour. La tentation est toujours déjà là, quelque part dans le plan, figurée souvent par un objet, discrète manifestation du fatum qui plane sur le personnage – le plafonnier où Ray Milland, dans Le Poison, a caché puis oublié sa dernière bouteille, les verres vides qui décorent l’appartement du couple du Jour du vin et des roses. « Le monde alcoolique est un monde ; le monde sobre en est un autre », entend-on dans le film de Wilder. Pour passer de l’un à l’autre, il suffit de peu de chose : ronron du frigo dans Flight, page blanche de l’écrivain dans Le Poison… C’est le secret de la mise en scène de tous ces films, auxquels il faut ajouter le sublime On the Bowery de Lionel Rogosin. Tous filment un monde dédoublé, et entre les deux versions du monde, entre la chambre et l’antichambre, la frontière dérisoire d’une porte qui ne demande qu’à rester ouverte. Flight de Robert Zemeckis, en DVD le 18 juin (Paramount Pictures)

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LES FILMS du 12 juin au 3 juillet

Déchirés / Graves Deux mois après Jaurès, Vincent Dieutre revient avec un documentaire réalisé lors d’un atelier avec des apprentis comédiens. Entre portrait d’une génération et réflexion sur le jeu d’acteur, Déchirés / Graves est aussi un essai sur le malaise contemporain. par quentin grosset

En mai 2012, Vincent Dieutre a organisé un atelier avec les élèves de l’école supérieur d’Art dramatique du théâtre national de Bretagne à l’invitation du metteur en scène Stanislas Nordey. Le but pour eux : tirer parti de l’expérience du réalisateur en tant que documentariste pour inscrire des personnages dans un cadre réel, un territoire concret et délimité, la ville de Rennes. Alors fasciné par la téléréalité, Dieutre a proposé aux huit jeunes gens de regarder ces émissions trash, puis de repérer des personnalités, pour se les approprier et les incarner face caméra : « Dans la folie de ces gens, explique le réalisateur, je trouve quelque chose qui parle vraiment d’aujourd’hui. Bizarrement, ils ne sont pas des exceptions, je pense qu’ils représentent la majorité silencieuse. Ces personnes sont à la dérive et, pour moi, ce n’est plus de la marginalité. » Des rushs accumulés lors de ces sessions, le très prolifique cinéaste a tiré ce nouveau documentaire : adoptant le dispositif de l’interview, il interroge hors champ et un par un ces personnages hauts en couleur (un masseur prostitué et père abusif, un sosie d’Hervé Vilard, une chanteuse gothique, une jeune fille hypernarcissique, une voyante…) et laisse libre cours à leur parole, révélatrice des tourments de la génération Nabilla : « Par

rapport à cette idée de photographie d’un temps donné, je leur ai montré Chronique d’un été de Jean Rouch. C’est un portrait de groupe de Paris, il fallait qu’ils réfléchissent à cette dynamique par rapport à Rennes. » Sans cynisme ni surplomb, plutôt même avec une infinie tendresse, Dieutre demande à ces personnages dans quel quartier de la ville ils habitent, quels cafés ils fréquentent, et les rend terriblement déchirants. Et pourtant, on n’attendait pas Dieutre, cinéaste du réel, sur le terrain du spectacle vivant : « Aujourd’hui, c’est le lieu où les formes bougent le plus. Une mise en scène d’Alain Platel est plus proche de la situation contemporaine qu’un film d’Arnaud Desplechin. Le cinéma prend moins de risques. Les gens de scène ont pris en compte que l’idée de jeu, de justesse, a volé en éclats avec l’arrivée du télé-réel. » Les comédiens redéfinissent ainsi ce que jouer peut vouloir dire aujourd’hui, quand la téléréalité montre sans cesse des personnes qui surjouent leur vie. de Vincent Dieutre Documentaire Distribution : Pointligneplan Durée : 1h22 Sortie le 12 juin

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le s fi lm s

The Bling Ring par étienne rouillon

Sofia Coppola continue de se demander ce qui peut bien tirer les teenagers du doux ennui de la chambre d’ado : partir pour des escapades sauvages dans MarieAntoinette ; retrouver son père dans les couloirs de l’hôtel de Somewhere ; ou voler des trophées aux starlettes dans The Bling Ring… À Cannes, la réalisatrice nous disait être tombée dans un avion sur un article de Vanity Fair qui racontait cette histoire de gamins de familles aisées cambriolant les villas de Paris Hilton et d’autres vedettes de Hollywood. « La journaliste m’a montré toutes les transcriptions de ses interviews, et j’ai commencé à travailler sur ce film. Cette histoire n’aurait jamais eu lieu il y a dix ans, avant l’avènement des réseaux sociaux et des paparazzades quotidiennes. L.A. est devenu

l’épicentre de la culture de la téléréalité qui a influencé ces délits. Le défi, c’était de partir de cette matière documentaire, tout en gardant ma griffe, mon style. » Lents zooms sur les scènes de vol dans d’incroyables villas (qui dament le pion à un beau casting), inserts sur le magot de bijoux,

montres et dope : sa patte est là. Sans en faire des tartines, Sofia Coppola fait le portrait en creux d’une jeunesse emplie de vide. de Sofia Coppola avec Israel Broussard, Emma Watson… Distribution : Pathé Durée : 1h30 Sortie le 12 juin

Just the Wind par marie ponchel

Entre 2008 et 2009, des actes violents sont commis contre des familles tsiganes en Hongrie. Seize maisons sont attaquées au cocktail Molotov, soixante-trois coups de fusil sont tirés. Le bilan s’élève à plus de cinquante victimes, dont six morts. Le réalisateur hongrois Bence Fliegauf, récompensé d’un Ours d’argent à la Berlinale 2012, prend pour témoin de cette barbarie une famille de Roms qui tente de survivre dans la précarité, en pleine campagne. Mari et ses deux enfants, Anna et Rio, poursuivent une trajectoire hasardeuse faite de débrouille et de harcèlement moral, dans l’attente de rejoindre le père, émigré au Canada. Suggérant la violence des attentats sans jamais la filmer frontalement, le cinéaste s’éloigne d’un traitement voyeuriste de faits

divers et choisit d’appréhender ses personnages par le prisme de la nature, tour à tour espace inquiétant propice à la sauvagerie raciste et unique aire de jeu pour Anna et Rio. D’un traitement proche du documentaire, le film sait aussi emprunter au thriller (personnages filmés de dos, bruits paralysants)

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pour mieux rendre compte, avec un engagement distancié et jamais misérabiliste, de la réalité glaçante d’une terrible chasse à l’homme. de Bence Fliegauf avec Katalin Toldi, Lajos Sárkány… Distribution : Sophie Dulac Durée : 1h39 Sortie le 12 juin



le s fi lm s

> la grande boucle

Star Trek Into Darkness

François (Clovis Cornillac) fait le parcours du Tour de France en marge des coureurs professionnels, soutenu par Laurent Jalabert en personne. Pour redorer l’image du cyclisme, le film met l’accent sur son ancrage populaire, loin des affaires de dopage. ma.po. de Laurent Tuel (1h38) Distribution : Wild Bunch Sortie le 12 juin

J. J. Abrams poursuit sa conquête de la constellation Star Trek avec un deuxième volet schizophrène, entre immensité galactique et huis clos du vaisseau spatial. par étienne rouillon

> la fille publique Alors qu’ils sauvent des civilisations extraterrestres de catastrophes naturelles ou découvrent de nouveaux territoires, le capitaine Kirk et l’équipage de l’Enterprise doivent faire face à une trahison terroriste, sur Terre, au sein de leur groupe. Disséqué dans ses moindres intentions de réalisation depuis que l’on sait qu’il dirigera le prochain Star Wars, J.J. Abrams nous prévenait, le mois dernier en interview, que le défi n’était pas ici dans la surenchère pétaradante et cosmique : « Bien sûr, on a matière à des scènes de grand spectacle, mais tout l’enjeu de l’adaptation de Star Trek, c’est le ton, ou plutôt la multiplicité des tons présents. » C’est à un créateur de séries cultes (Alias, Lost) que revient la tâche de cristalliser, en un film, une essence déployée sur des centaines d’épisodes télévisés. À l’image de l’habitacle restreint du navire spatial, lui-même

perdu dans l’espace infini. C’est une affaire d’échelles différentes : le tout petit et le tout grand. J.J. Abrams est ainsi, tout autant que ses personnages, le capitaine d’une mission d’exploration qui fait des allers-retours entre le gigantisme de batailles homériques et des scènes de prise de bec ou de déclaration d’amitié dans l’intimité de la cabine de pilotage. L’ennemi, d’ailleurs, poursuivi aux quatre coins du cosmos, est bien intérieur, venant de chez nous au lieu de débarquer d’une planète lointaine et belliqueuse. C’est en passant d’une échelle à l’autre (parfois littéralement, comme dans une séquence à couper le souffle de destruction de vaisseau), qu’Abrams grimpe les échelons d’une pente vertueuse. de J.J. Abrams avec Chris Pine, Zachary Quinto… Distribution : Paramount Pictures Durée : 2h10 Sortie le 12 juin

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Pour son quatrième long métrage, la réalisatrice rend publique son histoire personnelle d’enfant de la Ddass ballottée entre les liens du cœur et les liens du sang. Une construction identitaire en hommage aux enfants abandonnés et au cinéma. ma.po. de Cheyenne Carron (2h12) Distribution : Carron distribution Sortie le 12 juin

> off white lies

Alors que la deuxième guerre du Liban commence, un père tente de renouer avec sa fille. Ils se font passer pour des réfugiés du Nord afin d’être accueillis dans une riche famille de Jérusalem. Un récit fantaisiste bien qu’ancré dans la réalité la plus dure. q.g. de Maya Kenig (1h26) Distribution : Solaris Sortie le 12 juin


le s fi lm s

Blackbird par q.g.

Dans une petite ville canadienne, Sean est persécuté par ses camarades de classe à cause de son look gothique. Internet lui sert de défouloir : entre deux sessions Skype, il imagine des scénarios de vengeance qui vont le mettre dans un sacré pétrin. La police débarque chez lui et, trouvant les fusils de chasse paternels, le place en détention. Si la violence dans l’espace carcéral est racoleuse, le jeune Connor Jessup donne toute l’intensité nécessaire à son personnage d’ado torturé.

Belle du seigneur

Belle du seigneur par j.r.

Du roman d’Albert Cohen, l’inconnu Glenio Bonder (c’est son unique film, et il est mort une fois le tournage achevé) n’a conservé que l’histoire d’amour passionnelle et asphyxiante entre Ariane et Solal, le séducteur ombreux, sur fond de montée du nazisme. Passés son lyrisme pesant et son casting un peu lisse (le mannequin Natalia Vodianova et le beau gosse Jonathan Rhys Meyers), le film trouve un souffle dans une seconde partie plus sombre, centrée sur les motifs de la perte et de la destruction.

trier. Lion d’argent de la Mise en scène à Venise en 2011, People Mountain People Sea s’impose comme un anti-polar radical et exigeant, aux situations parfois absconses. S’il peine à émouvoir, le film brille néanmoins par sa composition esthétique, succession de tableaux sombres et glacés, qui rompt avec l’imagerie traditionnellement baroque des thrillers asiatiques. de Shangjun Cai avec Jian Bin Chen, Xiubo Wu… Distribution : Aramis Films Durée : 1h31 Sortie le 19 juin

Arnaque à la carte

Arnaque à la carte par ma.po.

Après Comment tuer son boss ?, Seth Gordon continue de faire dans la comédie 100 % décomplexée. À la carte, un casting haut en couleur (le duo Melissa McCarty – Jason Bateman) et le traitement d’un phénomène récu r rent au x États-Unis : l’usurpation d’identité. Dans la veine d’Un ticket pour deux de John Hugues et des comédies de Judd Apatow, ce road movie extravagant ne s’interdit rien : cascades improvisées, uppercuts dans la glotte et foultitude d’escrocs grotesques.

de Glenio Bonder avec Jonathan Rhys Meyers, Natalia Vodianova… Distribution : Océan Films Durée : 1h44 Sortie le 19 juin

People Mountain People Sea par m.l.

Dans une carrière déserte, un homme est poignardé. Son frère Lao Tie, grand taiseux au corps lourd, part à la recherche du meur-

de Jason Buxton avec Connor Jessup, Michael Buie… Distribution : Zed Durée : 1h43 Sortie le 12 juin

People Mountain People Sea

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de Seth Gordon avec Melissa McCarthy, Jason Bateman… Distribution : Universal Pictures Durée : 1h52 Sortie le 12 juin


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Les Beaux Jours Crise de la soixantaine et fougue sentimentale à Dunkerque : Marion Vernoux (Rien à faire) place Fanny Ardant au milieu d’un délicieux triangle amoureux, entre Laurent Lafitte et Patrick Chesnais. par éric vernay

©michaël crotto

Jean, chemise de cow-boy et cheveux blond platine : le look de Fanny Ardant dans Les Beaux Jours évoque celui de Marilyn dans Rivière sans retour. Mais les paysages flamboyants du western en Technicolor signé Otto Preminger ont laissé place aux plages grisonnantes de Dunkerque, où se joue un mélodrame du troisième âge. Incarnée par l’élégante star française, Caroline a du mal à entrer dans le costume de mamie gâteau que ses proches semblent lui désigner en lui offrant, pour ses 60 ans, un abonnement aux Beaux Jours, le club de retraités du coin. À l’étroit dans ce rôle régressif et délaissée par son mari dentiste (Patrick Chesnais, émouvant bougon), Caroline lâche les cours de poterie pour aller flirter avec Julien (Laurent Lafitte, excellent en don juan paumé), un prof d’informatique qui pourrait être son fils. Mais ces vingt ans d’écart ne semblent pas entraver la

liaison clandestine filmée par Marion Vernoux. Ils agissent au contraire comme un appel d’air, un élan électrisant pour les deux personnages en quête d’aventure(s). Jamais condescendante, attentive à des personnages secondaires sur lesquels elle porte un regard tendre (formidables retraités joués par Jean-François Stévenin et Marie Rivière, notamment), la réalisatrice évite les poncifs sur la différence d’âge pour échafauder une plaisante comédie du remariage déguisée en romance douce-amère, sans affèterie stylistique ni prétention, riche de ses nuances, de son écriture acidulée et de son superbe casting. de Marion Vernoux avec Fanny Ardant, Laurent Lafitte… Distribution : Le Pacte Durée : 1h34 Sortie le 19 juin

3 questions à marion vernoux Pourquoi adapter le roman de Fanny Chesnel, Une jeune fille aux cheveux blancs ?

Plus que par l’état civil du personnage, j’étais intéressée par son état tout court, à savoir un entredeux qui rend Caroline disponible et l’entraîne dans une zone poreuse propice à la fiction. À mes yeux, c’est une cousine de la Marie-Do au chômage de Rien à faire.

Fanny Ardant a les cheveux blonds dans le film : pourquoi ?

Nous avons fait des essais de perruque blanche… Mais ça donnait à Fanny une allure assez sophistiquée, très Helmut Newton, loin de la dentiste de province que j’imaginais. Quant à la chemise, disons qu’avec le blond, le jean et la plage, c’est un hommage à Marilyn, made in Dunkerque.

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Qu’est-ce qui vous a poussée à tourner à Dunkerque ?

Je ne connais pas de plus belle lumière que celle des plages du Nord. Plus besoin de filtres, la subtile brume locale s’en charge. Je ne voulais pas trop situer le film, ni géographiquement, ni socialement. Pour moi, ça se passe quelque part en Europe du Nord, au début du xxie siècle…


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Né quelque part par marie ponchel

« On ne choisit pas […] les trottoirs […] / De Paris ou d’Alger / Pour apprendre à marcher. » C’est une chanson de Maxime Le Forestier, hymne aux liens du sang et à la terre qui les fait naître, qui inspire son titre au premier long métrage de Mohamed Hamidi. Farid, un Français de 26 ans, se dit Algérien de cœur mais n’a jamais quitté la France. Quand l’ancienne maison de son père est menacée de destruction par les autorités algériennes, l’étudiant en droit part défendre les terres familiales. Tour à tour professeur d’économie-gestion, président cofondateur du Bondy Blog et metteur en scène du dernier spectacle de Jamel Debbouze, Mohamed Hamidi projetait à l’origine d’écrire un livre inspiré de son vécu. Il ajoute une corde à son arc avec ce récit initiatique, présenté

au Festival de Cannes en séance spéciale devant des lycéens. Comme la maison que le père de Farid a construite, c’est pierre par pierre que le cinéaste façonne son histoire, jamais brouillonne ni hors sujet, même quand elle ose se jouer des clichés raciaux. Au cours de sa virée, Farid croise le chemin d’Algériens rêvant d’un

aller sans retour vers la France et prend conscience de la mince frontière qui sépare son destin du leur : « Être né quelque part / C’est toujours un hasard. »

seulement l’indignation d’une société intolérante, mais aussi les préjugés de ses plus proches amis, des travestis qui ne comprenaient pas son besoin de changer de sexe. Le film présente des images d’archives en super-huit sur lesquelles vient se poser le commentaire sage et digne de cette femme de 77 ans. Après sa carrière de danseuse,

elle deviendra, malgré les brimades, une brillante professeure de lettres. Un parcours de vie combatif et exemplaire, exposé avec un regard empli d’admiration.

de Mohamed Hamidi avec Tewfik Jallab, Jamel Debbouze… Distribution : Mars Durée : 1h27 Sortie le 19 juin

Bambi par quentin grosset

Sébastien Lifshitz revient avec une extension des Invisibles, son remarquable documentaire sur la mémoire du mouvement gay et lesbien. Sorti l’an dernier, celui-ci était parsemé de témoignages face caméra d’homosexuels vétérans qui contrariaient l’idée d’un passé forcément douloureux en racontant leurs souvenirs amoureux et militants. Bambi se concentre sur l’une de ces figures, Marie-Pierre qui, née Jean-Pierre, a fui Alger dès ses 17 ans pour rejoindre la troupe du Carrousel de Paris, le cabaret de travestis phare des années 1950-1960. Le réalisateur raconte donc l’histoire de cette transition semée d’obstacles, mais qui, à force d’obstination, aboutira à un plein épanouissement. Car Marie-Pierre, surnommée Bambi dans ses spectacles de music-hall, a rencontré non

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de Sébastien Lifshitz Documentaire Distribution : Épicentre Films Durée : 58 min Sortie le 19 juin


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> offline

Eat Sleep Die Dans Eat Sleep Die, Gabriela Pichler suit les galères d’une jeune immigrée qui vient de perdre son emploi. Au contraire de son titre, un film plein d’une rageuse énergie. par laura tuillier

Premier film de la réalisatrice suédoise Gabriela Pichler, Eat Sleep Die prend à rebours l’image d’un modèle scandinave triomphant de la crise économique. Raša, musulmane originaire des Balkans, est ouvrière dans une usine d’emballage de salade verte et, malgré la dureté de ses conditions de travail, montre une force de caractère dont elle est bien décidée à ne pas se départir : son licenciement économique, l’invalidité de son père, le chômage qui s’installe, rien ne semble pouvoir l’ébranler. Caméra à l’épaule, dans un style très vif, Pichler puise du côté des frères Dardenne ou du récent Djeca de la Bosnienne Aida Begic pour insuffler à son récit une force jubilatoire et entêtée. Alors que l’on suit Raša, de ses séances de training au centre de réinsertion des chômeurs – assez drôles – à son HLM non chauffé, une seconde dynamique s’enclenche, plus

souterraine. Comme une fatigue soudaine, qui offre à la rudesse de l’histoire une poésie et une délicatesse inattendues. C’est cette séquence où Raša se retrouve maquillée en clown, triste dans les terres en friche qui entourent son quartier ; c’est également cette contagion progressive des larmes, de l’héroïne jusqu’à son timide compagnon d’infortune, un ado forcé d’accepter un emploi traumatisant dans un abattoir. Au festival Premiers Plans d’Angers, le film a reçu une double récompense, Grand Prix et prix d’Interprétation féminine. La confirmation d’un duo gagnant : une réalisatrice qui filme sa propre jeunesse, une actrice non professionnelle qui voit la sienne sublimée par le cinéma. de Gabriela Pichler avec Nermina Lukac, Milan Dragiši… Distribution : ASC Durée : 1h44 Sortie le 19 juin

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Après sept ans passés en prison, Rudy Vandekerckhove rentre chez lui et tente de reconstruire sa vie en retrouvant du travail et en reprenant contact avec sa famille. Ce premier long métrage, au pathos un peu franc mais à la poésie âpre, évoque la difficulté de faire face au passé et de devenir père. Touchant, Offline emporte la mise grâce au solide Wim Willaert, dont la gueule cassée et les larges épaules convoquent quelque chose du Mickey Rourke de The Wrestler et relaient sans mal la triste beauté du film. m.l. de Peter Monsaert avec Wim Wallaert, Anemone Valcke… Distribution : Mica Films Durée : 1h55 Sortie le 19 juin

> a very english man

Le réalisateur Michael Winterbottom (The Killer Inside Me) retrouve pour la cinquième fois l’acteur britannique Steeve Coogan avec ce biopic qui sent le souffre. Soit la vie de Paul Raymond alias le Roi de Soho, fondateur du premier bar à striptease d’Angleterre. Producteur de spectacles, éditeur de magazines, investisseur immobilier dans les quartiers louches où l’alcool coule à flot, on suit le succès de ce magnat du divertissement dénudé qui va de pair avec une certaine décrispation du puritanisme anglais. é.r. de Michael Winterbottom avec Steve Coogan, Anna Friel… Distribution : Pretty Pictures Durée : 1h41 Sortie le 19 juin


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Room 237 Shining de Stanley Kubrick a engendré un paquet de théories quant aux multiples significations du film. Dans son passionnant documentaire Room 237, Rodney Ascher décortique chacune d’entre elles, extraits à l’appui. par quentin grosset

On ne le découvre pas : Stanley Kubrick était un cinéaste démiurge qui chargeait chaque plan de messages cachés. Dans sa filmographie, Shining (1980) apparaît à ce propos comme l’œuvre la plus labyrinthique et la plus commentée. Cette adaptation du roman de Stephen King est une matière terrifiante et toujours vivante, source de questions insolubles : qui est cette femme cadavérique qui se cache dans la chambre 237 de l’hôtel où séjournent Danny et sa famille ? Pourquoi Jack apparaît-il, dans la toute dernière scène, sur une photo datant de 1921 ? Et si c’était un film sur la Shoah ? Rodney Ascher, sans prétendre livrer la clé du chef-d’œuvre de Kubrick au spectateur, va donner la parole à des critiques ou à des universitaires afin d’éclaircir ces mystères. Certaines hypothèses émises par ces fanatiques de l’œuvre peuvent avoir l’air extravagantes, mais sont

justement illustrées avec des images probantes pour que le spectateur puisse adhérer aux lectures les plus improbables. Parmi celles-ci : Shining serait en fait une charge de Kubrick contre la Nasa, qui lui aurait demandé de réaliser de fausses images de l’alunissage de Neil Armstrong. C’est pourquoi Danny porte un pull de la mission Apollo 11, tandis que le numéro de la chambre 237 ferait écho à la distance de 237 000 kilomètres entre la Terre et la Lune… Autant d’explications ou de fantasmes, on ne tranchera pas, qui heureusement n’épuisent en rien la capacité du film à toujours nous interroger. de Rodney Ascher Documentaire Distribution : Wild Bunch Durée : 1h42 Sortie le 19 juin

> 12 ans d’âge

> les petits princes

> quadrophenia

de Frédéric Proust (1h25) Distribution : Pyramide Sortie le 26 juin

de Vianney Lebasque (1h30) Distribution : EuropaCorp Sortie le 26 juin

de Frank Roddam (2h03) Distribution : Solaris Sortie le 26 juin (reprise)

Charles (François Berléand) part en préretraite et peut désormais passer plus de temps avec son meilleur ami Pierrot (Patrick Chesnais). Mais l’hédonisme débordant des deux larrons commence à inquiéter leurs épouses. Un film sourire sur nos aînés qui s’éclatent. q.g.

JB vient d’arriver dans un centre de formation dédié au football. Petit prodige, il est partagé entre son envie d’atteindre les sphères les plus élevées de la compétition et son inaptitude médicale au sport de haut niveau. Eddy Mitchell fait un drôle d’entraîneur. q.g.

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Londres, 1965 : Jimmy fait des virées en Vespa avec ses amis mods, jeunes gens vêtus de chemises Ben Sherman et goûtant volontiers aux amphétamines. D’ailleurs, Jimmy en abuse un peu trop quand il arrive à Brighton. Ce film culte sorti en 1980 doit beaucoup à sa B.O. q.g.


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Before Midnight par quentin grosset

On est d’abord dans l’embarras : Céline (Julie Delpy) et Jesse (Ethan Hawke), les personnages phares de Before Sunrise (1995) et Before Sunset (2004), – les deux premiers films de la trilogie de Richard Linklater, qui se clôt ici – ont un débit de parole si débridé qu’il est difficile de les suivre. Les amants s’étaient rencontrés dans un train entre Budapest et Vienne, avant de se perdre, puis de se retrouver dix ans plus tard pour une promenade parisienne. Dans Before Midnight, la Française et l’Américain coulent désormais des jours heureux avec leurs jumelles et profitent de vacances en Grèce. Mais Jesse est préoccupé : son fils vit aux ÉtatsUnis, et il se demande s’il ne doit pas laisser tomber sa vie à Paris pour partir l’élever. Dès lors, c’est

une bataille sur le plan du langage que filme Linklater : toujours enclins à ergoter, la militante écologiste et l’écrivain se confondent en menues bisbilles qui trahissent, plus profondément, le temps qui passe, l’usure d’un couple. Tout en ruptures de tons, le scénario fait la part belle à deux hâbleurs qui s’adonnent à un concours

d’éloquence. Si la mise en scène s’efface au profit d’un dialogue très fouillé, c’est justement pour aboutir à une grande justesse sur le sentiment amoureux. de Richard Linklater avec Julie Delpy, Ethan Hawke… Distribution : Diaphana Durée : 1h48 Sortie le 26 juin

Electrick Children ­­­par louis séguin

Ce premier long métrage de l’Américaine Rebecca Thomas ressemble d’abord à un guide illustré de l’adolescence à l’attention des jeunes mormons. La réalisatrice transpose le classique teen movie d’apprentissage dans ce milieu intégriste en filmant l’histoire de la jeune Rachel (Julia Garner, candide), vierge pure à la peau d’albâtre, qui tombe enceinte lorsqu’elle écoute pour la première fois le morceau d’un rockeur sur cassette audio. Elle décide de partir à la recherche de cette voix qui l’a selon elle engrossée et débarque à Las Vegas, où elle découvre toutes les merveilles imputables à la fée électricité et se prend d’affection pour une bande de jeunes skateurs. Passé l’étonnement d’assister à un film prônant le mormonisme modéré (que pratique Thomas), on

découvre que cette bluette, qui rappelle les univers de Larry Clark et de Terrence Malick, soulève implicitement de graves questions, en premier lieu desquelles l’inceste : tous les hommes de la famille de Rachel sont en effet soupçonnés de l’avoir violée. En vrai conte classique, Electrick Children sublime

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ainsi les refoulés divers de sa jeune héroïne pour les transformer en autant de rêveries d’une enfant traumatisée. de Rebecca Thomas avec Julia Garner, Rory Culkin... Distribution : Bac Films Durée : 1h33 Sortie le 26 juin



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Amore Carne par q.g.

Le metteur en scène italien Pippo Delbono agglomère ses réflexions sur l’amour et la mort dans un journal filmé cruel. Amore Carne évoque d’abord la séropositivité du cinéaste dans une séquence aussi perturbante que La Pudeur ou l’Impudeur de Hervé Guibert (1992), qui documentait également la maladie sans feinte. Avec l’idée d’embellir des instants vécus, douloureux ou heureux, Delbono parcourt le monde ou parle avec ses amis. Mais c’est en restant concret et cru que le film s’élève. Dark Skies

Dark Skies par m.l.

Une famille américaine voit son quotidien se transformer en cauchemar à la suite d’événements mystérieux et découvre qu’elle est la cible d’attaques extraterrestres. Venu des effets spéciaux, Scott Stewart signe son troisième film à la réalisation et vise la même galaxie que celle habitée par ses maîtres, Steven Spielberg en tête. Si Dark Skies peine à figurer une intimité familiale en crise, il réserve toutefois quelques scènes d’épouvante marquantes pour qui croit à l’existence des Martiens.

nées dans les rues de Bucarest, les turbulences du couple révèlent la perversité des relations amoureuses contemporaines, où la passion se consume et se consomme. Au-delà de la Thaïlande, le deuxième long métrage du cinéaste roumain (Horizon) nous fait voyager, avec insolence et brutalité, au cœur de l’éternelle insatisfaction humaine. de Paul Negoescu avec Ionut Grama, Victoria Raileanu… Distribution : Épicentre Films Durée : 1h25 Sortie le 26 juin

Moi, moche et méchant 2

Moi, moche et méchant 2 par ma.po.

Trois ans après un premier volet au succès monstre, la saga se poursuit autour du gentil grand-méchant Gru et de son armée de Minions, personnages gaffeurs au babillage incompréhensible. Ces drôles de Schtroumpfs, tenant plus de Pierre Richard que de Géo Trouvetou, dopent à la malice une extravagante relecture sans complexe du film d’espionnage à gadgets. Lucy, un agent de la ligue anti-grandsméchants, recrute Gru. Le papa poule troque alors son costume de supervilain contre celui de justicier amoureux.

de Scott Stewart avec Keri Russell, Josh Hamilton… Distribution : Wild Bunch Durée : 1h36 Sortie le 26 juin

Un mois en Thaïlande par ma.po.

Après neuf mois de relation et la promesse de vacances thaïlandaises, Radu quitte Adina le soir du nouvel an pour reconquérir son ex-copine, Nadia. Tour-

de Pippo Delbono Documentaire Distribution : Les Films du Paradoxe Durée : 1h15 Sortie le 26 juin

Un mois en Thaïlande

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de Pierre Coffin et Chris Renaud avec les voix de Steve Carell, Kristen Wiig... Distribution : Universal Pictures Durée : 1h38 Sortie le 26 juin



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Frances Ha L’indépendance, la vraie, est celle que l’on choisit : le propos de Frances Ha résonne avec la méthode employée par le cinéaste américain Noah Baumbach pour ce septième film fait main. par clémentine gallot

Danseuse new-yorkaise en apprentissage, Frances (Greta Gerwig) voit sa relation fusionnelle avec sa meilleure copine Sophie (Mickey Sumner) se déliter et ses chances de carrière s’effriter. Une fois rompu cet équilibre instable, la jeune femme court après les appartements, les deniers et l’amitié en fuite. Avec ce ballet existentiel, Noah Baumbach retrouve Gerwig, actrice déjà borderline dans Greenberg, précédent film du cinéaste. Il lui offre ici son plus beau rôle dans ce film retraçant une histoire de potes, une incarnation du Modern Love de David Bowie qui n’est pas sans rappeler la démarche de Lena Dunham avec sa série Girls : « Lena est une amie proche, nous explique Gerwig en interview. Je n’ai pas vu Girls avant d’écrire le scénario. Il y a eu tellement de films sur l’amitié masculine, c’est une bonne chose d’aborder enfin le sujet de l’amitié féminine. » Frances finit par trouver refuge à Paris : « Dans un autre film, le voyage du personnage à Paris changerait tout, alors qu’ici, au contraire, c’est la débâcle », poursuit l’actrice. Avec ce détour géographique, Frances Ha réussit la synthèse du cinéma d’auteur new-yorkais intello pratiqué par Baumbach (dont le fils s’appelle Rohmer), à mi-chemin entre sensibilités américaine et européenne. Après l’influence de Truffaut dans l’autofictionnel Les Berkman se séparent (2006) et de Bergman pour Margot va au mariage (2007), le cinéaste utilise ici les partitions du compositeur emblématique de la Nouvelle Vague Georges Delerue. La méthode minimaliste employée dans Frances Ha est émancipatrice : revenu de son séjour hollywoodien

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avec Greenberg, le cinéaste a décidé, à 43 ans, de s’octroyer une liberté totale avec un financement indépendant et des conditions de tournage idéales, limitant les contraintes. L’émulation du couple (à la ville) Baumbach-Gerwig, croisant avec bonheur excentricité candide et mélancolie, fait des miracles sur le scénario, écrit à quatre mains et s’inspirant de la vie de l’actrice, qui a débuté en écrivant les premiers films fauchés du genre dit mumblecore. Scénariste de Wes Anderson, fils d’intellectuels new-yorkais, Baumbach s’est quant à lui adouci, après des débuts orageux : « Je mélange comédie et drame, je sais que cela met les gens mal à l’aise, mais je me fie de plus en plus à une approche émotionnelle, analyse-t-il. On me dit que mes personnages ne sont pas très aimables, pourtant j’ai de l’affection pour eux. Renoir disait que chacun a ses raisons… Dans mes films, je ne veux pas me moquer de Los Angeles ou de New York, mais célébrer les villes. » Précipité new-yorkais, Frances Ha conjugue le souffle grandiose du cinéma d’époque en noir et blanc de Woody Allen aux déboires générationnels. Une belle scène finale de danse vient ordonner tous les éléments semés le long du film. Telle Frances la chorégraphe, Greta Gerwig est déjà au travail sur une prochaine collaboration avec Noah Baumbach, qui promet d’être taillée sur mesure. de Noah Baumbach avec Greta Gerwig, Mickey Sumner… Distribution : Memento Films Durée : 1h26 Sortie le 3 juillet

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Pour une femme par ma.po.

Après avoir incarné Françoise Sagan dans le précédent long métrage de Diane Kurys (Sagan, en 2008), Sylvie Testud joue ici le propre rôle de la réalisatrice. Dans les années 1980, celle-ci découvre la liaison amoureuse secrète que sa mère a entretenue avec un oncle durant l’après-guerre. Le thème du souvenir est une nouvelle fois exploité par la réalisatrice (Diabolo menthe) dans ce film d’époque fouillant à cœur ouvert dans la valise à secrets. Ma meilleure amie, sa sœur et moi

Ma meilleure amie, sa sœur et moi par renan cros

Après le joyeux Humpday, sorti en 2009, Lynn Shelton filme à nouveau la frontière ambiguë entre l’amour et l’amitié. Pour aider Jack à surmonter le deuil de son frère, Iris l’invite dans son chalet familial. Mais sur place, Jack rencontre la sœur d’Iris, Hannah, en pleine rupture amoureuse. Difficile pour ce trio largué de garder la tête froide quand les sentiments s’emmêlent. Aidée par son casting indé de luxe, la réalisatrice américaine livre une jolie parenthèse sur les affres de l’intimité.

Réalisée par Marc Foster, l’adaptation rompt avec la pluralité des témoignages qui faisait la force du livre pour se concentrer sur un père de famille (Brad Pitt) écartelé entre le destin de ses proches et celui de son pays. Le cinéaste fait monter la tension avec un montage très haché pour ce blockbuster qui fleure bon l’été. de Marc Foster avec Brad Pitt, Matthew Fox… Distribution : Paramount Pictures Durée : 2h Sortie le 3 juillet

Rampart

Rampart par m.l.

Les déambulations d’un policier dans un quartier chaud de Los Angeles, peu de temps après avoir fait l’objet d’un scandale médiatique. Woody Harrelson prête ses traits à l’archétype rétro du flic martyr cher à l’écrivain James Ellroy, ici coscénariste. La belle force de Rampart est de mettre en perspective l’œuvre du romancier américain. Oren Moverman filme au présent un héros du passé sans recourir au filtre du polar crépusculaire et esquisse le portrait, brutal, d’un inadapté.

de Lynn Shelton avec Emily Blunt, Rosemarie DeWitt… Distribution : Le Pacte Durée : 1h30 Sortie le 3 juillet

World War Z par m.l.

Après son Guide de survie en territoire zombie, Max Brooks signait en 2006 World War Z, roman d’anticipation glaçant en forme de rapport de l’Otan sur une invasion mondiale de zombies.

de Diane Kurys avec Benoît Magimel, Sylvie Testud… Distribution : EuropaCorp Durée : n.c. Sortie le 3 juillet

d’Oren Moverman avec Woody Harrelson, Robin Wright… Distribution : Metropolitan FilmExport Durée : 1h47 Sortie le 3 juillet

World War Z

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Hamburger Film Sandwich Dans ce film à sketchs réalisé en 1977, John Landis (The Blues Brothers, Un fauteuil pour deux) s’en donne à cœur joie : fausses émissions, fausses pubs, faux films… et quelques vérités sur l’Amérique.

©rda/ca

par laura tuillier

Hamburger Film Sandwich s’ouvre sur un spot publicitaire venu du futur : un homme nous explique que le pétrole peut maintenant être extrait des visages gras des adolescents ou des peignes plein de sébum des ménages américains. Une vision fantasmée mais logique de l’avenir des États-Unis, qui découvrent la crise énergétique. Réalisé à la fin des années 1970, tout le film de John Landis se déroule selon ce même principe comique et subversif : prendre au mot son pays lorsqu’il annonce une pénurie de pétrole ou la libération sexuelle. Pour ce faire, le cinéaste puise dans les ressources du petit écran comme du grand et génère une hybridation des formats d’abord déroutante, avant de devenir très réjouissante. On passe ainsi d’une émission typique pour la ménagère de moins de 50 ans (dans laquelle un gorille tout droit sorti de Schlock, premier film du réalisateur, vient semer la pagaille) à une fausse pub pour somnifère désopilante ou à une parodie d’Opération Dragon intitulée Pour une poignée de yens. Faisant fi du principe de réalité pour prôner avec ironie et sans complexe un principe de plaisir généralisé et dégénéré,

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Landis en profite pour régler son compte à l’une des grandes contradictions de l’Amérique : son goût pour le trash, associé à une pudibonderie bon ton, comme dans la bande-annonce de Lycéennes catholiques en chaleur ou dans le spot télé vantant les mérites du manuel Les Joies du sexe. Landis, dans une séquence devenue culte, s’attaque même au septième art et à ses évolutions présumées : c’est la séance de cinéma en Sensorama, pendant laquelle il est donné au spectateur les mêmes sensations qu’aux héros du film. En réalité, un ouvreur placé derrière le pauvre cinéphile lui balance à la figure fumée de cigarette et parfum de femme. Finalement, chaque sketch de Hamburger Film Sandwich est l’occasion de dégommer un pan du rêve américain, et John Landis se délecte de cet effondrement généralisé, qu’il provoque dans un éclat de rire tonitruant. de John Landis (1977) avec Bill Bixby, Donald Sutherland… Édition : Carlotta Films Durée : 1h23 Disponible en DVD

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dvd

LES SORTIES DVD

mirror to the soul: music, culture and identity in the caribbean

the king of marvin gardens

piranhas

Ce documentaire de Stuart Baker, le boss du label Soul Jazz, compile des actualités Pathé diffusées dans les salles de cinéma britanniques de 1920 à 1972. Ces newsreels rendaient compte de la culture caribéenne, de la Jamaïque aux Bahamas, de la révolution cubaine aux cérémonies vaudou de Fort-de-France, avec l’approche parfois condescendante du colonisateur. Trois heures qui questionnent autant l’histoire des Caraïbes que celle du Royaume-Uni et, entre nostalgie et archivage historique, le regard du spectateur à travers le temps. wilfried paris

Cinq pièces faciles (1971) avait révélé un réalisateur et un acteur, Bob Rafelson et Jack Nicholson. Un ans plus tard, The King of Marvin Gardens renoue avec le duo gagnant, mais le film est un échec commercial. Car The King… est une œuvre étrange, presque boiteuse, qui fascine par l’égarement de ses personnages. Jack Nicholson incarne un présentateur d’émissions radio qui accepte la proposition fantaisiste de son frère : acheter une île à Hawaï et y construire une cité utopique. En réalité, les frères, accompagnés de deux filles étranges, ne quittent pas Atlantic City et s’immergent doucement dans la folie. l.t.

Bizarrement, ce film de 1978 en 2D s’avère plus profond que son remake en relief par Alexandre Aja. Aux spring breakers et au fun gore, Joe Dante privilégie la satire politique. Car ces piranhas génétiquement modifiés ont été élevés par l’armée américaine. Les poissons carnivores, une fois libérés dans une rivière fréquentée par de nombreux baigneurs, deviennent incontrôlables et s’attaquent à tout ce qui ressemble à de la chair humaine. Dénonçant les expériences chimiques opérées par le gouvernement durant la guerre du Viêtnam, le réalisateur signe un pastiche mordant des Dents de la mer. q.g.

gimme the loot

wadjda

le diable probablement

Premier long métrage d’Adam Leon et chronique new-yorkaise portée par un verbe urbain, Gimme the Loot met en scène quarante-huit heures de la vie de Malcom et Sofia, deux jeunes graffeurs en quête d’argent entre le Bronx et Greenwich Village. La force du film tient à la justesse du regard qu’il porte sur la ville – dont Leon filme l’insouciance et la lumière estivale comme un écho à l’éveil de ses héros adolescents, perdus mais heureux. Une tranche de vie pleine de tendresse et d’humour, agrémentée pour cette édition DVD d’un entretien avec le réalisateur et de son court métrage Killer. m.l.

Dans une société cernée par les interdits religieux et culturels, une préado à l’esprit rebelle, Converse aux pieds et désir de liberté en tête, s’inscrit à un concours de récitation coranique pour s’acheter le vélo de ses rêves. « En Arabie saoudite, les gens vivent dans deux réalités différentes, à l’intérieur et à l’extérieur de chez eux. C’est particulièrement vrai pour les femmes », nous avait confié Haifaa Al-Mansour. Premier film réalisé dans ce royaume où il n’existe aucune salle de cinéma, Wadjda est de surcroît l’œuvre d’une femme : un double exploit, plein d’humour et de clairvoyance. ma.po. et j.r.

Partant des six mois précédant la mort d’un adolescent, Robert Bresson expose avec Le Diable probablement les combats que se donnait la jeunesse de 1977. Proche de militants écologistes et jamais loin de l’illégalité, partagé entre deux histoires de cœur, son héros est de ceux qui désignent l’impasse d’une société – ici, celle de la consommation. Résonnant aujourd’hui avec Oslo, 31 août de Joachim Trier (2012), qui reprenait la trame du Feu follet de Drieu La Rochelle, ce portrait d’un être se confrontant ultimement au monde s’incarne dans les images foudroyantes des désastres écologiques. sophia collet

de Stuart Baker (Soul Jazz/Differ-Ant)

d’Adam Leon (Diaphana Édition Vidéo / TF1 Vidéo)

de Bob Rafelson (Wild Side)

de Haifaa Al-Mansour (Pretty Pictures / M6 Vidéo)

www.troiscouleurs.fr 75

de Joe Dante (Carlotta Films)

de Robert Bresson (Gaumont)



cultures KIDS

MUSIQUE

LIVRES-BD

SÉRIES

ARTS

SPECTACLES

JEUX VIDÉOS

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DESIGN

saadallah wannous

chelsea light moving au Trabendo

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uriel orlow

tame impala

au Centre culturel suisse

Élise, 4 ans et demi, est notre spécialiste de Hayao Miyazaki. Elle nous parle de sa sorcière altruiste.

all-star superman p.86

à l’Olympia

lire la fin d’alice p.84

jouer metro – last light p.92

Précédé d’un parfum de scandale, La Fin d’Alice d’A. M. Homes a failli ne jamais paraître en France.

Nouvelle immersion postapocalyptique dans le métro moscovite, qui confirme le talent de ses créateurs.

Pour les plus grands de vos petits, une aventure d’un Superman en très mauvaise posture.

Le goût du conte illumine ces confessions ordinaires. Belle surprise pour la première BD du Niger.

un guerrier dendi p.86

monaco p.92

starseed pilgrim p.92

suburbia p.85

soul sacrifice p.93

écouter myron & e p.80

voir l’avantage du doute p.90

visiter new york p.94

zebra katz p.82

thomas lebrun p.91

mike kelley p.89

bertrand belin p.81

akram kahn p.91

tamara de lempicka p.89

Un casse-tête plein de pixels où il faut former un monticule tendu vers des hauteurs inconnues.

Inconnus du grand public, les Californiens signent la bande-son idéale de l’été, gorgée de groove. L’astre noir de la scène hip-hop underground new-yorkaise vient incendier la nuit parisienne. Avec l’album Parcs, Belin trace son chemin lumineux et économe de mots, entre Callahan et Bashung.

VOYAGES

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à la Comédie-Française

kids kiki la petite sorcière p.78

RESTOS

Les zones péri-urbaines sont-elles des objets de réflexion philosophique ?

De jeunes collectifs de théâtre bouleversent le cahier des charges de la « compagnie » traditionnelle. Hanté par les fantômes de l’expressionnisme, le chorégraphe crée Trois décennies d’amour cerné. Avec sa variation sur Le Sacre du printemps, Kahn mélange danse traditionnelle et contemporaine.

www.troiscouleurs.fr 77

À la tête d’une équipe qui dépouille les grandes fortunes de Monaco, le joueur s’infiltre au cœur des banques. Un immense opéra gothique dans lequel l’art de l’horreur organique fusionne avec les œuvres de Jérôme Bosch.

Les bons plans de la ville qui ne dort jamais compilés par l’équipe de Time Out Paris. Le centre Pompidou rend un bel hommage à cet artiste américain qui nous a quittés l’an dernier. La peintre polonaise la plus renommée de la période Art déco est célébrée par la Pinacothèque.


cultures KIDS Le petit papier d’ Élise, 4 ans et demi

Kiki la petite sorcière

©walt disney studios

DVD

Biberonnée à Ponyo sur la falaise et Mon voisin Totoro, Élise était prédisposée à tomber sous le charme de l’altruiste sorcière de Hayao Miyazaki. L’avis de notre spécialiste. propos recueillis par julien dupuy

l’avis du grand

Aussi populaire au Japon que Mon voisin Totoro, Kiki la petite sorcière (1989) est l’œuvre de Hayao Miyazaki qui s’apparente le plus à une chronique réaliste : si les scènes de vol de l’héroïne comptent parmi les plus belles qu’on ait pu voir sur grand écran, le film s’attache surtout à la peinture d’un quotidien finalement assez banal, relevé in extremis par une péripétie plus émouvante que grandiose. Le film n’en reste pas moins un véritable bijou d’écriture, serti dans l’une des plus belles directions artistiques du studio Ghibli. Ce qui n’est pas peu dire. j.d.

« Kiki, c’est une sorcière, mais elle est gentille. Au début, c’est une petite fille et elle veut apprendre à être une vraie sorcière. Alors elle dit à ses copines : “Je veux voir la mer !” Du coup, elle monte sur un balai et elle s’envole. J’aimerais bien toucher les nuages comme elle, elle a de la chance, Kiki. En volant, elle croise une sorcière qui fait sa petite pimbêche et ensuite elle tombe dans un wagon. Dans le wagon, il y a des vaches qui lui mangent les pieds. C’est rigolo ! Après, Kiki arrive dans une jolie ville où les gens ne sont pas gentils parce qu’ils ne la connaissent pas. Kiki vit dans une boulangerie où il y a des pains de mie et des gâches qui font envie. Elle aide à la boulangerie et en fait, c’est une livreuse. Il y a un petit garçon, aussi, Jiji. Au début, elle lui parle pas, mais après

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elle devient son amie. À un moment, elle perd son pouvoir et elle s’arrête de voler. En plus, son balai est cassé ! Il y a un dirigeable, c’est comme dans Là-haut. Mais il décolle de travers et “bam !”, il se cogne dans une tour et il se casse ! Ça, ça m’a fait peur. Kiki doit aller sauver le garçon accroché au dirigeable. C’est très dangereux, mais je ferais pareil si j’étais Kiki. Kiki demande un balai à un monsieur, elle essaie de voler et elle y arrive ! Et à la fin, Kiki est adulte et elle est devenue une vraie sorcière. Kiki et Jiji, je trouve qu’ils sont trop mignons. Le film est quand même beaucoup trop long, mais j’aurais été triste si ça avait été plus court. » Kiki la petite sorcière de Hayao Miyazaki Animation / Édition : Walt Disney Studios Durée : 1h42 / Sortie en DVD et Blu-ray le 3 juillet



cultures MUSIQUE

©william perls

BROADWAY de Myron & E (Stones Throw/Differ-Ant) Sortie le 1 er juillet

Soul soleil Soul

Inconnus du grand public, les Californiens Myron & E signent avec Broadway un classique soul gorgé de groove, de mélodies et d’amour. La bande-son idéale de l’été. par michaël patin

Depuis leur rencontre dans la formation live du groupe hip-hop Blackalicious, E Da Boss (DJ, producteur) et Myron Glasper (chant) ne se sont plus quittés. Entre les deux Californiens aux vies artistiques déjà multiples, l’amitié a pris le chemin d’un retour aux sources. Ils sont allés fouiller plus loin que leurs débuts comme danseurs hip-hop – détail pas anodin pour ces maîtres du rythme –, dans leurs souvenirs d’enfance, jusqu’au fond de la malle à « good ole soul ». Joint à San Francisco, l’aîné Myron précise : « En tant qu’auditeurs, nous n’avons pas de barrières. Nous écoutons aussi bien du rock ou de la country que de la soul. Mais notre jeunesse a été bercée presque exclusivement par les vieux disques des labels Stax et Motown, qui nous ont persuadés de devenir artistes. Certains de nos amis appellent ça de la “sweet soul”, une musique à la fois triste et euphorisante, en prise directe avec les mouvements du cœur. » Enregistré en Finlande avec les experts locaux The Soul Investigators (déjà à l’œuvre aux côtés

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de Nicole Willis), Broadway est une collection de tubes étincelants et melliflus comme on n’en fait plus depuis les sixties, lorsque black music et pop blanche dialoguaient à tout-va sans toutefois se confondre. Tandis que les plus fines potions rythm and blues, funk et soul crépitent sur le sillon, certains arrangements rejoignent ainsi la luxuriance baroque des Beach Boys. « Quand tu connais les codes de cette musique depuis longtemps et que tu as autour de toi des musiciens aussi techniques et inventifs, la création coule de source, ajoute Myron. Il suffit de brancher l’équipement et de se laisser aller. » On avait presque oublié que des chansons pouvaient sembler si évidentes, comme écrites pour chacun et pour toujours – Turn Back, Broadway, Cold Game, Going In Circles, Do It Do It Disco ou If I Gave You My Love en sont autant d’exemples. Après le coup d’éclat de Lady, dont ils peuvent être perçus comme le pendant masculin, Myron & E continuent d’élever le débat de la soul actuelle, retrouvant dans le passé fantasmé la clé d’une radieuse intemporalité.

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sélection par wilfried paris

the maze

parcs

De Chateau Marmont

De Bertrand Belin

Après moult EPs et remixes, le premier album du trio parisien Chateau Marmont, machine de guerre et de synthétiseurs, part à l’assaut des clubs et des festivals, entre Kraftwerk et Steely Dan, French touch (Phoenix, Daft Punk), French songs (Jacno, Gainsbourg) et French movies (François de Roubaix, Alain Goraguer), flirtant héroïquement avec le mauvais goût (Auto-Tune, soli de guitare, basses fretless et saxos cheesy). Pop épique eighties et cavalcades krautrock bouclent cet ambitieux manifeste rétro-futuriste.

Le verbe qui revient le plus souvent dans ce quatrième album de Bertrand Belin, c’est « aller », et ses douze titres oscillent ainsi entre la nécessité du départ, du plongeon, de l’allant, et les parcs, ces espaces que les grilles closent, où le froid ligote. C’est de cette tension entre marche, nage, liberté, et contraintes, chutes, déluges, qu’éclot l’album le plus pop, léger, mélodieux – le plus économe de mots, aussi – d’un auteur assurément poète, traçant son chemin lumineux entre Callahan et Bashung.

(Chambre404/Arista/Sony Music)

the visitor

(Cinq 7/Wagram)

with love

De Matias Aguayo

De Zomby

Venu de la techno berlinoise, le chilien Matias Aguayo a enregistré ce troisième album solo, hyper-dansant et psychédélique, entre Argentine, Mexique, Colombie, Allemagne et… Vitry-sur-Seine. Ronronnements sensuels, onomatopées percussives et rythmiques latinoaméricaines se mêlent à des éléments techno, house et new wave. Comme l’indique la cinquième plage, c’est à Una Fiesta Diferente, une inédite batucada acid, un rituel de chaman pour le dancefloor, que nous convie le « visiteur » Aguayo.

Le mystérieux producteur anglais Zomby œuvre décidément dans la nostalgie : après un premier hommage à la culture rave, Where Were U in 92? (2008), il réitère le manifeste-palimpseste sur cette troisième lettre envoyée « avec amour » aux amateurs de musiques électroniques. Techno, jungle, house, electronica et grime y sont revisités en trente-trois vignettes mélancoliques ressuscitant, entre kitsch et photocopie, Goldie, Meat Beat Manifesto, LFO… Toutes ces vieilles lunes de nos nuits blanches des années 1990.

(Cómeme/Modulor)

(4AD/Beggars)


cultures MUSIQUE SCREAMING QUEEN, HIP-HOP & PERVERSION Le 12 juillet au Trabendo

agenda par w.p. et e.z.

dr

le 22 juin

Zebra Katz

HIP-HOP QUEER

Panthère rose par etaïnn zwer

L’astre noir de la scène hip-hop underground new-yorkaise vient incendier la nuit parisienne. Leçon de style. Zebra Katz braque la hype depuis que le créateur Rick Owens a fait du viscéral Ima Read la bande-son de son dernier défilé. Ode au film Paris is Burning, à la culture black et au « voguing » – style de danse inspiré des poses des mannequins, pratiqué depuis les années 1960 par la communauté LGBT de Harlem dans les « balls », des soirées de compétition d’élégance –, ce hit en slow-motion célèbre surtout le « reading », art du clash verbal né lui aussi des ballrooms. Héritier ovni de ce théâtre ambigu, mi-Grace Jones, mi-Shakespeare, Zebra Katz – alter ego de l’artiste performeur Ojay Morgan – a tout du Chippendale prêcheur, bipolaire, bisexuel, bitch et ballerine, dont les incantations sapent avec un plaisir vicieux les dichotomies. Une Fashion Week plus tard, adoubée par ­Azealia Banks et RuPaul, signée sur le label J­ effree’s du génial Diplo, la créature au charisme cuir tire une salve de morceaux minimalistes, obscures, hypnotiques : Y I Do, à la fois moite et glaçant, l’envoûtant poème How Do You Feel, W8WTF et son rythme moombahton. Beats lancinants, slam incantatoire et shows extatiques placent Katz en tête d’un excitant cartel de « gayngstas » qui sortent enfin le hip-hop du placard. Mykki Blanco, MikeQ, Le1f crachent un rap electro queer léché et effronté, dont les collectifs La Bambaataa et Kill The DJ se font les MCs parisiens pour une nuit « worldwide tapette mafia ». B ­ ooty camp, donc, avec « l’acid diva » Cakes Da Killa, l’activiste Essex O. Lordes et l’énigmatique Krikor, sous le feu du félin Katz, maître vaudou épaulé par sa complice Njena Reddd Foxxx. On prend la pose.

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du 27 au 30 juin

chelsea light moving

me.013 rendez-vous

au Trabendo

au Cabaret sauvage

En rupture de Kim Gordon (mid-life crisis) et de Sonic Youth (temporairement ?), l’éternel teenager Thurston Moore vient jouer avec son nouveau groupe, plus pop mais aussi plus électrique que ses récentes tentatives en solo, entre évocations contre-culturelles, variations grunge et bon vieux punk-rock.

le 26 juin

tame impala

Alors que sort l’incroyable EP Aydin de Discodeine, où le leader de Tame Impala, Kevin Parker, fait un featuring remarqué, le combo « psychedelic hypno-groove melodic rock » (dixit le groupe) australien vient célébrer sur l’Olympe le succès de son récent Lonerism, album de l’année 2012 selon le NME. à l’Olympia

le 28 juin

Mercredi Production dégourdit le corps et l’esprit avec la crème des écuries Minus, Beats In Space, Innervisions et Cocktail D’Amore : Matador, Heartthrob et sa minimale sinueuse, Frank Wiedemann (du duo Âme), Superpitcher, l’electro-pop racée de Paradis, Boris ou la « loop house » de Discodromo. Joie.

le 5 juillet

mount kimbie

Le duo anglais Mount Kimbie sort de sa chambre pour intégrer un vrai studio, inviter le rouquin King Krule à venir chanter sur deux titres et sortir son nouvel album, Cold Spring Fault Less Youth, chez Warp. On découvrira les nouveaux titres du duo sur scène, entre dance music sophisiquée et pop bizarroïde. au Nouveau Casino

les 12 et 13 juillet

agoria presents forms

the peacock society

au festival Solidays

au parc Floral de Paris

Deux ans après le planant Impermanence, le génial et discret DJ Agoria, cocréateur du label InFiné et des Nuits sonores à Lyon, propose un show indus’ total, écrin visuel hypnotique idéal pour son ambient techno chargée d’âme, aux featurings inspirés (Tricky, Kid A, Carl Craig). Voyage, voyage…

We Love Art et Savoir Faire s’associent pour un week-end de mixologie électronique bouillant : Richie Hawtin, Carl Craig, Gesaffelstein, Brodinksi, The Magician, Flight Facilities, The Aikiu… Entre acid techno crasse, house obsédante et nu disco soignée, un cocktail d’amour pour serrer l’été de près.



cultures LIVRES / BD

© marc melki

LA FIN D’ALICE d’A. M. Homes Traduit de l’anglais (États-Unis) par Johan-Frédérik Hel-Guedj et Yoann Gentric (Actes Sud) Disponible

A. M. Homes

Satyre de partout ROMAN

Entouré d’une aura sulfureuse, La Fin d’Alice d’A. M. Homes a failli ne jamais paraître en France. Motif ? Le narrateur est un assassin pédophile. Un roman trash et virtuose, pour lecteurs avertis. par bernard quiriny

La Fin d’Alice a provoqué un scandale en 1996, des associations de protection de l’enfance s’étant émues qu’A. M. Homes fasse parler… un pédophile. Au Royaume-Uni, la Société nationale contre la cruauté envers les enfants appelle les libraires à ne pas le vendre, son porte-parole expliquant que c’est « le roman le plus ignoble et tordu qu’[il ait] jamais lu ». L’affaire a des conséquences jusqu’en France : ­Belfond, qui a les droits du livre, se résout finalement à ne pas le publier, vu le contexte – l’affaire Dutroux est toute récente. Quinze ans plus tard, on découvre enfin ce texte sulfureux, dont il faut reconnaître qu’il contient quelques pages assez dures. Bizarrement, les scènes les plus hard ne parlent pas d’agressions sur mineurs, mais de relations homos entre détenus et d’attouchements poussés (et probablement fantasmés) entre mère et fils, de sorte qu’on pourrait voir La Fin d’Alice comme un livre sur la promiscuité en prison et sur les conséquences de l’inceste plus que comme un livre sur la pédophilie. Homes fait donc parler un quinquagénaire qui purge une peine pour avoir violé et assassiné en 1971 une fil-

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lette de 12 ans, Alice. Vingt ans plus tard, il correspond régulièrement avec une femme de 19 ans, ellemême très attirée par son voisin de 11 ans… « Comme j’en suis vite venu à attendre ces lettres. C’est comme si j’étais elle, elle moi, et que nous vivions cette aventure ensemble, exécutant un tango tantrique tordu », détaille le prisonnier. Homes emboîte les niveaux narratifs comme des poupées russes : ce que nous dit le narrateur sur son quotidien de prisonnier, les bribes que lui livre sa correspondante, ce qu’il y rajoute par le fantasme et enfin les flash-backs sur sa propre enfance et sur le drame de 1971. Cette construction virtuose n’est pas la moindre des qualités formelles de ce roman fort réussi, qui réalise en outre l’exploit de donner deux voix au personnage du narrateur : la sienne et celle de sa correspondante, liés à distance par leur perversion. Chacun décidera quelles considérations morales doivent intervenir dans le jugement qu’on porte sur ce roman brillant, où le plus pénible, en vérité, n’est peut-être pas tant le monologue d’une authentique crapule que son ironie n­ arquoise, ­admirablement restituée par l’auteur.

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sélection par b.q.

la feuille qui ne tremblait pas

De Jean-Jacques Lefrère et Philippe Oriol (Flammarion)

« Mille institutions du Vieux Monde sont marquées d’un signe fatal. Les affiliés du complot savent un sûr moyen de cueillir la joie tout de suite ! Détruire passionnément ! » Cette profession de foi anar est signée Zo d’Axa (1864-1930), dandy révolté et figure mythique de la littérature fin de siècle, ressuscité dans cette bio truffée d’extraits et de documents rares. Les amateurs (re)liront aussi l’histoire de la Revue blanche de Pascal Ory et Olivier Barrot, à La Table Ronde.

suburbia

De Bruce Bégout (Inculte)

Avec leurs rondspoints, leurs centres commerciaux, leurs restaurants franchisés et leurs panneaux de pub, les sorties de nos villes sont-elles des objets de réflexion philosophique ? Oui, répond Bruce Bégout dans ce recueil d’essais sur la ville et ses transformations : en convoquant Walter Benjamin, J. G. Ballard ou les situationnistes, Suburbia offre une réflexion captivante sur l’urbanisme à l’âge de la voiture, des classes moyennes et du consumérisme.

notre cher marcel est mort ce soir

D’Henri Raczymow (Denoël)

Rue Hamelin, 1922 : un homme de 51 ans se meurt dans ses édredons, sous le regard de son frère Robert et de sa bonne Céleste… C’est Proust, dont Raczymow raconte ici les trois dernières années, de la remise du Goncourt aux derniers jours fatals. Un beau récit sur la course contre la montre de l’écrivain pour terminer son chef-d’œuvre, à lire en parallèle avec les souvenirs de Fernand Gregh, Mon amitié avec Marcel Proust, réédités dans les « Cahiers rouges » de Grasset.

dans la ville infinie

D’Alain Dartevelle (L’Âge d’Homme)

La fibre fantastique a toujours été forte en Belgique, et des auteurs comme le Liégeois Alain Dartevelle continuent de la nourrir. La preuve avec ce beau recueil de récits aux limites de la SF, à cheval entre Boris Vian et Blade Runner, dont les héros aux allures d’aristocrates fin de siècle vivent dans une ville futuriste nommée Infinity City. Curiosités technologiques, politique-fiction et intrigues se mélangent brillamment dans le style altier propre au genre.


cultures LIVRES / BD ALL-STAR SUPERMAN de Grant Morisson et Frank Quitely (Urban Comics) Disponible

bande dessinée

Crépuscule d’une idole

sélection par s.b.

par stéphane beaujean

hapax

D’Attilio Micheluzzi

Essayiste et auteur prolifique, L. L. de Mars se lance dans un essai presque pamphlétaire sur l’acte créateur. Son style agace parfois par ses emphases, étonne à d’autres moments par ses éclats d’intelligence, mais fascine toujours par la puissance de son trait. Hapax cherche donc à cerner ce qui fonde l’identité, l’unicité d’un artiste, écartelé entre inspiration personnelle et désir d’imitation. Avec, en toile de fond, le plagiat comme menace.

Inspiré par la biographie signée Joseph Kessel, Micheluzzi puise dans la vie de l’aviateur tous les éléments qu’il aime à imager : la grande aventure, les contrées exotiques, un monde troublé par les conflits et surtout des personnages ambigus. Ce n’est pas un hasard si l’auteur italien insiste sur les années de débauche de Mermoz : la compréhension de l’héroïsme passe par là. Comme toujours, le récit jouit d’un noir et blanc intelligent et ciselé.

©urban comics

(The Hoochie Coochie)

Créé dans les années 1930, Superman se destinait à défendre le pacte du New Deal dans une Amérique fragilisée par la crise économique. Personne ne présageait alors que cette allégorie de la justice sociale américaine résisterait aux modes, qu’elle gagnerait en épaisseur pour entrer en résonance avec les problématiques de chaque époque. Tant et si bien que le héros, en quatre-vingts ans d’existence, est passé par de nombreux bilans moraux et philosophiques, présentés aux lecteurs dès qu’un manque d’idées ou une baisse de popularité se faisait sentir. Or, à ce jeu trop pratiqué, personne n’égale Grant Morrison, scénariste écossais et anarchiste qui charge d’ambiguïté sa peinture d’une humanité perturbée par l’existence des surhommes. À l’aube d’un siècle nouveau, il propose une refonte totale. Tout commence donc par l’inconcevable : l’annonce du décès imminent de l’immortel. Tel Icare, Superman s’est approché trop près du soleil. Surchargées d’énergie, ses cellules jusqu’alors inaltérables se dégradent. Avec l’expiration pour horizon, Superman entame alors un baroud d’honneur : aveu de l’identité secrète à l’amour de toujours, deuil du père, promesse pour le futur, ultime combat contre l’ennemi juré et sacrifice pour sauver le soleil. Cette disparition annoncée alarme d’autant plus que le dessinateur Frank Quitely excelle à figurer le personnage. Il suffit à Clark Kent, voûté et maladroit, de glisser sa main dans ses cheveux pour voir instantanément apparaître un autre homme, au visage baigné de sérénité. Plus divin et solaire que jamais, All-Star Superman, publié pour la première fois entre 2005 et 2008, fait peser la menace prophétique d’une éclipse, menant à une Amérique sans providence, fin prête à provoquer une nouvelle crise économique, en attendant de voir surgir un nouveau messie. Soit le monde 2.0, le nôtre.

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mermoz

De L. L. de Mars

(Mosquito)

un guerrier carnets d’avignon dendi – planches De Sani 2008/2012 De François Olislaeger (Actes Sud)

Après Mathilde – Danser après tout, album sur la danse contemporaine publié le mois dernier, François Olislaeger rassemble les carnets de ses pérégrinations au Festival d’Avignon, ces dernières années, en tant que témoin privilégié. Chaque spectacle lui offre l’occasion de creuser une réflexion sur la production artistique, mais également sur la place du récepteur. Qu’est ce que donner, et qu’est ce que contempler une œuvre ? Un livre généreux et indispensable.

(L’Harmattan)

Petite perle de bande dessinée sortie dans l’indifférence en janvier dernier, cette autobiographie d’un dessinateur nigérien exhale en filigrane un touchant portrait du quotidien et de l’histoire tourmentée de son pays. Le dessin naïf en noir et blanc et le goût du conte illuminent ces confessions ordinaires, faites de conversations entre amis, d’anecdotes cocasses et d’histoires d’amour. Une très belle surprise pour la première BD du Niger.



cultures SÉRIES RECTIFY de Ray McKinnon Actuellement sur Sundance Channel France

Enfermé dehors DRAME

Que se passe-t-il quand on recouvre la liberté après vingt ans passés dans le couloir de la mort ? C’est la question posée par Rectify, beau récit d’un impossible retour à la normale. par guillaume regourd

le caméo gillian anderson

©sundance channel

©nbc/getty images

dans Hannibal

s­ ensibilité sudiste (il est originaire de Georgie, où la série est tournée) qui le porte vers les personnages de taiseux : incarcéré à 18 ans pour meurtre, Daniel, le protagoniste de Rectify, a passé l’essentiel de son existence en isolement. Ses sensations n’en sont que décuplées à sa sortie. Il faut voir son ravissement, quasi mystique, à simplement s’allonger dans l’herbe. Pas facile, néanmoins, de se reconstruire quand la majorité de vos voisins reste convaincue de votre culpabilité. À raison ? Bien malin celui qui pourrait lire la réponse sur le long visage de l’acteur Aden Young, révélation de cette bouleversante réflexion sur le temps perdu.

homeland, saison 2

Il n’aura pas fallu plus d’une saison à Homeland pour s’imposer en nouveau mètre étalon du thriller parano. Malgré un recours fâcheux à quelques grosses ficelles, la deuxième saison n’infléchit pas la tendance et continue de proposer un suspense sans guère d’équivalent à la télé, ainsi qu’un casting à toute épreuve, emmené par une Claire Danes marquante en agent ingérable de la CIA. Actuellement sur Canal+

par g.r.

©m6

©showtime 2012

sélection

ringer

Poursuivie par la pègre, une jeune femme se fait passer pour morte et endosse l’identité de sa sœur jumelle. Malgré toute l’affection que l’on porte à Sarah Michelle Gellar, l’inoubliable tueuse de vampires de Buffy, force est d’admettre qu’elle s’empêtre un peu dans ce double rôle, pas aidée par un script poussif. Dommage, il y avait mieux à espérer de ce soap à l’ambiance film noir. Actuellement sur M6

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©amc

Il (s’)en passe de belles en ce moment sur Sundance Channel. Après Top of the Lake de Jane Campion, Rectify est un nouveau pari gagné pour la chaîne programmée par Robert Redford. Cette production originale sur un condamné à mort mis hors de cause par un relevé ADN est signéee Ray McKinnon. Le réalisateur avait déjà tourné en 2004 un long métrage sur le même thème, Chrystal, avec Billy Bob Thornton en ex-détenu. Et c’est au festival de Sundance, justement, que le film avait été remarqué… Vu dans Sons of Anarchy ou dans D ­ eadwood, McKinnon a aussi fait l’acteur par deux fois chez Jeff Nichols. Avec ce dernier, il partage une

La légendaire interprète de l’agent Scully (X Files) prépare son grand retour à la télé américaine. Après plusieurs années passées à tourner essentiellement du côté du Royaume-Uni, la comédienne, âgée de 44 ans, fait actuellement quelques apparitions dans la première saison de Hannibal sur NBC. Elle y campe la psy du fameux cannibale Lecter du Silence des agneaux, incarné par Mads Mikkelsen. Anderson tiendra surtout à la rentrée l’un des premiers rôles de Crisis, un thriller politique, également diffusé sur NBC. g.r.

breaking bad, saison 5, partie 1

Avant-dernière salve d’épisodes qui mènera au grand final de la série à la rentrée. Spoiler : les choses se précisent pour Walter White. Intronisé baron local de la drogue, l’ex-prof de chimie songe enfin à raccrocher. Mais le veut-il seulement ? Breaking Bad va assurément nous manquer. Savourons, tant qu’il en est encore temps. Disponible en DVD (Sony)


cultures ARTS « URIEL ORLOW – UNMADE FILM » Jusqu’au 14 juillet au Centre culturel suisse

agenda

Uriel Orlow, The Staging, 2012

INSTALLATION MODULAIRE

Passé recomposé

jusqu’au 13 juillet

Les amis du cinéma, annonce de la projection de Hurlements en faveur de Sade, octobre 1952

« guy debord – un art de la guerre »

par anne-lou vicente

Attentif aux lieux et événements occultés de l’histoire et de la mémoire tant collective que personnelle, l’artiste suisse Uriel Orlow imagine un « Unmade Film », soit un « film non réalisé ». Éclaté en différentes œuvres autonomes (installation sonore, vidéo, photographies, dessins) jouant le rôle des « à-côtés » du film (du repérage à la musique, en passant par le scénario, la mise en scène ou les accessoires), son projet tente de (dé)montrer l’invisible. Prenant comme point de départ un hôpital psychiatrique de Jérusalem où, enfant, il rendait visite à l’une de ses grands-tantes, Orlow découvre, à l’issue d’un long processus de recherches, le passé traumatique de ce lieu : il fut créé en 1951 par l’annexion des maisons du village palestinien de Deir Yassin, dépeuplé trois ans auparavant suite à un massacre perpétré par des paramilitaires sionistes – un sort partagé avec de nombreux autres villages palestiniens. Pour raviver le passé de l’endroit, l’artiste, à défaut d’une représentation possible sous forme de film, nous y ramène par la voix et le son, en proposant notamment une visite guidée de Deir Yassin (The Voice­over) : dans l’espace central de l’installation, isolé par des rideaux et laissé vide, le visiteur navigue alors mentalement, entre passé et présent, réalité et fiction. En défaisant le film, Orlow recompose l’histoire par fragments, en témoigne, tout en l’ouvrant à l’interprétation. The Script, une série de fac-similés déclinant la liste des symptômes psychiques et des effets secondaires de victimes de tortures traitées cliniquement à Ramallah et à Jérusalem, apparaît comme une partition possible de cette musique en sourdine, jouée ici avec talent par Uriel Orlow.

On peut être moderne tout en critiquant la modernité. La preuve à travers cette exposition dense et conceptuelle, qui explique tout en nuances ce qu’inventa le situationniste, écrivain et révolutionnaire Guy Debord, notamment à travers son magistral ouvrage La Société du spectacle. à la BNF

jusqu’au 22 juillet

« l’art du contour – le dessin dans l’égypte ancienne »

Oui, vous verrez des sarcophages et des yeux de femmes maquillés d’un long trait noir. Mais pas que, car l’exposition est axée sur l’étroit lien entre dessin et écriture dans l’Égypte ancienne. On y apprend que les dessinateurs étaient désignés par cette belle périphrase : « scribes des contours ». au musée du Louvre

jusqu’au 5 août

mike kelley

Bel hommage que rend le centre Pompidou à cet artiste américain qui nous a quittés

www.troiscouleurs.fr 89

l’année dernière, à 57 ans. Il laisse derrière lui une œuvre protéiforme mêlant installations fantaisistes et provoc, photographies ou encore dessins. Une exposition colorée, tout en sons et en images, qui ne laisse pas indifférent. au centre Pompidou

jusqu’au 1 er septembre ©studio bouroullec

©papillon bnf, dpt manuscrits, fonds guy debord

© uriel orlow

par léa chauvel-lévy

Vue de l’installation dans la Nef

« ronan et erwan bouroullec – momentané »

Attention, splendeur garantie dans la nef des Arts décoratifs. Des premières jusqu’aux dernières productions des frères designers Ronan et Erwan Bouroullec, cette rétrospective défie la lourdeur de l’exhaustivité. Un écueil ô combien évité grâce à une scénographie épurée. au musée des Arts décoratifs

jusqu’au 8 septembre

tamara de lempicka

Tamara de Lempicka (sans rapport avec Lolita) fut la peintre polonaise la plus renommée de la période Art déco. La Pinacothèque redonne vie à cette période de l’entre-deux-guerres et à la carrière de cette femme qui aimait les femmes. Et les peignait avec caractère, d’un pinceau résolument moderne. à la Pinacothèque


cultures SPECTACLES la légende de bornéo, de L’Avantage du doute Jusqu’au 26 juin au théâtre de la Bastille

théâtre

Jeu collectif

Pêchus, conviviaux, expérimentaux, de jeunes collectifs de théâtre bouleversent l’organigramme et le cahier des charges de la « compagnie » traditionnelle. À l’instar de L’Avantage du doute, qui présente La Légende de Bornéo.

©pierre grosbois

par ève beauvallet

Ils jouent sans metteur en scène, sans texte préalable, sans quatrième mur et sans coulisses. Ils écrivent collectivement, façon investigation, à partir d’interviews menées en marge de l’actu. Lassés par les râles soporifiques du théâtre à thèse, ils inventent un nouveau look au « théâtre politique », entre engagement absolu et distance amusée. Composée de plusieurs générations d’acteurs, L’Avantage du doute est une de ces « néotroupes » apparues au milieu des années 2000. De celles qui promettent une vraie « contre-teuf » aux plateaux de théâtre, de celles capables de faire flasher sur elles des spectateurs démotivés, comme le font les vénères du collectif D’Ores et déjà (Louis Garrel et Sylvain Creuzevault, entre autres), les bolides des Chiens de Navarre (qui viennent de triompher aux Bouffes du Nord), ou les poètes de La Vie brève (triomphe aux Bouffes du Nord itou avec Le Crocodile trompeur). Tous partagent la même façon de se focaliser sur l’acteur, d’ouvrir la scène sur la salle, de revisiter les registres comiques et de cultiver une sorte d’ambiguïté entre personnage et comédien, selon le savoir-

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faire internationalement envié du collectif belge Tg STAN, érigé par certains en figure tutélaire… « Il y a en effet des accointances esthétiques entre ces groupes que vous citez et le nôtre. Un des acteurs des Chiens de Navarre, Maxence Tual, joue souvent chez nous. Mais nos méthodes de création sont très différentes », tempère Judith Davis de ­L’Avantage du doute, également repérée au cinéma par Laurent Boutonnat (Jacquou le croquant en 2007). Certes : alors qu’un groupe comme Les Chiens de Navarre crée à partir d’improvisations à même le plateau, L’Avantage du doute s’affirme aussi comme un « collectif d’auteurs » investi dans une activité d’écriture en amont de la représentation. Ce sont aussi les seuls à revendiquer une création sans metteur en scène, au risque d’heures entières consacrées à la juste répartition de la parole. Pour leur dernier projet en date, La Légende de Bornéo, la troupe a collecté des témoignages sur le thème du travail – le genre de sujet rendu inaudible par la lessiveuse médiatique et les enquêtes ministérielles. Ici monté façon discussion entre potes, ça pourrait faire du raffut.

juin 2013


agenda par è.b.

Minogue, Sylvie Guillem ou les Jeux olympiques de Londres, l’original Akram Khan nous offre un nouveau mélange entre contemporain et kathak (danse traditionnelle indienne) dans iTMOi, une variation du Sacre du printemps.

du 12 au 13 juin

thomas lebrun

au théâtre des Champs-Élysées

Hanté par les fantômes de l’expressionnisme, le chorégraphe Thomas Lebrun crée Trois décennies d’amour cerné. Cerné par quoi ? Le sida, motif qu’il choisit comme fil rouge de trois soli et d’un duo au son des tubes mythiques de la new wave anglaise ou du rock indépendant.

jusqu’au 29 juin

jean-françois sivadier

Après avoir sidéré le public en compagnie de Juliette Binoche dans la version de Mademoiselle Julie de Frédéric Fisbach, l’excellent Nicolas Bouchaud retrouve son fidèle collaborateur et metteur en scène JeanFrançois Sivadier pour une séance de mélancolie rock dans Le Misanthrope de Molière.

au nouveau théâtre de Montreuil

du 20 au 22 juin

au théâtre de l’Odéon

sur les points ! (défilé de mode)

Dans un exercice d’appropriation et de détournement, la jeune génération de créateurs espagnols, parmi lesquels Rosalía Zahíno et Encarna Solá, nous explique sa vision de la mode flamenca dans un défilé chatoyant en marge de la Biennale d’art flamenco proposée à Chaillot.

au théâtre national de Chaillot

du 24 au 26 juin

akram kahn

Devenu star interplanétaire en enchaînant des chorégraphies pour Kylie

© cosimo mirco magliocca

©raul diaz

jusqu’au 11 juillet

saadallah wannous

Rituel pour une métamorphose est la première pièce de langue arabe à faire son entrée au répertoire de la Comédie-Française. Cette fable féministe sur fond d’obscurantisme religieux est signée par l’auteur syrien Saadallah Wannous et interprétée, entre autres, par Denis Podalydès, Thierry Hancisse et l’éblouissante Julie Sicard. à la Comédie-Française


cultures JEUX VIDÉOS METRO – LAST LIGHT (Koch Media) Genre : FPS Développeur : 4A Games Plateformes : PS3, X360, PC

Le dernier métro FPS

Nouvelle immersion postapocalyptique dans les tréfonds du métro moscovite, Metro – Last Light confirme l’immense talent des développeurs de S.T.A.L.K.E.R., seuls capables de créer une ambiance aussi étouffante qu’enchanteresse. par yann françois

l’ovni du mois starseed pilgrim

©koch media / 4a games

(Droqen/PC)

Suite à une catastrophe nucléaire, l’humanité a fui la surface de la planète pour se terrer au fond du métro et y reconstruire un semblant de civilisation. Au milieu des décombres, le héros, doté de pouvoirs mystérieux, doit tracer son chemin au milieu des factions ennemies et des mutants radioactifs pour acheminer « la dernière lueur ». Second épisode tiré du roman SF à succès de Dmitri Gloukhovski, Metro – Last Light remplit brillamment son contrat d’odyssée postapocalyptique spectaculaire, aussi brutale que physique. Pourtant, difficile de parler de ce jeu sans piocher dans un vocabulaire plus impressionniste.

Car jouer à Last Light, c’est d’abord éprouver une atmosphère. Une atmosphère viciée, radioactive, mais unique, où chaque élément prend vie et aiguise les sens. Heureusement, le jeu n’a rien d’une démo technique sans âme. ­Shooter aux stimuli exacerbés, doté d’une narration rocambolesque (on y croise aussi bien des nazis que des crevettes géantes), Last Light passe progressivement du jeu d’action au supplice horrifique. Alors, au fond d’un tunnel, d’une cage d’escalier ou d’une usine en ruine, dès que la lueur et l’oxygène viennent à manquer, l’ennemi à abattre n’est plus le monstre, mais notre imagination.

le comptoir des jeux indés monaco

(Pocketwatch Games/PC, XBLA)

Le meilleur film de braquage serait-il un jeu indé ? À la tête d’une équipe chargée de dépouiller les grandes fortunes de Monaco, le joueur doit s’infiltrer dans les dédales des places fortes sans alerter gardes ni systèmes de sécurité. Avec ses poursuites sous haute tension entre gendarmes et voleurs en décors épurés, Monaco croise brillamment les esprits de Pacman et de Tex Avery, pour peu qu’on s’y adonne en multijoueur.

sang-froid – un conte de loups-garous (Artifice Studio/PC)

Pouvoir incarner un bûcheron canadien du xixe siècle qui doit défendre sa cabane contre une meute de loups-garous, dans un conte entièrement narré avec l’accent québécois : Sang-froid relève du fantasme inattendu. Le titre séduit d’abord par son identité atypique, mais il fait oublier cet exotisme par un mécanisme aussi original que solide, où la lutte contre une nature sauvage devient jeu de stratégie aux règles inédites.

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juin 2013

Perdu au milieu d’un tableau vierge, notre avatar doit planter des graines sur un tas de briques pour aider ces dernières à se multiplier et à former un monticule l’emmenant vers des hauteurs inconnues. Quel est le motif de cette escalade ? Son aboutissement ? Nul ne le sait, mais on s’en moque, on grimpe toujours plus haut sur cette page blanche que l’on s’empresse de combler de lignes. Rares sont les jeux qui osent encore lâcher le joueur dans un brouillard conceptuel et le laisser se débrouiller avec son sens commun. Profitons-en. y.f.

par y.f.

don’t starve

(Klei Entertainment/PC)

À l’instar de Minecraft, Don’t Starve offre au joueur une variété de choix. Le temps passe, le soleil se couche, et des bêtes monstrueuses apparaissent avec la nuit : que faire ? Une question, des milliers de possibilités. Plus les jours défilent, plus le joueur apprend à dompter son écosystème, à fignoler son refuge et ses techniques d’adaptation. Derrière le guide de survie minimaliste, Don’t Starve est une très belle ­parabole sur l’évolution.


sélection par y.f.

soul sacrifice

(Sony/Marvelous/PS Vita)

Sur le papier, un jumeau de Monster Hunter. Mais Soul Sacrifice, derrière ses innombrables luttes de monstres en arène, se raconte comme un immense opéra gothique, où l’art de l’horreur organique fusionne avec les fulgurances picturales d’un Jérôme Bosch. De ce magma visuel émerge un objet indéfinissable, aux combats dantesques, mais d’où jaillit à chaque round la même impression mélancolique : combattre le monstre, c’est combattre une partie de soi.

far cry 3 – blood dragon

(Ubisoft/Ubisoft Montreal/ PS3, X360, PC)

Far Cry 3 fait peau neuve grâce à ce chapitre indépendant, qui transpose son univers dans un futur au style emprunté au (mauvais) goût des années 1980. Au programme : tambouille de pixels, voix synthétisées et chasse aux dinosaures fluos. Au-delà de l’audace de ses développeurs à travestir leur licence, Blood Dragon est un excellent défouloir, un hommage subtilement référencé au toc des nanars SF qui ont forgé notre enfance.

persona 4 – arena (Atlus/Arc System Works/PS3, X360)

Dans la foulée de l’immense The Golden, Arena reprend l’univers du jeu de rôle Persona 4, mais sur le mode du versus fighting. La greffe prend, et le jeu, très graphique, s’avère aussi maîtrisé que généreux ; mais il parvient surtout, malgré les limites de son genre, à assurer une filiation avec le récit originel, lui offrant même de nouvelles perspectives narratives. La preuve, s’il en fallait, que Persona 4 reste un inépuisable chefd’œuvre romanesque.

dishonored – la lame de dunwall (Bethesda/Arkane/ PS Store, XBLA, PC)

La Lame de Dunwall offre l’occasion, immanquable, de se replonger dans l’expérience Dishonored, l’un des meilleurs jeux de l’an passé. Imaginant une aventure parallèle à celle du héros initial (celle de son pire ennemi), cette première extension téléchargeable est l’occasion de s’adonner à de nouvelles missions d’assassinat et autres félonies savamment orchestrées, révélant une fois de plus le génie conceptuel et architectural des Frenchies d’Arkane.


cultures

M.D.

Les bons plans de Time Out Paris à :

New York compilés par chris bourn rédacteur en chef de time out international

En juin, New York reprend des couleurs, encore groggy après sa fâcheuse rencontre avec une traînée nommée Sandy. Le soleil revient désormais chatouiller la Hudson River, les rues fleurent bon le hot-dog grillé et les hipsters à lunettes pointent le bout de leur nez hors des lofts en brique rouge de Williamsburg. Oui, car de ce côté-là du Brooklyn Bridge – qui fête d’ailleurs son cent trentième anniversaire –, une joyeuse résistance s’organise à l’ombre des immeubles en voie de gentifrication : festivals, foires en plein air, piscines sous les ponts et autres échappées à vélo… No sleep till Brooklyn, comme dirait l’autre. Allez, voici nos meilleurs plans pour un mois réussi dans la ville qui ne dort jamais.

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barbecue

festival

big apple barbecue block party

moma ps1 – warm up 2013

Les 8 et 9 juin au Madison Square Park 23 Madison Avenue, entre E 24th St et E 25th St (Manhattan)

Du 29 juin au 7 septembre au MoMA PS1 22-25 Jackson Ave, au niveau de 46th Ave (Queens)

Rendez-vous au Madison Square Park pour la onzième édition de cette orgie de viande fumée et grillée. La crème des rôtisseurs, venue des quatre coins du pays (dont le fameux Salt Lick texan), servira des plats exceptionnels à neuf dollars dans une ambiance musicale live et blues.

juin 2013

Le retour de l’événement préféré des amateurs de fêtes en journée. Cet été, onze séries de concerts se tiendront chaque samedi dans la cour du musée, pour une programmation dansante éclectique incluant la techno de Juan Atkins, le dancehall de Dre Skull ou l’indie rock de Liars.


toutes les infos à retrouver sur www.timeout.com/newyork

art public

exposition

sing for hope pianos Vous rêvez de donner un récital en public ? Pendant seize jours, l’association caritative Sing For Hope installe quatre-vingt-huit pianos dans des lieux publics. Les passants sont invités à titiller l’ivoire des instruments qui seront ensuite offerts à des écoles, hôpitaux, foyers… Du 1 er au 16 juin Carte des pianos disponible sur singforhope.org

« washington square outdoor art exhibit »

bar

sycamore

Une association unique : le jour, l’endroit est un magasin de fleurs, la nuit, c’est un bar. Il faut choisir parmi les deux douzaines de bourbons et tenter les bières locales à la pression, comme la fruitée Goose Island Honker’s Ale. À déguster dans la fraîcheur du patio cosy.

Il y a plus de quatre-vingts ans, les deux artistes newyorkais Jackson Pollock et Willem de Kooning accrochaient spontanément quelques-uns de leurs tableaux au Washington Square Park. Aujourd’hui, ils sont plus d’une centaine d’artistes et artisans à présenter leurs réalisations. Jusqu’au 8 septembre au Washington Square Park, Washington Square East, au niveau de Washington Place (Manhattan)

jardin

the high line

Ouvert en 2009, cet espace remarquable est posé en hauteur sur une voie ferrée construite dans le West Side de Manhattan dans les années 1930. De somptueux jardins et des sculptures ornent cette promenade majestueuse, qui donne une vue imprenable sur la Hudson River. Washington St, au niveau de Gansevoort St (Manhattan)

1118 Cortelyou Rd, entre Westminster Rd et E 11th St (Brooklyn)

carnaval

the mermaid parade

La déjà très barrée péninsule de Coney Island le devient encore plus lorsque des filles aux longues queues d’écailles ou des mecs en soutiens-gorge pailletés déambulent sur Surf Avenue. On a hâte de savoir qui sera couronné roi Neptune et reine des sirènes à la fin de la parade.

Le 22 juin à Coney Island Départ de la parade sur Surf Ave, au niveau de W 21st St (Brooklyn)

festival

del close marathon Le légendaire metteur en scène et professeur d’improvisation Del Close a inspiré un impressionnant éventail de comédiens : Bill Murray, John Belushi, Tina Fey… Cette quinzième édition, en l’honneur du gourou de l’impro, regroupe 390 spectacles et des troupes du monde entier. Du 28 au 30 juin Liste des théâtres sur newyork.ucbtheatre.com

festival

breakin’ convention

Le festival londonien de danse hip-hop fait une entrée remarquée aux États-Unis, à l’Apollo Theater de Harlem. Au programme, films, débats, démos de breakdance, réalisation de graffitis en direct, le tout sous la houlette du chorégraphe et danseur britannique Jonzi D.

Du 13 au 16 juin à l’Apollo Theatre 253 W 125th St, entre 7th Ave et 8th Ave (Manhattan)

festival

celebrate brooklyn!

L’association de quartier Bric avait lancé en 1979 cette série de performances artistiques en plein air pour redonner vie à Prospect Park. C’est aujourd’hui l’un des incontournables de l’été culturel à Brooklyn. On y trouve de la musique, de la danse ou des projections de films. Du 5 juin au 10 août au Prospect Park Bandshell, au niveau de 9 th St (Brooklyn)

marché

american crafts festival

Deux week-ends durant, au marché du Lincoln Center, pas moins de quatre cents échoppes présenteront des étals débordant de réalisations artisanales : bijoux et parures, vêtements, accessoires, objets d’intérieur et toutes les sortes de babioles qui peuvent vous passer par la tête.

Les 8, 9, 15 et 16 juin au Lincoln Center. Columbus Ave, au niveau de W 64th St (Manhattan)

restaurant

mission chinese food Surfant sur une hype démente venue de San Francisco, voici une plongée chelou dans la cuisine asiatique, avec le chef Danny Bowien à la barre. De son look inimitable jusqu’aux toilettes à la Twin Peaks, partout la même saveur unique d’une cuisine revisitée à la sauce ricaine.

154 Orchard St, entre Rivington St et Stanton St (Manhattan)

festival

summerstage

Ce raout géant rassemble plus d’une centaine de spectacles gratuits dans tous les parcs de la ville : sets de DJ, concerts, théâtre, performances… Cette année, on mise sur le rappeur Yasiin Bey (anciennement Mos Def) et sur les comédiens de stand-up Nick Kroll et Amy Schumer. Jusqu’au 29 août Liste des lieux sur summerstage.org

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bar

death & company

Tirés à quatre épingles, les serveurs de ce bar à l’architecture gothique sont plus que sérieux quand il s’agit de cocktails maison. Derrière les imposantes portes en bois et les murs noirs se cache en effet l’un des meilleurs savoir-faire de la ville en la matière. 433 E 6th St, entre Avenue A et 1 st Ave (Manhattan)


cultures

Room 237

le film du mois par time out paris

Shining est un film à clés, un parchemin ésotérique qui livre les mystères de l’œuvre du réalisateur Stanley Kubrick. C’est en tout cas la thèse étayée par les intervenants de Room 237, suprenant documentaire pointilleux. par alexandre prouvèze – timeout.fr/paris/cinema

Mais que s’est-il donc passé dans la fameuse chambre 237 de l’Overlook Hotel ? Les spectateurs de Shining se souviennent certainement d’un ignoble cadavre de femme, une glaçante Vénus sortie d’une baignoire sous les traits d’une jolie blonde. Elle enlace un Nicholson bientôt terrorisé, découvrant dans un miroir l’état de décomposition avancé du corps qui l’embrasse. On se rappelle aussi que c’est devant la porte de cette même chambre 237, que le petit Danny, juché sur un tricycle, voit apparaître les fantômes de deux fillettes massacrées par leur père, le précédent responsable de l’hôtel – « Viens jouer avec nous, Danny, viens… » Sanctuaire d’une malédiction, venue du passé ou de l’inconscient, la chambre 237 est aussi le tabernacle du génie labyrinthique de Stanley Kubrick. Compilant les interviews de maniaques du film de Kubrick, le réalisateur Rodney Ascher s’acharne à en développer les multiples interprétations possibles. Éloquentes, roublardes, parfois extravagantes, les

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pistes du dédale partent dans tous les sens : pierre angulaire de l’œuvre de Kubrick, discours sur le génocide des Indiens du Colorado, ou sur celui des Juifs par les nazis, représentation trouble de la sexualité, expression d’une numérologie intime, variation sur le mythe du Minotaure. On y trouve même un aveu du trucage des images des premiers pas de l’homme sur la Lune, la légende voulant en effet qu’elles aient été tournées sur Terre, en studio, par le réalisateur de 2001, l’odyssée de l’espace… Les théories abondent, inégales mais souvent étonnantes. Passionnées et communicatives, elles témoignent toutes de la richesse du film de Kubrick, ravivent son agréable parfum de mystère, et accouchent enfin d’une certitude tout à fait inébranlable : on a envie de revoir Shining. de Rodney Ascher Documentaire Distribution : Wild Bunch Durée : 1h42 Sortie le 19 juin

juin 2013


LE BAR DU MOIS par time out paris

top 5 du mois

Dirty Dick

par time out paris

1. théâtre

Un père dépressif, une bellemère accro à la chirurgie esthétique et une fée qui s’ennuie… Les contes revus par Pommerat n’ont vraiment rien en commun avec les fables apprises à l’école. Parures organiques et vidéo fantasmagorique pour un spectacle entre rêve et réalité.

Le nom de ce nouveau bar de Pigalle a de quoi surprendre, ou même effrayer. Pas de panique, les seuls éléments phalliques du lieu sont des totems polynésiens, plantés dans cet ex-bar à hôtesses devenu tiki bar.

Cendrillon de Joël Pommerat, jusqu’au 29 juin au théâtre de l’Odéon – ateliers Berthier

Non content d’être l’un des groupes de rock les plus novateurs de la dernière décennie, Liars a accouché en 2012 d’un album riche et beau, dont la multitude de couleurs et d’ambiances se dévoile au fil des écoutes. Alors, quand on apprend que Paris les reçoit au Trabendo, on fonce.

dr

2. concert

Liars, le 6 juin au Trabendo

3. expo

Sous l’objectif très classique de Vanessa Winship, le Nouveau Monde prend un coup de vieux. Après avoir sillonné les États-Unis de bout en bout, la photographe britannique présente un territoire enfoui sous le souvenir grisonnant du rêve américain.

Que t rouve-t-on dans u n tiki bar ? Une déco exotique kitschissime et du rhum qui coule à flots. Ce concept a fleuri dans les bars américains après la fin de la Prohibition. On y découvre, émerveillé, un délire psychédélico-tropical coloré, avec des murs peints de plages exotiques du sol au plafond. Après quelques cocktails bien dosés, on a envie de porter une couronne de fleur et de crier « Aloha ! » à ses voisins. L’ambiance est on ne peut plus festive, et les serveurs sont en chemise à fleurs. À la carte, une vingtaine de cocktails à prix décents (entre sept et quatorze euros), d’inspiration exotique et très fruités, mais pas forcément polynésiens, à l’instar du Zombie, une alliance de plusieurs rhums, de citrus, de plantes aromatiques et de fruits tropicaux pensée par Don The Beachcomber, le créateur du concept de tiki bar. Plus fou encore, les barmaids servent des punchs et des cocktails géants dans un grand coquillage… ou dans un volcan enflammé. c.gr. Dirty Dick, 10 rue Frochot, Paris IXe – timeout.fr/paris/bar

« Vanessa Winship – She dances on Jackson », jusqu’au 28 juillet à la Fondation Henri Cartier-Bresson

le resto

le quartier

Vanina Escoubet, 1 rue HenryMonnier, Paris IXe

5. concert

Des gardiens du temple rock : voici comment on pourrait décrire les Black Crowes, fans de blues-rock, d’americana, de country et de rock sudiste, s’inspirant des Stones, de Led Zeppelin, du Allman Brothers Band et de tout ce qui touche au blues pour le remettre au goût du jour.

The Black Crowes, le 27 juin à la Cigale

dr

Un lieu cosy aux murs de pierre, à la déco récup et vintage. Ici, l’oscilloscope mesure une tendance « rétro femme moderne ». Depuis dix ans maintenant, la stylistealchimiste Vanina Escoubet s’ingénie à allier le sophistiqué au confortable. À chaque pièce, son détail qui fait mouche.

dr

4. shopping

la pointe du groin

Des tables d’hôtes chaleureuses, un zinc immense où l’on vient commander puis chercher ses victuailles, un beau piano à queue installé sous une verrière… Bienvenue à La Pointe du groin. Le soir, on y déguste des tapas qui sentent bon la Bretagne (six euros environ : galette saucisse, pousse-pied, andouille de Guémené…), accompagnés d’un verre de vin ou d’une bière armoricaine. Le midi, on goûte aux petites formules ou aux excellents sandwichs (quatre euros). La taverne rêvée.

La Pointe du groin, 8 rue de Belzunce, Paris Xe, timeout.fr/paris/restaurant

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belleville

Dans ce quartier parfois surnommé « Babelville », on trouve une foule de restaurants asiatiques, de boucheries halal et casher, des épiceries exotiques et des magasins de fringues bon marché. À l’abri de la circulation, la jolie rue Sainte-Marthe offre plusieurs alternatives aux nems et aux nouilles sautées : on y mange français, marocain, brésilien, rwandais ou chilien… À noter que le week-end, la petite rue Dénoyez se révèle très vivante, avec ses terrasses pleines à craquer et ses ateliers d’artistes, ouverts au public certaines après-midi. M° Belleville, Jourdain, Ménilmontant


LES SALLES BASTILLE

BEAUBOURG

BIBLIOTHÈQUE

GAMBETTA

GRAND PALAIS HAUTEFEUILLE

NATION

ODÉON

PARNASSE

QUAI DE LOIRE QUAI DE SEINE

agenda

le 17 juin à 20h Avant-première MK2 QUAI DE SEINE

Gold de Thomas Arslan (sortie le 10 juillet)

le 17 juin à 20h30

Rendez-vous des docs MK2 QUAI DE loire

Projection de La Motivation ! et de Tweety Lovely Superstar d’Emmanuel Gras, ainsi que de Tout peut arriver de Marcel Lozinski. Séance suivie d’un débat avec Emmanuel Gras, réalisateur du récent Bovines.

le 18 juin à 20h

Soirée Premiers pas MK2 HAUTEFEUILLE

Au programme, les courts métrages French Kiss et Les Secrets de l’invisible d’Antonin Peretjatko, La Femme seule de Brahim Fritah et Tous les garçons s’appellent Patrick de Jean-Luc Godard.

MK2 BIBLIOTHÈQUE

jusqu’au 19 juin

festival

Paris Cinéma par claude garcia

Présidé par l’actrice Charlotte Rampling, le festival Paris Cinéma donne l’opportunité aux Parisiens d’assister à une compétition internationale de haute tenue. Après Hong Kong en 2012, le festival mettra, cette année, cap au nord avec une sélection « made in Belgiëque » placée sous le signe de la comédie et des nouveaux talents. À cette occasion, le MK2 Bibliothèque montrera, en leur présence, les films de deux représentants de la jeune génération, remarqués à la Quinzaine des réalisateurs, Joachim Lafosse (À perdre la raison, Nue Propriété) et Félix Van Groeningen (La Merditude des choses, Alabama Monroe). Également à l’affiche, un choix d’œuvres phares du cinéma belge, parmi lesquels les films de la danseuse et réalisatrice Lydia Chagoll (Les Mouettes meurent au port) qui, petite, fut incarcérée trois ans dans des camps

japonais de l’actuelle Indonésie, et dont les thèmes de prédilection sont justement l’enfance meurtrie et la vie quotidienne pendant la Seconde Guerre mondiale. Comme chaque année, Paris Cinéma est aussi l’occasion de découvrir des films très attendus, souvent repérés dans les compétitions cannoises : Ilo Ilo d’Anthony Chen, portrait subtil de Singapour et Caméra d’or 2013, ouvrira ainsi les festivités, suivi du polémique Jeune & Jolie de François Ozon, et du Congrès d’Ari Folman. Enfin, la sélection internationale de films en compétition (avec à la clé une aide à la distribution dans l’Hexagone) comportera une dizaine de fictions, documentaires ou films d’animation, tous présentés par leurs réalisateurs. Paris Cinéma au MK2 Bibliothèque du 28 juin au 9 juillet, plus d’informations sur www.mk2.com

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juin 2013

Cycle Junior et Bout’chou spécial courts métrages

Programmation dédiée aux enfants, plus d’infos sur www.mk2.com/evenements

le 24 juin à 18h

Séminaire philosophique de Charles Pépin MK2 QUAI DE loire

Sujet : « Peut-on apprendre à oser ? »

les 22, 23, 29 et 30 juin à 10h30 Partenariat Odéon – théâtre de l’Europe MK2 QUAI DE SEINE

Projection de Cendrillon, le film, de Florent Trochel, d’après Cendrillon, la création de Joël Pommerat, au théâtre de l’Odéon.

jusqu’au 2 juillet

Cycle « Le crime ne paie pas » MK2 HAUTEFEUILLE

Les samedis et dimanches en matinée, avec Le Juge et l’Assassin de Bertrand Tavernier, Le Vampire de Düsseldorf de Robert Hossein, Boulevard de la mort de Quentin Tarantino, L’assassin habite au 21 d’Henri-Georges Clouzot, Frenzy d’Alfred Hitchcock, Tueurs nés d’Oliver Stone, Elephant de Gus Van Sant et Monsieur Verdoux de Charles Chaplin.

à partir du 6 juillet Cycle « Zombie Week » MK2 QUAI DE loire

À l’occasion de la sortie de World War Z, une semaine autour des zombies, avec une sélection de livres et de DVD au Store et les projections en matinée de Shaun of the Dead d’Edgar Wright et de Land of the Dead de George A. Romero.




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