InspirAction n° 2, mai 2014

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InspirAction Le magazine qui incite à bouger dans le Chablais

Bastian Baker

Une publication des Transports Publics du Chablais N° 2 – mai 2014 – supplément : Association du Chablais

La star chablaisienne en toute intimité

Derib et Chez Rose

Quand le dessinateur de Yakari décore une rame de l’ASD

SUPPLÉMENT : PorTfoLio Nouvelles de l’Association

Un Chablais nommé désir

du Chablais




iMPrESSUM Éditeur : Transports Publics du Chablais SA Rue de la Gare 38 –1860 Aigle info@tpc.ch – www.tpc.ch Responsable de la publication : Claude Oreiller Rédacteur en chef : Grégoire Montangero Secrétaire de rédaction : Géraldine Candido Rédacteur et photographe : Grégoire Montangero (sauf mention contraire) Mise en pages : Halter & Gault Relecture : Carole Oehner et Patrick Schifferle Photolithographie : Baptiste Doxa Impression : Imprimerie Gessler, Sion. Imprimé en Suisse Distribution : TPC et Loisirs’ Live Sàrl Ont contribué à cette édition : Christian Schülé ; Virginie Duquette (textes) ; Gérald Hadorn ; Christophe Racat (photos) Photo de couverture : Claude Mottier : Le lynx du Chablais. InspirAction est une publication gratuite des Transports Publics du Chablais. Le contenu de ce numéro est également disponible sur www. tpc.ch. Tirage : 35 000 exemplaires. Diffusion : Suisse romande et Chablais français.

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ÉdiToriaL à qUaTrE MaiNS

En attendant cent ans… La tradition ferroviaire veut que l’on célèbre les grandes dates d’une compagnie de chemin de fer. Les cent ans de l’Aigle – Sépey – Diablerets n’y font surtout pas exception. D’où cette édition spéciale d’InspirAction qui fait la part belle à cette ligne pas comme les autres, à son histoire et à la célébration de son siècle – quasi miraculeux ! – d’existence. Par ailleurs, les pages de cette publication accueillent une communication de l’Association du Chablais. Le rapprochement s’est fait on ne peut plus naturellement, tant les visées d’InspirAction et celles de cet organisme s’avèrent

proches : valoriser le Chablais, nouer des liens entre ses habitants, contribuer au tissu de ce coin de pays si particulier. La sollicitation de l’Association du Chablais nous conforte quant à l’utilité de notre magazine et à sa raison d’être. Puisse le contenu de ce numéro vous en convaincre. Avant de vous en souhaiter une bonne lecture, nous vous invitons à sortir vos agendas pour que nous soufflions ensemble les 100 bougies de l’ASD.

Le photographe du Sépey Claude Mottier (1957-2013), auteur de notre portfolio, aimait sa région des Ormonts, la nature en général et le royaume animal en particulier.

Ses superbes images témoignent de sa volonté de saisir des lumières d’exception et des bêtes « au naturel». Un legs qu’InspirAction vous offre avec plaisir.

Transports Publics du Chablais Frédéric Borloz Claude Oreiller Président Directeur

SoMMairE 7 Radio Chablais : la voix et le ciment d’une région 10 Thierry Chevalley : le vertigineux destin de Monsieur Parc Aventure 12 Bastian Baker : « C’est ici que j’écris mes chansons » 18 Virginie Duquette : « L’ASD est un “petit miracle” » 24 Portfolio de Claude Mottier 32 François Isabel˚: Braconnier ès sciences 37 SUPPLÉMENT : Dernières nouvelles de l’Association du Chablais

42 Grotte aux fées : depuis 150 ans les fées nous accueillent à Saint-Maurice 44 Cent bougies pour l’ASD : Derib et ses crayons offrent une nouvelle jeunesse à un train ! 46 Des cabanes dans un train ? De l’ASD craché ! 49 Cent ans à la conquête de la montagne 56 Randonner malin : le sentier de Provence 58 Grégory Widmer : Apprendre le piano : simple comme H2O ! 62 Divin pays des Diablerets 66 Coin bouquins InspirAction | TPC # 2 |

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raYoNNEMENT En marge des trente ans de Radio Chablais

La voix et le ciment d’une région… PRESQUE une radio pirate à ses débuts, il y a trente ans. Presque une grande radio avec son audience nationale, aujourd’hui… Tel est, en résumé, l’histoire improbable mais vraie de Radio Chablais, artisan-clé de l’identité chablaisienne. Tour de la question avec le directeur général de Radio Chablais, Florian Jeanneret.

« Chablais ? Connais pas. » / En 1984, pour la plupart

des gens, l’idée même de Chablais ne signifiait rien. Cette appellation avait disparu du vocabulaire vaudois et valaisan. On se disait aiglon, montheysan, champérolain, leysenoud ou ormonan. Ce terme, Chablais, (tête du lac en ancien provençal) pourtant apparu au IXe siècle, n’avait survécu que chez nos voisins français.

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Or, aujourd’hui, le Chablais possède un sens. Il est sur toutes les langues. Les gens d’ici affirment être chablaisiens. Nombre d’entre eux en conçoivent une certaine fierté. Si tel est le cas, c’est surtout grâce à l’Association du Chablais et à son initiative folle : créer une radio locale. Une radio qui lie et relie les gens des deux côtés du Rhône, qu’ils soient de plaine ou de montagne. Une radio qui aide à nouer et renouer des liens d’appartenance. Ceux de ses auditeurs avec un territoire, une histoire, un état d’esprit… Florian Jeanneret, quelle est l’âme de Radio Chablais ?

Une dimension, bien sûr intangible, mais qui demeure, malgré l’épreuve du temps et les aléas survenus au cours de l’aventure… Un caractère particulier, lié sans doute aux attaches que nous avons réussi à tisser avec notre région, ce Chablais perçu de longue date – aussi bien par les Vaudois que par les Valaisans – comme étant « en marge ». Une façon d’être, aussi. Car dans ce coin de pays, on n’est pas prétentieux (même si, à bien des égards, on pourrait se le permettre). A ce titre, notre radio est authentiquement chablaisienne : elle ne cherche pas à être meilleure que les autres. Elle s’ingénie simplement à offrir un produit simple, sain et nature. Cette ambition impose néanmoins une véritable discipline. Car parvenir à s’adresser à ses auditeurs dans la langue de tous les jours n’est pas aussi aisé que cela… 8

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A qui s’adresse Radio Chablais ?

A des gens de tous horizons, mais surtout aux jeunes parents, entre 29 et 49 ans. Un cœur de cible qui attend une grande diversité de choix musicaux : pop-rock, sans aller jusqu’au rap. En matière d’info, notre auditoire souhaite une couverture très complète, chaque heure. Il apprécie notre Club de l’info, lequel, depuis 2011, a réussi à se tailler une part de marché tout à fait respectable face au mastodonte qu’est Forum sur la RSR. Nos auditeurs désirent des conseils : comment mieux choisir sa voiture, dépenser malin, économiser ici ou là. Nous veillons à respecter les Portrait écrit d’un homme de l’audio florian Jeanneret est devenu homme de radio, pour avoir été mauvais élève ! Collégien, il rate son voyage d’études. afin d’épargner à ses parents les frais d’une seconde sortie estudiantine, il opte pour un stage. « En deux jours à radio Chablais, j’étais amoureux de ce monde-là et de la technique ! » Nicole Tornare, la cheffe d’antenne, lui propose alors une formation en cours d’emploi. Le rêve ! « avant de toucher les boutons, vous devez d’abord être animateur car les Cd vont disparaître », prophétise-t-elle en 1998. début du cauchemar de florian : « Je pleurais tous les jours… Elle voulait que je sois un vrai pro. J’en ai bavé. Mais je lui dois d’être capable de prendre l’antenne quoi qu’il arrive ! »


exigences de notre public. Aussi, nous avons remplacé nos formats d’émission de 30 minutes par trois blocs, plus digestes, de 10 minutes chacun. Cette cure d’amincissement nous a valu une nette augmentation du temps d’écoute ainsi qu’un exceptionnel accroissement d’audience.

contribuons à diffuser les voix d’ici jusqu’aux oreilles du monde politique, à Sion, à Lausanne et à Berne… Nous sommes donc ravis de franchir les limites régionales et cantonales pour atteindre – avec le DAB+ –, une couverture suisse romande. Avec une telle puissance, on est loin des débuts…

Trente bougies et quels motifs de fierté ?

Tout d’abord, le fait que les Valaisans ne crèvent plus les pneus des voitures vaudoises garées à Monthey ! Par-delà la boutade, ce type de changement d’attitude me porte à croire que l’on a assez bien fait notre job ! Ensuite, le nombre d’animateurs formés chez nous ayant réussi dans de grands médias. Prenez Laurent Bastardo, Pascale Blattner, Fabrice Jaton, Florence Milloud-Henriques, Marc-André Miserez, Magali Philip, Romain Rosang, JeanLouis Thomas, Nicole Tornare, Stéphane Trisconi, Sandra Viscardi, Flavienne Wahli Di Matteo, Sandra Zimmerli… Sans oublier Vincent Veillon de 120 secondes ! Beau palmarès, non ? Demain : quelles visées pour Radio Chablais ?

Avant tout, assurer sa pérennité. Ensuite, conserver sa totale indépendance journalistique. Car la qualité de l’info reste notre priorité. Or, celle-ci ne peut être entachée sous prétexte de préserver des annonceurs ou pour d’autres motifs de copinage. Un média comme le nôtre continue à forger l’identité régionale. Et il caresse toujours une ambition géopolitique. Par la voie des ondes, nous

après quelques années, florian décide d’élargir son champ d’expérience : ouvre un commerce ; s’exprime sur les ondes de rhône fM, puis travaille à la rTS ; revient à radio Chablais. « Pour l’ambiance. » Car, malgré le durcissement des lois et des exigences, « l’esprit bon enfant de cette radio demeure. C’est rare et précieux. » devenu chef d’antenne en 2010, florian revisite les programmes. « Comme nous tous, radio Chablais avait vieilli. il était temps de se remettre en question. »

La généralisation de la diffusion numérique nous place sur pied d’égalité avec les plus grandes radios ! Dire qu’à l’origine, l’aventure a débuté sur la base d’un ras-le-bol. Les « pères fondateurs » de notre radio voulaient se faire entendre auprès des autorités. Ils voyaient le Chablais comme un parent pauvre, un sans-voix. Et ils comptaient sur ce média pour modifier la donne. Pari gagné ! Votre souhait pour Radio Chablais, aujourd’hui…

Que les gens prennent la peine de nous écouter avant de se lancer dans une critique facile. Trop souvent, j’ai ce type de discussions avec des Chablaisiens acides qui me disent : « J’écouterai vos programmes quand vous diffuserez de l’humour. » A cela, je leur réponds qu’on le fait tous les matins pour m’entendre dire : « Oui, je sais, mais l’animateur n’est pas bon à l’antenne… », alors qu’il nous a quittés depuis des années ! Nous misons vraiment sur des programmes de qualité. Alors je souhaiterais que l’on nous juge sur ce que l’on fait aujourd’hui. Nous sommes dans le coup, avons suivi les évolutions. Qui dit petite radio ne dit pas forcément mauvaise radio, bien au contraire ! C’est en tout cas pour cela que nous nous battons.

Pour les 30 ans de radio Chablais, florian et son équipe ont concocté un programme alléchant : « Pour démontrer qu’elle est plus présente que jamais et compte bien le rester. » Emissions délocalisées en direct une fois par semaine. Stand d’invité d’honneur (avec les TPC) à la foire du Valais 2014. Tournage d’un clip vidéo incluant ses auditeurs loin à la ronde, entre autres friandises. a suivre de près !

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PorTraiT ChiNoiS

Thierry Chevalley : Le vertigineux destin de Monsieur Parc Aventure

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IL N’EST NI CORSE NI CHANTEUR DE CHARME, et pourtant tout le monde l’appelle Tino ! Thierry Chevalley (53 ans), Vaudois né à Sion, a grandi à Bex. Mais il a passé toutes ses vacances à Evolène, village de sa mère. D’où, sans doute, son amour de la montagne, des arbres, du ski et de l’altitude. Devenu directeur de la Villars Ski School, il souhaite développer des activités estivales. Surgit alors l’idée d’un parcours acrobatique dans les arbres. Au moment de passer à l’action, Thierry crée son Parc Aventure à Aigle, près des villes et des facilités de transports publics. A l’ouverture, son espace compte 50 jeux. Le premier week-end, la foule afflue déjà. Dès lors, le parc élargit son offre chaque année, jusqu’à proposer ses 180 attractions actuelles. En parallèle, Tino accepte de concevoir des sites comme le sien un peu partout (Inde, Roumanie, USA, Argentine, Portugal,

etc.). « Il y a quatorze ans, Parc Aventure était unique en Suisse. Aujourd’hui, notre pays en compte 60 et l’Europe 1500 dont nous avons construit une partie… » Interrogé sur la cause de son succès, Thierry Chevalley déclare : « On cherche sans cesse de nouvelles idées, on s’inspire des champions de l’adrénaline – les gens de Christ Church en Nouvelle Zélande qui ont inventé le saut à l’élastique et mille autres folies – et on fait tout pour combler nos visiteurs. » Ceux-ci semblent l’être puisque le taux de satisfaction clientèle du parc frôle les 100 %. Leur enthousiasme devrait être au comble avec Quick Jump, la nouveauté de l’année : du saut en chute libre contrôlée… Pour sa part, la ligne des TPC Aigle – Sépey – Diablerets (ASD) propose un arrêt sur demande « Parc Aventure » situé à 80 mètres de l’entrée. Et ces deux entités concoctent des offres conjointes. Accrochez vos harnais !

Si vous étiez… Un livre : Le Vieil homme et la mer :

Une personnalité : Mandela. Pour tout ce que l’on

j’ai adoré ce bouquin. Je me retrouve dans cette histoire.

sait de lui…

Une moto. Parce que j’en fais et que si j’en étais une, je pourrais ainsi me déplacer, voir du pays et goûter à plein de sensations fortes. Un objet :

El Plomo, montagne du Chili, près de Santiago. J’y ai enseigné le ski à des Brésiliens. On nous déposait au sommet en hélicoptère, c’était quelque chose…

Un lieu :

Une image : Une montagne en général et les Dents-du-Midi en particulier. Parce que j’y vais souvent, à ski. Descendre le couloir extrême des Doigts compte parmi mes très bons souvenirs. Un proverbe : « Si tu vois un canard blanc sur un

lac, c’est peut-être un signe ! » Parce qu’il ne faut pas tout prendre au sérieux. Distance, recul et autodérision aident à s’en sortir dans la vie. Pour en savoir plus : www.parc-aventure.ch InspirAction | TPC # 2 |

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La question d’Oprah

Bastian Baker, l’auteur-compositeur-interprète chablaisien qui séduit partout où il passe…


« C’est ici que j’écris mes chansons » Pour toute une génération, les initiales BB signifiaient Brigitte Bardot. Aujourd’hui, ce redoublement de lettres éveille dans les esprits une autre image, également séduisante, glamour et idéale : celle du chablaisien Bastian Baker ! Entre deux concerts et deux avions, le jeune chanteur de Villeneuve a déposé sa guitare pour répondre à la fameuse question empruntée à Oprah Winfrey : « Qu’est-ce qui est vraiment vrai pour vous ? » Photos : David Olkarny (couleur) / Claude Dussez (noir-blanc)

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Qu’est-ce qui est vrai pour vous… en matière de musique ?

A mon avis, tout est question de perception. La vérité de l’un n’est pas celle de l’autre. Moi qui suis auteur-compositeur-interprète qui arrange et produis ma musique, je ne peux être plus vrai. Je chante ce que j’ai entendu, vu ou vécu. Sur scène, je suis honnête, spontané. Dans le monde de la musique suisse, un réel changement s’est produit ces dernières années. Avant, ici, être un artiste signifiait ne pas être bon. Aujourd’hui, la qualité est au rendez-vous, d’où la nette volonté d’exporter nos talents. Et un respect accru de la part du public comme en font également l’expérience les groupes 77 Bombay Street et Pegasus. Une chose est sûre : faire de la musique, c’est prendre beaucoup de plaisir à mener une vie hors de toute routine – un sacré luxe et une grande joie. N’ayant jamais eu de grandes attentes de la part du show-biz, je n’en suis pas déçu. Et puis, le gratin, le business, on ne le fréquente que lors des Awards. Le reste du temps, il reste en arrière-plan. Bien sûr, participer à des émissions de TV m’a fait comprendre qu’entre ce que les émissions révélatrices de talents nous montrent et la réalité, il y a un gouffre. En tant que spectateur, on croit que tout n’est qu’impro, que les choses arrivent comme ça. L’envers du décor nous montre qu’un script régit l’émission, que tout est prévu et préparé sans laisser la moindre place au hasard. La course à l’audimat c’est du business, mais j’ai néanmoins beaucoup apprécié de faire partie de The Voice en Belgique. … en ce qui concerne la famille ?

Vous parlez à quelqu’un qui a beaucoup de chance. Même si « on ne choisit pas sa famille », comme le chante Maxime Leforestier, si c’était à refaire, je n’en changerai pas. Ma famille m’a

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offert plein d’amour que je peux restituer à mon tour. A mes yeux, le mot famille est synonyme de facilité, de possibilités. A la maison, les échanges relevaient du dialogue plutôt que de la confrontation. Il régnait un climat très sain. C’est peut-être pour ça que je n’ai jamais traversé de véritable crise d’adolescence. Entre mes parents, mes sœurs et moi, chacun s’efforce d’entendre le point de vue et l’opinion de l’autre. C’est sans doute cet état d’esprit qui a poussé mes parents à me soutenir aussi bien en tant que hockeyeur qu’en tant que chanteur. C’est quand même plus agréable de vivre comme ça que se pourrir mutuellement la vie, non ? … en tant que créateur en Suisse romande ?

Comme c’est un territoire minuscule, peuplé d’un million et demi d’habitants, très vite, tout le monde connaît tout le monde. Je trouve cela très sympa : cela favorise de nombreuses et chouettes interactions sur des projets. Par exemple, je viens de collaborer avec Pascal Auberson, le groupe Aliose et le rappeur Rootwords, ainsi qu’un producteur de rap hip-hop. Tous des gens très doués. A mon avis, le fait de pouvoir, en 30 minutes, passer du Léman à la montagne, cela aiguise la créativité. En tout cas, c’est ici, bien plus qu’ailleurs, que j’écris mes chansons. Peut-être parce que j’ai grandi au bord du lac dont je suis un inconditionnel. J’ai beau avoir voyagé aux quatre coins du globe, chacun de mes retours ici est un grand moment d’émotion. Et aucun des étrangers que j’accueille chez moi n’y coupe : je les conduis sur la Corniche. Ils pleurent. Ressentent la sérénité de l’endroit. Ce paysage fait de nous ce que nous sommes. Glaciers, villes, couchers de soleil – aussi beaux qu’à Miami ! – c’est très enviable. … en ce qui concerne l’avenir ?

L’avenir… vaste sujet ! Je sais que ce qui est grave aujourd’hui le sera moins demain et



encore moins après-demain. Cet état d’esprit me pousse à aller plus loin et à innover. En fait, j’ai un rapport particulier au temps : je prends conscience de tous les instants qui passent. Enfant, une journée me paraissait interminable. Maintenant, je jouis de chaque minute. En tant qu’ancien sportif, je suis très conscient qu’une simple mauvaise chute peut te faire passer dans l’autre monde… Avoir cela à l’esprit change tout. Côté professionnel, l’essor de ma carrière repose sur les efforts d’une petite structure basée à Pully. On a réussi en Suisse, en France et en Belgique. Mes concerts attirent du monde, ma musique passe à la radio – une vraie chance. 16 | InspirAction | TPC # 2

L’Allemagne m’ouvre ses portes, le Japon, ce pays bourré d’énergie, aussi ! Mais on ne sait jamais ce que la musique nous réserve. Dire « Je suis musicien » agit comme un « Sésame ouvre-toi ! », un mot-clé qui englobe mille possibilités, mais aussi son lot d’inconnues… Alors, des angoisses face à l’avenir, j’en ai eu et j’en aurai encore… Mais je tente de me détacher au maximum des bornes temporelles comme le Nouvel an ou le cap de la trentaine, ce qui perturbe tout le monde. A qui veut absolument être marié à 30 ans je dis : « OK, mais tu risques de divorcer à 37 ! Alors à quoi bon ? » Le temps me préoccupe, c’est pourquoi plusieurs de mes chansons en parlent : Tomorrow may


not be better et Too old to die young sont de vraies références à l’avenir. Qu’est-ce qui est vraiment vrai pour vous… dans ce coin de pays ?

J’ai beau être Chablaisien (je viens de Villeneuve), l’étiquette Chablais reste un peu vague pour moi. Bien sûr, je suis très lié à Monthey, ville où j’ai joué durant 8 ans au hockey sur glace. Et puis la route de Villeneuve à Monthey est celle sur terre que j’ai le plus parcourue dans ma vie. Une chose est sûre : le Chablais sait exploiter les espaces naturels qu’il possède. Je pense aux spectacles fous comme T.r.a.f.i.c, Akua et Silo 8 qui ont

enfiévré la carrière de Saint-Triphon, ou encore aux concerts rock en plein air qui avaient lieu à la Gouille où j’allais souvent en été, par exemple. Et puis il s’y déroule aussi de cools événements sportifs comme les championnats du monde de VTT à Champéry ou ceux de snowboard à Leysin. C’est positif. Cette région de plaine et de montagnes possède une quantité de lieux incroyables dont je ne me lasse jamais. Enfin, last but not least, Radio Chablais compte parmi les premières antennes à avoir diffusé mes chansons, alors, au final, le Chablais : oui, ça compte pour moi ! Pour en savoir plus : http://bastianbaker.com/ InspirAction | TPC # 2 |

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rENCoNTrE

« L’existence même de l’ASD est un “petit miracle” ! » Virginie Duquette, accompagnatrice en montagne et sur l’ASD en particulier

FEMME DYNAMIQUE ET ENTHOUSIASTE, l’accompagnatrice de montagne Virginie Duquette a fait découvrir l’ASD à près de 1000 touristes anglais. Au cours de randonnées enrichissantes, elle leur révèle mille aspects de la ligne, aussi fascinants qu’insoupçonnés… Tour d’horizon.



Pourquoi avoir proposé des randonnées pour les Anglais autour de l’ASD ? / Cette initiative revient

au précédent directeur de l’Office du tourisme des Diablerets. Un voyage en Angleterre lui avait démontré le vif intérêt que les Anglais éprouvent toujours pour le train et la montagne. Il s’est dit : « Puisqu’ils visitent souvent les Alpes suisses, faisons-les venir chez nous ! » Des offres alléchantes, des paysages préservés et la promesse de monter dans un train pas comme les autres ont suffi à les séduire. Que représentent à leurs yeux un parcours en train et la visite de la vallée des Ormonts ? / Nombre

d’entre eux remontent aux Diablerets en train après plus d’un demi-siècle d’absence. Ils renouent ainsi avec une partie de leur enfance ! Constater que le village a bien évolué, a conservé son cachet d’antan leur fait chaud au cœur. L’imposant massif des Diablerets impressionne quiconque, même les gens d’ici. Mais face à cela, les Anglais ressentent quelque chose d’encore plus fort ! Peut-être un mélange, inconscient, de la fascination que la montagne et le train ont exercé sur leurs ancêtres, inventeurs du tourisme et du chemin de fer ! Après tout, le flegme

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britannique masque le fait que, dans chaque Anglais, réside un farouche aventurier ! Que leur inspire le parcours sinueux, tortueux et impressionnant que leur réserve l’ASD ? / Très fran-

chement dit, je ne sais trop ! La plupart sont peu loquaces, quand bien même ils tirent du parcours un plaisir manifeste de tous les instants. Ceux qui s’expriment évoquent le contraste que notre région présente par rapport aux reliefs de leur île. En revanche, je pourrais dire, les yeux fermés, si leur groupe est monté aux Diablerets en train, en voiture ou en car. L’état dans lequel se trouvent les futurs randonneurs est tout autre selon le mode de transport utilisé. De toute évidence, le train délasse, dissipe la fatigue ; alors que la route stresse et « électrise » le voyageur. Ainsi, le voyage Aigle-Les Diablerets a un effet déterminant sur la qualité de la randonnée qui suit. Il conditionne positivement, prépare à la découverte ! Un réel bienfait ! Alors, justement, que leur faites-vous découvrir dans la région ? / Outre le village des Diablerets

proprement dit, j’aime emmener des groupes dans des lieux retirés, sauvages et riches en


Virginie duquette compte sans doute parmi les plus Chablaisiennes des Genevoises. après avoir grandi dans la cité de Calvin, et étudié les sciences naturelles à Genève, à Neuchâtel et à Saint-Jean, elle s’est installée à Panex avec son mari québécois et ses trois enfants. En plus de son activité de maman, Virginie conçoit des illustrations de livres. Comme accompagnatrice en montagne, elle ne se consacre pas qu’aux anglais et aux aînés ! Son

surprises. Plambuit, par exemple ! Lorsque nous descendons à cette halte située au milieu de nulle part, les voyageurs qui restent à bord se demandent : « Mais qu’est-ce qui peut bien les inciter à s’arrêter là ? » Et pourtant : nous sommes au point de départ du délicieux sentier du sel. De là, nous franchissons plusieurs corridors d’animaux. Avec un peu de chance, nous croiserons chevreuils, chamois, renards et autres bêtes sauvages… Enfin, en matière de dépaysement, nos hôtes sont gâtés : le versant gauche de la Grande-Eau est si peu construit, ses forêts si belles, que nos visiteurs succombent au charme fou du lieu ! Un accompagnateur de montagne aide à « randonner malin ». Que tentez-vous de faire découvrir à vos clients ? / D’abord la nature, les animaux, les

traces et les merveilles que l’on rencontre sur le terrain, bien sûr. Mais aussi, toutes sortes d’anecdotes propres à l’histoire de l’ASD qui n’en manque pas !

organisation rando-découverte propose à des groupes de jeunes de revivre le parcours d’un enfant il y a plus de cent ans. « L’exemple de l’aSd permet de montrer à quel point le train, arrivé tard dans les ormonts, s’est révélé précieux. Grâce à lui, distribution du courrier postal, livraisons de marchandises, afflux de touristes s’en sont trouvés facilités. Les enfants réalisent alors que ce train à bord duquel il leur paraît normal de monter, a une valeur particulière et mérite d’être respecté. » Pour plus d’information sur cette randonnée et bien d’autres : www.rando-decouverte.ch

Quelles péripéties vécues par cette ligne fascinent donc un touriste ? / Les mêmes choses que moi

et que toute personne un tant soit peu capable de s’enflammer ! Ainsi, le fait que sans l’aide d’une société allemande, la ligne n’aurait pu se construire ! Difficile aujourd’hui d’imaginer qu’une grande entreprise d’Allemagne ait accepté d’investir dans cette petite ligne régionale, qui s’enfonce dans une vallée peu connue. Tel fut pourtant le cas, à condition qu’elle puisse électrifier les premiers véhicules de l’ASD ! Ensuite, les grands projets d’extension que caressèrent, d’emblée, les initiateurs de la compagnie. Ceux-ci entendaient aller jusqu’à Saanen, par le col du Pillon, ou monter jusqu’au sommet du glacier des Diablerets en passant par Villars ! Mais la Première Guerre mondiale a mis fin à ces rêves… D’autres anecdotes liées à l’ASD ont-elles le don d’intéresser les voyageurs ? / Le fait que les mille

et un virages du parcours ont une origine avant

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tout… économique ! En effet, le bureau d’ingénieur responsable de la conception de la ligne était payé au mètre de voie posé… D’où prohibition de la ligne droite ! Avant le début du chantier, Berne avait d’ailleurs donné l’ordre de « lisser » ces virages indus… Mais les experts fédéraux, au moment d’autoriser la mise en service de la ligne, ont dû noter que rien n’avait été fait… C’était trop tard ! D’autres virages n’auraient pas dû voir le jour : je pense aux fameuses courbes Sans-souci, audessus du château d’Aigle. Les vignerons propriétaires refusaient que la voie partage leurs parcelles. D’où le projet de passer par Ollon puis de revenir sur la rive gauche de la Grande-Eau en dessus des vignes pour rallier Les Diablerets. Cette option a été abandonnée et c’est tant mieux car la voie qui serpente parmi les ceps offre une vision digne d’une carte postale ! Qu’aimeriez-vous que les gens réalisent, à l’heure des 100 ans de ce chemin de fer ? / Souvenons-nous

que l’existence même de l’ASD est un « petit miracle ». Deux guerres mondiales l’ont presque

ruiné. Un incendie a détruit la majeure partie de son matériel roulant. La politique fédérale du transfert du rail à la route a failli avoir raison de lui. Les communes concernées ont voulu cesser d’assumer une partie de son déficit. Il a surmonté près de quarante ans de menace et de manque d’entretien… Cela fait beaucoup ! Si l’essence avait été moins chère en 1940 lors de l’incendie du dépôt d’Aigle, le bus aurait purement et simplement remplacé le train. Seul le manque de finances de la compagnie a favorisé le maintien du rail. Mais il était alors exclu de renouveler le matériel roulant détruit par le feu. La direction de l’ASD a donc opté pour une solution qui nécessitait courage, persévérance et conviction : fouiller dans les décombres et les cendres pour dégotter les restes des voitures calcinées afin d’en reconstruire à partir de cela ! A elle seule, cette page d’histoire témoigne de l’incroyable élan vital de cette ligne ! Autant de raisons, à mes yeux, de souhaiter faire découvrir, loin à la ronde, toute la richesse historique de ce chemin de fer et la région somptueuse qu’il traverse.

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Patricia Studer Garden Center (1er étage) Saint-Triphon 024 499 26 72 boutique.calice @hotmail.com


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Avenches Tattoo Samedi 6 septembre 2014

Trajet en autocar et billet: Trajet CHF 115.— en autocar (secteur et billet: F) CHF 115.— 125.—(secteur (secteurF)E) CHF 125.— (secteur E)

Grand prix de formule 1 dimanche 7 septembre 2014 Monza (Italie) CHF 340.— (trajet en autocar depuis la Suisse + billet d’entrée en tribune E)

Stromae mercredi 5 novembre 2014 Arena Genève CHF 100.— (trajet en autocar + concert)

Départs de : Sierre, Sion, Martigny, Monthey, Bex, Aigle, Villeneuve, Montreux

Réservation et inscription : Gare de Bex 024 468 03 22


Ci-dessus : réunion au sommet de bouquetins, l’animal fétiche de Claude Mottier. « Pour photographier des chamois, il faut se rendre discret au possible, voire invisible. avec les bouquetins, c’est l’inverse : signaler notre présence s’impose », expliquait le photographe du Sépey. Ci-contre : Magistrale démonstration de saut offerte à Claude par un bouquetin conscient de la présence du photographe. 24

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PorTfoLio PorTfoLio Claude Mottier, cueilleur d’images naturaliste

Un Chablais nommé désir « IL N’AIMAIT PAS LA NATURE ET LES ANIMAUx, IL ADORAIT çA ! grimper, attendre des heures pour réaliser la photo qu’il avait en tête, c’était sa vie. » Ainsi témoigne Mady Krauter, sœur du regretté Claude Mottier (1957-2013), photographe naturaliste chablaisien bien connu. Un an après sa trop précoce disparition, elle a accepté d’ouvrir le coffre au trésor de son frère afin que les lecteurs d’InspirAction puissent avoir un aperçu de ce qu’il recèle. Pèlerinage visuel – et silencieux comme l’exigent de telles prises de vues –, sur les traces du très, très patient Claude Mottier.

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Ci-dessus : Cerfs saisis dans leur intimité dont Claude avait peut-être troublé la quiétude si l’on en croit le qui-vive perceptible sur l’image. 26 | InspirAction | TPC # 2

Depuis 1986, Claude Mottier, photographe autodidacte du Sépey, a arpenté la vallée des Ormonts en quête de rencontres animalières fugaces et de paysages flamboyants. Sa moisson (plus de quinze mille images) contient des centaines de moments de grâce. On soupçonne la joie que Claude a pu éprouver lors de ses rencontres avec une hermine en plein guet, un


bouquetin en rut, un tétras-lyre se livrant à sa parade amoureuse, un aigle royal dévorant une proie ou encore un lièvre variable au gîte… Il regrettait qu’oiseaux et mammifères locaux aient moins la cote qu’avant. « Maintenant, ce sont l’Afrique et l’Amérique qui suscitent l’intérêt », confiait Claude Mottier à 24 Heures en juin 2005. Mais en amoureux de nos montagnes, il n’a

jamais voulu conquérir ces espaces exotiques. A ses yeux, sa terre natale réservait encore de beaux clichés, même s’il expliquait à la journaliste que ce territoire était fort fréquenté : « Il y a du monde partout. C’est difficile de trouver des endroits calmes. Ces coins-là, je les garde pour moi. » (Suite p. 30.) InspirAction | TPC # 2 |

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En haut : deux tétras-lyres rivalisent de prouesses pour séduire une femelle potentielle…

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Ci-dessus, de gauche à droite : hermine, pic épeiche, marmotte.


Ci-dessus : tétras-lyre femelle, lièvre variable et le très rare lagopède alpin, autant d’animaux dont Claude Mottier était familier.

Page suivante : deux lumières d’exception : le type même d’images pour lesquelles Claude Mottier ne cessait d’arpenter les sommets du Chablais vaudois…

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Devenu photographe naturaliste professionnel, cet ancien électronicien, célibataire et sans enfant, s’accommodait bien de la solitude qu’exige la capture – pacifique et respectueuse – de ses amis les animaux. Pareil pour les paysages dont il attendait que des lumières exceptionnelles façonnent des vues incomparables : « Comme un pêcheur ou un chasseur, Claude savait prendre son temps », précise Mady. « Et même lorsqu’il rentrait bredouille après une journée aux aguets, il disait : “Je suis heureux

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d’avoir pu passer quelques heures au milieu des bruits, des cris et des chants de la forêt.” » Ses exceptionnelles photos d’ours et de loups rapportées de ses pèlerinages en Italie, dans les Abruzzes, témoignent de sa patience. « On n’a pas le temps de se laisser impressionner. Il faut faire l’image vite, sans se poser de question » confiait-il à Terre & Nature. Nous, à l’inverse, nous pouvons nous imprégner de ses images, les regarder longtemps et nous interroger. Merci Claude.

Ci-dessus : Les dents du Midi, depuis Val-d’illiez, tôt le matin, en allant au travail. « La photo de paysage exige une attention constante et un matériel toujours prêt. résultat : une belle image cueillie en allant au travail ! »



iL EST PaSSÉ Par iCi… Un minutieux portraitiste du Chablais

François Isabel : braconnier ès sciences AU MOYEN-ÂgE, un riche seigneur pouvait se faire confectionner un livre d’heures, somptueux recueil de prières, illustré d’enluminures raffinées, objet unique d’une valeur inestimable. A sa manière, un simple instituteur de Villars-sur-Ollon se constitua, au xIxe siècle, un ouvrage tout aussi exceptionnel et sans prix… Brève introduction à l’œuvre fascinante de François Isabel, bénédictin laïc…

L’encyclopédiste solitaire / «Qui oserait prétendre que ces notes n’auront pas leur valeur dans quelque cinquante ans ? », écrivait François Isabel en 1890. Allusion directe à ses 153 carnets, forts de 200 pages chacun, aux feuillets truffés de renseignements divers portants sur le Chablais. François Isabel disait s’intéresser à tout. Ses dessins joliment coloriés et enrichis d’une calligraphie soignée en témoignent. Détails de mille et un sujets : le temps qu’il fait, les bâtisses

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ancestrales d’Ollon, de Gryon, de Bex et de Versl’Eglise, par exemple, l’histoire des familles de la région, les armoiries et les motifs architecturaux qui ornent nos chalets… Autant d’éléments qui forment, comme le disait Olivier Grivat dans son article Les merveilleux carnets de François Isabel paru dans 24 Heures le 23 mai 1995, « une mémoire locale couchée sur papier ». Le journaliste poursuivait : « Sous une couverture austère

de cahier d’écolier du début du XXe siècle, ces carnets forment une véritable encyclopédie manuscrite, constituée au jour le jour par ce natif des Ormonts, décédé dans l’anonymat en 1935, à l’âge de 77 ans, et doté d’une curiosité insatiable : “Aucune lecture ne me laisse indifférent”, avoue cet homme modeste dans un essai autobiographique. » Modeste, en effet, Isabel se moque bien des honneurs. En dehors de sa fonction, l’instituteur se mue en un avide collecteur de données par soif intellectuelle. Un simple objectif le fait

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arpenter le Chablais en tous sens pour en recueillir les éléments saillants : quitter ce monde en emportant la conviction d’avoir « mené le bon combat […], travaillé pour le peuple. » Un érudit comme on n’en fait plus / François Isabel,

rougirait devant les commentaires élogieux que suscite aujourd’hui son travail de fourmi. En effet, l’ancien archiviste d’Aigle Henri-Louis


Guignard (qui collecte depuis plus de trente ans tout ce qu’a produit François Isabel) ne tarit pas d’éloges face au legs du scribe impénitent : « Il n’y a pas de superlatif assez fort pour qualifier son œuvre. C’est un auteur précis, fiable et factuel. De son vivant, il a correspondu avec l’écrivain vaudois Juste Olivier et l’historien Eugène Mottaz. Avec ce dernier il a collaboré au Dictionnaire historique du canton de Vaud. Le

françois isabel (1859-1936) voit le jour au pied du Pic Chaussy. au bénéfice d’un brevet de l’Ecole normale, il devient instituteur à Villars-sur-ollon où il accomplit toute sa carrière. En plus de son activité de régent (qui lui vaut jusqu’à 72 élèves dans sa classe, ce dont il ne se plaindra jamais !), le citoyen isabel collabore à nombre de cercles intellectuels (membre fondateur de la Société d’histoire et d’archéologie vaudoise, juré cantonal, correspondant de la commission vaudoise des monuments historiques, parmi bien d’autres fonctions). Par ailleurs, il s’attelle au classement de plusieurs fonds d’archives communales. Mais il se distingue surtout par son étude historique, archéologique, minéralogique, climatique botanique, humaine et culturelle du district d’aigle, en particulier des ormonts et du territoire d’ollon. Sa plus exceptionnelle contribution demeure les milliers de dessins, croquis et notes qu’il fit de maisons anciennes, de motifs artistiques, d’armoiries, de panoramas, d’objets et d’épigraphes qu’il consigna au cours de ses pérégrinations infinies dans la région.

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projet d’Isabel, personnage hors-norme, a sauvé de l’oubli une somme gigantesque d’informations. » De sa belle écriture – mais si fine qu’elle exige du lecteur d’excellents yeux… –, François Isabel a fixé des éléments que le temps aurait effacés. Et ses dessins explicitent milles significations sans cela obscures à notre entendement contemporain : ornements de chalets, gravures

« L’œuvre de mon arrière-grand-père m’inspire un double rêve », explique Jean-Marc Isabel, employé des TPC en tant que chauffeur CarPostal. « Tout d’abord : retrouver ses cahiers disparus pour que l’on dispose de l’entier de son travail titanesque. Ensuite, publier une monographie afin de rendre enfin disponible sa “patiente cueillette”… »

sur pierre et autres indications architecturales typiques. « Rendez-vous compte, s’enthousiasme HenriLouis Guignard, que dactylographiés, les carnets d’Isabel totaliseraient 60 000 pages… Bien plus que l’œuvre d’une vie, il s’agit là d’une contribution déterminante à l’histoire régionale de notre canton et à l’enrichissement de la mémoire collective ! »

Depuis 1999, Jean-Marc s’est démené pour réunir, aux archives communales d’Ollon, ce précieux legs jusqu’alors éparpillé. Durant cette opération, il a découvert le livre de dictées de son aïeul, « truffé de fleurs séchées », un recueil de textes « exempts de la moindre faute, calligraphiés avec le soin d’un autre temps », et des lots de photos. « Au dos de celles-ci, il avait redessiné les silhouettes des personnages pour y inscrire le nom de chacun afin que la postérité en garde la trace… On est archiviste jusqu’au bout des ongles ou on ne l’est pas ! », s’amuse Jean-Marc. Insatiable, François Isabel se décrivait ainsi : « Devenu essentiellement observateur, préoccupé de m’instruire toujours plus, d’amasser des connaissances, de noter tout ce qui me frappe au jour le jour ». Son bon sens l’amenait à résumer son action : « Mot à mot, on fait de gros livres. » Reste à publier un tel ouvrage afin de rendre hommage aux fascinants carnets de François Isabel.

Le cueilleur de données / Loin d’imaginer l’impact de son apport, François Isabel résumait ainsi sa « manie » : « J’écris silencieusement, sans savoir jamais si je publierai quelque chose […] en attendant, je me perfectionne, je compulse, je compile, j’entasse des matériaux qui pourront avoir un jour leur utilité ; braconnier ès sciences, je continue les curieuses recherches et les amusantes investigations, persuadé que le génie est une lente et continuelle attention. »

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Dernières nouvelles de l’Association du Chablais Relier les Chablaisiens : telle est la mission des Transports Publics du Chablais, telle est la vocation de l’Association du Chablais. C’est ainsi tout naturellement que le magazine des uns s’est imposé comme le vecteur de communication de l’autre. Rendez-vous est dorénavant pris chaque printemps pour vous faire partager, dans InspirAction, la vie et les activités de l’Association du Chablais !

Texte : Christian Schüle. Photos : Mapuls / Looping Création Monthey / Gérard Berthoud.

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Une identité à ressusciter

S’associer pour mieux exister L’Association du Chablais est créée à Vouvry en 1971. Chablaisiens vaudois et valaisans de tous milieux se réunissent à l’initiative d’élus politiques désireux de rassembler les forces chablaisiennes. Le but est alors énoncé par Bernard Dupont, président de Vouvry : « chercher en commun des solutions à des problèmes communs ». Le syndic d’Aigle de l’époque, Charles Reitzel, est élu président de l’Association, pilotée par un comité de 19 membres. La planification routière constitue l’un des dossiers prioritaires, aux côtés de l’aménagement du territoire, de l’harmonisation des services hospitaliers, de la défense des chemins de fer régionaux ou de la protection de l’environnement.

Actualités

Après des siècles de ménage commun sous la bannière de la Maison de Savoie, les Chablaisiens sont progressivement séparés dès 1475. Les uns deviennent Bernois puis Vaudois, les autres Valaisans. Les uns deviennent protestants, les autres demeurent catholiques. Alors que le Rhône acquiert le statut de frontière politique et confessionnelle, le dénominateur commun chablaisien s’efface et seul l’actuel Chablais français conserve son appellation. La création de l’Association du Chablais est l’expression d’une volonté de resserrer les liens distendus par l’histoire et de faire renaître une identité chablaisienne partagée.

Une voix pour le Chablais Le défi que se lance en 1982 l’Association du Chablais est à la hauteur de ses ambitions : donner une voix à la région en la dotant d’une radio. Deux ans plus tard, au terme d’un engagement exemplaire pour obtenir une concession et convaincre les communes de participer au financement du nouveau média, Radio Chablais se fait entendre dans les transistors chablaisiens. Claude Défago préside à ses destinées. De part et d’autre du Rhône, l’information et l’émotion sont partagées, Valaisans et Vaudois se parlent et s’écoutent. Depuis 30 ans, Radio Chablais joue un rôle essentiel d’intégration régionale et constitue un pivot de l’identité chablaisienne.

23 avril-28 mai 28e édition du Tour du Chablais

4 juin Visite du Musée des barques et traditions du Léman à SaintGingolphe + balade lacustre à bord de la cochère L’aurore

20 mai Assemblée générale

18 octobre Journée des citoyens, organisée

dans le cadre du 100e anniversaire du chemin de fer Aigle – Sépey – Diablerets (ASD) Renseignements et inscriptions www.association-chablais.ch ou 024 47 33 111


Tous ensemble pour le Chablais Culture, bien-être et loisirs sont les domaines dans lesquels l’Association du Chablais s’engage de nos jours pour rapprocher les populations et contribuer au développement harmonieux des Chablais vaudois, valaisan et savoyard. Elle collabore avec les 28 communes de la région et Chablais Région. Outre la traditionnelle Journée des citoyens, à laquelle sont conviés tous les membres de l’Association, cette dernière organise le Tour du Chablais, course pédestre en 6 étapes dont la 28e édition se déroulera du 23 avril au 28 mai 2014.

Le Tour du Chablais Le Tour du Chablais est un événement organisé par l’Association du Chablais, grâce à l’engagement d’un comité aussi motivé que compétent, et en partenariat avec les sociétés locales. Les 6 étapes de la 28e édition du Tour se dérouleront du 23 avril au 28 mai 2014. Une fois n’est pas coutume, Martigny accueillera la première étape. Ce sera l’occasion de découvrir, en avantpremière, Prim’vert, le salon

des tendances printanières. Après cette mise en jambes, retour en terres chablaisiennes ! De Bex à Collombey-Muraz, en passant par Villeneuve, Champéry et Leysin, il y en aura pour tous les goûts. Au programme : plaine, lac et montagne. Radio Chablais, partenaire média de la première heure, sera comme toujours sur la ligne de départ avec des émissions en

direct, des interviews et des reportages.

Nouveautés 2014

– Six entraînements pour les écoliers sous la houlette d’un coach professionnel, avec le soutien du Kiwanis Club Monthey-Chablais – Partenariat mobilité avec les Transports Publics du Chablais (1 carte journalière offerte à chaque personne inscrite pour les 6 étapes)

172,85 mm

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rENCoNTrE


Les TPC et Chablais Gourmands présentent

Les déjeuners

En plus de l’enchantement du parcours BexVillars, dégustez les produits des meilleurs artisans locaux : • plateau de viandes froides et assortiment de fromages • pain artisanal • pomme du verger • tartelette au citron • 1 bouteille de Gamettino (25 cl) • 1 bouteille d’eau CHF 37.– par personne (repas + train aller-retour)

Offre valable dès 20 personnes. Produit uniquement disponible dans la voiture salon de la ligne Bex–Villars-Bretaye et sur réservation (délai minimum : 5 jours ouvrables). Valable au printemps, en été et en automne. Aucune réduction (AG, Free Access) accordée. Renseignements et réservations : info@tpc.ch – 024 468 03 30

© Roland Clerc (Dents du Midi) – www.faune-valais.ch

ferroviaires


BaLadE… dU CÔTÉ dE BaLadE… dU CÔTÉ dE SaiNT-MaUriCE SaiNT-MaUriCE

Depuis 150 ans, les fées nous accueillent à Saint-Maurice !

Depuis 150 ans, les fées nous accueillent à Saint-Maurice !

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éLéMENTS INDISPENSABLES pour avoir – qui sait ? – le privilège de rencontrer une fée ? Cinq cents mètres de marche dans les entrailles de la terre. Un parcours imprévisible, tout en sinuosités. Une galerie à peine plus large que les épaules, de préférence creusée par l’eau à la fin de la dernière ère glaciaire…

Ces points réunis, le visiteur doit encore pouvoir évoluer à son rythme et à température constante de 10 °C. Et, lorsqu’émerveillé, il se croit arrivé à destination, l’inviter à poursuivre jusqu’à ce que la surprise finale se révèle à lui dans toute sa splendeur : une vaste crypte dotée d’un lac et d’une cascade de 70 mètres de haut ! Avec, certains l’affirment, des êtres minuscules et quelque peu translucides qui vous chuchotent des mots doux à l’oreille. Comme dans un film de Walt Disney… Tels sont, en tout cas, les atouts de la Grotte aux fées de Saint-Maurice. L’effort en vaut la peine – si effort il y a – car quelques stalactites vous attendent, bien sûr, mais surtout un spectacle contrasté, laissant libre cours aux caprices de votre imagination… Le mérite de l’ouverture du lieu au public, en 1864, revient au chanoine agaunois Maurice-Eugène Gard. Initiative prisée. Et c’est tant mieux car les

revenus du site – géré alors grâce aux bons soins de la congrégation des Sœurs de Saint-Maurice – financent en partie l’orphelinat fondé quelques années auparavant. Succès immédiat. Et pour cause, il s’agit d’une des premières attractions touristiques chablaisiennes ! En ce temps-là, les dames raffolent de la très romantique escapade en barque. L’esquif dérive volontiers près de la puissante chute d’eau, laquelle éclabousse chapeaux et belles robes… Et les messieurs apprécient le traditionnel verre de malvoisie du Prieuré de Vétroz proposé après formulation d’un vœu auprès de la fontaine des fées… Aujourd’hui encore, après 150 ans, la Grotte aux fées conserve sa magie, son mystère et son charme. A vivre ou revivre… Contact : 076 345 10 45 www.grotteauxfees.ch / grotteauxfees@bluemail.ch

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Un train recouvert de dessins d’animaux, ça n’existe pas, aurait pu dire le poète Robert Desnos ! / Pour

moi si ! Une évidence, même ! Car dessiner des animaux est mon grand plaisir ! D’ailleurs, chacun de mes 80 albums en contient. On peut donc dire que je suis davantage un dessinateur animalier qu’un dessinateur « normal ! » Un plaisir, malgré les contraintes techniques… / Il est vrai qu’un train impose un format étrange : une longue bande de faible hauteur… Et ses nombreuses fenêtres n’ont pas grand rapport avec une planche de BD… Quoi que : elles sont un peu comme les bulles que l’on doit laisser vierges pour y placer du texte ! Le challenge consistait à éviter les répétitions et que les motifs se

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CENT BoUGiES PoUr L’aSd

Derib et ses crayons offrent une nouvelle jeunesse à un train ! ON NE PRéSENTE PLUS DERIB, dessinateur de Yakari et papa de Buddy Longway, de Jo, Sandra et de tant d’autres héros de papier, sortis de son crayon ! En revanche, un Derib père d’une livrée ferroviaire (la décoration extérieure d’un train), voilà du jamais vu ! C’est pourtant ce qu’il a accepté de faire pour l’ASD, afin de donner un sérieux coup de jeune à la voiture-salon Chez Rose…

court-circuitent l’un l’autre… Mais je pense y être arrivé ! Qu’aimeriez-vous que les gens éprouvent face à ce train hors du commun ? / Si la première impres-

sion générale les incite à s’approcher, à longer la rame pour observer les détails du motif, je suis content ! D’autant plus qu’en prenant la peine de bien regarder, ils verront une grenouille, des papillons, des guêpes, des abeilles, un escargot et un diablotin à moitié caché ! Et s’ils s’attardent un petit peu sur ce visuel de 40 mètres, comme ils le feraient avec une BD, ils verront divers clins d’œil : le corbeau près du renard, le lynx et la grenouille qui observent une truite frétillant dans l’eau…

Votre vœu pour la nouvelle vie de Chez Rose ? / Que les voyageurs apprécient le décor unique de ce véhicule très particulier ! Et puis – on peut rêver ! – que tous les animaux du lieu s’amusent à se regarder passer, dessinés sur un train ! Les TPC vous donnent rendez-vous avec Derib !

Chez Rose sera dévoilée le 5 juillet 2014 au dépôt de l’aSd (arrêt situé en dessous du Parc aventure) à aigle. dès 14 heures, derib dédicacera des albums (en vente sur place) de Yakari ainsi que Tu seras reine, consacré aux vaches d’hérens. après cette date, vous pourrez louer Chez Rose pour des sorties de groupes ou de famille (jusqu’à 50 personnes). renseignements sur www.tpc.ch.

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CENT BoUGiES PoUr L’aSd

Des cabanes dans un train ? De l’ASD craché ! PATRICIA ET FRéDéRIC Studer, de la boutique Calice, à Saint-Triphon, ont concocté dans la rame Chez Rose ce que Derib a fait à l’extérieur : une révolution – mais pacifique et féerique, rassurez-vous !

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Chez Rose hébergera des « cabanes »

et une maison de gnomes, la créa-

ainsi qu’un atelier, une salle de bain

tion de Patricia Studer enchantera

et une cuisine fantaisistes. A mi-che-

petits et grands. Visible et disponible

min entre l’univers de Fifi Brindacier

pour groupes dès le 5 juillet 2014 !

Patricia Studer, qu’est-ce qui vous a séduit dans l’idée de revisiter la décoration d’un train… / Le

défi ! Réaliser des décors temporaires, immobiles et que l’on ne fait que regarder est une chose. En concevoir qui doivent durer, rouler et accueillir des voyageurs en est une autre… Sans parler des contraintes sécuritaires dictées par l’Office fédéral des transports – un vrai cassetête pour un créatif ! D’habitude, les décors que j’imagine vivent et, par conséquent, voyagent dans ma tête. Chez Rose concrétise ce mouvement dans le monde réel puisque ce décor s’apprête à prendre la route. Et cela fait toute la différence !

Dans ce projet, pas question de prévisualiser le tout dans ses moindres détails. Chacune de mes intentions créatives doit passer au crible des règlements fédéraux. J’ai donc avancé pas à pas en m’en tenant au concept initial, à savoir créer six cabanes dans la rame. Cela s’imposait pour casser le côté « couloir » d’une voiture de chemin de fer. Sinon, le voyageur n’aurait pas eu de surprise, la magie n’aurait pas opéré. Par chance, les experts de Berne ont validé cette option. Les serruriers des TPC ont alors réalisé des châssis, squelettes métalliques que Frédéric et moi avons habillés de « chair » : plâtre, bois, pierre et autres matériaux.

Je les ai surmontées en me limitant à une idée générale plutôt que détaillée et en avançant au jour le jour !

A quoi va ressembler l’intérieur de Chez Rose ? / Ne pourrait-on pas conserver l ’attrait de la nouveauté ? Dans l’idéal, je souhaiterais que les

Et les contraintes techniques ? /

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Patricia Studer : une créatrice sans limite Née à Lima, capitale du Pérou, cette Ses deux filles, Camille et Maureen haut-Valaisanne a découvert la grandissent. Patricia décide alors de Suisse à l’âge de neuf ans. voler de ses propres ailes. « Surtout après une scolarité passée à après un cancer, on veut jouir de Villeneuve, Patricia suit une forma- chaque instant, faire ce qui compte tion d’horticultrice. Puis elle s’initie à le plus pour nous. » Naît alors la boul’art floral qui reste son domaine de tique Calice (du nom de l’ensemble prédilection. des sépales verts qui entourent durant vingt ans, elle est respon- les pétales d’une fleur), installée sable de la décoration du Garden d’abord à ollon et maintenant à Centre Brönnimann, à Noville. Là, Saint-Triphon. elle conçoit les exceptionnels décors Ses créations florales si particulières de Noël qui ont contribué à la réputa- voient affluer des gens de très loin. tion de cette maison. Normal : Patricia y marie végétaux

visiteurs ne s’attendent à rien et tombent – si tout va bien ! – au moment de la découverte sous le charme de cette refonte complète !

TROIS QUESTIONS À FRÉDÉRIC STUDER Bûcheron-paysagiste indépendant, frédéric collabore depuis vingt ans aux créations de Patricia, sa très créative épouse… Vous semblez agir de façon complémentaire l’un et l’autre… / La déco, c’est Patricia. il faut une forme d’esprit particulière pour avoir des idées aussi insolites ! quand elle me les explique, j’entre en scène avec des solutions pratiques, des systèmes de fixations, ma connaissance du bois et mon savoir-faire. Quelle fierté tirez-vous de Chez Rose ? / C’était un ambitieux projet qui devait pouvoir rouler et accueillir les voyageurs en toute sécurité : vaste programme. alors avoir respecté les contraintes tout en restant créatifs était un défi. Comment résumeriez-vous Chez Rose ? / Vous allez entrer dans un train fou, fou, fou ! Et vous allez en sortir en disant : « Je n’avais jamais vu ça ! »

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et matériaux de toutes sortes. « Pour moi, béton, dentelle et hortensias font très bon ménage ! », explique la créatrice. « J’aime aller au-delà de la seule fleur afin de la doter d’un écrin de tissu ou de laine. Créer un équilibre, une atmosphère, voilà ce que je cherche. » Souvent, les clients de Patricia expriment contraintes et attentes puis la laissent libre. « La plupart sont surpris et ravis du résultat ! » comme les TPC, par exemple, dans le cas de la rame Chez Rose !

Le bleu ciel des structures existantes figurait parmi les éléments immuables. Alors, plutôt que de protester, j’ai décidé d’en faire un atout. Cette couleur froide pouvant signifier l’hiver, j’ai brodé sur les quatre saisons… Une intention simple m’a guidée : tenter de faire oublier que l’on monte à bord d’un train, pour entrer dans un monde sans précédent. Des niches, des sièges disposés de manière inhabituelle, des chicanes et un côté « labyrinthe » devraient y contribuer. Et puis les couleurs et les ambiances différenciées vont accentuer l’aspect unique et jamais vu de Chez Rose, façon 2014 ! Dites-en tout de même quelques mots… /

Qu’aimeriez-vous que les voyageurs disent en quittant Chez Rose ? / L’important est qu’ils

disent quelque chose, quoi que… Finalement, les mots ne comptent pas tellement pour moi. Ce qui m’importe est la réaction que suscitent mes décors. Si les yeux pétillent, si un sourire malicieux se dessine sur un visage, je suis ravie. Et s’ils restent béats tant leur émotion ou leur surprise est grande, je suis comblée. Mieux : s’ils déclarent avoir vécu un moment hors du temps, j’ai vraiment atteint mon objectif.


CENT BoUGiES PoUr L’aSd

L’ASD entre au musée

Cent ans à la conquête de la montagne L’HISTORIENNE MARY-CLAUDE BUSSET dirige le Musée des Ormonts situé à Vers-l’Eglise. Avec son équipe, elle élabore une grande exposition consacrée à l’ASD « pour montrer la somme de prouesses que renferme ce siècle d’existence… »

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Mary-Claude Busset, que vous a enseigné le montage d’une telle exposition ? / Même si je vis aux

Ormonts depuis des années, me pencher sur cette histoire m’a ouvert les yeux et m’a fait porter un regard neuf sur cette ligne incroyable… Concrètement… / On ne réalise plus de nos jours, combien concevoir, financer et créer un (Suite page 54.)

Avant-goût de l’exposition Cent ans à la conquête de la montagne

Touche nostalgie offerte par la reconstitution d’un ancien guichet de gare et d’un hall orné de matériel historique…

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S’asseoir dans la voiture d’époque pour visionner un film ou écouter un audio guide sur différents thèmes oubliés…


S’installer au bureau de l’ingénieur, chargé de ses outils de précision, de ses plans, comme celui du concepteur de l’aSd.

Monter à bord et pénétrer dans le tunnel pour y visionner des sections du tracé, assis à la place du conducteur…

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Sous la direction de Jérôme Schaer, deux très talentueux décorateurs conçoivent l’exposition que le Musée des Ormonts consacre à l’ASD : Maya Veuve, de La Forclaz, et le Veveysan Julien Barrelet (photo). Occupés à démonter un wagon dont ils comptent utiliser des éléments, ils ont lâché visseuse et clé de 12 pour partager leur vision de l’entrée de l’ASD au musée…

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Une première pour vous qu’une telle exposition ? Maya Veuve : Plutôt, oui ! on est très éloigné des vitrines et des marchés de Noël que je conçois pour Schilliger ! rien à voir non plus avec mes mandats habituels, lors d’événements ou de soirées… Célébrer cent ans d’une compagnie, ses aspects techniques, humains et ses multiples facettes, c’est quelque chose ! Julien Barrelet : Pareil pour moi ! Mon

domaine familier est l’opéra (Lausanne et Genève) ou encore l’horlogerie de luxe (quoi que j’aie aussi réalisé les animaux du Jardin d’orphée lors de la dernière fête des Vignerons, autre expérience atypique) !

Comment vivez-vous ce montage d’exposition sur l’ASD ? M. V. : Les habitants expriment leur attachement à l’aSd. Les passionnés évoquent des éléments mécaniques dont on n’a aucune idée… alors on s’ingénie à monter une présentation cohérente, susceptible de combler les amateurs exigeants et les familles néophytes. J. B. : Très vite, j’ai réalisé qu’il s’agissait d’un univers bien particulier, très ancré dans la région. Entendant parler de notre projet, les gens nous disent : « attendez ! J’ai quelque chose pour vous ! » a ce jour, au moins 30 personnes nous ont remis des photos, des objets, des souvenirs…


Comment avez-vous abordé cette riche matière ? M. V. : Mon grand-père était conducteur sur l’aSd ! J’ai donc toujours plus ou moins baigné dans l’ambiance de ce train – que je continue à prendre aujourd’hui ! Mais cette exposition m’a fait aller plus loin : elle me donne l’impression de remonter dans le temps, de voir se dérouler, sous mes yeux, l’histoire intime de l’aSd… J. B. : Un siècle permet de couvrir de nombreuses époques, types de matériel roulant avec, comme fil rouge, l’aspect temporel. Evoquer les gens des débuts, les petites mains, leur origine, leur destin nous a paru essentiel. Par des récits de vie, au moyen des outils

de l’ouvrier, des instruments de l’ingé- des exploits technologiques et hunieur ou du chef de gare, nous mettons mains qui caractérisent l’aSd. en lumière la dimension humaine, essentielle dans cette aventure. au final, l’exposition concoctée par Jérôme, Maya et Julien offre mille Trois bonnes raisons de visiter renseignements. Elle invite à du bon l’exposition ? temps, à y vivre d’heureuses découM. V. : Le lieu, d’abord ! Le musée, en vertes. Les enfants y trouveront leur lui-même, est un bijou. Le village de bonheur. Notamment grâce à une Vers-L’Eglise aussi ! quant à la montée en maquette – conçue par Jérôme Schaer train, fascinante, elle mérite à elle seule et sa classe de l’opti d’aigle – qui leur le déplacement. Parcourir cette exposi- permettra, en actionnant des boutons, tion, c’est mesurer combien l’aSd a dé- d’éclairer des endroits spécifiques et cloisonné la vallée, ouvert sa population de diffuser des anecdotes enregistrées. au monde, modifié les mentalités… ils pourront aussi se prendre en photo dans un photomaton qui les immortaJ. B. : Et prendre conscience, grâce à lisera devant un aSd futuriste ! rendezcette vision panoramique couvrant vous dès le 4 juillet, pour une durée de 100 ans d’une histoire mouvementée, deux ans !

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chemin de fer relève de l’exploit, au même titre que l’entretenir ! Avec les moyens techniques de l’époque, percer les montagnes, franchir des ravins, vaincre les éboulements, la neige, le froid, la pente, présentaient de sérieux défis… En s’attaquant au projet, les fondateurs de l’ASD savaient-ils ce qui les attendait ? / Sans doute,

car la dangerosité du sentier de la rive gauche, proche du tracé actuel de la ligne était connue… Un texte d’un député au Grand Conseil vaudois déclare ce tracé tellement raide qu’il faut y ferrer les chamois ! Sur ce chemin de la Chenau, parfois chevaux et marchandises transportées tombaient dans le vide… Mais les initiateurs savaient qu’un train changerait la donne pour toute la vallée. Il était temps, déjà que la première route carrossable n’avait atteint Le Sépey qu’en 1839, et que les Diablerets avaient dû patienter jusqu’en 1868…

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Comment naissait l’idée d’un chemin de fer ? / A l’époque, tout semblait possible. Le mot progrès s’écrivait encore avait une majuscule… Alors sur une carte de géographie, on traçait une voie de chemin de fer entre deux points d’intérêt. D’où les innombrables projets : hop ! une ligne pour Corbeyrier ; hop ! une pour Aoste, une pour Saanen. Rien ne dissuadait personne, aucun projet n’était trop fou ! Le train devait pouvoir relier tous les lieux possibles. Aller partout – tel était l’état d’esprit régnant. Restait à trouver des fonds. Comme ni le canton ni les communes n’avançaient d’argent en l’absence de capitaux privés, il fallait convaincre… L’ingénieur et initiateur Louis de Vallières a joué un rôle capital à ce sujet. Il alla prouver aux habitants du lieu l’utilité du train. Bien lui en a pris car le rail a provoqué un véritable essor touristique et économique : transport de bois, de marchandises, de lait, de bétail, de


des accidents qui surviennent durant les forages à la dynamite des tunnels ou lors de chutes de pierres… Quelle impression retirez-vous de votre immersion dans l’histoire de l’ASD ? / Moi qui n’éprouvais pas

soldats mobilisés. Dans le sillage de l’ouverture de la ligne, une seconde boulangerie s’est ouverte au Sépey… Pensez-vous avoir mis à nu l’âme de ce chemin de fer si particulier ? / Qui peut le dire ? J’ai en tout

cas appris beaucoup sur les hommes qui ont bâti cette ligne. Des Italiens du Nord, engagés par centaines. Des saisonniers éloignés de leur foyer et de leurs femmes. Qui buvaient parfois plus que de raison – sans doute pour oublier les sordides baraquements dans lesquels ils logeaient le long du chantier. Parfois, des soirées trop arrosées tournaient mal. Alors les couteaux jaillissaient. Une nuit, le tenancier italien d’une des cantines, à Salins, repousse avec son arme un collègue qui veut boire un dernier verre. L’affaire tourne mal. L’ouvrier meurt de ses blessures. Le « patron » se voit condamné à 15 ans de prison… Et puis il y a les autres décès, cinq au total, dus à

de véritable passion ferroviaire, je dois avouer m’être beaucoup attachée à cette ligne. Au point que l’ASD est presque devenu un personnage ! Et je ne dois pas être la seule. Ecoutez parler les amateurs, informés des moindres détails de son passé, de sa technique… Bien plus qu’un simple moyen de locomotion, l’ASD a suscité – et suscite toujours ! – intérêt et passion. Au final, l’ASD a un cœur. L’entendre battre émeut bien des gens qui ont remué ciel et terre pour qu’il en soit encore ainsi.

INFOS PRATIQUES Musée des ormonts route de Vers-L’Eglise 5 – ancienne Poste 1664 Vers-L’Eglise Tél. 024 492 17 71 – info@museeormonts.ch Exposition ouverte de 14 h à 18 h, du mercredi au dimanche. à partir du 4 juillet 2014 jusqu’au 26 octobre 2014, puis du 20 décembre 2014 au 19 avril 2015, du 6 juin 2015 au 25 octobre 2015 et du 19 décembre 2015 au 10 avril 2016.

Dessins de l’exposition : Jérôme Schaer. Photos : Archives TPC, Jean Baudat, Gérald Hadorn et Musée des Ormonts ; carte postale 1914 : collection Reymond Favre.

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raNdoNNEr MaLiN

Le sentier de Provence : dépaysement garanti ! « UN PARCOURS qui enchante le regard, transporte par ses senteurs et où les chants des oiseaux bercent le promeneur ! », telle est la définition d’une belle randonnée selon l’accompagnatrice en montagne Virginie Duquette… « Or, s’il est un chemin qui réunit ces critères, précise-t-elle, c’est bien celui qui va de Verchiez à Salin par le sentier de Provence ! » L’itinéraire en question débute juste au-dessus de la halte de Verchiez, sur l’ASD. Déjà, l’odeur de pin sylvestre nous invite à voyager dans le Sud, et, à la belle saison, les cigales nous dépaysent : « A l’ouïe, on se dirait à Aix-en-Provence ! » Le sol gypseux du bois de la Glaivaz présente quelques « reliques » ou restes des steppes d’il

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y a 15 000 ans… Flore des plus remarquables, petits reptiles (dont le lézard vert, très rare) et autres merveilles attendent le randonneur attentif et non-pressé. Les amateurs d’ambiances mélancoliques trouveront, par temps couvert et très humide, des nappes de brumes encore accrochées aux branches des pins à la façon d’une estampe japonaise !


Distance : 6,24 km Temps de marche : Montée totale : 505 m Verchiez – Plambuit : 2 h 40 Descente totale : 274 m Plambuit – Verchiez : 2 h 15 Altitude maximale : 952 m

Seuls les bruits de la plaine ainsi que les points de vue surplombant Ollon et les environs nous rappellent que nous sommes au XXIe siècle, à mille milles de la Méditerranée ou de l’Orient ! A Plan d’Essert (eau fraîche à la fontaine), le sentier continue sous le couvert de châtaigniers et de hêtres. Poursuivez sur cet ancien chemin des écoliers d’autrefois qui les conduisait à Panex. Grimpez dans la petite combe sur un parterre de feuilles, épais et moelleux. Après une petite heure de montée, vous foulerez les terres ensoleillées de Panex, modeste plateau émergeant du flanc de la montagne, à l’abri des regards de la plaine. Le bistrot du coin, avec sa terrasse, comblera les envies de chacun. Agréable car presque plat – digestion oblige ! –, le reste du chemin vous conduira à Salin. Il emprunte la route forestière ou le Sentier du sel. La très belle demeure de Salin mérite le coup d’œil. On

peut même s’attarder alentour et faire un feu dans l’âtre aménagé pas les bûcherons du lieu, ou s’octroyer une sieste au soleil dans l’épais gazon environnant. Pour clore l’escapade, il ne vous reste plus qu’à descendre la route forestière caillouteuse jusqu’à la halte de Plambuit sur le tracé de l’ASD. Si vous désirez effectuer une boucle pour retourner à Verchiez munissez-vous d’une carte Topo de la région au 1 : 25000e. Elle vous proposera une multitude de variantes, par le bois de la Glaivaz, par exemple. D’ores et déjà, Virginie Duquette vous souhaite une randonnée comme elle les propose à ses clients : propre à ravir les yeux, à combler le nez et à charmer les oreilles ! Photos et schémas : Virginie Duquette.

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L’hEUrE dU ThÉ

Grégory Widmer, le chimiste d’Ollon qui a réinventé l’enseignement du piano CE PORTRAIT de Chablaisien pourrait s’intituler : « Ne dites pas à ma mère que mon site www.pianofacile.com compte 3 millions de fans, elle me croit ingénieur chimiste ! » Sauf que la maman en question connaît le succès de la méthode révolutionnaire – et essentiellement gratuite ! – de son chimiste de fils. gregory Widmer, tasse de thé et clavier à portée de main, nous a tout expliqué.


Apprendre le piano ? simple comme H2O ! Comment en êtes-vous venu à lâcher vos éprouvettes pour réinventer l’enseignement du piano ?

Cela faisait un moment que l’idée de commencer le piano me trottait dans l’esprit. Voir ma mère se remettre au clavier m’a fait franchir le pas. Je lui ai dit : « Apprends-moi à lire la musique. » J’ai alors réussi à jouer un morceau, puis un deuxième et encore un autre. Mais j’étais convaincu qu’à mon âge (je venais de souffler mes vingt bougies) c’était beaucoup trop tard… Alors j’ai tenté

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de rattraper le temps perdu en élaborant une approche empirique de la musique. C’est-à-dire…

En scientifique, j’ai relevé les constantes qui différencient la musique du bruit, par exemple. De là, j’ai extrapolé des règles, des lois. Ensuite, j’ai lu des ouvrages théoriques. Cela m’a permis de corriger quelques-unes de mes erreurs de déduction. Comme, dans l’ensemble, j’avais vu assez juste, j’ai continué sur cette voie ! Qu’est-ce qui différencie votre méthode des autres ?

Les gens veulent pouvoir lire une partition, sans passer par des années de solfège rébarbatif. Alors je leur enseigne ce qu’ils souhaitent ainsi que les bases de la théorie musicale. Mais j’aborde le tout de façon interactive, avec des vidéos et des partitions annotées. Mon approche ? Éviter les chichis et le vocabulaire compliqué. Rester le plus simple possible. Ne pas surcharger ni saouler. Cela semble marcher car, dès la première leçon, ils jouent un morceau. Beaucoup de mes élèves n’en reviennent pas : ça sonne tout de suite ! Récompense et satisfaction immédiates.

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Autres particularités de votre pédagogie ?

Efficacité, simplicité, disponibilité (on peut me contacter à tout moment) en sont les maîtres mots. Ensuite, pianofacile.com est le seul site aussi élaboré avec un contenu en grande partie gratuit. Pour moi, seuls les résultats comptent. Aussi, je l’améliore sans cesse, jusqu’à élimination totale des bugs. Le sondage en fin de leçon me permet de rectifier les cours en fonction de la compréhension des élèves. Appréciez-vous qu’un pianiste de jazz comme Thierry Lang valide votre système pédagogique ?

Bien sûr ! De même que le courriel d’un prof de piano désireux de pouvoir utiliser mon approche, ses élèves n’en pouvant plus de La Méthode Rose ! Cela m’encourage, car j’aurais plutôt tendance à me balader dans les vignes au-dessus d’Ollon d’où la vue sur la plaine est superbe, ou de filer skier à Leysin ou aux Portes du Soleil plutôt que de bosser mon piano !



à La CroiSÉE dES ChEMiNS Echos d’un coin de paradis

Divin pays des Diablerets PLAN-DES-ÎLES : Un nom bien fade pour ce village situé au pied du monumental massif qui clôt la vallée des Ormonts. Mais telle était l’appellation officielle du lieu jusqu’à la fin du xIxe siècle. Et en 1893, le village devient Les Diablerets, empruntant le nom du grand hôtel local. Voilà qui convenait mieux, vu les pierres que les démons lançaient vers la Quille 62 | InspirAction | TPC # 2

du Diable, gros rocher situé au sud du glacier de Tsanfleuron. Car on attribuait à ces êtres cornus les éboulements d’Anzeindaz et de Derborence… Les Diablerets : un terme étrange, presque inquiétant, mais riche d’imaginaire. Les Diablerets : un mot approprié pour une terre de légendes, de merveilles et d’enchantements…


Vue plongeante depuis la Tornette, avec, au second plan, en bas à droite, le hameau de Meitreile et, au fond de la vallée, le village des Diablerets. Page suivante : Sur le chemin des Bovets, un banc s’offre au visiteur pour lui permettre d’admirer la vue sur le massif des Diablerets.

Chalets-prières / Les inscriptions qui ornent encore la plupart des chalets centenaires des Diablerets en témoignent : les anciens cherchaient à se protéger du malin et de l’adversité. Véritables prières, ces sentences gravées dans le bois, quémandent le soutien divin. Il faut dire que jusqu’à l’ouverture du Grand Hôtel des Diablerets, en 1856, le village se contentait de maigres ressources et d’une activité quasi autarcique fondée sur l’agriculture. Bien que superbe, l’endroit était reculé et difficile d’accès. S’y rendre demandait une forte motivation. Même la diligence tractée par deux à quatre chevaux mettait, depuis Aigle, jusqu’à quatre heures pour rallier le village… aussi, la création du chemin de fer ASD, en 1914, contribua

à rapprocher plaine et montagne, ainsi qu’à réduire l’immense fossé entre ici et là-bas… Forte attraction / Depuis lors, ce village au caractère bien préservé, n’a cessé de fasciner et d’attirer à lui des grands de ce monde. Lieu de quiétude et de ressourcement, il a fourni l’inspiration à des créateurs divers. Ainsi Ramuz et Stravinsky y ont travaillé, ensemble, avant de s’attaquer à leur succès mondial que fut et reste Histoire du soldat. Ainsi l’écrivain anglais D. H. Lawrence y a terminé son sulfureux roman L’amant de Lady Chatterley. Mais il faudrait nommer encore Victor Hugo, Gustave Eiffel, André Gide, Ernest Ansermet, Jean Cocteau, sir Peter Ustinov et Aldous Huxley (oui, l’auteur du

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fameux Le meilleur des mondes) qui, parmi des peintres et des photographes, aimèrent ce lieu si particulier, de même que sa population. Ceux-ci, depuis des siècles, se sont forgé un tempérament bien à eux. Sans doute que la géographie de l’endroit y est pour beaucoup. Emile Gardaz a dit, dans une émission de TV consacrée aux Diablerets : « C’est un pays un peu secret. C’est vrai, il faut décider d’y monter, mais quand on y monte, on y retourne souvent. Il est un peu à l’écart. Mais grâce à ce pays, nous sommes aussi de vrais habitants des Alpes, de vrais montagnards. » A prendre pour un compliment. Gilles qui, pour sa part, y passa de nombreuses vacances ainsi que ses derniers jours vaillants, déclara

Gens d’ici /

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dans la même émission : « Il y a toujours eu des personnages aux Diablerets. J’aime beaucoup cette vallée adossée aux Alpes avec un petit goulet qui s’ouvre vers le bas ! On sent qu’on y lâche –au compte-gouttes ! – les gars qui descendent et y remontent vite, parce qu’on y est quand même très bien – un peu dans un creux, un peu dans un nid. Cela fait une espèce de population à part, c’est la petite Hongrie de la Suisse ! J’aime venir ici car je me sens dans un pays original. » Peut-on rêver plus belle lettre de noblesse ? Un vrai coin de paradis / Aujourd’hui, le monde est

devenu petit, on le sait. Le train et l’automobile, les premiers, ont contribué à « réduire les distances ». Ensuite, l’essor des télécommunications


Ci-dessous et ci-contre, à droite : Deux vues du chef-lieu, l’adorable village de Vers-l’Église, lequel abrite le non moins délicieux Musée des Ormonts où se déroule l’exposition ASD : cent ans à la conquête de la montagne.

et l’avènement de la technologie informatique ont passablement « lissé » les caractéristiques ancestrales des autochtones et de leur coin de terre. Autrement dit, le lieu comme les gens des Diablerets sont maintenant plus « accessibles ». Outre une qualité de vie certaine et un site à couper le souffle, avec ce massif immanquable, Les Diablerets offrent aujourd’hui des atouts dignes des grandes destinations. Voilà pourquoi chacun peut y trouver son compte. Que l’on soit sportif ou amateur de chemin de fer, épris de nature ou de contemplation : ce fond de vallée séduit et incite à revenir encore et encore. Mais ne voyons surtout pas là l’œuvre du Diable ! Même si, longtemps, nos ancêtres lui ont attribué l’enfer des pierriers. Mettons-nous à leur place : les

éboulis confus, les sommets déchiquetés s’éloignaient trop des jardins à la française tirés au cordeau. Mais c’était avant les Romantiques. Eux y ont vu l’expression même du sublime, ce mélange stupéfiant de chaos et de beauté propre à la montagne. Aujourd’hui, devant la force et la majesté de cet éden, nous réagissons avec un émoi quelque peu comparable à celui qui troublait les âmes romantiques. Alors, en voiture, en train, à pied ou à cheval, profitons des Diablerets, puisque le Diable n’y est pas ! Photos : Christophe Racat.

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ChaBLaiS-ChaBLaiS

COIN BOUQUINS Les Chablaisiens écrivent, le Chablais inspire des auteurs, alors autant le dire ! Sélection réalisée en partenariat avec la librairie A l’ombre des Jeunes Filles en Fleurs, à Monthey.

Des oiseaux et des voitures Béatrice Monnard, Ed. L’aire, 29 Chf Si peu d’amour entre les gens. on tourne autour des bars comme sur des manèges. on cherche quelqu’un à aimer pour ce soir, pour toujours, mais sur les manèges qui trouve-t-on à aimer ? Prose étoilée. quête de beauté. Poésie intense. ainsi va le livre frémissant de cette Chablaisienne.

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A fleur de nuage danielle Berrut, Ed. Xenia, 28 Chf Situés à la veille du grand essor touristique de la Suisse, les vingt-cinq récits de ce recueil ressuscitent un monde aujourd’hui disparu. Nature toute puissante, homme ne survivant qu’au prix de son labeur, terre qui se parcourt à pied, nuits d’encre où jaillit le surnaturel. La Montheysanne danielle Berrut marie tradition avec suspense et fantastique pour créer un univers habité de mythes, oscillant entre réalisme et poésie.

Asperges – Les meilleures recettes Sabine Vonderstein, Ed. Parrangon, 11.10 Chf L’asperge : le plus noble des légumes. Une réputation justifiée à bien des égards. Pour son goût délicieux, d’abord, et pour sa teneur en antioxydants, ensuite, elle occupe une place royale dans une alimentation saine. Cet ouvrage vous propose des recettes originales pour (re)découvrir les mille et un usages de l’asperge rhodanienne : la salade romaine aux asperges caramélisées et croûtons ; les asperges blanches en nids de pâte feuilletée ; ou encore la compote de rhubarbe et mousse d’asperges au miel, entre autres surprises !


Le trésor de l’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune Elisabeth antoine-König (sous la dir. de), Ed. Somogy, 39 Chf L’exceptionnel trésor médiéval de l’abbaye de Saint-Maurice d’agaune a miraculeusement traversé siècles et épreuves. a l’occasion de son passage au Louvre, un nouvel ouvrage présente cet ensemble fabuleux : chefs-d’œuvre de l’orfèvrerie mérovingienne et carolingienne, reliquaires insignes, tissus précieux et manuscrits. autant d’évocations des richesses spirituelles d’une communauté qui, avec ses mille cinq cents ans de présence continue sur ce site, n’est rien de moins que la plus ancienne d’occident.

Le Valais surprenant et (d)étonnant Joël Cerutti, Ed. Slatkine, 32 Chf Savez-vous qu’un artisan de Choëx a révolutionné le cor des alpes ? que le plus gros instrument de musique de Suisse se trouve à Saint-Maurice ? que le plus grand géoglyphe du monde se trace entre Vernayaz et Salvan ? que du marbre de Saillon a construit l’opéra de Paris ? Non ? alors ce guide, qui réunit pour la première fois des particularités valaisannes, va vous surprendre ! que vous soyez du pays ou en visite, sa lecture vous fera regarder le Valais autrement.

… Faut que je te raconte… Troistorrents du « coq à l’âne » Maurice défago, Ed. a la Carte, 30 Chf qui, dans quel lieu que ce soit, ne s’est pas posé la question de son passé ? Comment était ce pays il y a cinq cents ans, mille ans ? qui étaient nos lointains ancêtres ? d’où venaient-ils ? Comment vivaient-ils ? autant de questions auxquelles tente de répondre cet ouvrage sur Troistorrents. Un moyen de mesurer l’immense changement qu’a connu ce village au cours de la deuxième moitié du XXe siècle…

Petites dérives consenties Serge rey, Ed. Monographic, 24 Chf L’auteur ne force jamais le trait. dans ce recueil de poèmes, il nous invite à l’accompagner dans son étonnement, ses doutes, son envie de comprendre... il nous livre d’amusants éclairages nés d’un angle insolite, d’un léger décalage. La patience cisèle une parole précise, originale et vive. de préférence à lire à voix haute, les poèmes de Serge rey incitent à la réflexion, évoquent sans description. Un monde léger se dégage, une petite musique se crée...

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Fêtez l’ASD avec nous ! 2 juillet 2014 – LE SÉPEY JoUrNÉE offiCiELLE (sur invitation) inauguration de la nouvelle gare du Sépey

4 juillet 2014 – VERS-L’ÉGLISE 18 h Vernissage de l’exposition aSd : 100 ans à la conquête de la montagne au Musée des ormonts. renseignements : www.museeormonts.ch 5 juillet 2014 – AIGLE Journée ouverte au public dépôt aSd, chemin de l’Ecluse 32 10 h 30 début de la journée 11 h apéritif offert 11 h 30 Concert de L’avenir, chœur mixte des diablerets restauration offerte Studio mobile radio Chablais animations pour enfants Nombreux stands divers, concours

14 h Grande première suisse : inauguration d’une rame inédite Chez Rose, décorée par derib, Patricia et frédéric Studer dès 14 h 30 derib dédicace ses albums de Yakari et Tu seras reine (dans le cadre de ses 50 ans de carrière) 16 h 30 Concert de Vincent Barbone and The Wheels 18 h fin de la manifestation

P. i. Tchaïkovsky Les Saisons direction : Jan dobrzelewski

6 juillet – ASD Train historique Journée de l’association aSd 1914 avec trajet selon l’horaire de l’époque en automotrice historique n° 1. www.asd1914. com

18 octobre – ASD – Journée des citoyens du Chablais L’association du Chablais invite ses membres à une sortie en train dans le cadre du 100e anniversaire de l’aSd. renseignements et inscriptions : www.association-chablais.ch ou au 024 47 33 111.

19 et 26 juillet + 2, 9 et 16 août 2014 – ASD Train historique* 10 h 03 départ d’aigle et retour depuis Les diablerets 15 h 30 30 août 2014 – LES DIABLERETS 17 h 30 happening peinture et musique : Jo Boehler et ses musiciens. Vente de portions de l’œuvre au profit de Terre des hommes Massongex. Gare des diablerets (dépôt). 26 septembre 2014 – AIGLE* 20 h Concert gratuit de la haute Ecole de Musique de Lausanne, section Sion, au dépôt aSd, chemin de l’Ecluse 32. Benjamin Britten Simple Symphony felix Mendelssohn Concerto en ré mineur pour violon et orchestre Giovanni Bottesini Elégie et Tarantelle pour contrebasse et orchestre

3 au 12 octobre 2014 – MARTIGNY FOIRE DU VALAIS Le Chablais-Scope (mobile géant) : hôte d’honneur à la foire du Valais. inauguration de l’œuvre de Pascal Bettex dans une rame TPC. avec radio Chablais qui fête ses 30 ans.

26 octobre 2014 – VERS-L’ÉGLISE* 18 h 30 Concert gratuit du quatuor à cordes Valère (haute école de Musique de Lausanne, section Sion), au temple. Décembre 2014 – Parution du DVD des 100 ans de l’ASD film commémoratif des cent ans de la ligne aSd et des moments forts de l’anniversaire. renseignements : www.tpc.ch.

* Réservations obligatoires dans les gares TPC, dans la limite des places disponibles.


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