DES SCIENCES NAÏVES A L’APPROCHE PHENOMENOLOGIQUE : UN APPORT DE LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES ET DES SCIENCES COGNITIVES A LA MEDIATION SCIENTIFIQUE Richard-Emmanuel EASTES, Département d’Etudes Cognitives (Ecole normale supérieure - Paris) Francine PELLAUD, Laboratoire de didactique et d’épistémologie des sciences (Université de Genève - Suisse)
MOTS-CLEFS Approche descriptive, leçon de choses, approche formelle, sciences naïves, sens physique, science ressentie et incarnée, phénoménologie, approche phénoménologique inspirée, reformulation, « dé-formalisation », apprendre, pédagogie, médiation scientifique, enseignement des sciences.
RESUME La perception du monde par le prisme des modèles scientifiques conduit à une appréhension théorique des phénomènes, d’autant plus performante sur les plans interprétatif et prédictif qu’elle se présente souvent de manière formalisée. C’est l’approche des chercheurs, que l’on retrouve sous une forme épurée et simplifiée dans l’enseignement des sciences dès le collège, mais également sous une forme appauvrie et parfois déformée dans les différentes formes de la médiation scientifique. Or si elle s’avère appropriée pour expliciter des liens, mettre à jour des mécanismes, imaginer des applications technologiques et effectuer des applications numériques, cette approche formelle est en revanche relativement pauvre sur le plan explicatif1, tant les formalismes masquent souvent le véritable sens des processus dont ils rendent compte. Se contenter d’une approche descriptive, et à moins qu’il ne s’agisse de présenter des classifications et des typologies, sera également insuffisant pour permettre d’accéder à leur véritable compréhension. Une autre approche existe, rarement employée dans la médiation scientifique, et plus rarement encore dans l’enseignement des sciences après l’école primaire : l’approche « phénoménologique ». Issue d’un vaste champ de la réflexion philosophique et inspirée de la démarche de clarification adoptée par les chercheurs des disciplines scientifiques émergentes, elle conduit à une démarche explicative originale fondée sur l’exploitation des connaissances « naïves » des apprenants, validée par de récentes recherches en sciences cognitives. Peu performante sur le plan prédictif car non formalisée, et bien que fortement reliée à l’appréhension théorique des phénomènes, elle est en revanche riche d’un fabuleux pouvoir évocateur, propre à susciter une compréhension véritable. En montrant comment une approche phénoménologique de l’univers permet de donner du sens à une expérience, à un fait ou à une relation scientifique sans nécessairement confronter l’apprenant aux concepts, lois et autres « formules » de la démarche habituelle, le présent article montre comment son emploi, par une articulation subtile avec les approches descriptive et formelle, est susceptible d’offrir à tous les publics des conditions d’apprentissage des sciences plus confortables et plus accessibles.
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Au sens pédagogique du terme. Page | 1