Comment enseigner la musique de la chimie ?

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Questions

ouvertes

Comment enseigner la musique de la chimie? Toutes les sciences, la chimie en particulier, requièrent un apprentissage du « solfège », indispensable, mais souvent rébarbatif. Viennent ensuite la découverte de la mélodie et le plaisir de comprendre ce que permet la chimie, sans masquer les questions qu’elle soulève.

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st-il une activité humaine plus paradoxale que la chimie ? Sa puissance créatrice fascine, autant qu’inquiète le devenir de ses productions.Elle nous livre les médicaments les plus performants, les matériaux les plus étonnants, mais est également employée pour élaborer armes chimiques, drogues et produits dopants. En Occident, ses industries sont aujourd’hui moins polluantes que les transports et les chauffages individuels, mais le souvenir de catastrophes telles que celles de Bhopal ou, plus près de nous, AZF continuent à faire peser sur elle un mélange de peurs et de défiances. Ses applications dans le domaine de l’agriculture ont permis aux pays occidentaux d’oublier la crainte des pénuries alimentaires, mais on s’inquiète aujourd’hui à juste titre de la présence d’engrais et de résidus de pesticides dans les sols et les nappes phréatiques. Et c’est bien sur le pétrole, grâce aux transformations que lui fait subir la pétrochimie, qu’est fondée la quasi-intégralité des activités humaines et de l’économie mondiale ; mais c’est aussi le pétrole qui est responsable de l’essentiel du réchauffement climatique. C’est encore la chimie qui produit la quasi-totalité des substances et des matériaux constitutifs des objets que nous utilisons quotidiennement:matières plastiques, verres spéciaux, cosmétiques et parfums, alliages légers, colles et peintures, piles et batteries… autant d’objets qui posent malgré tout des problèmes d’élimination ou de retraitement en fin de vie. Mais si la chimie a des effets pervers, elle peut également intervenir en aval, en fournissant à ces problèmes des solutions inédites.Ainsi les CFC ont tout d’abord été employés dans les bombes aérosols pour leur non-inflammabilité, mais lorsque leur effet sur l’ozone stratosphérique a été découvert, de nouvelles recherches ont été entreprises par les chimistes, auxquels a été confiée la tâche de remplacer les CFC bannis par des substances inoffensives à la fois pour la santé et pour l’environnement.Par ailleurs, la chimie verte et la chimie douce sont en passe d’élaborer des modes de production dont les impacts environnementaux sont toujours plus faibles. Une chose est certaine: que ce soit pour assurer le suivi de la production des matériaux dont l’humanité aura besoin

demain pour assurer son confort, pour élaborer des traitements contre les maladies encore incurables ou pour trouver les solutions aux problèmes nouveaux que notre mode de vie aura fait surgir, la chimie aura toujours un rôle fondamental à jouer. Or point de chimie sans chimistes, techniciens, ingénieurs, chercheurs et enseignants. Et pas de chimistes sans attrait pour la chimie. Attrait pour la chimie indispensable également pour susciter chez les futurs citoyens non-chimistes l’envie d’acquérir les connaissances scientifiques devenues indispensables pour comprendre le monde. Pourtant la chimie, lorsqu’elle est considérée sous l’angle de simple discipline scolaire, souffre d’une image tout aussi ambivalente que l’activité industrielle du même nom, la difficulté de son « solfège » l’emportant souvent sur le plaisir de sa pratique.Dès lors, comment déclencher chez le jeune adulte un goût pour la chimie ? C’est à cette question qui touche tout autant à l’image de la chimie auprès des citoyens non-chimistes qu’à la question de la désaffection des étudiants pour les études universitaires de chimie, que nous proposons quelques pistes de réflexion.

L’image de la chimie : un fau x problème Du moins au départ… En effet, quel enfant n’éprouve pas une secrète fascination pour « les expériences »? Jouer avec la matière et comprendre comment elle se comporte ne suscite-t-il pas un plaisir certain? Les plus jeunes n’ont souvent aucun a priori négatif vis-à-vis de la chimie: en interrogeant des enfants et des adolescents, on se rend vite compte que même s’ils associent parfois les termes « chimie » et « pollution », se faisant ainsi le relais des discussions familiales et des médias, ils sont conscients de l’utilité de la chimie pour fabriquer, par exemple, produits ménagers et médicaments. Pourtant, si vous interrogez leurs parents, vous serez étonné qu’ils n’aient aucun souvenir cohérent, ne serait-ce que des formalismes les plus simples ou de la différence entre un atome et une molécule… Que s’est-il passé entre ces deux extrêmes, de l’enfance à l’âge adulte ? D’où vient ce désamour qui désole les

© POUR LA SCIENCE - N° 351 JANVIER 2007

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