HS TVB 28 Insertion professionnelle des jeunes

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Journal associatif et sans publicité déposé au dépot légal de la Bnf. Achevé d’imprimer en février 2023 à Synergie Copy, Villeurbanne. Ne pas jeter sur la voie publique - Numéro ISSN : 2495 - 9847 - Numéro CPPAP : 0624 G 93965. Nº 28 FÉVRIER 2023 GRATUIT Revue participative de solutions
d’insertion Associations Collectivités et institutions ... Comment favoriser l’accès à l’emploi des jeunes ?
Structures
HORS-SÉRIE - INSERTION PRO DES JEUNES

Le Tout Va Bien

Le magazine TVB est l’un des principaux outils de l’association Tout Va Bien qui a pour objet social la diffusion de solutions et de connaissances à impact positif sur l’environnement, la société et le vivre-ensemble.

Inspiré du journalisme de solutions, TVB a créé en 2016 le principe de l’initiative au kilomètre. En relayant les démarches inspirantes d’acteurs locaux, de manière participative avec tous les citoyens, l’association espère stimuler les envies d’agir à côté de chez soi. Nous partageons également des intiatives inspirantes venues d'ailleurs et des avis d'experts permettant de comprendre les enjeux.

L'association développe également des actions socio-culturelles d'éducation populaire, essentiellement autour de l'éducation aux médias. Nos actions permettent souvent d'apprendre en faisant, de découvrir des outils pour créer et vérifier l'information.

Édito

Ce hors-série consacré à l’insertion professionnelle des jeunes a été réalisé en partenariat avec des stagiaires de l’école de la deuxième chance Rhône Lyon Métropole. Les stagiaires ont vraiment joué le jeu et sont devenus journalistes d’un jour, curieux et sérieux : bravo à eux. Merci aussi à tous ceux qui ont relevé le défi de produire, rapidement, les articles, témoignages et infographies de ce magazine. Nous avons tous travaillé notre capacité d’adaptation, à rencontrer l’autre, à écrire et retranscrire, à développer nos connaissances et notre réseau. De beaux outils pour s’insérer professionnellement, pour un avenir serein que l’on souhaite à tous. Merci à l’E2C69 de nous avoir accueillis et accompagnés dans ce projet co-construit, pour des ateliers Crée ton journal adaptés. Nous espérons partager ainsi des ressources et des espoirs, car l’avenir appartient bien aux jeunes, et il peut être stimulant.

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RDV sur toutvabienlejournal.org

Infographie sur l’insertion professionnelle

L’école de la deuxième chance, premier pas vers l’insertion

Camille Augey : « l’insertion pro, c’est trouver sa place dans la société »

Julie Couronné : « l’objectif premier des jeunes est de trouver un emploi »

Témoignage de Rokiatou : « s’accrocher pour réussir »

Carole Koulinte, engagée contre le décrochage solaire

Mamadou Dissa : « les missions locales sont le point d’entrée des jeunes en insertion »

Maxime Bontemps : « à la MMIe, nous croyons beaucoup en la rencontre »

À l’EPIDE, la discipline est un outil pédagogique

EPNAK, mieux se connaître pour aller vers l’emploi

Les Apprentis d’Auteuil, un pas vers l’insertion professionnelle

Témoignage de Sarah : « mon parcours d’insertion professionnelle »

Possible, sensibiliser pour réinsérer les ex-détenus

Jardins de Cocagne, se réinsérer grâce au maraîchage

Terre de Milpa, à l’intersection des inégalités

Zoom sur l’accompagnement intensif jeune (AIJ) de Pôle emploi

Ressources pour aller plus loin

Tout Va Bien, le journal qui réinvente demain Association loi 1901

Ligue de l’enseignement 20, rue François Garcin 69003 Lyon

contact@toutvabienlejournal.org

Directrion de Publication

Laurianne Ploix

Comité de rédaction

Tvb en pdf + articles en ligne

35 € 55 € 60 € 80 €

Tvb en pdf et par La poste + articles en ligne

Tvb par La poste + articles en ligne

Tvb au choix + réductions sur nos événements

Raphaëlle Vivent

Élodie Horn

Marie Albessard

Secrétariat de rédaction

Clément Navoret

Mise en page

Laurianne Ploix

Photographies Prises par TVB, libres de droit ou cédés par nos partenaires, reproduction non autorisée

Hors-série avec le soutien financier de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, de l’ANCT et du FDVA du Rhône.

Plus d’infos sur : Https://toutvabienlejournal.org

SOMMAIRE
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Le projet

Un magazine participatif réalisé avec les jeunes stagiaires de l’E2C69

Le chemin de fer de ce magazine a été co-conçu avec l’équipe de l’école de la deuxième chance du Rhône (E2C69) et celle de TVB. Nous avons ensuite réalisé plusieurs séances de notre programme Créée ton journal avec 16 jeunes stagiaires à l’école. Préparation des questions, entraînement à l’interview, interviews de professionnels de l’insertion, retranscription et choix de la Une... Les jeunes ont été impliqués aux différentes étapes de la création de ce magazine.

Merci aux jeunes qui ont participé au projet : Bilel, Carla, Délia, Djamel, Ibrahim, Khalil, Mahé, Mickaël, Naomie, Nouha, Rokiatou, Sarah, Siméon, Shayma, Théophile, Valéria.

Merci à Éline qui a été une ressource précieuse, à l’équipe de l’E2C69, aux professionnels qui ont accepté de nous recevoir en équipes de journalistes (une journaliste professionnelle et des jeunes) et à l’équipe du TVB.

InfographieréaliséeparMahé,Siméon,Valéria,ShaymaetZoéFerreira

L’école de la deuxième chance, première étape vers l’emploi

L’école de la deuxième chance, dans le 7e arrondissement de Lyon, accompagne les jeunes dans leur parcours professionnel. Nous avons rencontré la directrice, la chargée de médiation et d’intégration ainsi qu’une formatrice et des stagiaires. Rencontres et témoignages autour de l’insertion des jeunes.

L’École de la deuxième chance Rhône Lyon Métropole (E2C69) existe depuis 2009, date à laquelle une circulaire permet de développer des écoles de la deuxième chance, similaires à celle créée à Marseille en 1997, sur tout le territoire national. La circulaire précise le financement par l’État, les Régions et les collectivités territoriales à raison d’un tiers chacun. « Il existe 139 sites-écoles. Toutes les régions sont couvertes, y compris dans les départements d’outre-mer. Après, il y a plus ou moins d’écoles selon les régions. », nous explique Pascale Bouysset, directrice de l’E2C69.

Unaccompagnementrémunérépourlesjeunes

du RSA. Le deuxième critère qu’ils ont, c’est qu’ils sont motivés pour construire un projet professionnel en alternance. Ils sont sans diplôme et sans qualification. Toutefois, depuis le mois de juillet, nous avons aussi la possibilité d’accueillir des jeunes qui ont un diplôme allant jusqu’au niveau du bac », nous explique Margaux Clere, chargée de médiation et d’intégration. En 2021, 61 % des sorties étaient positives, c’est-à-dire qu’elles ont abouties sur une formation qualifiante ou diplômante (24 %), en CCD, en CDI, en contrats d’apprentissage et en contrats de professionnalisation.

Créerdel’expérienceprofessionnelleetpenserle projetdujeunedanssonensemble

«Leparcoursdeformation,telqu’ilestécritparl’école de la deuxième chance, favorise l’insertion des jeunes parce que les jeunes ont la possibilité, en allant sur le terrain, en allant en stage toutes les deux semaines, d’aller confronter l’imaginaire qu’ils ont d’un métier aveclaréalité,avantdeselancerdansuneformationou avant de se lancer vers l’emploi. Cette façon de pouvoir aller vérifier, sans engagement, si le métier nous plaît oupas,c’estunefaçondemieuxfavoriserl’insertiondes jeunes, de façon pérenne et sur le long terme », nous explique Margaux Clere.

«Cettefaçondepouvoiraller vérifier,sansengagement,sile métiernousplaîtoupas,c’est unefaçondemieuxfavoriser l’insertiondesjeunes,defaçon pérenneetsurlelongterme. »

«Ellesertàréinsérerdesjeunespourlesaideràtrouver une formation ou un emploi, à se remettre à niveau, ou à redéfinir leur projet professionnel. Il n’y a pas de parcourstype,nousallonsnousadapteràchacun.L’idée, c’estdefairedéjàunepremièrepérioded’intégrationde cinq semaines. Et puis après, de préparer, de construire son parcours professionnel en allant en stage puis à l’école, enalternantdeslieuxdestage différents,pendant environ7à 8 mois », précise la directrice. 30 % du temps de parcours se déroule en entreprise, au sein d’entreprises partenaires. La formation est gratuite. Le stagiaire peut percevoir une rémunération ou une indemnité de stage, versée par la Région (environ 200 € aux mineurs et 500 € aux majeurs).

92 % des stagiaires entrés en 2021 à l’école étaient sortis du système scolaire avant l’obtention d’un diplôme de cycle court ou avant l’année de terminale. « Le premier critère,c’estuncritèred’âge.Cesontdesjeunesquiont entre16et25ans,oujusqu’à30anss’ilssontbénéficiaires

« L’école est aidante parce qu’elle va apporter une aide différente à chacun en fonction de son besoin (vie personnelle, orientation, etc.). Notre spécificité, c’est notre approche par les compétences. Ici, on ne met pas de notes. On a un référentiel de compétences. Et on va s’appuyer dessus pour les développer et pour faireensortequechacunpuisseacquérirunmaximum d’aptitudes nécessaires à son projet. On travaille à la fois sur les savoirs-être et sur les domaines de savoirs qui vont être utiles pour son projet », poursuit Pascale Bouysset. « Le parcours de formation s’organise autour d’un accompagnement qui est global. En fait, on considère que si un jeune a un problème de logement, ou de budget, ou de santé mentale ou physique, ça va être beaucoup plus compliqué pour lui de se focaliser surlaconstructiondesonprojetprofessionnel.Donc,il faut aussi que l’on travaille avec le jeune sur la levée et la résolution de tous ces freins-là », complète Margaux Clere.

Alternanceentreformationetstages

«Ondécoupelajournéetypeendeuxparties.Lematin, on propose des remises à niveau et ce qu’on appelle la

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INSERTION PRO

Àgauche,Pascale Bouysset,directrice del’école.Àdroite, MargauxClere, chargéedemédiation etd’intégration. ©DjamelpourTVB

techniquederecherched’emploi(TRE).Onvadoncaider les stagiaires à consolider ou à apprendre des choses dans différentes matières. On n’appelle pas ça français, maths ou histoire parce qu’on n’est pas à l’école. On va plutôt les faire travailler sur des compétences que ce soit orales, écrites, dans l’informatique, et même des compétencesquel’onpourraitdirepersonnelles.L’aprèsmidi, il y a différents ateliers qui sont proposés. Ça peut êtredesatelierscommelacouture,laréparationdevélo, la rédaction d’une gazette... On va aussi proposer des activités qui permettent de développer la mobilité, avec notammentl’activitélesMystèresdeLyon,ouletravailen équipe,commeavecl’atelierjardin.», nous précise Eline Rivoiron, formatrice référente.

Les jeunes passent 2 semaines à l’école puis 2 semaines en stage dans une entreprise partenaire. Une grande partie du temps consiste donc à chercher des stages et à se perfectionner dans cet exercice. « Quand un jeune a trouvécequ’ilveutfaire,àcemoment-là,onl’encourageà fairedesstagesdanscedomaine,pourqu’ilpuisseremplir sonCV,avoirdel’expériencepourprétendreàunemploi ouàuneformationcorrespondantàsonprojet», explique Eline Rivoiron. Mais ce n’est pas toujours simple de savoir ce que l’on veut faire. «Moi,j’aiunproblème,c’estqueje n’aimerien», nous confie Sarah, jeune stagiaire de l’école. «Lespersonnesquinesaventpascequ’ellesveulentfaire vontprofiterdetoutuntempsd’explorationpouressayer différentsmétierset,forcément,çaprendplusdetemps. Mais on continue de les accompagner jusqu’à ce qu’elles puissent trouver une sortie qui leur convienne. Après, il y a aussi des jeunes qui, à la fin de leur parcours, n’ont pas vraiment de solution. Cependant, finalement, c’est aussi le début pour eux d’un nouveau parcours. On les suit,pendantunan,aprèsleursortie.Enfait,onserend comptequ’ilyapleindejeunesqui,mêmes’ilsn’ontpas trouvé leur voie pendant l’accompagnement, ils ont déjà descléspourpouvoirpasserdesentretiens,avoirunsuivi, etc. C’est aussi une forme d’insertion positive », conclut Eline Rivoiron.

Redonnerconfianceetenviepourl’avenir

« L’école est bienveillante et les formateurs sont vraiment à l’écoute et humains. Cela change de l’école d’avant où j’avais subi du harcèlement, où je n’étais pas écoutée par lesformateursetpasreconnueentantquepersonne.C’est une peu pour moi l’école de la réconciliation. », souhaite témoigner Naomi. Alvin, lui, a quitté l’E2C en juin, et est venu témoigner en tant qu’ancien stagiaire : « à la base, mon projet professionnel, c’était prothésiste dentaire.

Mais trouver un stage dentaire, c’était compliqué, et c’est unpeubouché.Ducoup,j’aiabandonnél’idéeetlà,jesuis uneautreformation,auprèsdel’Adapt.Elleestreconnue pour les personnes handicapées, parce que moi, je suis handicapédebase.Maisçanesevoitpascommeça,c’est invisible. Maintenant, j’ai un projet dans la logistique. L’E2C et surtout mon ancien formateur m’ont aidé à prendre confiance en moi, parce qu’avant j’étais timide, et maintenant ça va ». Si Alvin a pu accepter de changer d’orientation pour espérer trouver un emploi, il souhaitait donner un conseil aux autres jeunes : « Franchement, ne faites pas comme moi. J’avais lâché avant ici, mais faut aller à la fin, faut pas abandonner. On ne peut pas encoredirequej’airéussimavie,parcequejesuisencore en formation, mais je ne lâche plus maintenant. Donc il nefautjamaislâcher.Voilà,c’estça.C’estlong,maishuit mois,çavavite.»

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Djamel,NaomieetLauriannePloix Enhaut,ElineRivoiron,formatriceréférente.Enbas,Alvin,ancien stagiairevenutémoignerauprèsdesstagiairesactuels.©Djamel/TVB

Camille Augey : « l’insertion professionnelle, c’est trouver sa place dans la société »

Camille Augey, adjointe au maire de Lyon, en charge de la délégation emploi, économie durable, insertion, commerce et artisanat, nous a parlé de ce qu’était pour elle l’insertion professionnelle des jeunes. Retour sur certaines de ses missions et actions mises en place pour aider les jeunes à trouver un emploi, à Lyon.

TVB:Pouvez-vousvousprésenter?

CA : Je suis adjointe au maire de Lyon, à l’emploi et à l’économie durable. Derrière ce titre se trouvent différents sujets, dont l’emploi et l’insertion. On y trouve aussi l’économie sociale et solidaire, l’économie circulaire, le zéro déchet, les commerces, l’artisanat, les marchés. Dans le cadre de ces fonctions, je suis aussi présidente de la Mission Locale de Lyon, qui accueille les jeunes et les accompagne au sein de la Maison Lyon pour l’emploi. Je préside aussi l’Association Lyonnaise pour l’Insertion Economique et Sociale (ALLIES). Cela s’apparente à la Mission Locale, mais pour les adultes, c’est-à-dire les plus de 25 ans dans le jargon de l’emploi. Je suis également la vice-présidente de la Maison métropolitaine d’insertion pour l’emploi (MMIe) de Lyon, qui développe de nombreuses actions dans le champ de l’emploi et l’insertion, à la fois auprès des collectivités et auprès des entreprises : des job dating, par exemple.. Enfin, je suis aussi élue à la métropole de Lyon et dans le 9e arrondissement de Lyon.

TVB : Pour vous, qu’est-ce que l’insertion professionnelle?

CA : Il est vrai que l’on peut mettre beaucoup de choses derrière ce terme. Pour moi, c’est avant tout le fait que chacun trouve sa place dans la société, dans sa vie, dans sa vie professionnelle. Il s’agit de trouver un métier qui lui convient, qui lui permette de vivre décemment, qui lui permette de s’épanouir. C’est aussi la façon dont les entreprises, la société, les structures publiques s’adaptent et construisent des choses autour de ça, justement pour permettre à chacune et chacun d’accéder à l’emploi qui lui correspond. Cela peut notamment passer par la création d’un ensemble de dispositifs ou de structures destinées à accompagner et aider celles et ceux qui en ont besoin.

TVB : Pourquoi est-elle particulière pour les jeunes?

CA : L’une des spécificités de l’insertion professionnelle pour les jeunes, c’ est qu’il s’agit souvent de leur premier emploi, qu’ils n’ont pas d’expérience professionnelle à mettre sur leur CV, et qu’ils ne connaissent pas forcément le monde de l’entreprise. C’est une première spécificité. C’est aussi un temps où l’on se cherche particulièrement professionnellement. Ça ne veut pas dire que quand on est moins jeune, on ne se remet pas en question. Mais, c’est une époque assez charnière, on est encore un peu dans l’inconnu. C’est un temps où il y a parfois besoin de plus d’accompagnement. D’autant plus quand on voit que les taux de chômage et de précarité chez les jeunes sont importants.

TVB: Àl’échelledelavilledeLyon,quefaitesvous pour aider à l’insertion professionnelle desjeunes?

CA : Beaucoup de choses. Pour commencer, la structure phare est la Mission Locale de Lyon, que je préside. Il y en a dans différentes villes et à Lyon, nous avons cinq antennes. Nous les appelons les antennes de la maison Lyon pour l’emploi, où l’on trouve aussi l’association Alliés, des permanences Pôle emploi et d’autres associations. La Ville de Lyon finance de manière importante la Mission Locale, c’est un partenaire majeur pour nous. Concrètement, nous mettons en place toute une série d’accompagnements. Certains sont nationaux – comme le contrat engagement jeunes qui a été un gros challenge depuis mars de cette année, on a dû le déployer et donc embaucher, trouver des entreprises partenaires, construire des parcours, ce n’est pas si évident que ça – et il y a tout ce qu’on développe, à côté, au sein de la Mission locale de Lyon. Par exemple, on a mis en place en fin d’année dernière un conseil consultatif des jeunes au sein de la Mission locale de Lyon. Auprès de chaque antenne, un ou plusieurs jeunes s’engagent sur un an pour donner leur avis, dire ce qu’ils pensent de la Mission Locale, comment mieux communiquer, ce qui est bien et ce qui pourrait être amélioré... Écouter les premiers intéressés est très précieux.

Nous avons aussi été lauréat, en consortium avec d’autres structures, de l’appel à projets de l’État, le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) nommé « Repérer et mobiliser les publics invisibles et en priorité les plus jeunes d’entre eux ». Les invisibles, dans le jargon, ce sont des personnes qui

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ne sont plus en lien avec les différents acteurs publics comme Pôle emploi, la CAF, les CCS, qui ne sont pas dans les radars. Donc, on a développé un ensemble d’actions pour permettre justement « d’aller vers », d’aller mieux au contact de ces personnes qui ne connaissent pas leurs droits et les aides dont ils pourraient bénéficier. Par exemple, avec l’un de nos partenaires sur ce PIC, l’école de la deuxième chance, nous avons créé un foodtruck L’idée, c’est que ce soit des jeunes de l’E2C qui tiennent le foodtruck, à la Duchère, et vont aller parler aux jeunes, plutôt qu’un encadrant ou un conseiller. On fait aussi des job dating ou des permanences sur les marchés ou dans l’espace public. On n’attend pas que les personnes poussent notre porte : nous allons là où elle sont.

Pour terminer, j’aimerais parler des WorldSkills. C’est une compétition mondiale des métiers qui aura lieu à Lyon en 2024. C’est comme les Jeux Olympiques. Les villes se portent candidates. Lyon a été retenue. Ce sont uniquement des jeunes, des équipes nationales de 85 pays, qui participent sur 65 métiers différents. Ce sera à Eurexpo et c’est une chance de mettre en valeur ces jeunes qui ont un talent assez incroyable, des compétences et un savoir-faire exceptionnels. Et puis pour le grand public, les enfants d’écoles primaires, les parents, les personnes en reconversion, les jeunes qui cherchent leur premier métier, cela permettra de découvrir plein de métiers auxquels ils n’auraient pas forcément pensé.

On a aussi un rôle en tant qu’employeur puisque la ville c’est 8 000 agents. Et justement, on fait un certain nombre de choses pour donner plus leur chance aux jeunes. Par exemple, on a sur des postes permanents 536 jeunes de moins de 30 ans, 90 postes d’apprentis et 96 stagiaires. Ce sont les chiffres 2022, en comparaison, en 2020, on était à 60. Donc on a bien augmenté. Et on a transformé les jobs d’été en contrats saisonniers afin qu’ils puissent avoir lieu toute l’année. On est passé de 100 à 120 jobs ouverts. C’est parfois des premières expériences professionnelles sur l’accueil, sur l’entretien d’espaces verts, etc.

TVB:Quellespistesd’actionetsolutionsavez-vous identifiéespourfaciliterl’accèsàl’emploidetous?

CA : Le « aller vers » avec les différents outils cités précédemment. Dans cette idée, nous avons installé l’Atelier de l’emploi dans un ancien magasin du centre commercial de la Part-Dieu, en face de Primark®. Aux heures d’ouverture du centre, n’importe qui peut pousser la porte et avoir un conseiller pour répondre à toutes les questions liées à l’emploi : un stage, une alternance,

un service civique, les métiers d’une certaine branche professionnelle, une question sur ses droits à la retraite... peu importe le sujet, le conseiller va faire tout son possible pour y répondre, sans rendez-vous, sans avoir l’œil sur la montre. Il y a plein de belles histoires de personnes qui ont retrouvé un emploi suite à ça. Cela donne vraiment des résultats. Il existe dans cet atelier un espace numérique pour ceux qui ont besoin d’aide pour remplir leurs démarches en ligne, les impôts, faire un CV, ou autre. 100 000 personnes passent par la Part-Dieu tous les jours, elles sont de tous horizons, de tous âges, de tous les quartiers et donc c’est un super endroit justement pour faire en sorte que des personnes qui n’auraient pas forcément pensé à aller demander un renseignement ou faire des démarches se disent : « Ah bah tiens, je passe devant, c’est l’occasion, je vais pousser la porte », 450 personnes l’ont fait en 2022.

J’ai aussi envie de parler du Territoire zéro chômeur de longue durée (TZCLD), dans le 8e arrondissement. La ville de Lyon s’est portée candidate sur le 8e arrondissement dans le quartier prioritaire de La Plaine - Santy. C’est un projet qui engage tout le territoire avec à la fois les habitants, les acteurs économiques, les associations, l’école, les maisons de retraite, etc. Ensemble, on a eu envie de créer une dynamique pour faire en sorte que les personnes dites éloignées de l’emploi, et notamment les chômeurs de longue durée, puissent retrouver du travail. L’État nous a donné l’autorisation de créer une entreprise à but d’emploi, qui s’appelle Santy Plaine Emploi, et qui a pour but d’embaucher des personnes sans emploi depuis plus d’un an. Cependant, la moyenne aujourd’hui, parmi les 13 personnes embauchées, c’est plus de sept ans de privation d’emploi. Et sur la future vague, ce sera plus de cinq ans, en moyenne. Donc on est largement au-dessus de ce qu’on s’était fixé. C’est l’originalité de l’entreprise à but d’emploi : il n’y a pas de sélection de candidats. Il y a une file d’attente et, au fur et à mesure que l’entreprise grandit, on peut embaucher plus de monde. Et le salarié peut choisir son temps de travail, 35 heures ou 20 heures par semaine, ainsi que ses horaires. Cela permet notamment à plusieurs mamans de pouvoir retrouver un emploi. Ce qui est super aussi dans les territoires zéro chômeurs, c’est que l’idée est de créer une entreprise, mais sur des activités et des besoins qui ne sont aujourd’hui pas couverts dans le quartier. C’est-à-dire qu’il n’y a pas une entreprise ou quelqu’un qui fait déjà ça. Ce sont donc des choses qui manquent et qui ont une une vraie plus-value pour le territoire. Par exemple, une ludothèque avec des jouets de seconde main, une friperie, de la sensibilisation aux punaises de lit. On a commencé petit, 13 personnes, mais l’idée, à terme, c’est d’embaucher plusieurs dizaines de personnes puisqu’on a repéré 400 personnes qui sont demandeuses d’emploi de longue durée dans le quartier. À suivre donc.

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Naomie,DjameletLauriannePloix Naomie,aumicro,etDjamel,àlaphoto,interrogentCamilleAugey sur l’insertionprodesjeunes,danssonbureaudel’hôteldeville.©TVB

Julie Couronné : « Pour les jeunes vulnérables, l’objectif premier est de trouver un travail »

Julie Couronné est sociologue, chargée d’études et de recherche sur les questions d’insertion à l’INJEP, l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire. Pour TVB, elle revient sur la notion de jeunes vulnérables et les actions mises en place pour favoriser leur insertion professionnelle.

TVB:Quisontlesjeunesquinesontnienemploi, nienétudes,nienformation?

JC : Les jeunes invisibles ou les NEET (ndlr : « not in employment, education or training » en anglais) représentent une catégorie que j’appelle à manier avec beaucoup de prudence parce que derrière, il n’y a pas une jeunesse homogène. On a même une forte hétérogénéité de conditions sociales et de parcours. Si je caricature un peu, et sans juger cet exemple-là, on peut être NEET et sortir de Sciences-Po parce qu’on a fini un stage et qu’on a quelques mois de transition avant d’accéder à un travail bien rémunéré. Cette catégorie a surtout pris de l’ampleur avec la mise en place de la Garantie jeunes en 2013. Quand elle a été créée, elle avait comme cible les jeunes NEET dits vulnérables, qui représentent 20 % des NEET selon les données de Quentin Francou de 2017.

TVB : Quel est donc le profil de ces jeunes NEET vulnérables?

JC : Ce sont souvent des jeunes issus de milieux modestes ou très précaires, qui ont grandi dans des familles ayant éprouvé des difficultés économiques, dont les parents ont eu des carrières professionnelles hachées en exerçant des métiers socialement peu valorisés, peu rémunérateurs. Les parents peuvent aussi avoir été éprouvés par la maladie, un handicap, un décès, des séparations... Le deuxième élément important, c’est que ce sont souvent des jeunes qui ont quitté précocement le système scolaire. Enfin, ce qui joue beaucoup aussi, c’est la mobilité, entre ceux qui sont titulaires du permis de conduire et ceux qui ne le sont pas et ceux qui ont accès aux transports en commun. C’est un facteur de grandes inégalités sociales.

TVB:Qu’est-cequiestproposéactuellementpour lesaideràseréinsérer?

JC : Le dispositif mis en place par le gouvernement actuel est le Contrat d’Engagement Jeune (CEJ), qui vient se substituer à la Garantie jeunes, et qui avait pour objectif de concerner 200 000 jeunes en 2022. C’est un objectif quantitatif assez important, et chaque dispositif a la particularité d’être à la fois mis en place par les missions locales et par Pôle emploi, ce qui n’était pas le cas de la Garantie jeunes. Le CEJ propose, pendant 6 mois ou un an, un accompagnement de 15h à 20h par semaine, avec une rémunération d’environ 500 €.

TVB:Cedispositifest-ilefficace?

JC : J’ai un devoir de réserve, par ailleurs, c’est un dispositif récent donc il va falloir du temps pour en mesurer les effets. Je peux en revanche vous parler de la Garantie jeunes, qui s’appuie sur le même socle. On avait identifié trois parcours : dans le premier, le jeune va effectivement s’insérer dans une dynamique d’emploi, ce sont souvent les jeunes les plus diplômés et les plus mobiles. Le second groupe était un peu plus intermédiaire, des jeunes dans des situations d’emploi plus instables, des stages ou des missions d’intérim relativement courtes, mais ce qui était intéressant d’observer c’est qu’ils avaient profité du dispositif pour se réparer : se soigner, payer des dettes, passer un permis de conduire, déménager… Le troisième groupe, enfin, ce sont les jeunes pour qui le mécanisme n’a pas eu d’impact, c’étaient souvent les jeunes avec le plus de difficultés.

TVB : Vous êtes critique de la manière dont sont souvent représentés aujourd’hui les jeunes, pourquoi?

JC : J’essaye effectivement de déconstruire les préjugés à l’encontre des jeunes et de leur rapport au travail, puisque l’idée qui circule en ce moment serait que les jeunes ne veulent plus travailler ou que la valeur travail ne serait plus centrale. Mais en entretien, ce n’est pas ça qui ressort. Pour une grande partie de la population des NEET vulnérables, l’objectif premier est de trouver un travail pour aspirer à une vie « comme les autres ». Et une vie comme les autres, c’est un travail « sans trou », comme me l’avait dit une jeune fille un jour, et un logement à soi.

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INJEP
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Témoignage de Rokiatou

S’accrocher pour réussir

Je suis Rokiatou, j’ai 20 ans. Je suis à l’E2C depuis le 8 octobre 2022.

Je vais vous raconter mon parcours jusqu’à maintenant. J’étais en seconde générale mais je ne savais pas dans quelle filière aller. J’ai fini par m’orienter dans une filière professionnelle en gestion et administration, de la seconde jusqu’en terminale.

Cette année, j’ai voulu travailler sachant que je n’avais pas de projet professionnel précis. Malgré le fait que j’ai toujours voulu être dans le milieu paramédical, car le milieu de la santé m’a toujours intéressée depuis que je suis petite, j’étais dans le flou ne sachant pas quel poste pourrait me plaire. Je suis allée m’inscrire à la mission locale, car ma mère et une amie m’ont encouragée pour que je puisse avoir des pistes sur des écoles, afin que je ne reste pas à travailler dans un domaine qui ne me plaît pas forcément.

Suite à cela, on m’a parlé de l’E2C qui pouvait m’aider dans mon parcours professionnel et surtout à choisir ce qui me convenait. J’ai donc commencé à faire des stages, dont le premier dans un Intermarché, pour qu’ils puissent voir que j’étais capable de trouver un stage. Ensuite, j’ai fait un deuxième stage d’une durée de 2 semaines, qui était à la clinique des Lilas, en tant qu’agent de service du milieu hospitalier. Ce n’est pas le poste qui me convenait, mais c’était pour voir comment l’hôpital fonctionne au-delà des autres services. J’ai pu observer et me faire mon propre avis. Mon prochain stage se déroulera dans quelques jours en tant qu’auxiliaire de puériculture.

Ça représente mon parcours dans le milieu professionnel, ce qui montre qu’il y a une route pour atteindre son objectif. Il faut s’accrocher pour réussir.

Carole Koulinte, engagée contre le décrochage scolaire

Carole Koulinte est coordinatrice de la mission de lutte contre le décrochage scolaire, une action de l’Éducation nationale, pour les plus de 16 ans, sur le département du Rhône. Quels sont les moyens mis en place pour pallier ce phénomène qui concerne près de 200 000 jeunes au niveau national ?

TVB : Pouvez-vous vous expliquer en quoi consiste votre mission de coordinatrice départementale de la mission de lutte contre ledécrochagescolaire?

CK : Ma mission consiste à accompagner tous les jeunes qui sont soit sortis du système scolaire après un passage en CAP ou en bac pro, qui ont décroché de leur formation, soit des jeunes qui sont en formation, mais pour qui ça ne marche pas forcément bien et qui n’arrivent pas vraiment à accrocher ou être motivés pour continuer leurs diplômes. Nous sommes là pour essayer de donner envie de revenir à l’école, pour penser une réorientation professionnelle ; en résumé, aider à l’insertion professionnelle des jeunes qui ne souhaiteraient plus rester dans l’école, telle qu’on la connaît.

TVB : Quelle est la cause principale de décrochagescolaire?

CK : Les causes sont multiples, et il n’y en a pas une en particulier. Le plus souvent, le décrochage est dû aux difficultés sociales que la personne peut rencontrer : harcèlement, handicap, maladies... Il y en a aussi qui peuvent être en décrochage à cause de la sphère familiale qui peut poser problème, et nuire au bon déroulement de la scolarité. Dans ces cas-là, l’élève peut ne plus se sentir à l’aise en venant à l’école et va commencer petit à petit à « décrocher ».

TVB:Ledécrochagescolaireest-ilenhausse?

CK : Au niveau national, il y a plus de 200 000 jeunes concernés. Depuis 2013, il y a une politique de lutte contre le décrochage scolaire qui a réussi à réduire le décrochage scolaire de 40 %. Depuis 2020, les jeunes à partir de 16 ans ne sont plus en obligation d’être scolarisé, mais sont tout de même en obligation d’être en parcours de formation. Notre rôle est de trouver les jeunes avant qu’ils soient en décrochage, d’essayer de le prévenir le plus en amont possible et, en cas d’impossibilité de rester dans le système scolaire, de trouver une solution qui puisse davantage leur convenir. On travaille avec beaucoup de partenaires différents pour cela : les missions locales, des solutions alternatives comme les écoles de la seconde chance... L’important est de trouver une voie professionnelle.

TVB:Est-cequebaisserl’âgelégalpouraccéder au monde professionnel serait une solution au décrochagescolaire?

CK : Aller vers l’emploi à 16 ans, c’est déjà une grande avancée. Quand on baisse l’âge légal pour aller vers l’emploi, on augmente aussi parfois l’exploitation. Un jeune qui n’est pas formé, n’est pas assez solide pour évoluer dans le monde du travail, il peut aussi tomber sur un patron malhonnête qui peut lui demander de faire des choses en plus. L’exploitation peut être vite présente sur des publics très jeunes, donc si on n’est pas sur un cadre légal très bien fait, avec des patrons bienveillants, ça ne marche pas toujours. Je pense qu’on peut travailler davantage sur la prévention et redonner du sens à l’école pour beaucoup de personnes. Mais je ne crois pas que l’emploi à 16 ans soit une solution pour tous les jeunes.

Khalil,Théophile,BileletÉlodie Horn

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Carole Koulinequi travailleà l’Éducation nationale est venue répondre aux questionsdes jeunesde l’E2C69 ©TVB

MamadouDissa, directeur de la Mission Locale de Villeurbanne. ©Ibrahimpour

TVB

Mamadou Dissa : « Les missions locales sont le point d’entrée des jeunes en insertion »

En France, on compte environ 400 missions locales. Elles accompagnent les jeunes de 16 à 25 ans (jusqu’à 29 pour ceux en situation de handicap) en recherche d’emploi ou d’une formation. Nous sommes allés à la rencontre de Mamadou Dissa, directeur de la Mission Locale de Villeurbanne. Il nous a expliqué leur fonctionnement et leurs processus pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes.

TVB:QuellesestlerôledelaMissionLocale?

MD : Le rôle de la mission locale est d’être aux côtés de tous les jeunes de 16 à 25 ans recherchant une insertion sociale et professionnelle par le biais de la formation, de l’emploi ou de l’alternance. Elles existent depuis une quarantaine d’année et sont le principal point d’entrée des jeunes qui ne sont ni scolarisés, ni en alternance, ni en emploi. Les jeunes nous arrivent d’abord par le bouche-à-oreille, mais aussi via l’éducation nationale à travers le CIO (centre d’information et d’orientation), ou via les collectivités territoriales, les assistants sociaux, les centres de formation, Pôle emploi...

TVB:QueproposelaMissionlocale?

MD : Elle permet de s’informer et de se faire conseiller pour la recherche d’emploi, les contrats d’apprentissage, l’orientation et les formations qualifiantes. Ici, le jeune est accueilli par un conseiller référent. Au regard de sa situation, de son parcours, de ses envies, le conseiller apporte son savoir-faire. Un diagnostic de sa situation permet de mettre l’accent sur un type d’accompagnement, de dispositif, la mise en lien avec

un organisme... Un programme est mis en place pour mobiliser les bons outils. Par exemple, à Villeurbanne, nous avons des ateliers pour préparer au code de la route ou à la recherche d’emploi, l’orientation... Il y a aussi la formation, puisque les missions locales sont délégataires de l’État pour prescrire des actions de formation. Nous pouvons envoyer des jeunes dans des centres de formation agréés, avec une prise en charge complète. En 2022, plus de 50 % des jeunes accompagnés de façon intensive ont trouvé une solution : un emploi ou une formation qualifiante. La Mission Locale de Villeurbanne a accompagné 3 090 jeunes en 2021, dont 4 % étaient en situation de handicap.

TVB : Qu’est-ce que le Contrat d’engagement jeune?

MD : Il s’agit d’un dispositif mis en place par l’État le 1er mars 2022 pour proposer un accompagnement intensif (15 à 20h par semaine en moyenne) aux jeunes en recherche d’emploi. Ceux-ci reçoivent une allocation de 520 € par mois. L’objectif principal est l’emploi. La principale différence avec la Garantie jeunes réside dans le fait qu’il n’y avait pas l’obligation d’un engagement horaire.

TVB : Quelles sont les clés pour favoriser l’insertionprofessionnelledesjeunes?

MD : Le premier ingrédient, c’est le jeune lui-même, son envie, sa motivation, son énergie. Puis, c’est son choix d’un projet professionnel réaliste. Ensuite, il faut être bien préparé pour passer des entretiens d’embauche, en ayant la bonne attitude et la bonne compréhension de ce que l’employeur attend de vous. Et puis, il y a les opportunités, le fait de créer un réseau.

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Ibrahim,MickaëletMarieAlbessard
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Maxime Bontemps : « À la MMIe, nous croyons beaucoup en la rencontre »

Inaugurée en janvier 2019, la Maison métropolitaine d’insertion pour l’emploi (MMIe) rassemble 46 acteurs de la métropole lyonnaise, dont 37 communes. L’objectif est de proposer à tous demandeurs d’emploi, à partir de 16 ans, une multitude d’actions et d’événements pour leur permettre de rencontrer des entreprises et de trouver un travail. Entretien avec Maxime Bontemps, responsable des clauses sociales.

TVB:Quelsaccompagnementssontproposéspar laMMIe?

MB : À la MMIe, il n’y a pas d’accompagnement direct du public contrairement à d’autres structures. On ne fait pas de suivi au long cours. Par contre, on propose tout un tas d’événements et d’actions qui permettent aux demandeurs d’emploi de faire un pas de plus vers le retour à l’emploi. Nous avons plusieurs missions, la première étant la mobilisation des entreprises. À la MMIe, nous croyons beaucoup en la rencontre entre les entreprises et les personnes qui, pour une raison ou pour une autre, n’ont pas eu un parcours linéaire. Nous organisons donc 650 événements, chaque année, avec des thématiques différentes, parfois des événements très recrutement, parfois plus découverte. Nous avons aussi ce qu’on appelle la Nouvelle charte des 1 000 entreprises pour l’insertion et l’emploi. Les entreprises qui veulent s’engager choisissent parmi 20 actions concrètes à mettre en place pour favoriser l’insertion. La MMIe, c’est également une vingtaine de lieux d’accueil de proximité sur le territoire, pour répondre aux questions et orienter le public et les partenaires. Nous avons aussi une activité d’innovation sociale, dans laquelle on retrouve le projet FAIR(e).

TVB:Qu’est-cequeleprojetFAIR(e)?

MB : C’est un projet dont nous sommes lauréat, dans un consortium avec Pôle emploi, l’Olympique Lyonnais et différents autres acteurs, et qui propose un accompagnement collectif à des promotions de 35 demandeurs d’emploi pendant douze semaines. Ils font du sport, du théâtre, de la sophrologie, des ateliers de confiance en soi, de projection dans l’entreprise… Ça s’adresse plutôt à des demandeurs d’emploi qui ne sont pas fermés sur un projet professionnel. Et dès la troisième semaine, cinq entreprises viennent de façon hebdomadaire présenter leur structure, leurs métiers, et proposer à toute personne de la promo intéressée de lui faire passer un entretien, sans CV. L’objectif est que cette rencontre puisse déboucher sur un stage, et ensuite un contrat.

TVB : Vous êtes responsable des clauses sociales, pouvez-vous nous expliquer à quoi cela correspond?

MB : Je vais vous donner un exemple. Si la métropole de Lyon veut passer un marché pour refaire une route, nous allons intégrer dans ce marché une clause dite sociale qui impose une condition à l’entreprise attributaire du marché. On lui demande par exemple d’embaucher X heures une personne éloignée de l’emploi. Ça nous permet de nous servir de ces leviers d’achats publics ou privés pour imposer à une entreprise de recruter quelqu’un qui est plus éloigné de l’emploi que la personne lambda qu’elle a l’habitude de recruter. Ça permet à 2 600 personnes, chaque année, d’avoir accès à un contrat de travail, qui est une première marche vers l’emploi.

TVB:Est-cequelaMMIeestunestructureunique enFrance,ouenexiste-t-ildessimilaires?

MB : On est à la fois unique et similaire. Ce qui a motivé la création de la MMIe, c’est la fusion entre la communauté urbaine du Grand Lyon et le département, et donc la fusion des compétences de développement économique et d’insertion. L’idée politique, au départ, c’était de créer une structure qui ferait la jonction entre ces compétences. Aujourd’hui, ce qui pousse des communes et différents acteurs à travailler avec nous, c’est notre capacité à faire et notre agilité à déployer des actions ultra spécialisées sur des communes qui ont des besoins spécifiques. Après, on reste une maison de l’emploi au sens du Code du travail, et des maisons de l’emploi, il y en a partout en France.

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MaximeBontemps © MMIe
Carla,NouhaetRaphaëlleVivent

À l’ÉPIDE, la discipline est un outil pédagogique À

Meyzieu, dans le Rhône, l’ÉPIDE(Établissement pour l’insertion dans l’emploi) accueille près de 200 jeunes pour un parcours vers l’insertion professionnelle et sociale. Particularité de l’établissement : les codes du monde militaire qui y sont transposés.

En arrivant à l’Épide de Lyon-Meyzieu, la première chose que l’on voit est un drapeau bleu blanc rouge hissé en haut d’un mât. Chaque matin, les 200 jeunes de cet établissement pour l’insertion dans l’emploi assistent à la levée du drapeau. Tous portent un uniforme, chantent la Marseillaise le vendredi, s’adonnent à la marche au pas… « Tout cela est lié à notre histoire », indique Léa Santoni, la directrice. En effet, ces établissements ont été créés en 2005 par Michèle Alliot-Marie et JeanLouis Borloo, alors respectivement ministre de la Défense et ministre du Travail et de la Cohésion Sociale.

« Nous avons transposé des codes du monde militaire. Nous avons un attachement très fort au cadre et à la discipline, avec un fonctionnement très ritualisé qui rythmelajournée.Celle-cidébuteparexempleà6hpar duménage».Un fonctionnement qui séduit notamment des jeunes intéressés par les métiers de l’armée : 15 % d’entre eux se destinent à leur sortie à un métier de l’uniforme (armée, police…).

Unparcoursde8moisrenouvelable

Les jeunes sont âgés de 17 à 25 ans, et sont titulaires au maximum d’un baccalauréat. Dans cet établissement gratuit et financé par l’État, ils perçoivent une allocation de 460 €, et « 60 € sont capitalisés chaque mois pour eux et leur sont donnés lorsqu’ils partent », précise la directrice. Durant leur parcours (8 mois renouvelables, maximum 24), ils sont nourris et logés. « L’internat est obligatoire. Nous le percevons comme un outil pédagogique, car chacun partage sa chambre avec 4 autres personnes », ajoute Léa Santoni. Les valeurs de vivre-ensemble et de camaraderie y sont travaillées et chaque activité est l’occasion de les renforcer, à l’image d’une sortie laser game pour développer la cohésion d’équipe, par exemple. «Nousavonsuneapprochetrès individualisée du volontaire, mais l’idée est aussi de travaillertoutcequ’ilyaautour,aveclaformationaux matièresgénérales,lapratiquedusport,lamobilité,les sujets sanitaires et sociaux (administration, logement), l’éducation citoyenne…» détaille la directrice. « Notre approche sert leur projet professionnel et les fait aussi travailler sur l’estime de soi, la confiance. À la sortie, 98 % de ceux qui terminent leur parcours chez nous sontenemploiouenformationqualifiante».

Témoignages de jeunes

Séléna Jacques-Sermet—Briffard, 18 ans, à l’ÉPIDE depuis mai 2022

« La journée commence à 6h avec le ménage et la levée du drapeau. À partir de 8h et jusqu’à la fin de la journée, nous enchainons les ateliers d’1h30 : enseignement général, insertion professionnelle, informatique, permis… Avec des pauses entre chaque atelier et le midi. Le soir, nous avons quartier libre jusqu’à 22h. En arrivant, j’étais mineure et déscolarisée, sans idée de ce que je voulais faire. Depuis j’ai passé mon BAFA, mon Pix, j’ai fait mes heures de conduite, je recherche un emploi pour valider mon BAFA. J’ai fait un stage de 3 semaines dans une école et j’aimerais être animatrice ou éducatrice spécialisée. Avant de venir, j’appréhendais de ne pas m’adapter à l’autorité. Mais l’ÉPIDE m’a apporté de l’organisation et de la bienveillance envers les autres. »

Jordane Botto Maoulida, 19 ans, à l’ÉPIDE depuis octobre 2022 « Ce sont d’anciens volontaires de l’ÉPIDE qui m’ont parlé de l’établissement. Pour l’intégrer, on réalise d’abord une semaine test pour découvrir. Avant d’arriver, j’appréhendais de me lever tôt mais mon intégration s’est bien passée. Ce que j’apprécie, c’est que l’on a un bon entraînement en sport et nous avons refait nos lettres de motivation, CV. J’aimerais m’engager dans l’armée ou travailler dans le bâtiment ou la vente. »

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© Ibrahim pour TVB

EPNAK : mieux se connaître pour aller vers l’emploi

Établissement public spécialiste du handicap, l’EPNAK a pour mission d’accompagner les personnes en situation de handicap pour contribuer à leur insertion sociale et professionnelle. De nombreuses structures sont réparties sur toute la France, notamment dans le Rhône, à Lyon et à Villefranche.

En France, les personnes en situation de handicap ont un taux de chômage presque deux fois plus élevé que la population générale : 14 % contre 7,4 % selon les chiffres de l’ Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées (Agefiph) en 2022, et sont davantage concernées par le chômage de longue durée. Pour les aider à retrouver un emploi ou se faire une première expérience professionnelle, l’établissement et service de réadaptation professionnel (ESRP) EPNAK de Lyon leur propose des formations adaptées, encadrées par des équipes médico-psycho-sociales. Dans les locaux de l’ESRP, les personnes accompagnées peuvent se former à la vente, la cuisine, la mécanique automobile, le contrôle technique automobile, les métiers administratifs et le dessin en bâtiment. Mais l’établissement propose aussi une offre de formation hors-les-murs : « Ça permet aux personnes qui ont un projet de formation qui n’est pas dispensé ici de pouvoir bénéficier de notre accompagnement médico-psycho-social d’insertion. C’est aussi pour pouvoir coller au mieux aux projets des personnes », explique Sophie Dautraix, responsable d’unité de l’ESRP. « L’idée, c’est de construire avec elles un projet qui soit réaliste, réalisable et qui prenne vraiment en compte leurs appétences et les contre-indications liées à leur handicap », abonde

Cyndi Matchiona, cheffe de service à la plateforme d’accompagnement, d’orientation, de formation et d’inclusion professionnelle (PAOFIP) de Villefranche, établissement qui propose uniquement des formations hors les murs.

Objectif:lemilieuordinaire

Les formations sont gratuites et rémunérées pour toute personne de plus de 16 ans disposant de deux documents : la reconnaissance en qualité de travailleur handicapé (RQTH) et une notification d’orientation de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). « Mais attention, on n’accueille pas tout le monde»,précise Sophie Dautraix. «Notremission,que cesoitàlaPAOFIPouàl’ESRP,c’estd’allerverscequ’on appelle le “milieu ordinaire” du travail, c’est-à-dire le milieu classique, contrairement au milieu protégé. Ça veut dire que les gens qu’on nous envoie, certes, ont un handicap, mais qui leur permet quand même de travailler dans une entreprise traditionnelle ». La durée de l’accompagnement est très variable, entre 12 semaines pour le plus petit dispositif, et 27 mois pour le plus long. « Ça va dépendre de leur projet professionnel, de la scolarité antérieure, du métier d’avant, des aménagements au titre du handicap qu’il faut mettre en place. Donc il n’y a pas de vraies règles », explique Sophie Dautraix. Grâce à cet accompagnement personnalisé, les personnes passées par l’ESRP de Lyon ou la PAOFIP de Villefranche ont de meilleures chances d’accéder à l’emploi, assurent Sophie Dautraix et Cyndi Matchiona.«Quandellessont ici,lespersonnesseconnaissentmieuxetconnaissent mieuxleurslimites,leursqualités,leurscompétences. Parcequ’ilyaeusouventdesmomentsderupture,des moments de doute, beaucoup d’échecs avant d’arriver ici.Doncellesreprennentconfiancepourtravailleret sontmieuxoutillées», confirme Cyndi Matchiona.

Nouha,CarlaetRaphaëlleVivent

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Sophie Dautraix, àgauche, etCindy Matchiona, àdroite. ©Nouha pourTVB

Les Apprentis d’Auteuil, un pas vers l’insertion pro F

ondation reconnue d’utilité publique, Apprentis d’Auteuil a pour mission principale « de permettre à des jeunes qui sont confronté·es à des difficultés de devenir des “hommes et des femmes nouveaux·elles” », comme nous l’a expliqué Prune Hamard, responsable plaidoyer et communication dans la région Sud-Est.

La fondation porte une grande importance à la formation et à l’insertion professionnelle des jeunes. Elle cherche à accueillir et à soutenir des jeunes de 18 ans et plus, qui ont eu des parcours compliqués, qui sont démotivés par ce qui a pu leur être proposé avant.

Lesactionspourlaformationetl’insertion

D’après Prune Hamard, la volonté d’Apprentis d’Auteuil est de travailler autour des différentes problématiques périphériques que peut rencontrer le jeune (santé mentale et physique, logement, environnement de vie, etc.) afin de pouvoir développer les compétences clés qui l’aideront à s’insérer dans la vie active. Le parcours d’accompagnement Passeport pour Agir a été mis en place pour répondre à ces objectifs. « C’estvraimentça la spécificité de notre action : travailler en fonction du profildujeune», nous dit-elle.

Le dispositif formation / insertion cherche à travailler sur les compétences comportementales et techniques. Pour ce faire, l’apprentissage par la pratique, ou Act to Learn, est très valorisé. Notamment à travers des plateaux techniques comme les restaurants d’application La salle à manger à Confluence et à Fourvière. Ces restaurants d’application permettent de « se former aux métiers de la restauration, dans un environnement valorisant et réel,etenétantconfrontéàdevraisclients.C’estunvrai levierd’apprentissage», affirme Prune Hamard.

Ces plateaux techniques sont une des solutions proposées par le Pôle avenir emploi, un autre dispositif mis en place par la fondation. Ce pôle propose des formations certifiantes, dans un organisme certifié Qualiopi, qui aboutissent sur des titres professionnels.

Le pôle de Villeurbanne accueille des jeunes de 18 à 30 ans. Différentes formations qualifiantes y sont proposées dans différents domaines tels que la restauration

ou l’entrepreneuriat. Le pôle offre l’opportunité de suivre des formations courtes en partenariat avec des entreprises, souvent sur 3 mois. Ces formations permettent aux jeunes « d’être rapidement dans un rythme professionnel, de mettre le pied à l’étrier, afin deleurapporterunestimulationconsidérable,avecun salaireetlapossibilitéd’avoirunmétieràlasortiedela formation», explique Prune Hamard. Par exemple, sur le Pôle avenir emploi lyonnais, il existe une formation sur la logistique, en partenariat avec STEF, où les jeunes sont formés directement dans les entrepôts de l’entreprise.

Lafondationetsesmissions

Apprentis d’Auteuil développe, en France, dans les DOMs, et parfois à l’international, des dispositifs sur d’autres champs d’activités. Elle agit ainsi dans la protection de l’enfance, avec par exemple, des structures d’accueil pour les jeunes confiés par l’aide sociale à l’enfance, comme des Maisons d’Enfants à Caractère Social (MECS), des accueils de jour judiciaire et administratif, des familles d’accueil… La fondation agit également dans le champ de l’éducation et de la scolarité grâce à la présence d’établissements scolaires et en intervenant auprès de jeunes en décrochage scolaire ou touchés par la phobie scolaire. Elle a aussi une action de plaidoyer en faveur de la jeunesse en se faisant porte-parole des jeunes,«mêmesilemieuxrestequecesoitelleseteux qui portent leur propre parole et leur message, l’idée reste la même : faire connaître leurs problématiques pour que le regard change sur eux, notamment à traversleurstémoignages».Enfin, les familles se voient également proposer de l’accompagnement dans des maisons d’enfants, des maisons de familles ou grâce à la présence d’une crèche.

En chiffres

En France, les Apprentis d’Auteuil, c’est :

+ 30 000 jeunes pris en charge

+ 6 000 familles accompagnées

+ 300 établissements et dispositifs

En Auvergne-Rhône-Alpes, les Apprentis d’Auteuil disposent de 2 établissements scolaires, 1 crèche, 5 Maisons des Familles, 3 MECS, 1 résidence sociale, 3 restaurants-école, 1 lycée professionnel agricole…

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Témoignage de Sarah

Mon parcours pro

Je m’appelle Sarah, j’ai 16 ans.

J’ai arrêté l’école en fin de seconde car je n’aimais pas l’école et la filière dans laquelle j’étais. J’étais en lycée professionnel dans la filière fonderie, outillage, modelage. J’ai trouvé sur Internet la mission locale et je m’y suis rendue en septembre 2022.

Ils m’ont conseillé d’aller à l’E2C et ma rentrée fut début novembre 2022. Aujourd’hui, nous sommes en janvier 2023 et je me suis plutôt bien adaptée. J’ai l’impression que ça m’aide, c’est mieux que de ne rien faire.

Je fais des stages toutes les 2 semaines dans les domaines que je souhaite découvrir, pour essayer ensuite de pouvoir trouver un projet fixe. Malheureusement, beaucoup d’entreprises ne prennent pas de stagiaires sous prétexte qu’il faut être dans une école.

J’ai déjà fait un stage en tant que palefrenière soigneuse et en tant qu’ATSEM. Les domaines sont totalement différents mais cela m’a permis d’acquérir des connaissances et du savoir dans des secteurs qui peuvent potentiellement me plaire.

Les stages m’ont plu, mais je ne me vois pas travailler dedans. Cela m’a permis d’être dans la

réalité du monde du travail et donc de savoir déjà ce qui me plaît ou pas. Pour l’instant, je n’ai pas encore de projet, ou alors quelques vagues idées. Je continue mes recherches de stages en pharmacie ou dans le milieu hospitalier.

Je trouve ça compliqué de trouver ce que j’aime faire car, en réalité, j’ai l’impression de ne rien aimer. Et le fait de savoir que je vais me lever tous les matins à des horaires fixes pendant des années me répugne. Je préfèrerais être à mon compte, cela serait peut-être mieux.

Et si je devais donner des conseils aux autres jeunes, je dirai d’aller s’inscrire dans une structure telle que la mission locale ou l’E2C (d’autres structures existent), de faire des stages pour découvrir le monde du travail et de se projeter dans un secteur qui nous plaît, puis réfléchir sérieusement à ce qui pourrait nous plaire pour plus tard car le temps passe vite...

Possible, sensibiliser pour réinsérer les ex-détenus

Agir par l’information : c’est le crédo de l’association lyonnaise Possible. Elle organise des actions de sensibilisation pour le public, et notamment les jeunes, dont ceux engagés dans un parcours judiciaire. En faisant mieux connaître le fonctionnement de la justice et le milieu carcéral, l’association participe à faire tomber les a priori pour faciliter la réinsertion des détenus.

« La réinsertion ne peut passer que par l’implication de la société civile. 100 000 personnes sortent de prison chaque année et souffrent de stigmatisation et de discrimination dans l’accès à l’emploi, à la formation… Il faut qu’il y ait une volonté du public de les réintégrer », expose Marion Moulin, déléguée générale de l’association Possible. Cette dernière a été créée en 2014 pour promouvoir les alternatives à la détention. Elle a participé à un tour de France des travaux d’intérêt généraux (TIG), ces missions de travail gratuit, réalisées dans une association ou un service public, qui représentent des alternatives aux peines de prison. Elle a également contribué à donner naissance, en 2018, à l’agence nationale ATIGIP (agence du TIG et de l’insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice), dédiée à la promotion du TIG.

Aujourd’hui, l’association s’attache notamment à sensibiliser le grand public : «l’enjeuestderapprocher les Français de la justice en leur permettant d’avoir touteslesinformationspoursefaireunaviséclairé», pointe Marion Moulin. Pour cela, des rendez-vous au

tribunal pour assister aux comparutions immédiates, des « apéros justice » et des visites de la prison de Montluc sont organisés et ouverts à tous.

Desactionsd’informationpourlesjeunes

L’association s’adresse aussi particulièrement aux publics de 10 à 25 ans, parmi lesquels 50 % sont déjà dans un parcours judiciaire. «Ilsnoussontadresséspar des établissements scolaires, associations sportives, de quartier, MJC, écoles supérieures ou foyers de la protectionjudiciairedelajeunesse(PJJ).L’objectifest de leur apporter des clés de compréhension via des actions d’éducation à la justice et à la citoyenneté », expose Angèle Guitton, responsable des actions de sensibilisation auprès de la jeunesse.

Pour les jeunes déjà suivis par la justice, ces ateliers donnent des clés de compréhension sur son fonctionnement, leur font rencontrer des professionnels et d’anciens détenus qui témoignent de leur parcours de sortie de délinquance. « Ces connaissancesleurpermettentd’avoirdesrapportsplus apaisésaveclajustice», indiquent les professionnelles de Possible. Car en sortie de détention – « 80 % des sortiessontsèches:sansaccompagnement», rappelle Marion Moulin – les difficultés entravant la réinsertion professionnelle et sociale sont nombreuses : difficile accès aux droits communs (sécurité sociale, Pôle emploi…), au logement, endettement…

Selon l’Observatoire international des prisons (OIP), la jeunesse des détenus (plus d’un sur cinq a moins de 25 ans) et leur faible niveau de formation pourraient être des entraves à l’accès à l’emploi : 44 % des détenus n’ont aucun diplôme. C’est pourquoi l’association Possible va aussi développer des actions de sensibilisation auprès des recruteurs : « Nous voulons sensibiliser les différentes strates des entreprises (employés, DRH, responsables RSE…) pour qu’ils accueillent ce public de façon bienveillante, voire les pousser à s’engagerendéveloppantdesprojetsdédiés» indique Marion Moulin. « L’objectif du gouvernement est de doublerlapartdedétenusquitravaillentendétention d’ici 2027, mais cela nécessite que des entreprises s’implantent en détention, fassent travailler des détenus et pourquoi pas, les embauchent à la sortie. Cela implique aussi un travail de déconstruction des idées reçues car ce public peut inquiéter et demande uneffortd’accompagnementauxentreprises.»

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Ici,unjeudepistesurlesvaleursrépublicainesetlerôledelajustice,menéparl’associationPossibledanslecadredeGuill’enfête. ©Possible

Jardins de Cocagne, se réinsérer grâce au maraîchage

Muriel Verdone est l’ancienne directrice et cofondatrice du jardin de Lucie, à Communay, à 15 km de Lyon. Membre du réseau Cocagne, le jardin aide, depuis 21 ans, des personnes à se réinsérer par la voie du maraîchage.

TVB : Quel est votre rôle au sein des Jardins de Cocagne?

MV : Je m’appelle Muriel Verdone, j’ai été directrice d’un Jardin de Cocagne à Communay, dans le Rhône, au sud de Lyon, pendant 21 ans. C’est un jardin que j’ai créé avec deux amis et dont j’ai pris la direction. Je suis à la retraite depuis neuf mois, mais je suis encore active au sein du réseau Cocagne. Je suis au conseil d’administration et secrétaire du réseau. Aujourd’hui j’ai plus un rôle de réflexion par rapport au jardin.

TVB:Quelestlefonctionnementd’unJardinde Cocagne?

MV : Un Jardin de Cocagne, c’est une exploitation maraîchère. Au jardin de Lucie, il y a dix hectares et il y a une partie de forêt. L’idée d’un Jardin de Cocagne, c’est que c’est une activité qui ressource les personnes qui ont des gros soucis, que ce soit psychologique, physique, social. L’idée, c’est de les mettre dans la terre pourqu’ils se recentrent sur eux-mêmes et voir ce qu’ils peuvent produire. Les personnes vont planter soit

en plant, soit en graines, jusqu’à la récolte. Elles vont avoir le temps de voir ce qu’elles produisent et ensuite, de le mettre dans des paniers, de le vendre et d’avoir des adhérents qui viennent chercher leurs paniers de légumes. On accueille 35 personnes en insertion, ça peut être des jeunes, des vieux, des gens qui sortent de prison, qui simplement ont perdu pied suite à un divorce, une perte d’emploi… Ce qui est regardé en premier, c’est la motivation de la personne et l’envie d’être accompagnée pour un projet professionnel. Le but est à la fois de travailler, de faire de la formation, de faire de la découverte métier, visiter des entreprises, faire des stages... L’idée, c’est que le travail permette de se sentir mieux et d’avoir un salaire, puisque c’est payé au SMIC.

TVB : Comment faites-vous pour recruter des employés en insertion au sein des jardins ? Quelssontlescritèresàrespecter?

MV : Vous pouvez mettre votre CV en ligne et dire que vous aimeriez travailler au jardin. Ces CV nous sont transmis. Il faut avoir droit aux minimas sociaux, RSA, allocation de solidarité, etc. À ce moment-là, il y a une vérification administrative pour s’assurer que vous avez droit à ces aides. On a des jeunes à partir de 18 ans, mais à moins de 18 ans, on peut aussi faire des stages. Cela se négocie avec le directeur de la structure.

TVB:Combiendetempsdurel’insertion?

MV : Ce sont des contrats qui font deux ans maximum, mais qui commencent par un contrat de sept mois. Il y a un mois pour s’adapter et après il y a un rendezvous qui est fait avec le référent. Ensuite, les contrats peuvent être renouvelés quatre mois, six mois, un an. La question est toujours de savoir ce que vous allez faire si le contrat est renouvelé. Est-ce que cela va être utile ? C’est une discussion à avoir avec la personne concernée et ses motivations. Cela peut être de travailler encore un an parce qu’elle cherche un logement, donc il lui faut des fiches de paie. Certains veulent apprendre le français, apprendre à lire, calculer, mais ne se sentent pas encore à l’aise. Il faut, en repartant, que la personne puisse avoir une projection vers l’avenir et vers son projet.

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Khalil,Théophile,BileletÉlodie Horn MurielVerdonevenuenousparlerdesJardinsdeCocagneàl’E2C69. ©TVB

Terre de Milpa, à l’intersection des inégalités

Terre de Milpa, créée en mars 2020, dans les monts d’Or, est un chantier d’insertion, avec un projet d’agroécologie global. Ecoféminisme, accessibilité des produits bios, éducation à l’alimentation, habitat, ferme d’insertion et apprentissage de la permaculture, Terre de Milpa s’engage de façon intersectionnelle, à lutter contre les inégalités.

Gift, Laurent et Alice s’activent en cette matinée de janvier, sur la parcelle du chantier de maraîchage en insertion, sur laquelle ils travaillent depuis plusieurs mois. Située à Collonges-au-Mont-d’Or, à une vingtaine de kilomètres de Lyon, ils sont tous salariés en CDD d’insertion (CDDI), un type de contrat délivré par le statut d’atelier et chantier d’insertion (ACI) de Terre de Milpa. Laure Parasote, encadrante, apprend aux trois salariés à cultiver en permaculture et en maraîchage sol vivant. « Le maraîchage et le social sont complémentaires, il y a quelque chose de très ressourçant à travailler la terre. Les salariés occupent des contrats de 26h qui durent 7 mois et sont reconductibles jusqu’à 2 ans. Ils sont aussi accompagnéspourdéfinirleurprojetprofessionnel, ils peuvent faire des stages durant cette période pour explorer différentes pistes. », souligne Laure Parasote, qui a été bénévole à Terre de Milpa, avant de devenir salariée de la structure. Après une première année de production, il est temps de sortir de terre les tuyaux, permettant le goutte-à-goutte, une méthode d’irrigation particulièrement économe en eau, avant de mettre la terre au repos. Reste une partie des récoltes qui serviront à approvisionner les paniers vendus chaque semaine, en système d’abonnement, par Terre de Milpa.

Maraîchageetboulangerie

Des épinards, des poireaux, des choux, mais aussi de la salade, du fenouil, des blettes récoltées en serres, le tout en bio. Les courges, pommes de terre et radis noirs ont déjà été récoltés et stockés à la ferme, où se trouvent les locaux de l’ACI, à Saint-Didier-au-Mont-d’Or. C’est dans ces même locaux que les abonnés peuvent venir chercher leur panier, sous forme d’abonnement AMAP, ou les particuliers, à la belle saison, peuvent venir faire leur marché. Cette semaine, le four à pain situé dans la cour de la ferme a servi pour sa première fournée. À tour de rôle, les salariés pourront, en plus du maraîchage, mettre la main à la pâte et s’essayer à la boulangerie. Que ce soit du côté des encadrants, comme des salariés en insertion, c’est avant tout le projet et les valeurs défendues, qui leur a donné envie d’en faire partie. « Le projet était particulier et global, écoféministe, avec un modededécisionquiseveutégalitaireentrelesacteurs du programme. Cela m’a donné envie d’aller voir ce qu’il s’y passe », explique Laurent, seul homme des 3 salariés en insertion. Alice, qui travaillait auparavant dans le domaine de la culture a eu envie de donner une autre direction à sa carrière. Elle est très satisfaite de son choix de venir apprendre à cultiver les 1 500 m² de planches cultivées. En parallèle, une quarantaine de bénévoles font vivre l’association, eux-aussi attachés aux valeurs affichées par Terre de Milpa.

L’agriculture,unehistoiredefemmes

Derrière ce projet, toute une équipe, mais pour ses fondations, une femme, Olivia de Roubin, cofondatrice de Terre de Milpa, ingénieure civile de formation. Tout a commencé, lorsqu’elle a décidé de suivre un MOOC sur la création d’un écolieu en 2016. Elle écrit alors ce qui deviendra le cahier des charges de Terre de Milpa. Le temps que mûrisse le projet et de rencontrer ceux qui la suivront dans cette aventure, Terre de Milpa est créé

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INSERTION PRO
© Elodie Horn /TVB

en mars 2020, avec 4 autres personnes. Le mot d’ordre : avoir un projet global. « Nous sommes à la fois une ferme d’insertion et d’apprentissage à l’agroécologie, avec un projet d’accessibilité à de bons produits. À terme,noussouhaitonsproposernospaniersautiersde leurvaleur.Pourlemoment,cen’estpasencorelecas, noussommesencoreenphasededémarrage,avecune vingtainedepaniersvendus,notammentànossalariés. Un partenariat avec Habitat et humanisme est aussi prévu pour créer, non loin d’ici, un jardin vivrier, afin d’en faire un vecteur social entre 7 futures habitations. Nous aimerions aussi proposer des hébergements pour certaines femmes salariées qui seraient dans des situationscompliquées»,explique Olivia de Roubin, pour

laquelle la démarche féministe de l’ACI est importante. «L’agricultureatoujoursétéunehistoiredefemmes.70 % des humains dans le monde sont alimentés par une agriculture locale et vivrière. La majorité du temps, ce sontdesfemmesquis’enoccupent.DansTerredeMilpa, il y a aussi l’enjeu de la réappropriation des questions agricoles par les femmes », souligne-t-elle. En 2023, ce sont 3 nouveaux salariés en insertion qui devraient venir agrandir l’équipe. Olivia de Roubin s’y engage, chez Terre de Milpa, la parité sera toujours respectée.

Zoom sur un dispositif de Pôle emploi

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Desinstitutionspouraider,s’orienter, trouverunevoie

Missions locales www.missions-locales.org

MMIe https://lyonmetropole-mmie.fr

Maison pour l’emploi - ALLIES www.maison-lyon-emploi.fr/nos-missions/allies.html

Pôle Emploi Jeunes www.pole-emploi.fr/region/auvergne-rhone-alpes/ candidat/jeunes.html https://travail-emploi.gouv.fr/emploi-et-insertion/ mesures-jeunes/

1 jeune 1 solution www.1jeune1solution.gouv.fr 0801 010 808 (gratuit)

Territoire zéro chômeur de longue durée www.tzcld.fr

Le Service civique www.service-civique.gouv.fr

L’alternance www.alternance.emploi.gouv.fr

CRIJ www.info-jeunes.fr

La CAF donne une aide à l’insertion pro www.caf.fr

Les chantiers jeunes www.jeunes.gouv.fr/les-chantiers-de-jeunesbenevoles-280

Lesstructuresévoquées

Ecole de la deuxième chance https://reseau-e2c.fr www.E2C69.fr

EPIDE www.epide.fr

Apprentis d’Auteuil www.apprentis-auteuil.org

EPNAK www.epnak.org

Jardins de Cocagne www.reseaucocagne.org

Terre de Milpa www.terredemilpa.fr

Possible www.association-possible.fr

INJEP https://injep.fr

Le mentorat Article 1 https://article-1.eu

Télémaque www.telemaque.org

D’autresressources

La Cravate Solidaire (entraînement à l’entretien et stock de vêtements pro) https://lacravatesolidaire.org

Mozaïk RH (inclusion économique des talents de la diversité) https://mozaikrh.com

Viens voir mon taf (réseau pro pour les jeunes) www.viensvoirmontaf.fr

APEC (pour les jeunes diplômés) www.apec.fr

Nos quartiers ont du talent https://nqt.fr

La ville de Lyon a répertorié les structures de l’insertion par l’activité économique (SIAE) sur son territoire, dans un annuaire à retrouver via ce lien : https://mairie9.lyon.fr/sites/mairie9/files/content/ documents/2021-08/Annuaire%20SIAE%20oct2019.pdf

pour
Ressources
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Hors-série réalisé dans le cadre d’un atelier Crée ton journal de TVB, avec les stagiaires de l’école de la deuxième chance, et avec le soutien financier de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, de l’Agence nationale de la cohésion des territoires et du Fonds de développement de la vie associative.

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