La Samaritaine - Valeur rhétorique de l'authenticité et esthétisation du patrimoine/Thomas Tournade

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La Samaritaine

Valeur rhétorique de l’authenticité et esthétisation du patrimoine

Comment le projet de restructuration de la Samaritaine, derrière un discours conservationniste et historiquement rigoureux, révèle-t-il une vision contraire du patrimoine ?

Thomas Tournade

Enseignant : Mazen Haidar

École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Malaquais

D7 Histoire et pratiques de la restauration architecturale 2022 - 2023

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Le projet de restauration de la Samaritaine par le groupe LVMH, achevé en 2019, pose par la juxtaposition polémique entre une architecture contemporaine et une restauration de haute qualité, la question du rapport à l'authenticité dans le travail patrimonial. En effet, ce paradoxe apparent entre une approche dans la rupture et l'autre dans la conservation minutieuse, nous interroge sur la posture adoptée par le groupe, et notamment sur les raisons qui motivent un discours patrimonial précis. Il nous amène à concevoir l'approche du patrimoine comme une position critique et non pas objective. Alors, nous pouvons nous demander comment le projet de restructuration de la Samaritaine, derrière un discours conservationniste et historiquement rigoureux, révèle-t-il une vision contraire du patrimoine ? Si d'abord nous nous intéresserons à l'attitude face à l'existant et à la signification de l'objet Samaritaine, nous aborderons ensuite les interventions contemporaines sur le bâti, et la manière dont ils battent en brèche le discours même qui structure les destructions évoquées en première partie.

La Samaritaine est un grand magasin parisien fondé en 1870 et caractérisé à la fois par ses développements successifs et son identité spécifiquement populaire. En 2001, la Samaritaine est cédée au groupe LVMH qui ordonne sa fermeture en 2005, pour près de quinze ans de travaux. A sa réouverture, le grand magasin parisien pensé par son fondateur pour ceux "qui ont un budget modeste et regardent au sou près quand ils achètent" est transformé en un flagship store pour les marques les plus luxueuses du groupe LVMH et accueille soixante-dix chambres du tout dernier palace parisien : le Cheval Blanc.

Ce sujet semble revêtir un intérêt majeur en permettant d'éclairer le rôle du patrimoine en tant qu'objet malléable, d'image et de communication. De plus, il nous invite par là à explorer l'arbitraire du travail sélectif qu'est la restauration, en regard des principes que l'on peut édicter pour chercher à y échapper. Enfin, il permet aussi de s'intéresser à la place de l'initiative privée dans la gestion du patrimoine, et précisément d'interroger la compatibilité de ses objectifs commerciaux avec la conservation au long terme d'un patrimoine complexe. En définitive, le sujet de la restructuration de la Samaritaine convoque la relation entre l'authenticité formelle et

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l'authenticité conceptuelle, ainsi que la manière dont leur mise en conflit permet l'édiction de narratifs particuliers.

L'impact de ce projet en termes de communication fut majeur, et en témoigne notamment l'importante quantité d'articles de presse généraliste en traitant. Pour autant, à la fois la presse architecturale et la recherche scientifique n'abordent que peu ce sujet, si ce n'est pour évoquer le travail de SANAA sur la Rue de Rivoli ou la qualité de la restauration du travail artisanal. La rhétorique du groupe LVMH -quant à elle- est rarement interrogée, si ce n'est par la presse de gauche, et souvent au moyen de récits personnels d'anciens employés. Au vu de cet état de l'art, la méthodologie de cet article a consisté en un travail important sur la presse généraliste et les déclarations ou communiqués des acteurs du projet. Ainsi, il s'agit de confronter les postures et la manière dont elles sont reçues et comprises par le grand public ; c'est-à-dire comprendre les volontés d'orientation de la perception du patrimoine, et leur effectivité. L'analyse du discours généraliste est confrontée à un corpus théorique permettant de déconstruire les discours, et de comprendre leur relation matérielle à l'objet patrimonial. Pour autant, ce travail aura été limité principalement par l'absence d'une documentation visuelle et technique riche quant à l'état antérieur de la Samaritaine, en particulier au cours de la deuxième moitié du XXè siècle. Ces lacunes parlent en elles-mêmes de l'appréciation et de la perception précise de cette époque de l'architecture et de l'histoire de la Samaritaine. Aussi, il aurait été intéressant de développer un contact déjà établi avec d'anciens employés pour enrichir notre compréhension historique, mais le temps du semestre fût trop limité. Pour les mêmes raisons, il n'a pas été possible d'accéder à la terrasse Nord de l'hôtel Cheval Blanc, nonaccessible en cette période de l'année.

Ce développement cherche en définitive à construire une analyse critique du travail de la Samaritaine, au-delà de ses qualités souvent relevées, et occultant de ce fait les défauts du projet. A travers cette étude, ce sera l'occasion de chercher à comprendre les enjeux complexes articulés autour de la restauration du patrimoine, et la signification des approches choisies. Nous pourrons aussi évidemment interroger la signification de notions très souvent simplifiées et impensées en architecture, comme l'authentique, l'histoire ou la valeur.

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Ci-contre : document complémentaire à l'introduction sur l'organisation du plan et la chronologie de la Samaritaine.
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Comme annoncé initialement, nous allons d'abord chercher à discerner l'approche revendiquée par le groupe, ainsi que ses implications pour le patrimoine existant. En effet, la restauration effectuée est le résultat d'un choix renvoyant à une vision de "l'authenticité" particulière, impliquant nécessairement d'éliminer ou d'occulter des étapes de l'histoire et leur matérialisation.

De toute part, le projet de LVMH est vanté et qualifié en des termes qui renvoient à une approche philologique. Le groupe lui-même en parle comme d'une restauration "fidèle à l'esprit des lieux1", et le président de la République vante lui aussi la "restauration" de ce "trésor patrimonial français2 ". La presse généraliste elle, parle de "renouer avec la splendeur" originelle du bâtiment3 , quand la maitrise d'œuvre évoque la "renaissance d'un symbole parisien4". Bref, toutes ces évocations renvoient la Samaritaine à une mort supposée, et à une renaissance qui ne serait finalement que le retour d'un passé radieux. Ainsi, l'approche restauratrice du groupe LVMH (bien que les termes de rénovation, restructuration ou réhabilitation soient aussi utilisés, et souvent inconsidérément) consiste en un retour à ce qui est considéré comme un original : le projet de Henri Sauvage, datant de 1928. Ce postulat soulève nécessairement des questions inhérentes au travail sur le patrimoine. Tout d'abord, quant à la pertinence d'un retour à l'origine, au "tel qu'il était5", dans les mots de Cesare Brandi, historien de l'art du milieu du XXè siècle. Cette aspiration est pour lui la "négation du principe même de la restauration." C'est que, en se positionnant ainsi, on chercherait à échapper à l'histoire, à la sédimentation du temps, aux traces qu'il laisse et aux altérations qu'il produit C'est ce phénomène qui est appelé "valeur

le "retour à l'origine". (Auteur inconnu, "Uncovering the ghost of an iconic Department Store," Messy Nessy, https://www.messynessychic.com/2016/09/29/uncovering-the-ghost-of-an-iconic-department-store-thebloomingdales-of-paris/).

1 LVMH, "La Samaritaine rouvre ses portes au public après une rénovation hors-norme et réenchante Paris," 21 juin 2021, https://r.lvmhstatic.com/uploads/2021/06/cp_samaritaine_21.06.2021_vf-1.pdf

2 La Rédaction, "Réouverture de la Samaritaine : Macron salue un trésor patrimonial français," Paris Match, 21 juin 2021, https://www.parismatch.com/Actu/Politique/Reouverture-de-la-Samaritaine-Macron-salue-un-tresor-patrimonial-francais-1743850

3 Paulien Delassus, "La Samaritaine renoue avec sa splendeur," Paris Match, 28 juin 2021, https://www.parismatch.com/Actu/Societe/La-Samaritaine-renoue-avec-sa-splendeur-1744792

4 "La Samaritaine : renaissance d'un symbole parisien," Egis Group, consulté le 10 janvier 2023, https://www.egis-group.com/fr/projets/la-samaritaine

5 Cesare Brandi, Théorie de la restauration (Paris : Éditions Allia, 2011), 50

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Fig 1 : Planche photographie détaillant les travaux du 20 mars 1927 au 14 juillet 1928. (Date inconnue) Le projet Sauvage fût précédé d'une façade réalisée par Frantz Jourdain sur la Seine en 1910. Décriée à son époque pour son extravagance et la "laideur" qu'elle imposait au panorama des bords de Seine, elle n'est jamais évoquée dans

d'ancienneté" par Aloïs Riegl6 , historien de l'art de la fin du XIXè siècle. Le projet de LVMH, en cherchant à retirer les traces du passé évoquées à travers ce travail, se positionne donc dans une approche qualifiée de philologique, qui place la valeur de l'objet architectural dans son moment créateur, dans un instant passé et figé face auquel toute altération serait alors nécessairement condamnable, et donc ici, à supprimer. C'est alors la "valeur historique", conceptualisée par A. Riegl7 , qui est privilégiée : celle du témoin architectural d'une époque, de techniques, d'une culture particulière. Et c'est surement là un projet délibéré de la part du numéro un mondial du luxe, que d'utiliser la puissance d'évocation que revêt le début du XXè siècle quand il s'agit de grands magasins, de commerce de luxe et d'élégance. Mais, cette approche que nous avons qualifiée de philologique, qui se revendique d'une forme de fidélité conceptuelle à ce que "serait" la Samaritaine, relève paradoxalement d'une réelle rupture avec l'identité du grand magasin.

En effet, comme introduit précédemment, la Samaritaine s'est toujours démarquée par son identité de grand magasin populaire (Annexe A) Or, dans la mise en œuvre du projet de restauration renvoyant à la Samaritaine de 1928, les additions récentes ainsi que celles qui incarnaient pourtant physiquement l'esprit populaire et accessible du magasin ont dû être supprimées.

Cet héritage, qui valait à la Samaritaine les qualificatifs de "foire8" ou de "boutique de quartier9 " n'était pas en adéquation avec le projet du groupe LMVH, beaucoup plus ouvert vers l'international et visant une clientèle plus bourgeoise. C'est donc qu'à ce choix économique, il faudrait, en temps qu'architectes, adjoindre nécessairement le fait que tout ce patrimoine ordinaire n'est pas considéré par la maitrise d'œuvre. Dans ce projet, la valeur à la fois des additions postérieures aux années trente, et en même temps des éléments historiques qui incarnent l'esprit populaire de la Samaritaine, est négligée ou même disqualifiée.

D'abord, nous pouvons évoquer les additions "modernes". Nous aborderons deux cas spécifiques, car particulièrement parlants. D'abord, l'ensemble des travaux qui ont été menés sous la grande verrière pour tamiser sa lumière et cacher la Fresque des Paons (Fig 2.). Au-delà des canons esthétiques contemporains, cette intervention existe en tant que "document", comme produisit : ici, la tension d'une part d'autre part, l'architecture du site

6 Aloïs Riegl, Le culte moderne des monuments (Paris: L'Harmattan, 2003), 75

7 Ibid, 81.

8 Stéphanie Platat, "Les Samaritain(e)s," Libération, 15 juin 2005, https://www.liberation.fr/grand-angle/2005/06/15/les-samaritaines_523488/

9 Ibid.

10. Brandi, Théorie de la restauration, 40.

Jusqu'en 1985, la

de la Samaritaine se cachait derrière une structure en métal filtrant la lumière, et la célèbre Fresque des Paons était enduite de peinture blanche. (Auteur inconnu, "Uncovering the ghost of an iconic Department Store," Messy Nessy , https://www.messynessychic.com/201

6/09/29/uncovering-the-ghost-of-aniconic- department- store-thebloomingdales-of-paris/)

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Fig. 2 : Vue sous la grande verrière de la Samaritaine (date inconnue). grande verrière

pourtant produite spécifiquement pour faire entrer la lumière naturelle, à une époque où elle était la seule source d'éclairage. Elle incarne aussi le rejet du style floral et précieux de la Fresque des Paons, jugée trop lourde dans les années 1970 et recouverte de peinture blanche jusqu'en 1985. D'après C. Brandi, c'est en cela et non pas uniquement en des termes esthétiques que l'on pourrait s'intéresser à ce leg. Ces interventions renvoient par leur biais aux canons, et surtout aux postures d'une époque donnée quant au patrimoine. Elles indiquent que les hiérarchies que nous introduisons entre les époques et leurs productions sont relativement arbitraires et le fruit du moment historique dans lequel elles s'inscrivent. Ainsi, en tant que telles, les additions évoquées sous la grande verrière auraient pu être considérées non pas comme parasites, mais plutôt comme des marqueurs "incontestables11 " de l'histoire du bâtiment et de ses perceptions, dans laquelle le geste contemporain s'introduit nécessairement. A moins que l'intervention ne s'intéresse pas seulement au patrimoine en tant que tel mais aux manières de l'utiliser pour, précisément, l'orienter à des fins définies ; auquel cas rejeter l'histoire fluctuante de la Samaritaine au profit d'une esthétisation fantasmée pourrait mieux s'entendre… Ce qui est supposé ici se lit plus précisément dans le traitement réservé aux éléments historiques incarnant matériellement l'esprit authentique de la Samaritaine. Sont évoqués par là des éléments structurants de l'activité marchande populaire du grand magasin, tels que la diversité de l'offre, les stands de vente dans la rue (Annexe B), ainsi que la présence de grandes enseignes sur la façade sud, face à la Seine. Ces composantes de l'ensemble architectural et de son aménagement, bien que pouvant paraître secondaires, semblent pourtant essentielles pour comprendre l'approche du patrimoine dans le projet de la Samaritaine. En effet, au fil des années 1990, le "côté foire commerciale (qui) ne collait plus à l'image qu'ils (LVMH) voulaient donner au magasin12", a été supprimé : d'abord les stands et cabanes de démonstrateurs sur la Rue de Rivoli et les quais de Seine jugés trop peu chics, ensuite les vitrines animées. Plus tard, c'est le rayon bricolage pourtant "emblématique" qui s'appauvrit et finit par fermer, et en même temps "l'âme du magasin qui est partie avec" rapporte un salarié13 . Encore une fois, d'un point de vue de conservation patrimoniale, la valeur historique de ces témoignages n'est pas considérée. D'abord, comme évoqué précédemment, en tant que documents historiques relevant entre autres l'histoire du commerce populaire dans le cœur de Paris. Mais surtout, le choix fait de ne pas considérer la valeur de ces héritages relève en réalité d'un déracinement du patrimoine. A travers l'objet architectural de la Samaritaine, nous pouvions voir un objet de mémoire, s'inscrivant dans une continuité historique et où l'usage demeurait la valeur suprême ; où à travers les altérations diverses, nous pouvions regarder l'évolution du commerce populaire à Paris, les populations à qui il s'adressait, les modes et un grand nombre d'autres marqueurs de la vie quotidienne. C'est ce que l'historien Pierre Nora qualifie d'objet mémoriel, c’est-à-dire un objet qui, à travers la réactivation permanente et inconsciente de savoir-faire, de gestes et d'objets, fait exister la vie et un "lien vécu au présent éternel14". Au contraire, l'intervention du groupe LVMH -en s'extrayant de ce lien vécu- accouche d'un objet historique. C’est-à-dire un objet prosaïsé, froidement mis à distance et regardé comme tel. L'objet historique est admiré, alors que l'objet mémoriel est pratiqué, comme il l'a toujours été ou dans la filiation d'altérations successives. Pierre Nora dit précisément que "l'Histoire est la délégitimation du passé vécu15", puisqu'elle rejette effectivement la continuation de ce passé en tant que pratique légitime. C'est pour nous le fil conducteur de ce travail de "restauration", c'est-à-dire l'aval constant de l'historicisation sur la mémoire du lieu, des pratiques et des personnes qui les mettaient en œuvre. La Samaritaine devient, via ce choix pourtant revendiqué de retour philologique, un

11 Ibid, 40.

12. Platat, "Les Samaritain(e)s."

13. Ibid.

14 Pierre Nora, "Introduction : entre Mémoire et Histoire," in Les lieux de mémoire, Tome 1 : la République, dir. Pierre Nora (Paris : Gallimard, 1997), XIX.

15 Ibid,

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objet malléable, qui renvoie à un fantasme historique, extrêmement distant de ce qu'elle était effectivement par le passé. Or, l'identité spécifique de la Samaritaine des années folles en tant qu'incarnation d'une volonté de servir les parisiens qui travaillent, incarnation aussi du paternalisme social qui animait ses fondateurs, cette identité n'a pas d'intérêt commercial pour le groupe LVMH. L'intérêt qu'il peut trouver dans l'objet architectural de la Samaritaine est le renvoi qu'il permet beaucoup plus largement, à l'époque entière des années folles, du début du siècle qui rime pour beaucoup avec un certain faste et une élégance, comme nous l'évoquions plus tôt. Ainsi, nous pouvons commencer à douter fortement de la fidélité de l'approche dite conservationniste qui revendique la renaissance de la Samaritaine. L'objet accouché à l'issue de ces quinze années de travaux ne serait-il pas un produit strictement différent, voire même contraire à ce qu'avait été la Samaritaine jusqu'ici ? Dans quelle mesure pouvons-nous dissocier le patrimoine dans ce qu'il a de matériel, de ce qu'il incarne et de ce à quoi il renvoie ?

Pour conclure sur les implications de cette démarche philologique, il semble particulièrement intéressant de s'intéresser à la problématique majeure qu'est l'introduction des normes contemporaines dans un projet tel. Au-delà de la qualité du travail artisanal de restauration sous la grande verrière du projet Sauvage, c'est aussi la présence de très nombreux ajouts clairement contemporains qui frappe le regard. A la différence des développements précédents, nous traiterons ici plus largement de la pertinence sémantique d'une approche philologique, face à la lourdeur du cadre normatif. Le point ici évoqué ne relevant pas d'une posture délibérée du groupe LVMH, il semblerait injustifié d'en faire le fondement d'une critique spécifique.

En effet, de nombreuses interventions contemporaines remarquées consistent à introduire le respect des normes, entre autres PMR et incendie

D'abord, les interventions ayant trait au respect des normes thermiques. L'installation d'un verre éléctrochrome sur la grande verrière est la plus omniprésente dans l'atmosphère du projet (Fig 3). Ce verre, destiné à limiter l'effet de serre en périodes de fortes températures16 , permet d'éviter l'utilisation massive de climatisation et ainsi de respecter certains objectifs écologiques. Pour autant, par les jours les plus lumineux, il a pour effet de remplir l'atrium d'une lumière sombre et bleutée. Ainsi, dans ce grand espace conçu pour que la lumière transcende son rôle purement prosaïque d'éclairer, et devienne ainsi un élément de l'architecture, l'installation de ce verre éléctrochrome la ramène à un rôle froid d'éclairage pur. Dans cette même démarche initiale d'éclairage, l'architecte avait installé des planchers en dalle de verre.

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Fig. 3 : Vue sous la grande verrière en 2021 (Crédit : We Are Contents). Le verre éléctrochrome utilise un procédé teintant le verre pour tamiser la lumière, baignant ainsi l'atrium d'une couleur bleutée. (We Are Contents, Aéris Fontaine, "Rentrez dans la Samaritaine à Paris," Ancré Magazine, 22 juin 2021,
https://ancre-magazine.com/samaritaine-paris-infos-ouverture-adresse/

Précisément, à ce sujet, les interventions ayant trait à la sécurité incendie sont aussi très présentes dans cet atrium. Pour l'essentiel, nous parlerons effectivement de la dépose des planchers en verre et de la création de dalles en béton d'environ trente centimètres d'épaisseur. Initialement, ce plancher reposant sur des structures métalliques, était conçu de manière à permettre à la lumière du jour de descendre jusqu'au rez-de-chaussée (Fig. 4) Pourtant, dès la fin des années 1980, les rapports de sécurité incendie alertent sur la faible résistance au feu de ces structures C'est la raison principale avancée par le groupe LVMH pour fermer le magasin en 2005.17 Aujourd'hui, tous les planchers ont été réalisés -comme préconisé- en maçonnerie pleine et couverts d'un dallage maçonné opaque. Exception faite au dernier étage où les dalles en verre ont été conservées, toujours sur une dalle en béton cependant. Alors, une fois de plus, quelle place reste-t-il pour les intentions de l'architecte ? Quelle lumière dans un magasin pensé pour fonctionner autour de l'éclairage naturel ? Les planchers ont aujourd'hui des rives environ

voyons d'abord, à gauche, l'épaisseur de plancher rajoutée sur la structure métallique d'origine.

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17. LVMH, "Communiqué de presse," 21 juin 2021, https://www.lvmh.fr/actualites-documents/communiques/communique-presse-12/ Fig. 4 : Photographie de l'escalier principal entre le rez-de-chaussée et le premier étage (Crédit : Image personnelle). Cette image résume tous les points évoqués. Nous Ensuite, sur le garde-corps, le vitrage et les entretoises en inox. Enfin, les bandes podotactiles au sol.

deux fois plus épaisses qu'originellement, obligeant -dans un contraste saisissant- à superposer une structure en bois aux poutres métalliques d'origine

Enfin, l'un des points majeurs, que ce soit dans l'esthétique ou dans les mots propres de l'architecte en chef des monuments français,18 est l'ensemble des ajouts relatifs à la sécurité des personnes. D'abord, l'installation de bandes podotactiles sur les escaliers pour respecter les normes PMR, mais aussi, et peut-être d'une manière plus saisissante, l'installation quasisystématique de vitrages sur les garde-corps en ferronnerie, afin de limiter les risques de chute. Dès lors, la finesse de ce travail artisanal est mise à distance du client, comme mise sous verre dans un musée ou une vitrine. Là où avant, l'élégance du travail du métal jouait avec les lumières, elle se fait aujourd'hui plus discrète derrière les reflets, les tranches épaisses et les entretoises en inox.

Une fois de plus, ces points relevés ne sont pas une critique du projet de restauration en tant que tel, mais permettent de soulever la question de ce qu'est un identique, et de l'intérêt que peut revêtir ou non sa quête. Comme le relève C. Brandi, chercher à retrouver le "Où il était, tel qu'il était" présuppose que "l'œuvre d'art (est) reproductible à volonté19". Peut-on décemment aujourd'hui penser restituer d'une manière identique, un projet conçu pour une société foncièrement différente, où l'électricité n'existait pas, où les structures sociales n'étaient pas les mêmes ? Le constat opéré ci-dessus quant aux nécessaires adaptations nous dit que non. Mais il nous amène alors nécessairement à repenser l'attitude adoptée par le groupe LVMH quant aux additions successives sur le projet d'origine. Si adapter aujourd'hui au contexte législatif et moral de notre société est considéré légitime de l'emporter sur l'exactitude historique de la restauration, pourquoi alors, les interventions évoquées plus tôt (celles de la deuxième moitié du XXè siècle), ont-elles été si facilement disqualifiées ? Il n'est pas possible de penser notre époque comme légitime à opérer des altérations telles, tout en rejetant en bloc la valeur des précédentes. Cela semble relever d'une conception assez limitée de l'histoire et précisément de ce qu'elle a de fluctuant. Comme si elle n'était finalement qu'une origine et un présent, clairement distincts, et qu'ils dialoguaient seulement entre eux, le reste des époques étant exclu des considérations de valeur. Comment dès lors, avoir une approche complexe et la plus entière possible d'un projet de restauration, encore plus sur un bâtiment si emblématique et ayant accumulé près d'un siècle d'une histoire si unique ?

A travers ce développement autour de la mise en œuvre de la démarche théorisée comme philologique par le groupe LVMH, nous avons constaté une approche particulière de l'idée d'authenticité. En orientant le projet ainsi, la maitrise d'ouvrage a esquissé les contours précis de ce que serait la Samaritaine pour elle, dans une forme d'idéal historique abstrait. La disqualification de la valeur des traditions et des héritages propres à la Samaritaine en tant que grand magasin populaire, est ici le prérequis matériel à l'édification d'une nouvelle image de marque. Celle-ci alors, semble bien plus concernée par le storytelling affriolant que cette architecture articule, que par le récit historique complexe qu'elle peut véhiculer. Cette hiérarchisation des valeurs produites par l'Histoire, au service d'intérêts commerciaux privés questionne. D'abord, comment édicter une règle objective permettant de confronter les intérêts parfois concurrents que façonne le patrimoine, ce que Riegl appelle les valeurs ? Si cela ne semble pas possible, comment alors, soumettre ces attributions à l'arbitraire très éphémère qui est celui du commerce, et qui nécessairement, cherchera le profit avant de chercher l'authenticité. C'est d'ailleurs une posture qu'esquisse Bernard Arnault : "seul un groupe familial pouvait se lancer dans un tel investissement sans retour pendant 15 ans20". Certes, en tant que

18. "La Samaritaine LVMH : une restauration d'exception pour un chantier qui fût très contesté." France Culture, consulté le 10 janvier 2023, https://www.radiofrance.fr/franceculture/la-samaritaine-lvmh-une-restauration-d-exception-pour-un-chantier-qui-fut-tres-conteste-7798260

19. Cesare Brandi, Théorie de la restauration (Paris : Éditions Allia, 2011), 50.

20 Philippe Bertrand, "Quinze ans après, la Samaritaine rénovée rouvre ses portes," Les Échos, 21 juin 2021, https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/quinze-ans-apres-la-samaritaine-renovee-rouvre-ses-portes-1325428

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tel, l'acte financier était impliquant. Mais, il parle bien ici d'investissement et de retour, c’està-dire de l'opération de restauration comme d'une opération financière et non pas philanthropique. C'est pour cela que nous parlions au début de ce travail d'image, et de pouvoir d'évocation. Parce que ce projet demeure essentiellement un projet commercial, et qu'il a donc pour principe fondamental d'attirer et d'inciter. C'est cependant ce qu'a toujours été la Samaritaine, et dont l'architecture lisible et extravagante témoigne. Pourtant, elle doit aujourd'hui devenir un autre objet commercial, attirer une autre clientèle et générer autrement plus de revenus. Alors, nous pouvons nous demander, au-delà des choix de conservation abordés précédemment, quelles ont été les décisions faites pour augmenter la capacité, la valeur et l'image du bâtiment à travers des gestes contemporains, et sur quels principes s'appuient-ils pour intervenir sur un objet dont la qualité esthétique originelle a été sacralisée par le projet luimême ?

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En effet, le projet de restauration de la Samaritaine a pour la plus grande partie été médiatisé à travers le projet de SANAA sur la rue de Rivoli, qui valut un procès très suivi autour d'interprétations différentes du PLU. Ainsi, il s'agit de comprendre aussi comment les éléments contemporains du projet témoignent d'une certaine perception patrimoniale, à la fois en définissant le cadre dans lequel l'architecte se permet d'intervenir et de détruire, mais aussi parce qu'ils traduisent une conception de soi par rapport au passé. Surtout, dans ce projet, les gestes contemporains nous permettent de remettre en question un peu plus le postulat philologique du départ, et font parfois apparaître des contradictions significatives avec les principes de conservation énoncés dans la première partie de ce travail.

Effectivement, l'une des interventions les plus controversées de ce projet consiste en l'extension du magasin sur la rue de Rivoli. Pourtant la Samaritaine était déjà bien présente le long de cette rue, dans quatre bâtiments résidentiels datant de la fin du XIXè siècle, successivement rachetés et réaménagés. Or, l'un des points d'orgue de la restructuration commandée par le groupe LMVH, consiste en la destruction de ce bâti et la reconstruction par l'agence japonaise SANAA d'un geste plus contemporain.

Tout d'abord, ce geste architectural consiste avant tout en une nécessité commerciale. En effet, avec la transformation récente de la rue de Rivoli en un axe commercial majeur, la proximité avec le Musée du Louvre et la nouvelle Bourse de Commerce, la façade sur la rue de Rivoli devient clé dans l'attraction des clients. Or, la façade en question se distinguait difficilement du bâti parisien classique, et peinait à s'imposer dans l'espace comme l'entrée d'un grand magasin, à la différence des architectures spectaculaires du BHV voisin ou de la façade "Seine" de la Samaritaine (Fig. 5)

de la Samaritaine", Paris Projet ou Vandalisme.)

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Fig. 5 : Photographie du Magasin 4 sur la rue de Rivoli, à l'angle avec la rue de la Monnaie (vers 1960). On peut apercevoir les différences de niveau entre les bâtiments, ainsi que de légères différences de style. (Auteur inconnu, "Histoire des bâtiments

En outre, cette intervention s'impose dans le cadre de la redéfinition de l'image de marque du magasin par le groupe LVMH.

D'abord, l'architecte et critique Françoise Fromonot parle de l'actualité architecturale parisienne comme d'un "épisode urbain (de) lutte entre deux barons du luxe21". En effet, elle voit dans les grands projets à la fois du groupe et de la Fondation LVMH, mais aussi de la Fondation Pinault l'articulation d'une lutte commerciale à travers "l'abandon des fonctions traditionnelles de la ville", et son "réinvestissement (…) par de nouvelles activités 'hors-sol' correspondant à une vision de la ville calquée sur les besoins du tourisme22". Dans ce cadre, faire intervenir de façon si visible une des agences d'architecture les plus renommées au monde, après l'intervention de Frank Gehry à la Fondation Louis Vuitton, fut un impératif pour le standing du groupe. Face à des noms comme Dominique Perrault à la Poste du Louvre23 ou Tadao Ando à la Fondation Pinault24, le groupe LVMH et son image ne pouvaient pas se contenter d'un réaménagement léger et anonyme.

Ensuite, le projet commercial même de la nouvelle Samaritaine comportait impérativement un 'lifting' esthétique. Le groupe cherche depuis plusieurs années à s'adresser à une clientèle à la fois plus jeune et plus internationale. Pour cela, il a confié la gestion commerciale de la Samaritaine à DFS, spécialisé dans la vente détaxée notamment dans les aéroports et auprès des touristes chinois, représentant plus de la moitié du chiffre d'affaires de la Samaritaine.25 Aussi, les marques vendues dans la partie "Rivoli" de la Samaritaine, s'adressent clairement à un public jeune et dynamique, plus proche du streetwear, des hoodies et des baskets que de l'image traditionnelle d'un chic très bourgeois. C'est ainsi que vraisemblablement, au vu de la stratégie commerciale du groupe LVMH, une intervention contemporaine d'ampleur s'imposait sur la rue de Rivoli.

Dans cette perspective-là, l'analyse du discours médiatique des architectes et du groupe, permet de comprendre comment la conception du patrimoine préexistant a permis de construire une légitimité historique à l'intervention de SANAA.

Tout d'abord, ils se sont attelés à déprécier le bâti existant, et notamment l'architecte des monuments français lui-même qui parlait assez étonnamment d'un "sacrifice nécessaire à l'apparition d'un nouveau monument parisien26". Jugé "disharmonieux27" et "sans qualité28", le bâti préexistant effectivement peu remarquable dans l'atmosphère parisienne, a été rapidement disqualifié. Pourtant, il portait en lui comme nous l'évoquions plus tôt, les traces de la méthode "Samaritaine" consistant au rachat puis au réaménagement des structures voisines. Il comportait de nombreuses curiosités propres aux années 1970 que l'on peut notamment apercevoir dans le film "Le Jouet" ou certains spots publicitaires de la Samaritaine. Des structures extravagantes en acier inoxydable aux moquettes criardes, en passant par les cabines colorées parsemant l'itinéraire du client, le bâtiment dénommé "Magasin 4" portait en lui une succession d'aménagements audacieux visant à donner l'apparence d'une cohérence dans ces bâtiments qui s'enchainaient sans dialoguer avec les autres. Pourtant, cet héritage n'existe pas dans le discours médiatique, qui disqualifie d'office, par son "ordinaire" la légitimité du bâti existant à demeurer et à être réhabilité. Cela semble aller à l'encontre des recommandations du Document de Madrid

21 Katia Dansoko Touré, "Entre la Bourse de Commerce et la Samaritaine se joue l'épisode urbain d'une lutte entre deux barons du luxe," Libération, 22 juin 2021, https://www.liberation.fr/lifestyle/entre-la-bourse-de-commerce-et-la-samaritaine-se-joue-lepisode-urbain-dune-lutte-entre-deux-geants-duluxe-20210622_OB7EI7AJBJFY3L2FRVYZW67OTI/?redirected=1

22. Ibid.

23. "Restructuration de la Poste du Louvre," Perrault Architecture, consulté le 10 janvier 2023, https://www.perraultarchitecture.com/fr/projets/3054-restructuration_de_la_poste_du_louvre.html

24. "Trois années de transformation," Pinault Collection, consulté le 10 janvier 2023, https://www.pinaultcollection.com/fr/boursedecommerce/trois-annees-de-transformation

25. Philippe Bertrand, "Le modèle des grands magasins en question," Les Echos, 16 août 2021, https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/le-modele-des-grands-magasins-en-question-1342058

26 France Culture, "La Samaritaine LVMH".

27 Jean-François Cabestan, dir., La Samaritaine, Paris (Paris: Picard, 2015).

28 Ibid

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qui souligne la nécessité "d'identifier et d'évaluer l'ensemble des éléments d'un bien patrimonial, y compris les décors intérieurs (et) l'ameublement (…)29 " Ensuite, et d'une manière encore plus surprenante, l'agence SANAA convoque un projet antérieur et jamais réalisé, pour s'en revendiquer et légitimer son projet avec le poids de l'Histoire. En effet, il a existé dans l'entre-deux guerres un projet portant sur l'homogénéisation de toute la Samaritaine (Magasin 2-Jourdain compris) d'après l'esthétique du bâtiment Sauvage (Fig. 6).

C’est-à-dire qu'il a été envisagé par les fondateurs eux-mêmes de créer une continuité esthétique et d'usage entre la rue de Rivoli et la Seine. Ce projet toutefois, impliquait la destruction des façades Art Nouveau, et non pas seulement du bâtiment sur la rue de Rivoli. Alors, pourquoi le convoquer pour ne réaliser qu'une partie de ses ambitions ? C'est sur cela que le texte "De l'utilité et de l'inconvénient des études historique pour la vie", de Friedrich Nietzsche peut nous éclairer. En effet, il considère ceux dont "un regard jeté dans le passé les pousse à préjuger de l'avenir30" comme relevant d'une vision "qui ne voit pas le salut dans le développement, mais considère au contraire, que le monde est terminé et atteint sa fin à chaque moment particulier31". C'est de cela qu'il s'agit ici en vérité : la convocation d'un discours passé ne s'applique pas en tant que principe régulier de l'approche du patrimoine, qui demanderait ainsi la suppression des façades Art Nouveau, mais comme un principe inverse à l'Histoire, qui n'en fait qu'un fardeau de la perception du monde et amène à considérer certains éléments comme postérieurs à celleci Cette postérité n'est pas le fruit d'une simple chronologie, mais plutôt d'une considération morale de ce qui appartiendrait à l'avant ou à l'après. On peut alors y faire entrer tout un tas de considérations assez éloignées de l'objet patrimonial de départ. C'est ici une évidence que dans l'optique du groupe, il faille conserver les façades Art Nouveau, qui sont au centre de sa communication visuelle et de l'esthétique à laquelle se renvoie le projet, et sur quoi il se base même pour évincer des pans majeurs de l'histoire populaire du bâtiment. En conséquence, on peut tirer de ces approches de l'extension sur la rue de Rivoli de nombreux points enrichissant encore notre compréhension de ce qui a motivé ce projet. On remarque évidemment une forme d'esthétisation de la Samaritaine, qui tente de l'extraire de son histoire, de ses valeurs en tant qu'objet d'usage original, en tant que leg d'époques révolues ; tout cela pour en faire quelque chose de simplement visuel, enrobant fastueusement et avec l'excuse de la grandeur de l'Histoire les projets financiers et commerciaux du groupe LVMH. Dans cette

29 Document de Madrid : approche de la sauvegarde du patrimoine bâti du XXè siècle, art. 1, para. 2.

30. Friedrich Nietzsche, "De l'utilité et de l'inconvénient des études historiques pour la vie," in Œuvres complètes de Friedrich Nietzsche (Paris : Éditions Mercure de France, 1907), 134.

31 Ibid, 135.

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Fig. 6 : Projet de Sauvage pour la rue de Rivoli (vers 1935.) (Auteur inconnu, "Histoire des bâtiments de la Samaritaine", Paris Projet ou Vandalisme.)

perspective-là, l'architecte et la maitrise d'ouvrage hiérarchisent une fois de plus, entre ce qui mérite d'être, de continuer à être et même de commencer à exister. C'est là, semble-t-il, tout le travail de la restauration du patrimoine. Pourtant c'est ici un point problématique, du fait qu'il se base sur ce que l'on pourrait nommer une approche "spéculative". C’est-à-dire une approche de la restauration qui se permet de détruire ce qui est, au profit de ce qui aurait pu être. C'est une approche où l'intention historique peut dépasser la valeur de ce qui est tangible. Mais dans cette perception, sur quoi se base l'approche, puisqu'elle ne se base pas sur le passage du temps ou la valeur intrinsèque de l'architecture bâtie ? Elle se base réellement sur une appréciation esthétique, qui fait du projet d'architecture un projet qui sert des usages, et qui est complètement détaché de la matérialité de ce qui est. Nous avions vu dans la première partie de ce travail, comme le groupe LVMH avait cherché à détacher l'objet d'architecture de son programme historique. Ici, le procédé vise au même objectif, mais dans l'autre sens, c’est-à-dire détacher le programme et l'usage de l'objet : si un usage particulier a été envisagé (ici la connexion entre la Seine et la rue de Rivoli), alors il est légitime de l'emporter sur tout ce qui a réellement existé. Et donc cet usage idéal autorise la destruction de l'objet d'architecture. Mais si l'intention, toute abstraite qu'elle fut, devient un argument légitime pour hiérarchiser des valeurs bien tangibles, se pose soudain la question de la limite de ce raisonnement. Il semble ouvrir vers de nombreuses spéculations et notamment vers des raisonnements fallacieux permettant d'exploiter la légitimité de l'étude historique à des fins personnelles, ou pour camoufler des projets contemporains qui n'auraient que trop peu de qualités propres à faire valoir. Dans ce projet alors, toutes ces approches du patrimoine obéissent-elles à une conception précise, et des principes fixes ? Ou manipulent-elles la tangibilité de l'architecture pour orienter l'opinion publique et le regard vers ce qui les arrange, notamment des objectifs de rentabilité.

C'est pour chercher à répondre à ce questionnement que soulève l'extension sur la rue de Rivoli que nous allons nous intéresser aux 90 logements sociaux présents dans l'opération.

C'est là ville de Paris qui a demandé au groupe LMVH d'inclure ce programme dans leur projet.32

Les logements sociaux s'intègrent en façade derrière huit immeubles faubouriens et une partie du bâtiment Jourdain (Fig. 7 ). La question de l'attitude adoptée face à ces bâtiments n'est pas entièrement claire. En effet, ils ne sont ni classés ni inscrits33, tels que l'étaient les immeubles

Figure 7 : Vue d'ensemble du projet du groupe LVMH (2018) Sur la gauche, les huit immeubles faubouriens conservés dans un îlot homogène pour partiellement les transformer en logements sociaux. ( DFS LVMH, "LVMH va rouvrir la Samaritaine en 2019," Fashion Network.)

32. "La Samaritain (1er) : du logement social au cœur de Paris," Paris Habitat, consulté le 11 janvier 2023, https://www.parishabitat.fr/nos-programmes/la-samaritaine/ 33 Préfecture de la Région d'Île-de-France, Arrêté n°90.756, par le Préfet de la Région d'Île-de-France, Préfet de Paris. Paris : POP, 25 juillet 1990.

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en façade sur la rue de Rivoli. Pourtant, et malgré les contraintes majeures qu'ils imposent à l'agencement des logements sociaux crées en arrière de la façade, ainsi que l'aspect parasite qu'ils revêtent sur le plan masse et la continuité du bâtiment de SANAA, ils ont été conservés. Malgré l'incertitude sur les raisons de la conservation de ces façades qui ne sont que très peu évoquées au-delà du fait que l'addition de logements sociaux constitue un élément de discours pour LVMH,34 ce traitement architectural revêt un intérêt. En effet, il soulève une incohérence majeure qui questionne : si l'argument consistant à dire que les bâtiments sur la rue de Rivoli étaient trop "disharmonieux" et présentant un aménagement intérieur trop complexe, comment alors, justifier de conserver ceux-là ? Le choix fait ici, souligne la manière aléatoire et intéressée avec laquelle les arguments liés au patrimoine sont convoqués. Il ne semble pas y avoir d'approche cohérente et structurée, mais bien un discours variable articulé autour de nécessités bien peu patrimoniales. On pourrait, peut-être cyniquement mais sans que cela paraisse déraisonnable, supposer ici que ce patrimoine et ses défauts sont considérés comme largement suffisants quand ils sont adressés à un public ni international, ni fortuné, et pas vraiment "LVMH" Cela soulève une fois de plus une certaine perception de ce qu'est fictivement la Samaritaine : partout où cela revêt un intérêt commercial et publicitaire, elle est remodelée à grands renforts d'investissements et de communication patrimoniale, mais à l'abri des regards, elle peut demeurer ce qu'elle a toujours été. C'est que la "grande" Samaritaine, celle que l'on réécrit, celle du supposé faste et de l'opulence, celle que l'on impose partout comme la vraie Samaritaine, celle-ci, on ne prend pas le soin de la falsifier derrière les façades biscornues du Paris faubourien. Ces mêmes façades conservées comme des rideaux et qui imposent malgré tout à leurs habitants des différences de niveaux incessantes et des plans complexes (Annexe C) ; valorisent l'architecture comme une simple surface où l'usage une fois de plus, se détache d'elle, où l'intérieur se détache de l'extérieur. Où l'architecture en fait, n'est plus produit et résultat de ce qu'elle renferme, mais enveloppe anecdotique que l'on observe à distance.

Cette approche de la façade, comme séparée de l'architecture en tant qu'ensemble, est poussée à l'extrême dans le projet de l'hôtel du Cheval Blanc. En effet, l'entièreté du bâtiment Sauvage, face à la Seine, est ici dévolue à abriter un nouveau palace de soixante-dix chambres. Cette section du projet vient rompre, comme toutes les autres, avec la vocation populaire de la Samaritaine. Mais elle a cela de plus qu'elle vient aussi retirer à la Samaritaine son programme même, c'est-à-dire sa vocation commerciale jusque-là partout respectée. Pour faire cela, l'architecte Edouard François a dû nécessairement engager une restructuration des plans bien plus lourde qu'elle ne le fut dans le reste des bâtiments existants. Les plans s'en voient tous changés, les vues sur la Seine strictement dévolues aux chambres et restaurants, la terrasse rendue inaccessible à toute personne extérieure à l'hôtel, et les réserves du grand magasin (au sous-sol) transformées en une grande piscine.35 C'est là le geste ultime de l'héritage architectural comme une enveloppe anoblissante. C'est-à-dire que le travail réalisé ici n'a plus rien d'un travail de restauration, n'a plus rien de la restitution d'un esprit ou d'une esthétique. Mais c'est dans un détail de l'hôtel que l'approche entièrement libre de l'intervention sur le patrimoine est la plus saisissante. La façade Nord du bâtiment Sauvage, invisible depuis la rue, demeurait depuis longtemps inachevée. L'architecte Edouard François propose alors une façade d'inspiration Art Déco, pour "se fondre (…) dans l'architecture existante36" et finir en quelque

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00086005?base=%5B%22Patrimoine%20architectural%20%28Mérimée%29%22%5D& mainSearch=%22Samaritaine%22&ou=%5B%22Paris%201er%20Arrondissement%22%5D&last_view=%22list%22&idQuery=%22df253a 0-ca6b-8587-0f0e-1cede2015f6f%22

34. LVMH, "La Samaritaine : un quartier renaît," 18 mai 2011, https://www.lvmh.fr/actualites-documents/communiques/samaritaine-quartier-renait/

35. "Hôtel Cheval Blanc," Edouard François, consulté le 10 janvier 2023. https://www.edouardfrancois.com/projects/hotel-cheval-blanc

36. Emmanuelle Graffin, "Les mille vues du Cheval Blanc," inInteriors, 22 septembre 2021, https://www.in-interiors.fr/lieux/les-mille-vues-du-cheval-blanc/

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sorte le travail de Henri Sauvage (Fig. 8). Pourtant, il semble que toutes les chartes et tous les traités redoutent précisément cette attitude qui chercherait une forme de complétion de l'architecture existante. Le patrimoine hérité ici, est par essence inachevé. Or, le travail de restauration "s'arrête là où commence l'hypothèse" stipule la charte de Venise37. Elle ajoute plus loin que "les éléments destinés à remplacer les parties manquantes doivent s'intégrer harmonieusement à l'ensemble tout en se distinguant des parties originales, afin que la restauration ne falsifie pas le document d'art et d'histoire.38" Cet extrait de l'article 12 de la Charte de Venise nous interroge d'abord, dans sa première partie, sur le travail mené rue de Rivoli. Mais plus précisément ici, il soulève le sujet d'une intégration "harmonieuse" mais distinguable. On reconnaitra volontiers à l'intervention de l'architecte qu'elle peut remplir ces deux missions. Pour autant, dans un projet d'ensemble qui se revendique de l'authentique, d'un originel de la Samaritaine duquel toute divergence a dû être éliminée, cela questionne. Quel est ce rapport à l'authentique ? Concevoir aujourd'hui une façade Art Déco, n'est-ce pas tout de même un pied de nez à ce qu'incarnait ce style, et à la volonté d'ouverture sur l'extérieur et d'abordabilité qu'il voulait ici précisément représenter. Parce que le projet de l'hôtel Cheval Blanc fait de cette architecture conçue pour attirer les regards, conçue pour être vue (Annexe D), une architecture qui ne permet plus que de voir. C’est-à-dire qu'on l'a dépouillée de ses enseignes, de ses lettres énormes, de ses drapeaux qui faisaient d'elles une projection du magasin vers l'espace de la ville (Fig. 9) On a dépouillé ses visiteurs de la vue élégante sur la Seine, qu'ils ne retrouvent plus aujourd'hui que sur des grands écrans visibles sous l'atrium ; pour la donner uniquement à ceux qui paieront pour. Ce projet bafoue le programme authentique, bafoue les volontés sociales authentiques39, et pourtant, à travers ce geste spéculatif ultime, se revendique toujours de cette authenticité, de ce respect de ce qui est hérité.

37. Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites (Charte de Venise 1964), RESTAURATION, art. 9.

38. Ibid, RESTAURATION, art. 12.

39. " La Samaritaine, l'œuvre d'un couple : les Cognacq-Jay." France Culture, consulté le 10 janvier 2023, https://www.radiofrance.fr/franceculture/la-samaritaine-l-oeuvre-d-un-couple-les-cognacq-jay-2597286

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Fig. 8: Vue vers la façade Nord de l'hôtel Cheval Blanc, dans le bâtiment Sauvage de l a Samaritaine (2021).Ayant demeuré inachevée et en tôle depuis 1928, Edouard François propose pour cette façade une "interprétation" du style Art Déco caractéristique de ce bâtiment (Stéphane Aboudaram, "Les mille vues du Cheval Blanc," inInteriors.)

C'est de cela que nous avons parlé dans la seconde partie de notre travail. De la manière dont l'histoire et son héritage ont été utilisés comme décor, dans toute leur valeur esthétique, et dont on a cherché toujours dans les extensions contemporaines à se rattacher à cette valeur. Pour autant, quelle est-elle encore ? A quoi renvoie-t-on vraiment lorsque l'on produit des objets d'architecture qui se satisfont de la filiation unique de l'esthétique, sans considérer l'architecture comme l'emmêlement inextricable d'usages, de traditions, de couches sociales spécifiques et enfin d'esthétique ?

In fine, c'est la question qui est soulevée par ce travail. Est-ce que l'authenticité renvoie à des usages et donc à des styles, auquel cas être authentique c'est coller précisément à l'esprit de l'époque et pas seulement à son esthétique ? Ou est-ce que l'authentique c'est l'original dans sa valeur matérielle, auquel cas faire du neuf n'est pas non plus la solution.

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Fig 9 : Comparaison entre la façade Sud du bâtiment Sauvage avant (à gauche) et après (à droite) l'intervention du groupe LVMH. (Crédits : En-Bateau et Didier Ryckner , à gauche : date inconnue avant 2020, à droite : 2021). Le projet de transformation de cette section du grand magasin en l'hôtel Cheval Blanc a mené à la dépose des lettres formant le mot Samaritaine, sur la façade et la toiture. Aussi, bien que les supports aient été conservés, les drapeaux publicitaires siglés "Samaritaine" sont devenus "Cheval Blanc" La façade a perdu sa vocation commerciale pour devenir un objet d'architecture "pur" et s'adaptant mieux à son nouvel usage.

Pour conclure il semblerait que l'erreur de ce projet fut la conception d'un postulat de départ sur ce que serait l'authentique Samaritaine. En instaurant cette conception dite philologique, le groupe LVMH affirme qu'il existe un originel sacré et indépassable face auquel plus rien ne vaut. D'après Nietzsche,40 c'est une approche qui "finit l'Histoire" puisqu'elle établit une esthétique du passé comme unique horizon. Une telle esthétique ne peut donc être qu'adorée, conservée à tout prix même si dans ce travail de restauration, elle est tordue, travestie et copiée. C'est là une vision éminemment conservatrice, en ce qu'elle interdit toute digression avec le référentiel arbitraire de départ (la Samaritaine de 1928) et devient pourtant soudain une valeur suprême. Cependant, quand nous parlons de travestissement de l'esthétique en question, c'est que le projet renie assez rapidement ses ambitions prétendument conservatrices pour laisser place à tout autre chose, à un objet qui se doit avant tout d'être une image qui vend. Parce que finalement, cette architecture commerciale restera toujours un objet de vente, même si elle demeure plus complexe que cela : elle porte en elle la misère du cœur de Paris, de ce Paris des Halles41 et un capitalisme plus social,42 une "vulgarité" qui ne pourra jamais atteindre de valeur esthétique absolue aux yeux du groupe de luxe. En réalité, c'est de ce mépris là pour ce qu'elle est et demeure malgré tout, que naît pour le groupe le désir qu'elle fut autre chose, et qu'il tente de faire croire qu'elle l'a déjà été

Nous comprenons à travers cette étude que le travail de restauration est avant tout une entreprise sélective. Il ne s'agit pas de dire que la posture de LVMH est objectivement erronée. Il s'agit de construire une interprétation critique de ce travail, notamment pour l'extraire de l'objectivité dans laquelle il se place lui-même. Le travail de restauration ajoute, soustrait, modèle une image qui correspond à un concept subjectif, qui hiérarchise notamment les époques et les valeurs. Nous avons exprimé dans ce travail une critique des hiérarchies instaurées par le groupe LVMH. Il a effectivement choisi un retour à l'origine se revendiquant d'une historicité stricte et requérant effectivement de nombreuses destructions, tout en demeurant indifférent à l'histoire du bâtiment. En réalité, il s'inscrit dans un original virtuel, et -en cherchant à le restituer tel qu'il était mais n'ayant paradoxalement jamais existé- il produit du neuf. Dans cette perspective, les extensions sur la rue de Rivoli ou la façade Nord du bâtiment Sauvage prennent du sens, puisqu'elles restituent une vision conçue par la maitrise d'ouvrage comme originelle. Mais alors, est-ce encore un travail de restauration ? En produisant un avatar fantasmé, fait de pastiches, de destructions et de sélections parmi les temporalités différentes, on parvient à faire exister une image qui fonctionne à merveille, qui s'expose dans tous les magazines et attire les touristes, mais qui pourtant se construit par-dessus l'esprit des lieux. Cet esprit : les vies, les histoires qui s'y étaient accrochées parfois maladroitement et avaient fait cette Samaritaine, tout cela a disparu. D'abord parce qu'il avait été interrompu en 2005 par la fermeture imposée par LVMH, et ensuite parce qu'il a été condamné pour toujours, par la disparition de sa matérialité qui en demeurait le dernier leg. C’est-à-dire que la Samaritaine en ce qu'elle a signifié pour les Parisiens, pour ses employés43 et même ses fondateurs,44 n'existe plus. L'incarnation revendiquée du savoir-faire spécifique et de l'exception française est en réalité l'inverse : on retire à la Samaritaine ce qui l'a fait, pour la déguiser en un grand magasin quelconque et projeté dans une échelle mondialisée qui n'est pas la sienne. Au fond, ce projet est l'incarnation de ce que le tourisme et spécifiquement le tourisme de consommation produit dans une ville comme Paris. C'est-à-dire qu'il apparaît une tension insoluble entre une vie économique et sociale locale et le marché auquel veut s'adresser l'économie touristique. Il apparaît surtout une tension insoluble entre la classe populaire d'origine et la bourgeoisie mondialisée, elle-même qui

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40. Nietzsche, "Utilité et inconvénient des études historiques," 134. 41 Touré, "Bourse de Commerce et Samaritaine." 42 France Culture, "La Samaritaine, l'œuvre d'un couple." 43. Philippe Lafaix, réal. Les petites mains de la Samaritaine. Paris : Tanami Productions, 2005. 44. France Culture, "La Samaritaine, l'œuvre d'un couple."

cherche pourtant une expérience parisienne authentique qui par essence ne peut exister là où le tourisme s'impose.

La Samaritaine de 2023 nous raconte en filigrane ces bouleversements récents de l'équilibre parisien, et le rôle qu'y jouent les pouvoirs publics et les grands groupes privés. La puissante ironie de ce projet réside dans l'opposition entre l'authenticité dont il se revendique, et un Paris qu'il doit faire disparaître pour exister, mais qu'il doit maintenir en mirage pour développer son récit et attirer des revenus On ne trouve dès lors plus tout à la Samaritaine, que le triste pantomime d'un Paris sacrifié qui s'offre en spectacle au monde. Un Paris évidé de ce qu'il a été spontanément, une forme architecturale creuse et dérivante dont on finit par extraire tout ce qui est monnayable.

C'est un sujet qui semble particulièrement d'actualité à une époque qui semble exiger la conservation du patrimoine et en même temps un changement radical des habitudes et des usages. Quelles places peuvent avoir la tradition et la filiation dans un monde qui doit par nécessité écologique, se positionner dans la rupture ? Pouvons-nous imaginer un rapport plus attentif et moral à notre héritage culturel architectural, qui puisse comprendre les leçons que nous donnent les techniques constructives ou les habitudes de consommation du passé ? Car nous avons depuis de nombreuses années assisté à la financiarisation violente de cet héritage, comme nous avons pu l'appréhender dans cet article. A l'appropriation de notre patrimoine commun par la civilisation du marketing et du profit, qui terrasse les particularismes locaux pour produire une esthétique mondiale homogène dédiée à la consommation. C'est ce phénomène qui est à l'œuvre à la Samaritaine, cette Disneyification de la diversité, qui, au-delà des discours sur la qualité "à la française", sur le savoir-vivre authentique national, produit une esthétique égalisante sans réelles qualités autres que d'offrir à un petit nombre son confort aux quatre coins du monde. Car l'esprit français que la fine fleur du luxe hexagonal a produit à la Samaritaine, celui d'après lequel elle s'est autorisée de détruire tout ce qui fut évoqué dans ce travail, semble bien étrange. C'est celui qui produisit le restaurant ci-dessous, dans les étages de la Samaritaine. Pourtant, le fait que l'une de ces images provienne effectivement de la Samaritaine (Fig.10) mais l'autre d'un restaurant New Yorkais (Fig. 11) semble résumer avec beaucoup de cynisme l'attention que LVMH aura porté dans ce projet à l'Histoire, aux cultures et aux identités qui s'y emmêlent romantiquement Une attention enrobée de postures mais qui n'échappe pas à la réalité de son monde économique. Un monde dont l'homogénéité et consensualité des esthétiques et des cultures sont des éléments essentiels, qui auront eu raison de la Samaritaine où l'on trouvait tout, et qui aujourd'hui se cherche elle-même

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Fig. 10 : L'intérieur du restaurant Le Tout Paris décoré par Peter Marino en 2021, dans l'hôtel Cheval Blanc à Paris. ( Alexandre Tabaste, "Cheval Blanc Paris," Peter Marino Architects) Fig. 11 : L'intérieur du restaurant "Lobster Club", décoré par Peter Mar ino en 2017, à New York. (Auteur inconnu, "The Lobster Club," Peter Marino Architects)

Bibliographie

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LVMH "La Samaritaine : un quartier renaît. " 18 mai 2011 https://www.lvmh.fr/actualites-documents/communiques/samaritaine-quartier-renait/

Paris Habitat. "La Samaritaine (1er) : du logement social au cœur de Paris." Consulté le 11 janvier 2023. https://www.parishabitat.fr/nos- programmes/la-samaritaine/

Perrault Architecture. "Restructuration de la Poste du Louvre." Consulté le 10 janvier 2023. https://www.perraultarchitecture.com/fr/projets/3054 -restructuration_de_la_poste_du_louvre.html

Pinault Collect ion. "Trois années de transformation." Consulté le 10 janvier 2023, https://www.pinaultcollection.com/fr/boursedecommerce/trois-annees -de-transformation

Préfecture de la Région d'Île -de-France, Arrêté n°90.756, par le Préfet de la Région d'Île-de- France, Préfet de Paris. Paris : POP, 25 juillet 1990.

https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00086005?base=%5B%22Patrimoine%20architectural%20%28Mérimée%29%22%5D &mainSearch=%22Samaritaine%22&ou=%5B%22Paris%201er%20Arrondissement%22%5D&last_view=%22list%22&idQuery=%22df253a0ca6b- 8587-0f0e -1cede2015f6f%22

Références du cours : textes théoriques et chartes_

Brandi, Cesare. Théorie de la restauration Paris : Éditions Allia, 2011

Riegl Aloïs. Le culte moderne des monuments. Paris : L'Harmattan, 2003.

Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites (Charte de Venise 1964)

Document de Madrid : approche de la sauvegarde du patrimoine bâti du XXè siècle.

Références personnelles_

Cabestan, Jean-François. La Samaritaine, Paris Paris: Picard, 2015

Nietzsche Friedrich. "De l'utilité et de l'inconvénient des études historiques pour la vie," in Œuvres complètes de Friedrich Nietzsche. Paris : Éditions Mercure de France, 1907.

Nora, Pierre. "Introduction : entre Mémoire et Histoire." in Les lieux de mémoire, Tome 1 : la République, dirigé par Pierre Nora. Paris : Gallimard, 1997.

Philippe Lafaix, réal. Les petites mains de la Samaritaine. Paris : Tanami Productions, 2005.

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En haut : la Samaritaine accueillait une pouponnière mise à disposition gratuite de ses employées (date inconnue).

Auteur inconnu. Sans titre Photographie Messy Nessy 29 septembre 2016.

https://www.messynessychic.com/2016/09/29/uncovering-the-ghost-of-an-iconic-department-store-thebloomingdales-of-paris/

En bas : Affiche publicitaire représentant les Cognacq-Jay et leur magasin. En bas, sont listées les "œuvres sociales de l'entreprise".(1929).

Emilio, Vila. Deux créateurs – Uneœuvre. Affiche Cité de l'Architecture 15 mars 2019

https://www.citedelarchitecture.fr/fr/oeuvre/deux-createurs-une-oeuvre-la-samaritaine

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Annexe A : la Samaritaine, grand magasin populaire

Ci-dessus : le magasin de la Samaritaine s'ouvrait sur les rues alentour en disposant des stands de vente où se pratiquait la vente à la criée (12 février 1929)

Agence Rol 12/2/29, froid à Paris (magasin de la Samaritaine, 2 rue de la Monnaie). Photographie. BNF Gallica. 22 novembre 2020.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53210687s?rk=150215;2

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Annexe B : stands de vente sur la Rue de Rivoli et les quais de Seine

En haut : liées à la jonction intérieure entre différents immeubles du David Boureau, FBAA Sanstitre.Photographie. Paris Habitat. Date inconnue (site consulté le 14 janvier 2023).

https://www.parishabitat.fr/nos-programmes/la-samaritaine/

En bas : plan d'étage des appartements sur la rue de l'Arbre Sec. On peut notamment remarquer l'irrégularité des façades, que ce soit dans leur alignement, leur épaisseur ou la dimension exacte des ouvertures. On observe aussi les nombreux changements de niveaux

FBAA. Sans titre. Plan d'étage. FBAA Architectes. Date inconnue (site consulté le 14 janvier 2023à

https://www.fb-architectes.fr/samaritaine-logements

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Annexe C : façadisme et logements sociaux aux plans complexes

Annexe D : Une architecture fait pour être vue

Ci-dessus : Par le passé, la façade de la Samaritaine s'offrait à la ville comme un panneau publicitaire, invitant les passants et participant visuellement à la vie environnante. Elle était conçue comme un élément central de la stratégie commerciale, pour être un objet de désir (1930) Agence Rol. Illuminations de la Samaritaine. Photographie. BNF Gallica, 23 mai 2022 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b53237528d?rk=64378;0

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