Cyclo n° 9

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CYCLO MAGAZINE CULTUREL MONTHEY SEPTEMBRE — DÉCEMBRE 2017


Hesse & Romier, Dame, 2017, photographie

Hesse & Romier, Les Yeux DĂŠcousus, 2012, photographie

Hesse & Romier, Headbanger, 2016, photographie

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ÉDITO

À FRONTIÈRES ROMPUES SOMMAIRE

................................ CÉCILE HESSE & GAËL ROMIER Pp. 2–3 ÉDITO P. 3 CHANGER LE MONDE PAR LE CIRQUE Pp. 4 –5 UNE NOUVELLE FILLE DANS LA VILLE Pp. 6 –7 LE KREMLIN, DU CARPE DIEM VÉCU EN LIVE Pp. 8 – 9 LA COMPAGNIE JUNIOR DE COCOONDANCE Pp. 10 –11 CARTE BLANCHE JULIE DELALOYE Pp. 12 –15 TRIENNALE 2017 Pp. 16–19 AGENDA P. 20

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Étienne Balibar, «Qu’est-ce qu’une frontière ?», in E. Balibar (dir.), La crainte des masses. Politiques et philosophie avant et après Marx, Paris, Galilée, 1996.

« Le monde de la réalité a ses limites, le monde de l’imagination est sans frontière » (Jean-Jacques Rousseau). Imaginaire ou réelle, la frontière fait office de ligne de démarcation et participe à tout un processus de détermination. Détermination d’un territoire, d’une nationalité, d’une culture, d’un genre, d’une profession ou encore de ses capacités physiques et mentales. Ces différentes frontières présentent toutefois un degré d’étanchéité variable. Si les frontières de l’Espace Schengen se sont en partie effacées, d’autres comme celles entre les deux Corées restent tristement infranchissables. Plus globalement, le philosophe Étienne Balibar affirme que « alors que les barrières sont beaucoup plus perméables dans les axes Sud-Sud et Nord-Sud, elles deviennent toujours plus sophistiquées quand il s’agit d’aller du Sud au Nord. » 1 Formalité de vacances pour certains ou tentatives de passage à la vie et à la mort pour d’autres, l’actualité n’a de cesse de nous montrer le pire de ce que peut apporter la frontière en misère humaine. Mais là où l’homme se heurte contre un mur, la culture, elle, parvient à enjamber. Car la culture a fait sienne la différence et l’a assimilée pour la transposer par-delà les frontières, comme un langage universel. L’architecture d’une ville en est un témoignage à ciel ouvert. Elle s’est dessinée au fur et à mesure des modes mais aussi des invasions. Les souffrances d’hier ont laissé place à la beauté et à ce que l’on nomme aujourd’hui patrimoine. A l’échelle d’une ville comme Monthey, la culture sert à étonner, ouvrir les esprits et les horizons. A l’échelle du monde, elle a pour vocation d’élever, au-delà des préjugés, des conflits, des nationalités et des genres et de survoler les frontières artificielles que s’est un jour dessinées l’homme, peut-être un peu malgré lui. Sarah Grau, responsable communication du Théâtre du Crochetan

CÉCILE HESSE & GAËL ROMIER — BARBARIANS Cécile Hesse (1977) et Gaël Romier (1974) vivent et travaillent ensemble depuis 1998. Ils se rencontrent à l’Ecole d’Arts Appliqués de Vevey, où ils obtiennent leur diplôme en 2000. Après quelques années de vie urbaine, ils s’installent dans une habitation isolée en Auvergne. Cette étape importante créé les conditions d’un huis clos propice à l’élaboration de leur production commune. Intimité et altérité sont des enjeux importants de leur production, dont l’inspiration puise dans un quotidien parfois doux, parfois féroce. En résidence au Centre d’Art et de Recherche Gwinzegal, ils explorent une forme de barbarie silencieuse, une langue étrangère nous proposant des images muettes, criant pourtant comme des nouveau-nés. Exposition à voir à la Galerie du Crochetan du vendredi 25 août au vendredi 22 décembre 2017. Vernissage le samedi 23 septembre à 18h30

................................................................................................... IMPRESSUM Responsable de la publication Lorenzo Malaguerra Comité de rédaction Emmanuel Colliard, Emmanuelle Es-Borrat, Sarah Grau, Julia Hountou, Lorenzo Malaguerra, Mélisende Navarre Secrétariat de rédaction Sarah Grau Graphisme Alain Florey – Spirale Communication visuelle Impression Montfort SA Tirage 1000 exemplaires

©Crédits photos Page de couverture Hesse & Romier Page 2 Mattias Edwall / Pages 4 – 5 Mats Bäcker, Mattias Edwall, Yang Bao, Jean-Daniel von Lerber, Alexandre Isard Pages 6 – 7 Mari Trini Giner, Julia Hountou / Pages 8 – 9 La Fabographie, Olivier Lovey, Charles Niklaus, Cédric Raccio / Pages 10 – 11 D.R., Animotion Pages 12 – 15 D.R., Alain Florey, D.R., Fotolia / Pages 16 – 19 Anne-Chantal Pitteloud, François Curlet, Cédric Raccio, Erwin Wurm, Héloïse Maret, Josette Taramarcaz, Monica Bonvicini, Hesse & Romier

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La première venue en Suisse de la plus grande compagnie de cirque scandinave Cirkus Cirkör sera un événement marquant de la première partie de saison du Théâtre du Crochetan.

CHANGER LE MONDE PAR LE CIRQUE — Texte de Emmanuel Colliard, administrateur du Théâtre du Crochetan —

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CIRKUS CIRKÖR VENDREDI 8 DÉCEMBRE À 20H SAMEDI 9 DÉCEMBRE À 19H DIMANCHE 10 DÉCEMBRE À 17H CIRQUE THÉÂTRE DU CROCHETAN Garderie les 9 et 10 décembre

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Depuis plus de 20 ans, cette compagnie emblématique du cirque contemporain suédois repousse les limites du possible et brille par sa force et son inventivité. Sous la direction artistique de Tilde Björfors, Cirkus Cirkör a invariablement exploré et défié des limites, quelles que soient leurs formes, à travers ses spectacles et ses recherches, aussi bien par les interactions qu’elle provoque entre le cirque et la société, que par le lien qu’elle stimule entre le public et les interprètes. Leur dernière création Limits ne déroge pas à la règle et va même au-delà de ce que la compagnie a proposé jusqu’alors. Les suédois mettent ici l’accent sur ce qui est possible avec un engagement audacieux dans un monde en fuite, de migration et de nouvelles frontières qui s’équilibre avec les limites individuelles des artistes en termes de risque, de douleur, des limitations du groupe et du corps. Ou lorsque défier les limites devient une nécessité. Et la compa-

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gnie d’ajouter «Si nous ne repoussons pas les limites rien de nouveau ne surviendra. Nous voulons changer le monde par le cirque.» La compagnie propose avec le spectacle Limits un cirque militant et ouvertement engagé en vue d’une prise de conscience des réalités de la migration. La mise en scène époustouflante relate avec beaucoup de puissance, de technique et de justesse les différentes étapes que doivent subir ces personnes forcées de quitter leur domicile, leur ville, leur pays et leur famille. Ou comment interroger le monde et ses frontières en jonglage, en acrobatie, en bascule, en trapèze ou en cerceau volant. Le parcours personnel de la directrice artistique est au cœur de ce travail basé sur l’identité, l’appartenance et l’immigration, dans sa dimension individuelle ou au contraire universelle. « À l’automne 2015, dans un esprit humanitaire, j’étais parmi


BRUCE BRUBAKER JEUDI 12 OCTOBRE À 20H MUSIQUE FOYER DU CROCHETAN Le pianiste américain s’empare de l’œuvre monumentale de Philip Glass – l’un des compositeurs contemporains les plus respectés – et la musique de son dernier album Codex reliés entre eux par l’improvisation et des sons électroniques subtils.

HOMMAGE À DIMITRI VENDREDI 29 SEPTEMBRE À 20H CIRQUE THÉÂTRE DU CROCHETAN

ceux en Suède qui voulaient accueillir des migrants. À chacune des rencontres, une nouvelle histoire, une tragédie personnelle. La différence est grande entre l’artiste de cirque qui prend des risques de son propre chef et la personne qui s’enfuit pour sa survie, mais j’y vois des points communs : avoir peur, braver l’inconnu, toujours y croire. Voir l’Europe fermer ses frontières me scandalise, quand notre cirque s’évertue à les repousser. Pouvez-vous imaginer ce que serait le monde si personne n’avait jamais pris aucun risque ? Pour ma part, je crois que nos frontières sont souples. À l’image de nos cœurs et nos cerveaux, qui ont une capacité innée d’expansion.» Tilde Björfors Sur scène, accompagnés d’une musique composée par Samuel Andersson et jouée en live par Théa Aslund, musicienne-orchestre armée d’un chariot d’instruments, aussi à l’aise au chant, au violon, à la guitare électrique et aux percussions, les cinq acrobates

Il y a un an, le grand clown suisse nous quittait. Avec Masha Dimitri, sa fille, le Crochetan a imaginé de lui rendre un hommage festif.

CHILLY GONZALES SAMEDI 25 NOVEMBRE À 20H

dont font partie deux jeunes prodiges de la bascule coréenne Anton Graaf et Einar KlingOdencrants, médaillés d’or au prestigieux Festival Mondial du Cirque de Demain à Paris, livrent une prestation aussi impressionnante que bouleversante. ...............................................

MUSIQUE THÉÂTRE DU CROCHETAN Le surdoué du clavier est connu pour ses concerts extravagants et prodigieux. Après le Montreux Jazz Festival, il propose une deuxième et ultime date en Suisse, au Théâtre du Crochetan où il interprétera Solo Piano.

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Originaire d’Espagne, Mari Trini Giner est en stage pour dix mois au Théâtre du Crochetan, dans le cadre du Service volontaire européen. ..

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J’ai toujours aimé voyager, découvrir de nouveaux endroits, de nouveaux visages, de nouvelles odeurs, de nouveaux goûts. Mais ce n’est pas la même chose d’être une touriste de passage ou un habitant d’un temps

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Je suis nouvelle en Suisse et je suis nouvelle à Monthey. Je suis de passage, pour apprendre et m’imprégner de tout ce qui m’entoure, me familiariser avec la langue française et prendre part à la vie culturelle et sociale de la région. Je resterai à Monthey durant dix mois. Cela semble beaucoup, mais le temps passe vite. A l’heure où j’écris ce texte, cela fait exactement deux mois que je suis arrivée. Lorsque vous me lirez, l’été aura passé et le compte à rebours de cette aventure en Valais sera déjà en marche.

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— Texte de Mari Trini Giner —

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UNE NOUVELLE FILLE DANS LA VILLE

qui se sent faire partie du pays et qui pourra dire un jour : «Je vivais là-bas.» Lorsque je m’installe dans un endroit, en sachant que je vais y rester quelques mois, je prends plus le temps de profiter et d’approfondir ma connaissance de la culture locale. J’ai pris goût à cette sensation en 2014 lorsque j’ai quitté mon pays pour la première fois. Mon premier voyage n’a duré que trois mois, ce qui est court mais tout à fait suffisant pour découvrir une grande ville comme New York. Puis vinrent les Caraïbes. Qui n’a pas rêvé de vivre aux Caraïbes ? Je suis ensuite allée en Turquie avant de rejoindre la Suisse. J’aime ces contrastes. Je ne sais pas encore quelle sera ma prochaine destination. Il en reste beaucoup sur ma liste, mais je ne suis pas ici pour parler de cela.

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Je souhaiterais partager mon expérience sur la manière de me sentir acceptée et intégrée dans un nouveau pays où l’on ne connaît personne. Je pense que l’attitude est déterminante. Je suis curieuse de nature. J’aime découvrir toutes les nouvelles choses qui se présentent à moi. Je lis tout ce qui tombe sous mes yeux, je m’informe, je participe à autant d’événements que possible, je parle à des inconnus que ce soit durant mes trajets en train ou dans la rue, je vais à la médiathèque et ces différents lieux publics que propose une ville. En bref, je sors et de ce fait je perds la peur que peut provoquer l’inconnu. Je me sens privilégiée car j’évolue dans un environnement très ouvert, qui propose une foule d’activités variées. Je n’ai jamais le temps de m’ennuyer. Je suis fière de faire partie de l’équipe du Théâtre du Crochetan. J’ai pu y découvrir une manière de travailler, la qualité des spectacles, des artistes accueillis, des expositions de la Galerie, des ateliers. J’ai aussi vu germer de nouvelles idées et des projets prendre forme. L’envie d’innover y est omniprésente et le slogan du Théâtre du Crochetan pourrait être : «Penser global, agir local». Avant mon arrivée et bien que je savais que je ferais partie d’une équipe, je craignais de m’ennuyer et me sentir seule dans une ville de la taille de Monthey. Mais j’ai rapidement découvert la Maison du Monde, les artistes en résidence au Crochetan et à Malévoz Quartier culturel, le Théâtre du Raccot, le Pont Rouge, Le Kremlin, le Centre Espagnol,

La Peña Gallega, la Fabrik H2, La Maison Blanche, les concerts aux Château ou encore le parcours vita. Tous ces lieux et les activités qu’ils proposent m’ont permis de prendre part à la vie de la région et de m’intégrer. J’ai été surprise par la richesse et la profusion de l’activité culturelle montheysanne. Elle est tour à tour innovante, risquée, audacieuse, créative, originale et ouverte. J’ai rencontré des gens de la Suisse entière au Pont Rouge. Il faut dire que le lieu attire des groupes reconnus par des magazines spécialisés tel que le Rolling Stones Magazine. De même que le Théâtre du Crochetan qui remplit sa salle plus de cinquante fois par saison, tout cela dans une ville qui ne compte que dix-sept mille habitants. Mon seul regret au final est de n’avoir malheureusement plus vingt ans. J’aurais pu profiter de l’abonnement «20ans100francs» qui donne accès à l’offre à de plus de septante institutions culturelles du Valais. Et si j’avais été officiellement une nouvelle habitante du district, j’aurais opté pour le «Pass Bienvenue» qui ne tient compte ni de l’âge ni de l’origine, la seule exigence étant d’être un nouvel arrivant sur les districts de Monthey ou Saint-Maurice. Si c’est votre cas, commandez-le durant l’année 2017. Vous pourrez en profiter durant toute l’année 2018. C’est sans aucun doute un excellent moyen de découvrir les activités culturelles de la région, nouer des amitiés et finir par se sentir intégré(e).

LE PASS BIENVENUE Le Pass Bienvenue est une carte nominative qui donne libre accès et de manière illimitée durant une année à six sites culturels sur le district de Saint-Maurice et 6 sites culturels sur le district de Monthey. Il est destiné à tout nouvel arrivant de ces districts, peu importe l’âge et la provenance. Toutes les informations seront communiquées aux nouveaux arrivants des deux districts, leur indiquant les démarches et détails pour obtenir ce Pass Bienvenue, via le contrôle des habitants de la commune.

Le passe 20 ans 100 francs donne libre accès à plus de 1000 événement, festivals, spectacles, concerts, cinés et expositions dans plus de 70 lieux culturels du canton. Valable une année, la carte est destinée aux moins de 21 ans. www.20ans100francs.ch

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Deux ans après la reconversion de l’ancien cinéma Monthéolo sous la houlette des Vilains gamins, la salle de spectacle a trouvé son public local et titille son monde hors frontières valaisannes.

LE KREMLIN, DU CARPE DIEM VÉCU EN LIVE — Texte de Emmanuelle Es-Borrat —

............................................... Le lieu est résolument vintage. Il a conservé quelques fauteuils rabattables du cinéma d’avant et s’épanouit entre les murs d’un autre temps de la salle qui a fait les beaux jours des virées montheysannes au cinoche. Sauf que… lorsque le grand écran ne s’illumine pas d’un grand classique ou autre long métrage, le son prend le relais pour des concerts contemporains, voire passablement déjantés. Si une soirée à thème ne s’empare pas du public pour un événement hors des lois de la gravitation d’un Monthey en 2017, ce sont des gosses qui s’y réunissent pour le goûter et un film. Reconverti en salle de spectacle en février 2015 par les Vilains gamins, bande d’amis du crû, le Kremlin a su imposer son identité. Hors des sentiers battus, à la frontière d’événements culturels qui 8

ne se présentent jamais seuls, mêlant musique, visuel et fête. Un seul credo au-dessus de sa tête peut-être : le plaisir immédiat de la découverte. Car si le Kremlin est vivant, nul ne peut prédire le temps que durera son règne… Le bâtiment est en effet voué à la démolition à moyen terme. Ce qui n’est nullement vécu comme une épée de Damoclès par les bénévoles qui gèrent les lieux. A les écouter, ce serait davantage du Carpe diem vécu en live : «Du coup, nous n’avons pas le temps de nous reposer », explique Philippe Battaglia, coresponsable de la programmation cinéma. «On y va, on se fait plaisir, on organise ce qui nous plaît. C’est peut-être un peu égoïste. » Une allégresse qui se partage pourtant avec un public devenu fidèle. «Il y avait probable-


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ment un peu d’élitisme au début de cette aventure. Nous en sommes sortis. Notre objectif est de rendre accessibles les événements que nous programmons, y compris du point de vue financier.» Un film à 5 francs, un concert entre 10 et 15, voilà qui a certainement aidé à façonner le noyau dur qui fréquente régulièrement la salle. «Ils ont entre 30 et 45 ans et sont essentiellement montheysans », commente Christelle Gex qui assure la programmation musicale avec Ludovic Chappex, lequel crée au dessin toutes les affiches des événements. «Dans le même temps, nous constatons que l’on vient de plus en plus loin pour certains concerts, des autres cantons romands, mais aussi de Suisse alémanique et même de France. C’est plutôt sympa comme légitimité.» La «faute» à une certaine audace qui semble ne s’être jamais démentie au fil des saisons. Cinq mois après son ouverture, le Kremlin accueillait déjà une tête d’affiche internationale avec le groupe suédois Agent Side Grinder. Une soirée Prohibition avec décor et déguisement à la clé, un cinéconcert autour de 2001 l’Odyssée de l’espace, une conférence de la Baronne transformiste belge Valentine Deluxe sur les vampires lesbiennes dans l’histoire du cinéma, des films d’animation loin de Disney pour les plus jeunes : le mélange des genres a de quoi séduire les curieux. « Au point que notre public se déplace sans savoir parfois ce qu’il vient écouter, mais avec la confiance de passer une soirée particulière », poursuit Philippe Battaglia.

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Une manière d’envisager la culture qui poussera bientôt une nouvelle porte encore, puisque le Kremlin deviendra lieu de création avec la présence cet automne de Kiku&Blixa Bargeld&Black Cracker. «D’habitude, les gens s’adaptent à la folie du Kremlin, concluent les Vilains gamins. Cette fois, un spectacle partira de chez nous, pour s’adapter ailleurs.» Pour en savoir plus : www.lekremlin.ch ............................................... 9

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Héritage de son compagnonnage pendant plus de dix ans avec William Forsythe, Rafaële Giovanola laisse une grande force de proposition aux danseurs mais guide le processus de création en imposant des contraintes dans le mouvement. Depuis 2013, Cocoondance a initié un cycle de recherche sur le mouvement lui-même dans une mise en espace à la fois chorégraphique, scénographique et sonore qui explore les différentes perspectives et perceptions narratives tout en déstabilisant les relations entre espace et temps, public et interprète.

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— Entretien réalisé par Mélisende Navarre, responsable de la médiation culturelle et des relations avec les publics —

CocoonDance, emmenée par la chorégraphe Rafaële Giovanola, est une compagnie basée à Bonn (Allemagne) et à Monthey régulièrement invitée par le Théâtre du Crochetan. Construisant sur cette relation fidèle, une résidence triennale financée par ThéâtrePro Valais sur la période 2017–19 a permis à la chorégraphe de mettre sur pied une série de projets autour de la danse contemporaine dont la cie Junior. Un nouvel élan pour la danse à Monthey qui amène un métissage des styles vivifiant. ................................................................................................... La cie CocoonDance, dans le cadre de sa résidence au Théâtre du Crochetan, est en train de former une cie Junior avec les 7–23 ans à Monthey, un peu sur le modèle de ce que vous avez mis en place en Allemagne. Comment est née la cie Junior à Bonn ? Et comment s’est-elle développée ? — Rafaële Giovanola — La Compagnie Junior est née de nos projets dans les écoles afin de former une plateforme de création pour les jeunes qui ressentaient l’envie d’aller plus loin. L’enjeu est que cela soit ouvert à chacun, donc premièrement gratuité, et surtout pas de casting, aucun critère technique, seulement l’envie de bouger. Après avoir déposé le dossier trois fois, nous avons finalement obtenu le soutien financier nécessaire de la ville de Bonn, de la région de NRW et de la fédération et en février 2012 nous démarrions la Compagnie Junior « They might be Giants». Trois semaines plus tard ils se retrouvaient sur scène pour une première présentation publique! Depuis nous avons créé cinq projets : la compagnie a été invitée à la Tanztreffen der Jugend à Berlin qui représente la rencontre la plus renommée en Allemagne pour ce genre de projet, a remporté le prix Auf dem Weg zum Kinder-Jugend des Landes NRW doté de 10 000 euros et est régulièrement invitée lors de Festivals à Cologne, Essen, Munich, Aix la Chapelle. Les jeunes ont aussi la possibilité de créer leur propres chorégraphies, notamment dernièrement dans le cadre d’un programme jeunes chorégraphes ou aussi lors de notre Festival International de Solo à Bonn au Theater im Ballsaal. En ce moment nous comptons trente-deux jeunes entre 8 et 18 ans. — Mélisende Navarre —

Rafaële Giovanola

LES PROCHAINS RENDEZ-VOUS DE LA CIE JUNIOR À MONTHEY Facebook Residence Triennale //CocoonDance Page résidences du site du Crochetan

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— MN — A quoi attribuez-vous le succès de cette compagnie Junior ? — RG — Nous travaillons avec les jeunes comme avec la compagnie professionnelle, ils mettent en mouvement les mêmes tâches. Ils sont considérés comme des artistes à part entière, avec les mêmes exigences et non comme des enfants. Ils créent leur propre gestuelle dirigée par nous naturellement mais la gestuelle émane de leur corps et de leurs possibilités. Nos danseurs et danseuses travaillent régulièrement avec eux et tous s’inspirent les uns des autres. Ils travaillent avec toute l’équipe artistique : notre compositeur, notre créateur lumières.

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LA CIE JUNIOR DE COCOONDANCE


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— MN — Comment cela se passe-t-il pour la cie Junior à Monthey ? — RG — À Monthey, les enfants ne viennent pas nécessairement des écoles, mais surtout de différents groupes qui bougent déjà : comme les breakers, les enfants qui dansent dans des écoles privées, des traceurs. Donc nous avons déjà une autre physicalité, peut-être plus urbaine et plus radicale. Nous travaillons en phases vu que je ne suis pas toujours en Valais, mais entre deux le groupe se rencontre une ou deux fois par mois, afin de ne pas perdre l’énergie du groupe et j’ai la chance d’être bien soutenue par le groupe de breakers montheysans qui travaillent avec les enfants et aussi par les Services Jeunesse et Sports de la ville de Monthey, en plus du Service culturel bien sûr, pour les lieux de répétitions. Nous avons déjà eu trois présentations publiques et l’on voit déjà de grands changements dans leur compréhension et leur performativité. Le groupe est encore en construction mais je trouve qu’il a une très belle dynamique et je suis curieuse de voir comment cela va se développer. Est-il encore possible de rejoindre la compagnie junior à Monthey si on a entre 7 et 23 ans et quelles sont les conditions ? — RG — Absolument ! Jusqu’en janvier 2018 c’est encore possible. Les ateliers sont ouverts à tous. La seule condition une fois qu’on a envie de continuer : une présence ponctuelle et engagée pour les répétitions. Sinon rien, et grâce à ThéâtrePro Valais et la résidence triennale tout est gratuit. — MN —

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JULIE DELALOYE

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Carte blanche à Julie Delaloye

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AUX FRONTIÈRES DE LA POÉSIE ET DE LA MÉDECINE

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Née à Lausanne en 1979, Julie Delaloye travaille comme médecin, partageant son temps entre une activité clinique et une activité de recherche. Elle reçoit le prix de Poésie de la Vocation de la Fondation Marcel Bleustein-Blanchet en 2008, pour Dans un ciel de février (Cheyne éditeur, 2009, réédition 2010). 16e Sélection Lettres frontière 20092010. «Malgré la neige» est son deuxième livre paru en 2015 (Cheyne éditeur), sélection finale du Prix Apollinaire 2016. Il y a dans la poésie de Julie Delaloye une grâce aérienne, une espérance lumineuse d’approcher en toute humilité ce qui fonde le mystère de la beauté, tant végétale que minérale ou humaine.

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............................................... Une frontière m’habite et me traverse. Ou devrais-je dire des frontières m’habitent et me morcellent. Jusqu’à la rupture, puis la réunification. Médecine contre poésie, montagne contre désert… L’intérêt d’une frontière réside dans le franchissement qu’elle suppose : la tentation de l’exil ! Parce qu’elle délimite un territoire, une appartenance à la terre nourricière, aux fondations, aux rites, aux liens qui nous construisent et nous définissent, la frontière rend également possible le désir de l’ailleurs, un appel vers d’autres contrées. La frontière quand elle peut être volontairement franchie devient une source inaltérable de richesse et de refondation de soi. Le poète médecin En tant que médecin et poète, la question m’a souvent été posée de la conciliation possible de la pratique de la médecine souvent gelée dans ses connaissances scientifiques avec celle de la poésie considérée comme plus fantasque, moins réelle. N’existe-t-il pas une fracture infranchissable entre les deux disciplines ? Je crois au contraire que poésie et médecine sont les deux berges d’un continent indivisé, celui de l’homme. La poésie pour commencer, puisque c’est la poésie qui m’a happée avant de découvrir ma vocation médicale. La poésie porte en elle plus que le langage, l’origine. Débusquer l’origine, la retrouver, sous quelque forme cachée, imprévisible. Au détour d’une impression, d’un fragment de paysage. Par éblouissement, par tâches, chercher à dire cette origine, non pas celle désormais terrée sous un passé fendu, mais l’origine fondatrice, celle qui ouvre à la possibilité du sens et oriente en cela un cheminement intérieur et universel. Chercher l’origine, avec la volonté inépuisable, inaltérable de dire notre être au monde. Non pour le comprendre, le justifier ou l’absoudre, mais le dire tel qu’il se dévoile en de trop rares instants de fulgurance, sur

la corde raide de notre existence, tel qu’il se construit, se consume aussi dans son désir insatiable d’absolu. Poésie de la présence, présence du moi au monde, qui peut, qui doit se révéler à chaque instant, en chaque lieu. Le poème est cette quête fragile mais intransigeante d’un état non pas de vérité, mais de clarté, qui nous révèle à notre condition d’homme. En accueillant la possibilité de l’inaudible, de l’invisible, la poésie unit, relie les êtres, au-delà de la mort 13

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Ainsi il en va de mon expérience poétique, de cet instinct de la poésie, le mien, qui n’a pas été choisi mais qui s’est donné un jour, à l’opposé des dogmes, qui s’est arraché d’entre les pierres et les ciels neigeux, et qui demeure désormais dans une dimension humaniste comme la quête de soi, du sens, de l’absence. Qu’en est-il de la médecine ? Tout comme la poésie, la médecine puise son origine et sa justification dans la relation privilégiée qu’elle entretient avec les hommes, dans sa volonté de dire et guérir notre être au monde. La médecine palpite au carrefour de notre société, elle est le lieu de tous les bouleversements, de tous les chaos, de toutes les souffrances, mais également des transmissions et des joies profondes. La médecine est avant tout un lieu de révélation. Car c’est bien souvent dans la maladie que l’homme se révèle à lui-même, qu’il rejoint ou découvre son identité profonde, tendu par ce désir obstiné de guérir. Cette brèche, cette interrogation que creuse la maladie chez le patient atteint dans son

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Le corps, frontière franchissable avec la nature Ce franchissement des frontières entre poésie et médecine s’illustre à mon sens dans le concept même du corps et la façon qu’il peut être transfiguré, transmuté par l’usage du langage poétique. Qu’est-ce que le corps ? Que reste-il du corps face à la maladie ? J’oserais la réponse suivante : peut-être une pierre, peut-être un arbre ou une montagne… Car il me semble trouver une étroite correspondance entre le corps et la nature, dans cette trilogie (pierre, arbre, montagne) où se met en place un système d’équivalence. Un corps qui souffre, c’est aussi un corps qui résiste, celui d’un homme debout, qui marche, comme en équilibre sur le fil de l’existence. Figurines de Giacometti entrées en résonance avec notre propre souffrance. Un corps fragile, mais tendu avec force et détermination, vers quoi ? Un désir d’avenir, un désir de franchissement des frontières, malgré l’épuisement, la maladie qui fragmente jusqu’à la dislocation… Et par-delà l’effondrement de corps, derrière l’éboulis, peut-être reste-t-il une pierre.

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A l’origine était le Verbe. Ou les mythes. Ce sont les mythes qui m’ont poétiquement fondée, mêlé le blé à la lumière. A leurs images, leurs dieux, leur folie, à leurs récits sans cesse réinventés par les poètes, aux Chimères de Nerval, «La treizième revient c’est encore la première», je crie ma soif et ma reconnaissance. Entre les brèches, quand se sont ouverts les grands récits bibliques, c’est un psaume (« Sur les bords du fleuve de Babylone, nous étions assis et nous pleurions, nous souvenant de Sion », qui saura encore dire l’exil après ça ?) ou un cantique, à l’écho le fou d’Elsa, ma lecture adolescente éblouie, qui m’ont guérie. La troisième voie ouverte, sur la face nord. Un ciel, une tombe, comme un pierrier ouvert dans la montagne. Et cette litanie qui monte au cœur, n’était-ce le poème ?

intégrité physique, la médecine ne sait pas toujours comment y répondre. Médecine et poésie ont au fond la même origine et tendent vers un même but, chercher à s’accorder au monde, dire notre être au monde, pour mieux vivre, aider à apprendre à vivre. Mais la science ne sait pas tout. Celle qui s’efforce sans cesse de franchir les limites de la connaissance se heurte à un instant aux limites du savoir. C’est là, je crois, que vibre l’intervalle du poème, qui laisse entrevoir autre chose que la seule explication rationnelle. Parce qu’il s’oppose à l’immédiat, le poème sait se soumettre à l’épreuve de la finitude et de la mort. La poésie sait résister et se tenir debout face à la maladie. «Si tu veux que soient justes et efficaces tes soins, sois attentif aux paroles, aux manières, aux silences, aux pensées ». Avec Hippocrate déjà, poésie et médecine résonnaient comme les deux faces d’un même continent à explorer.

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même. Penser l’origine, c’est aussi penser l’absence. Il y a dans cette expérience-là de la poésie, plus que le langage, quelque chose de l’ordre de l’espérance.

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Puis vient la forêt ! Comme l’arbre, l’être humain est pris dans un processus de croissance et de mort qui ne peut jamais être arrêté. Et les arbres seraient ces corps debout ! La forêt, cette clairière arpentée par

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«Seule la montagne nous absout, dans le sacre de l’hiver. »

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La montagne, dressée entre le soleil et les ciels neigeux vibre elle aussi d’une pulsation qui se mêle à notre propre respiration. Souffle perdu à l’approche des sommets, le cœur mis à nu. La deuxième voie ouverte, sur la face nord. Chappaz et La Haute Route, véritable corps à corps avec la montagne ! Un ciel, une tombe, comme un pierrier ouvert vers les cimes. Et cette litanie qui monte en son glacier, n’était-ce un poème ?

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En un seul brasier, une seule naissance.»

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«Au visage bien qu’éblouissant, je dépose des pierres ou des os, à la place du cœur assailli de roses, j’enracine des ronces ou des os.

des silhouettes d’hommes marchant dans l’enchevêtrement des ronces, des racines, de la lumière, à contre-jour. «Corps où se glisse l’écorce, puis l’arbre, beauté qui se tord et se relève, s’insinue entre la mer et le cœur criblé, grandissant.» La frontière ou la tentation de l’exil Frontières géographiques, frontières physiques, frontières intérieures, n’avonsnous pas plus qu’un royaume à franchir ? Pour nous perdre puis nous retrouver. De part et d’autre de la bordure, d’un corps, il y a ces deux infinis qui se ressemblent, qui se rassemblent. Si l’exil est une valeur c’est parce qu’il ne s’arrête jamais comme un acquis et porte toujours avant sa quête. Tout comme la médecine et sa quête du guérir, tout comme la poésie qui ouvre des failles par où nous n’aurions pas imaginé chercher, ouvre une profondeur du temps où vibre enfin le silence.

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TRIENNALE 2017 Focus sur quelques propositions artistiques visibles au Relais du Saint-Bernard

— Texte de Julia Hountou, Co-curatrice de la TRIENNALE 2017

. .. Anne-Chantal Pitteloud, Niveaux (détail)

................................................................................................... Alors que le tourisme en Valais mise habituellement sur ses paysages montagnards, la TRIENNALE 2017 fait le pari d’explorer un haut lieu de la plaine du Rhône. En effet, à l’occasion de cette nouvelle TRIENNALE, l’autoroute et plus précisément le Relais autoroutier du Saint-Bernard se révèlent être des lieux propices à l’exploration de thématiques intéressantes. Reliant le Canton du Valais au monde extérieur, le Relais incarne autant l’ouverture à un ailleurs que la crainte de l’inconnu. L’autoroute quant à lui évoque le voyage et stimule l’imagination. Une trentaine d’artistes se sont «embarqués » dans l’aventure à l'invitation des trois curateurs Simon Lamunière, Véronique Mauron et Julia Hountou. Le Relais du Saint-Bernard, anonyme et pourtant familier, est devenu leur terrain de « jeu». Rompus à la réalisation de dispositifs d’occupation temporaire de la sphère publique, ils s’approprient ici une aire de transit et la «transforment» en lieu éphémère de présentation. Quels regards portent-ils sur cet espace singulier ? Comment sont-ils parvenus à s’en emparer? Comment favorisent-ils une autre perception de ce site atypique, et donc de notre relation au réel ? Au sein de ces quelques kilomètres-carrés hautement fréquentés, sans murs ni cimaises, les créateurs ont élaboré une opération d’envergure. Afin d’attirer l’attention sur ce panorama unique, ils nous convient à débattre de la question du lieu, de notre rapport au paysage, à l’environnement, au voyage, à la migration, au transport, au point de vue, à la consommation, aux loisirs…

EXPOSITION SAMEDI 26 AOÛT — DIMANCHE 22 OCTOBRE RELAIS DU SAINT-BERNARD, MARTIGNY VALAIS – WALLIS Art contemporain zeitgenössische Kunst Vernissage : Samedi 26 août à 17h A9 — Relais du Saint-Bernard

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La voiture, un concentré d’érotisme La route procure la sensation d’un espace ouvert se déroulant à l’infini devant soi. Objet de fantasmes, de pouvoir, de vitesse, de violence, de désir, de technique, l’automobile est indéniablement chargée d’érotisme. Telle une «trouée» linguistique dans le parcours du voyageur, en parallèle à l’autoroute, sur la rive d’un plan d’eau, six lettres majuscules monumentales en métal argenté font rayonner le mot anglais «DESIRE». Brillant et percutant, le mot s’impose telle une enseigne incontournable, comme si Monica Bonvicini avait voulu le fixer pour l’éternité. Ce terme questionne l’Eros, pulsion de vie chez Freud, lien fondamental à autrui chez Levinas. Le rapport au corps et à l’espace réside au cœur du travail de l’artiste, qui dénonce la prégnance du pouvoir masculin dans notre société, l’asymétrie des relations homme/femme et le poids des stéréotypes.

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. Vie / Violence Dans le hall du Relais autoroutier, trône Speed Limite, une Jaguar-corbillard customisée par François Curlet. Ce prototype hybride évoque à la fois la vitesse et la mort. Telle une métaphore de l’existence, entre célérité et ralentissement, insouciance et fléchissement, puissance et dépouillement, cette œuvre accentue la frontière entre conformité et extravagance.

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François Curlet, Speed-Limit

LES ARTISTES EXPOSÉS AU RELAIS DU SAINT-BERNARD Joëlle Allet, Mirko Baselgia, Monica Bonvicini, BUREAU A (Daniel Zamarbide), Valentin Carron, François Curlet, Andreas Dobler, Eggs & Bitschin, Laurent Faulon, Didier Faustino, Vidya Gastaldon, Séverin Guelpa, Fabrice Gygi, Lang/Baumann, Jérôme Leuba, Gianni Motti, Sandrine Pelletier, Céline Peruzzo, Anne-Chantal Pitteloud, Cédric Raccio, Anne-Julie Raccoursier, Delphine Reist, Pipilotti Rist, Marie Sacconi + ECAV, Valeria Schwarz, Roman Signer, Josette Taramarcaz, Alexia Turlin, Erwin Wurm, Mathias Wyss

Des cartographies oniriques Réelle ou rêvée, l’exploration du territoire ne se fait pas sans cartes géographiques. Indispensables pour planifier son trajet et pour se localiser, elles invitent également à l’évasion et à la rêverie. Créatrice d’étranges collections d’objets imaginaires, Anne-Chantal Pitteloud nous convie à d’insolites périples au sein du Relais. Ses œuvres en dialogue avec la nature reflètent les marches en montagne qu’elle affectionne. Pour préparer ses excursions, elle se plonge dans l’observation des cartes et se sent dès lors comme transportée dans le paysage. Ici, l’artiste a réalisé deux grands dessins à l’encre de Chine sur deux plaques de verre (voir visuel en haut de la p. 16). Leurs motifs abstraits évoquent les courbes de niveaux, les strates géologiques, les niveaux de la mer et plus spécifiquement ceux des crues du Rhône qui coule de l’autre côté de l’autoroute. La réinterprétation onirique de la cartographie par la plasticienne s’apparente à une réappropriation poétique du monde. Des «vitraux» d’un genre inédit Conviant à dessein les automobilistes à prolonger leurs haltes, Cédric Raccio s’est approprié les références de la culture populaire et a investi les baies panoramiques du Restoroute, qui offrent une vue sur les petits lacs et le site environnant. À travers une série de huit images, il s’est attardé sur le style vestimentaire des groupies rencontrés lors de concerts de death metal, black metal, etc. Le cadrage serré focalise l’attention sur le dos de leurs blousons ornés de «blasons», tandis que leur chevelure demeure visible en haut de la photographie. Le photographe a chaque fois superposé deux clichés qui deviennent hybrides. La lisibilité des inscriptions brodées disparaît au profit d’un rayonnement psychédélique, évoquant la pollution visuelle à laquelle nous sommes quotidiennement confrontés. Incrustée dans nos villes et nos campagnes, la publicité s’impose en permanence, défigurant nos paysages et «violant» nos consciences. Cédric Raccio s’attache ici à déplacer les frontières qui séparent traditionnellement la culture de masse et l’art. Le format vertical et l’effet de transparence des images 1 apposées sur les vitres rappellent les verrières colorées des cathédrales gothiques. Ces vitraux «triviaux » délivrent leur message athée grâce à la lumière que leurs «modèles» médiévaux transfiguraient autrefois en divin.

Cédric Raccio, Sanctuary de la série Ecstatic Virtual, 2015

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Erwin Wurm, Cucumbers

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La TRIENNALE 2017 propose une sortie de route dans un environnement paradoxal, mêlant nature, voiture, consommation et loisirs. Restez informés à propos du concept, des artistes, des curateurs et des événements. Abonnez-vous à la newsletter de la TRIENNALE : www.triennaIe2017.ch

Films plastiques autocollants.

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Dans les livres de Claude Lévi-Strauss notamment, l'analyse du rapport à la nourriture occupe une place considérable.

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Noëlle Châtelet, Le corps à corps culinaire, Paris, Ed. du Seuil, 1977, 184 p.

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Avec ou sans cornichons ? Entrée, plat, dessert, café, sandwich avec ou sans cornichons… Il faut aller vite ! Un Restoroute, c’est un coup de feu permanent. Le personnel doit gérer les repas de la clientèle de passage, souvent pressée et fatiguée. Face aux baies vitrées de l’établissement, trois immenses cornichons surgissent de la pelouse, dressés vers ciel. Questionnant la notion de sculpture avec un humour décapant, Erwin Wurm opte pour des éléments du quotidien, élus pour leur apparente banalité. Il s’amuse à nous déstabiliser afin d’interpeller nos excès. En apparence anodine, la manducation est en réalité un acte complexe qui implique l’homme et la société dans toutes leurs dimensions 2. L’érection de ces cucurbitacées géantes, telles de grotesques organes turgescents, suggère aussi combien «la réalité du manger est, avec celle du sexe, celle qui ouvre la plus large brèche à l’univers fantasmatique.» 3

INFORMATIONS PRATIQUES

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Borderlines Notre société érige l’environnement au rang de valeur de référence forte. Biotope, paysages et grands axes asphaltés apparaissent dans toutes leurs contradictions et suscitent de vives incompréhensions entre usagers, riverains et concepteurs d’autostrades. Sandrine Pelletier interroge le défi des constructeurs d’autoroutes amenés à redéfinir nos rapports au paysage. Ici, elle a choisi des filets militaires blancs pour les transmuer en matériaux organiques. Cette œuvre «in situ» consiste en l’«empaquetage» de troncs d’arbres qu’elle «drape» pour créer des «sculptures» temporaires. Ainsi revêtus, les fûts acquièrent une autre apparence, d’autant qu’à une certaine distance, la blancheur des fourreaux maillés peut évoquer un mince manteau neigeux. Posant la question de la place de l’objet dans nos vies, le matériau utilisé scrute nos modes de consommation : comment réduire nos déchets et minimiser notre empreinte écologique ?

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Josette Taramarcaz, TobleRhône

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Consommer du paysage Les relais autoroutiers sont devenus des haltes clés pour les vacanciers en transit. Face à cette perspective touristique clairement affichée, peut-on échapper à la prédominance des montagnes et des lacs lorsque l’on visite le Canton du Valais notamment et plus généralement la Suisse ? C’est avec ces clichés que Josette Taramarcaz joue ici. Installée près du Restoroute et à proximité de l’eau, dans l’axe du couloir rhodanien, sa sculpture en résine se présente comme un pan de montagne aux contours du mythique Cervin. Tel un triangle de Toblerone, cette « portion » suggère la commercialisation du panorama que l’on déguste et dont on use à outrance. Si cette montagne singulière évoque la prodigieuse puissance des reliefs qui nous entourent, sa structure en matériau synthétique souligne combien l’industrie touristique déploie d’impressionnantes prouesses techniques pour nous donner accès à un relatif dépaysement au sein d’un supposé paradis.

L’art de «donner à voir » Jadis limitées aux seules stations-service, les aires d’autoroutes connaissent une profonde mutation, multipliant prestations et commerces afin que les clients s’y attardent davantage. Une stratégie de l’arrêt s’impose : ces aires se muent alors parfois en belvédères qui permettent d’embrasser la vue sur les lacs et le site environnant. Travaillant sur les déformations visuelles et la réfraction optique, Joëlle Allet a conçu une installation cristalline, poétique et sophistiquée, composée de trois sphères en verre soufflé posées à proximité de l’eau. À l’aide de ces étranges lentilles éthérées, offrant des reflets déformés et inversés, elle s’amuse à modifier notre perception de la réalité. En regardant à travers ces globes, l’image s’inverse et se concentre, rappelant les boules à neige que le marché touristique produit aujourd’hui en série. À travers les facettes de son installation, l’artiste nous interpelle : chacun de nous voit-il la même réalité ?

Monica Bonvicini, Desire

BARBARIANS

CÉCILE HESSE & GAËL ROMIER 25 AOÛT — 22 DÉCEMBRE 2017 EXPOSITION GALERIE DU CROCHETAN Vernissage public : samedi 23 septembre à 18h30 (avant le spectacle L’être ou pas) Entrée libre Horaire : lu-ve de 9h à 12h / 14h à 18h + les soirs de spectacles excepté jours fériés Curatrice : Julia Hountou Dans le cadre de la Triennale d’art contemporain en Valais et en collaboration avec le Centre d’Art et de Recherche GwinZegal, la Galerie du Crochetan accueille l’exposition Barbarians de Cécile Hesse et Gaël Romier.

................................................................................................... INSTITUTIONS PARTENAIRES Galerie du Crochetan, Malévoz Quartier Culturel, Fondation Louis Moret, Manoir de la Ville de Martigny, Musée de Bagnes, Verbier 3-D Foundation, EPAC, Ferme-Asile, Musée d’art du Valais, Visarte Valais, ECAV, MAXXX, Stiftung Schloss Leuk, Kunstverein Oberwallis, Forum Ernen, visarte.wallis 19


L’AGENDA .......................................... KATIA & MARIELLE LABÈQUE Vendredi 25 août à 20h Musique classique > Théâtre du Crochetan .......................................... BARBARIANS Vendredi 25 août au vendredi 22 décembre Vernissage samedi 23 septembre à 18h30 Exposition (entrée libre) > Galerie du Crochetan .......................................... «DIVAS ET CAPRICIEUSES» (Carol Bailly) Jeudi 14 septembre au dimanche 22 octobre Exposition > Galerie du Laurier Malévoz Quartier Culturel .......................................... KIKU & BLIXA BARGELD & BLACK CRACKER Samedi 16 septembre Electronic Indus Jazz > Le Kremlin .......................................... VALÉIK (Bach) Jeudi 21 septembre à 20h Musique classique > Mésoscaphe .......................................... CIE JUNIOR DE COCOONDANCE Samedi 23 septembre à 18h30 Showing (entrée libre) > Salle du Figuier (paroisse) .......................................... L’ÊTRE OU PAS Samedi 23 septembre à 20h Théâtre > Théâtre du Crochetan .......................................... TATTOO KREMLIN BAR, AVEC HATHORS & JANE BARNELL Samedi 23 septembre Rock n’roll, exposition, projection > Le Kremlin .......................................... KALA JULA Mercredi 27 septembre à 20h Musique du monde > Théâtre du Crochetan .......................................... DAHÜ (Cie Mladha) Jeudi 28, vendredi 29, samedi 30 septembre à 19h30 et dimanche 1er octobre à 17h30 Théâtre > Théâtre du Raccot Malévoz Quartier Culturel .......................................... HOMMAGE À DIMITRI Vendredi 29 septembre à 20h Cirque (dès 8 ans) > Théâtre du Crochetan .......................................... CONTERIE POUR ENFANTS Mardi 3 octobre à 16h45 Contes (dès 6 ans, entrée libre) > Médiathèque de Monthey .......................................... BRUCE BRUBAKER Jeudi 12 octobre à 20h Musique (Codex / Terry Riley / Philip Glass) > Foyer du Crochetan ..........................................

ZINGOINGOIN ACOUSTIQUE ! (Gaëtan) Samedi 14 octobre à 11h Musique (dès 3 ans) > Médiathèque de Monthey .......................................... OSTANDE Samedi 14 octobre à 20h Duo noise & words > Mésoscaphe .......................................... LA LOCANDIERA QUASI COMME Vendredi 20 octobre à 20h Théâtre > Théâtre du Crochetan .......................................... CONCERT AU CHÂTEAU Dimanche 22 octobre à 17h Tango (entrée libre) > Château .......................................... ATELIER THÉÂTRE (par Julie Annen) Mercredi 25 octobre de 9h à 16h Atelier (6 à 12 ans) > Soluna – La Bavette .......................................... ATELIER THÉÂTRE (par Julie Annen) Jeudi 26 et vendredi 27 octobre de 9h à 14h Atelier théâtre (7 à 12 ans) > P’tit théâtre de la Vièze – La Bavette .......................................... ATELIERS « YOGA POUR ENFANTS » Jeudi 26 octobre à 9h, 10h30 et 14h Ateliers > Médiathèque de Monthey .......................................... ATELIER PARENTS-ENFANTS BERCEUSES DU MONDE (Blandine Robin et Anne-Laure Murer) Samedi 28 octobre de 9h30 à 11h15 Atelier (0 à 107 ans) > P’tit théâtre de la Vièze – La Bavette .......................................... SGT. PEPPER’S LONELY HEARTS CLUB BAND Samedi 28 octobre Nuit psychédélique > Le Kremlin .......................................... KADHJA BONET Vendredi 3 novembre à 20h Jazz, soul, folk > Foyer du Crochetan .......................................... CONTERIE POUR ENFANTS Mardi 7 novembre à 16h45 Contes (dès 6 ans, entrée libre) > Médiathèque de Monthey .......................................... EMILE Jeudi 9 novembre au dimanche 17 décembre Exposition > Galerie du Laurier Malévoz Quartier Culturel .......................................... MUMMENSCHANZ Mardi 7 et mercredi 8 novembre à 20h Théâtre > Théâtre du Crochetan .......................................... SEMELLE AU VENT (Cie Jusqu’à m’y fondre) Mercredi 15 et samedi 18 novembre à 17h Théâtre (dès 7 ans) > Théâtre du Raccot – La Bavette ..........................................

LE LIVRE DE MA MÈRE Samedi 18 novembre à 19h Théâtre > Théâtre du Crochetan .......................................... CHILLY GONZALES Samedi 25 novembre à 20h Solo Piano > Théâtre du Crochetan .......................................... SOIRÉE PROHIBÉE : VAPEURS DE SHANGHAI Samedi 25 novembre Cabaret crapuleux > Le Kremlin .......................................... LE TOUT DOUX (par Blandine Robin et Anne-Laure Murer) Dimanche 26 novembre à 10h, 11h et 15h Musique (de 0-3 ans) > Maison du Monde – La Bavette .......................................... CONCERT AU CHÂTEAU Dimanche 26 novembre à 17h Musique classique (entrée libre) > Château .......................................... CONTERIE POUR ENFANTS Mardi 5 décembre à 16h45 Contes (dès 6 ans, entrée libre) > Médiathèque de Monthey .......................................... VINCENT DEDIENNE Mercredi 6 décembre à 20h Humour > Théâtre du Crochetan .......................................... VALÉIK (Debussy-Takemitsu) Jeudi 7 décembre à 20h Musique classique > Château .......................................... CIRKUS CIRKÖR Vendredi 8 à 20h, samedi 9 à 19h et dimanche 10 décembre à 17h Cirque (dès 10 ans) > Théâtre du Crochetan .......................................... FESTIVAL ENCIRQUÉ ! Vendredi 8, samedi 9 et dimanche 10 décembre Cirque (dès 6 ans) > Théâtre du Raccot – Malévoz Quartier Culturel .......................................... TOMBÉ DU NID (Théâtre des Marionnettes de Genève) Samedi 9 décembre à 11h Marionnettes (dès 4 ans) > P’tit théâtre de la Vièze – La Bavette .......................................... TIRE ! TIGRE ! Jeudi 14 décembre à 19h30 Magie > Théâtre du Baladin – Opération Vadrouilleurs .......................................... MARC DONNET-MONAY & YANN LAMBIEL Vendredi 15 à 20h et samedi 16 décembre à 19h Humour > Théâtre du Crochetan ..........................................

MAGIE DE NOËL AU KREMLIN Samedi 16 décembre Poésie électronique et visite du Ded Moroz ! > Le Kremlin .......................................... LE CIRQUE Vendredi 22 décembre à 19h Musique / Cinéma (dès 6 ans) > Théâtre du Crochetan ..........................................


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