«C’EST IRRÉEL»

Tiger Woods écrit une superbe page d’histoire avec son 5 e titre à l’US Masters et accomplit le comeback le plus étonnant jamais vu au golf.

Il y a deux ans seulement, rien qu’une vie sans douleurs semblait un objectif presque inatteignable pour la superstar américaine.

PETRA HIMMEL

Dimanche soir après le Masters, le National Golf Club d’Augusta est toujours plongé dans un grand silence. Les dizaines de milliers de spectateurs ont pris le large, les pros sont depuis longtemps dans leur voiture ou dans un avion – pour rentrer à la maison ou se rendre au prochain tournoi. En ce dimanche de finale du Masters 2019, une SUV noire stationne sur le parking des joueurs, un drapeau jaune posé dans le coffre grand ouvert. C’est le drapeau du 18e trou. Joe LaCava, le caddy de Tiger Woods l’a emporté. Il est assis dans la voiture de Tiger et attend le nouveau quintuple champion du Masters. Celui-ci fait encore un dernier petit tour parmi les membres au clubhouse, laissant passer en revue une Odyssée de presque cinq ans, qui a pris fin ici et maintenant.

L’attente est le facteur clé qui a marqué les dernières années de la carrière de Tiger Woods et de sa famille. Les enfants, Charlie et Sam, l’amie Erica Herman, la mère Kutilda – tout le monde s’était posé la question de savoir s’il aller rejouer au golf un jour, lorsque Tiger Woods avait, après la saison 2014, tellement de soucis de santé qu’il était impossible d’envisager sérieusement de reprendre le golf. «Je ne pouvais pas me tenir debout, ni rester assis, ni marcher», a décrit Tiger Woods son chemin de croix pendant lequel il a subi quatre opérations du dos depuis 2014. Rien qu’une vie sans douleurs semblait alors un objectif pratiquement illusoire.

Et à présent, cette cinquième victoire au Masters. Remportée solidement avec des tours de 70, 68, 67 et 70 coups et un score total de treize coups sous le par. Son swing était le meilleur depuis longtemps, a expliqué Tiger Woods. Lors de son triomphe au Tour Championship 2018 à l’East Lake Golf Club près d’Atlanta, il avait puisé suffisamment de confiance en soi et lors de sa bataille pour le titre du British Open 2018, il avait retrouvé la certitude de pouvoir à nouveau s’imposer lors de Majors. «Je sais que j’ai toujours le feeling dans mes mains», a dit Tiger Woods.

Un Soutien La Limite Du Fairplay

Les statistiques des quatre jours de tournoi du Masters lui donnent raison. Pour ce qui est des «greens en régulation», Tiger Woods était à la première place avec plus de 80 % de greens touchés. Il a noté neuf bogeys et vingt-deux birdies. A la fin, il a devancé d’un coup Dustin Johnson qui a commenté la victoire de Tiger avec ces mots: «C’est incroyable !» Xander Schauffele, 2e ex-aequo, a dit à propos du phénomène Tiger Woods: «Quand j’étais enfant, je le regardais toujours à la télévision. Le fait d’avoir joué contre lui aujourd’hui est tout simplement inconcevable.» Brooks Koepka, lui aussi battu et 2e ex-aequo, disait devant le clubhouse: «C’est inimaginable quand on pense à tout ce qu’il a traversé ces dernières années.» Le plus impressionnant dans cette victoire de Tiger Woods est le fait qu’il a touché les gens, que des émotions ont été libérées comme plus jamais depuis 2005 – lorsque Jack Nicklaus avait, à 57 ans, encore une fois eu des chances de triompher – et que les fans l’ont ovationné sur chaque trou lors de cette finale de l’US Masters.

Les cris de joie, un soutien à la limite du fairplay pour Tiger Woods par rapport à ses partenaires de flight, Francesco Molinari et Tony Finau, les larmes sur les visages des spectateurs autour du 18e green, les nombreux collègues qui l’attendaient ensuite devant l’entrée des vestiaires – tout cela démontre le respect devant un homme qui a complètement changé au cours des vingt-deux ans qui séparent son premier et son cinquième titre à Augusta.

Le Nouveau R Le De Tiger

Lors de son premier triomphe en 1997, la planète golf a découvert ce super talent, la jeune star impétueuse, capable apparemment de démonter le parcours d’Augusta à sa guise. Puis est venu l’époque de la méga-star inaccessible, toujours accompagnée de plusieurs agents de sécurité partout où il se rendait, échangeant à peine une parole avec ses concurrents et ne montrant aucune émotion. Puis l’homme en une des tabloïds, accusé d’adultère, de scandales sexuels et finalement poussé au divorce. Celui qui avait choisi, en 2010, l’Augusta National comme le lieu où il voulait oser un premier comeback au Masters précisément, après tout ce vacarme dans les médias. Le Chairman de l’époque, Billy Payne, l’avait sévèrement tancé dans un communiqué de presse, disant que le numéro 1 mondial «nous a tous déçus».

Neuf années plus tard, on lui a pardonné. Et Tiger Woods a appris à être un peu plus humble. Lors de la Ryder Cup 2016, il s’est même proposé comme vice-capitaine. Quelquefois, avant un tournoi, il organise désormais des ateliers avec des enfants. Il est devenu un gars qui cherche la compagnie de ses pairs et qui rit parfois de lui-même et de son jeu sur un parcours. Ce nouveau style lui a valu beaucoup de sympathies.

Et en fin de compte, le sport célèbre un héros qui a connu des gouffres tant humains que sportifs. Chuté à la position 1199 du classement mondial, il est redevenu le numéro 6 après son triomphe au Masters.

«C’était toujours évident qu’il pourrait encore gagner», a dit Jack Nicklaus, le seul golfeur encore plus titré, avec dix-huit victoires en Major. Sur Golf Channel, il a expliqué la victoire de Tiger Woods. «C’est bien égal qu’il ne frappe pas ses drives tout droit, car il ne l’a jamais fait. Mais il joue tout simplement les meilleurs fers du monde et il a un feeling incroyable dans ses mains», estime Jack Nicklaus.

Cette combinaison a produit de magnifiques birdies à Augusta National. Jeudi, caché dans les arbres au trou no 14, il a frappé une balle sur le green et a enquillé son premier putt. Le ton était donné pour les trois jours suivants. Son jeu courageux et agressif est en fin de compte plus attractif que la constance avec laquelle l’Italien