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En RE lES pI uE S E lES RApEAu

L’un des meilleurs skieurs de la planète – assurément le meilleur en descente – est aussi un fan de golf, qui ne manque pas une occasion de sortir ses clubs lorsque son agenda de sportif d’élite le lui permet. Nous avons rencontré Didier Cuche sur les greens de Lausanne, où son excellente vision des pentes et sa maîtrise de la vitesse ont fait merveille!

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Lorsque l’on visite son site internet (www.didiercuche.ch), on est impressionné par l’étendue de son palmarès, par sa longévité, par les valeurs traditionnelles auxquelles il semble attacher de l’importance (famille, délité, disponibilité) et par la simplicité qui se dégage de ce Neuchâtelois de 36 ans (le 16 août prochain). Un sentiment qui ne change pas lorsque l’on se fait broyer les doigts par sa franche et virile poignée de main! Il faut dire que le garçon est un roc et qu’il respire la santé. Le soin particulier qu’il apporte à sa condition est physique est d’ailleurs l’un des facteurs de sa réussite et des 14 victoires qu’il a décrochées en Coupe du Monde!

Si cette rencontre au Golf de Lausanne est le prétexte d’une interview pour Golf Suisse, elle vaut aussi largement pour le plaisir de partager une partie avec Didier, qui joue autant qu’il peut entre les saisons de ski: «je swingue régulièrement de mai à juillet et de septembre à octobre. En août, je pars m’entraîner avec l’équipe en Argentine et j’ai juste l’occasion de faire une ou deux parties avec Didier Defago et Philippe Pellet, le physio, en général à Buenos Aires. Le reste de l’année est dédié au ski. Pour l’instant…»

Mais par cette belle après-midi du mois de mai, Didier a bien l’intention de se consacrer au golf, sport qu’il a découvert par hasard en 1996:

«nous étions en Australie avec l’équipe suisse et nous avions quelques jours de libre. Nous avons loué une voiture et nous sommes partis à l’aventure avec Besse et Gidandet. Eux jouaient déjà au golf et ils m’ont initié, sur un parcours rempli de kangourous! Je me suis senti comme un gamin avec un nouveau jouet. J’ai tout de suite eu le feeling. Mais les choses sont devenues plus concrètes en 1998, après ma victoire à Kitzbuehel et la médaille d’argent aux JO de Nagano. Le club des Bois, par son capitaine Léo Cuche et son président Jean-Pierre Bouille m’a proposé de devenir membre d’honneur. J’ai accepté et je suis aujourd’hui un golfeur actif de ce club magni que, si typique au milieu des sapins des Franches Montagnes.»

Didier se chau e consciencieusement et sa frappe de balle est très solide. Bien meilleure que son handicap 17 ne le laisserait supposer. Il est également très puissant, preuve qu’il utilise bien sa musculature abdominale et ses jambes de descendeur! «Le physique du skieur peut être un avantage au golf, autant sur le plan musculaire, que cardio-vasculaire, encore faut-il arrivé a l’utiliser à bon essiant. Ensuite, en ce qui me concerne, je parviens à visualiser en 3 D le swing, comme je visualise mes courbes en ski. Cela me vient instinctivement. Et ensuite il y a l’aspect mental: la gestion du stress est un facteur déterminant au ski et j’applique les mêmes

2-5 SEPTEMBER 2010

principes sur les greens. Je suis en revanche un peu plus impatient au golf…»

DES SIMILITUDES AVEC LE SKI

Les premiers trous se déroulent parfaitement, avec des pars et des bogeys. «Pour moi, un parcours de 18 trous, c’est comme une saison de 18 courses. La di érence c’est que le premier se réalise en 4 heures et la seconde en 4 mois! Je dois accepter les mauvais trous, comme les mauvaises courses. Je ne dois pas vouloir surcompenser, ni me mettre sous pression. Ce qui est amusant, c’est que j’ai les mêmes sensations intérieures: frustration, rage, joie, stress. Le parallèle est tout à fait étonnant et réaliste». Heureux d’être en plein air, dans la nature, comme il l’a toujours été aux Bugnenets, sur les pistes neuchâteloises ou à proximité du restaurant que tenaient ses parents, Didier Cuche aime aussi le côté social du golf, qui lui permet de partager du temps avec ses amis. Mais il apprécie aussi l’aspect ludique du jeu, même s’il trouve que le golf est di cile: «il faut énormément travailler son swing pour atteindre un petit niveau. Au début, mon côté sportif m’a beaucoup aidé et j’ai fait 48 points stableford à ma première compétition! Mon premier handicap était de 28. Mais cela devient de plus en plus di cile. J’ai gagné de la longueur, mais même si je commence à mieux sentir les choses, j’ai toujours besoin d’être aidé. Si j’avais plus de temps, je prendrais davantage de leçons, car je me suis rendu compte que le golf est un sport di cile à apprendre en autodidacte. J’adore jouer, mais par manque de temps je ne suis pas assez assidu à l’entraînement et c’est bien là que l’on apprend des coups particuliers». Malgré tout, au trou No11, un par 3 technique, Didier nous montre qu’il a un éventail de coups très large: obligé de faire une balle lobée avec un lie en descente, il exécute parfaitement ce coup, avec des jambes solides et des mains habiles. Une approche de professionnel!

FANDE MICKELSON

Mais où a-t-il appris de tels «recoveries»? «Je suis monté quelques fois à Crans-Montana pour l’Open et je trouve très inspirant de regarder les pros. C’est excitant et motivant. Je trouve aussi que c’est très instructif sur le plan tactique et stratégique. En plus, dès que je peux, je regarde le golf à la télévision. Par exemple, pour le dernier Masters, on a fait une soirée télé chez des amis et j’étais très heureux de la victoire de Mickelson… car j’avais parié sur lui», déclare-t-il dans un éclat de rire, sans préciser le montant des gains!

Navr Pour Tiger

Détendu, Didier en fait la démonstration sur les greens, avec un putting d’excellente qualité. A 2 mètres, il rentre tout, avec une belle agressivité et une assurance étonnante. Et c’est proche de son handicap qu’il boucle ce tour de golf, qui était également pour lui une découverte du tracé lausannois. Sur la terrasse, la conversation continue autour de l’a aire Tiger Woods: «j’ai suivi d’un œil les événements. Forcément, c’est le sportif le plus médiatisé de la planète. Je ne juge pas ce qu’il a fait, mais je trouve que toute l’a aire est triste, car sa vie a été étalée au grand jour uniquement parce qu’il est connu. Les moindres détails ont été exploités au maximum, voire exagérés ou peut-être même inventés; c’est lamentable. Tiger est un type à part et lorsqu’il est présent sur un tournoi, le jeu est di érent, l’ambiance aussi».

Bien heureux de la relative tranquillité dont il jouit – si l’on considère son phénoménal palmarès – Didier Cuche n’est pas jaloux de la popularité des golfeurs professionnels et des sommes indécentes qu’ils amassent: «quand je skie bien, je gagne bien ma vie! Mais il ne faut pas faire des comparaisons avec le golf, notamment en matière des risques que nous prenons. C’est le marché qui décide, les aspects commerciaux étant déterminants. Je ne suis pas du tout malheureux ou frustré sur le plan

La partie se poursuit, entre blagues et anecdotes. On avait remarqué la puissance de son drive, mais pas la trajectoire tendue de ses balles: elles ont une grande portée, sans toutefois dépasser 5 mètres d’altitude! Un style idéal sur les links balayés par le vent: «j’ai découvert les links lors d’un voyage en Hollande. J’ai aimé jouer au bord de la mer, le visage fouetté par les embruns, comme quand je fais du windsurf. Et le contraste avec les trous qui pénétraient dans la forêt de pins. Sinon, j’adore le parcours des Bois, qui est varié et bucolique, ainsi que le golf de Neuchâtel, où je joue parfois. Quand j’aurai pris ma retraite sportive, je ferai des voyages de golf, c’est certain. Mais je ne sais pas encore quand cela arrivera. J’y songe un peu et je prends des contacts; des sponsors sont intéressés à ce que je travaille avec eux, dans le monde du sport. Mais pour l’instant je veux garder la tête libre pour le ski. Je n’ai ni stress, ni sentiment d’urgence. Mais il n’est pas impossible que la saison 2010/2011 soit la dernière…» nancier. D’ailleurs, personnellement, je n’ai pas senti la crise, alors que le marché du ski en général l’a douloureusement vécu parfois. Je sais que de nombreux contrats ont été revus à la baisse. Je travaille avec Head depuis 4 saisons et je suis enchanté de cette collaboration: non seulement sur le plan technique, puisque j’ai décroché chaque année un Globe depuis que je skie sur Head, mais aussi sur le plan nancier, car la marque est dynamique et a bien négocié cette période di cile. Aujourd’hui, on vit du ski si l’on est jeune et si l’on fait partie des 30 meilleurs au monde. Si l’on est «vieux» comme moi, il faut être devant pour gagner correctement sa vie»!

Ses fans espèrent bien que le golf ne précipitera pas son retrait du cirque blanc. Car avec son expérience et sa forme physique, il reste le favori en haut des pentes les plus vertigineuses. Les greens peuvent bien attendre…

Jacques Houriet

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