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une année charnière
les circuiTs professionnels TremblenT sur leurs bases
Aussi bien sur le plan économique que sur le plan médiatique, l’année 2009 aura été éprouvante pour les dirigeants des circuits européen et américain. Sur un fond de crise mondiale, ils ont dû gérer la perte de sponsors ou la diminution de certaines dotations, avant que l’«affaire»
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Tiger Woods ne vienne fragiliser un circuit américain sur le point de renégocier ses droits TV! Paradoxalement, des deux côtés de l’Atlantique, les performances sportives ont été excellentes…

La saison 2009 restera dans les anales, qu’on l’analyse d’un point de vue économique ou d’un point de vue golfique. La grande différence entre ces deux orientations est, qu’en début d’année, l’on savait déjà que ce serait dur sur le plan financier! La crise financière démarrée en 2008 annonçait des restructurations, évolutions et autres défections que les dirigeants tentaient vainement de minimiser. La perte imminente de certains sponsors institutionnels aux Etats-Unis – Buick par exemple – obligeait Tim Finchem et son équipe du PGA Tour à se retrousser les manches et à faire preuve de pragmatisme et d’ingéniosité pour garantir un calendrier complet. Heureusement, le retour aux affaires de Tiger Woods après son opération du genou promettait de booster l’audience télévisée et de faire oublier la crise et les magouilles de Bernard Madoff!
En Europe, la «Race to Dubai» battait son plein. Non sans quelques difficultés et soucis, puisque l’on apprenait rapidement que cette nouvelle mouture du circuit européen ne serait pas aussi pharaonique que prévue. Au lieu de 10 millions de dollars de bonus, distribués à l’issue du dernier tournoi de la saison (Dubai World Championship), les organisateurs annonçaient finalement une baisse de 25% de ce bonus, à 7,5 millions de dollars. Il faut dire que les difficultés rencontrées par Dubaï – avec une dette de 80 milliards de dollars pour «Dubai World», la holding publique de l’Emirat – ne pouvaient rester sans conséquence pour un circuit européen à l’appartenance géographique de plus en plus «orientale»…
JOLI RETOUR
Bref, les deux circuits évoluaient dans une ambiance tendue, au gré des turbulences économiques. Mais heureusement, les pros «assuraient» sur le plan sportif et présentaient un spectacle qui dissimulait les luttes politiques dans une ombre bienvenue. Le retour de Tiger Woods après huit mois d’absence était une véritable bouffée d’oxygène pour un circuit qui se lassait des performances du terne Padraig Harrington ou du vieillissant Vijay Singh. Très vite, le numéro un mondial allait démontrer qu’il n’avait rien perdu de sa superbe et que son nouveau swing – avec une jambe gauche enfin solide et stable –allait lui permettre de défendre sa position au World Ranking, mise à mal par son retrait des tournois. Ce que le public et Tiger lui-même n’envisageaient pas, c’est que le putting du revenant allait être aux abonnés absents dans les épreuves majeures. Le Masters lui échappait (6ème à 4 coups de Cabrera) alors qu’il était aux avant-postes lors du dernier tour. Rebelote à l’US Open (6ème) où il ne lui manquait une nouvelle fois que 4 coups pour empêcher le peu charisma- tique Lucas Glover de s’imposer. Complètement hors sujet au British Open (il manquait le cut pour la seconde fois seulement dans un Majeur en tant que professionnel), il terminait son parcours en Grand Chelem par une défaite improbable face à Y.E. Yang à l’US PGA Championship. Cette quatrième levée du Grand Chelem 2009 restera en outre la première que Woods ait perdu après avoir été leader à l’issue du 3ème tour!
Pour se consoler de ses déboires «majeurs» qui le voyaient stagner à 14 titres – les 18 victoires de Jack Nicklaus l’obsèdent toujours autant – le Tigre s’est consolé avec 6 victoires «standards» et la victoire à la FedEx Cup, plus de 10 millions de dollars de gains et la perspective de devenir le premier milliardaire du sport dans quelques mois. Des considérations qui doivent lui paraître bien futiles aujourd’hui…
LA STAR MCILROY
Mais nous n’en sommes pas encore là. Car en Europe, la saison se déroulait comme un long fleuve tranquille. Garcia s’était imposé en Chine lors du premier tournoi, Paul Casey était en forme comme il le prouvait à Abu Dhabi, mais c’est surtout le jeune (20 ans) Rory McIlroy qui enchantait tous les observateurs et ses sponsors locaux en remportant son premier tournois chez les pros, dans le très relevé Dubai Desert Classic. L’Irlandais du Nord n’avait pas tardé à confirmer tout le bien que l’on pensait de lui, notamment depuis sa défaite en play-off dans l’Omega European Masters 2008. Et cette victoire à Dubaï en janvier allait donner le ton d’une saison exceptionnelle, qui le verrait notamment réaliser quelques grandes performances en Grand Chelem: 20ème à l’US Masters, 10ème à l’US Open, 47ème au British Open et surtout 3ème à l’US PGA Championship. Une constance digne d’un vieux briscard, mais surprenante chez un pro qui ne réalisait que sa seconde saison complète sur le circuit professionnel!
Donc, en janvier, le ton de cette saison 2009 était déjà donné: il faudrait compter avec McIlroy. Ce que l’on n’envisagait pas à ce moment-là, c’est que son principal adversaire se nommerait Lee Westwood. L’Anglais, parfois fantasque, dispose d’un talent énorme, qui l’a notamment vu remporter le circuit européen en 2000. Mais ces performances sont en dents de scie et les meilleurs analystes, pas plus que lui-même, ne pouvaient imaginer qu’il allait se replacer dans la Race to Dubai en fin de saison. On attendait plutôt la révélation allemande Martin Kaymer, le surprenant Ross Fisher ou le puissant Paul Casey. Très assidu sur le circuit (26 épreuves disputées en 2009, contre 25 à McIlroy, 20 à Kaymer, 22 à Fisher et 14 seulement à Casey), Lee Westwood allait réaliser une saison allant crescendo. Sa meilleure performance, qui restera étonnamment discrète, fut sa 3ème place au British Open. Il est vrai que l’éblouissant Tom Watson et l’opportuniste Stewart Cink avaient focalisé l’attention, mais l’homme fort du dernier tour était Lee Westwood. Sans trois malheureux bogeys sur les cinq derniers trous, il n’aurait pas échoué à… un petit coup du play-off! Et cette frustration qui aurait pu paralyser n’importe quel joueur – n’est-ce pas Sergio…? – allait en définitive le motiver et le rassurer sur sa valeur. Après une nouvelle 3ème place à l’USPGA Championship, il allait enchaîner cinq Top 10, dont une victoire au Portugal Masters. Et c’est en dauphin de Rory McIlroy qu’il se présentait au départ du Dubai World Championship, dernière épreuve du circuit 2009, juge de paix de cette excitante Race to Dubai. Westwood était pratiquement condamné à gagner pour être le premier joueur à mettre son nom au palmarès de cette nouvelle mouture du circuit européen. Sur ce parcours conçu par Greg Norman (Earth Course, Jumeirah Golf Estates), qui n’était ouvert que depuis 3 jours et qui ne disposait pas encore de son club-house définitif, Westwood allait réaliser la semaine parfaite. Pas du tout gêné par l’ambiance morose qui règnait dans les Emirats, pas impressionné par les grues alentour qui ne bougaient plus depuis des mois, pas fâché de ne jouer «que» pour 7,5 millions de dollars de bonus, Lee n’allait jamais quitter la tête du classement. Il maintenait à distance un Roy McIlroy visiblement fatigué par cette saison exceptionnelle et gagnait avec la manière la première Race to Dubai. Neuf ans après avoir soulevé le trophée européen pour la première fois, Westwood confirmait son statut de no4 mondial et faisait souffler un vent frais sur le désert de Dubai ce 22 novembre. La saison se terminait en beauté et les joueurs, comme les dirigeants, pouvaient regarder avec confiance vers 2010.

LE LYNCHAGE DE TIGER
Woods aux Etats-Unis, Westwood en Europe, les clefs des deux plus gros circuits de la planète étaient dans de bonnes mains et l’optimisme règnait dans la maison du golf professionnel. Pour 5 jours seulement! Car le 27 novembre, à proximité du domicile du numéro un mondial, un banal accident de voiture allait déclencher un véritable cataclysme! Blessé au visage, mais surtout dans sa qualité de mari, de père, d’homme, Tiger n’allait plus apparaître en public, jusqu’à l’heure où nous écrivions ces lignes (fin janvier). Et dans ce laps de temps les médias américains allaient se déchaîner, publiant toutes les infidélités de cette icône mondiale, focalisant l’attention du public sur ses écarts, polémiquant sur ses qualités humaines, prenant pour argent comptant les plus vils témoignages des maîtresses avérées ou hypothétiques de Woods. Un lynchage systématique, méthodique, comme la presse et la télévision américaines en son t capables. Il faut dire qu’au pays du politiquement correct, on ne pardonne pas aux héros leurs faiblesses, surtout lorsqu’ils ont un devoir de probité et de respectabilité. Tiger a peut-être payé aussi une certaine arrogance vis-à-vis de la presse générale et du public. Inaccessible, drapé des valeurs humaines que son père lui avait inculquées, ce monstre de perfection s’est finalement pris les pieds dans le tapis. Mais ce qui aurait pu être une amusante anecdote dans une carrière exceptionnelle est devenu un fait divers aux proportions planétaires et aux implications économiques majeures. D’abord pour Woods, mais aussi pour le circuit de la PGA. Car si plusieurs de ses sponsors l’ont abandonné, son retrait d’une durée indéfinie a placé Tim Finchem dans une position plutôt inconfortable, malgré les dénégations de l’intéressé. Sans le
Tigre, on sait que l’audience des tournois est en chute libre. La seconde moitié de la saison 2008 l’a clairement démontré. Et à l’heure de renégocier les droits avec les chaînes télévisées américaines, la PGA est dans un embarras que ses véhémentes dénégations ne parviennent à masquer.

Le Soutien De Ses Pairs
Le soutien de nombreux athlètes et de légendes comme Jack Nicklaus ou Arnold Palmer pourraient inciter Woods à revenir sur le circuit rapidement. C’est du moins ce que tout le monde souhaite, officiellement ou officieusement. Il n’a d’ailleurs pas de meilleur moyen pour digérer cette affaire que de se consacrer à ce qu’il fait le mieux: le jeu, le golf. S’il revient avec l’envie et la rage de bien faire, Tiger Woods retrouvera le soutien du public. C’est aussi le seul moyen de répliquer face aux hypocrites, aux pisse-froid et aux moralistes. Bill Clinton y est parvenu, il n’y a pas de raison que Tiger Woods n’en fasse pas autant. En tous les cas, on sait aujourd’hui que derrière sa carapace, il y a un homme qui s’agite, qui lutte contre ses démons, qui doute, qui se trompe, mais qui vit. Un homme comme tout le monde en fait!


Alors que la nouvelle saison vient de démarrer, l’expectative règne des deux côtés de l’Atlantique. Est-ce que la faillite possible de Dubaï va se réaliser, malgré l’aide d’Abu Dhabi? Est-ce que la Race to Dubai en souffrira, le cas échéant? Est-ce que Tiger va revenir? Est-ce que les sponsors américains vont continuer de s’évaporer? Jamais le golf n’a vécu une période aussi incertaine et délicate. Et il fallait que ça arrive pendant une année de Ryder Cup; et lorsque l’US Open se rend à Pebble Beach et le British Open à St. Andrews. Cela dit, les parcours où se déroulent ces deux tournois du Grand Chelem représentent tellement pour Tiger Woods, qu’ils pourraient bien suffire à précipiter son retour. Le Tigre reviendrait alors en sauveur du circuit américain…
Jacques Houriet
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