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Justin Rose, comme une fleur
Le Tour européen a beau se jouer «à nos portes», la plupart des joueurs et des joueuses suisses ont beaucoup de difficulté à suivre l’évolution du deuxième plus gros circuit de golf au monde. Il y a plusieurs raisons pour cela: «notre» Tour est composé de tournois disséminés sur tout le globe ou presque, qui ne sont que très rarement transmis à la télévision et dans lesquels ne jouent pas les principaux ténors européens, trop occupés sur le circuit américain. Malgré cela, la fin de la saison célèbre toujours un prestigieux vainqueur à l’Ordre du Mérite.
Néanmoins, cela ne signifie pas que nous pouvons profiter du spectacle de champions comme Ernie Els, Retief Goosen, Justin Rose, Padraig Harrington ou Sergio Garcia. Car ces derniers sont généralement occupés de l’autre côté de l’Atlantique. Ce fut encore plus évident lors de la dernière édition de l’Omega European Masters, qui a dû se passer des vedettes «américaines», toutes engagées sur la très contestée FedEx Cup.
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Ernie Els est un cas un peu particulier, puisqu’il a été pendant l’essentiel de la saison le leader de l’Ordre du Mérite européen. C’est certainement grâce aux fréquents voyages qui l’amènent en Angleterre, où il vit la plupart du temps. Installé à Londres, sur le parcours de Wentworth, il est en bordure du trou No16 et ne manque jamais de jouer l’European PGA Championship et le World Match Play Championship «à la maison». Il a d’ailleurs gagné pour la septième fois cette compétition en octobre dernier, qui lui a rapporté la modique somme d’un million de livre sterling! Sans oublier certaines apparitions sur le continent, comme ce fut le cas en juin à Munich, pour le BMW International Open qu’il a bouclé à la 7ème place (55'000 euros).
Si l’on observe le calendrier de la «Superligue» du golf européen, on constate qu’il prend en compte de nombreux et splendides tournois. On remarque également que Tiger Woods a remporté certains titres sur le PGA European Tour! Le plus incroyable, c’est que le numéro 1 mondial aurait remporté l’Ordre du Mérite s’il avait daigné devenir membre du circuit européen… Et cela en ne mettant les pieds qu’une seule fois en Europe, à l’occasion du British Open.
Comment cela est-il possible? Simplement parce que Woods remporte régulièrement des tournois du Grand Chelem et des épreuves du World Golf Championship, qui comptent à la fois pour l’US PGA Tour, mais également pour le PGA European Tour. Tiger a toujours trouvé absurde l’idée de faire partie d’un circuit sur lequel il ne serait pas présent régulièrement et c’est pourquoi il n’est pas officiellement inscrit: si bien que ses résultats ne sont comptabilisés que sur l’Ordre du Mérite américain et qu’il n’apparaît pas sur les tabelles européennes. Ses pairs du vieux continent lui en sont d’ailleurs assez reconnaissants…
Padraig et le British Open
Lors du Volvo Masters 2006 disputé bien entendu à Valderrama, l’Irlandais Padraig Harrington avait remporté l’Ordre du Mérite européen grâce à un putt manqué de Sergio Garcia. Une récompense qui n’a pas changé le fait que le sympathique Padraig préfère se consacrer aux épreuves les plus lucratives et les plus relevées aux EtatsUnis. Mais l’Europe s’est enflammée lorsqu’il a gagné le British Open en juillet dernier à Carnoustie, en battant Sergio Garcia – encore lui! – lors d’un dimanche sensationnel. Son public a quand même pu le suivre et l’applaudir deux fois en Irlande, une fois en Angleterre et en Ecosse. En revanche, à part Valderrama en Espagne et Helsinki en Finlande, il n’a jamais dû trouver un intérêt à visiter le continent! Pourquoi Helsinki? Parce que c’est là que se trouve le siège de la société Amer Sports, propriétaire de Wilson, son équipementier. On constate donc amèrement un désintérêt des meilleurs joueurs, européens ou non, pour le PGA European Tour.
Mais il faut bien admettre que le circuit américain est mieux rémunéré, mieux organisé, mieux adapté aux conditions météorologiques. Et les choses ne sont pas près de changer, notamment depuis la révolution de la FedEx Cup. Si ce n’est pas forcément un avantage pour les EtatsUnis, c’est assurément un inconvénient pour l’Europe… Et les organisateurs de l’Omega European Masters l’ont constaté en septembre dernier, puisque la date de l’Open suisse tombait en plein milieu des playoffs américain, là où les grandes stars du golf étaient toutes occupées à courir derrière le bonus de 10 millions de dollars et peu intéressées à venir passer une semaine en Valais, serait-ce sur le magnifique parcours de Crans-Montana, au milieu de montagnes non moins magnifiques. Mais qui ont donc été les gagnants des tournois européens disputés en Espagne, France, Suède ou Allemagne? Et quel a été leur impact dans l’Ordre du Mérite?
Le véritable Ordre du Mérite
Cette saison, Ernie Els s’est produit 18 fois sur le circuit européen, pour s’installer en tête de l’Ordre du Mérite avant la finale qui s’est déroulée le premier week-end de novembre à Valderrama. Mais le géant sud-africain s’est permis le luxe de bouder ce tournoi, au profit du Barclays Singapore Open, qui est l’un des plus gros tournois du circuit asiatique et qui réunissait une brochette de joueurs –notamment européens… – impressionnante. Ce désintérêt pour le Tour européen ne va certainement pas nuire à sa popularité, mais cela stigmatise quand même une tendance inquiétante. Et le fait qu’il ne soit pas parvenu à franchir le cut à Singapour ne correspond pas à sa plus belle action de relations publiques! S’il dispose toujours de l’un des plus beaux swings du circuit, il nous avait habitué à mieux. Est-il en train de mourir en beauté ou s’estil juste contenté d’aller prendre un gros chèque pour sa participation?


La tendance actuelle s’illustre aussi d’un simple coup d’œil sur le calendrier de la prochaine saison du circuit européen. La Chine, l’Australie, la Nouvelle Zélande, l’Afrique du Sud, Abu Dhabi, Doha, Dubaï, l’Inde, Singapour, l’Indonésie, la Malaisie, la Corée et, à fin mars seulement, Madère (avec une dotation modeste), l’Espagne et le Portugal. Voilà les prochains rendez-vous. Et l’on change de
Les temps sont difficiles pour de nombreux tournois en Europe et pas seulement pour l’Omega European Masters: les stars jouent essentiellement aux Etats-Unis, là où Justin Rose - en bas à droite - a récolté tellement d’argent que sa victoire au Volvo Masters lui a suffit pour gagner l’Ordre du Mérite européen 2007.

Luke Donald, Michael Campbell: ils partagent leur calendrier entre l’Europe et les Etats-Unis, ne reniant pas le continent sur lequel ils ont construit leur carrière.
L’Indien Jyoti Randhawa appartient à un groupe de pros d’Asie qui se distinguent par de nombreuses victoires des deux côtés de l’Atlantique. Quant à Miguel Angel Jimenez, il appartient à la vieille génération qui sait où son devoir se trouve… nouveau de continent en avril, avec le Volvo China Open à Pékin et le BMW Asian Open à Shangai. Ce n’est qu’ensuite que le PGA European Tour reprendra ses quartiers en Europe centrale et dans les îles britanniques.
De nombreux «co-sanctionned events», c’est-à-dire des tournois qui comptent à la fois pour le circuit européen et pour un autre circuit (Asian Tour, Australasian Tour, Sunshine Tour) sont au programme. Et c’est bien la raison pour laquelle on trouve des noms colorés sur la liste des vainqueurs 2007: Yong-Eun Yang, Wen-Chong Liang ou Chapchai Nirat. Mais dans la partie asiatique du calendrier, Henrik Stenson s’est quand même imposé deux fois, Paul Casey, Retief Goosen ou le Finlandais Mikko Ilonen
Quatre birdies pour Simon
La place de l’Anglais Simon Dyson dans le playoff du Volvo Masters a été une véritable surprise; surtout pour lui! Le grand blond un peu ennuyeux et taciturne a un swing brillant, qui lui permet à l’occasion de «scorer bas», avec des coups de fers très précis. Le samedi, en route pour un 66 splendide dans le vent, il a réalisé quatre birdies sur les pars 3 de Valderrama, qui ne sont pourtant pas réputés pour être faciles. Un exploit également signé par Miles Tunnicliff à l’Omega European Masters, en septembre dernier.
une fois, alors que Justin Rose a remporté l’Australian Masters.

Ilonen a même gagné une seconde fois, lors du Scandinavian Masters: malgré ses deux victoires, il n’est parvenu qu’à atteindre la 32ème place de l’Ordre du Mérite. Et à part quelques cuts manqués, il a quand même terminé trois fois dans le Top 10 et amassé environ un million d’euros; une somme toutefois insuffisante pour un meilleur classement.
Niclas Fasth, Andres Romero, Sören Hansen, Lee Westwood, Nick Dougherty, Paul Casey, Colin Montgomerie, Richard Sterne, Graeme Storm et Gregory Havret: voilà à quoi pourrait ressembler l’Ordre du Mérite si l’on ne prenait en compte que les joueurs qui se consacrent totalement au Tour européen. Et que l’on oublie momentanément les pros qui récoltent tant d’argent grâce à leurs performances en Asie, dans les Majeurs et les tournois du WGC et qui profitent des «frontières» très élastiques de l’Europe du golf…

Justin dans la douleur
Justin Rose fait d’ailleurs partie de ces joueurs, qui organisent leur calendrier de cette manière «internationale». Le jeune Anglais qui vient de remporter le Volvo Masters à Valderrama et du même coup l’Ordre du Mérite 2007 s’est contenté de 12 tournois «européens» pour décrocher son premier sacre et devancer Ernie Els et Padraig Harrington au classement des gains. Cela signifie simplement qu’il a été très performant dans les tournois majeurs. On remarque en effet qu’il a passé les quatre cuts et qu’il n’a pas terminé au-delà de la 12ème place dans les épreuves du Grand Chelem. Il a en plus récolté deux secondes places dans des tournois lucratifs et finalement la victoire dans le Tour Championship européen, à Valderrama, où il devait non seulement terminer dans les deux premiers pour s’imposer à l’Ordre du Mérite, mais aussi devancer Padraig Harrington avec lequel il était pour ainsi dire à égalité avant l’épreuve espagnole. Vainqueur d’un playoff improbable, il a terminé la saison avec panache en s’imposant à deux joueurs peu charismatiques (Simon Dyson et Sören Kjeldsen), mais en montrant néanmoins une nouvelle fois une certaine fébrilité lors du dernier tour. Le dénouement de la saison 2007 a donc été plein de suspense, avec un jeune vainqueur sympathique, au swing magnifique et au potentiel énorme. D’ailleurs, Justin Rose profite de ce bonus de sympathie depuis 1998, lorsqu’à 18 ans, encore amateur, il avait terminé 4ème du British Open en rentrant un pitch sur le 18 du Royal Birkdale. Sa victoire à l’Ordre du Mérite rappelle une incongruité du golf européen: avec Peter Oosterhuis, Lee Westwood et Nick Faldo, il n’est que le quatrième Anglais à remporter ce classement! Alors que l’Angleterre représente à peu près la moitié du marché du golf européen… Après son exploit au British Open 1998, Justin était passé professionnel et avait connu une vraie galère en manquant un nombre de cuts impressionnants. Mais deux victoires en 2002 l’avaient propulsé à un rang que son talent méritait. Aujourd’hui, il occupe le 7ème rang du classement mondial, sans aucun Européen devant lui! Ne lui manque plus qu’un titre majeur – et pourquoi pas à Augusta, où le parcours semble parfaitement convenir à son jeu? Il est juste dommage que l’US Masters ne se déroule qu’en avril!





L’US PGA Tour et la FedEx Cup
