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La véritable démonstration
Le coup de volant d’Ayrton Senna dans les rues de Monaco, le coup de raquette de Roger Federer sur le central de Wimbledon, le toucher de barre de Russel Coutts dans les eaux néo zélandaises, le coup de tête de Zinedine Zidane… – non, là c’était pour rire! – bref, tous les grands champions ont, une fois dans leur carrière, quand ce n’est pas plusieurs fois, réalisé une véritable démonstration de leur talent. Une démonstration dont le public se souvient et qui les rend immortels, car ils ont atteint à ce moment précis la perfection, l’état de grâce. Tiger Woods nous a déjà donné ce sentiment de parfaitement maîtriser les choses, de les contrôler idéalement, mais peut-être pas comme il l’a fait lors du dernier tour du récent British Open. Leader après trois tours, la position qu’il affectionne particulièrement et qui ne l’a jamais vu trébucher dans une épreuve du Grand Chelem, il est arrivé sur le premier tee avec une stratégie finement préparée. Une stratégie qu’il a fidèlement appliquée tout au long des 18 trous de Hoylake, dans la banlieue de Liverpool. Même lorsqu’un Ernie Els retrouvé est revenu à sa hauteur, il n’a pas douté de la justesse de son plan.
Mais quel était-il, ce plan? Il s’agissait tout simplement de toucher les fairways avec son coup de départ, même s’il devait se laisser un second coup beaucoup plus long que celui de ses adversaires. Il s’est donc retrouvé face à des approches de 160 voire 180 mètres pour des pars 4 dont les greens ne sont pas vraiment accueillants! Il n’a donc jamais utilisé son driver et peut-être trois fois son bois 3 seulement. Le reste du temps, il a «planté» sa balle sur les fairways brûlés de Hoylake avec son fameux fer 2, se propulsant en tête du classement de précision au coup de départ (83,3% en driving accuracy). C’est seulement la seconde fois dans sa carrière (American Express Championship 2000) qu’il atteint ce résultat et qui l’avait déjà vu s’imposer, bien évidemment.
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Pour être convaincu que la perte de distance sur le tee n’est pas un réel handicap, il faut être un véritable magicien des longs fers. Woods est bien l’«Oudini» du fer 4, le «Copperfield» du fer 5, l’«Uri Geller» du fer 6, le «Garcimore» du… Non, il faut vraiment que j’arrête de rigoler!
On a pu se rendre compte de son contrôle des longs fers lors du second tour, lorsqu’il a réalisé un eagle au trou 14 en «enfilant» un coup de fer 4 magistral sur ce par 4! La précision s’explique par une technique parfaite, un rythme maîtrisé, mais aussi une puissance extraordinaire, qui lui permet d’imprimer un formidable backspin et beaucoup de hauteur à la balle, afin de la tenir sur des greens très fermes. Autre atout dans le jeu de Tiger, sa parfaite lecture des pentes et de la vitesse des greens. Nick Faldo a d’ailleurs fait un commentaire élogieux à son sujet, jugeant Woods comme le plus habile dans cet exercice, qui consiste à s’adapter à la texture, à la rapidité et à la complexité de greens très différents les uns des autres. La comparaison avec son adversaire du jour, Sergio Garcia, a été pathétique. Le jeune Espagnol ayant terriblement souffert sur l’aller, avec trois fois trois putts, pendant que Tiger finissait d’une seule main.
Mais la plus belle démonstration du No1 mondial est venue à la sortie du 18ème green, lorsqu’il a fondu en larmes dans les bras de son caddie, Steve Williams. Toute l’émotion accumulée depuis la mort de son père au printemps dernier est sortie d’un seul coup, laissant l’humanité de ce joueur – souvent si hermétique – apparaître au grand jour. Ce monstre de contrôle a fini par craquer, mais au contraire de tous ses adversaires, c’était après le dernier putt!


■ Jacques Houriet