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Retour sur les années Woronoff

Michel Woronoff a été président de l’UFC de février 1991 à février 1996, des années quelque peu mouvementées. Rétrospective. (Première partie)

Woronoff est élu en décembre 1990, à la fin de l’occupation de Goudimel. Il s’écoule alors un peu plus d’un mois entre l’élection du nouveau président et sa prise de fonction effective. Nous sommes exactement au milieu de la deuxième explosion scolaire (1985-1995), comparable à celles des années 60. Les effectifs des lycées doublent en quelques années. L’enseignement supérieur passe d’un million d’étudiants en 1980 à deux millions en 1990. En janvier 90, Lionel Jospin, ministre de l’éducation du gouvernement Rocard, annonce un programme ambitieux : le plan Université 2000 qui doit augmenter la superficie universitaire et créer de nouveaux établissements. Mais à Besançon, à la rentrée 1990, l’UFC ne compte strictement aucun mètre carré supplémentaire. Il sévit également une crise du logement terrible pour les étudiants, le nombre de chambres disponibles au CROUS étant notoirement insuffisant.

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La fac de lettres craque de toutes parts. Elle compte 6613 inscrits (contre 4600 aujourd’hui). Le bâtiment Parisiana n’est pas construit, le CLA occupe toujours son berceau historique du 47 rue Mégevand, la fac de médecine réside à l’Arsenal pour encore de longues années, un labo de chimie est toujours hébergé rue Mégevand alors que le reste de la fac des sciences a déménagé à la Bouloie en 1964. Depuis un an, l’UFR SLHS dispose de la chapelle de la rue Sarrail (deux amphis et deux salles), fruit de précédentes mobilisations lors des automnes 1987 et 1988. Il y a des cours au petit Kursaal, à l’Hôtel de Ville et à la salle Battant. La mairie envisage même, pendant un temps, de solliciter la salle de concerts rock, le Montjoye. Mais elle se trouve avenue de Montrapon et surtout, elle n’a pas de chaises (sauf au balcon) !

L’occupation démarre alors qu’un puissant mouvement lycéen qui, en Franche-Comté, touche d’abord Dole en octobre, surprend tout le monde. Ses revendications portent sur la vétusté des locaux, le manque de personnel et l’insécurité. À Besançon, la manifestation du 12 novembre regroupe 12000 personnes. Le lendemain, le nouveau Doyen (directeur), élu depuis septembre, Jean-Philippe Massonie, conduit une délégation d’étudiantes et d’étudiants à l’ancien commissariat de la rue Goudimel. La bâtisse, vide et désaffectée depuis 1984, est fermée par un gros cadenas. Massonie le brise et achète symboliquement le bâtiment pour deux francs et 10 centimes qu’il scotche sur le portail. L’occupation dure un mois et fait l’objet d’une intense couverture médiatique, dont le journal de 13h de Jean-Pierre

Grand ménage à Goudimel (14 novembre 1990) Pernaud sur TF1 du 16 novembre. Des cours, du DEUG de russe notamment, ont lieu pendant la journée et les étudiants y dorment la nuit jusqu’à être délogés par la police, au petit matin du 14 décembre. La fac de lettres est en grève du 6 au 21 décembre.

L’élection de Woronoff du 19 décembre ne fait l’objet d’aucun suspense : il est le seul candidat. Néanmoins, un deuxième tour de scrutin est nécessaire. Des plaisantins ont indiqué Massonie sur le bulletin alors qu’il ne se présentait pas. Woronoff passe donc au 2nd tour, apparemment sans les voix du SNESUP qui vote blanc.

Le printemps 1990 a été dominé par une violente polémique, surnommée « guerre des facs » dans la presse, au sujet de la création d’une deuxième université à Belfort. Woronoff lui-même a été l’auteur d’un rapport dans lequel il a détaillé les filières à développer au sein d’une nouvelle UFR. Les élus locaux bisontins, rocardiens pour la plupart, s’opposent franchement au projet défendu par le ministre-maire Jean-Pierre Chevènement, déjà à l’origine de l’UTBM quand il était ministre de l’éducation entre 1984 et 1986. Il a derrière lui tous les élus locaux du nord Franche-Comté, du PS comme du RPR. Aussi, quand, en janvier 91, il démissionne de son poste de ministre de la défense avec pertes et fracas parce qu’il est contre l’implication de la France dans la guerre du Golfe, le sort de cette deuxième université est scellé : elle ne verra pas le jour.

En avril, la fac des sciences est dans la rue pour demander des postes supplémentaires. Avec plus de 3000 étudiants, ses effectifs ont doublé en 10 ans mais

bien sûr, pas les postes, en particulier les postes IATOS qui ont, eux, baissé. En mai, son conseil de gestion démissionne. Mais, le directeur continuant d’assurer les affaires courantes et l’administration organisant normalement les examens, la portée de l’action demeure largement symbolique, comme le note le journaliste Joël Mamet dans l’Est républicain.

L’été arrive et toujours aucun signe de travaux dans la cour de l’hôtel désaffecté du Parisiana, rue Mégevand. Le rectorat, revenant sur ses promesses de décembre, mégote sur le coût (la rue est trop étroite !) et annonce des plans revus à la baisse : d’accord il y aura des amphis mais pas de salles de cours. Il se produit alors un coup de théâtre inattendu. Le 1er juillet, le conseil municipal de Besançon se prononce à l’unanimité pour le rachat de l’Hôtel Goudimel et pour en doter la fac des lettres, au moins jusqu’à la réalisation du nouveau Parisiana. Le maire Schwint propose d’y mener les travaux pendant l’été pour que tout soit prêt pour la rentrée d’octobre.

Mais une réunion de crise à la préfecture, à laquelle participe Woronoff, en décide autrement. La ville n’achètera pas le bâtiment, l’État ne le vend plus. Il ne reviendra pas à la fac des lettres mais sera dévolu à la présidence de l’université. Cependant, il sera mis à disposition de l’UFR à la rentrée, le temps que le Parisiana soit construit et que le CLA déménage vers ce qu’on appelle alors la « ZAC Louise Michel ». Les lettres espèrent aussi récupérer le bâtiment de l’ancienne fac de droit, à côté du Kursaal, alors occupé par la FOL et la Croix Rouge. Mais cela n’arrivera jamais, les lieux seront investis par Radio France Besançon. Les travaux dans l’hôtel Goudimel commencent à la mi-août pour une livraison à la mi-octobre.

Les deux années universitaires 1991-92 et 1992-93 sont relativement calmes. Il n’en va pas de même des deux suivantes.

1991-92 : le quadriennal

En septembre 91, l’IUFM fait sa première rentrée au Fort Griffon. Les profs et personnels IATOS de la fac des sciences, réunis en AG, menacent de ne pas assurer la rentrée s’ils n’obtiennent pas au moins 5 postes d’enseignants-chercheurs. Le ministère lâche un peu de lest, accorde d’abord deux postes de PRAG puis finit par octroyer les 5 postes demandés. En lettres, on constate une très légère diminution des effectifs, due notamment à l’ouverture d’un premier cycle de LEA à la toute nouvelle UFR STGI de Montbéliard. La fac de droit, quant à elle, inaugure l’amphi Courbet. Et en octobre, comme prévu, l’ancien commissariat de Goudimel a été aménagé en 11 salles de cours. En novembre, une cérémonie d’inauguration a lieu avec les étudiants qui ont mené l’occupation l’année précédente. Cyril Masselot, de l’AGEB-UNEF, coupe le ruban sous le regard attendri de Woronoff et Massonie. Le recteur, invité, n’est pas venu.

En février 92, un début de mobilisation se forme contre la réforme Jospin des universités. Sous couvert de rénovation pédagogique, celle-ci prévoit une réduction des heures de cours ainsi que la notion d’effectifs minimaux. On évoque les chiffres de 100 étudiants en DEUG, 40 en licence et 30 en maîtrise pour que les formations soient habilitées, ce qui aurait pour effet d’en condamner un bon nombre à SLHS. En particulier, le DEUG « communication » est sur la sellette. Une manifestation rassemble 700 étudiants début mars. Woronoff écrit dans Tout l’U, la gazette interne qu’il vient de créer (supprimée par Bahi en 2012) que ce mouvement n’est pas légitime. Le projet de réforme a été légèrement remanié et a reçu l’approbation de la CPU, c’est donc le signe qu’elle est tout à fait acceptable ! Le 19 mars, une nouvelle manifestation promène le cercueil de la fac des lettres dans les rues de la boucle bisontine.

Un arrêt est marqué devant Goudimel, censé être rendu à la présidence à la rentrée suivante alors que les travaux du Parisiana n’ont toujours pas commencé. Des bureaux de la rue Chifflet sont condamnés car les planchers des greniers menacent de s’effondrer sous le poids des archives. Celles-ci sont déménagées à la cave, inondable. Cependant, à la mi-avril, les travaux commencent enfin dans la cour Parisiana. Dans le quotidien régional, Joël Mamet qualifie l’évènement d’historique. La rue Mégevand est bloquée par une immense grue. Au même moment, la construction du nouveau CLA est bien engagée sur le site de l’ancien abattoir, rebaptisé « City », pour se terminer pendant l’été.

Début avril, le projet de contrat quadriennal présenté par l’UFC est rejeté par Lionel Jospin et son conseiller, Claude Allègre. La fac de lettres vote la grève. Mais Mitterrand procède à un nouveau remaniement ministériel ; Lang succède à Jospin et suspend la réforme le 23 avril. Le 10 juin, le contrat quadriennal est enfin signé. Toutes les formations sont maintenues et le ministère promet la création de 160 postes d’enseignants avant 1995. Les IATOS, par contre, sont les grands laissés pour compte. Aucun nouveau poste n’est prévu.

1992-93 : extension des locaux universitaires

À la rentrée 92, la crise du logement étudiant est toujours dramatique ; des étudiants en médecine campent à Chamars. Par contre, il y a un léger mieux concernant les constructions universitaires. Le CLA sort de la boucle et le nouveau bâtiment, ultramoderne, est inauguré le 25 septembre. À la fac des lettres, le Parisiana est achevé. Cependant, on attend le démarrage des travaux de la future ENSMM pour que le labo de chimie

Inauguration (9 novembre 1991)

des eaux qui occupe toujours deux étages rue Mégevand déménage dans les locaux laissés vacants à la Bouloie par l’école d’ingénieurs. Jeu de chaises musicales… La fac de droit, quant à elle, hérite de deux nouveaux amphis mais de personne pour les nettoyer : il faudra faire appel à une entreprise extérieure. Enfin, le futur déménagement de la fac de médecine près de l’hôpital Minjoz est le marronnier qui revient sempiternellement dans la presse. Peut-être à l’horizon 2000 ? Le numerus clausus a été revu à la baisse. Le nombre de places au concours est passé de 74 à 69, pour 387 candidats.

Les cours de la fac de lettres à Goudimel, c’est terminé. Les travaux entrepris par la mairie à l’été 91 avaient coûté 2 millions de francs (prélevés sur le budget de l’université) ; tout est démoli. Woronoff essuie de fortes critiques. On lui reproche d’avoir fait déplacer une cheminée classée pour qu’elle puisse orner son futur bureau. Il se défend en répondant que c’était pour la mettre en valeur car sinon, elle se serait retrouvée dans un couloir. Il affirme aussi que la décision d’implanter la présidence au centre-ville date de son prédécesseur, JeanFrançois Robert. Pourtant, en janvier 90, celui-ci avait renoncé à Goudimel. En tous cas, il n’oublie pas que le bâtiment n’aurait pas été obtenu sans l’occupation « sauvage » par les étudiants en novembre-décembre 1990.

En janvier 93, le Parisiana est inauguré officiellement. Le journaliste de l’Est évoque « un bel escalier qui permet, sans bousculades, l’accès aux amphis par différents niveaux ». Comme le veut la tradition, les deux nouveaux amphis sont nommés d’après deux anciens Doyens : Lévêque (Pierre) et Petit (Jacques). En mars, les internes de la fac de médecine se mettent en grève. Ils n’assurent plus de gardes à l’hôpital où ils sont cantonnés dans des tâches répétitives et sans valeur pédagogique. Ils s’estiment aussi mal préparés au concours de l’internat. Après avoir obtenu une satisfaction partielle, la grève s’arrête au bout de 15 jours.

Du côté du CLA, Évelyne Bérard quitte la direction en février, après avoir exercé deux mandats. Elle reviendra ! En interne, on lui reproche d’avoir imposé un fonctionnement calqué sur celui du privé. Mais elle le dit : le fonctionnement soixante-huitard, les décisions prises en assemblée générale, c’est du passé !

À la fin mars 93, le PS est copieusement battu aux législatives et c’est une nouvelle cohabitation qui commence avec Balladur premier ministre. Bayrou est à l’éducation nationale et Fillon à l’enseignement supérieur et la recherche.

En mai, l’UFR STAPS est enfin construite. Jusqu’alors, les étudiants devaient voyager entre la fac de médecine à St Jacques, où ils avaient leurs cours théoriques (dispensés dans les combles du bâtiment N), et les gymnases de la Bouloie pour les TP de sport. En juin, l’UFR SJEPG inaugure deux amphis de plus, baptisés Fourier et Cournot. Du côté de SLHS, Massonie fait part de son mécontentement à propos du bâtiment qui lui a été livré. Il dénonce les malfaçons : les gravillons de la cour, en se glissant sous les portes vitrées, ont fait éclater l’une d’entre elles, un défaut d’étanchéité a causé des infiltrations qui ont fait tomber des plaques du plafond. L’escalier intérieur, trop étroit, provoque des embouteillages, le chauffage dans les amphis est défaillant et le bruit empêche d’entendre les profs, les toilettes se bouchent en permanence. En dehors des portes qui ont été changées dès juillet 1993, l’ensemble des problèmes dénoncés demeure à ce jour ! Le même été, au CLA, on se rend compte que le bâtiment, qui compte 1000m2 de surface vitrée, n’a pas été conçu pour les fortes chaleurs. En catastrophe, on achète des climatiseurs portatifs, des ventilateurs et on pose un film plastique sur les fenêtres pour filtrer les rayons du soleil.

LRU, la réforme inachevée

De toutes les réformes qui ont frappé l’ESR ces vingt dernières années, la plus nocive a sans conteste été la loi LRU (libertés et responsabilités des universités) de 2007 L’autonomie budgétaire (les soi-disant « responsabilités et compétences élargies ») ont conduit les universités à consommer petit à petit leurs maigres ressources Le nombre de postes ayant été fixé de toute éternité, il faut ne pas les pourvoir pour financer les salaires des personnels restants qui progressent en ancienneté Cette réforme nous a laissé au milieu du gué dans la marche vers la dérégulation totale L’obligation de rémunérer des agents publics relevant de statuts nationaux et de grilles de progression indiciaire est contraire à la logique de la LRU Pour parvenir à des budgets à l’équilibre, il aurait fallu laisser les présidences libres de rémunérer les gens à leur guise, selon les ressources dont elles disposent (des gros salaires pour la classe dirigeante, des petits pour le reste) En gros, il aurait fallu laisser s’appliquer la loi du marché C’est déjà un petit peu le cas mais pas suffisamment puisque nous sommes encore à deux doigts de passer sous la tutelle du recteur, paraît-il L’autre moyen de s’en sortir, c’était de laisser les présidences fixer librement les frais d’inscription C’était dans le programme de Macron de 2017 (concocté par l’économiste libéral Robert Gary-Bobo) mais il ne l’a pas mis en œuvre Il l’a ressorti du tiroir en janvier, lors de ses vœux à France Universités (nouveau nom de la CPU)

1993-94 : le CIP et la mise sous tutelle

À la rentrée 93, la présidence s’installe à Goudimel. Depuis 1971, année de sa création, elle occupait le 1er étage de l’IUT mais il y avait aussi des bureaux rue Granvelle, rue Xavier Marmier. Les travaux ont coûté 15 millions de francs (10 millions payés par le Conseil Régional et 5 par l’État) auxquels il faut rajouter 5 autres millions pour l’équipement, financés par l’université.

Woronoff prend possession des locaux (3 octobre 1993)

L’augmentation des effectifs étudiants est de 3%, le cap des 21000 inscrits est franchi. Le ticket de resto U coûte 12,30 F. À Montbéliard, un nouvel amphi est construit. En fac des sciences, un quart des 63000 heures de cours est assuré par des vacataires. La fac de droit attend toujours la construction de sa bibliothèque (sur le site de son parking qui est, par ailleurs, bien trop petit). En octobre, une énième réunion se tient à la préfecture au sujet de la construction de la nouvelle fac de médecine à Châteaufarine. Le projet est prioritaire…

En novembre, Fillon a des velléités de réformer l’allocation de logement social pour les étudiants (qui n’existe que depuis 1990). Elle serait modulée en fonction du revenu des parents. Face aux manifestations parisiennes, il abandonne. Le mouvement ne décolle pas en SLHS et ce sont les étudiants de STAPS qui créent la surprise. Leur motif de mécontentement porte sur le nombre de postes au CAPEPS qui seraient réduits de moitié. Ils votent la grève le 10 novembre puis une nouvelle fois le 17, dans l’idée de se rendre à Paris pour une manifestation nationale des STAPS le 23. La grève s’arrête au bout de 15 jours, après l’annonce que le nombre de postes au CAPEPS ne bougera pas.

Au même moment, le Comité national d’évaluation rend son rapport sur l’UFC. Il conseille à la présidence, bien installée dans son hôtel Goudimel, de « ne pas céder à la tentation d’un superbe isolement ». Il s’étonne également de l’importance des réserves financières, multipliées par 150 en quatre ans. Woronoff a devancé les critiques en débloquant 4 millions de francs pour la rénovation de l’amphi Donzelot.

Le 16 janvier 94, environ 6000 personnes de FrancheComté se rendent à Paris, en train et en bus, pour l’immense manifestation d’un million de personnes contre la révision de la loi Falloux tentée par Bayrou et pour la défense de la laïcité. Le 25 février, coup de tonnerre, le conseil d’administration refuse de voter le budget « pour protester contre l’insuffisance criante de la subvention de fonctionnement attribuée par le ministère ». Un autre CA est prévu le 9 mars. Si le budget n’est pas voté, l’université sera placée sous tutelle du recteur. Massonie prévient : quand il n’y aura plus d’argent pour payer les heures complémentaires, les cours à la fac des lettres s’arrêteront.

En mars, un nouveau front s’ouvre avec le contrat d’insertion professionnelle (CIP) ou SMIC jeunes que veut lancer le gouvernement Balladur. L’IUT se met en grève le 8 mars. Les iutiens vont à Jules Haag pour tenter de se rallier les BTS. Les deux mouvements, contre le CIP et pour des moyens pour l’université convergent dans une manifestation vers Goudimel le 9, jour du conseil d’administration. La présidence est envahie, Woronoff annule le CA, le budget n’est pas voté.

Le 10 mars, la manif des « bac + 2 », forte de 5000 participants, bloque la gare pendant deux heures. Il y a des cortèges importants aussi à Belfort, Montbéliard et Vesoul. Le 16 mars, environ 500 étudiants de BelfortMontbéliard viennent manifester à Besançon pour des moyens pour l’UFR STGI. Le lendemain, deux nouvelles manifs contre le CIP rassemblent, dans la même journée, 7000 et 3000 jeunes. En fait, de 13h30 à 19h, c’est un cortège ininterrompu dans les rues bisontines. À Montbéliard et Belfort, la mobilisation est importante également. Le 25 mars, le premier tour de la coupe Davis de tennis se déroule au Palais des Sports de Besançon. Pendant plusieurs heures, entre 4 et 5000 jeunes anti-CIP empêchent les personnes munies de billets d’accéder au stade. Le maire, Robert Schwint, tente de parlementer avec les manifestants, les esprits s’échauffent et le match France-Hongrie est retardé.

La présidence envahie (9 mars 1994)

Le 28 mars, la fac de lettres vote la grève à bulletin secret. Les salles et amphis sont bloqués. Le 29 au soir, un groupe d’une soixantaine d’étudiants investit l’hôtel Goudimel et y passe la nuit. Le quotidien régional ne mentionne pas le fait que le président a été retenu toute la nuit dans la salle du conseil. On l’apprend dans un portrait qui lui est consacré dans le Monde du 28 avril 94. Woronoff précise qu’il partageait les raisons du mécontentement étudiant.

En avril, l’UFC passe sous tutelle du rectorat. Entretemps, le CIP est enterré. La mobilisation estudiantine se poursuit à Besançon, contrairement aux autres villes de France. Le 4, fait rare, l’UFR ST rejoint SLHS dans la grève : 1188 étudiants participent au scrutin, soit 31,2% des inscrits, et 89% des suffrages disent oui à la grève.

Les étudiants occupent le rectorat (11 avril 1994) Le soir du 6 avril, les étudiants installent des barrages filtrants sur les quatre ponts qui relient le centre-ville au monde extérieur. Des collectes sont organisées et la banderole sur le pont de la République proclame : « Payez nos profs, merci ». Le 8, la fac de droit se met à son tour en grève. C’est la première fois depuis le mouvement anti-Devaquet de 1986.

Le 11 avril, après une rencontre infructueuse entre l’intersyndicale et le recteur, les étudiants occupent le rectorat. Quelques dizaines y passent la nuit puis sont délogés par la police au petit matin. Le 13, Serena Gentilhomme donne un cours (sur Dante), place du Huit septembre, sous la pluie, devant 300 personnes. Le lendemain, les étudiants de sciences déposent une centaine de sacs poubelles devant la porte du rectorat. Il s’agit de tout ce qu’ils ont retiré en faisant le ménage en propédeutique, métrologie et place Leclerc. Le 14, les personnels de l’UFR ST tiennent une AG à l’amphi A. Ils décident d’une journée « fac morte » par semaine après les vacances de printemps. Le 15, les étudiants de sciences font une opération péage gratuit à la sortie Valentin.

Début mai, au retour des vacances de Pâques, la grève s’arrête. En sciences, le conseil de gestion vote un arrêt total des cours et TD pour le 10, jour où le recteur Guy Isaac doit rencontrer les conseillers de Fillon. Cependant, les TP et les examens sont maintenus… Pendant que Woronoff et son secrétaire général Michel Roignot accompagnent le recteur chez le ministre, les étudiants mettent le feu, place du Huit septembre, à une maquette en carton de la fac des sciences. Puis, depuis le parking au bord du Doubs du quai de Strasbourg, ils mettent à l’eau un rafiot, baptisé « galère » de l’Université de Franche-Comté, qui coule vers le pont Canot. La délégation comtoise revient bredouille de son escapade à Paris. Le ministère n’accorde aucune rallonge budgétaire ni aucun poste supplémentaire. Le recteur boucle le budget en puisant dans le fond de réserve.

On le voit, les problèmes que nous connaissons aujourd’hui viennent de loin. En ce début des années 90, l’Université de Franche-Comté, sous-dotée et sous-financée, doit se débrouiller comme elle peut face à un accroissement énorme des effectifs étudiants. Les luttes se focalisent sur cette question, en tout premier lieu sur celle du manque de place. La présidence de Woronoff profite largement de la mobilisation en obtenant Goudimel. Suite et fin au prochain numéro !

Des arrêts maladie “Covid” sans jour de carence prolongés jusqu’au 31 décembre 2022

Les agents considérés comme vulnérables, symptomatiques ou positifs au Covid-19, cas contact non-vaccinés ou avec un schéma vaccinal incomplet, parent contact d’un enfant testé positif, en attente d’un test au Covid-19, en isolement après un séjour à l’étranger et qui ne peuvent pas télétravailler peuvent bénéficier d’arrêts maladie indemnisés sans vérification des conditions d’ouverture de droits et sans délai de carence Les indemnités journalières des agents publics malades du Covid-19 sont versées dès le premier jour d’arrêt et jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard Source : décret n° 2021-1412 du 29 octobre 2021 Commentaire : cette suspension du jour de carence est une reconnaissance du problème du présentéisme Même malades, les agents vont travailler et contaminent leurs collègues et étudiants Donc pourquoi limiter la mesure au coronavirus et pourquoi lui fixer une date de péremption ?

Université payante : leçons à tirer de l’exemple britannique

Pour toute la génération du baby-boom, celle qui a bénéficié la première de la démocratisation de l’accès aux études supérieures, le système était très généreux L’université était gratuite et les bourses conséquentes Cela a commencé à changer avec la massification de l’université Margaret Thatcher a introduit des frais d’inscription pour les étudiants étrangers qui se sont ensuite étendus à tout le monde Les autres hausses majeures ont été imposées par le travailliste Tony Blair et le conservateur David Cameron Désormais, en Angleterre, les étudiants paient £9000 (10700€) par an en frais d’inscription Les étrangers peuvent payer le triple ou le quadruple de cette somme La crise du Covid a révélé que les universités britanniques étaient fortement dépendantes de ces étudiants étrangers La moindre baisse de leur nombre pouvait entraîner des faillites en cascade Le même phénomène a été observé en Irlande, en Australie, au Canada et aux USA Le financement des universités se fait sur de la dette Jusqu’à présent, les étudiants britanniques contractaient des prêts qu’ils ne remboursaient que si leur salaire, une fois leurs études finies, dépassait un certain seuil Celui-ci était fixé à £27295 (32500€) par an et le taux de remboursement correspondait à 9% des revenus au-dessus de ce montant sur une durée limitée à 30 ans Seulement 23% des (anciens) étudiants remboursaient leur prêt et le système coûtait plus cher à l’État qu’à l’époque de l’université publique, financée par l’argent public À partir de la rentrée 2023, cela va changer Le seuil de revenu va être abaissé à £25000 (29700€), le taux de remboursement sera celui de l’inflation et la durée sera allongée à 40 ans Les hauts revenus vont y gagner, la classe moyenne sera la grande perdante