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La paralysie médullaire: un thème complexe
Lors du 36e congrès annuel de la Société médicale germanophone de paraplégiologie, des spécialistes de tous horizons se sont réuni·e·s du 19 au 22 avril 2023 à Nottwil.
Nadja Venetz
Médecins, orthopédistes, neuro-urologues, soignant·e·s, ergothérapeutes et physiothérapeutes, collaborateurs et collaboratrices des services sociaux et de l’assistance spirituelle, psychologues et orthophonistes – l’énumération est longue et loin d’être exhaustive. 703 participant·e·s de dix nations s’étaient donné rendez-vous à Nottwil. Le congrès annuel de la Société médicale germanophone de paraplégiologie (DMGP) est le colloque le plus important pour toutes celles et ceux qui sont confronté·e·s dans leur travail à la rééducation et aux soins des paralysé·e·s médullaires. L’envergure donnée à ce congrès était un choix délibéré. La paraplégiologie est un domaine complexe et, pour parvenir au meilleur traitement et à la meilleure prise en charge possibles, il est indispensable d’avoir une approche interdisciplinaire.
Réseau
Diana Sigrist-Nix, Responsable Services médicaux, et le Dr Michael Baumberger, médecin-chef Paraplégiologie, du Centre suisse des paraplégiques, en constituaient la direction scientifique. Ce sont eux qui ont choisi la complexité comme thème du congrès. Parmi la centaine d’abstracts envoyés, ils ont sélectionné les meilleurs avec le CO et ont créé un programme composé d’ateliers et de conférences, mettant en lumière les résultats scientifiques les plus récents, mais aussi les connaissances tirées de la pratique quotidienne. «Écouter les exposés est une chose, mais pouvoir nouer des contacts avec des personnes issues du même groupe professionnel ou non, c’est presque encore plus précieux. Le congrès offre en outre une plate-forme pour apprendre comment d’autres font face aux mêmes défis», explique Diana Sigrist-Nix. Tels que le manque aigu de personnel qualifié et le transfert de connaissances, par exemple. Et Michael Baumberger d’ajouter: «L’objectif est d’élargir le réseau et de remplir son propre bagage de nouvelles connaissances, ce qui profitera en fin de compte aux patientes et aux patients.»
Une collaboration interdisciplinaire Les séances des cercles de travail, organisés le premier et le deuxième jour du congrès, ont permis de créer un échange professionnel intensif. Des représentant·e·s des différentes spécialités s’y sont retrouvé·e·s pour discuter de thèmes liés à leur propre discipline. Daniela Vozza et Kathrin Huber de Conseils vie à l’ASP ont aussi participé à l’atelier «Service social». «Le groupe de travail est une occasion unique d’échanger avec d’autres collègues du social qui s’occupent de la même clientèle que nous. Nous recevons des impulsions professionnelles et découvrons de nouvelles approches», estime Daniela Vozza. Leur groupe a ainsi discuté de la situation des proches et a appris l’existence d’une étude de la Haute école spécialisée du nordouest de la Suisse sur l’impact du travail social dans le processus de rééducation, ainsi que des offres de ParaWork. Les autres cercles ont également eu un aperçu de l’offre complète du Groupe suisse pour paraplégiques et ont pu visiter les unités de soins et les salles de thérapie.
À l’issue de ces deux premières journées, les frontières entre les différentes disciplines avaient disparu. Il s’agissait ensuite de savoir comment les spécialités pouvaient collaborer au mieux pour le bien des patient·e·s. «Avec le campus de Nottwil, sur lequel nous couvrons toutes les phases, des premiers soins à l’accompagnement à vie, nous vivons cette collaboration interdisciplinaire. Or c’est loin d’être une réalité pour tous les participant·e·s au congrès. Nous devons être conscients qu’en Allemagne et en Autriche notamment, le traitement des paralysé·e·s médullaires est beaucoup plus fragmenté, ce qui rend les choses difficiles, tant pour les soignant·e·s que pour les soigné·e·s», déclare Diana Sigrist-Nix.
Des aperçus passionnants
Alors que les spécialistes pouvaient postuler une intervention en envoyant un abstract, des expert·e·s ont été invité·e·s pour faire des exposés dits keynote. Dans la conférence d’ouverture, le Dr Grégoire Courtine et le Dr Jocelyne Bloch ont expliqué comment, avec leur équipe, ils ont réussi, à partir de premiers essais sur des souris, à développer l’électrostimulation de la moelle épinière par des implants, à tel point que des sujets atteints de paralysie médullaire ont pu faire plusieurs pas après un entraînement intensif. Au cours de leur travail, les chercheurs et chercheuses ont découvert que l’électrostimulation améliorait la stabilité du tronc ainsi que la tension artérielle des personnes tests. Ces recherches ont débouché sur un nouveau traitement par électrostimulation que l’équipe souhaite rendre accessible à l’avenir à un grand nombre de personnes concernées.
Du laboratoire à la clinique
Le Dr Marnie Graco s’est penchée sur la question de la transposition des connaissances scientifiques dans le traitement quotidien. La scientifique fait partie de la jeune discipline de l’Implementation Science. Cette branche scientifique cherche com- ment apporter à la clinique les données et les connaissances issues des études et mettre ainsi en place de nouvelles routines de traitement. L’Australienne a étudié l’exemple de l’apnée du sommeil. Plus de 80% des tétraplégiques en souffrent, sous une forme de légère à sévère. Des études cliniques le prouvent, mais tous les centres qui traitent les personnes paraplégiques ne s’y intéressent pas forcément. Après avoir mené des entretiens dans différentes cliniques, Marnie Graco a constaté que dans certaines, les soignant·e·s manquaient de temps et/ou de compétences pour ce faire, alors que dans d’autres, le diagnostic et le traitement de l’apnée du sommeil faisaient partie de la routine. Pourquoi est-ce possible à un endroit et pas à un autre? La scientifique a pu montrer que les cliniques disposant de petites équipes motivées et interdisciplinaires proposaient un traitement. Elle a ainsi pu développer un modèle que les centres pour paraplégiques qui le souhaitent pourront appliquer chez eux. Car la connaissance des résultats scientifiques et leur mise en œuvre dans le travail quotidien avec et sur les patient·e·s sont deux choses bien distinctes.
Dans son discours d’ouverture, le directeur du CSP Luca Jelmoni a souhaité que les participant·e·s acquièrent une vision commune dans le traitement des paralysé·e·s médullaires. Dans l’idéal, un tel congrès donne des impulsions nouvelles et aide à aiguiser le regard sur les autres possibilités qui existent pour aborder une problématique. «Il est crucial de cultiver les contacts en dehors du congrès. Cela aide à sortir de sa propre bulle dans laquelle on évolue quotidiennement et à obtenir de nouvelles perspectives», résume Diana Sigrist-Nix. Après quatre jours, les participant·e·s sont retourné·e·s à leur quotidien professionnel avec un bagage plein à craquer d’impressions. Reste à espérer que certains apports du congrès trouveront leur place dans la routine quotidienne.
Distinctions
Deux abstracts du Centre suisse des paraplégiques ont été récompensés par le prix commémoratif du Prof. Friedrich-Wilhelm Meinecke de la Société médicale germanophone de paraplégiologie:

Causes et prévalence, causes et prédicteurs des ré-hospitalisations en cas de paralysie médullaire au cours des dix premières années après la rééducation primaire. Équipe d’auteurs et d’autrices: Inge Eriks-Hoogland (Nottwil), Benjamin Hirsch (Nottwil), Jürgen Pannek (Nottwil), Lea Studer (Nottwil), Armin Gemperli (Nottwil)
Incidence et facteurs de risque des pneumonies chez les personnes récemment atteintes d’une paralysie médullaire: résultats de l’étude RESCOM.
Équipe d’auteurs et d’autrices: Gabi Müller (Nottwil), Anja Raab (Berne, Nottwil), David Berlowitz (Melbourne AU), Karin Postma (Rotterdam NL), David Gobets (Wijk aan Zee NL), Sven Hirschfeld (Hambourg DE), Burkhart Huber (Häring AT), Margret Hund-Georgiadis (Bâle), Xavier Jordan (Sion), Martin Schubert (Zurich), Renate Wildburger (Tobelbad AT), Martin Brinkhof (Nottwil)
En savoir plus sur la DMGP www.dmgp.de