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SAÔNE ET LOIRE

Un château de PRINCE SARMENT

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Une grille, un blason doré, une allée bordée de buis et… des tours, des échauguettes, des mâchicoulis, des tuiles vernissées ! En plein cœur du vignoble mâconnais, le château de Pierreclos nous ferait pousser des envies de chevaliers, de troubadours, de princes embreloqués et de beaux atours…

PAR MÉLANIE MARULLAZ

Oyez, oyez, gente dame et preux damoiseau, grand arroi ou petit nobliau, si vous convoyez de Mâcon à Montceau, mandez gîte et flambée au château de Pierreclos !” Oui, allez savoir pourquoi, la vue d’un donjon ou d’une tour d’artillerie, bref, de la pierre quand elle a bien vieilli, réveille en moi l’envie de parler vieux François. Ce n’est pourtant pas un pré-requis ici, au contraire, pour Anne-Françoise et Jean-Marie Pidault, il est vital, pour un lieu comme celui-ci, “de ne pas être empaillé, de vivre avec son temps”. Et pour qu’un monument reste vivant, il faut l’ouvrir. Aux visites d’abord, ce qu’avait fait, avant eux, la mère de JeanMarie. Il ne s’agit pourtant pas d’un domaine familial : en 900 ans, le château a maintes fois changé de propriétaires, parmi lesquels d’ailleurs, mais furtivement, un prince : Louis de Savoie, seigneur de Piémont. Mais depuis deux générations, il est habité par la famille Pidault. Il y a 15 ans, quand Anne-Françoise et son mari, vignerons, en reprennent

la direction, ils accueillent régulièrement des mariages et des invités qui, venant de plus en plus loin, resteraient bien pour la nuit. Ils aménagent donc d’abord pour les mariés la « chambre dorée », ou suite des Comtes, au premier étage de la grosse tour. Une vaste pièce carrée, extrêmement lumineuse sous ses hauts-plafonds, dont les boiseries murales et la marqueterie du parquet Versailles replongent les hôtes à la fin du XVIIe siècle. Hors de question, cependant, d’y jouer les musées : “dans un château, on pense souvent qu’il ne faut rien toucher, mais à chaque époque, il faut être moderne”, argumente Anne-Françoise, “des créneaux au XVIe siècle, par exemple, c’est ringard !” Alors côté déco, pas de vieilleries, mais du gris.

© DR

BATAILLES ET CONQUÊTES

Pas la peine, donc, d’en rajouter avec des antiquités, car l’histoire est présente partout dans cette enceinte aux origines médiévales, brûlée, saccagée, reconstruite, au gré des différents conflits : territoriaux entre Armagnacs et Bourguignons, idéologiques pendant les guerres de Religion, politiques à la Révolution… “Mais il ne faut pas être impressionné par ces 1000 ans d’histoire. Nous sommes le maillon d’une chaîne, c’est quelque chose de porteur”. Et au carrefour de la petite et de la grande histoire ? Quelques noms célèbres et des anecdotes croustillantes ! Dans les années 1800, par exemple, le jeune Alphonse de Lamartine, voisin mâconnais et ami d’enfance d’Adolphe-Antoine Guillaume Michon de Pierreclos, fréquente souvent le château… et surtout la femme de son hôte, la belle Anne-Joséphine, dite Nina. “De cet adultère naquit un fils, Jean-Baptiste-Léon, qui

ressemblait à son père naturel, mais portait évidemment le nom de son père putatif, et devint le neveu de l’auteur de ses jours, en se mariant avec la nièce de celui-ci*.” Les scénaristes des Feux de l’Amour n’ont rien inventé.

CLOCHER ET CUVÉES

L’histoire ne dit pas si l’auteur des « Méditations Poétiques » comptait fleurette sur la terrasse qui surplombe la Vallée de la Petite Grosne et voit se dessiner les contreforts du Beaujolais - endroit rêvé pour déguster, au soleil couchant, un verre de Pouilly-Fuissé ou de St Véran bio du domaine ! -. Ou s’il donnait rendez-vous à sa maîtresse dans l’abside de la chapelle, seule rescapée de toutes les prises et destructions dont Pierreclos fut victime au cours des siècles. Car c’est une des spécificités du site : le domaine a sa propre petite église, autour de laquelle s’accrochait certainement le premier village au Moyen-Age, avant que sa nef ne soit démantelée pour construire une nouvelle église, quelques centaines de mètres en amont, et y accrocher un nouveau hameau. C’est sur cette chapelle que donnent les 4 autres chambres, aménagées au-dessus des anciennes écuries, bâtiment dans lequel s’étaient installés les Pidault à l’origine. Joseph, Paloma, Suzanne, Anne & Jean, elles portent d’ailleurs toutes le nom d’un membre de la famille. A l’intérieur, le jeu des poutres centenaires, peintes en blanc, organise l’espace, habite le volume et donne aux pièces leur caractère. Mais le révéler ne s’est pas fait en toute sérénité… “On arrivait d’une maison confortable, toute rénovée, et ici, les derniers travaux dataient du XIXe siècle, tout était en très mauvais état, caché sous des coups de peintures successifs, les encadrements de fenêtre étaient juste posés… On n’a pu garder que les murs et la structure. Dans l’ancien, on ne sait jamais où on va !” Il a aussi fallu retenir son souffle au moment de creuser la piscine… Mais soulagement, les fouilles archéologiques, obligatoires en cas de travaux sur des sites historiques, n’ont exhumé que quelques débris. Perchés sur leur promontoire, “un peu comme sur une île”, les Pidault, hôtesvignerons, entretiennent donc de front parements et sarments, alternant la rigueur et la ruralité de la semaine avec l’hospitalité et les mondanités du weekend. Un vrai choix de vie, exigeant, parce que la vie de châtelain, aujourd’hui, est plus une vie de labeur que de seigneur.

+ d’infos : chateaudepierreclos.com

*Letessier Fernand. “Chateaubriand et Madame de Pierreclau”. Bulletin de l'Asso. Guillaume Budé : Lettres d'humanité, n°26, déc. 1967.

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