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Interview: Valerie Trouet

Valerie Trouet « La Belgique dispose de climatologues de classe mondiale »

Le Centre belge d’expertise sur le climat sera lancé en 2023 et aura pour objectif de coordonner la recherche scientifique et l’expertise sur le climat. Valerie Trouet, mondialement connue pour ses recherches en qualité de dendroclimatologue, en assurera la direction scientifique.

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Professeur de dendrochronologie à l’Université d’Arizona (Tucson), Valerie Trouet a fait œuvre de pionnier en étudiant le climat du passé au départ des cernes annuels des arbres. En Flandre, elle est connue pour son livre Wat bomen ons vertellen (Tree Story), qui raconte ce que les arbres et leurs cernes peuvent nous dire sur le climat. Valerie Trouet y retrace l’histoire climatique de la Terre, explique les liens entre climat, écosystèmes et sociétés, et nous donne un aperçu de la problématique climatique actuelle.

Après 18 ans passés en Amérique, vous rentrez en Belgique pour diriger le centre fédéral Climat. Quelles sont vos attentes ? « Le centre fédéral Climat est appelé à être une institution scientifique. La Belgique dispose de climatologues de classe mondiale, mais le domaine est relativement fragmenté. La mission première du Centre est de mettre en place un processus de coopération et de coordination et d’élaborer une stratégie grâce à laquelle nous pourrons offrir des services en matière de climat aux gouvernements et aux entreprises. L’objectif est de présenter les dernières informations scientifiques aux différents gouvernements, entreprises et ONG afin que toutes les parties concernées coopèrent pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et prévenir ainsi le renforcement du réchauffement climatique. Un autre aspect nécessite un travail d’urgence en Belgique : l’adaptation de la société à ce climat évolutif. »

De quelles adaptations est-il question ? « La situation climatique est grave. La planète va connaître de plus en plus de catastrophes naturelles et de phénomènes météorologiques extrêmes. La situation est irréversible et affectera tout le monde. Nous pouvons par contre empêcher que la situation ne s’aggrave plus encore, mais cela nécessitera des mesures radicales. L’énergie verte va devoir remplacer les combustibles fossiles. Cette transition est en marche, mais elle prendra du temps. Installer des panneaux solaires et des pompes à chaleur, remplacer les voitures à essence... une fois que le mouvement sera initié, les entreprises et les gouvernements suivront avec les investissements et tout deviendra plus accessible pour les citoyens. Mais cela va bien plus loin que cela. Nous devons réfléchir à la manière dont nous allons nous préparer à la nouvelle donne climatique et dont nous nous armerons contre le changement climatique. Comment allons-nous adapter notre agriculture ? Quid de notre approvisionnement en eau ? Comment ferons-nous face à l’élévation du niveau de la mer ? Ce sont là de grandes questions et des changements d’importance que nous ne pouvons pas implémenter en tant qu’individus. »

De votre point de vue, quel sera votre principal défi à la tête du Centre ? « Je veux contribuer à trouver des solutions concrètes et efficaces aux problèmes climatiques. Il existe une grande différence entre les préoccupations climatiques des citoyens et la bonne volonté des communautés d’une part, et ce que les gouvernements entreprennent pour y répondre, d’autre part. Les initiatives prises par les autorités pour lutter contre le réchauffement climatique ne sont pas à la hauteur des aspirations de la population. Mon ambition est d’y remédier, de réduire ce fossé entre les préoccupations des citoyens et la manière dont elles se reflètent dans la politique. Je veux aussi donner la parole à nos climatologues belges et j’espère pour cela pouvoir compter sur une bonne coopération avec les médias. »

Pour vous, à quelles conditions votre mission sera-t-elle réussie à la tête du centre fédéral Climat ? « Eh bien, aux États-Unis, il y a la NOAA, la ‘‘National Oceanic and Atmospheric Administration’’. Il s’agit d’un institut similaire où sont menées des recherches de pointe et qui, au niveau national, est une voix très écoutée dans le débat sur le climat. Faire du Centre Climat le NOAA de la Belgique et de l’UE, apporter à cet institut scientifique une image positive et une bonne réputation et ainsi gagner en crédibilité et en confiance auprès des citoyens contribuera certainement à la réussite de ma mission. »

Sur la base de vos découvertes dendrochronologiques, pouvez-vous déterminer à quoi ressemblera le climat dans vingt ou cinquante ans ? « Le réchauffement global de 1,1 °C que connaît actuellement la planète et que nous avons enregistré depuis le début des mesures est un phénomène sans précédent. Au cours des 2 000 dernières années, nous n’avons rien vu de semblable à ce qui se passe actuellement en termes de climat. Les niveaux de dioxyde de carbone n’ont jamais été aussi élevés depuis 800 000 ans. Nous sommes sûrs que le réchauffement va se poursuivre, mais son ampleur dépend de ce que nous allons entreprendre en tant que société humaine. Nous avons tous les outils en mains et ça, c’est un point positif. Si nous devions nous contenter de regarder et subir, ce serait vraiment terrifiant. En ce qui concerne le réchauffement climatique de 2 °C, il s’agit de la moyenne annuelle pour la planète tout entière - océans, terres, tropiques et pôles compris. Cette moyenne ne masquera pas les extrêmes. Les vagues de chaleur, les inondations, les sécheresses et les ouragans gagneront en fréquence et le ralentissement du jet-stream nous maintiendra aussi plus longtemps dans le même type de temps. »

Vous ne rêviez certainement pas de devenir dendrochronologue quand vous étiez petite fille... « Non, pas du tout. Quand j’avais douze ans, j’ai demandé à mon père quelles étaient les études les plus difficiles. Il m’a répondu que c’était ingénieur civil, mais cette voie ne m’intéressait pas vraiment. Par la suite, j’ai voulu devenir journaliste ou actrice. Lorsque j’ai entendu parler pour la première fois du réchauffement climatique au cours de géographie, en quatrième ou cinquième secondaire, cela m’a fait l’effet d’une bombe. À partir de là, mon intérêt pour le climat n’a fait que s’amplifier et j’ai entamé des études de bioingénieur. Pour mon mémoire de master, j’ai voulu choisir un thème qui traitait du climat et voyager à l’étranger. Un seul sujet répondait à ces conditions : la dendroclimatologie en Tanzanie. Je n’avais jamais entendu parler de cette discipline professionnelle, mais je me suis lancée. C’est ainsi qu’est née ma passion pour les cernes annuels des arbres. »

Smart Fact.

Si la situation climatique n’était pas alarmante, en faveur de quelle autre cause pourriez-vous aussi vous engager ? « Je n’ai pas besoin d’y réfléchir très longtemps. J’œuvrerais pour l’égalité des genres dans la société en général et plus particulièrement pour un plus grand respect des femmes dans le monde universitaire, car l’écart entre les sexes y est encore très important. Il existe tellement de preuves scientifiques sur les préjugés à l’encontre des femmes et des autres minorités dans le milieu universitaire, souvent inconscients, tant chez les hommes que chez les femmes. Cela ne devrait plus exister. »

Nous devons réfléchir à la manière dont nous allons nous armer contre le changement climatique.

Qu’est-ce que la dendrochronologie ? La dendrochronologie est la discipline scientifique qui étudie les cernes annuels des arbres. Cette technique de datation en sciences naturelles se base sur la variation annuelle des anneaux de croissance pour dater les objets historiques en bois. La dendroclimatologie fait partie de cette discipline. En fonction de la largeur et de la densité des cernes annuels, les scientifiques peuvent reconstituer le climat du passé et analyser les changements climatiques en cours.

Que fait la NOAA ? La « National Oceanic and Atmospheric Administration » est une agence scientifique des États-Unis, créée en 1970 sous la présidence de Richard Nixon. La NOAA fait autorité dans le débat sur le climat mondial, tant au niveau national qu’au plan international. Des scientifiques y mènent des études de haute technologie sur la situation climatologique et fournissent aux décideurs des informations fiables pour implémenter les adaptations nécessaires aux nouvelles conditions climatiques.

L’urgence de l’aquaculture responsable

En 2022, manger des poissons et des fruits de mer ‘‘responsables’’ peut s’apparenter à un parcours du combattant. Reconnaître les labels et certifications sérieuses comme celle de l’ASC est en effet devenu une obligation pour notre santé comme pour notre environnement.

D’ici 2050, la planète comptera plus de 9 milliards d’individus. Si le poisson apparaît comme une solution et une source de nutriments privilégiée (selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), son exploitation sauvage ne suffira pas à nourrir autant de personnes. Beaucoup de stocks de poissons sont déjà épuisées et 33% d’entre eux subissent une exploitation massive, voire une surexploitation. D’où la nécessité de créer des fermes aquacoles pour élever des poissons, des coquillages ou des crustacés en mer ou sur terre. Mais encore fautil que cette aquaculture soit responsable.

Malheureusement, suite à sa croissance fulgurante, l’aquaculture a connu un certain nombre de dérives. « Une gestion médiocre des exploitations peut notamment entraîner la pollution de l’eau ainsi que la perturbation des écosystèmes environnants », indique Sarah Hennin, Market Development Manager Belgium chez ASC. Sans parler du travail des enfants, de la protection inexistante des salariés ou encore du manque de respect des communautés vivant aux alentours de la ferme. « Rappelons que si certains principes sociaux semblent acquis en Europe, ils ne le sont parfois pas encore dans d’autres pays du Sud qui abritent de nombreuses fermes ». La liste des points d’attention est donc très longue. Et, selon les ONG, elle ne peut pas être passée sous silence au profit de l’alimentation de tous.

C’est pour cette raison que certaines organisations ont décidé d’agir en développant des certifications à l’instar de Fairtrade pour l’agriculture. « L’ASC a ainsi instauré depuis 2010 un programme de certifications pour les élevages responsables de poissons, de crustacés et de coquillages ». Si la ferme aquacole se soumet aux critères édictés, elle est en mesure d’obtenir une certification. Une série d’audits par des organismes accrédités et indépendants sont réalisés régulièrement pour éviter les manquements. Le label ASC permettra ensuite la promotion et la reconnaissance de pratiques aquacoles responsables vérifiées. En choisissant ce label, le consommateur encourage les fermes à poursuivre leurs bonnes pratiques et à mettre en place les procédures nécessaires. » C’est la création du marché qui soutient l’effort des producteurs », conclut Sarah Hennin.

Une gestion médiocre des exploitations peut notamment entraîner la pollution de l’eau ainsi que la perturbation des écosystèmes environnants.

L’Aquaculture Stewardship Council est une ONG indépendante internationale à but non lucratif dont l’objectif est de transformer l’aquaculture (l’élevage de poissons, coquillages et crustacés) pour la rendre plus respectueuse de l’environnement et plus responsable socialement. Elle accompagne les acteurs de la filière – fermes, fournisseurs, distributeurs et restaurateurs – qui souhaitent s’engager pour une aquaculture responsable afin de pouvoir nourrir la planète en préservant les ressources marines et l’environnement.

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L’économie circulaire, un atout pour le développement durable en entreprise

Toutes les entreprises ont aujourd’hui un devoir d’exemplarité et des obligations en ce qui concerne le respect de l’environnement. Et pour les remplir, il faut se montrer inventif, mais aussi compter sur des acteurs qui développent de nouvelles activités et qui innovent.

Quand on parle d’environnement et de défi écologique, il y a tout un lexique qui se met en place : économie d’énergie, tri des déchets, respect de l’environnement, etc. Et dans ce vocabulaire, l’économie circulaire trouve évidemment sa place. Utiliser, réutiliser, diminuer sa consommation et donc son empreinte carbone, toutes les cases sont cochées. Et si de nombreuses entreprises ont été créées ces dernières années pour participer à ce nouveau business, d’autres font office de pionnières. C’est le cas de Mewa, qui officie dans le domaine du service aux entreprises depuis… 1908. Le directeur administratif de la filiale belge du groupe, Julien Vansantvoort, pointe les grands défis qui feront le futur de l’industrie.

D’abord, il évoque le transport et la logistique et toutes les émissions de CO2 qui vont avec. « Jusqu’il y a quelques années, tout le monde transportait des marchandises à travers le monde sans trop réfléchir à l’impact écologique, se rappelle-t-il. Nous observions et mesurions nos consommations mais ce n’est pas comparable avec le suivi et les optimisations que nous connaissons à l’heure actuelle. La clé est maintenant d’étudier tous les moyens de transport alternatifs dont on peut disposer. Je pense, par exemple, aux camions roulant à l’hydrogène (que nous utilisons déjà dans notre filiale en Suisse) qui peuvent présenter une véritable solution d’avenir. Là encore, c’est très bien de posséder ces camions, mais il faut réfléchir à la provenance de l’hydrogène et la manière dont il arrive dans une station de recharge. Cela fait partie de notre réflexion. Dans les grandes villes, nous lançons aussi des services de livraison en vélo-cargo. Il n’y a pas qu’une seule manière de réduire son empreinte. »

Il en vient ensuite à ce qu’il se passe au sein des usines. Si chaque activité est différente, la consommation mais aussi la gestion des déchets sont des clés pour participer à l’effort collectif. « La première chose à laquelle je pense, c’est évidemment de diminuer sa consommation, surtout vu la situation actuelle. La récupération des produits est aussi essentielle. Dans notre cas, nous avons un système de récupération et de traitement des eaux usées. Avant de les rejeter propres et presque potables dans le réseau public, elles sont réutilisées pour plusieurs étapes de notre processus interne. Par ailleurs, nous récupérons aussi les huiles qui se trouvent dans les lavettes pour les utiliser dans notre production.  »

Enfin, il faut savoir se montrer inventif dans les produits créés dans les ateliers. « Je prends là l’exemple des combinaisons de travail que nous fournissons à nos clients. Elles sont composées principalement de coton et de polyester, qui demandent beaucoup de ressources pour être produits. Récemment, nous avons créé des vêtements de travail à base de PMC recyclé. Voilà une manière de revaloriser ces ses déchets tout en les réintroduisant dans l’économie circulaire.  »

Des arguments qui sont somme toute logiques, mais qui répondent en plus à une demande de la part des clients et des entreprises. Car l’écologie au sens large est devenue un business. « On ne va pas aller jusqu’à dire qu’on a inventé l’économie circulaire, mais il est clair qu’avec presque 12 décennies d’expérience, nous avons des opportunités qui s’offrent à nous, relève-t-il. Les entreprises, mais aussi le grand public, sont désormais très sensibles à toutes ces questions. Nos clients veulent aujourd’hui participer à l’effort collectif, que ce soit par conviction ou par obligation. Plus largement, on remarque au niveau du recrutement que les jeunes travailleurs sont beaucoup plus sensibles par rapport à tous ces sujets. Cela devient une force pour nous, finalement. »

Julien Vansantvoort

Mewa a été fondé en Allemagne en 1908. L’entreprise s’est spécialisée dans la livraison et le nettoyage de lavettes d’essuyage industriel dans de nombreuses usines, notamment dans l’industrie automobile. Aujourd’hui, les services sont toujours plus nombreux : tenues business, tapis de sol, tapis de nettoyage ainsi que du matériel de sécurité, avec toujours le même core business, l’économie circulaire et la réutilisation d’objets qui pourraient être jetés.

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