Marc Mercier à propos de Sylt à perte de vue (documentaire, 2008)
🎬 voir le lm (50mn)
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Si vous découvrez le documentaire de création Sylt à perte de vue (2008), après avoir vu les cinq lms expérimentaux, vous ne manquerez pas d’être surpris. Vous y verrez une ville dynamique, des touristes avec des séquences qui n’ont rien à envier aux Vacances de Monsieur Hulot de Jacques Tati, un manipulateur de cerfvolant, une rangée d’éoliennes… L’île est tout sauf déserte. Surtout quand vient la belle saison, à tel point que les autorités ont dû interdire l’accès à certaines plages ou falaises pour limiter les dégâts. C’est la mobilisation générale, habitants, scienti ques, pour contrer l’inexorable destin de l’île. Si dans Bi di wick, Samuel Bester a planté le décor, force est de constater que la pièce qui se joue là sera fatalement tragique, qu’aucun décor aussi planté qu’il soit ne saura faire face à long terme à la puissance irrésistible de la nature. La nature ne revendique jamais ses droits. Elle les prend. C’est la chronique d’une mort annoncée. La leçon que l’on peut tirer du combat acharné des femmes et des hommes de Sylt, et c’est peut-être ce qui différencie l’humain de son environnement, c’est que la n ne conditionne pas les moyens. L’homme peut résister malgré tout. Témoin ce village, Rantum, (surnommé village fuyant ou volant) englouti huit fois sous le sable, reconstruit autant de fois plus loin, malgré tout. Les os du cimetière, égarés à la surface des dunes, deviennent alors des jouets pour les enfants rieurs. La mort ellemême s’apprivoise. C’est le règne des fantômes.
Toute l’histoire tragique de l’île de Sylt, le combat héroïque de ses habitants pour qu’elle survive malgré la puissance disproportionnée de l’adversaire, est contenue dans les quelques séquences lmiques qui ouvrent Sylt à perte de vue. Les images sont extraites d’un lm de 1934, Der Schimmelreiter, de Hans Deppe et Curt Oertel, avec les merveilleux acteurs que sont Mathias Wieman et Marianne Hoppe. Un homme harangue la foule en la sommant de bâtir une digue pour contrer la violence de la mer. Quelque temps plus tard, un raz-de-marée emportera tout sur son passage, sèmera mort et désolation. Les habitants de Sylt ne perdront jamais de vue que la vie est plus forte que tout… Les lms de Samuel Bester, comme des oiseaux, sont là pour nous le rappeler. L’île a des ailes.
Sylt à perte de vue, 2008
p. 7/16