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Le rapport des experts
from Rapport annuel 2018
by SAM-TES
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LE RAPPORT DES EXPERTS
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La réalisation du rapport des experts
Le ministre de la Justice Koen Geens avait annoncé qu’il proposerait d’ici l’été 2018 une note politique concernant la modernisation des professions juridiques, plus particulièrement pour les notaires, les avocats, les huissiers de justice et les juristes d’entreprise. Dans cette perspective, il a chargé deux experts par groupe professionnel d’élaborer un rapport indépendant et sans tabou sur l’avenir de chaque profession. Pour les huissiers de justice, Luc Chabot, huissier de justice, et André Michielsens, notaire honoraire et ombudsman, ont été désignés en mars 2018.
Malgré le délai serré, les experts ont soumis leur rapport au ministre dans les temps. Ce rapport volumineux de 150 pages est divisé en 22 fiches, qui contiennent ensemble environ 80 initiatives concrètes. Le fil rouge du rapport est le rôle unique de l’huissier de justice en sa qualité d’officier public et ministériel, les experts ont aussi tenté de clarifier l’image actuelle de l’huissier de justice et ont formulé des propositions pour renforcer la confiance entre le citoyen et l’huissier de justice.
Le rapport peut être consulté via : https://justice.belgium.be/sites/default/files/rapport_modernisation_fonction_huissier_de_justice.pdf
Le ministre de la Justice, Koen Geens : « Avec les lois pot-pourri, nous avons pris les premières mesures pour moderniser les procédures dans le monde d’aujourd’hui et de demain. Il est grand temps de réfléchir à la manière dont les professions juridiques peuvent s’organiser efficacement pour suivre le rythme du monde d’aujourd’hui mais surtout de demain. Les experts que nous désignons aujourd’hui auront toute la latitude voulue pour mener à bien cette tâche. »
Réaction de la profession
Préalablement au rapport d’experts, une consultation a été organisée au sein de la profession sur la base d’un questionnaire aux fins d’inspiration pour les experts. Et en plus, ces derniers ont consulté un certain nombre d’acteurs juridiques et socio-économiques qui sont régulièrement en contact avec les huissiers de justice. Ils ont soumis leur rapport le 28 juin 2018, ensuite une nouvelle consultation était organisée au sein de la profession, lors de laquelle chaque titulaire, candidat- et stagiaire-huissier de justice avait la possibilité de formuler une réaction au rapport. Les points au sujet desquels il y avait un grand consensus ont été transmis au ministre.
1. l’introduction de modèles-standard pour les actes ; 2. un tarif transparent et renouvelé, établi par une commission indépendante ; 3. la mise en place d’un point de contact central pour les délits et les éventuels risques sociaux, économiques ou familiaux ; 4. le renforcement du rôle de l’huissier de justice en tant qu’expert de solvabilité ; 5. un acteur actif dans la lutte contre le surendettement ; 6. la modernisation des voies d’exécution ; 7. un encadrement clair de la valeur patrimoniale d’une étude d’huissier de justice ; 8. fin de carrière à 70 ans, avec la garantie d’une carrière de 30 ans en tant que huissier de justice titulaire ; 9. un encadrement pour associations entre titulaires et candidats ; 10. un encadrement clair pour la comptabilité des huissiers de justice ; 11. un système disciplinaire encore plus performant - un tribunal disciplinaire ; 12. l’optimisation des compétences réglementaire de la Chambre Nationale des Huissiers de justice et l’adaptation des organes professionnels ; 13. la réforme du FCA vers la banque de données de solvabilité ; 14. l’élargissement du Registre Central des Actes Dématérialisé (RCDA) ; 15. la création d’une procédure d’introduction de recours numérisée via une plate-forme ; 16. l’ancrage légal de la vente judiciaire de biens meubles en ligne.
21 décembre 2018 : le gouvernement fédéral en affaires courantes
Le gouvernement fédéral trébuchait sur le pacte de migration des NU et a dû jeter l’éponge en décembre. Ensuite, il est passé en affaires courantes, pouvant seulement prendre en charge la gestion quotidienne pour laquelle aucune nouvelle décision n’était requise et pour laquelle la ligne politique à suivre avait déjà été dictée. La note politique promise par le ministre Geens concernant la modernisation des professions libérales juridiques, n’a pas pu voir le jour. Quelques initiatives ressortant du rapport des experts ont néanmoins fait l’objet d’un suivi, soit dans l’hémisphère parlementaire, soit suivant une propre initiative.
À l’approche des élections fédérales du 26 mai 2019, un mémorandum des huissiers de justice a été remis à tous les partis politiques et aux différents acteurs juridiques et socio-économiques. Celui-ci a été élaboré conjointement par la CNHB, SAM-TES, l’ANCSHJ, la CVG et l’UFHJ. Ce document comprenait également un certain nombre de propositions du rapport d’experts, soutenues par la profession.
Passons en revue quelques points.
1. L’introduction de modèles-standard pour les actes
Le talon d’Achille du langage juridique est le fait qu’il s’agit d’un jargon. Toutefois les documents juridiques traitent généralement des affaires importantes, il est impératif que les gens comprennent ce qu’ils lisent.
La CNHB souscrit expressément la nécessité d’une communication claire. C’est pourquoi elle a proposé des modèles-standard pour les actes les plus fréquents d’huissiers de justice et de les mettre à la disposition de ses membres. Divers actes ont ainsi été rédigés, évitant les formulations archaïques et le jargon superflu, sans affecter l’exactitude juridique d’un acte.
2. Un tarif transparent et renouvelé, établi par une commission indépendante
Dans l’optique d’une plus grande transparence, la profession a indiqué vouloir revoir le tarif de l’huissier de justice tout en tenant compte des conditions économiques et/ou politiques qui doivent permettre de garantir la viabilité des études et l’indépendance de l’huissier de justice. La profession a donc proposé la création d’une commission indépendante, composée de membres externes et internes (huissiers de justice et candidats), qui serait chargée d’élaborer une proposition de modernisation du tarif. Ce débat pourrait inclure un taux forfaitaire uniforme, la limitation proportionnelle des coûts additionnels et des charges fiscales. En 2018, un groupe de travail a été mis sur pied pour formuler une proposition soutenue en vue de la nouvelle législature fédérale.1
Afin d’éviter l’augmentation des frais de justice, les experts ont également proposé dans leur rapport l’introduction d’une procédure extrajudiciaire de recouvrement des dettes d’argent non contestées pour les relations B2C, C2B et C2C, garantissant la protection nécessaire du consommateur. La plus-value de cette procédure réside dans le contact personnel d’un huissier de justice avec la personne concernée. L’expérience de la procédure similaire en B2B montre que dans environ 42 % des cas de cette phase – avant qu’un titre exécutoire ne soit délivré – une solution (paiement ou plan de paiement) est trouvée. C’est un plus pour toutes les parties concernées et un soulagement pour les tribunaux.
3. La modernisation des voies d’exécution
Il importe de mettre en place de nouvelles voies d’exécution efficaces, rapides et les moins onéreuses possibles. Les expoerts ont proposé un certain nombre de nouveaux moyens, notamment la possibilité pour l’huissier de justice d’immobiliser un véhicule saisi avec un sabot, ainsi que de confisquer son certificat d’immatriculation. Cette proposition a également été prise en compte dans la réponse du CNHB au Ministre.
Par la suite, un projet de loi contenant diverses dispositions sur l’informatisation de la justice et la modernisation du statut des juges en matière commerciale a été amendé par un article qui rendrait l’immobilisation des véhicules par les huissiers de justice possible dans certaines matières.2
4. L’établissement d’un point de contact central pour les délits et les éventuels risques sociaux, économiques ou familiaux
L’huissier de justice, en tant qu’intermédiaire entre la justice et la société, constate parfois des situations illégales, des situations inquiétantes sur le plan économique et dangereuses au niveau social. L’enquête dans le cadre du rapport d’expertise a clairement montré que les huissiers de justice étaient favorables au renforcement de leur fonction ministérielle et publique au service de la société.
Cette volonté s’est traduite par une proposition concrète, dans le cadre de la lutte contre les adresses fictives, laquelle prévoit que chaque huissier de justice pourrait déposer un avis d’adresse présumée fictive dans le fichier central des avis de saisie, de délégation, de cession et de règlement collectif de dettes. Cet avis serait ensuite automatiquement transféré aux autorités compétentes (ministère public, police, BCE, autorités locales, etc.), afin de pouvoir radier la personne ou l’entreprise concernée ou de prendre d’autres mesures pertinentes. De cette manière, les coûts et procédures inutiles seraient évités tout en contribuant à la lutte contre la fraude sociale et fiscale. La proposition a été lancée au niveau politique, mais n’a pas pu être retenue avant la chute du gouvernement.
5. Un système disciplinaire encore plus performant - un tribunal disciplinaire
En 2014 une réforme structurelle de la procédure disciplinaire des huissiers de justice a eu lieu. La distinction entre les peines disciplinaires lourdes et les peines disciplinaires légères et la compétence du tribunal de première instance pour les peines disciplinaires lourdes a été maintenue.
Les experts ont eu l’idée de créer un tribunal de discipline pour toutes les professions juridiques. Il a également été souligné qu’il fallait préciser davantage la création d’une cellule d’enquête dans le cadre de l’instruction disciplinaire. La procédure proprement dite se déroulerait devant le tribunal. Le tribunal devrait être habilité d’infliger l’ensemble de l’arsenal des sanctions disciplinaires, y compris la suspension et le renvoi. Si une telle initiative n’a pas encore pu aboutir dans son chemin législatif, il convient en tout état de cause de mettre en place la cellule d’enquête pour compenser le manque d’efficacité de la procédure actuelle. Cette proposition est soutenue politiquement et les grandes lignes ont été élaborées, mais la poursuite des négociations a malheureusement été interrompue par la chute du gouvernement fédéral.
6. L’ancrage légal de la vente judiciaire de biens meubles en ligne
Les ventes publiques classiques de biens mobiliers n’atteignent malheureusement aujourd’hui qu’une petite partie de la société (les professionnels), ayant l’habitude de visiter les salles de vente. Le citoyen ordinaire ignore très souvent que ces ventes ont lieu où il ne peut tout simplement pas se libérer ce jour-là.
Dans le cadre de la modernisation et de l’informatisation de la Justice, l’huissier de justice devrait pouvoir, sous sa propre responsabilité, organiser cette vente publique judiciaire de biens meubles par voie électronique. Il faut des moyens pour assurer la bonne communication de ce type de vente. La vente en ligne pourrait atteindre un public beaucoup plus large et donc une augmentation des prix d’adjudication.
La profession proposait une modification de la loi, ce qui a mené à un amendement à la proposition de loi portant dispositions diverses en matière d’information de la Justice, de modernisation du statut des juges consulaires et relativement à la banque des actes notariés.3
Décision
Le rapport d’expertise n’est pas une fin en soi, mais s’avère être le levier pour développer une vision commune sur l’avenir de la profession.
Sur la base du rapport des experts et les conclusions des enquêtes, non seulement un mémorandum a été rédigé, mais le rapport sert également de base à l’élaboration d’une note politique qui doit définir la voie à suivre par la profession pour les années à venir.