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Inébranlable

Publié par JUNO PUBLISHING

2, rue Blanche alouette, 95550 Bessancourt

Tel : 01 39 60 70 94

Siret : 819 154 378 00015

Catégorie juridique 9220 Association déclarée http://juno-publishing.com/

Copyright de l’édition française © 2023 Juno Publishing

Copyright de l’édition anglaise © 2018 Sloane Kennedy

Titre original : Unbroken © 2018 Sloane Kennedy

Traduit de l’anglais par Lorraine Cocquelin

Relecture et correction par Valérie Million, Agathe P.

Conception graphique : © Cate Ashwood

Tout droit réservé. Aucune partie de ce livre, que ce soit sur l’ebook ou le papier, ne peut être reproduite ou transférée d’aucune façon que ce soit ni par aucun moyen, électronique ou physique sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans les endroits où la loi le permet. Cela inclut les photocopies, les enregistrements et tout système de stockage et de retrait d’information. Pour demander une autorisation, et pour toute autre demande d’information, merci de contacter Juno Publishing : http://juno-publishing.com/

ISBN : 978-2-38440-506-0

Première édition française : juillet 2023

Première édition : mai 2018

Édité en France métropolitaine

Table des matieres

Avertissements

Dédicace Remerciements

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Épilogue

À propos de l’Auteur

Résumé

Avertissements

Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les faits décrits ne sont que le produit de l’imagination de l’auteur, ou utilisés de façon fictive. Toute ressemblance avec des personnes ayant réellement existées, vivantes ou décédées, des établissements commerciaux ou des événements ou des lieux ne serait que le fruit d’une coïncidence.

Ce livre contient des scènes sexuellement explicites et homoérotiques, une relation MM et un langage adulte, ce qui peut être considéré comme offensant pour certains lecteurs. Il est destiné à la vente et au divertissement pour des adultes seulement, tels que définis par la loi du pays dans lequel vous avez effectué votre achat. Merci de stocker vos fichiers dans un endroit où ils ne seront pas accessibles à des mineurs.

Dedicace

Ce livre s’adresse à tous ceux qui ont dû se battre, qui luttent encore ou qui essaient simplement de survivre chaque jour qui vient.

Rappelez-vous toujours que vous n’êtes jamais seul et qu’il viendra un moment où vous cesserez de survivre et commencerez à vivre vraiment.

Et quoi qu’il arrive, c’est normal de ne pas aller bien !

Remerciements

Merci à Claudia, Kylee et Lucy pour la lecture bêta dans laquelle vous êtes toutes devenus de véritables expertes ! Un merci supplémentaire à Claudia pour avoir fait double emploi en tant qu’experte du Brésil !

Merci à Courtney pour le travail de relecture rapide et approfondi ! Honnêtement, je ne sais pas ce que je ferais sans toi à ce stade ! Aussi, merci Barb d’être une deuxième paire d’yeux pour moi !

Et enfin, merci à Colleen… tu sais pourquoi ! J’espère que tu aimes ce que j’ai imaginé pour toi !

Inébranlable Les protecteurs # 12

Sloane Kennedy

Prologue

Aleks

Merci, Aleks ! Avec ça, c’est sûr, je vais retrouver les bonnes grâces de madame !

Avec plaisir, monsieur Dunbar, répondis-je en verrouillant la porte derrière le vieil homme.

Je tournai le panneau pour qu’il indique « Fermé » et baissai le store masquant le magasin de fleurs après les heures d’ouverture. Je me sentis immédiatement plus détendu.

Pour ce qui est de tes progrès, on repassera, Aleks, me murmurai-je.

Des progrès ? Quels progrès ?

Je dis à ma petite voix intérieure de la fermer et attrapai mon portable. Sans surprise, il sonna avant que je le déverrouille. Sur l’écran apparaissait le nom de Dante, mon frère, ainsi qu’une photo le dépeignant en compagnie de Magnus, son fiancé, mais aussi de Matty, le petit-fils de Magnus, et de Leo et Jamie, les meilleurs amis du petit garçon. Cette photo avait été prise chez nous, lors de la fête d’anniversaire de Matty. La fête d’anniversaire privée.

Parce que je n’avais pas eu le courage d’assister à la véritable fête qui avait regroupé tous ses amis ou celle avec sa famille entière. Avoir plusieurs anniversaires n’avait pas dérangé le petit garçon, même si je savais que c’était Dante et Magnus qui s’étaient arrangés avec les pères de Matty pour organiser un simple repas auquel je pourrais me joindre sans être submergé par le nombre et le bruit. Cela avait été à la fois humiliant et réconfortant. J’avais eu envie de célébrer son anniversaire avec lui, mais au bout de deux ans, je peinais encore à m’adapter à ma nouvelle vie et ne pouvais toujours pas assister à un événement aussi peu dangereux qu’un repas de famille réunissant plus de cinq personnes.

Et pas n’importe lesquelles, d’ailleurs. Mais des personnes connaissant mon passé et respectant mes limites.

Je pars dans quelques minutes, annonçai-je à Dante avant qu’il puisse dire quoi que ce soit.

Laisse-moi deviner. Tu as encore fini tard à cause de M. Dunbar. Qu’est-ce qu’il a fait, cette fois ?

Je souris.

Il s’est servi d’un des vases préférés de Mme Dunbar comme trou pour s’entraîner au put.

Je ne savais pas vraiment ce que cela signifiait, mais je comprenais l’amour profond que Mme Dunbar vouait à ses fleurs et aux vases dans lesquels elle les mettait. Donc, le fait même que son mari ait touché à l’un des précieux objets d’autant plus pour un usage détourné expliquait pourquoi M. Dunbar avait été contraint d’acheter l’un des arrangements floraux les plus onéreux de la boutique.

Imbécile, marmonna Dante. Et si je venais te chercher ? En partant maintenant, je peux être là dans quinze minutes.

J’étais plus que tenté d’accepter son offre, mais ce serait un nouveau pas en arrière à mes yeux.

Non, ça va. Je… Je veux prendre le bus.

Je n’en avais pas réellement envie, mais ces derniers jours, je faisais surtout ce dont j’avais besoin et non ce dont j’avais envie.

Dante garda le silence un petit moment, partagé entre son désir de m’encourager et celui de me faire changer d’avis. Je n’étais pas le seul à avoir été ébranlé par l’enlèvement de mon ami Caleb trois jours plus tôt. J’étais en sa compagnie quand des hommes issus de son passé s’étaient pointés dans le petit parc où nous nous trouvions. Caleb et sa fille étaient venus avec moi pour m’encourager pendant que je m’exerçais à me rendre dans un endroit fréquenté. Comme je m’en étais plutôt bien sorti quelques semaines plus tôt au mariage du frère de Caleb, je me sentais confiant, prêt comme par magie à me retrouver en compagnie d’un grand groupe d’inconnus.

J’avais été dans tous mes états, au parc.

Cependant, j’avais réussi à ne pas fuir.

Du moins, jusqu’à ce que Caleb repère un homme qui le traquait. Il m’avait fourré sa fille Willa dans les bras et m’avait indiqué de me rendre dans le magasin le plus proche pour appeler les secours. Puis il était parti en courant pour éloigner les hommes. La situation avait été horrible, mais heureusement, mon frère et Jace, le compagnon de Caleb, avaient réussi à le retrouver à temps.

Toute cette histoire m’avait mis un coup, et sans nul doute effrayé Dante aussi. Elle rappelait trop mon propre enlèvement douze ans plus tôt, quand j’avais huit ans et mon frère seize. Il était avec moi lorsque j’avais été kidnappé dans un centre commercial et avait, depuis, consacré presque tout son temps à me retrouver.

Même s’il savait à quelle fin j’avais été enlevé, il avait dû être choqué par ce qu’il avait découvert lorsqu’il m’avait secouru dans le manoir en banlieue de Chicago.

Je me souvenais encore de cette soirée comme si elle remontait à la veille, et non deux ans auparavant. Dante et Magnus, horrifiés, m’avaient vu me déshabiller et me pencher sur une table, comme on me l’ordonnait. J’avais agi sans hésiter.

Parce que je ne connaissais que ça.

Montre à cet homme ce que tu es…

Je tressaillis en entendant cette voix dans ma tête. J’avais travaillé sur moi pendant deux longues années pour me sortir la voix de Père de la tête, et pourtant, chaque fois que je pensais y être parvenu, elle jaillissait sans prévenir dans mon esprit.

Je commençais à accepter qu’elle fasse toujours partie de moi.

Tout comme j’avais accepté depuis bien longtemps que je me référerais toujours à Marcus Parks comme à Père, bien que je n’aie aucun lien de sang avec lui. D’autant que ce qu’il m’avait fait n’avait absolument rien de paternel.

Même sa mort n’y changeait rien.

Le décès de Père raviva le souvenir d’un autre homme que je tentais d’effacer de mes pensées depuis tout aussi longtemps, mais pour d’autres raisons.

Je ne le connaissais que sous le nom de Vaughn. J’ignorais si c’était son prénom ou son patronyme. Je n’aurais même pas dû en savoir autant, parce que Père détestait que les gardes me parlent.

Vaugh, cependant, avait fait bien plus. Il était devenu le filet de lumière parvenant à s’insinuer dans la peinture noire obstruant la petite fenêtre de la première chambre dans laquelle j’avais été conduit après mon enlèvement.

Parfois, ce filet de lumière était la seule chose m’encourageant à ouvrir les yeux chaque jour.

Aleks ?

La voix douce de mon frère transperça mes souvenirs de l’homme brun aux yeux noirs qui avait été mon seul rayon de soleil pendant si longtemps…

Désolé, m’excusai-je. Je vais prendre le bus, Dante.

J’étais fier de la fermeté de ma voix, même si j’avais le ventre noué.

D’accord, on se voit tout à l’heure.

OK. Je t’aime, meu melhor…

Il mit quelques instants à répondre.

Je t’aime aussi, irmãozinho, dit-il d’une voix étranglée.

J’avais la gorge nouée, moi aussi. Comme chaque fois qu’il m’appelait son petit frère. J’ai cru pendant tellement longtemps l’avoir perdu à jamais qu’il m’était parfois difficile de réaliser que mon grand frère veillait à nouveau sur moi, comme quand nous étions enfants.

Je raccrochai et rangeai mon portable dans ma poche, puis m’empressai d’effectuer les dernières tâches de fermeture du magasin. Il commençait à faire nuit dehors, je ne voulais vraiment pas risquer de manquer mon bus et devoir attendre le suivant quinze minutes de plus. J’avais eu la chance de trouver un travail sur une ligne menant sans détour chez Dante et Magnus. Cela m’évitait d’avoir à gérer des correspondances.

Le bus n’était généralement pas bondé, mais les rares fois où cela arrivait, je préférais rester debout près de la porte arrière au lieu de m’asseoir pour lire un livre sur mon téléphone – un concept auquel je n’étais pas encore habitué.

Pendant que je m’activais, je me surpris à effleurer le bracelet à mon poignet gauche, et me souvins au même moment de son absence. Le toucher au fil de la journée était une habitude dont je ne parvenais pas à me défaire.

Parce que ce n’était pas un bijou ordinaire.

Mon frère l’avait conçu de sorte à y intégrer un dispositif de pistage afin qu’il puisse toujours me trouver. Il me l’avait offert après que j’avais oublié mon portable un jour, environ deux mois après mon emménagement chez Magnus et lui. J’avais marché jusqu’à la bibliothèque, située à quatre pâtés de maisons, et m’étais perdu. Plutôt que de garder mon calme et demander mon chemin à quelqu’un, j’avais paniqué, me perdant encore davantage. J’avais ainsi disparu pendant des heures, et quand Dante m’avait enfin retrouvé, j’étais assis en plein milieu d’un trottoir à pleurer comme un bébé. Un passant avait contacté la police, qui était parvenue à me soutirer suffisamment d’informations pour pouvoir joindre Dante et Magnus.

Pendant des semaines après cet incident, j’avais eu peur de quitter la maison. Je ne m’étais aventuré dehors que le jour où Dante m’avait offert ce bracelet et expliqué qu’avec lui, il pourrait toujours me retrouver. Ce bijou était devenu ma bouée de sauvetage au sein du monde extérieur.

Mais je ne l’avais plus. Le jour où Caleb s’était fait enlever, j’avais réussi à lui glisser le bracelet dans la poche. Cela avait permis à Dante et Jace de pister Caleb et de le sauver des hommes qui l’avaient kidnappé. Malheureusement, le bijou avait été perdu pendant que Caleb avait été transporté à l’hôpital, et Dante attendait le nouveau. J’avais néanmoins toujours mon portable. Non seulement j’avais mis un point d’honneur à me souvenir de le prendre ces derniers jours, mais en plus, Dante et Magnus s’étaient tous les deux assurés que je l’avais bien sur moi, avant que je quitte la maison.

Une fois certain que tout était fermé pour la nuit, je sortis par-derrière en vitesse. Je n’avais plus que quelques minutes pour rejoindre le bus, donc

j’oubliais ma routine habituelle consistant à scruter la ruelle derrière le magasin plusieurs fois avant de lui tourner le dos afin de verrouiller la porte.

Alors que je me dirigeais du côté nord de la ruelle, j’entendis des crissements de freins. Je regardai derrière moi et vis une camionnette verte foncer du côté sud de la ruelle. J’eus beau m’obliger à ne pas paniquer, mon instinct prit le dessus et je me mis à courir, sans cesser de me retourner tandis que le véhicule se rapprochait de moi. Voyant quelqu’un sortir par la porte arrière d’un autre magasin, je criai :

Aidez-moi, je vous en prie !

Je le percutai presque dans ma hâte.

S’il vous plaît, ils en ont après moi ! criai-je en indiquant la camionnette avec frénésie.

Même s’il existait l’infime possibilité qu’il s’agisse d’un livreur peu prudent, je ne voulais courir aucun risque. La camionnette n’était plus qu’à quelques dizaines de mètres de moi, et elle avançait vite.

Comme l’homme ne répondit pas, je tentai de le contourner, mais il me saisit douloureusement par le bras.

Ce fut à ce moment-là que je compris.

Il n’était pas sorti de l’un des magasins parce qu’il y travaillait.

Il m’attendait.

Non, soufflai-je, en proie à une vive terreur.

J’ouvrais la bouche pour hurler à nouveau quand l’homme me frappa au visage. Le coup me fit basculer et je heurtai violemment le sol. Paniqué, je tentais de reprendre mes repères, mais je ne fus pas assez rapide.

Le deuxième coup m’assomma trop pour que je puisse agir. Plusieurs paires de mains me saisirent brutalement tandis que le monde tournait autour de moi. Je fus soulevé et jeté sur un sol métallique froid. D’autres mains, ou bien les mêmes, difficile à dire, me maintinrent tandis que la porte de la camionnette était refermée.

Ça recommence.

Les larmes coulaient sur mes joues.

Par pitié, non ! les suppliai-je.

Je ne pus en dire plus, ils me fourrèrent un morceau de tissu dans la bouche et l’attachèrent derrière ma tête. Je me débattis, mais en quelques secondes, ils avaient attaché mes bras et mes jambes avec un lien en plastique.

Prenez son portable, ordonna l’un des hommes.

On me fouilla rapidement, et je lâchai un sanglot lorsqu’ils sortirent mon téléphone de ma poche.

Jetez-le, lança quelqu’un.

Une fenêtre fut ouverte, et ainsi disparut ma seule bouée de sauvetage.

Mes sanglots irrépressibles ne suscitèrent aucune pitié chez mes ravisseurs.

Ferme-la, grommela l’un d’eux avant de placer une sorte de cagoule sur ma tête, me plongeant dans l’obscurité.

Ils me laissèrent dans mon coin, roulé en boule, en larmes. Comme mes mains étaient attachées devant moi, je tentai de soulever la cagoule, mais sentis tout de suite quelque chose de pointu sur ma gorge.

Fais ça, et je te tranche le lard. Il nous a dit de te ramener, mais il n’a jamais précisé en combien de morceaux.

Je me figeai lorsque le bout de la lame passa sur ma gorge. Puis elle se glissa sous le premier bouton de ma chemise et je me raidis. Le bouton sauta.

Puis le deuxième.

Et le troisième.

Je fermai les paupières et poussai un gémissement de refus.

Arrête, Spears.

Les ordres sont de le ramener. On ne nous a pas interdit de nous amuser en passant. La route est longue jusqu’à Chicago.

La bile me remonta dans la gorge. C’était donc là qu’ils m’emmenaient ?

De désespoir, je me roulai en boule, sans plus me soucier du couteau. Ce retour à Chicago ne signifiait qu’une seule chose. Même si père était mort, des tas d’hommes étaient plus que prêts à prendre sa place.

Je cessai d’écouter la conversation des hommes et me plongeai dans cet endroit dans ma tête où je ne les entendrais plus. Où il n’existait plus aucune cagoule, aucun bâillon, aucune camionnette…

Alstrœmères… amitié.

Amaryllis… beauté splendide.

Anémone… espoir déçu.

Je poussai un sanglot, parce que ma technique ne fonctionnait pas. Depuis le jour où l’on m’avait tendu un livre comportant des photos incroyables de toutes sortes de fleurs, ainsi que leur signification, j’avais récité la liste des plantes par ordre alphabétique chaque fois que je devais me couper de ce que l’on me faisait. Cependant, je pouvais aujourd’hui toujours entendre les hommes se chamailler, toujours sentir le sol de la camionnette sous mon corps et les mouvements auxquels j’étais soumis dès qu’elle prenait un virage. Le bâillon était toujours là, de même que mes liens.

Je me sentis trahi par mon propre esprit, tandis que j’essayais d’accepter le fait que je ne reverrais jamais mon frère. Parce qu’il était impensable que Dante puisse me retrouver une seconde fois. Nous avions déjà eu beaucoup de chance la première fois.

Mon corps fut pris de frissons involontaires lorsque cette prise de conscience s’imposa à moi. J’ignorais depuis combien de temps nous roulions. J’avais l’impression que des heures s’étaient écoulées.

Putain, qu’est-ce qui lui prend ? s’exclama l’un des types. Il fait quoi ce connard ?

Le van ralentit, l’homme semblait agacé.

Contourne-le et puis c’est tout ! s’écria l’un des hommes près de moi.

Il est au milieu de la route, bordel.

Cet imbécile a dû tomber en panne, grommela un troisième.

Un bref instant de silence suivit, la camionnette ralentit encore, puis quelqu’un cria :

Il a un flingue !

Une fraction de seconde plus tard, les freins crissèrent. Je roulai d’un côté puis de l’autre lorsque mes ravisseurs perdirent le contrôle du véhicule. J’entendis des cris et des jurons, ainsi que des petits bruits secs. L’un des types me saisit par le bras tandis que la porte coulissante était ouverte.

Attends… attends… hurla le gars du nom de Spears, puis de nouveaux bruits secs retentirent, et puis plus rien.

Un silence total et absolu.

Je levai les mains pour me débarrasser de la cagoule, mais me figeai quand une main se referma autour de mon bras, me retenant fermement quand je voulus reculer.

Tout va bien, me dit un homme avant de me redresser.

Ses doigts se posèrent sur le bord du tissu et, quelques secondes plus tard, il m’enleva la cagoule. Bien qu’il fasse nuit dehors, mes yeux eurent tout de même un peu de mal à s’ajuster. Grâce au petit plafonnier du véhicule, je pus distinguer l’homme qui s’occupait de mon bâillon.

Je sanglotai, soulagé, en reconnaissant ses cheveux bruns et ses yeux marron presque noirs, ainsi que la barbe qui recouvrait ses joues.

Vaughn.

Tout va bien, Aleks. Je te tiens, murmura-t-il en m’ôtant enfin le bâillon.

Le mélange de terreur et de soulagement, combiné à une symphonie d’émotions incontrôlables, prit le dessus. Je passai mes mains jointes autour du cou de Vaughn, lovai mon visage contre son cou et respirai son odeur pour me prouver qu’il était véritablement là.

Il avait toujours le même parfum, boisé, musqué, avec une pointe de caramel.

Cela faillit me faire rire.

Cet homme brutal et dangereux aimait le caramel.

C’était ainsi qu’il avait gagné ma confiance lors de notre première rencontre. Il avait partagé ses bonbons au caramel avec moi.

En secret.

Puisque les friandises m’étaient interdites.

Comme tout le reste.

Je m’accrochais à lui, incapable de parler. Il me serra contre son grand corps chaud et fort, et je me sentis encore plus en sécurité. J’aurais pu rester contre lui toute la journée, mais il écarta gentiment mes bras de son cou et les reposa devant moi.

Ce fut à ce moment-là que je remarquai les cadavres.

Deux à l’arrière de la camionnette avec moi, deux sur les sièges avant, et un dehors, devant la porte.

Ceux dont j’apercevais les visages avaient les yeux ouverts et un trou rond en plein milieu du front. Il n’y avait même pas beaucoup de sang.

Je vis distraitement Vaughn ranger dans sa ceinture l’arme qu’il tenait à la main et attraper un petit couteau dans sa poche. Il coupa les liens de mes pieds et me releva.

Tu es blessé ? demanda-t-il en scrutant mon corps en vitesse, puis mon visage, où des hématomes avaient dû apparaître à la suite des coups que j’avais reçus.

Je secouai la tête, puis m’essuyai le visage contre mon épaule.

Je me rendis compte alors que mes mains étaient toujours attachées. Avant que je puisse demander à Vaughn de défaire les liens à mes poignets, il me prit par le bras et me conduisit hors du véhicule.

Il faut qu’on parte. Quelqu’un peut arriver d’une minute à l’autre.

C’était une mauvaise chose ?

Je titubai alors qu’il m’entraînait vers une berline garée au milieu de la route. Je dus me pencher pour éviter de tomber, jusqu’à ce qu’il passe le

bras autour de moi afin de me retenir. Il était considérablement plus large que moi, et si sa carrure imposante aurait dû m’effrayer, Vaughn était l’exception à cette règle générale.

Il était l’exception à beaucoup de règles.

Au début, j’avais cru qu’il était un nouveau garde de père entiché de moi. Cependant, il était différent. Jamais il ne m’avait touché, et lorsque la situation avait atteint un point critique dans le bureau de Père le jour où Magnus et Dante étaient venus me sauver, c’était Vaughn qui nous avait tous sauvés. J’avais poignardé Père dans le dos – littéralement – quand il s’apprêtait à tirer sur Dante. Mon frère avait tout de même été touché, mais juste à l’épaule.

Puis père avait retourné son arme contre moi.

À ce moment-là, Vaughn était arrivé. Les yeux de Père s’étaient écarquillés lorsque la balle avait transpercé son cou. Du sang avait giclé partout et il s’était effondré sur le bureau même sur lequel il m’avait penché. Vaughn avait tiré sur les deux autres gardes de la pièce avant que je comprenne ce qui se passait, puis il s’était calmement dirigé vers moi et m’avait aidé à me relever puisque Père m’était tombé dessus et nous nous étions écroulés au sol. Vaughn avait effleuré l’endroit sur mon visage où Père m’avait marqué, puis il avait visé ce dernier en pleine tête.

Je n’avais jamais revu Vaughn après qu’il nous avait fait sortir de la maison, Magnus, Dante et moi.

Mais j’avais souvent rêvé de lui.

Presque tous les soirs.

Des rêves étranges que je ne comprenais pas toujours.

Mais que j’aimais malgré tout.

Et aujourd’hui, il était de nouveau venu me sauver.

Il me conduisit à sa voiture et m’installa sur le siège passager. Il contourna ensuite la voiture et s’assit derrière le volant. Je me tournai vers lui, les mains tendues.

Tu peux… tu peux me ramener chez moi, s’il te plaît ? Je ne veux pas attendre la police. Dante va s’inquiéter… Il nous… Il nous aidera à

expliquer à la police ce qui s’est passé.

Vaughn démarra le moteur, puis se tourna vers moi. Grâce à l’écran du tableau de bord, je pus distinguer son visage.

Ce que j’y vis ne me plut pas.

La peur m’envahit.

Elle se transforma en agonie tant mon sentiment de trahison fut violent et brutal.

Vaugh, murmurai-je en approchant davantage mes mains de lui, espérant désespérément me tromper. S’il te plaît, détache-moi et ramènemoi chez moi.

Les larmes s’étaient mises à couler sur mes joues bien avant qu’il se détourne pour rouler. Bien avant qu’il pose les yeux sur la route s’étirant devant nous. Et bien avant qu’il confirme ma pire crainte par huit petits mots qui furent comme autant de lames pointues enfoncées dans ma chair.

Je suis désolé, Aleks. Je ne peux pas.

Chapitre 1

Vaughn

Il m’avait fallu près de deux mois pour gagner suffisamment sa confiance pour qu’il accepte de me parler.

Je ne la retrouverais jamais, après ça.

Même quand il était prisonnier de la maison de Parks, jamais il n’avait tressailli devant moi ou les autres gardes. Il était surtout dépourvu d’émotions… un robot respirant et marchant en silence qui faisait ce qu’on lui demandait. Jamais je ne l’avais vu pleurer, supplier ou protester.

Le jeune Aleks, qui n’avait même pas eu le droit à un nom de famille, avait été l’incarnation même de l’obéissance.

Cela me rendait malade.

Ce n’était pas lui qui me rendait malade, non… Il n’avait pas eu le choix. Il savait déjà ce que j’allais découvrir, à savoir que Marcus Parks était un maître cruel et tordu qui prenait autant de plaisir, voire plus dans la torture psychologique que dans la satisfaction physique.

Cette leçon, j’avais dans l’idée qu’Aleks ne l’avait pas apprise forcément dès que Marcus l’avait acheté à une vente aux enchères comme s’il était un animal exotique. Mais je ne doutais pas qu’après des années en présence de ce pervers, Aleks était prêt à faire ce qu’il fallait pour survivre aux lubies cruelles de son maître.

Le jour où j’avais rencontré le jeune homme était toujours gravé dans ma mémoire, malgré toutes mes tentatives pour l’en déloger. J’étais installé dans le bureau luxueux de Marcus, un verre de scotch coûteux dans les mains, tandis que Marcus, de l’autre côté de sa table de travail, m’épinglait de ce qui devait sans doute être un regard intimidant. J’avais failli en rire, parce qu’il était à peu près aussi intimidant qu’un chaton à mes yeux, comparé à l’homme qui avait régi toute mon enfance. J’avais aussi eu très

envie de lui tirer une balle en pleine tête, à ce tordu, mais je devais me souvenir de l’objectif… de la raison de ma présence ici.

Mon désintérêt avait sans doute joué en ma faveur, mais bon sang, mon masque d’indifférence s’était un peu fissuré quand l’autre homme avait convoqué son « animal de compagnie » dans son bureau. Marcus s’était tranquillement levé de son fauteuil lorsqu’un adolescent était entré en silence dans la pièce, escorté par un type imposant au costume de luxe.

Le garçon était resté près de la porte, les yeux baissés et les mains soigneusement croisées devant lui jusqu’à ce que Marcus lui fasse signe d’approcher. Puis ce dernier s’était rassis dans son fauteuil opulent en face de moi, son propre verre de scotch à la main, et le jeune homme s’était tenu à ses côtés.

Je me remémorais toujours le moindre détail concernant Aleks, qui était resté debout et silencieux comme une statue. De taille moyenne et maigrichon, il avait les cheveux courts, très légèrement bouclés. Il portait un pantalon cargo propre et repassé ainsi qu’une fine chemise un peu trop grande pour lui… Il ressemblait à n’importe quel gosse de riche fréquentant une école privée que j’avais jalousée en silence pendant mon adolescence. Si j’ignorais l’âge qu’avait Aleks à ce moment-là, il aurait pu sans peine passer pour le fils de Marcus.

Il n’y avait cependant rien eu de paternel dans la façon dont ce dernier avait traité le garçon. Il avait agité un seul doigt, et Aleks s’était mis à genoux devant lui, avait ouvert son pantalon et l’avait sucé en gorge profonde en un seul geste témoignant d’une longue pratique. Comme si je n’étais même pas là.

Aux yeux d’Aleks, je n’avais pas dû l’être.

Il ne m’avait pas regardé une seule fois.

Ni avant de donner du plaisir à Marcus ni ensuite quand il s’était assis sagement aux pieds de son maître, une trace de sperme sur le menton, pendant que l’autre homme remettait son sexe soulagé dans son pantalon. J’étais parvenu, je ne sais trop comment à ne pas réagir à la scène, mais si le verre que je tenais à la main n’avait pas été soufflé dans un cristal de qualité, il aurait sûrement éclaté sous la force de ma poigne. Et si c’était

arrivé, j’aurais sans nul doute utilisé un des éclats pour trancher la gorge de l’homme devant moi.

J’en avais vu, des dépravations, depuis huit ans que j’avais pénétré dans le monde secret du trafic sexuel d’enfants, mais pour une raison étrange, voir Aleks à genoux, les yeux dans le vague, tandis que du sperme coulait sur son menton, avait brisé quelque chose en moi. Pendant des années, je n’avais pas eu d’autre choix que d’ériger un mur entre moi et tous les enfants que j’avais dû ignorer dans le but d’en sauver un seul. Oui, j’avais fait tout ce qui était en mon pouvoir par la suite pour les sortir de là, mais il était impossible de tous les sauver, ou de nier les choses horribles qui leur étaient arrivées pendant des jours et des semaines avant que je puisse envoyer quelqu’un les secourir.

Donc ériger ce mur avait été primordial.

C’était la seule chose qui m’avait empêché de tuer tous les hommes se servant d’enfants pour assouvir leur plaisir. Les connards comme Marcus Parks étaient les plus difficiles à ne pas tuer à la seconde où je les rencontrais. Parce que quelques heures à peine après qu’il s’était servi d’Aleks comme si ce dernier ne valait rien, il était sans doute retourné dans son loft au centre-ville de Chicago pour retrouver sa femme et ses enfants et écouter comment les membres de sa famille de privilégiés avaient occupé leur journée. Puis, il avait sans doute parlé de la sienne, ennuyeuse, comme si ce n’était rien de plus qu’un jour ordinaire dans la gestion d’un empire à plusieurs millions de dollars, tandis qu’il soutenait les enfants défavorisés au travers de nombreuses œuvres caritatives qui avaient fait de lui un homme célèbre pour son engagement social. Ce que sa famille et ses plus proches amis ignoraient, lorsqu’il se présentait devant des foules de personnes appartenant à l’élite sociale pour les convaincre de faire des dons, c’était comment il occupait précisément son temps libre et le nombre d’hommes de son cercle social qui partageaient ses dépravations tordues. Il m’avait fallu des années pour entrer dans ce cercle fermé d’hommes puissants, et obtenir un entretien avec Marcus Parks pour le rôle convoité de protecteur de son sale petit secret avait été le coup d’éclat de mon illustre ascension vers le sommet. Chaque dégénéré que j’avais servi au fil des ans m’avait entraîné de plus en plus profondément dans les bas-fonds d’une

culture dont la plupart des gens avaient peur d’admettre l’existence. J’y avais pour ma part plongé avec empressement, dans ce monde, parce qu’il m’avait pris l’un des miens et que j’avais rapidement érigé une barrière entre celui que j’étais autrefois et celui que j’avais dû devenir.

Jusqu’à Aleks.

Je savais que sa démonstration avec le jeune homme était un test pour moi. Marcus payait cher pour garantir la loyauté de ses sbires, et si j’avais cédé à mon instinct de lui trancher la gorge d’une oreille à l’autre, ses hommes ne m’auraient pas laissé quitter ce bureau en vie.

Enfin, ils auraient essayé de m’en empêcher.

Mais même Marcus ignorait à quel point j’étais qualifié pour ce poste. Heureusement pour lui, et malheureusement pour Aleks, quelque chose de bien plus fort m’avait permis de rester vissé à ma chaise tandis que Marcus exhibait son joujou devant moi.

La loyauté.

L’amour.

L’espoir.

Mon ventre, déjà noué, se souleva quand je songeai à tout ce qu’Aleks avait enduré pendant les trois mois qu’il m’avait fallu pour m’attirer les faveurs de Marcus Parks dans l’espoir de trouver les informations nécessaires pour mettre un terme à son organisation.

Quelques bonbons au caramel et veiller à ce qu’aucun des autres gardes ne pose ses mains sur Aleks n’avaient rien changé à tout cela. Et même si ce n’était pas moi qui devais l’escorter jusqu’à l’endroit où se trouvait Marcus dans le manoir lorsqu’il voulait jouer avec son joujou, et rester près de la porte pour écouter les grognements et les gémissements de plaisir de ce malade pendant qu’il prenait son pied, c’était tout comme.

Une poignée de fois, j’avais été moi-même contraint de l’écouter se servir d’Aleks, et j’avais réussi à me retenir d’entrer dans la pièce pour tuer le maître des lieux, parce que j’étais à deux doigts d’obtenir les informations dont j’avais besoin. J’avais eu envie de le dire à Aleks… de le supplier de s’accrocher juste un peu plus… Sauf qu’il avait déjà accepté

depuis un certain temps que sa survie dépendait de sa capacité à tenir le coup, et il avait appris tout seul comment y parvenir.

En devenant précisément ce que Marcus voulait.

Il n’avait jamais parlé sans autorisation, jamais pleuré, jamais protesté ; il avait sagement attendu le moindre ordre, peu importe le temps que celuici mettait à être donné… c’était tellement enraciné en lui que je m’étais même parfois demandé s’il n’allait pas révéler à Marcus mes efforts pour nouer une relation amicale avec lui.

Il n’avait rien dit, mais mon intuition selon laquelle Aleks savait que survivre signifiait permettre à Marcus de le posséder de toutes les manières possibles s’était révélée juste lorsque j’avais découvert qu’il avait parlé à son maître de la tentative de sauvetage de son frère. Je venais à peine de franchir la porte d’entrée du manoir qu’un des gardes était venu me chercher pour m’informer que Dante Thorne, le frère aîné d’Aleks, avait réussi à le retrouver et qu’il avait, avec l’aide de son compagnon, tenté de sauver le jeune homme. Aleks en était bien conscient. Au lieu de participer à son propre sauvetage, il était immédiatement allé voir Marcus et lui avait parlé du message que son frère avait réussi à lui transmettre alors qu’il se trouvait dans la serre du vaste domaine où était situé le manoir. C’était aussi le seul endroit où Aleks n’avait pas besoin d’escorte et où les caméras de sécurité ne fonctionnaient pas à ce moment-là.

D’après ce que j’avais compris, Aleks aurait pu être sauvé ce soir-là, car son frère et le compagnon Texas Ranger de ce dernier étaient tout à fait capables de s’acquitter de cette tâche. Mais Aleks avait trahi sa chair et son sang, parce que Marcus Parks était un dieu à ses yeux, ayant le pouvoir de vie ou de mort sur lui. Je détestais envisager ce qu’il avait dû endurer au fil des ans pour retenir cette leçon particulière…

Dante avait sacrément mal choisi son moment, parce que mes propres plans pour obtenir ce dont j’avais besoin de Marcus avaient été préparés pour cette nuit précisément. J’avais été si près de rencontrer l’homme que je cherchais depuis des années, mais l’entrevue avait été annulée lorsque Marcus avait eu vent de l’opération de sauvetage. Je n’avais même pas eu le temps d’en vouloir à Dante et son compagnon, Magnus DuCane, car après avoir tué le garde venu me prévenir que Marcus avait besoin de mon aide

pour se débarrasser de quelques cadavres, j’avais découvert un véritable chaos et n’avais eu que quelques secondes pour réagir.

J’avais ouvert la porte du bureau juste à temps pour voir Marcus pointer son arme sur Aleks, appuyé sur la table de travail de son maître, l’air désorienté. Il ne m’avait fallu qu’une fraction de seconde pour remarquer le coupe-papier en or qui sortait du dos de Marcus avant d’appuyer sur la gâchette au moment où Marcus commençait à bouger le doigt. Ma balle avait atteint sa cible et transpercé la gorge de l’ordure. Le sang avait giclé partout, il avait émis un gargouillis et s’était jeté sur le bureau, renversant Aleks au passage. Résistant à mon besoin instinctif de vérifier comment allait ce dernier, je m’étais retourné pour éliminer les deux gardes présents dans la pièce. Il y avait deux autres hommes, l’un touché au bras, l’autre apparemment indemne, mais je les avais ignorés pour me précipiter vers Aleks. Il m’avait laissé le relever, et quand j’avais vu les hématomes sur son visage, j’avais senti la dernière fissure de mon armure se briser. Depuis que je travaillais pour Parks, pas une seule fois il n’avait frappé Aleks, parce que le jeune homme était d’une obéissance sans faille.

Et c’est ainsi que voir la punition qu’il avait récoltée pour son acte de rébellion avait fait voler en éclat ce mur qui présentait un million de fissures, qui n’avaient commencé à se former pour la plupart que lorsque j’avais rencontré le jeune homme. Bien qu’inutile, la dernière balle que j’avais logée dans le cerveau de Marcus m’avait procuré un immense plaisir.

J’étais parvenu à faire sortir Aleks, Dante et Magnus, mais ensuite, je n’avais pensé qu’à limiter les dégâts. J’avais eu juste le temps de saisir le carnet dans lequel j’avais souvent vu Marcus prendre des notes, puis j’avais incendié le manoir, non seulement pour me débarrasser des preuves qui auraient conduit les autorités dans un monde qu’elles n’étaient pas armées à affronter, mais aussi pour brouiller les pistes. C’était ma seule chance de ne pas griller ma couverture. Déjà que tout cela avait réduit à néant des années de travail acharné… Mais je n’abandonnais pas. Et Aleks était en sécurité… c’était tout ce qui comptait.

Enfin, il l’était.

Bon sang, comment les choses avaient-elles pu si mal tourner ?

Je le contemplai dans la voiture sombre. Il n’avait pas bougé ni parlé depuis un moment… depuis l’instant où je lui avais dit que je ne pouvais pas le ramener chez lui et qu’il avait laissé échapper le plus petit des sanglots étouffés alors que des larmes avaient coulé sur ses joues. Je savais que j’aurais dû lui raconter tout ce qui se passait, mais une part de moi avait envie de lui épargner la vérité. Je voulais prétendre que rien de tout ceci n’était arrivé et qu’il était toujours en sécurité dans son petit magasin de fleurs et dans sa maison avec son frère. Néanmoins, pour pouvoir lui raconter quoi que ce soit, encore aurait-il fallu que je sache ce que je faisais.

Je n’en avais aucune idée.

Et cela ne me ressemblait pas du tout.

Je n’avais pas vraiment eu le temps d’échafauder un plan. Déjà parce que j’avais à gérer une trahison que je n’avais pas vue venir, mais aussi parce que les choses s’étaient produites bien plus vite que je ne l’avais imaginé. Éloigner Aleks de ces hommes ne signifiait pas qu’il était en sécurité. Le ramener chez son frère ne l’empêcherait pas d’être à nouveau traqué. Au contraire, cela mettrait toute sa famille en danger.

C’est ça le bobard que tu essaies de gober, espèce de lâche ?

Ignorant la petite voix dans ma tête, je regardai l’heure sur le tableau de bord. Nous roulions depuis près d’une heure. Je voulais mettre le plus de distance possible entre Seattle et nous, mais nous étions au moins assez loin des cadavres pour que je prenne le temps de détacher Aleks et de tenter de lui promettre que tout se passerait bien.

J’empruntai plusieurs routes secondaires jusqu’à trouver un chemin de terre peu fréquenté, dans lequel je m’enfonçai suffisamment pour que la voiture ne soit pas visible depuis la route. Découvrant une clairière, je me garai en plein milieu. Comme ça, si Aleks décidait de prendre la fuite, je pourrais toujours le voir sans trop de problèmes… et le rattraper.

Je coupai le moteur, mais allumai le plafonnier.

Aleks, je vais te couper tes liens maintenant. Je voulais juste être sûr que tu ne t’en prendrais pas à moi alors que je tentais de nous sortir de là, lui expliquai-je.

Mais quand je m’approchai de ses mains, il s’éloigna d’une secousse, plaquant son corps contre la portière. Il poussa un gémissement de douleur. Je savais que ce n’était pas physiquement qu’il souffrait.

Ne me touche pas ! hurla-t-il, saisi de sanglots déchirants.

Il plaqua d’instinct ses mains attachées contre sa poitrine.

Je t’en supplie, ne me touche pas ! ajouta-t-il d’une voix rauque en tendant les mains vers la poignée de la portière.

J’avais envie de le laisser s’en aller, mais je ne pouvais pas.

Je le saisis gentiment par le bras au moment où il parvint à l’ouvrir. Alors que je m’attendais à ce qu’il se débatte et me frappe, il se figea totalement. Les larmes séchèrent d’elles-mêmes et malgré la faible luminosité, je pus voir son regard se perdre dans le vide. Puis il tendit les mains vers son cou, et je sus d’instinct ce qu’il cherchait.

Le collier.

Ce putain de collier que Marcus lui avait passé autour du cou pour lui rappeler qu’il n’était rien de plus qu’un objet en sa possession, qu’un animal de compagnie. Il était fait de gros maillons, comme en portaient les gros chiens. Mais contrairement à celui des animaux, celui d’Aleks avait été conçu de sorte à ne pouvoir être retiré. J’avais vu moi-même les marques de brûlure sur son cou. Je savais, sans qu’il ait besoin de me le dire, qu’il s’agissait de cicatrices récoltées lorsque Marcus avait fait souder les maillons définitivement afin que la seule façon de retirer le collier soit de le couper.

Vaughn, souffla Alex en effleurant distraitement le bijou qui existait toujours, à ses yeux. Tu penses qu’il va enfin le faire cette fois-ci ?

Il avait parlé si bas que j’avais failli ne pas l’entendre. Son regard vide se tourna vers le mien, et ce fut comme un coup dans ma gorge.

En un instant, Aleks, le jeune homme qui aimait les fleurs et souriait à chaque première bouchée des bonbons au caramel que je lui glissais en douce, avait disparu. Ces deux dernières années furent balayées comme si elles n’avaient jamais existé.

Il ne me laissa pas le temps de répondre.

Je vais demander à Père de me pardonner, mais je ne pense pas qu’il le fera, murmura-t-il en se tournant vers le pare-brise. Pas cette fois…

Aleks…

Il me coupa la parole. Je n’étais même pas sûr qu’il m’ait entendu prononcer son nom.

C’est bon, Vaughn. Tu devrais me ramener à la maison. Père m’attend.

Chapitre 2

Aleks

Je veux rentrer à la maison.

Je le sais, mais tes parents ne peuvent plus s’occuper de toi, Aleks. Ils m’ont dit que c’était trop difficile.

Parce qu’ils n’ont pas beaucoup d’argent ?

Oui… et parce que tu es vilain.

Je ne voulais pas ! S’il vous plaît, je leur dirai que je suis désolé et je serai sage. Promis !

Aleks, ça ne marche pas comme ça. C’est trop tard. Je suis navré.

Non !

Hé, tout doux, calme-toi. Tout ira bien.

Je veux rentrer chez moi !

Je sais, mais tu ne peux pas. Mais tu peux rester avec moi, d’accord ? Aussi longtemps que tu le souhaites. Hé, ne pleure pas, Aleks. Je vais bien m’occuper de toi, je te le promets. Nous pouvons être amis.

Ah oui ?

Meilleurs amis, même.

Mais… mais… tu es un adulte.

Je ne suis pas beaucoup plus vieux que toi. Et en plus, être ami avec un adulte, c’est plutôt cool, non ? On peut faire des tas de choses amusantes. Comme manger de la glace au petit déjeuner et jouer à des jeux vidéo toute la journée. Plutôt sympa comme programme, n’est-ce pas, Aleks ?

Est-ce que… Est-ce que je peux rentrer chez moi et qu’on soit quand même amis ?

Non. Tu te souviens de ce que je t’ai dit à propos de tes parents ?

Mais… Mais peut-être que Dante peut s’occuper de moi. Il peut parler avec mama et papa…

Dante ? C’est ton frère ?1

Oui, il veille sur moi et il…

Il sait que tu es là, Aleks. D’après toi, qui nous a dit que ton papa et ta maman étaient en colère contre toi et ne voulaient plus de toi ?

Non… non, il… il ne ferait jamais ça. Il… il m’aime.

Oui, peut-être. J’ai une idée. Tu pourrais rester avec moi un moment, et s’il a envie de te voir, il viendra.

Vous lui direz où je suis ?

Je te le promets. Mais pour que je fasse quelque chose pour toi, tu dois faire quelque chose pour moi en échange, Aleks.

Qu… quoi ?

Tu dois juste être sage, Aleks. C’est tout. Faire tout ce que je te demande. Et tu peux rester avec moi jusqu’à ce que Dante convainque ta maman et ton papa de te donner une autre chance.

Euh…

Tu as confiance en ton frère, n’est-ce pas ? Il devrait pouvoir venir te chercher très bientôt. Mais ma maison est bien plus sympa qu’ici. Tu peux avoir ta propre chambre et regarder la télé et manger tout ce que tu veux. Tant que tu es sage.

D’accord… Mais je pourrai partir quand Dante viendra me chercher ?

Bien sûr. Et en attendant, on sera des amis super spéciaux, ça te dit ?

Oui.

Je m’appelle Brian, Aleks. Rentrons à la maison, d’accord ?

Non… non !

Aleks, réveille-toi, c’est un cauchemar !

Non, je ne veux pas venir avec toi !

Aleks, bon sang, réveille-toi !

Je sursautai au son de cette voix trop grave et désespérée pour être celle de Brian. Brian ne s’énervait jamais. Il me punissait, me manipulait, me menaçait, mais il n’élevait jamais la voix pour le faire. On me serra un peu le bras, et je tentai d’ouvrir les yeux. Mais entre les martèlements dans mon crâne et ceux de mon cœur, et mes paupières collées parce que sèches, je ne pouvais échapper à ce moment où j’avais naïvement glissé ma main dans celle de Brian pour le suivre loin de cette pièce sombre et nue, pourvue uniquement d’un matelas au sol. Je sanglotais, parce que je ne pouvais même pas dire à mon moi plus jeune de courir.

Juste ça, courir.

Je ne l’avais jamais fait.

Je n’avais jamais essayé.

Sois sage, Aleks, et ton frère viendra vite.

Tu lui diras que j’ai été sage ?

Je lui dirai que tu as été le meilleur des garçons.

Meu melhor…

Mon meilleur…

Dante, soufflai-je en me forçant à ouvrir les yeux. Meu melhor.

Je me redressai en pantelant. Je m’attendais à ce qu’il joue le jeu. La première fois que je l’avais appelé « mon meilleur », il s’était lancé dans une série de suppositions ridicules pour finir cette phrase, et c’était devenu notre truc. Même maintenant, et c’était ainsi que je savais que j’allais bien… que tout allait enfin bien.

Ce ne fut cependant pas le gentil visage de mon frère que je vis quand ma vision s’ajusta. Et ce n’étaient pas ses grandes mains sur mon bras.

Vaughn, dis-je dans un soupir soulagé.

Jusqu’à ce que je me souvienne que je ne pouvais plus me détendre en présence de cet homme.

Plus jamais.

Je me recroquevillai loin de lui, et il me lâcha immédiatement. Mon dos percuta quelque chose de dur, et je me rendis compte qu’il s’agissait d’une tête de lit.

Seigneur, j’étais dans un lit avec lui.

Je m’écartai si vite de lui que je serais tombé du matelas s’il ne m’avait pas repris le bras.

Non ! hurlai-je, et il me libéra sans tarder.

J’avais retrouvé suffisamment d’équilibre pour ne pas tomber cette fois-ci en sortant du lit, et je reculai le plus loin possible de Vaughn, en balayant la pièce du regard, cherchant Père. Mon cerveau s’en souvint au même instant.

Père était mort.

J’avais vu son corps moi-même. J’avais senti son sang chaud sur ma peau. J’avais plongé au fond de ses yeux ouverts et vides. Des yeux qui hantaient mes cauchemars, à l’inverse de ceux de Vaughn qui habitaient mes rêves.

Père était mort, je le savais.

Vaughn était là.

Il m’avait kidnappé.

Ça aussi, je le savais.

Mais mes connaissances se résumaient à ça.

Je regardai mes mains et constatai qu’elles n’étaient plus attachées. Pas comme elles l’étaient en voiture.

Je tentai de me remémorer ce qui s’était passé après que je lui avais demandé de me ramener chez moi, mais mes souvenirs étaient épars.

Où sommes-nous ? parvins-je à demander malgré mon souffle court.

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