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LES YOUGO-SLAVES ET L' ITALIE

UNE LE1TRE DE M. MUSSOLINI BenlBt l e B.

A propos d e notre article du 1 1 aDUt sur fa question yougo-slave, M. Benito Mussolini, le distingué directcur du Popolo d'Iiaiù1, nous fa.it parvcnir la. lettre suivante:

Je vìens de lire dans le Démocra/e l'article que vous consacrez à la question yougo-slave et à ses rapports avec l'Italie. Votre article, t rès objectif, pos.e exactement les termes de la question.

L ' Italie ne fait pas une guerre impérialiste. Son but de guerre n'est pas la conquéte d'un hutin plus ou moins abondant au point de vue territorial. Si l'Italie voulait, avec la gLÌerre, réaliser l'acquisition de territoires, elle pouvait faire mieux ses affaires, en marchant avec ses an· ciens alliés. Notre guerre est une guerre par excellence démocratique, idéaliste. Nous ne voulons rien qui appartienne à autrui. Mais quand nous revcndiquons Trieste, l'lstrie, Fiume et une partie de la D almatie, nous avons pour cela de formidables argwnents ethniques, historiques, géographiques, stratégiques. Il s'agit de régions où l' élément naturel, indigène est représenté par des It1.Jiens. 11 est vrai que d ans certaines Jocalités de l'intérieur, ils sont minorités; mais on sait par quels moyens de vioJence l'Autriche a cherché, depuis l'annexion de la. Vénétie en 1866, à étrangler et à anéantir la race italienne, Les Slovènes en )st rie, les Croates en Dalmatie représentent des élements d ' immigration récente et artificielle dans des territoires dont l'appartenance geographique à l'ltalie ne peut pas méme étre m ise en discussion, Personne, en lta lic, ne checche ..à empecher l'unité yougo-slave, bien loin de li; ma~s nous vouIons et nous aurons ces territoires où l'on parie l'italien, où la majorité de la population est italienne; nous voulons les territoircs qui nous sont nécessaires pour améliorer notre situation stratégique et nous mettre à l'abri pour toujours de menaces pangermanistes.

Les chiffres qlle vous donnez sur la population ita.liennc cn Dalmatie ne sont pas exacts. II y a en Dalmatie au moins 80 mille Italiens parse~s le long du littoral ou groupés en de petites villes, dont le caractère d'b"idente italianitc5 ne peut étre dénié. Mais, monsieur le rédacteur, est-ce que vous connaissez le programme de l'unité yougo-sl.ave ? Est-ce que vous savcz que les Slovènes poSCnt leur hypothèque rnéme sur l' ita• lianissime Trieste? Sur Gori~a. que nous avons prise, en vcrsant le meilleur sa.ng de notre jeunesse? Savez-vous que la Yougo-Slavie future voudrait expulser les Italiens de la Me, Adriatique? Or, la Mer Adriatique doit devenir un lac rnilitairement italico et commercialement italoserbe. Si Jes Yougo-Slavcs ne modèrent pas leurs ambitions chauvines, uo·e entente loyale aVec l'Italie sera tcès difficile à réaliser. Quand, en 1859, la France est venue ~idee le Piémont contre l'Autriche, nous avons renoncé à , des tecritoires qui nous etaient particulièrement chers : Nice où est né notre grand héros populaire Garibaldi et la Savoie, berceau de notte dynastie. Les Yougo-Slaves oublient qu'à. Monastir ·a y a une armée italienne qui lutte pour la patrie serbe, sue le sol serbe; les YougoSl.aves ne devraient jamais oublier que si demain il y aura encore une ' Serbie ou s'il y a une Grande Serbie , c'est parce que l'Italie n ' a pas macché avec les Autrichiens Nous souhaltons l'entente et si M. Pasitch, qui vient d'arrive rà Rome, est n..isonnable, J'accord sera possible; mais, en attendant, nos armécs victorieuses marchent en avant: nous avons, avec la prise du Monte-Santo, libéré Gorizia; nous tenons sous le feu de nos canons Trieste. Voilà ce qui e st l'essentiel.

Nous mnl!'rcions not.re honon.ble correspondant de ces lignes. Qu' il puisse Eire persuade qu·m Suisse tous Jes g ens raisonnablcs - et ils sont la majori térendent hommage au caractère id&liste et démocratiquc d e la gue rre italien ne. L'Jtalie, - dont !es armées viennent de se ro uvrir de gloire au Monte Santo et sur le plateau de Bainsiua, - voit son prestige s·accroitre de jour en jour. Elle jouera certainement un r6le de prm,ier pian dans la civilisation humaine et universclle qui est en train de se constituer sur Jcs ruines du règne odicux de la violence.

Nous de-voos nous accoutumer rapidement - plus mlme que nous ne l'a.vons fait jusqu' ici, - l cette id«' d e l'accroissement d e l'Jtalie. N ous n·en prenons pas ombrage, au Contrai re. - Car u n contact permanent et étroit avec la grande civilisation dc nos voisins du Sud a tou iours été une tradit..ion pour la Suisse, &USSi bien pour Ics cantons allemands que pour ceux de langue frança.ise. Et, au point de vue commerciai, nous !avons que Jes ltaJirns soni dispo.sès à acquérir en Suisse quantité de produits qu'ils faisaient venir autrcfois d'Allema.gne.

Depuis des ann~, ce journal· s"efforce de fa.ire mieux comprendre au public suisse les raisons que nous avons d ' entretenir avcc l'ltalie des relations étroi tes et dc con.6.ance. Aussi M. Mussolini et ses compatriotes peuvent-ils !!tre persua.dés quc c·est sans le moindre pa.rti-pris que nous jugeons la quest..ion de Dalmat..ie

Cu en somme, il n·y a plus a.ujourd' buì que la Dal~atie qui divise !es Youg~Slaves et Ics ltaliens. Que certa.i ns Slavcs d' Autriche, excités par la propa· gande de Vienne, r&Iament pouc la future Grande Serbie Trieste et Goritla, c'est cxact, mais ce sont-là, pour autant que nous avons pu nous cn tcndtc comptt, Ics· wes de quclqucs fanatiques, excit& pu ceux qui ont intér!t à troubler Ics bons rapports entrc Sttbes et ltaliens.

Toutefois, quc M Mussolini veuille nous ~rmetlre d'ajouter que Ics fana· tiques n'ont pas été d'un seul c6té, et que du còté d es rompatriotes de Garibaldi d de Mauini, oo a constaté des dforts en vue d'rmp&:her Ics Slaves <lu Sud de réalistt Jeur unité. (Oa y a aussi vu des gens qui soutenaient le roi Constantin, traitre aux Allit:s, dans respoir de voir la Grècc mise dans l'impossibilité de r éaJiser Jes plus légitimes de ses aspirations nationales). Et la diplomatie italienne a falt 5,ouvent preuve à l'égard de la Serbie d"une étroitesse qui a peiné ses meilleurs amis, ne se rendant pas compte par dcssus le macché qu'dle fa.isait par !il le jeu de l'Autriche, qui trouve son p lus g rand bonheur à attiser ces querelles. Et nous nous perm.ettons d'ajouttt que cette politique d'egoilmt, taao - égoisme saccé de I'intérel: mal entendu · - ne facilite pas prédsétnent la fiche de cewc qui, a u nord des Alpes, s'efforcent de démootrer le caract~reo idéaliste et démocratigue de la guerre italienne.

Reste la question de la Dalmatie. Le chiffre de 18.000 Italiens que nous avions cité d'après M. Auerbach, professeur à l'Université de Na.ncy, est p eut-Ctre trop faible. Admettons volootiers - car nous rci:onnaissons. que Jes statistique-s 11.utrichiennes concernant les nationalit6c ne méritent qu' une m&liocre crb.ncequ'il y ait en Da.Jmatie 80.000 Italiens. Il n'en est pas moins cxact que la grande majorité de la population (près de 600.000 p ersonnes) est slave. Que crtte majorité soit i ssue d'une mig ratìon slave séculaire vers l'oue'ìt, c'est fort possible. Mais aujourd'hui, et cn général depuis plusieurs générations déjà, les Slaves y wnt propriMaires du sol, ils y sont chez. eux, et il serait mMiocrement d&nocrati. que et idéaliste d e vouloir soit ICi expulser soit Jes italianiser de fon:e!

En Istrie, dans le Frioul, dans Ics iles de J'Adriatique, les Italiens auront déjà - rl nous l'admettons parce qu'il n'y a pas d ' autre moyen de ttSOudre certaines situations inextricables - plusieurs centaines de milliers de sujet slaves. Si J'ltalie obtenait cn outre la Dalmatie, ce nombre se chiffrerait à un miUion. Cette seule hypothèse est si énorme quc nous croyons suffisa.nt dc la signaler pout que le caractère choguant en saute aux yi:ux. Glissons sans appuyçr !

Théoriquement, nous de\'rions admcttre, suivant le principe des peuples de d isposer d·eux-mèmes, que les Italicns n'auraient droit ni au Frioul slave. ni à l'intérieur d e l'Istrie, ni à nombre d'entre !es iles de l'Adriatiqu~, ni à Valona. Nous faisons néanmoins ces concessions parce que J'histoire, la géogtaphie et l es ra.isons stratégiques doivent aussi entrer en ligne de compte. Mais l' opinioo universelle n'ira jamais jusqu'à admettre que l'cnsemblc dc la Da.fmatic soit arnch! à la Yougo--Slavie. En admettant le rattachement à J'Jtalie d es districts di! Zara et de Scbenique, - sa.ns parler de Fiume - nous nous montroru, croyons-nous, suffisamment équitables.

En réalité, l'Italie et Jes Yougo-Slaves, au li eu de se bouder, ont tant d·iot!rCu communs - au point qu'ils soni enchMtrés - qu'ils aura.ient toutes raisons de marcher la main dans la main. Douze mi!Hons de Y ougo-Slaves au p lus se trouvero Q~ demain en présence de plus de quarante millions d 'Jtaliens, dont ils dépendront au point de vue économique. Ils ne sauraient en aucune façon leur porter ombrage. Les querelies entre Slaves et Italìens sont une création d e I'Autriche; elles cesseront avtt la domination autrichienne, pow- faire piace à la lutte contre l' ennemi commun: Je pangermanisme.

Da L, DémomlJ,, N. 212, 10 settembre 1917, XXXX1 •.

• I.., Dlmorr111,, journal politique suisse et d'informations, s i stampava a Delémont ( n ntone di Berna). Uffici: OeMmont, ruc des Moulins, 4 ,