Trimestriel Regards n° 50 - Printemps 2019

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Photo CC Andrew Kuznetsov

MUSÉES AU VERT 99 % des émissions de gaz à effet de serre du musée du Louvre sont dus aux visiteurs. Ce sont ses premiers pollueurs ! Tel est l’un des enseignements du premier bilan carbone réalisé par l’institution en 2009 sur un périmètre global. Il doit en être de même pour nos plus grands musées, fréquentés majoritairement par des étrangers, du fait de leur mode de déplacement aérien et de la combustion du kérosène. Voilà le responsable. Au bilan suivant, en 2014, les émissions de gaz à effet de serre du Louvre ont bondi de 21 %, « en particulier à cause des déplacements en avion des visiteurs étrangers », confirmait l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), alors que l’établissement, seul, pouvait se prévaloir d’une diminution d’environ 16 % grâce à ses efforts pour diminuer son empreinte environnementale. En mai 2018, la revue scientifique Nature Climate Change fit sensation en publiant les résultats d’une étude établissant que le tourisme, pesant lourd dans le PIB, était beaucoup plus néfaste qu’on ne le

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pensait, cumulant 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Sachant que le secteur des transports, dans ce domaine, arrive second après celui de l’énergie et pourrait bientôt le dépasser. Le tourisme allant croissant, du fait de l’élévation du niveau de vie des pays émergents, la situation ne peut qu’empirer. ÉLECTROCHOC CLIMATIQUE L’été dernier, en pleine canicule, François-Marie Bréon, chercheur en climatologie et directeur adjoint du laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), ne craignait pas d’affirmer dans Libération que « la lutte contre le changement climatique est incompatible avec le tourisme international ». Il allait jusqu’à recommander, entre autres mesures radicales, de multiplier le prix des billets d’avion par trois, afin de décourager les gens d’en user. Provocation, volonté de créer un électrochoc ou proposition sérieuse ? « Toutes ces mesures ne seraient pas bonnes pour l’économie et seraient clairement impopulaires »,

déclarait-il en toute conscience. Et, encore plus gravement : « On peut dire que la lutte contre le changement climatique est contraire aux libertés individuelles et donc sans doute avec la démocratie ». Pas de quoi faire les affaires de nos grands musées nationaux, dont les ressources propres dépendent beaucoup de ce public étranger. En 2018 au Louvre, il constituait 75 % des visiteurs, Américains et Chinois en tête, ces derniers approchant le million. « C’est un public qui, il y a cinq ans, n’existait pas et n’était même pas dans les cinq premières nationalités. C’est un bond exceptionnel », commentait Jean-Luc Martinez, président du musée, qui s’apprête à accueillir toujours plus de visiteurs chinois. Dans le même temps, une tendance inverse semble se dessiner dans le monde développé, si l’on en croit une enquête internationale sur les aspirations liées à la mobilité et aux modes de vie d’habitants de six pays représentatifs (France, Espagne, Allemagne, États-Unis, Turquie, Japon), menée en 2015 par le Forum vies mobiles et l’Ob-


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