Trimestriel Regards n°49 - Hiver 2019

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Jacob Lawrence. The migrants arrived in great numbers. 1940-41

ART MIGRANT HOPE, comme espoir en anglais. L’acronyme – pour Hébergement orientation parcours pour l’emploi – a été choisi à dessein. Le programme, lancé par l’État en septembre 2017, vise à « l’intégration professionnelle et sociale des personnes réfugiées et bénéficiaires de la protection subsidiaire ». C’est-à-dire les migrants « légaux », ceux ayant obtenu le droit d’asile ou assimilé. Reflet des conflits mondiaux, ils sont aujourd’hui syriens, afghans, irakiens, libyens… Il leur est proposé une « formation intégrée » incluant cours de français, hébergement et restauration, ainsi qu’un accompagnement administratif, social, médical et citoyen. Une démarche de fraternité réjouissante si elle ne bénéficiait pas qu’à un millier de personnes pour plus de 40 000 nouveaux réfugiés en 2017. Coup de com ? Quelques mois plus tard, le gouvernement présentait une nouvelle loi asile-immigration, dénoncée par les associations comme un recul des droits des étrangers. Toujours est-il que le ministère de la Culture soutint l’ini-

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tiative. En février 2018, Françoise Nyssen, encore ministre, se rendait à l’Opéra Bastille où vingt-huit réfugiés passaient un entretien d’embauche pour douze postes à pourvoir dans de grands établissements culturels volontaires. Rien d’artistique dans ces contrats de professionnalisation de six mois : agent du bâtiment, pour des petits travaux de peinture, électricité, plomberie… Qu’importe, la ministre salua la démarche : « Ce programme HOPE est très important. Nous avons vraiment souhaité d’entrée de jeu l’accompagner, parce que c’est évident que c’est par la culture que nous pourrons reprendre confiance, par la culture aussi que nous accueillons ». IMMIXTION MAL PERÇUE La ministre s’était déjà distinguée, au lendemain d’une visite d’Emmanuel Macron à Calais. « Le monde culturel a le devoir d’agir, avait-elle lancé depuis les Biennales internationales du spectacle (BIS), à Nantes en janvier 2018. Offrons-leur un accueil digne de ce nom. C’est notre honneur, celui de notre culture, celui

de notre République qui en dépend. » Et de proposer « que des places leur soient réservées pour assister à des spectacles, que des ateliers de théâtre, de cirque, de danse leur soient proposés ». Un appel à la mobilisation plein d’humanité – dans une posture très « dame patronnesse » –, assez inédit de la part d’un ministre. Sans doute était-ce dû au fait qu’elle était issue de la société civile. Pas sûr que son successeur, Franck Riester, rompu à la politique, adopte la même attitude. D’autant qu’elle alla jusqu’à encourager les professionnels à « combattre les stéréotypes qui frappent [les migrants], agir pour leur droit à la considération, en racontant leur histoire dans vos spectacles ; en leur faisant une place dans vos programmations ». Une immixtion dans le processus de création assez mal perçu par le milieu, qui le lui fit savoir par une lettre ouverte, publiée le 13 février dans L’Humanité et signée par un nombre important de responsables d’institutions ainsi que de personnalités du monde des arts… « Sachez que voici des mois, des années, que nous


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