Trimestriel Hiver 2018

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Dès le premier regard, le Pôle innovant lycéen (PIL) Lazare-Ponticelli déroute. De grands espaces à peine cloisonnés rappellent un bureau open space. Les classes offrent un champ de vision étendu grâce à leurs larges fenêtres. L’atelier de recyclerie et les verrières de toit invitent au travail manuel. L’espace “agora”, avec son salon et sa cuisine pour chiller en langage jeune, convient à la détente. Les premiers pas dans ce lycée différent des autres invitent déjà au changement de paradigme. « Je suis arrivée au PIL en imaginant que “décrocheur” était synonyme de “cas social”. C’est faux, raconte Nadège le Cam, professeur d’arts plastiques au PIL. Des jeunes à l’environnement très porteur peuvent aussi capoter pour des raisons psychologiques. Pour certains, l’institution les a malmenés. Pour d’autres, une phobie scolaire et sociale s’est installée. Les raisons sont multiples. »

UN LIEU UNIQUE, L’ÉLÈVE AU CENTRE

Chaque année, une centaine de lycéens âgés de seize à vingt-et-un ans garnissent les bancs de ce lycée situé dans le 13e arrondissement à Paris. Ils sont répartis dans cinq classes appelées “lycées”, accueillant de quinze à vingt élèves encadrés par trois enseignants : le lycée inversé, le lycée de la solidarité internationale, le lycée des futurs, le lycée au long cours et le lycée sports et avenir. Le cas par cas est appliqué. Issus de milieux sociaux hétéroclites, ils partagent des accidents scolaires ou de vie qui les ont fait sortir du système. Une école de la dernière chance pour nombre d’entre eux, et un lieu qui ressemble plus à une fac d’arts ou à un lycée professionnel. C’est souvent un facteur déclencheur pour les élèves qui viennent passer leurs entretiens pour y entrer. « Le lieu est vital », pointe Nadège Le Cam. Le PIL a été créé par des enseignants en 2000. Établissement de l’Éducation nationale, il a la particularité d’être principalement géré par les treize enseignants, malgré la présence d’un proviseur. Ils sont tous volontaires et sont choisis par leurs pairs lors d’entretiens. Les élèves, eux aussi, sont volon-

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taires. Le cursus est non-diplômant. Pendant un an, ils construisent un projet de formation pour retrouver un lycée général, technologique ou professionnel, un CFA. « On considère les élèves comme des jeunes adultes, explique Benoît Cornet, un des enseignants les plus anciens au PIL, conseiller principal d’éducation (CPE). On les remet au centre du jeu, contrairement au lycée classique. » Les rapports entre professeurs et élèves sont horizontaux, fondés sur l’échange. Les notes sont mises de côté au profit de l’auto-évaluation. Les parents sont associés, notamment lors des bilans de fin de séquence avec l’élève, avant les vacances scolaires. Les volets éducatif et pédagogique se conjuguent. « Chaque professeur enseigne plusieurs matières et joue également le rôle de tuteur », souligne Juliette Chamonard, enseignante dans la classe de la solidarité internationale. Les cours sont adaptés au profil des élèves afin de leur redonner de l’appétit pour l’apprentissage : matières décloisonnées, cours liés au projet (développement durable, par exemple), approche plus globale des compétences indispensables (culture générale).

MONTRER SES CONNAISSANCES

L’objectif n’est pas l’empilement des connaissances, mais la compréhension de ce que l’on apprend à travers des exercices pragmatiques. Parfois très originaux. Nicolas, professeur dans la classe sport et avenir, donne des cours de boxe… en anglais. Ou comment se dérider et parler la langue de Shakespeare en oubliant la gêne de s’exprimer en public, devant ses camarades. En plongeant dans le travail quotidien de la classe du lycée des futurs, le discours prend forme. On demande par exemple aux élèves de rédiger des modes d’emploi liés à leurs compétences ou à leurs stages réalisés en entreprise. Le but ? Montrer qu’ils ont des connaissances, un savoir, et qu’ils savent les raconter et les transmettre à d’autres. Ceux qui ont choisi cette classe sont souvent plus âgés que la moyenne. Ils se projettent déjà dans leur


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