Trimestriel Été 2017

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CHRONIQUE

les manuels de biologie abordent de mauvaise grâce les plantes comme décoration sur l’arbre de la vie, plutôt que comme des formes qui ont permis à cet arbre de survivre et de grandir ». BRÈCHE OUVERTE

Notre conscience terrienne est donc en train de s’ouvrir et de s’épaissir au touffu du monde végétal. Il semble désormais clair que la prochaine révolution, au sens le plus noble de ce mot, passera par la rédaction, en lieu et place de l’ancienne Déclaration des droits de l’homme, d’une Déclaration des droits du vivant, dont la Suisse a échafaudé l’exemple. Dans La vie secrète des arbres, Peter Wohlleben rappelle en effet que « la Constitution fédérale édicte des dispositions concernant l’obligation de traiter les animaux, les plantes et tout organisme vivant dans le respect “de la dignité de la créature”. Couper des fleurs au bord des routes sans nécessité est répréhensible. Hors de Suisse, cette vision éthique a certes suscité quelques hochements de tête dubitatifs mais, pour ma part, j’approuve sans réserve cette brèche ouverte dans la frontière idéologique entre animaux et végétaux », écrit le forestier. On nous dira qu’il y a des questions plus graves en ce bas monde. C’est une objection à laquelle répond

Florence Burgat, philosophe spécialiste des questions animales dans son formidable livre (qui vient d’être réédité en poche) : Le mythe de la vache sacrée, la condition animale en Inde. Elle écrit : « Argument du pire ; argument qui discrimine entre les maux ; argument, enfin, qui sous-entend que la paix au sein des affaires humaines adviendra un jour et que, durant ces lendemains qui chanteront, la défense des bêtes pourra être le loisir d’une humanité qui ne s’était légitimement jusqu’alors souciée que d’elle-même. Qui croit sincèrement qu’ainsi vont les choses ? En vérité, cet argument ne sert qu’à repousser sine die, par pur anthropocentrisme, cette préoccupation, oubliant que l’humanité ne peut pas, du moins actuellement (mais peut-être n’en sera-t-il pas toujours ainsi), se penser en dehors de sa conduite avec animaux, puisqu’elle les a enrôlés dans de multiples activités commerciales et de production (…) Le caractère licite de ces activités reflète le cœur profond de cette humanité qui se dit pourtant prête à porter secours aux siens. Mais que vaut une compréhension aussi partiale du secours ? Elle ne vaut rien et offre du reste bien des voies à des restrictions en son propre sein, dès lors qu’elle limite ainsi ses critères de reconnaissance de l’autre ».  @ArnaudViviant

La vie secrète des arbres, Peter Wohlleben, éd. Les Arènes

La vie des plantes. Une métaphysique du mélange, Emanuele Coccia, Bibliothèques Rivages

Le mythe de la vache sacrée, Florence Burgat, Rivages Poche,


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