Trimestriel Été 2017

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Artivisme

Illustration Alexandra Compain-Tissier

Pour avoir assisté à la performance, elle n’aura pas duré trois minutes. Pris au dépourvu, les gardiens sont restés sans voix. C’était en mars dernier, au Louvre. Pour cette première en France, la trentaine de participants, tout de noir vêtus, surgirent dans le musée comme de nulle part. Ils avancèrent lentement devant la Victoire de Samothrace, puis abandonnèrent des étoffes noires sur les marches du monumental escalier en haut duquel trône la célèbre statue, s’immobilisèrent quelques secondes avant de s’évaporer dans les salles. Le tout dans un silence total.

bernard hasquenoph Fondateur de louvrepourtous.fr

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“VOL D’ÉTOURNEAUX” AU MILIEU DES STATUES

Total justement était la cible de ce collectif nommé Libérons le Louvre, les tissus laissés en plan symbolisaient une rivière de pétrole. Une initiative de l’association écologiste 350.org, qui exige du musée national qu’il mette fin au mécénat de l’entreprise, vieux de vingt ans. Le groupe français mondialisé est accusé de contribuer au dérèglement climatique par son exploitation des énergies fossiles, l’association ne voyant dans son engagement dans la transition énergétique qu’une façade, et dans son soutien à la culture qu’un écran de fumée. Sur Facebook, la vidéo de l’action a été vue plus de 200 000 fois. En mai, le collectif récidiva en organisant un “vol d’étourneaux” au milieu des statues, une performance très poétique durant laquelle les participants, toujours de noir vêtus, y lâchèrent des oiseaux en origami. Puis, pour la Nuit des musées, un pique-nique – en noir mais en plein jour – fut mis en scène à l’extérieur. D’autres actions sont en préparation, toute aide bienvenue… Si la pyramide de Pei est régulièrement utilisée pour donner de la visibilité à diverses causes, aucune ma-

nifestation n’a jamais été au-delà des caisses du musée. À l’intérieur, le Louvre a rarement été le théâtre de mouvements protestataires, comme les musées en général qui font plus souvent l’objet d’interventions sauvages d’artistes. En 2008, un certain Jean Dolan vint au Louvre accrocher l’une de ses toiles pour protester contre le peu de place faite, selon lui, aux artistes contemporains. Invité gentiment à repartir avec son œuvre, les vigiles l’empêchèrent de sortir, pensant qu’il venait de la voler. La performeuse Deborah de Robertis – terreur des musées parisiens depuis que, poursuivie pour exhibitionnisme sexuel, elle a été relaxée début 2017 –-, joue avec sa nudité et interroge la féminité, jusqu’à exposer son sexe devant des œuvres et des visiteurs médusés. Elle débuta évidemment devant L’Origine du monde de Courbet au musée d’Orsay. D’autres s’en prennent aux œuvres mêmes. En 1993, Pierre Pinoncelli, spécialiste du happening, se soulagea au Carré d’art de Nîmes dans le fameux Urinoir de Marcel Duchamp pour lui rendre hommage, avant de lui donner un coup de marteau. Geste qu’il réitérera en 2006 au Centre Pompidou, ce qui lui valut une lourde condamnation.


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