Trimestriel Été 2017

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RACISME : QUAND LES AFRO-FÉMINISTES BRISENT LE DÉNI RÉPUBLICAIN Le jeune collectif féministe Mwasi n’imaginait pas que Nyansapo, son modeste festival afroféministe programmé fin juillet, déclencherait des remous dans les hautes sphères parisiennes. Alors que la Licra1 s’est indignée : « Festival “interdits aux blancs” : #RosaParks doit se retourner dans sa tombe », la maire de Paris Anne Hidalgo a aussitôt rebondi en proposant « l’interdiction » du festival : « Je vais saisir le préfet de police en ce sens », avant d’évoquer

Illustration Alexandra Compain-Tissier

1. Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme.

rokhaya diallo Fondatrice des Indivisibles

16 REGARDS ÉTÉ 2017

« la possibilité de poursuivre les initiateurs de ce festival pour discrimination ». C’est le Front national qui provoque la polémique dans une campagne menée par son élu parisien, Wallerand de Saint-Just, qui dénonce dans un communiqué « un festival interdit aux «Blancs» dans des locaux publics » et intime à la maire de « s’expliquer ! ». Étonnant cheminement qui conduit une association antiraciste historique et une élue de gauche à joindre leurs forces pour reprendre mot pour mot la rhétorique mensongère de l’extrême droite. LA NON-MIXITÉ, LÉGITIME ET STIGMATISÉE Car si le festival Nyansapo est dédié aux femmes noires, il est en réalité ouvert à tous. Certes, certains ateliers sont réservés aux femmes noires, ce qui signifie qu’ils ne sont pas plus accessibles aux personnes d’origine asiatique, maghrébine, rom… et pas plus aux hommes noirs qu’aux Blancs. Mais dans notre société structurée par la domination blanche, il est impensable

de restreindre, ne serait ce que de manière temporaire, la position incontestablement dominante des personnes blanches. La non-mixité est un outil politique dont les catégories dominées ont usé de tous temps. Qui forcerait des syndicalistes à convier leur patron ? Qui ne comprendrait pas que des femmes victimes de violences sexuelles se réunissent sans hommes pour éviter d’inhiber leur prise de parole ? Même la Rosa Parks invoquée par la Licra a été politiquement formée dans des espaces noirs, non-mixtes. L’idée de forger des espaces bienveillants réunissant des participant•e•s directement touché•e•s par une oppression est pourtant logique. Ils sont les lieux pour développer des stratégies politiques de lutte, sans avoir à expliquer, se justifier ou craindre de vexer des personnes non visées par l’oppression. Sans être freiné•e•s par des questions ou des commentaires de celles ou ceux qui “découvriraient” l’expérience de l’oppression. D’ailleurs, la Ville de Paris n’a pas eu de réserves pour soutenir financièrement des associations féministes ou des festivals


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