Trimestriel Printemps 2016

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Les faits qui se sont déroulés à Cologne la nuit du 31 décembre restent obscurs. À peine la police allemande avait-elle annoncé avoir enregistré des centaines de plaintes pour viol (381 au total) que déclarations et manifestations se multipliaient, sans que l’on sache bien si ces agressions sexuelles devaient êtres attribuées à des réfugiés ou, en définitive, des immigrés d’origine nordafricaine. À ce jour, on recense 73 mises en examen, concernant très majoritairement des individus d’origine algérienne ou marocaine. Si bien que le débat s’est déplacé de la question de l’opportunité d’accueillir les réfugiés du Moyen-Orient vers celle de la présence des immigrés originaires du Maghreb sur le sol européen. Dans tous les cas toutefois, tout se passe comme si le centre du débat portait moins en définitive, comme l’écrit Émeline Fourment dans Contretemps, sur « le fait que des femmes aient été victimes de violences sexuelles que sur le fait que des hommes non-blancs puissent être des criminels sexuels ». L’ORIGINE DU CRIME

Ces agressions sexuelles massives seraient, dès lors, le fait de dispositions culturelles, ou d’inclinations religieuses propres à ces hommes d’origine nord-africaine, mal acclimatés à une culture européenne censément respectueuse des droits des femmes, et spécialement de leur intégrité corporelle. Bref, la question raciale et culturelle, quand ce n’est pas la question religieuse, a pris le pas sur la question sexuelle ou de genre. Que des hommes aient massivement commis des violences sexuelles envers des femmes importerait moins, au fond, que de savoir qui étaient ces hommes, et quelles pouvaient être les raisons spécifiques, culturelles et / ou religieuses, de ces agressions sexuelles. Et très vite, en effet, au-delà des déclarations de la maire de Cologne ou des manifestations de Pediga, on

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a vu, à l’échelle internationale, des intellectuels commenter des faits qui n’étaient pas encore totalement élucidés. Et les commentaires les plus virulents sont venus de personnalités réputées féministes. Dès le 15 janvier, Alice Schwarzer, considérée comme l’une des principales fondatrices du MLF, exigeait dans Die Welt un débat sur l’islam sans « politiquement correct ». Le foulard porté par certaines femmes musulmanes représenterait en effet rien moins que le « pavillon des islamistes », et les violences sexuelles commises à Cologne la manifestation d’une menace terroriste islamiste imminente : « Des kalachnikovs, des ceintures d’explosifs et maintenant la violence sexuelle ! » Il allait pourtant s’avérer que les agresseurs n’étaient pas des réfugiés, et pouvaient difficilement être assimilés à une avantgarde de l’Organisation de l’État Islamique en Europe. Chacun s’en souvient, Élisabeth Badinter reprochera également aux féministes françaises (dès le 6 janvier) de n’avoir pas dénoncé, ou d’avoir dénoncé trop tard les viols commis à Cologne, ajoutant : « Il ne faut pas avoir peur de se faire traiter d’islamophobe ». Il est vrai que dès 2003, Élisabeth Badinter, dans la revue L’Arche, n’hésitait déjà pas à déclarer que « depuis longtemps, dans la société française de souche, que ce soit le judaïsme ou le catholicisme, on ne peut pas dire qu’il y ait une oppression des femmes ». Enfin, Caroline Fourest, dans Le Huffington Post, allait jusqu’à parler d’un « choc des cultures machistes et féministes ». Pour, par la suite, incriminer nommément des féministes qui, comme Caroline de Haas ou Clémentine Autain, avaient dénoncé ces viols sans pour autant renoncer à en contester l’instrumentalisation raciste. Contre cette vision, Clémentine Autain en appelait à « un combat politique non pas contre une catégorie de population en fonction de son origine, mais contre un système d’oppression d’un sexe sur l’autre, qui n’a pas de frontière ».


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