SALAUDS DE TOURISTES !
Illustration Alexandra Compain-Tissier
Il est parfois de bon ton de se moquer des touristes asiatiques mitraillant de photos nos monuments. Le cliché cache souvent une forme larvée de racisme, au mieux du mépris pour des comportements étranges pour nous autres Occidentaux. La même condescendance s’observe face à certaines pratiques du tourisme populaire, ridicules vues de l’extérieur mais auxquelles on s’est tous adonné. Qu’est-ce qu’on a l’air bête à poser devant un tableau ! Certes mais c’est le signe de notre joie d’être là. Depuis que le voyage de découverte n’est plus l’apanage de la haute société et des seuls érudits,
bernard hasquenoph Fondateur de louvrepourtous.fr
118 REGARDS PRINTEMPS 2016
le touriste est raillé autant qu’il est courtisé pour son porte-monnaie. Dès le XIXe siècle, les écrivains parodient ses pérégrinations moutonnières, les caricaturistes le campent en gentil crétin. D’aucuns y lisent la crainte, à travers ces nouvelles formes de migrations, d’une civilisation plus circulante. Dans l’imaginaire collectif, le touriste reste un étranger dont l’immigré serait la face sombre. ATTAQUES D’AUTOCARS La moquerie se mue parfois en violence. L’épisode peu glorieux s’est effacé de nos mémoires. Durant l’été 1926, Paris fut le théâtre d’agressions de touristes, notamment américains. Pas pour les dépouiller, mais pour dénoncer leur « envahissement ». Un climat ambiant xénophobe dont se fit l’écho la presse. « Les étrangers chez nous. Sommes-nous bien à Paris ? On n’y parle plus français », dénonçait l’un, quand un autre fustigeait tous ces « métèques ». Vers l’Opéra, des autocars de touristes furent assaillis par des centaines de Parisiens en colère, obligeant leurs passagers à en descendre puis à s’enfuir sous les injures. Des incidents semblables
eurent lieu de Montmartre à Montparnasse, les étrangers en goguette ne devant leur salut qu’à l’intervention de la police. Que leur reprochait-on ? Leur arrogance financière alors que la France était en pleine crise monétaire, leur attitude prétendument hautaine qui leur faisait regarder les autochtones comme des « bêtes curieuses ». Mais leur plus grand crime aurait été de profiter des jours de gratuité au Louvre ou à Versailles sur les conseils des voyagistes. Jusqu’à ne même pas donner de pourboire « aux dames du vestiaire », s’insurgeait un quotidien. Radins et parasites. Au point que l’idée d’imposer une taxe spéciale étranger à l’entrée de nos musées fut proposée. Avant qu’on y renonce... Il aurait été trop dur de soumettre les Français à un contrôle d’identité. FAIRE PAYER L’ÉTRANGER L’accusation du touriste invasif et profiteur n’est pas nouvelle. Elle est même en partie à l’origine du musée payant. Gratuit dès son origine sous la Révolution, le Louvre, réservé en priorité aux artistes, s’est réellement ouvert à tous avec l’Exposition universelle de 1855, qui marque l’essor du tourisme inter-