SAUVER PALMYRE
Illustration Alexandra Compain-Tissier
En août dernier, le monde découvrait avec horreur le martyr subi par Khaled al-Assaad, quatrevingt deux ans, directeur durant des décennies de la cité antique de Palmyre tombée aux mains de Daesh, en Syrie. Décapité, son corps sanguinolent était exhibé en pleine rue, accroché à un poteau. Trois mois plus tôt, vingt hommes accusés d’être à la solde du régime de Bachar al-Assad étaient exécutés en public sur la scène du théâtre romain de ce site archéologique exceptionnel, surnommé pour sa beauté “la perle du désert syrien”.
bernard hasquenoph Fondateur de louvrepourtous.fr
116 REGARDS HIVER 2016
À la barbarie humaine s’ajoutait la destruction des pierres, les combattants de l’État islamique s’en prenant aux vestiges historiques, symboles à leurs yeux d’idolâtrie, comme ils l’avaient fait auparavant en Irak : temples rasés, arc de triomphe dynamité... Une catastrophe patrimoniale qualifiée par la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova, de « crime de guerre » et d’« effroyable stratégie de nettoyage culturel ». VANDALISME IDÉOLOGIQUE La France, se sentant investie d’une mission particulière aux yeux du monde dès qu’il s’agit de culture, et revendiquant toujours le titre de pays des droits de l’homme, décida de réagir. François Hollande confia au président du musée du Louvre, Jean-Luc Martinez, une “mission sur la protection des biens culturels dans les conflits armés”. Tandis que l’ONU, face à l’ampleur du phénomène, adoptait une résolution en vertu de laquelle la communauté internationale considère « les attaques commises contre le patrimoine de tout pays [comme] des attaques commises contre le patrimoine com-
mun de l’humanité tout entière ». Un bien mince rempart contre ces exactions, l’arsenal juridique mis en place au plus haut niveau depuis 1945 se révélant impuissant « face à la barbarie terroriste qui sévit au Moyen-Orient », comme le constatait M. Martinez en introduction de son rapport, remis en novembre 2015. Lequel déplorait que, trop souvent, les réactions indignées des États ne dépassent pas « le stade de la condamnation », sans mise en place de « mesures concrètes réellement opérationnelles et efficaces » à même de lutter contre ce désastre. Ce que lui demandait justement le président de la République française. Le constat que le patron du Louvre dresse de la situation est particulièrement dramatique. Si les destructions patrimoniales ont toujours existé durant les guerres, dans la période contemporaine elles constituaient plus des dommages collatéraux liés à la position géographique ou stratégique des bâtiments. Ici, on a plus affaire à du “vandalisme idéologique” – ce qui n’est pas non plus, au regard de l’histoire de l’humanité, un fait nouveau. Mais les moyens modernes