CULTURE COMPTABLE Évaluation de la politique de développement des ressources propres des organismes culturels de l’Etat... Un rapport de plus, rendu public cet été, commandé aux inspections générales des finances et des affaires culturelles réunies, par plusieurs ministres de la présidence Hollande – Finances et Économie en tête. À le lire, ces derniers ont largement pris le dessus sur leur collègue de la Culture, Fleur Pellerin, imposant leur vision aride et désenchantée. La lointaine successeure de Malraux n’a cependant pas dû être difficile à convaincre, tellement la
culture, quelle que soit la couleur du gouvernement en place, s’évalue désormais à l’aune de ce qu’elle coûte et de ce qu’elle rapporte. Même rue de Valois. Cette évaluation sur dix ans concernait trente-six établissements nationaux, mêlant musées, opérateurs d’expositions et théâtres. Ce qui, en soi, est déjà absurde, l’économie de chacune de ces catégories étant intrinsèquement différente. On navigue du Louvre à la Comédie française, de la Bibliothèque nationale de France à l’Opéra de Paris.
Illustration Alexandra Compain-Tissier
DU VISITEUR AU CLIENT
bernard hasquenoph Fondateur de louvrepourtous.fr
108 REGARDS AUTOMNE 2015
L’initiative s’inscrivait dans le cadre de la MAP, acronyme de Modernisation de l’action publique, concept qui succéda en 2012 à la Révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP sarkozyste tant honnie des socialistes, qui dénonçaient pour la culture l’« application de normes de gestion purement comptables »… pour au final remplir les mêmes fonctions. À savoir, élaborer des scénarios visant à baisser les dépenses publiques, en mettant à jour des « gisements » exploitables financièrement. Rien de fondamentalement choquant en ces temps
de crise, si cela ne venait heurter d’autres principes, plus nobles, qui fondent justement l’action publique. En l’occurrence, le chemin vers la toujours indispensable et nécessaire démocratisation culturelle, qui ne rime pas vraiment avec rentabilité. Ce si joli serpent de mer qu’il est de bon ton d’inscrire dans tout programme électoral qui se respecte, puis d’oublier. Les auteurs du rapport se défendent d’en sacrifier le principe, s’attachant, disent-ils, à seulement identifier « les marges de manœuvre et leviers de développement complémentaires encore disponibles et compatibles avec les missions de service public des établissements ». Un vœu pieux puisqu’ils s’acharnent ensuite à démolir tout ce qui en faisait le fondement sur un plan tarifaire – même si, évidemment, le prix n’est pas le seul élément de blocage pour venir au musée. Toujours est-il que sous leur plume, l’usager-visiteur de musée se mue en client et la composition sociologique des publics est ignorée. Alors que les rapporteurs notent que la billetterie représente déjà la principale ressource propre des organismes culturels de l’État,