FRANCE NOVEMBRE 2023
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Ăvoluer
PAR AMOUR DES MOVES, AU-DELĂ DE LA PERFORMANCE, COMMENT LILOU RUEL A CRĂĂ SON PROPRE FREERUN
DAS Galaxy Z Flip5 tĂȘte : 0,601 W/kg, DAS tronc : 1,451 W/kg, DAS membres : 2,34 W/kg. Images simulĂ©es. Lâinterface peut changer. Samsung Electronics France - CS20003 - 6 rue Fructidor - 93484 Saint-Ouen Cedex. RCS Bobigny 334 367 497. SAS au capital de 27 000 000 âŹ.
Ă D ITO R I A L
Contributions
DEMARCO WILLIAMS Le journaliste amĂ©ricain est un collaborateur rĂ©gulier de SLAM, fameux mag de basket US, et de Forbes, ainsi que critique gastronomique Ă plein temps pour The Infatuation. Il ne pense pas que ballon, Ă lâinstar de Pascal Siakam, des Raptors. « Pour parler famille, voyages ou photo, Pascal sâenflamme, et câest trĂšs cool. » Page 64
DANIEL BROWN
LITTLE SHAO (COUVERTURE), TYKESHA BURTON 2022
Le rĂ©dacteur en chef de The Athletic, basĂ© Ă San ÂFrancisco, a effectuĂ© sa premiĂšre plongĂ©e dans lâesport, en dĂ©taillant le Championnat du monde de LoL. Ă propos de ses dieux, Deft et Faker, il explique : « La concentration sans faille semble ĂȘtre la marque de Âfabrique de tous les champions du monde. » Page 48
SUIVEZ LE MOUVEMENT Si Lilou Ruel, athlĂšte française de 20 ans, est aujourdâhui une star du freerunning, câest bien parce quâelle sâest bougĂ©e, au sens propre comme au figurĂ©. Ses moves, amĂ©liorĂ©s sans cesse, lâont menĂ©e lĂ oĂč elle rĂȘvait dâĂȘtre. De mĂȘme pour un autre guest de ce numĂ©ro, Pascal Siakam, un NBA All-Star pour lequel tout a commencĂ© au Cameroun. Mais le mouvement nâest pas que physique et la bascule peut aussi se faire dans lâesprit : la dĂ©termination avant lâaction. Celle qui permet Ă Deft, lâun des boss du jeu League of Legends, et son Ă©quipe DRX, de finalement sâimposer face Ă Faker, le âDieuâ corĂ©en (voir notre sujet esport sur les Worlds). Dynamique culturelle, enfin, au Royaume-Uni, avec les loustics du BBCC (le Bad Boy Chiller Crew), sortis de leur zone pour ambiancer la jeunesse locale. Et bien plus encore⊠Bonne lecture ! Votre RĂ©daction
ALICE AUSTIN La journaliste de Tel-Aviv a beaucoup Ă©crit sur la jonction politique-musique, et a donc Ă©tĂ© attirĂ©e par la scĂšne bassline de Bradford (UK). « Câest comme si certaines parties de la ville avaient Ă©tĂ© oubliĂ©es. Cette scĂšne est donc triomphe. Elle donne Ă sa jeunesse Âespoirs, rĂȘves⊠et plaisanteries Ă nâen plus finir. » Page 72 THE RED BULLETIN
Paris sâĂ©veille : le photographe Little Shao entame dĂšs lâaube son photoshooting avec Lilou Ruel (qui prend la pose au troisiĂšme Ă©tage). Page 26
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CONTENUS
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G A L E R I E 6 D E S S U R F S E N C H A M P I S 12 L A P L A Y L I S T D E C R A Y O N 15 P O S I T I V E E D U C A T I O N 16 U N C I E L P O U R E L L E S 18 HĂROS & HĂROĂNES
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LâĂ©volution psychique de ce DJ et producteur caribĂ©en, et comment il nâa finalement pas abandonnĂ©.
JAYDA G
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Dancefloor de lutte et hĂ©ritage paternel avec lâartiste canadienne ÂrĂ©vĂ©lĂ©e lors dâune Boiler Room.
RACHID OURAMDANE
ESPORT
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Le chorĂ©graphe transporte lâoutdoor sur scĂšne, une crĂ©ation oĂč slackline et escalade sont Ă lâhonneur. PORTRAIT
LA VOIE DE LILOU
UNE FOLIE
C U LT U R E
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On vous raconte les Worlds 2022 de League of Legends, Ă travers le duel dâenfer entre Faker et Deft. LâĂ©dition 2023 sâannonce encore plus dingue.
PERSPECTIVES
PORTRAIT
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QUI EST SUTUS ?
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à 20 ans, son ascension est déjà hors norme. Au-delà du parkour et du freerunning, Lilou Ruel veut évoluer encore plus loin.
DerriÚre vos hits de rap et pop favoris se cache certainement ce producteur discret mais si talentueux, récent invité du Red Bull Studios Paris.
DĂCOUVRIR
PORTRAIT
PADEL MANIA Quelques pages pour devenir un·e expert·e du jeu de raquette qui Âcartonne. 4
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JAMAIS DE TEMPS MORT
LE SANG DE LA BASSLINE 72 Ă Bradford, petite ville du RoyaumeUni, la bassline des lascars du Bad Boy Chiller Crew change les vies des artistes comme celles de leurs fans.
V O YA G E : B L O C PA R T Y D A N S L E T E S S I N 83 M E N T A L : L E B O N C H O I X 88 G A M I N G : F A I L S G L O R I E U X 89 F I T N E S S : L A N C E Z - V O U S 94 M E N T I O N S L Ă G A L E S 96
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P O U R F I N I R E N B E A U T Ă 98
Venu du Cameroun pour sâimposer en NBA, Pascal Siakam, des Raptors, veut inspirer la jeunesse africaine. THE RED BULLETIN
LITTLE SHAO, COLIN YOUNG-WOLFF, CHARLIE LINDSAY/RED BULL CONTENT POOL
POTĂ
THE RED BULLETIN
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Richmond, Virginie, USA
DAVYDD CHONG
BEACH PLEASE
JONATHAN MEHRING/RED BULL CONTENT POOL
Comme la plupart des meilleurs spots, le skatepark Texas Beach (photo) est un projet fait maison. Ancien terrain de basket, lâespace a Ă©tĂ© rĂ©amĂ©nagĂ© par des skateurs locaux et des bĂ©nĂ©voles dans la capitale de lâĂtat de Virginie. Dans son film Greetings From Richmond, le rĂ©alisateur Jonathan Mehring immortalise les spots de skate « bruts et ghetto » de la ville et celles et ceux qui les rident. Ici, Josh Viles envoie un Madonna, trick inventĂ© par une icĂŽne culturelle blonde⊠oui, il sâagit de Tony Hawk. DĂ©couvrez la sĂ©rie complĂšte Greetings From sur redbull.com
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Bihac, Bosnie-Herzégovine
EAU COURANTE Quand les pros du kayak Peter Kauzer et Darko Savic se lancent le dĂ©fi de pagayer 100 km Ă travers la Bosnie-HerzĂ©govine en seulement quatre jours en avril dernier, ils ont deux objectifs principaux. Le premier, montrer la richesse â et la beautĂ© â des voies navigables du pays natal de Savic ; le second, rappeler lâimportance de la protection de lâenvironnement. « Quand Darko mâa parlĂ© de lâexpĂ©dition, ma premiĂšre pensĂ©e a Ă©tĂ© : â100 km, câest beaucoup. OĂč trouvera-t-on Âautant de riviĂšres en Bosnie- HerzĂ©govine ?â », dĂ©clare Kauzer le ÂSlovĂšne (Âphoto). La solution : parcourir autant de sections diffĂ©rentes que possible â 15 au total, des riviĂšres rapides et lacs calmes jusquâau bord de la mer Adriatique â en adaptant leur technique.
Kayaking Wonderland sur redbull.com
DAVYDD CHONG PREDRAG VUCKOVIC/RED BULL CONTENT POOL, ROMINA AMATO/RED BULL CONTENT POOL
Takachiho, Japon
SUBLISSIME Rien de tel que du tourisme Ă lâĂ©tranger. Ce nâest pas diffĂ©rent pour un plongeur de haut vol pro â bien que la vue soit ÂgĂ©nĂ©ralement une Ă©tendue dâeau se ÂprĂ©cipitant vers vous Ă grande vitesse. Pendant les Red Bull Cliff Diving World Series en aoĂ»t dernier, la boss australienne Rhiannan Iffland (photo) a portĂ© sa sĂ©rie de victoires Ă 11 avec un saut Ă couper le souffle depuis une plateforme de 21 m au-dessus des gorges de Takachiho au Japon et dans la riviĂšre Gokase en contrebas. La mythologie locale Âraconte comment la dĂ©esse du soleil Amaterasu Omikami sâest cachĂ©e dans une grotte au bord de la riviĂšre Ă la suite dâune dispute avec son frĂšre. Divin. redbullcontentpool.com
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Doha, Qatar
CâEST TENDU Qui refuserait au slacklineur Jaan Roose une petite pause relaxante Ă 185 m au-dessus de Doha ? Battre le record de la plus longue traversĂ©e de slackline entre deux bĂątiments â 150 m entre les tours jumelles Katara, ça fatigue. « Le poids des lumiĂšres LED sur cette ligne de 2,5 cm de large a introduit une dynamique diffĂ©rente dans leur comportement sous mon poids, e  xplique lâEstonien Ă propos de son e  xploit en juin. Comme faire du skate sur un gros tronc dâarbre. » Mais la vue Ă©tait belle, nâest-ce pas ? La Sparkline de Roose est sur redbull.com
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VOLODYA VORONIN/RED BULL CONTENT POOL
DAVYDD CHONG
Ce surfeur de 23 ans veut rendre son sport plus respectueux de la nature en fabriquant des planches de surf Ă base de mycĂ©lium. La communautĂ© du surf est connue pour sa conscience en vironnementale et sa trĂšs forte connexion avec lâocĂ©an et les multiples et subtils change ments qui sây opĂšrent. Ce que la plupart ne rĂ©alisent pas, pourtant, câest Ă quel point leur sport prĂ©fĂ©rĂ© a un impact nĂ©gatif sur lâenvironnement quâils ont envie de protĂ©ger. Steve Davies est Ă la fois un passionnĂ© de surf et un concepteur produit, originaire de PorthÂcawl (Pays de Galles). Deux passions qui lui ont don nĂ© envie, en toute logique, de rĂ©volutionner lâindustrie du surf en privilĂ©giant un matĂ©Â riau durable et biodĂ©gradable : le mycĂ©lium ou blanc de cham pignon. Petit rappel : actuellement, les planches sont faites en fibres de verre et polystyrĂšne, deux matĂ©riaux non seulement peu dĂ©gradables mais aussi fortement liĂ©s aux Ă©nergies fossiles. Quand elles atter rissent dans des dĂ©charges â ou pire, dans lâocĂ©an â les planches peuvent mettre plus de 500 ans Ă disparaĂźtre. « Porthcawl est un petit spot de surf local, et ce sport a toujours fait partie de ma vie, explique le jeune homme. Jâai commencĂ© Ă percevoir un vĂ©ri table fossĂ© entre lâĂ©thique trĂšs environnementale des surfeur· euse·s et les supports sur les quels ils et elles pratiquaient leur sport. Câest lĂ que jâai com mencĂ© Ă rĂ©flĂ©chir Ă un moyen de crĂ©er une planche qui ne 12
Avant/aprĂšs : on applique sur une structure filamentaire compostable (en haut Ă g.) un mĂ©lange de mycĂ©lium et de substrat (en haut Ă dr.) pour permettre au premier de se dĂ©velopper ; (Ă g.) le designeur Steve Davies et lâune de ses planches.
THE RED BULLETIN
LOU BOYD
Ce nâest pas une hallu
s alisse ni la planĂšte, ni lâocĂ©an. Et câest ainsi que jâai dĂ©couvert la solution : le mycĂ©lium. » Steve Devis, tout en bos sant sur son master en conception produit Ă la Cardiff Metropolitan University, a ÂrencontrĂ© des designers utili sant le mycĂ©lium â la partie souterraine du champignon, qui forme une mousse ayant les mĂȘmes propriĂ©tĂ©s que le polystyrĂšne expansĂ© â pour crĂ©er des objets et des embal lages. Il a lâidĂ©e dâessayer la mĂȘme chose pour faire des planches de surf. « Les champignons se re produisent avec leurs spores, pas avec des graines, explique Steve Davies. « Vous pouvez couper un champignon dans votre assiette et obtenir ainsi un millier de spores qui peuvent ĂȘtre nourris pour Âformer une mousse de mycĂ©Â lium. Pour avoir la forme dâune planche de surf, jâai appliquĂ© le mycĂ©lium cultivĂ© sur un substrat de dĂ©chets vĂ©gĂ©taux, comme de la paille, le tout dans un moule de la forme dâune planche. Il faut une semaine pour que lâensemble solidifie : aprĂšs la cuisson de la planche puis son Ă©tanchĂ©isation, elle est prĂȘte Ă ĂȘtre utilisĂ©e. » Steve Davies travaille ac tuellement sur lâaspect esthĂ©Â tique et les performances de ses planches, quâil veut porter au mĂȘme niveau que les planches en fibres de verre, dans lâespoir de lancer une ÂvĂ©ritable industrie plus res pectueuse des ocĂ©ans. « Jâadore les propriĂ©tĂ©s de croissance du mycĂ©lium, notamment parce quâil se nourrit de carbone pendant sa croissance. Mes planches sont donc bĂ©nĂ©fiques pour lâenvi ronnement. Je peux prendre un seul champignon et le faire pousser jusquâĂ avoir une piĂšce remplie de planches de surf. Câest mon rĂȘve : avoir ma propre marque de planches, uniquement Ă partir dâun champignon. Cette marque, je vais lâappeler âShroomsâ. »
STEVE DAVIES
STEVE DAVIES
TH E MO ST CAPAB LE R ARE LY GO IT ALO N E . TH E MO ST CAPAB LE R ARE LY GO IT ALO N E .
AU S T R A L I A N O U T B AC K @ B F G o o d r i c hT i r e s
11.10 . 2 2
AU S T R A L I A N O U T B AC K @ B F G o o d r i c hT i r e s
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CRAYON
Synergie Le producteur parisien au Âcroisement de la scĂšne indie et jazz nous dresse un top 4 de ses featurings favoris, dâhier et dâaujourdâhui. Crayon, de son vrai nom Lauren, sâest imposĂ© comme une partie ÂintĂ©grante de la scĂšne musicale indĂ©pendante parisienne. Avec son album Hundred Fifty Roses, il a su prouver sa versalitĂ© sonore aussi bien dĂ©licate que groovy. Un jazz moderne, qui frĂŽle le R&B en laissant parfois place Ă des sonoritĂ©s Ă©lectroniques, dont la musicalitĂ© vient cajoler sans vergogne le flow de rappeurs comme Swing et Ichon ou encore la soul du compositeur interprĂšte français Gracy Hopkins. Avec Crayon, on cĂ©lĂšbre lâanagogie dans le seul but de se procurer un plaisir auditif. Le producteur nous livre quatre morceaux qui reflĂštent son identitĂ© dâartiste.
OLGA DU SAILLANT
MARIE-MAXIME DRICOT
Retrouvez les prods de Crayon en scannant le lien ci-contre.
Tuerie (feat. Hedges)
Yussef Dayes (feat. Tom Mish)
Rhye
Numéro Vert
Rust
« Papillon Monarque, sorti sur le label de Luidji, est mon album francophone prĂ©fĂ©rĂ© en ce Âmoment. Ăa fait plaisir de voir que le rap français sâautorise Ă faire des propositions qui mĂȘlent jazz et gospel. Clairement un morceau que jâaurais aimĂ© produire, avec ses sublimes arrangements de cordes et cette ligne de basse. »
« Une derniĂšre sortie de lâillustre batteur et compositeur, londonien qui continue de repousser les limites du genre quâil a lui-mĂȘme crĂ©Ă©, ce nouveau jazz Ă lâanglaise, minimaliste et pure. Ici, il est accompagnĂ© une fois de plus par le musicien Tom Misch, qui sort de son format pop et disco Âhabituel. Câest divin ! »
« Ce sublime morceau trĂšs folk, est sorti sur le projet Home du duo canado-danois pendant le confinement. On Âretrouve sur ce titre le Âguitariste-compositeur Joel Shearer, connu pour ces morceaux emblĂ©matiques aux Ătats Unis dans les annĂ©es 2000 (dont Alanis Morissette, ndlr). On ne peut quâapprĂ©cier la qualitĂ© de sa composition. »
THE RED BULLETIN
Need A Lover
Yusef Lateef (feat. Alex North) Love Theme From Spartacus
« Câest une reprise du morceau du compositeur Alex North, Ă©crite pour le film Spartacus, de Stanley Kubrick. Il en existe plusieurs versions, dont une du pianiste Bill Evans que je ÂrĂ©Ă©coute souvent. Jâai saisi lâimportance du titre en lisant quâil sâagirait du morceau de jazz qui ouvre les portes de la s piritualitĂ© orientale. » 15
Ă Saint-Ătienne, le Positive Education Festival expose lâavant-garde de la musique Ă©lectronique. Et marque les esprits Ă jamais. PĂ©nĂ©trer dans la CitĂ© du Design de Saint-Ătienne, avec ses pavĂ©s et ses entrepĂŽts Ă la hauteur de plafond sidĂ©rante, câest comme entrer dans une usine Ă raves. LittĂ©ralement, ou presque, puisque le lieu accueillait autrefois une manufacture dâarmes, qui fabriquait des milliers de fusils et baĂŻonnettes chaque jour. Depuis 2015, ce sont des bombes de dancefloor qui y sont lĂąchĂ©es grĂące au Positive Education Festival (PEF), qui, chaque annĂ©e au milieu de lâautomne, rĂ©veille le passĂ© industriel dâune ville branchĂ©e sur courant alternatif quand on parle musique. « Câest une ville qui a toujours fonctionnĂ© sur la dĂ©couverte et sur des artistes alternatifs, explique le fondateur du festival Charles Di Falco. On aime dĂ©couvrir des choses quâon nâa pas lâhabitude dâentendre et on programme le plus possible dâartistes comme ça. » 16
Une ligne de conduite qui permet grands moments et chocs sonores â et visuels, un soin particulier Ă©tant apportĂ© Ă la scĂ©nographie â comme avec Manu le Malin, lâune des figures de la techno hardcore française, dont le set a fait Ă©clater les vitres, The Bug, patron de la bass music anglaise, qui a livrĂ©
Le duo bulgare IDMT (en haut à g.) ; le public i mpatient devant les portes du PEF (en bas).
THE RED BULLETIN
SMAĂL BOUAICI
Usine Ă merveilles
HORTENSE GIRAUD, JULIETTE VALERO
POSITIVE EDUCATION
un des concerts les plus bruyants et des plus puissants de lâhistoire des festivals français, ou encore Iceboy Violet, qui passe la moitiĂ© de son show Ă rapper au milieu de la foule. Coup de chance : alors que le bail allait expirer, le public pourra profiter une derniĂšre fois de la CitĂ© du Design, avant que le PEF nâentre dans une nouvelle dimension. Fort de son succĂšs, le festival stĂ©phanois ajoute une nouvelle corde Ă son arc pour cette Ă©dition 2023 avec des concerts de journĂ©e dans un nouveau lieu. Enfin, un ancien lieu, qui fait lui aussi Ă©cho Ă lâhistoire de la ville. La Halle Papaz, situĂ©e opportunĂ©ment Ă quelques pas de la CitĂ© du Design, est une ancienne usine qui fabriquait des piĂšces dĂ©tachĂ©es destinĂ©es aux machines utilisĂ©es dans les mines Ă charbon de la rĂ©gion. Le lieu accueillera donc des concerts (thĂ©matiques diffĂ©rentes chaque jour, ambient, rock, hip-hopâŠ) mais aussi des ateliers de production musicale (avec la DJ lyonnaise Flore notamment) et des confĂ©rences sur des thĂšmes liĂ©s aux musiques Ă©lectroniques lâaprĂšs-midi. De quoi entretenir lâaura de cet Ă©vĂ©nement devenu, en six ans, le meilleur argument marketing de lâoffice de tourisme de Saint-Ătienne, une ville qui prend enfin un peu de lumiĂšre dans lâombre de son voisin lyonnais et dont les hĂŽtels connaissent dĂ©sormais une nouvelle pĂ©riode de pointe au dĂ©but du mois de novembre. Le festival a aussi Ă©tĂ© remarquĂ© par les mĂ©dias Ă©trangers dĂ©diĂ©s Ă la scĂšne Ă©lectronique, et son aspect dĂ©fricheur en fait lâun des rendez-vous pros importants pour jauger les nouveautĂ©s. Cette annĂ©e, entre le sorcier italien Donato Dozzy et la Polonaise VTSS, qui porte bien son nom, elles et ils dĂ©couvriront des ovnis comme Danse Musique RhĂŽne-Alpes ou DJ Bus Replacement Service, qui mixe Ă©lectro, art et cinĂ©ma derriĂšre un masque de Kim Jong-un⊠Du 31 octobre au 5 novembre 2023 ; positiveeducation.fr
Une nuit sans fin marquĂ©e par lâexaltation dâun public qui ne demande quâĂ explorer les territoires musicaux de la scĂšne française et internationale.
Le PEF câest aussi des scĂ©nographes, VJ et technicien·ne·s qui subliment les lieux pour une expĂ©rience hors du commun et inoubliable. THE RED BULLETIN
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PARACHUTISME AU FĂMININ
Un ciel pour tous et toutes
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tisme, explique Melanie Curtis. Câest avant tout une question de sous-reprĂ©sentation : une femme se pointe dans une zone de saut et ne voit que des hommes autour dâelle, logique quâelle se sente mal Ă lâaise ou bien se demande ce quâelle fait lĂ . On veut faire passer un message clair : notre sport est ouvert Ă toutes les femmes. » Et en matiĂšre de sensibilisation, rien de mieux que de rĂ©unir des femmes qui nâont pas froid aux yeux. En novembre dernier, Melanie Curtis rassemble donc 80 femmes de 22 nationalitĂ©s diffĂ©rentes sur un terrain dâaviation en Arizona. Elles embarquent Ă bord de cinq avions Cessna, puis, une fois dans les airs, rĂ©alisent un saut dâenviron 6 000 mĂštres. TĂȘte en bas, Ă une Âvitesse de 260 km/h, les voilĂ unies en plein vol pour Ă©tablir un
RĂ©action en chaĂźne : baptisĂ© Projet 19, ce spectaculaire saut en parachute effectuĂ© en novembre 2022 en Arizona a battu tous les records (en haut). Melanie Curtis, fondatrice de Womenâs Skydiving Network (ci-dessus).
 ouveau record du monde du n plus grand saut en parachute 100 % fĂ©minin. Pour Curtis, ce genre dâexploits entame un dialogue plus large sur les questions de sous-reprĂ©sentation fĂ©minine dans dâautres secteurs. « Le parachutisme, câest flashy, câest sexy, ça permet de capter lâattention. Ensuite, il sâagit dâen faire un tremplin pour Ă©lever le dĂ©bat, voir ce que les femmes font activement pour amĂ©liorer leur condition, comment elles peuvent occuper des espaces oĂč elles Ă©taient jusquâĂ prĂ©sent trop peu nombreuses. » Prochain objectif : un saut avec 100 femmes en 2024. « On veut que dâautres filles et femmes filles nous regardent et se disent quâelles aussi peuvent faire preuve dâaudace et de courage. » womensskydivingnetwork.org THE RED BULLETIN
EWAN COWIE, IRINA LEONI
« Le parachutisme Ă©veille lâesprit », soutient lâAmĂ©ricaine Melanie Curtis qui a rĂ©alisĂ© son premier saut depuis un avion dans les bras de son pĂšre pilote alors quâelle nâavait que trois mois. « On voit le monde autrement, on a moins peur de se lancer de nouveaux dĂ©fis. Câest ultra puissant. » Pourtant, selon une enquĂȘte de 2021 par lâUnited States Parachute Association, seulement 14 % de ses membres sâidentifient comme femmes, une disparitĂ© qui sâĂ©tend au niveau global. Fondatrice de lâorganisation Ă but non lucratif Womenâs Skydiving Network, Melanie a dĂ©cidĂ© de tordre le cou Ă ces statistiques en inspirant davantage de femmes Ă sauter, avec tous les bĂ©nĂ©fices qui en dĂ©coulent. « On ignore pourquoi si peu de femmes font du parachu-
TOM WARD
Dans la chute libre, les femmes sont sous-représentées. AprÚs avoir battu tous les records, une athlÚte veut changer la donne.
C AMp
H Ă RO S & H Ă RO Ă N ES
POTĂ
Le DJ et compositeur-interprĂšte PotĂ© met en musique son Ă©volution Âpsychique avec son nouvel EP, To Say Goodbye, un projet aux allures de journal intime qui redonne un sens au mot « fin ».
Originaire de Saint-Lucie (CaraĂŻbes), le DJ, producteur et chanteur anglais basĂ© Ă Paris propose un univers musical romanesque harmonisĂ© par un ensemble de basses et de percussions qui soulignent les Ă©motions quâil nous partage. Avec son EP, To Say Goodbye, lâenfant insulaire bercĂ© par le rythme des vagues nous invite Ă prendre part Ă la traversĂ©e de son voyage qui sâapparente Ă un Ă bientĂŽt de vous revoir. La traduction dâune fausse alerte, en rĂ©ponse Ă une prise de conscience, que le chanteur a commencĂ©e Ă Ă©crire en 2021. Câest sur son Ăźle natale que PotĂ© fait ses premiers pas dans la production musicale avec son frĂšre, Ă lâaide de vieux microphones et du logiciel Audacity. Il a dix ans et ses productions nâont aucun sens, mais une premiĂšre fois est toujours un moment inoubliable, dâautant plus lorsquâelle est partagĂ©e. Ce nâest quâĂ Âquatorze ans, grĂące Ă un ami, quâil prend conscience quâil nâa pas besoin de vĂ©ritable studio pour Ă©crire de la musique, il suffit de tĂ©lĂ©charger FL Studio pour faire des beats. DĂšs lors, PotĂ© dĂ©veloppe une obsession pour la musique quitte Ă rester Ă©veillĂ© toutes les nuits jusquâĂ cinq heures du matin pour faire de la musique et avoir Ă peine le temps de dormir une heure avant de se rendre Ă lâĂ©cole. Plus tard, un de ses amis, Eunice, lâinitiera Ă la musique Ă©lectronique en lui faisant Ă©couter des morceaux de Trance Records et Ed Banger. Il sâĂ©prendra de Mr. Oizo dont il trouve le funk et la libertĂ© dâexpression fascinante, une Ă©chappatoire pour lâado dĂ©sormais installĂ© Ă Londres sur dĂ©cision parentale, dans le but dâavoir de meilleures opportunitĂ©s. Mais son expĂ©rience dans la capitale britannique est compliquĂ©e : « Le fait de dĂ©mĂ©nager ailleurs et de laisser tout son
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PHOTO SAMUEL FABIA
monde derriĂšre soi pour recommencer Ă zĂ©ro, quand on est ado, câest difficile. Je suis sĂ»r que câest la mĂȘme chose pour beaucoup dâado immigrĂ©s. » Pas simple de se proclamer Anglais. Mais ses annĂ©es Ă Londres lui auront permis de se faire une place plus aisĂ©ment Ă Paris oĂč il Ă©crit et compose dĂ©sormais sa musique, dont To Say Goodbye, Ă la maniĂšre dâun journal intime : « Câest comme si je me disais âCher journal...â Quand je pense aux paroles, mais si tu nâĂ©coutes que la production, câest peut-ĂȘtre une autre histoire. » Le son de PotĂ© transpire le soulagement, mĂȘme si cet EP a pris vie au moment oĂč le Saint-Lucien Ă©tait encore dans un moment obscur de sa vie. the red bulletin : Ton prochain EP, To Say Goodbye, va bientĂŽt sortir. Ton expĂ©rience de DJ a-t-elle impactĂ© ta maniĂšre de produire ? Dâautant plus que tu Ă©tais en tournĂ©e avec Bonobo cette derniĂšre annĂ©e. potĂ© : Il y a quelques annĂ©es oui, bien sĂ»r, le monde du djing mâa impactĂ©, mais ça a changĂ©. Aujourdâhui, câest la musique live qui mâinspire dans ma maniĂšre dâĂ©crire, probablement parce que je chante. Je me concentre plus sur lâĂ©criture de paroles et des arrangements, que sur les rythmes clubbing. DâoĂč vient le nom du projet ? To Say Goodbye devait ĂȘtre mon dernier projet. JâĂ©tais persuadĂ© que je devais arrĂȘter de faire de la musique aprĂšs ça, câest pour ça que je lâai titrĂ© ainsi. En Ă©crivant lâEP et la chanson Ă©ponyme, je pensais sincĂšrement quâil sâagissait de mes adieux Ă la musique, parce que jâavais de nombreuses crises dâangoisse. Ce nâĂ©tait pas drĂŽle du tout, je voulais dire au revoir Ă mon public de la seule maniĂšre que je connaisse. Pas en postant un message sur Instagram, faire ça de la bonne maniĂšre.
Et que sâest-il passĂ© depuis ? Tu Ă©tais rĂ©cemment aux Red Bull Studios Paris pour enregistrer la suite de ce projet⊠Jâai suivi une thĂ©rapie qui mâa permis de comprendre les raisons de mes crises dâangoisse, que ce nâĂ©tait pas ce quâil semblait ĂȘtre dans mon esprit, mais que câĂ©tait une maniĂšre de me protĂ©ger. Donc, je nâai pas besoin de dire au revoir, de me retirer de la scĂšne, mais dâapprendre Ă gĂ©rer mes Ă©motions et Ă y faire face. En parlant de protection, on trouve sur lâEP le titre Where Water Meets The Sky, qui a quelque chose de chimĂ©rique, comme un rĂȘve qui nous rassure. Oui, ce morceau est comme un endroit depuis lequel, quand on regarde la mer, elle se confond avec le ciel. Il faut imaginer cet instant merveilleux que personne dâautre ne voit, car il nâexiste pas rĂ©ellement. Je voulais Ă©crire une chanson qui soit positive, qui ressemble Ă un verre Ă moitiĂ© plein, plutĂŽt quâĂ moitiĂ© vide. Quel titre de lâEP symbolise le plus tout ce processus dâĂ©volution ? Our Love. Il correspond Ă une sĂ©ance de thĂ©rapie oĂč le psy mâa interrogĂ© sur mon entourage proche pour conclure que jâĂ©tais un ĂȘtre aimĂ©. Tout de suite mon cerveau a gelĂ© : «ââQuoi, les gens mâaiment ?!? » Quand je suis rentrĂ© chez moi, je me suis retrouvĂ© dans un Ă©tat de bĂ©atitude. Quand on comprend mieux ce que signifie aimer et ĂȘtre aimĂ©, ça nous rend capable de le faire correctement Ă notre tour. STYLING: STEPHY GALVANI
TEXTE MARIE-MAXIME DRICOT
Instagram : @pote
THE RED BULLETIN
« JâĂ©tais persuadĂ© que je devais arrĂȘter de faire de la Âmusique. » Le chanteur PotĂ© au sujet de sa prise de conscience et de la nĂ©cessitĂ© de soigner ses maux.
THE RED BULLETIN
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H Ă RO S & H Ă RO Ă N ES
JAYDA G
La DJ et productrice de musique canadienne sâest inspirĂ©e de son pĂšre dĂ©cĂ©dĂ© pour son dernier album, Guy, et affirme que la piste de danse est lâendroit idĂ©al pour partager des histoires de lutte. TEXTE LOU BOYD
Jayda Guy, plus connue sous son pseudonyme de DJ, Jayda G, a connu sa grande percĂ©e sur la scĂšne dance en 2017 grĂące Ă une vidĂ©o de son set Boiler Room trĂšs Ă©nergique lors du festival Dekmantel Ă Amsterdam cette annĂ©e-lĂ . En peu de temps, la joyeuse house music aux accents soul et disco, lâenthousiasme contagieux et la danse Ă©nergique de la DJ et productrice de musique canadienne derriĂšre les platines Ă©taient devenus viraux. Mais quiconque Ă©coutait attentivement les sets de Guy pouvait deviner que ce DJ ne se contentait pas de sâamuser. Toxicologue environnementale de mĂ©tier, elle a insĂ©rĂ© des sons naturels, notamment les cris des orques et dâautres espĂšces marines, dans ses premiers travaux, dans le but de lancer des conversations sur les questions de conservation qui lui tiennent Ă cĆur. Aujourdâhui ĂągĂ©e de 34 ans et basĂ©e Ă Londres, Guy se dĂ©barrasse de son image de fĂȘtarde et rapproche son public grĂące Ă un album profondĂ©ment personnel inspirĂ© par sa famille. Lâalbum, Guy, contient des enregistrements dâarchives de son pĂšre, aujourdâhui dĂ©cĂ©dĂ©, racontant son histoire de jeune Afro-AmĂ©ricain se frayant un chemin dans un monde difficile. « Je voulais que lâalbum soit un mĂ©lange de rĂ©cits sur lâexpĂ©rience afro-amĂ©ricaine, la mort, le deuil et la comprĂ©hension, explique-t-elle. » Jayda Guy confie Ă The Red Bulletin ce quâelle a ressenti en Ă©crivant un album autour de la mĂ©moire de son pĂšre, et des raisons pour lesquelles la dance est le moyen idĂ©al dâexprimer des Ă©motions complexes...
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PHOTO NABIL ELDERKIN
the red bulletin : Guy est plus personnel que vos albums prĂ©cĂ©dents⊠Ătait-ce une dĂ©cision consciente ? jayda g : Jayda G est un personnage assez unidimensionnel : elle est heureuse, elle danse, elle joue de la musique joyeuse. Mais jâai aussi une tout autre facette : ÂJayda Guy, qui est plutĂŽt rĂ©flĂ©chie, qui se donne beaucoup de mal dans la vie. Je voulais intĂ©grer davantage de ces Ă©lĂ©ments dans ma musique. Comment en ĂȘtes-vous arrivĂ©e Ă utiliser des enregistrements de votre pĂšre ? Mon pĂšre est mort quand jâavais dix ans. Il savait depuis environ cinq ans quâil Ă©tait malade, et lorsquâil nâen a plus eu pour longtemps, il a commencĂ© Ă enregistrer des vidĂ©os sur sa vie. RĂ©cemment, Ă peu prĂšs vingt ans aprĂšs sa mort, jâai rĂ©alisĂ© que de nombreuses histoires racontĂ©es par mon pĂšre dans ces cassettes seraient une bonne source dâinspiration pour des chansons et des paroles. Câest ainsi que jâai commencĂ© Ă fouiller ses vidĂ©os et Ă mieux comprendre qui il Ă©tait et quel genre de vie il menait. Parlez-nous de lui. Mon pĂšre Ă©tait un Noir de Kansas City, nĂ© dans les annĂ©es 50. Il a grandi dans le ghetto. Il voulait sâen sortir. Il sâest donc engagĂ© dans lâarmĂ©e et a Ă©tĂ© stationnĂ© en ThaĂŻlande dans le cadre de la guerre du Vietnam. Imaginez-le, cet AmĂ©ricain qui ne connaissait quâun seul mode de vie, celui du Midwest, qui se retrouve dâun coup en ThaĂŻlande, dans un univers quâil ne connaĂźt pas du tout⊠Plus tard, il sâest installĂ© Ă Washington, est devenu DJ Ă la radio et sâest retrouvĂ© malgrĂ© lui au cĆur des Ă©meutes raciales de 1968. Il a finalement trouvĂ© une nouvelle vie au Canada avec ma mĂšre⊠Pour moi, il est remarquable de voir combien il Ă©tait aventureux et Ă quel point il aspirait Ă une vie
meilleure. Mes frĂšres et sĆurs et moi sommes le r ésultat de cette aspiration. Vous avez dit que Guy sâadressait à « tou·te·s celles et ceux qui veulent aller plus loin ». Quâest-ce que cela signifie ? Cet album est dĂ©diĂ© Ă toutes les personnes qui ont Ă©tĂ© opprimĂ©es et qui ont eu une vie difficile. Plus je vieillis, plus je rĂ©alise Ă quel point il est difficile de vouloir obtenir plus si lâon nâa pas de ÂmodĂšle dans sa propre communautĂ©. Rares sont celles et ceux qui parviennent Ă imaginer une autre vie. Mon pĂšre Ă©tait lâun dâentre eux·elles. Pourquoi pensez-vous que la musique est un bon vĂ©hicule pour des histoires comme celle-ci ? La dance, et plus particuliĂšrement la house, sont nĂ©es de la lutte de la communautĂ© noire aux Ătats-Unis et de la communautĂ© LGBTQ. Ce son, câest un endroit safe, câest le son de la libertĂ©. Lorsquâun genre musical possĂšde cette essence, il a le pouvoir dâinciter les gens Ă lâĂ©couter. Jâessaie de trouver des moyens crĂ©atifs dâutiliser la dance pour faire passer des messages. Quels messages ? Il se passe toujours quelque chose dans la vie, en bien ou en mal, et câest Ă toi de dĂ©cider comment ces choses tâinfluencent. Si je me concentre sur la vie de mon pĂšre, jâespĂšre que les gens verront quâil a dĂ©cidĂ© de sâamĂ©liorer, de Âsâappliquer davantage et dâapprendre de ses erreurs. Ce sont les valeurs quâil nous a transmises, Ă moi et Ă ma famille, que cet album reflĂšte. Instagram : @jaydagmusic
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« La house music, câest le son de la libertĂ©. » Jayda G sur lâimportance des messages vĂ©hiculĂ©s pour les personnes opprimĂ©es.
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H Ă RO S & H Ă RO Ă N ES
RACHID OURAMDANE
Un chorĂ©graphe en apesanteur : dans son spectacle Corps ExtrĂȘmes, qui rĂ©unit acrobates et sportif·ve·s, il met en scĂšne le vertige et la chute. La t ournĂ©e, Ă lâaffiche jusquâen 2024, fait un carton en France et Ă lâĂ©tranger. TEXTE PATRICIA OUDIT
Au fond de la scĂšne, un imposant mur dâescalade est traversĂ© en hauteur par une slackline, et le plateau se transforme par moments en un vaste Ă©cran sur lequel sont projetĂ©es des images vertigineuses du highliner Nathan Paulin et de la grimpeuse Nina Caprez. En off, les voix de ces deux athlĂštes dâexception, loin de leurs terrains de pratique habituels, ainsi que celle de la voltigeuse Airelle Caen, chacun·e livrant un tĂ©moignage puissant sur lâintimitĂ© de leur ressenti, Ă©voquant tour Ă tour, plaisir, libertĂ©, peurs. Ă lâorigine du spectacle Ă lâaffiche depuis 2021 et qui a indoorisĂ© lâoutdoor sans le trahir : ÂRachid ÂOuramdane, chorĂ©graphe depuis trente ans et prĂ©sident-directeur de Chaillot- ThĂ©Ăątre National de la Danse depuis 2021, qui a souhaitĂ© se « focaliser sur la fascination quâexercent les notions dâenvol, dâĂ©tat dâapesanteur, de suspension, de planer⊠» Intentions rĂ©ussies. the red bulletin : Comment est nĂ©e lâidĂ©e de cette crĂ©ation, unique en son genre ? rachid ouramdane : Plusieurs raisons se sont conjuguĂ©es. En travaillant avec le collectif XY, une horde dâacrobates Âincroyable, pour le spectacle Möbius, jâai pu observer cette attention quâils et elles se portaient les un·e·s aux autres, cette qualitĂ© de toucher⊠à lâĂ©poque, je vivais au Sappey-en-Chartreuse (IsĂšre, ndlr), tout prĂšs de Saint-Hilaire-duTouvet, gros spot de vol libre, et ayant grandi dans les Alpes, jâai Ă©tĂ© bercĂ© par ces rĂ©cits de montagne. Je trouve cette philosophie qui accompagne ces pratiques bouleversantes, dans le dĂ©passement de soi et la rencontre avec les Ă©lĂ©ments naturels.
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PHOTO BENJAMIN MENGELLE
Que vouliez-vous exprimer avec Corps ExtrĂȘmes ? GrĂące Ă toutes ces rencontres avec les sportif·ve·s, jâai eu envie de faire un spectacle autour de tout ce qui est une attention au vivant. Ă lâinverse de ce quâon peut lire et dire sur lâinconscience des pratiquants de sports extrĂȘmes, Âjâentendais des choses sublimes : quand Nina Caprez parle de la roche, elle est dâune intelligence et dâune sensibilitĂ© extrĂȘme Ă tout ce qui lâentoure. Câest ce qui fait que le corps peut rĂ©aliser des choses hors du commun avec la pleine conscience de ses limites. Pourquoi avoir choisi dâintĂ©grer lâescalade et la highline dans le spectacle ? Je voulais des disciplines qui puissent se dĂ©ployer dans un thĂ©Ăątre, sinon, je nâaurais pu recourir quâau rĂ©cit ou Ă la vidĂ©o. LĂ , nous avons pu rĂ©aliser un vrai mur dâescalade indoor sur lequel nous avons projetĂ© des images de falaises. Pour moi, câĂ©tait important que le public, mĂȘme si on est loin des immensitĂ©s quâembrassent Nina et Nathan dâordinaire, les voient Ă©voluer dans un cadre spectaculaire. Pour ces athlĂštes, ce nâest pas un moment de dĂ©fi sportif, plutĂŽt un moment de challenge expressif. Ils arrivent Ă nous faire partager cette passion par le corps mais aussi via les tĂ©moignages : quand Nathan Paulin parle de ses hallucinations ou comment sa peur devient une complice, câest trĂšs puissant. Comment avez-vous travaillĂ© avec ces sportif·ve·s qui nâĂ©taient pas, Ă tous points de vue, dans leur Ă©lĂ©ment naturel ? Ce nâest pas la premiĂšre fois que je monte des projets avec des gens hors de leur domaine. Par exemple, juste aprĂšs les Ă©meutes de 2005, jâavais crĂ©Ă© Surface de rĂ©paration, des portraits dâados Ă travers
le sport, qui est un peu un pied de biche pour aller chercher lâintime. En ce qui concerne Corps ExtrĂȘmes, je sentais chez Nina et Nathan lâenvie de partager leur passion autrement, dâaller sur le terrain de ressenti. Ce qui a facilitĂ© ces portraits par le mouvement, câest la connaissance aiguĂ« de leur corps, quâils et elles ont en commun avec les acrobates. GrĂące Ă leur savoir-faire corporel, mis au service de leur sport, ils et elles ont dĂ©couvert avec le spectacle leur Âpotentiel chorĂ©graphique. Pratiquez-vous des sports extrĂȘmes ? Jâai eu la chance de grandir Ă Annecy, entourĂ© de parapentistes et de skieur·euse·s. Ma pratique nâest pas du tout extrĂȘme, mais jâai fait beaucoup de sports de glisse, mais aussi des sports collectifs et individuels comme les arts martiaux. Jâai passĂ© une partie de mon Ă©tĂ© Ă surfer. Jâai un goĂ»t affirmĂ© pour lâeffort, la fluiditĂ© et une complicitĂ© de longue date avec le sport. Cet hĂ©ritage mâa aussi formĂ© Ă lâart, mâa appris, entre autres Ă me placer et me dĂ©placer dans lâespace, Ă chuter et Ă faire confiance Ă mon corps. Dâailleurs, on voit que ce cĂŽtĂ© athlĂ©tique est de plus en plus prĂ©sent dans la maniĂšre de danser, notamment via les danses urbaines. En quoi ce genre ce spectacle peut-il Âinspirer chacun·e Ă se dĂ©passer ? Je suis convaincu quâon est toutes et tous plus grand·e·s quâon ne le pense. Si on sâautorisait plus de choses, si on osait se dĂ©passer⊠Câest aussi ce que raconte ce spectacle : casser les barriĂšres, se libĂ©rer, se rĂ©vĂ©ler.
Instagram : @theatrechaillot
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« On est toutes et tous plus grand·e·s quâon ne le pense. » Rachid Ouramdane a sublimĂ© lâescalade et la slackine dans une crĂ©ation sans Ă©quivalent.
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LA VOIE DE LILOU
PoussĂ©e par lâenvie (de se dĂ©passer et de se/nous faire plaisir), LILOU RUEL, 20 ans, a Ă©voluĂ©, et sâest ÂimposĂ©e au sommet du parkour et du freerunning mondiaux. Des dĂ©buts dans son jardin Ă sa faim dâencore plus, ou de cinĂ©ma, elle se raconte aussi facilement quâelle bouge ou affronte les difficultĂ©s. Texte PH CAMY
Photos LITTLE SHAO
Du freerunning sur les toits de Paris. Lilou Ruel photographiée en juillet dernier par Little Shao.
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Lilou
« Le freerun est lâune des rares Âdisciplines qui ne demande aucun Ă©quipement, comme le breaking. On peut pratiquer partout : dans la neige, le sable, sous la pluie, dans lâherbe, sur du bĂ©ton, dedans, dehors, bien habillĂ©e ou non⊠Câest la libertĂ© totale. » Curieux de savoir qui est la jeune femme Ă casquette Red Bull qui sâinstalle Ă sa table, le patron du restaurant italien oĂč nous la retrouvons questionne Lilou Ruel sur sa discipline. « Le freerun ? » Lilou explique : « Du dĂ©placement urbain, avec des acrobaties⊠Vous voyez le film Yamakasi ? » Vu ! Pour beaucoup, freerun et parkour sont similaires, et donc tous deux associĂ©s au fameux film de 2001 de Julien Seri et Ariel Zeitoun, impliquant lâinventeur mĂȘme du parkour, le Français David Belle. Un film rĂ©fĂ©rence. Pour ÂLilou aussi : « Mais je lâai vu aprĂšs mâĂȘtre mise au freerun, peut-ĂȘtre deux ans aprĂšs mes dĂ©buts, je lâai adorĂ©. » Si ces moves sont extraordinaires, lâhistoire de Lilou Ruel nâa, au dĂ©part, rien de particulier. NĂ©e le 9 mai 2003 Ă Mont-Saint-ÂAignan en Normandie, elle a vĂ©cu deux ans en Turquie entre ses 3 et 4 ans. Son pĂšre est ingĂ©nieur en Ă©nergies renouvelables et sa mĂšre gĂšre un espace de coworking. Son frĂšre de 22 ans, Tom, fait des marathons et de grosses courses Ă vĂ©lo, il bosse lui aussi dans les Ă©nergies renouvelables et le solaire. Lui et son pĂšre sont fans de F1, tout comme elle. La famille habite une petite ville dans la banlieue de Toulouse, Plaisance-duTouch, environ 20 000 Ăąmes. « Câest trop bien, la maison, le jardin, le trampoline, la piscine. » Le set-up de rĂȘve de Lilou.
Une simple vidéo
Un playground de ses dĂ©buts dans le freerun, et encore aujourdâhui de ses trainings « maison ». « Jâai commencĂ© dans mon jardin. Câest mon voisin, N  icolas, 28
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Câest avec un sacrĂ© cĆur que Lilou a Ă©voluĂ©, depuis le jardin Âfamilial jusquâau top de sa discipline.
Lilou retourne Paris : câest le concept Ă perdre la tĂȘte des photos qui Âillustrent notre article.
Lilou
qui mâa initiĂ©e au parkour, jâavais commencĂ© le trampoline Ă 7 ans, dâabord des saltos avant, sur le cĂŽtĂ©. » Et puis Nicolas lui explique le salto arriĂšre. « CâĂ©tait un jeudi aprĂšs-midi, je mâen souviens prĂ©cisĂ©ment. Jây suis arrivĂ©e, et lĂ , je me suis dit : âJe suis douĂ©e !â ». Un samedi, Lilou accompagne Nicolas dans une salle, un gymnase, oĂč est enseignĂ© le parkour. Elle teste, et câest le coup de foudre. « Jâai 9 ans et demi, je suis la seule fille au milieu de tous ces garçons plus ĂągĂ©s, mais je me sens bien, je me sens chez moi. » Lilou sâentraĂźne dĂ©sormais une fois par semaine dans cette salle, puis deux. Ă 11 ans, elle montre dĂ©jĂ un bon niveau, elle a bien Ă©voluĂ©. Nicolas lui propose de faire une vidĂ©o, exercice quâil maĂźtrise. « Je fais des lines, des enchaĂźnements de mouvements filmĂ©s et Nicolas met la vidĂ©o sur YouTube, et là ⊠câest le buzz ! » Parmi les viewers qui commentent sa vidĂ©o et la fĂ©licitent, Lilou voit ses propres modĂšles de ÂfreeÂrunners, celles et ceux qui lâinspirent au quotidien. « Je vois lâAnglaise Katie M  cDonnell, les AmĂ©ricains Luci Romberg et Damien Walters qui est une i nspiration pour beaucoup de âtraceursâ. On me dit que je suis la relĂšve, câest fou. » En France, Simon Nogueira est la rĂ©fĂ©rence pour Lilou, parce quâil « a crĂ©e son monde, et câest magnifique ». Il rejoindra Lilou plus tard dans ce rĂ©cit.
Pas un drame
La fameuse vidĂ©o est repostĂ©e sur un compte Instagram et Lilou est assaillie de demandes dâabonnement Ă son propre compte. « Dâun coup, jâavais des dizaines de notifications de demandes dâabonnement, jâai cru que lâon mâavait hackĂ©e, et jâai passĂ© mon compte en privĂ© (rires) ! » Câest en fait une bonne partie de la communautĂ© du parkour qui souhaite dĂ©sormais suivre Lilou. « Je dĂ©passe rapidement les mille abonné·e·s, je suis une star (rires). » Ce nâest pourtant pas dans lâunivers du parkour ou du freerun que Lilou se voit briller alors. « Jâavais de la reconnaissance dans le parkour, mais ça nâĂ©tait pas ma motivation. Ă lâĂ©poque, mon rĂȘve Ă©tait dâĂȘtre vĂ©tĂ©rinaire. Peu de gens vivaient du parkour Ă cette Ă©poque, surtout les filles, ça nâest mĂȘme pas une Ă©ventualitĂ© pour moi, jâavais juste une passion et ça se passait trĂšs bien. » Cet engouement soudain sur ses moves dĂ©cide pourtant Lilou Ă se dĂ©dier plus au parkour. « Je dĂ©cide de mâentraĂźner plus, et je suis soutenu par Yassine, le coach du club de parkour. Il me prĂȘte une structure, que jâinstalle dans mon jardin, une espĂšce dâĂ©chafaudage avec des plateformes et des barres. Je mâentraĂźne pendant deux ans avec cette structure et mon trampoline. » Quelques minutes par semaine ou des heures dâaffilĂ©, et Lilou atteint un trĂšs bon niveau, participe Ă des compĂ©titions locales, « juste pour le kiff ».
En 2017, le photographe Julien Blanc fait une vidĂ©o de Lilou et dĂ©cide de lâenvoyer pour tenter de qualifier Lilou Ă une compĂ©tition en SuĂšde, lâAir Wipp. Les qualifications Ă des compĂ©titions de parkour ou freerunning passent souvent par la soumission dâune vidĂ©o montrant les performances de lâathlĂšte. « Ce serait fou que tu sois prise ! », lui dit Julien⊠et elle se qualifie ! Câest la deuxiĂšme plus grosse compĂ©tition de parkour au monde, Lilou a 15 ans. « Je pars avec mon pĂšre, câest un truc de fou, jây vois les plus grandes stars du parkour en vrai, je ne parle pas anglais⊠On me reconnaĂźt, on connaĂźt mon prĂ©nom, on vient me voir ! Mon pĂšre est trĂšs fier, il y a peu de filles engagĂ©es. Je termine troisiĂšme. » De retour dans son jardin, entourĂ©e de sa structure et de son trampoline, Lilou cogite : « Je me dis quâil y a quelque chose Ă faire dans le parkour : je veux mâentraĂźner tous les jours, je veux voyager, apprendre lâanglais. » Cela tombe bien, la famille part pour la Californie en vacances. Lilou en profite pour visiter la Tempest Freerunning Academy, aprĂšs avoir contactĂ© des traceurs locaux. Elle y rencontre de grandes figures du parkour, « des gens bienveillants. Et puis je rentre, je vis ma vie, je poste pas mal de lignes sur Instagram ». Et cela paie. En 2018, ÂLilou est invitĂ©e en SuĂšde Ă nouveau, sans avoir besoin de se qualifier cette fois. « Je mây rends avec mon pĂšre et mon coach, Yassine. Mais en mâentraĂźnant, je me blesse, je tente quand mĂȘme de participer, mais jâabandonne. Je suis au repos
« Jâai 9 ans et demi, je suis la seule fille, mais je me sens bien, chez moi. » THE RED BULLETIN
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« Jâaime ce moment oĂč lâon entend âAction !â, câest magique. »
Le monde Ă lâenvers, câest le quotidien de Lilou Ruel, jeune athlĂšte de 20 ans.
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Manpower dâĂvry LE SAUT DâUNE VIE En mai 2022, Lilou Ruel sâest lancĂ©e entre deux ÂbĂątiments, Ă Evry, en banlieue parisienne. Elle fut ainsi la premiĂšre femme Ă tenter et rĂ©ussir le Manpower, un saut mythique inaugurĂ© par David Belle au dĂ©but des annĂ©es 2000. « Il y a 16 mĂštres de haut depuis le saut de dĂ©part, et 4,5 m entre le saut et la rĂ©ception. Tu tombes, tu meurs⊠» Nous voilĂ fixĂ©s sur lâimportance du Manpower dans lâhistoire de Lilou Ruel. Un saut dĂ©jĂ rĂ©alisĂ© de nombreuses fois en saut classique, salto et salto de cĂŽtĂ© par de nombreux teams masculins de parkour. Mais jamais une femme nâavait osĂ© le tenter. « Pour un homme, câest un saut plutĂŽt mental, pour une fille, câest du mental et de la performance, explique Lilou, avant de revenir sur lâorigine de sa tentative. En mais 2021, je suis en Âterrasse aprĂšs un photoshooting avec Johan ÂTonnoir, un pro du parkour, et il me dit : âTu sais Âquâaucune fille nâa fait le Manpower ?â Jây rĂ©flĂ©chis, et quelques jours aprĂšs, je me dis : âPourquoi pas !â Je me renseigne : saut, danger, matiĂšre du sol Ă la rĂ©ception, distances⊠Et je me mets Ă s  imuler le saut Ă Urban Corp. Je travaille ma ÂdĂ©tente et en o  ctobre 2021, je vais voir le saut, avec lâĂ©quipe de lâĂ©mission R  iding Zone. » Lilou poursuit, on sent quâelle commence Ă se Âresituer dans cet environnement du Manpower, visiblement mystique. « Je me mets debout sur le muret sur la zone de dĂ©part, il doit faire 10 cm de largeur. Tu sens quand tu es Âcapable de faire un saut⊠34
Je lâai senti, mais je me suis dit : âLaisse-toi quelques mois.â » Lilou sâentraĂźne alors avec son coach mental et son coach physique, Thomas Lacarriere. Elle travaille la dĂ©tente, lâimpact, les genoux, les chevilles, le fitness. Janvier 2022, petit doute⊠« Je vais risquer ma vie pour un saut ? Mais je repars de plus belle, mental, physique, Ă la salle. Je saute du toit de la maison, ma mĂšre se demande ce quâil se passe. (rires) » Fin avril 2022, Lilou est OK, et un retour au Manpower sâorganise avec Riding Zone, et le rĂ©alisateur ÂAntoine Zago-ÂHonnorat. Hugo Perrier, un traceur Ă©tudiant est aussi dans lâĂ©quipe. « Le 3 mai, câest bon ! Je vais marquer lâhistoire de mon sport, mais ça, en fait, je mâen rends compte plus tard, se remĂ©more ÂLilou. Le matin, jâai visualisĂ© le saut pendant une heure, dans mon lit, et lĂ , jây suis, sur ce petit muret. Je monte six fois dessus, et je redescends. SeptiĂšme fois, je ÂdĂ©connecte, je me lance. LâadrĂ©naline me fait sauter plus loin, la rĂ©ception est parfaite. » Lorsquâelle nous raconte ce move mĂ©morable, ce saut que les non-pratiquant· e·s jugeront forcĂ©ment insensĂ©, on la sent comme transportĂ©e sur le lieu de lâaction, au moment de ce saut si symbolique. LâĂ©motion est palpable alors que Lilou raconte son plus gros exploit Ă date. « Un an de prĂ©paration, un an de rĂȘve, un an de peur, tout cela mĂ©langĂ©. Les gens autour de moi hurlent, je nâai jamais eu une telle sensation. Câest lâexploit dont je suis la plus fiĂšre. » Le Manpower est Ă Âjamais associĂ© Ă la premiĂšre femme qui aura osĂ© lâaffronter : ÂLilou Ruel.
pendant cinq mois, mais tout va bien, au lycĂ©e, avec mes potes. Je vais bien malgrĂ© tout, car jâai dâautres choses dans ma vie, mĂȘme si je suis dĂ©goĂ»tĂ©e cĂŽtĂ© parkour ! » De retour au club pour sâentraĂźner aprĂšs sa convalescence, les relations avec Yassine se compliquent. Leurs routes se sĂ©parent. « Je me rends dans un autre spot, une salle de âParkour Ninjaâ, ÂlâUrban Corp, Ă Toulouse. Je vais voir, ça vient dâouvrir. Je dĂ©couvre une salle plutĂŽt cool, un bac Ă mousse, je me jette, je mâamuse comme une folle⊠Mais je me fais une Ă©norme entorse Ă la cheville, elle fait trois fois sa taille habituelle. Me revoilĂ encore cinq, six mois sans entraĂźnement. » LĂ encore, Lilou peut compter sur lâĂ©cole, ses copains. Ăa nâest pas un drame. Elle se met Ă la musculation. Avril 2019, câest la reprise, Lilou a 16 ans, et un objectif : le Red Bull Art of Motion. La compĂ©tition la plus attendue de lâannĂ©e, habituellement organisĂ©e Ă Santorin, une Ăźle des Cyclades, mais qui se tient Ă Matera, sud de lâItalie, cette annĂ©e-ÂlĂ . « Gagner cette compĂ©tition, jâen rĂȘve », se souvient-elle. THE RED BULLETIN
Lilou
Avouez-le⊠il vous a fallu quelques secondes pour comprendre cette photo.
« La notion de style mâest venue progressivement, comme le cĂŽtĂ© artistique. Jâai toujours aimĂ© la photo, la vidĂ©o. Dans le parkour, on peut mixer ce que lâon veut, on peut ĂȘtre crĂ©atif, ça nâest pas juste de la performance. » Sur le tournage pour Mini, Lilou a pris conscience quâelle adore ĂȘtre devant une camĂ©ra. « Jâaime ce moment oĂč lâon entend âAction !â. Câest trop bien, câest magique. Ătre au centre de lâattention, donner ce que tu peux pour le projet, jâadore ça. Tu as une mission et les gens attendent beaucoup de toi. Dans ces moments-lĂ , je me dis que je suis lĂ oĂč je dois ĂȘtre. » Pour un long moment, confinement oblige, lĂ oĂč doit ĂȘtre Lilou, câest chez ses parents. LĂ encore, elle prend les choses avec la plus grande positivitĂ© qui soit. « Il fait beau, jâai ma structure dans le jardin, le trampoline, la piscine, mon voisin⊠Je fais de la musculation et de la mĂ©ditation chaque matin. Je suis au paradis ! » Elle met Ă profit cette pĂ©riode de confinement pour sâouvrir Ă la mĂ©ditation. « Câest un gros tournant pour moi, je mâouvre aux signes de lâunivers. Je lis beaucoup de livres sur ce sujet, sur le dĂ©veloppement personnel. Jâai vu des effets positifs dans cette pĂ©riode de covid/confinement. »
Attirer les choses MĂ©ditation
Le 5 octobre, câest le dĂ©part⊠« Je perds ma valise en route, et durant les entraĂźnements, mon talon me refait mal⊠Je termine avant-derniĂšre. Câest un peu dur⊠mais ce nâest pas grave ! » Face Ă ses diverses dĂ©convenues durant le dĂ©but de sa carriĂšre, Lilou montre une attitude positive : les choses sont ainsi, elle sera de retour aux affaires un peu plus tard, en attendant, la vie est belle et continue. Lilou est une athlĂšte sincĂšrement passionnĂ©e et dĂ©vouĂ©e Ă 100 % Ă sa discipline, mais elle sait sâappuyer sur des bases de vie solide, amis, famille, en cas de souci.
De retour dâItalie, Lilou reprend, dans son jardin et chez Urban Corp.. « Et un peu en ville, quand mes parents peuvent mâamener. Dâoctobre 2019 Ă fĂ©vrier 2020, je mâentraĂźne. Jâai plus de followers, plus de notoriĂ©tĂ©. Je suis bien. » La mĂȘme annĂ©e, Lilou a lâopportunitĂ© de sâexprimer dans un spot publicitaire pour Mini Cooper, tournĂ© Ă Lille. « Il y a une styliste, du maquillage, je suis une vraie star », plaisante Lilou. Elle a Ă©galement figurĂ© dans un clip musical en 2018, pour lâartiste De La Romance, TempĂȘte, rĂ©alisĂ© par Louis Vignat. LâexpĂ©rience lilloise lui donne Âlâenvie de performer avec plus de style.
« Le parkour, ça nâest pas que de la performance, on peut ĂȘtre crĂ©atif. » THE RED BULLETIN
Dans le jardin familial, Lilou a installĂ© son propre set-up de palettes, intĂ©grant des barres. Nicolas dispose du mĂȘme genre de structure dans son jardin. Ils sâentraĂźnent chez lâun ou lâautre. Le fameux voisin aura Ă©tĂ© le dĂ©clencheur et lâinspiration premiĂšre pour Lilou dans le parkour et freerunning. « Il est trĂšs talentueux, il a son propre style dâenchaĂźnement de lignes. Cela mâa beaucoup inspirĂ© : avoir son propre style, unique. Câest pour cela que je suis connue : mon style. Il est unique pour une fille. Je suis dans un mix de freerunning et de tricking (acrobaties au sol, ndlr). » En avril 2021, Lilou participe au Red Bull Al-Andalus, en Espagne, une compĂ©tition mixte (freerun et parkour) en Andalousie. « Je gagne, câest le rĂȘve absolu. » CâĂ©tait pourtant mal barré⊠« En fait, jâai subi une opĂ©ration deux semaines avant, et je nâai pas pu mâentraĂźner pour cette compĂ©tition. Je me suis alors concentrĂ©e sur la mĂ©ditation et la visualisation. » Câest-Ă -dire ? « Je me visualisais faisant du parkour, de la muscu, levant le trophĂ©e et lâembrassant. Tu visualises tout ce que tu veux voir 35
Lilou
sâaccomplir, et au bout dâun moment, ton cerveau ne fait pas la diffĂ©rence. Le visualiser, câest le vivre. » Lilou raconte ne sâĂȘtre jamais aussi bien sentie que durant cette compĂ©tition pour laquelle elle nâa pas pu sâentraĂźner. Et elle embrasse littĂ©ralement le trophĂ©e, comme elle lâavait Âvisualisé⊠Lâapproche mentale de Lilou a dĂ©butĂ© en fĂ©vrier 2021 quand elle est contactĂ©e par un coach et prĂ©parateur mental, Alexandre Lacaze. « Il cherchait des athlĂštes Ă aider, pour se faire connaĂźtre. On sâest calĂ© une visio toutes les deux ou trois semaines, et puis on est resté·e·s en contact entre chaque sĂ©ance. Il tâapporte des outils selon tes avancĂ©es, des conseils de nutrition aussi. Il mâa suivi pendant un an et demi, tant sur la visualisation que la mĂ©ditation. Cela te permet de te concentrer sur le positif, et de retourner le nĂ©gatif. Cela tâenseigne que si tu veux des choses dans la vie, tu peux les attirer. »
Nulle Ă ch*er !
Peu aprĂšs le Red Bull Al-Andalus, Lilou, qui est en terminale Eco/Social, obtient son Bac (15,86 !) et dĂ©cide de sâoctroyer une annĂ©e de cĂ©sure. Mais elle doit dâabord participer au Red Bull Art of Motion, organisĂ© cette fois sur deux bateaux, Ă Piraeus en GrĂšce, le 10 juillet. « Jâobtiens le meilleur trick, et je termine deuxiĂšme. Je suis trĂšs contente, fiĂšre de moi. » Lilou enchaĂźne ensuite sur la Coupe du monde de freerunning et Âparkour en Bulgarie, Ă Sofia, en
Âseptembre 2021. « Le niveau des femmes est trĂšs trĂšs haut, se remĂ©more-t-elle. Je termine premiĂšre en freerunning et deuxiĂšme en parkour. Je suis âla reine du mondeâ, câest magique ! » Vous vous demandez encore peutĂȘtre Ă ce stade quelle est la diffĂ©rence entre le parkour et le freerunning ? Lilou vous explique â dans le cadre de la compĂ©tition : « Le parkour doit se voir comme du speed run, on Ă©volue le plus rapidement possible sur une structure crĂ©Ă©e pour la compĂ©tition. En freerun, on Ă©volue sur un lieu ou une structure adaptĂ©e, artificielle, pour un run de 20-30 secondes, jusquâĂ 1 minute, avec des figures Ă©volutives. Cinq critĂšres sont pris en compte : style, difficultĂ©, fluiditĂ©, crĂ©ativitĂ©, exĂ©cution. » Comprendre donc que parkour Ă©gal Ă©volution la plus rapide possible dans un environnement particulier, et que freerunning Ă©gal successions de moves crĂ©atifs avec du pur flow. En plus du Bac, du Red Bull Art of Motion et de la Coupe du monde, Lilou participe Ă©galement en 2021 Ă un nouveau clip, La ConquĂȘte, pour lâartiste Luciole, rĂ©alisĂ© par Jim Rosemberg et Anh Wisle. Et entame donc une annĂ©e de cĂ©sure en septembre. Mais sây retrouve moyennement. « Fin septembre, tou·te·s mes potes ont commencĂ© leurs Ă©tudes, je suis en grosse dĂ©prime : quâest-ce que je vais faire ?! Si jâai le Âparkour en tĂȘte et
veut mây lancer de plus en plus, il me faut une transition⊠Je mâinscris en fac, septembre, octobre⊠mais les sollicitations arrivent en masse. Finalement, câest dĂ©cidĂ©, je peux vivre du parkour, fuck les Ă©tudes ! (rires) Je vais vivre de ma passion, on verra ! » AttractivitĂ© de la camĂ©ra, et des possibilitĂ©s que pourraient lui offrir le cinĂ©ma, Lilou intĂšgre une formation de cascadeuse au Campus Univers Cascade, au Cateau-CambrĂ©sis, dans le 59, Ă cĂŽtĂ© de Cambrai. Lâune des plus grosses Ă©coles au monde. « Une Ă©cole de tarĂ©s ! (rires) Ăa se passe sur dix sessions de deux semaines, pendant les vacances scolaires. Il y a tous les styles dâĂ©lĂšves : acteur·rice·s, mannequins, Ă©tudiant·e·s, chĂŽmeur· euse·s⊠Je nâai jamais Ă©tĂ© aussi bien entourĂ©e. Jâai fait cinq sessions dĂ©jĂ , et jây ai fait venir mon prĂ©parateur mental, qui est venu parler aux Ă©lĂšves. Dans cet univers, câest du mental Ă 70 %. La cascade mâapporte tellement de choses pour ma pratique du pakour. Peut-ĂȘtre que la cascade pourrait ĂȘtre un plan B⊠» IntĂ©grer une telle structure nâa pourtant pas Ă©tĂ© une partie de plaisir pour Lilou, qui a dĂ» se challenger. « Combats, fights, chutes⊠Je suis arrivĂ©e dans cet univers sans aucune f acilitĂ©, complĂštement nulle, au niveau -10. Jâai dĂ» apprendre en partant de rien. Je me suis sentie nulle Ă chier ! Et jâen chie encore. (rires) Ăa fait du bien Ă lâego. Câest dommage de rester dans sa zone de confiance, il faut dĂ©velopper son vrai potentiel. Et Ârester humble. Si tu penses tout savoir, tu ne resteras pas o  uvert. »
« Combats, fights, chutes⊠Jâarrive dans la cascade sans facilitĂ©. » 36
THE RED BULLETIN
Bluffant : pour Lilou Ruel, Paris est un terrain dâexpression et de crĂ©ativitĂ© sans limites.
Lilou
Tout son amour
Au calme : pause Ă©nergisante pour Lilou, les toits en zinc de Paris et son futur Ă lâhorizon. Pour sĂ»r, il sera riche de projets, de dĂ©couvertes et de performances.
Dans lâacting, Lilou, la Championne du monde de freerunning 2021, peut ĂȘtre quelquâun dâautre, et voit un nouveau centre dâintĂ©rĂȘt et dâinspiration. « Peindre, dessiner, sâintĂ©resser Ă tout, sans aucune barriĂšre, tout peut sâentrechoquer, pour crĂ©er du jamais-vu. Pourquoi se limiter Ă une discipline ? Câest lâexemple de mon tournage Ă la chapelle Saint-Joseph de La Grave Ă Toulouse, un film rĂ©alisĂ© par Antoine Zago (intitulĂ© Le DĂŽme De La Grave, et disponible sur YouTube, ndlr). Ce projet est un mix de culture, de mouvement, de proposition cinĂ©matographique et de sport. » 38
« Je mâentraĂźne avec amour, sans me forcer. »
Câest avec un autre faiseur dâimages que Lilou Ruel sâest associĂ©e pour la cover story de ce numĂ©ro, Little Shao, photographe rĂ©fĂ©rence dans la scĂšne breaking, et attirĂ© par le mouvement. « On sâapporte Ă©normĂ©ment avec Shao, venant du breaking, il sait quels mouvements peuvent marcher. » Les deux talents se sont retrouvĂ©s Ă Paris pour produire les photos exclusives de cet article. Paris, une Ă©vidence pour Lilou. « Câest une ville importante pour moi. Le parkour est nĂ© Ă Paris, avec David Belle et les Yamakasis. La pratique a Ă©normĂ©ment Ă©voluĂ© depuis eux, mais Paris reste la ville oĂč tout est possible, tout est beau. DĂšs que je viens Ă Paris, je sais que je vais vivre quelque chose de fou, dâincroyable. Jâhabiterai ici un jour, jâai de grandes choses Ă y faire. » Quel meilleur guide que Simon ÂNogueira, Ă©voquĂ© plus haut, pour Ă©voluer Ă Paris. « Il nous a aidĂ©s pour ce shooting avec Little Shao, Simon est le guide incontestĂ© des toits de Paris. Je lâai toujours suivi, il a toujours Ă©tĂ© une inspiration pour moi, il est chouette ! » Lilou, câest un mix de naturel et de dĂ©termination. Avec elle, les choses semblent aller de soi. « Je mâentraĂźne avec amour, sans me forcer, sinon ce nâest pas productif, je ne force pas les choses⊠Jây mets du plaisir, et tout mon amour. » Et mĂȘme si elle est consciente de lâimpact des followers sur sa discipline et le succĂšs de ses performances, Il faut selon elle, « dâabord penser Ă soi, mĂȘme sâil faut trouver un juste milieu entre tes goĂ»ts et ce qui plaĂźt aux gens qui te suivent ». Son rapport aux rĂ©seaux sociaux est plutĂŽt sain. « Je lis tous les commentaires de mes followers sur Instagram, et jây trouve trĂšs peu de haters, câest trĂšs rare⊠Câest un bonheur de lire les commentaires, et je rĂ©ponds dĂšs que possible. Si je vois quelque chose de nĂ©gatif, je me dis que la personne qui Ă©crit cela est un peu comme un enfant. » La suite, pour cette jeune athlĂšte, câest quoi ? Avec quel nouveau projet Lilou Ruel va-t-elle ravir ses fans ces prochains mois et annĂ©es ? « Peut-ĂȘtre moins de compĂ©tition et plus dâesthĂ©tique, nous dit-elle. Aller vers mon cĂŽtĂ© artistique, vers la mode, travailler avec des marques de luxe, des musĂ©es, faire vivre mon sport dâune autre maniĂšre. Je ne me ferme Ă rien. Je veux crĂ©er du jamais vu. Câest f abuleux et flippant Ă la fois. Mais il ne faut pas avoir peur de lâinconnu. » Instagram : @lilouruel THE RED BULLETIN
PADEL MANIA
Le PADEL a le vent en poupe. Un petit frĂšre du tennis ? Pas tout Ă fait ! David Beckham et JĂŒrgen Klopp comptent parmi les prĂ©curseurs de ce curieux sport en cage. Les deux plus grands joueurs au monde vont vous donner dix bonnes raisons de vous y mettre !
GIANFRANCO TRIPODO/RED BULL CONTENT POOL
TEXTE CHRISTIAN EBERLE-ABASOLO
NUMĂRO UN Juan LebrĂłn, 28 ans, numĂ©ro un mondial entre 2019 et 2022. Le padel a dĂ©jĂ fait plus de 25 millions dâadeptes dans le monde.
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LES PARTENAIRES Le padel se joue en double. Alejandro GalĂĄn (Ă droite) et ÂLebrĂłn sont coĂ©quipiers depuis 2020.
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LA RAQUETTE TECHNICAL VIPER JUAN LEBRĂN Plus petite, plus maniable, mais plus lourde quâune raquette de tennis. Largeur : 260 mm LES TROUS Ils vont permettre de donner plus ou moins de flexibilitĂ© Ă la tĂȘte de raquette au moment de la frappe et de rĂ©duire la ÂrĂ©sistance de lâair (un peu comme lâespacement des cordes sur une raquette de tennis). Longueur max. : 455 mm
Ne rougissez pas si le mot « padel » est pour vous synonyme de kayak ou de rafting. AprĂšs tout, ce sport que lâon dĂ©crit souvent comme un mĂ©lange entre tennis et squash nâest pas encore trĂšs rĂ©pandu chez nous, et il faut bien avouer quâon aurait pu le baptiser autrement (le terme vient en fait du nom de la raquette). Cela dit, lâĂ©poque oĂč lâon confondait padel, ou padel-tennis et paddle le sport aquatique sera bientĂŽt rĂ©volue. DĂ©jĂ sport national en Espagne et en Argentine, ce sont maintenant la plupart des pays europĂ©ens qui adoptent ces raquettes atypiques avec des trous dans le tamis. Le padel est le sport de raquette qui se dĂ©veloppe le plus au monde. Mais dâoĂč vient cette Ă©volution ? Quâestce qui rend ce sport si spĂ©cial ? Juan LebrĂłn, 28 ans, et Alejandro GalĂĄn, 27 ans, nous ont aidĂ©s Ă trouver 10 bonnes raisons. ÂNumĂ©ros un mondial de 2020 Ă 2022, les deux Espagnols, tombĂ©s dedans quand ils Ă©taient petits, sont les mieux placĂ©s pour nous expliquer cette fascination planĂ©taire pour le padel⊠et pourquoi ce sport peut vous Âaider dans vos relations.
LA TĂTE DE RAQUETTE
Ăpaisseur : 38 mm
Composée en surface soit en fibre de verre, soit en carbone. Dans le noyau de la raquette, on retrouve une mousse de différentes densités dont la fonction est de réguler la flexibilité des fibres pour lui donner plus ou moins de puissance ou de contrÎle.
DRAGONNE DE SĂCURITĂ EmpĂȘche les raquettes de sâenvoler et de blesser quelquâun sur le court Ă©troit.
Padel La porte Permet au joueur de rattraper une balle longue sortie Ă lâextĂ©rieur du terrain.
1m 3m
10 m 20 m LE TERRAIN DE PADEL Pour schĂ©matiser, câest un petit terrain de tennis dĂ©limitĂ© par des vitres et des grilles.
SASCHA BIERL JAIME DE DIEGO/RED BULL CONTENT POOL, GETTY IMAGES
Vous vous ĂȘtes toujours demandĂ© Ă quoi servaient tous ces calculs dâangles Ă lâĂ©cole ? Le terrain de padel vous Âapporte enfin une rĂ©ponse. Le terrain de jeu Ă©tant dĂ©limitĂ© par des vitres, une frappe trop puissante nâest pas forcĂ©ment perdue comme au tennis mais rebondit partout sur le terrain. Le but est de la renvoyer du cĂŽtĂ© adverse (en touchant dâabord le sol et le mur). Angle, rotation et force de frappe dĂ©terminent la maniĂšre dont la balle rebondit sur le mur. Prendre la balle Ă la volĂ©e est une option parmi tant dâautres, car quiconque pense avoir dÂĂ©chiffrĂ© le code du padel grĂące Ă ses connaissances en gĂ©omĂ©trie et en Âbillard aprĂšs seulement quelques Ă©changes va vite dĂ©chanter. La grille (situĂ©e prĂšs du filet) fait rebondir la balle de maniĂšre imprĂ©visible. De quoi faire sâarracher les cheveux mĂȘme aux vrais matheux.
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1 D E Lâ I N T Ă R Ă T D âAV O I R FAIT DE LA GĂOMĂTRIE Ă Lâ Ă C O L E
SUR LES TRACES D E S A R I S T O C R AT E S
LE PIONNIER Le jet-setter Alfonso de Hohenlohe-Langenburg (â 2003) fait construire les premiers terrains de padel en Espagne en 1974.
Le padel ne nous vient pas de Suisse mais du Mexique (selon la lĂ©gende) : disposant dâun terrain limitĂ© derriĂšre sa maison, Enrique Corcuera fait construire une petite aire de jeu avec un filet bas entourĂ© de parois pour sâamuser avec ses invité·e·s. Parmi les hĂŽtes, son associĂ© Alfonso de Hohenlohe- Langenburg. Oui, le pĂšre de Hubertus de Hohenlohe, cĂ©lĂšbre jet-setter et skieur aurĂ©olĂ© de 26 participations aux championnats du monde et aux JO pour le Mexique. Rapidement conquis, Alfonso fait construire deux installations dans son club de Marbella, lieu incontournable dans les annĂ©es 1970. Depuis la Costa del Sol, ce nouveau sport se rĂ©pand comme une traĂźnĂ©e de poudre chez les millionnaires argentins et les cĂ©lĂ©britĂ©s espagnoles pour conquĂ©rir le monde hispanophone puis le reste du monde. « Difficile dâen revendiquer la paternitĂ©, explique le champion Alejandro GalĂĄn, lâun des prĂšs de 3,5 millions de joueurs de padel espagnols. Venu dâArgentine, inventĂ© au Mexique, ce sport conquis toujours plus de pays, je trouve ça Âvraiment gĂ©nial. » 43
4 3 IL NE SUFFIT PAS DâĂTRE G R A N D E T C O S TA U D
ON EN APPREND PAS MAL SUR LA VIE Ă DEUX
Aces, coups droits, smashs, services gagnants⊠au tennis, plus un adversaire est grand et fort, plus il est difficile Ă battre. Au padel, la supĂ©rioritĂ© physique est relativisĂ©e par un service en dessous de la taille, une balle plus molle et des parois en verre. Comme les coups durs rebondissent contre le mur (voir point 1), il nây a que trois options pour « tuer » un point, comme disent les pros. ÂPremiĂšrement : frapper la balle dans un angle pour la faire passer au-dessus du mur aprĂšs avoir touchĂ© le sol (un « Smash Ă4 » pour les initié·e·s). DeuxiĂšmement : smasher assez fort pour que la balle passe au-dessus du mur de la zone adverse et revienne dans son camp. TroisiĂšmement : jouer avec finesse. « Mesurer deux mĂštres ne va pas te servir Ă grand-chose si tu joues mal, explique Alejandro GalĂĄn. Il faut faire preuve de luciditĂ©, de technique et de prĂ©cision, surtout en dĂ©fense. » VoilĂ pourquoi les Ă©changes au padel durent en moyenne 60 % plus longtemps quâau tennis. Les pros sont mĂȘme capables de rĂ©cupĂ©rer un « Smash Ă3 » (frappe puissante qui sort sur le cĂŽtĂ© gauche ou droit du terrain) en passant par la porte et de renvoyer la balle sur le terrain.
Le padel se joue majoritairement en double. Chaque joueur ou joueuse doit donc trouver un ou une partenaire, entretenir de bonnes relations avec Âcelui-ci ou celle-ci et supporter des sĂ©parations parfois difficiles. « Je trouve ça bien, explique Alejandro GalĂĄn, qui a connu quatre partenaires de jeu avant Juan LebrĂłn et a du jouer quelques temps en solo quand ce dernier sâest blessĂ© en mai. Dans notre sport, câest normal de changer de partenaire. Lâimportant, câest de rechercher celui qui va vous faire donner le meilleur de vous-mĂȘme. Et si ça ne matche pas, il faut changer quelque chose. » On finit toujours par trouver chaussure Ă son pied, ce que rĂ©sume parfaitement LebrĂłn : « Ale et moi, on se complĂšte parfaitement, ce qui nous permet dâĂ©lever notre niveau tout en Ă©tant complĂštement synchrones sur le plan humain. Notre partenariat, câest Ă la fois un projet pour le prĂ©sent et lâavenir. » Des mots dignes dâune cĂ©rĂ©monie de mariage.
« Ale et moi, on se complĂšte parfaitement, ce qui nous Âpermet dâĂ©lever notre Âniveau tout en Ă©tant synchrones sur le plan humain. Notre partenariat, câest Ă la fois un projet pour le prĂ©sent et lâavenir. » JUAN LEBRĂN
ZLATAN Le nouveau hobby de lâex-footballeur ? Construire des terrains de padel.
« LâintĂ©rĂȘt câest de jouer ensemble, dâĂ©changer pendant et aprĂšs une partie. Pour nous, lâaspect tactique lâemporte sur lâaspect physique. » ALEJANDRO GALĂN 44
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Padel
5 DAV ID B ECKH A M Y JOU E . ÂZ L ATA N E T NE Y M A R AUS SI . E T. . .
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JĂRGEN KLOPP Toujours se rĂ©inventer ! LâentraĂźneur de Liverpool a commencĂ© sa carriĂšre de Âpadel Ă 47 ans.
UN ESPRIT DE GROUPE PRESQUE MAGIQUE
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La liste des personnalitĂ©s qui se sont ÂentichĂ©es du padel est un vĂ©ritable whoâs who du football : Neymar, meilleur Âbuteur brĂ©silien de tous les temps, a fait construire deux terrains sur sa propriĂ©tĂ© de Rio. David Beckham sâest fait filmer par la presse en train de jouer avec dâanciennes gloires du foot en marge du mondial 2022 au Qatar. Zlatan IbrahimoviÄ a dĂ©jĂ fait construire plusieurs centres de padel en SuĂšde, imitĂ© en Allemagne par Hansi Flick, sĂ©lectionneur de lâĂ©quipe nationale. Quant Ă JĂŒrgen Klopp, entraĂźneur de Liverpool et lâun des plus fervents dĂ©fenseurs du padel depuis plusieurs annĂ©es (« le meilleur sport au monde selon moi aprĂšs le football »), il possĂšde non seulement un centre de padel Ă Berlin, mais a Ă©galement lancĂ© sa propre ligne de raquettes. Pourquoi le padel fascine tant ces anciens footballeurs ? La rĂ©ponse avec Marc Janko, ancien international autrichien avec 70 sĂ©lections devenu aujourdâhui lâun des meilleurs joueurs de padel dâAutriche : « Le padel est une maniĂšre de se mesurer physiquement aux autres sans trop malmener son corps pour autant. » Le terrain nâest pas grand et les contacts physiques presque inexistants. Les mouvements sont moins brutaux quâau squash et les articulations « dĂ©jĂ bien assez malmenĂ©es au cours dâune carriĂšre » selon Janko, sont moins sollicitĂ©es quâau tennis.
DES SURNOMS QUI DĂCOIFFENT
IMAGO, GETTY IMAGES
Lionel Messi est surnommĂ© « La Pulga » (la puce) en raison de sa petite taille, Max Verstappen « Mad Max » Ă cause de sa conduite « sportive » sur les pistes (est-ce vraiment un compliment ?) et le champion toutes catĂ©gories du padel, Juan LebrĂłn, est plus connu sous le sobriquet dâ« El Lobo », parce quâil tend tellement son cou quand il fait des reprises quâil fait penser Ă un loup en train de hurler. Aouhhhhhh ! THE RED BULLETIN
« On sâamuse ensemble, pour moi câest ça le padel, explique Juan LebrĂłn quand on lui demande ce qui le fascine tellement dans ce sport. Depuis tout gosse, jâadore cet aspect du sport qui permet de faire nouvelles rencontres. Dans le bus en route vers Madrid, lors des tournois ou mĂȘme aprĂšs les matches, on rencontre toujours plein de gens qui partagent les mĂȘmes intĂ©rĂȘts. Et ça sâest encore plus dĂ©mocratisĂ© aujourdâhui avec les applis. On organise une partie avec trois joueur·euse·s inconnu·e·s, on se rencontre sur le terrain et on devient potes avec ses coĂ©quipier· Ăšre·s et mĂȘme ses adversaires. » « Le padel est un sport collectif, renchĂ©rit Alejandro GalĂĄn, ce qui explique que les matches en simple soient si rares. Quand tu joues seul, le sport perd de sa magie. LâintĂ©rĂȘt câest de jouer ensemble, dâĂ©changer pendant et aprĂšs le match. Lâaspect tactique lâemporte sur lâaspect physique. » 45
8 BIENTĂT UN TERRAIN PRĂS DE CHEZ TOI Si beaucoup de clubs de foot et autres associations de tennis se plaignent dâune baisse de leurs effectifs, les terrains de padel, eux, connaissent une croissance endĂ©mique dans plusieurs pays. Les seize modestes terrains recensĂ©s en ÂAutriche en 2019, sont passĂ©s Ă 100 en 2021 pour atteindre 220 un an plus tard. Pour prendre le pouls de cette Ă©volution, il suffit de regarder la Scandinavie. En Finlande, le nombre de terrains a Ă©tĂ© multipliĂ© par huit entre 2019 et 2022 (788 actuellement). En SuĂšde, le chiffre sâest multipliĂ© par douze en lâespace de trois ans (3 500 terrains). La probabilitĂ© de trouver un terrain prĂšs de chez soi augmente presque quotidiennement. La France, elle, est passĂ© de 995 terrains en 2021 a prĂšs de 1 500 fin 2022. PlutĂŽt que les institutions publiques, ce sont justement ces investisseurs qui supportent majoritairement le coĂ»t des structures. Le sport en tant que modĂšle commercial : 60 000 euros suffisent pour construire un terrain, fondations, surface (deux, trois tonnes de sable) et Ă©clairage compris. (Bien plus rentable que dâinvestir dans des biens immobiliers, de nos jours.)
« Mesurer deux mĂštres ne va pas te servir Ă grandchose si tu joues mal. Il faut faire preuve de luciditĂ©, de technique et de prĂ©cision, surtout en dĂ©fense. » ALEJANDRO GALĂN 46
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TRAVAIL DâĂQUIPE Juan LebrĂłn (Ă gauche) et Alejandro GalĂĄn en pleine partie. Le padel connaĂźt un engouement international et pourrait faire son entrĂ©e aux JO de 2032.
ENFIN DU CONTENU POUR TIKTOK Si le padel est tellement Ă la mode en ce moment, câest parce quâil est facile de sây mettre. Alors quâau tennis, il faut des ÂannĂ©es dâentraĂźnement pour soigner son revers, on progresse vite au padel. La raquette, constituĂ©e dâune zone de frappe dure en composite (donc non cordĂ©e), pardonne certaines erreurs de positionnement. Parfois, il suffit de toucher la balle, tout simplement. Cela donne lieu Ă des Ă©changes spectaculaires bien vite immortalisĂ©s sur les portables et partagĂ©s sur les mĂ©dias sociaux. Avalanche de likes en perspectiveâŠ
Premier Padel : le tournoi de Madrid.
JAIME DE DIEGO/RED BULL CONTENT POOL, PREMIERPADEL
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PROGRESSER DEPUIS SON CANAPĂ Des frappes redoutables qui passent du mur au terrain adverse, des joueur·euse·s qui rĂ©cupĂšrent une balle en sprintant hors du terrain, Juan LebrĂłn qui sâĂ©tire comme un loup hurlant⊠Pas encore convaincu ? Rejoignez-nous sur redbull. com/padel pour mieux comprendre ce sport Ă la mode, regarder des parties de padel en direct et apprendre quelques Âastuces pour vos prochaines parties.
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UNE FOLIE
Des champions engagĂ©s dans un fight Ă©pique en plusieurs dimensions. Des rivalitĂ©s ancestrales entre DEUX HĂROS qui partagent un passĂ© commun mais dont le destin diffĂšre. Ce nâest pas un mythe. Câest le Championnat du monde de League of Legends. Texte DANIEL BROWN 48
COLIN YOUNG-WOLFF
T1 contre DRX lors de la finale des Worlds, au Chase Center de San Francisco. Sold out en 5 minutes.
Lil Nas X se produit dans un hologramme gĂ©ant (ci-dessus). CĂ©rĂ©monie dâouverture des Worlds 2022.
LOL
Ligue majeure : T1 monte sur scĂšne lors de la cĂ©rĂ©monie dâouverture. Les joueurs, notamment Faker (au centre de la photo) sont de grandes cĂ©lĂ©britĂ©s dans leur pays dâorigine, la CorĂ©e du Sud.
COLIN YOUNG-WOLFF
A
prĂšs la derniĂšre note de Star Walkinâ, chanson que le jeu League of Legends lui a inspirĂ©e, le rappeur Lil Nas X surgit dans les backstages. Arborant une perruque rose gold et un plastron ÂmĂ©tallique Ă©tincelant, il resplendit. MĂȘme au sein dâune arĂšne oĂč bon nombre des 14 548 fans sont arrivé·e·s en cosplay pour assister Ă la finale qui termine en beautĂ© le Championnat du monde de League of Legends 2022, Lil Nas X ne passe pas inaperçu dans les couloirs du Chase ÂCenter de San Francisco. « Tâas tout dĂ©chirĂ© ! », lui crie une femme au passage. « Jâadore ta robe », lance Lil Nas X sans pour autant sâarrĂȘter. Le rappeur se hĂąte jusquâaux vestiaires que les stars de la NBA considĂšrent comme un havre de paix pendant tout lâautomne. On lui braque une camĂ©ra sur le visage pour lui demander : « Quâest-ce que ça fait de savoir que des millions de personnes ont vu ta performance ? » « Quâest-ce que ça fait ? Lil Nas X rĂ©pĂšte en souriant. Câest dingue. Ăa reprĂ©sente un monde fou. » Fou⊠Lil Nas X a vraiment le mot juste. Le Championnat du monde de League of Legends, alias les Worlds, constitue lâapogĂ©e des compĂ©titions de jeu vidĂ©o. ClĂŽturant chaque annĂ©e la saison des ligues rĂ©gionales, lâĂ©vĂ©nement rĂ©unit 24 Ă©quipes Ă lâoccasion dâun tournoi de cinq semaines qui
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dĂ©signera la meilleure Ă©quipe au monde dans le plus gros jeu dâesport : League of Legends, ou LoL pour ses fans. Pendant les matches, deux Ă©quipes de cinq joueurs sâaffrontent au sein dâune arĂšne magique, la Faille de lâinvocateur. Sur une immense carte que lâon peut faire dĂ©filer, les deux Ă©quipes commencent la partie Ă proximitĂ© de leur base, appelĂ©e Nexus et situĂ©e Ă lâune des extrĂ©mitĂ©s du terrain de jeu. Elles ont alors le choix entre trois chemins diffĂ©rents (la voie du haut, la voie du milieu et la voie du bas) pour atteindre la base ennemie. Tout le reste de la carte correspond Ă la jungle. Le but du jeu consiste Ă dĂ©truire le Nexus de lâadversaire. Jusque-lĂ , rien de bien compliquĂ©. Mais ajoutez-y la possibilitĂ© de choisir parmi plus de 160 personnages (ou « champions ») disposant chacun de leurs propres compĂ©tences, forces et Âfaiblesses, et vous obtenez une infinitĂ© de combinaisons pour tenter de jouer en Ă©quipe de façon optimale. On pourrait comparer LoL Ă un jeu dâĂ©checs oĂč toutes les piĂšces bougent en temps rĂ©el, se battent, acquiĂšrent des points dâexpĂ©rience (XP), collectent de lâor et respawn (ressuscitent) quand elles tombent. Sans compter les monstres, les sbires, les tourelles et bon nombre de rebondissements. On dit que lâapprentissage des Ă©checs est facile mais que leur maĂźtrise nĂ©cessite toute une vie. Pour LoL, câest lâapprentissage en lui-mĂȘme qui pourrait bien nĂ©cessiter toute une vie. Les fans adorent cette stratĂ©gie Ă la Sun Tzu et dĂ©battent sans relĂąche des tactiques Ă employer sur des subreddits communautaires comptant des millions de membres. Ă elle seule, la cĂ©rĂ©monie dâouverture des Worlds 2022 donne â ou plutĂŽt hurle â le ton de lâenvolĂ©e surrĂ©aliste dâun jeu vidĂ©o vieux de quatorze ans. DĂ©voilĂ© en 2009 par lâĂ©diteur de jeux vidĂ©o amĂ©ricains Riot Games, LoL est passĂ©, dâune maniĂšre ou dâune autre, des chambres dâado Ă un Ă©vĂ©nement oĂč un double laurĂ©at des Grammy Awards a chantĂ© lâhymne officiel 51
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diffusion. « Le GOAT contre lâalpaga ! », a ajoutĂ© son collĂšgue Kobe, Ă©chauffant davantage la foule. Lâhistoire remonte encore plus loin. Faker et Deft Ă©taient dans la mĂȘme classe au lycĂ©e sud-corĂ©en Mapo, mais ils ne se cĂŽtoyaient pas. DĂ©jĂ Ă lâĂ©poque, Faker dominait son rival. « JâĂ©tais le premier dans la compĂ©tition LoL de lâĂ©cole. Mon pseudo, câĂ©tait âMapo High Schoolâs Fiery Fistâ », se souvient ÂFaker. « JâĂ©tais dans les centiĂšmes », se rappelle Deft. Lors dâune sĂ©ance photo assez glaciale quâils devaient rĂ©aliser pour les Worlds, un photographe a tentĂ© de rapprocher les adversaires. « Meilleurs potes », leur a-t-il dit avec enthousiasme. Deft et Faker ont tout simplement ignorĂ© cette requĂȘte, et ils se sont ignorĂ©s lâun lâautre. Par la suite, Faker a dĂ©clarĂ© : « Nous sommes restĂ©s en concurrence trop longtemps. Nous nâavons forgĂ© aucun lien. »
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algrĂ© tout, leur respect mutuel empĂȘche de ressentir un vĂ©ritable malaise. « Ils ont un cĆur pur, et leurs personnalitĂ©s sâaccordent extrĂȘmement bien », explique Tyler Erzberger, expert du secteur et ancien journaliste dâe-sport. « Ce sont des gens que vous avez envie de soutenir. Il nây a pas de mĂ©chant dans lâhistoire. » Quelques semaines avant la finale, quand DRX Ă©tait aux portes de lâĂ©limination pendant les phases de groupes, Deft a Ă©tĂ© interrogĂ© par un mĂ©dia corĂ©en tandis que DRX Ă©tait menĂ©e 2 Ă 0 au meilleur des cinq manches, et a fait une dĂ©claration qui est devenue un cri de ralliement pour toute la CorĂ©e. « Le plus important, a-t-il dĂ©clarĂ©, câest un cĆur impossible Ă briser. » Les places des Worlds 2022 se sont vendues en moins de cinq minutes, un record absolu pour le Chase Center. La finale des Worlds a Ă©tĂ© mentionnĂ©e en ligne dans plus de 240 pays, et le monde entier partage un intĂ©rĂȘt similaire.
COLIN YOUNG-WOLFF
du tournoi (Lil Nas X avait Ă©tĂ© nommĂ© « PrĂ©sident de League of Legends » deux mois plus tĂŽt) dans un stade ayant coĂ»tĂ© 1,6 milliard de dollars, au beau milieu dâune reprĂ©sentation holographique de Runeterra â le royaume oĂč se dĂ©roule le jeu â et fini sa prestation au creux de la main dâune version virtuelle gĂ©ante dâAzir, un personnage de LoL. Cette performance de 3 minutes et 57 secondes au Chase Center a nĂ©cessitĂ© une Ă©quipe de production de 2 000 personnes et 80 semi-remorques de matĂ©riel, alors quâun concert standard nâen demande quâune vingtaine. « Je suis vraiment tĂ©moin dâune histoire comme celle-lĂ ? », a dĂ©clarĂ© Jeon Yong-jun, alias Caster Jun, star de lâesport rĂ©sidant Ă SĂ©oul et cĂ©lĂšbre pour sa voix de stentor. En effet, DRX, une Ă©quipe que lâon pourrait qualifier de « longshot », a dĂ©crochĂ© de justesse sa place pour le tournoi mondial puis, contre toute attente, elle a anĂ©anti T1, le mastodonte de League of Legends, en finale. Lors de cette fameuse finale, le trĂšs populaire Faker, triple champion des Worlds, souvent considĂ©rĂ© comme le plus grand joueur LoL de tous les temps et surnommĂ© le « Michael Jordan de lâesport », sâest inclinĂ© face Ă Deft, joueur obstinĂ© et surtout connu pour ses dĂ©faites cuisantes pendant le premier tour qui se tient chaque annĂ©e au moment de son anniversaire. Ce dernier a tellement Ă©tĂ© rongĂ© par lâangoisse et la dĂ©ception quâil lui est dĂ©jĂ arrivĂ© dâenvisager la retraite. Faker (Lee Sang-hyeok de son vrai nom) et Deft (Kim Hyukkyu de son vrai nom) Ă©taient les grands protagonistes de la Âfinale des Worlds 2022. Ă tel point que, lorsque DRX a obtenu une manche dĂ©cisive dans ce match au meilleur des cinq, on se serait crus spectateurs dâun combat singulier Ă lâaube. « Ensemble, Faker et Deft ont jouĂ© plus de 2 000 parties. Nous allons en retrouver ici toute la substantifique moelle ! », a hurlĂ© le commentateur Caedral Ă pleins poumons lors de la
Plus de 14 000 fans ont assistĂ© Ă la finale du Championnat du monde League of Legends 2022, dont beaucoup Ă©taient habillé·e·s en personnages et crĂ©atures du jeu. JusquâĂ en perdre la vue.
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« Mes fans dâAmĂ©rique mâappellent âDieuâ. » Faker
Les T1 (en noir) ont dĂ©jĂ gagnĂ© trois fois ; lâĂ©quipe DRX (en blanc et photo ci-contre) Ă©taient leurs outsiders.
COLIN YOUNG-WOLFF, LANCE SKUNDRICH
Une fan montre son soutien Ă la star introspective des DRX, Deft.
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« Faker/Deft, câest comme quand Messi jouait au Barça et Ronaldo au Real. » Le joueur DRX Hong « Pyosik » Chang-hyeon et sa bague de vainqueur. La pierre est un saphir entourĂ© dâor blanc.
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Enfin, tous les messages ne sont pas forcĂ©ment des encouragements. En aoĂ»t dernier, des fans de T1 ont envoyĂ© un camion publicitaire au stade LoL Park de SĂ©oul avant le match de lâĂ©quipe contre sa rivale locale, Nongshim RedForce. MĂ©content·e·s du nouveau staff qui, selon elles·eux, ne comprenait pas lâĂ©quipe, les fans y avaient inscrit le message suivant : « On nâa pas besoin de coachs incompĂ©tents⊠Nommez des anciens joueurs qui ont dĂ©jĂ fait leurs preuves pour entraĂźner lâĂ©quipe. » Le fait que les meilleurs joueurs viennent souvent de CorĂ©e du Sud participe Ă accroĂźtre lâintĂ©rĂȘt. Aiden Lee compare la dynamique Faker/Deft Ă lâĂ©poque oĂč Lionel Messi jouait pour le FC Barcelone et Cristiano Ronaldo avait Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© au Real Madrid. Cette « nouvelle version dâEl Clasico [rivalitĂ© footballistique historique] avait attirĂ© lâattention du monde entier. » Caster Jun a obtenu son premier contrat dâesport en 1999. Ă ce moment-lĂ , ce sport populaire avait dĂ©collĂ© avec Internet et les cybercafĂ©s corĂ©ens. « Jâai quittĂ© mon emploi en juin 2000 pour travailler en tant que commentateur de jeu sur une chaĂźne de diffusion », se remĂ©more-t-il.
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aster Jun a pris son envol en mĂȘme temps que lâe-sport. Lorsquâil avait 30 ans, il rĂȘvait dâĂȘtre encore commentateur Dix ans plus tard. Ă 40 ans, son ambition Ă©tait identique. DĂ©sormais, Ă 51 ans, il nâa plus besoin dâafficher son objectif. « La chose la plus gratifiante dans lâunivers de lâe-sport, câest que lâon grandit ensemble, rĂ©pĂšte-t-il. Il y a vingt ans, les finales dâesport se jouaient avec des PC sur des tables de ping-pong. Aujourdâhui, on commente au Sangam World Cup Stadium ou au Gocheok Sky Dome. Belle progression, nâest-ce pas ? » Inutile de louer un panneau dâaffichage pour rĂ©pondre Ă cette question. Lee Sang-hyeok, le fameux Faker, mid laner de 27 ans sur League of Legends, a, en dix ans de carriĂšre, conservĂ© un taux Âincroyable de 66 % de rĂ©ussite, et accumulĂ© les surnoms. Il en a parlĂ© sur The Playersâ Tribune, une plateforme digitale qui Ârecueille les tĂ©moignages personnels des athlĂštes : « Mes fans dâAmĂ©rique mâappellent âDieuâ. Mes fans de CorĂ©e mâappellent âLe roi dĂ©moniaque invincibleâ. Je prĂ©fĂšre âDieuâ. Pendant le jeu, je suis juste Faker. Et je suis le meilleur joueur de League of Legends au monde. » JusquâĂ sa chute. En accomplissant son rĂȘve de victoire aux Worlds, Deft a Âenfin trouvĂ© la libĂ©ration. Pendant une grande partie de sa carriĂšre, il posait chaque soir sa tĂȘte sur lâoreiller et se repassait League of Legends en boucle. « Je ne pense plus Ă League, a affirmĂ© le joueur star de DRX quelques semaines aprĂšs son titre mondial. Je profite juste dâune bonne nuit de sommeil. » Deft avait 26 ans au moment de cette victoire, ce qui fait de lui le joueur le plus ĂągĂ© Ă remporter les Worlds (surpassant le CorĂ©en Kang « Ambition » Chan-yong, qui avait 25 ans quand son Ă©quipe, Samsung Galaxy, a obtenu le titre en 2017, et qui a pris sa retraite lâannĂ©e suivante). Deft aurait pu maudire tous les sceptiques et les dĂ©tracteur·euse·s, mais il ne lâa pas fait. Peut-ĂȘtre parce quâil avait lui-mĂȘme des doutes. « Câest paradoxal, mais mon objectif consiste Ă remporter les Worlds pour quitter le jeu, a-t-il dĂ©clarĂ© avant la finale. Si je gagne, je pourrai enfin partir sans aucun regret. » Ce projet de retraite semblait bien lointain. Avant les Worlds 2022, DRX avait peu de chances de franchir les playoffs rĂ©gionaux de la LCK, qui donnaient un ticket dâentrĂ©e pour le tournoi. Ă lâĂ©poque, Deft a assurĂ© pendant une interview que DRX avait THE RED BULLETIN
LANCE SKUNDRICH COLIN YOUNG-WOLFF
La popularitĂ© grandissante du streaming nâa fait que dĂ©cupler le phĂ©nomĂšne. Les seules diffusions en langue anglaise ont enregistrĂ© un pic record Ă 1,6 million de viewers, soit une hausse de 41 % par rapport aux Worlds 2021. En tout, la phase finale a cumulĂ© 121,7 millions dâheures de visionnage. Et le championnat 2023 qui aura lieu en CorĂ©e du Sud cet automne bĂ©nĂ©ficiera de lâĂ©lan de lâan dernier. La compĂ©tition se dĂ©roulera au Gocheok Sky Dome de SĂ©oul. Avec une capacitĂ© dâaccueil dâenviron 17 000 personnes, câest le plus grand stade couvert du pays. Berceau de lâesport â oĂč les stars locales tiennent la dragĂ©e haute Ă Taylor Swift en termes de notoriĂ©tĂ© â la CorĂ©e du Sud pourrait ĂȘtre le seul pays capable dâoffrir un spectacle au moins aussi extraordinaire. « La CorĂ©e se targue dâĂȘtre la patrie de lâe-sport, a expliquĂ© Aiden Lee, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la League of Legends Champions Korea (LCK). Non seulement elle a donnĂ© naissance Ă un phĂ©nomĂšne culturel avec StarCraft, mais elle sâest imposĂ©e comme le pays le plus compĂ©tent. Elle a les meilleures Ă©quipes League of Legends au monde, qui sont soutenues par des fans passionné·e·s. » La CorĂ©e est aussi le pays qui a remportĂ© le plus de fois la Summonerâs Cup, trophĂ©e remis au vainqueur des Worlds et qui symbolise le prestige de la compĂ©tition. Le joaillier Tiffany & Co a apportĂ© encore plus dâĂ©clat au trophĂ©e dĂšs 2022 : le nouveau graal, qui affiche 25 kg et 69 cm de haut, mĂȘle argent sterling, argent fin, acier inoxydable, laiton et bois. Il est ornĂ© de cinq poignĂ©es, une pour chaque membre de lâĂ©quipe, avec des incrustations correspondant au rĂŽle de chacun : top laner, mid Âlaner, bot laner, jungler et support. Tiffany a aussi fait graver les noms des prĂ©cĂ©dents champions sur le socle. La CorĂ©e du Sud a remportĂ© 7 victoires sur 12. Puis vient la Chine avec trois victoires. Quel Ă©tait le mot exact employĂ© par Lil Nas X dĂ©jĂ ? Fou. En CorĂ©e du Sud, il nâest pas rare que les fans dâesport louent dâimmenses panneaux dâaffichage mobiles pour adresser des messages de soutien aux entraĂźneur·e·s et aux joueur·euse·s.
« Le plus important, câest un cĆur impossible Ă briser. » Deft
Légendes en devenir : les managers de DRX se précipitent sur scÚne pour célébrer leurs joueurs victorieux.
Victoire ! DRX Ă©clatent en sanglots, Deft arrache son casque et le jette au loin. moins de 30 % de chances dâatteindre les Worlds. « En ÂvĂ©ritĂ©, je pensais quâon avait moins de 10 % de chances, a-t-il reconnu par la suite. Je voulais juste laisser un peu dâespoir aux fans. » Lorsque DRX a accĂ©dĂ© au tournoi par un trou de souris, câĂ©tait lâun des concurrents les plus faibles parmi les 24 Ă©quipes en lice. Ses chances de dĂ©passer les phases de groupes Ă©taient quasi nulles. Dans une incroyable confĂ©rence de presse organisĂ©e en amont de la finale, un journaliste a demandĂ© aux membres de T1 comment ils voyaient leur match face Ă DRX. 58
Un par un, ils ont rĂ©pondu sans hĂ©sitation. Oner : « Je pense quâon battra facilement DRX 3 Ă 0. » Keria : « Je vois un score de 3 Ă 0. » Gumayusi : « Je parie sur 3 Ă 0. » Faker : « JâespĂšre quâon gagnera 3 Ă 0. » En 1964, le jeune boxeur Cassius Clay sâest moquĂ© de son Âadversaire, le champion du monde poids lourds Sonny Liston, en conduisant jusque chez lui un bus qui affichait : « Liston va se coucher en huit rounds. » Cassius Clay a remportĂ© le match en sept rounds. Babe Ruth, cĂ©lĂšbre joueur de base-ball chez les Yankees, a, selon la lĂ©gende, annoncĂ© oĂč il allait envoyer la balle avant de rĂ©aliser un home run pendant les championnats du monde de 1932. Il nâa fallu Ă T1 que quatorze secondes pour faire 4 dĂ©monstrations dâune telle audace. Mais Ă lâabri des regards, les sempiternelles dĂ©sillusions de Deft Ă la Charlie Brown ont cĂ©dĂ© la place Ă une farouche rĂ©solution. THE RED BULLETIN
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La transition nâĂ©tait pas simple. Il nâavait jamais dĂ©passĂ© les demi-finales et ses dĂ©boires annuels lâont amenĂ© Ă une triste Âtradition pour son anniversaire, le 23 octobre : « GĂ©nĂ©ralement, je me contente de passer la journĂ©e dans ma chambre aprĂšs ma dĂ©faite aux Worlds. »
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LANCE SKUNDRICH, COLIN YOUNG-WOLFF
n 2022, il semblait prendre le mĂȘme chemin que dâhabitude quand, pour les quarts de finale au Madison Square Garden de New York â trĂšs prĂ©cisĂ©ment un 23 octobre â sa tactique a littĂ©ralement implosĂ© face Ă EDG, son ancienne Ă©quipe, championne en titre des Worlds. Tandis que Deft Ă©tait sur le point de dĂ©truire le Nexus ennemi, un inhibiteur a Ârespawn juste devant lui. Pour tous les aficionados de LoL, câest une sacrĂ©e malchance ; pour les novices, on peut comparer ce coup de thĂ©Ăątre Ă un running back de la NFL trĂ©buchant sur une bosse de la Âpelouse Ă un mĂštre de la zone dâen-but. Ou, comme le commentateur lâa si bien exprimĂ© : « Oh non ! La victoire Ă©tait Ă portĂ©e de main, Deft ! » Les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, câĂ©tait Ă ce moment-lĂ que les Âbougies sâĂ©teignaient. Et que Deft se mettait en mode room Âservice et silence de plomb. « Je ne pouvais pas y croire, a Ă©crit Deft sur The Playersâ ÂTribune. Je nâai jamais vĂ©cu ça dans toute ma carriĂšre. Et que cela se passe⊠aux Worlds⊠pendant les quarts de finale⊠contre cette Ă©quipe ? Je me suis posĂ© la question : âCâest vraiment pas pour moi, la victoire ?â » Mais cette fois-lĂ , Deft nâa pas sombrĂ©. Avant dâenchaĂźner sur la partie suivante, Deft sâest simplement motivĂ© Ă mieux jouer. « Je ne me suis pas apitoyĂ© sur mon sort, a-t-il Ă©crit. Dâune certaine maniĂšre, ça mâa libĂ©rĂ© et donnĂ© le sentiment de pouvoir agir. » Tyler Erzberger a Ă©tĂ© lâune des rares personnes en dehors de DRX Ă voir les doutes de Deft se transformer en un cĆur impossible Ă briser. « Pendant la plus grande partie du tournoi, il ne se faisait aucun cadeau. Il se disait des trucs du genre : âJe vais essayer de faire de mon mieux, mais je ne sais pas si jây arriveraiâ, se remĂ©more-t-il. Mais lorsquâil a atteint la finale, il a pu se dĂ©barrasser de ce fardeau. Et, comme par magie, lâĂ©quipe a tout raflĂ©. » Au moment de sa victoire, alors que le public du Chase Center se levait comme un seul homme, tous
RĂȘves brisĂ©s : le joueur de T1 Choi « Zeus »Woo-je rĂ©agit Ă la  éfaite choc de sa team. Maintenant, il vise la gloire en 2023. d THE RED BULLETIN
les membres de DRX â impassibles devant leur Ă©cran une fraction de seconde auparavant â ont Ă©clatĂ© en sanglots. Deft a arrachĂ© son casque et lâa jetĂ© au loin. « Câest vraiment rare que je laisse exploser ma joie Ă ce point, raconte-t-il. Mais ce jour-lĂ , jâai sautĂ© dans tout le stade. Mon corps bougeait sans mĂȘme que jây pense. Il me disait juste : âCours trĂšs vite.â Alors jâai couru. » « Aucune Ă©quipe classĂ©e quatriĂšme sur la ligne de dĂ©part nâavait atteint la finale, et encore moins remportĂ© le championnat du monde, a dĂ©clarĂ© Kobe, incrĂ©dule. Ce groupe dâamis a rĂ©alisĂ© un vĂ©ritable miracle. » Lors de la confĂ©rence de presse qui a suivi, un journaliste a demandĂ© Ă Faker sâil avait quelque chose Ă dire Ă son ancien camarade dâĂ©cole. « Je veux juste le fĂ©liciter, a-t-il rĂ©pondu avec beaucoup de sincĂ©ritĂ©. Il mĂ©rite totalement ce trophĂ©e. »
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n an plus tard, les Worlds 2023 pourraient connaĂźtre un remaniement complet de la distribution, Ă lâinstar dâune Ă©mission tĂ©lĂ©visĂ©e que lâon binge et qui espĂšre rester dans le coup. Moins de trois semaines aprĂšs la finale 2022, Deft nâa pas pris sa retraite, bien au contraire. Lâannonce de sa signature chez DWG KIA (dĂ©sormais Dplus KIA) a fait grand bruit. En rĂ©alitĂ©, tous les joueurs de DRX sont partis, sauf BeryL. Ă premiĂšre vue, il semble Âchoquant, voire triste, quâun Âcollectif ayant dĂ©crochĂ© une telle victoire se soit disloquĂ© si vite, comme un groupe qui se ÂsĂ©pare aprĂšs un album Âdâanthologie. Mais DRX nâa jamais eu pour vocation de dĂ©crocher un tel titre. Ă la minute oĂč les joueurs sont devenus cĂ©lĂšbres, on les a dĂ©bauchĂ©s, et DRX nâavait ni lâargent ni les ressources nĂ©cessaires pour les garder. Câest comme si lâĂ©quipe de football amĂ©ricain dâune petite ville remportait le Super Bowl. Les rĂ©alitĂ©s Ă©conomiques soulignent seulement Ă quel point la victoire de DRX a Ă©tĂ© extraordinaire. Faker reste chez T1, mais compte tenu de la blessure qui lâa handicapĂ© pendant une bonne partie de lâĂ©tĂ©, son Ă©quipe a faibli. Sans son porte-bonheur, elle a perdu cinq matches dâaffilĂ©e, dĂ©gringolant Ă la quatriĂšme place de la ligue, ce qui augurait un recalage quasi certain aux playÂoffs de la LCK. Le 2 aoĂ»t dernier, LoL Esports a annoncĂ© le come-Âback de Faker dans la compĂ©tition. Le jour mĂȘme, T1 a vaincu Kwangdong Freecs. Le titre de lâarticle, Le retour du roi, sâimposait de lui-mĂȘme. Une chose est sĂ»re : il faudra avoir les Ă©paules larges pour incarner la lĂ©gende cette annĂ©e. « La barre est haute, mais nous sommes impatients ÂdâĂ©pater les fans avec ce que nous leur rĂ©servons pour les Worlds 2023 », a expliquĂ© Naz Aletaha, Global Leader de LoL Esports Ă propos du tournoi qui dĂ©marrait Ă SĂ©oul, avant de partir pour Busan puis de revenir Ă SĂ©oul â ces zones mĂ©tropolitaines reprĂ©sentent un tiers de la population corĂ©enne. Lâorganisation des Worlds sur les terres de la LCK nous permet dâouvrir un nouveau chapitre tout Ă fait appropriĂ©. » League of Legends revient Ă la maison. Les Worlds 2023 commenceront le 10 octobre et se concluront par la finale le 19 novembre ; regardez la compĂ©tition sur la chaĂźne Twitch de Riot Games : twitch.tv/riotgames. Le documentaire DRX The Rise, consacrĂ© Ă la finale de Worlds 2022, est Ă dĂ©couvrir sur redbull.com. 59
Variations pour grand public DerriĂšre chaque grand tube se cachent souvent un ou plusieurs compositeurs. Tel est le cas avec ÂSUTUS, relĂšve de la musique qui flirte avec le rap, un genre Âdepuis peu considĂ©rĂ© comme la pop du moment. Entre argent, hits et compo mainstream, le ÂBalnĂ©olais Ă la carriĂšre prometteuse se raconte. Texte MARIE-MAXIME DRICOT
Photos ROXANE PEYRONNENC
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riginaire de Bagneux (Hauts-deSeine), Sutus, ou ClĂ©ment pour ses proches, nâaime pas dire son Ăąge, il trouve ça aussi ennuyant quâagaçant, et Ă juste titre. Celui qui a collaborĂ© avec Lord Esperanza, Bilal Hassani, Joanna, Lujipeka et Chilla, en a assez des gens qui lĂąchent Ă tout-va : « Câest un petit gĂ©nie, ça va ĂȘtre incroyable », posant sur ses Ă©paules une grosse pression et beaucoup dâattentes. Sutus prĂ©fĂšre ĂȘtre discret. Câest autour dâun chocolat chaud de chez Comets CafĂ© & disques, que nous avons Ă©voquĂ© son jeune parcours, son amour pour Yelle et son ultimate goal. Pour ce compositeur Ă©levĂ© Ă la sauce Bruce Springsteen et Miles Davis, et traumatisĂ© par le solfĂšge, il aura fallu la bonne rencontre, de la confiance, et un conseil prĂ©cieux pour se rendre compte que la musique nâest pas quâun hobby, on peut aussi en vivre. the red bulletin : Pourquoi avoir abandonnĂ© le solfĂšge ? sutus : Mes parents Ă©taient mĂ©lomanes, il y avait toujours du jazz, du funk et un 60
peu de rock Ă la maison. Un jour, ils mâont inscrit au conservatoire de la ville pour mâinitier au solfĂšge et jâai appris la trompette, parce que je voulais faire comme Louis Armstrong. Je voyais les photos oĂč il avait les joues gonflĂ©es, je voulais lui ressembler. Mais jâai Ă©tĂ© traumatisĂ© du solfĂšge comme beaucoup dâentre-nous. Cela dit, ça mâa donnĂ© les bases et ça a Ă©duquĂ© mon oreille. MalgrĂ© tout, cela ne tâa pas empĂȘchĂ© de continuer Ă faire de la musique. Oui, car vers onze ans jâai dĂ©couvert le logiciel GarageBand et câest devenu mon jouet prĂ©fĂ©rĂ©. Je reproduisais des mĂ©lodies, je faisais des boucles, et chantais dessus, jâenregistrais les copains sans trop dâarriĂšre-pensĂ©es. Ce nâest quâĂ la fin du lycĂ©e que jâai pris ça au sĂ©rieux, que jâai eu le dĂ©clic que câĂ©tait ce que je voulais faire, quand on a montĂ© un collectif de graphistes, producteurs, musiciens avec des potes. CâĂ©tait lowkey, on organisait des DJ sets au Bateau Phare, mais câĂ©tait surtout la premiĂšre fois que je jouais avec dâautres personnes. CâĂ©tait gĂ©nial. La THE RED BULLETIN
« Je nâai pas du tout envie de tomber dans le cynisme. » Pour Sutus, sâinscrire dans une dĂ©marche de production de hits est complĂštement absurde.
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« Jâessaie de ne pas trop intellectualiser les choses quand je fais du son. »  remiĂšre personne avec qui jâai collaborĂ©, p câĂ©tait Mikano, un rappeur franco-camerounais, avec qui on bosse toujours. Quâest-ce qui tâa rĂ©ellement poussĂ© Ă sauter dans le grand bain ? Il y a cinq ans, jâai fait un placement pour le rappeur Lord Esperanza. Câest lĂ que je me suis rendu compte que câĂ©tait possible de vivre de la musique. Dans ce milieu, quand tu es jeune, si on ne te dit pas que câest possible, ça reste un passe-temps. Donc jâai tentĂ©, jâai arrĂȘtĂ© lâĂ©cole et jâai dit Ă mes parents de me laisser un peu de temps pour faire mes preuves et des sous. Et pile au moment du Covid, jâai eu mon intermittence. Timing Parfait. Ce nâest pas toujours Ă©vident de savoir par oĂč commencer, surtout dans cette industrie qui parfois nĂ©cessite dâavoir les bons contacts et les tips, quel a Ă©tĂ© le rĂŽle de Lord Esperanza ? Câest Piment, son Ă©diteur de lâĂ©poque, qui mâa initiĂ© au fonctionnement dâun label, des modalitĂ©s de contrat dans lâindustrie de la musique. Il a Ă©tĂ© un vĂ©ritable prof. Câest aussi lui qui mâa introduit Ă Sally, pour qui jâai composĂ© le titre Shoot, sur lequel on retrouve Vicky R, Chilla et Joanna avec qui je commence Ă bosser. Ces trois artistes sont assez diffĂ©rentes dans leur musicalitĂ©. Comment dĂ©finis-tu ton style de composition ? Je fais plein de choses variĂ©es, mais jâai lâimpression que jâai un goĂ»t pour les beaux accords, qui font voyager, comme un matelas un peu moelleux auquel on ajoute des drums et des instrus. Il faut quâil y ait un mood mĂ©lancolique et rĂȘveur. En revanche, aujourdâhui, je ne fais plus beaucoup de prods pour le rap, mĂȘme si câest la musique qui mâa bercĂ©, je me dirige davantage vers la pop. Es-tu plutĂŽt power pop maintenant ? Je suis versatile dans mon esthĂ©tique relativement pop, et je ne crains pas de faire des grands Ă©carts. Ma musique est Ă la fois trĂšs mĂ©lancolique et fun. Mais atten62
tion, je ne dis pas rigolo, surtout pas, il faut simplement que ça soit ludique. Jâai aussi besoin de profondeur dans mes compositions. Câest dâailleurs pour ça que je suis heureux de travailler avec Yelle, car on rĂ©ussit Ă allier les deux. Tu as Ă©galement collaborĂ© avec Yelle sur le dernier album de Bilal Hassani, ThĂ©orĂšme ? Comment Ă©tait-ce ? CâĂ©tait trop bien et hyper enrichissant. En gros, je faisais les premiĂšres parties de Yelle avec Joanna et en loge, jâai rencontrĂ© Grand Marnier (la moitiĂ© de Yelle, ndlr) qui mâa dit quâil allait faire la rĂ©alisation du prochain album de Bilal. AprĂšs lui avoir envoyĂ© quelques prods, il mâa proposĂ© dâĂȘtre de la partie. Humainement, câĂ©tait dingue car Bilal est une personne incroyable, pleine dâĂ©nergie, dotĂ©e dâune grande intelligence et dâune culture pop trĂšs vaste. Ăa mâa beaucoup ouvert. La pop, câest tellement diffĂ©rent du rap. De plus, il mâa emmenĂ© partout avec lui, en tournĂ©e et en promo. En prenant du recul sur ces trois ÂderniĂšres annĂ©es, est-ce quâon peut toujours dire de toi que tu es « un artiste de la voie lactĂ©e » comme tu lâaffirmais en 2019 ? Je pense que je suis plus terre-Ă -terre quâavant. Jâai conscience du business. Je sais ce qui a le potentiel ou non de fonctionner en musique. Par ailleurs, jâessaie de ne pas trop intellectualiser les choses quand je fais du son, dâĂȘtre au plus proche de mes sentiments et de ceux de lâartiste avec qui je travaille pour retranscrire la puretĂ© quâon recherche.
Ă lâĆuvre : Sutus en rĂ©sidence au Red Bull Studios Paris.
Câest-Ă -dire ? Je nâai pas du tout envie de tomber dans le cynisme. Dire « aujourdâhui, il faut quâon fasse un hit », ça nâa pas de sens. On fait de la musique pour retranscrire les Ă©motions quâon vit Ă un moment donnĂ©. Donc, oui, je reste sur ma voie lactĂ©e, parce que câest mon dĂ©lire, mais je suis devenu un peu chiant et blasĂ©, car lâindustrie câest de lâargent et câest pesant. Mais bon, jâai choisi dâen ĂȘtre.
en ce moment je me dis quâil faudrait peut-ĂȘtre passer le cap pour ne pas trop rester en marge, car jâaime bien bosser avec des artistes oĂč lâexercice consiste justement Ă faire des tubes, du mainstream. Ăa mâintĂ©resse beaucoup.
Un pied dans lâindustrie, mais pas trop ? Je suis full indĂ©pendant. Au dĂ©but, câĂ©tait un choix, parce que je ne trouvais aucun contrat intĂ©ressant, ensuite, parce que jâai pris conscience dâavoir fait tout ce chemin sans lâaide de personne, mĂȘme si jâai bossĂ© avec des Ă©diteurs sur des morceaux ou pour des albums. Pourtant,
Comment ça se traduit sur une semaine de travail ? Par exemple, le lundi, quand je suis avec Theodora, lâobjectif est de faire un track dans son ADN, new gen, hybride un peu electro fucked up. Le mardi, je suis avec Still Fresh, on fait une prod amapiano R&B vibe. Et si le mercredi, je suis avec THE RED BULLETIN
Sutus
chercher des Ă©lĂ©ments de rĂ©ponses, car il y a toujours une part dâirrationalitĂ©. Ăa reste une industrie donc on peut avoir la meilleure chanson au monde, si on nâa pas le cadre de diffusion suffisamment large pour la faire dĂ©couvrir au grand public, ça ne va pas prendre. Ă lâinverse, il y a plein de chansons qui ne ressemblent pas Ă des tubes, et qui, contre toute attente, cartonnent. En as-tu une en tĂȘte ? Oui, le titre Rencontre, de Disiz feat. Damso ! Ce morceau nâaura jamais dĂ» devenir un hit, mĂȘme sâil est gĂ©nial. Et pourtant, ça a pris ! Il y a trois prods diffĂ©rentes dessus, la structure est bizarre, câest long, il nây a pas de refrain⊠Câest censĂ© ĂȘtre un morceau dâalbum perchĂ©, que personne ne va rĂ©Ă©couter et en fait, câest un tube de 2022. Ăa donne foi. Quâen est-il des morceaux ayant une structure pop « parfaite » ? Câest la structure dominante dans la musique donc lorsquâon sort de ce schĂ©ma rĂ©pĂ©titif couplets/refrain, on perd les auditeurs. Câest certain quâil y a des ingrĂ©dients qui font une bonne recette musicale, mais il y aura toujours quelquâun pour mettre du paprika dedans alors quâon fait un gĂąteau au yaourt. Le truc, câest que ça fonctionnera quand mĂȘme. Et, dâun autre cĂŽtĂ©, il y en aura un qui aura le meilleur macaron de la planĂšte, mais personne ne le calculera. Câest le jeu du hasard.
Julien DorĂ©, lâexercice sera diffĂ©rent, on surfera sur la variĂ©tĂ© française. Je ne suis pas lĂ en train de me dire on va faire de lâargent, mais plutĂŽt, on va faire un truc grand public. Selon toi, quand on sâinscrit dans la pop mainstream, y a-t-il une formule qui permette de rĂ©aliser un hit Ă tous les coups ? Ou cela tient-il davantage Ă la maniĂšre dont on Ă©duque le public ? En tant quâartiste, on passe beaucoup de temps Ă essayer de comprendre pourquoi quelque chose fonctionne, sans trouver de raison. Ă mon avis, ça ne sert Ă rien de THE RED BULLETIN
« En tant quâartiste, on passe beaucoup de temps Ă essayer de comprendre pourquoi quelque chose fonctionne, sans trouver de raison. »
Toi aussi, tu as voulu faire des gĂąteaux, en 2018 avec Un pied sur la pĂ©tale, puis 2019 avec Parures. Oui, mais câest parce que je nâavais personne pour se poser sur mes prods. CâĂ©tait cool et bizarre, car je me suis rendu compte que je nâaimais ni ma voix, ni ma maniĂšre dâĂ©crire. Les thĂ©matiques Ă©taient intĂ©ressantes, sauf que je nâavais pas les bonnes formulations pour rendre le tout agrĂ©able Ă lâĂ©coute. Cependant, jâai beaucoup de chance car les artistes avec qui je collabore me laissent mâexprimer au niveau des toplines. Je peux alors proposer des idĂ©es mĂ©lodiques, probablement parce que je suis passĂ© par cette phase artistique prĂ©cĂ©demment. Jâarrive Ă me mettre Ă leur place pendant les sessions, quand il·elle·s gambergent. Ma maniĂšre de mâexprimer, câest via la composition, je nâai pas un besoin viscĂ©ral dâĂ©crire. Instagram : @sutuswing 63
JAMAIS DE TEMPS MORT Les Toronto Raptors et leurs fans nâignorent pas que PASCAL SIAKAM, ailier dâune polyvalence rare, est une superstar. Il est grand temps de faire connaĂźtre son talent et son incroyable parcours au reste du monde. Texte DEMARCO WILLIAMS
« Ăvoluer en NBA est une bĂ©nĂ©diction », Âestime Siakam, opinion largement partagĂ©e par les fans des Toronto Raptors. Encore Âinconnu il y a quelques annĂ©es, lâailier fort a dĂ©jĂ Ă©tĂ© nommĂ© deux fois NBA All-Star.
Photos DAVID CLERIHEW
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Pascal Siakam
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ascal Siakam symbolise parfaitement lâincroyable essor du basket africain. AprĂšs dix ans de pĂ©riple du Cameroun au Texas en passant par le Nouveau-Mexique, lâailier fort des Toronto Raptors est devenu une star de la NBA, et un bel exemple du potentiel de son continent. Une rĂ©volution est en cours dans le monde du basket et elle nâest pas discrĂšte, comme le prouve la Coupe du monde FIBA 2023. Cinq nations du continent africain y ont participĂ© : lâAngola, le CapVert, lâĂgypte, la CĂŽte dâIvoire et le Soudan du Sud. Le Nigeria, habituel challenger, nâa pas rĂ©ussi Ă se qualifier. Place aux jeunes, en quelque sorte. Et des joueurs comme Childe Dundao dâAngola ont su Âtirer leur Ă©pingle du jeu contre certains des meilleurs dribbleurs au monde. Si la sĂ©lection camerounaise de Pascal Siakam nâa pas rĂ©ussi Ă se qualifier, un vent positif souffle pourtant sur lâĂ©quipe nationale. Des talents prometteurs comme Ulrich Chomche, 17 ans et dĂ©jĂ 2,11 mĂštres, Âannoncent un avenir radieux. Siakam est lâune des principales raisons de ce regain dâattention portĂ©e sur le continent africain. En un peu plus de dix ans, le natif de Douala est passĂ© de lâanonymat complet au panthĂ©on des meilleurs joueurs de la NBA.
« Beaucoup de gens rĂ©alisent que notre continent regorge de talent, explique Siakam, deux fois NBA All-Star avec les Toronto Raptors. Il y a beaucoup de gosses comme moi, et si on leur en donne lâoccasion, ils pourront rĂ©aliser le mĂȘme parcours. » Siakam a probablement jetĂ© un Ćil sur la Coupe du Monde de la FIBA, au moins pour voir Dennis Schroeder, son coĂ©quipier des Raptors, qui jouait pour lâAllemagne. Mais lâailier polyvalent a dâautres choses en tĂȘte, notamment la nouvelle saison de basket qui commence Ă la fin du mois dâoctobre. Contrats faramineux et jets privĂ©s de luxe font certes partie du cĂŽtĂ© glamour de la vie de basketteur professionnel, mais il y a un autre cĂŽtĂ© plus obscur, celui des bleus, des bosses et des Ă©changes trĂšs Âphysiques sur le parquet avec Giannis ÂAntetokounmpo ou Joel Embiid. Chaque annĂ©e, il faut faire preuve de force et dâintelligence pour ne pas baisser dans la hiĂ©rarchie de lâĂ©quipe. Et Siakam tient Ă son statut de star au sein des Raptors. Câest donc avant tout pour rester au top de sa forme quâil sâest rendu en ÂAutriche cet Ă©tĂ©, profitant du sĂ©jour pour visiter les quartiers gĂ©nĂ©raux de Red Bull et le centre de performance des athlĂštes de la marque. « Salzbourg est une ville incroyable, raconte Siakam, fĂ©ru de voyages et de photos quand il nâest pas en train de dribbler. Jâai vu des paysages magnifiques et dĂ©couvert une ambiance trĂšs diffĂ©rente de mon quotidien. Jây suis restĂ© environ une semaine, Ă mâentraĂźner avec quelques collĂšgues qui mâaccompagnaient. CâĂ©tait gĂ©nial ! »
Au cours des deux derniĂšres saisons, aucun joueur de la NBA nâa jouĂ© plus de minutes par match que Siakam, piĂšce maĂźtresse des Toronto Raptors.
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Rien de tel que lâair pur des Alpes pour le cardio. « Jâaime bien ce genre de moments oĂč je peux sortir de ma zone de confort, renchĂ©rit lâailier des Raptors du haut de ses 2,08 mĂštres pour 103 kilos. Câest une chose que jâessaie de plus en plus dâintĂ©grer Ă mes sessions : dĂ©couvrir de nouvelles cultures tout en continuant Ă mâentraĂźner quel que soit lâenvironnement. » De retour Ă Los Angeles quelques Âsemaines plus tard, il a pu retrouver ses marques. Mais il avait encore du pain sur la planche, pour preuve ces vidĂ©os qui inondent la toile et oĂč lâon voit Siakam, 29 ans, disputer des Ă©changes endiablĂ©s avec ses collĂšgues de NBA comme Jalen Green et Harrison Barnes. Sur le papier, le calendrier professionnel peut sâĂ©tirer dâoctobre Ă juin, mais quand on atteint un tel niveau dâexcellence, les interminables THE RED BULLETIN
CHARLIE LINDSAY/RED BULL CONTENT POOL
Le rĂȘve amĂ©ricain
« Je vais simplement continuer dâamĂ©liorer mon jeu », explique Siakam, ici photographiĂ© Ă Salzbourg (en Autriche) le 26 juillet dernier.
« Il a énormément progressé en termes de gestion du ballon et de prise de décision », estime Marvin Menzies, son coach au Nouveau-Mexique.
sĂ©ances dâentraĂźnement et les innombrables tirs au panier durent bien douze mois par an. Vous ne pensiez tout de mĂȘme pas que ces instants de pure magie Ă©taient le simple fruit du hasard ? Avec cette fluiditĂ© qui le caractĂ©rise, Siakam a enregistrĂ© une moyenne de 24,2 points, 5,8 passes dĂ©cisives et presque 7,8 rebonds par match au cours de la saison NBA 2022-2023, au sein dâune Ă©quipe tiraillĂ©e entre les performances passables et les passes dâarmes Âsublimes. Les Raptors ont fini la saison Ă .500, confirmation dâune pĂ©riode compliquĂ©e. « On ne peut pas vraiment se rĂ©jouir dâun bilan de 41 Ă 41 (matches gagnĂ©s et perdus, ndlr), constate Siakam. Il faut quâon se penche sur ce qui nâa pas marchĂ©, quâon essaie de faire mieux, quâon continue dâavancer. On est une jeune Ă©quipe bourrĂ©e de potentiel, il faut continuer de progresser, point barre. » 68
Chemin de découverte
Sur les dix saisons prĂ©cĂ©dentes, les ÂRaptors ont atteint les playoffs Ă huit reprises et ont rĂ©ussi Ă se hisser jusquâaux demi-Âfinales de la ConfĂ©rence de lâEst Ă cinq Âreprises. Autrement dit, Toronto est habituĂ©e Ă mieux. Autant la ville que la franchise misent tout sur Siakam, leur meilleur joueur, pour revenir au top. Une pression Ă©norme pour quelquâun qui ne connaissait rien au basket jusquâĂ lâĂąge de 16 ans. Lui et ses trois frĂšres aĂźnĂ©s grandissent au Cameroun, pays qui ne Âjurait (et ne jure toujours) que par le foot
« Les Raptors sont bourrés de potentiel. »
et nâoffrait alors aucune alternative. ÂPascal se voyait plus comme le prochain Samuel Etoâo (son compatriote qui a fait les beaux jours du FC Barcelone, de lâInter de Milan et du Chelsea) que comme le futur Chris Bosh. Câest par hasard, en participant Ă un camp de basket, quâil est repĂ©rĂ© par Luc Mbah a Moute, joueur de NBA lui aussi originaire du Cameroun. Pascal a des dispositions naturelles : un bon jeu de jambes, une certaine aisance et cette dĂ©termination dans les yeux qui ordonne Ă la fatigue de se taire. Mais câest encore un diamant brut. AprĂšs quelques camps dâentraĂźnements supplĂ©mentaires, il commence sĂ©rieusement Ă sâimaginer en roi du dunk. « Le simple fait de voir tous ces joueurs de la NBA, de les toucher, de leur parler, câĂ©tait rĂ©el, se souvient Pascal. LĂ dâoĂč je viens, on nâest pas habituĂ© Ă accomplir ce genre dâexploits, on atteint rarement ces THE RED BULLETIN
Pascal Siakam
« Mon pĂšre a tout sacrifiĂ© pour moi, il mâa guidĂ© pour aller Ă lâuniversitĂ©. » niveaux de succĂšs. Donc, jusquâĂ ce que je mây mette vraiment Ă fond, tout cela semblait vraiment irrĂ©el. Je me suis dit hey, ces mecs sont comme moi, ils viennent de pays comme le mien. » Il dĂ©croche une bourse dâĂ©tudes et part Ă Lewisville (Texas), Ă lâautre bout de la planĂšte. Un sacrĂ© changement quâil affronte en sâinspirant de certains modĂšles comme ses frĂšres Boris, Christian et James, dĂ©jĂ inscrits dans des Ă©quipes de basket universitaire aux Ătats-Unis, mais aussi de cĂ©lĂ©britĂ©s comme Mbah a Moute ou encore Embiid, eux aussi sortis du continent africain pour poursuivre le rĂȘve amĂ©ricain et connaĂźtre de mĂ©morables carriĂšres NBA. BoudĂ© par les recruteurs, Pascal dĂ©cide en 2013 dâintĂ©grer lâĂ©quipe de lâuniversitĂ© dâĂtat du Nouveau-Mexique. Nouvelle destination, nouveaux visages, un changement forcĂ©ment chargĂ© dâĂ©motions
e ncore accentuées par le décÚs de son pÚre, Tchamo, qui meurt dans un accident de la route en 2014. Pour éviter de perdre son visa en cours de procédure, Pascal devra renoncer à se rendre aux funérailles.
Point barre
Mais les larmes ne lâempĂȘcheront pas de trouver sa voie. « Le dĂ©cĂšs de mon pĂšre a Ă©tĂ© un moment crucial. Jâai vraiment ouvert les yeux pour mâinvestir complĂštement dans le basket : voilĂ quelquâun qui avait tout sacrifiĂ© pour moi, qui mâavait guidĂ© pour que je puisse aller Ă lâuniversitĂ© et jouer au basket. Mentalement, aprĂšs cela, jâai pris une nouvelle trajectoire. Mes objectifs de carriĂšre ont changĂ©, jâai travaillĂ© avec encore plus dâacharnement. » Pour sa premiĂšre annĂ©e avec les ÂAggies, il saute les compĂ©titions pour mieux sâentraĂźner avant de connaĂźtre une saison 2014-2015 phĂ©nomĂ©nale qui aboutira sur un titre de Freshman de lâannĂ©e de la Western Athletic Conference. La saison suivante, il est nommĂ© joueur de lâannĂ©e de la WAC Ă lâunanimitĂ©. « Il avait une mission en tĂȘte, explique Marvin Menzies, ex-coach de lâuniversitĂ© dâĂ©tat du Nouveau-Mexique. Pour la plupart, lâobjectif numĂ©ro un est dâintĂ©grer la fac. AprĂšs, il y a ceux qui veulent poursuivre leur carriĂšre et ceux qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour y arriver. Câest ce quâil a fait. »
Cet Ă©tĂ©, Siakam a passĂ© une semaine en Autriche, entre tourisme et entraĂźnements. « Jâaime ces situations oĂč je peux sortir de ma zone de confort. » THE RED BULLETIN
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Coriace : 24 points, 6 passes décisives et 8 rebonds en moyenne par match au cours de la saison, voici Pascal Siakam, aka « Spicy P ».
Pascal Siakam
CHARLIE LINDSAY/RED BULL CONTENT POOL
Un Camerounais devenu star de la NBA : un parcours incroyable, sauf pour lui. « On a du potentiel », dit-il à propos de sa jeune équipe des Raptors dont il veut devenir capitaine.
Ă quelque 5 000 km de lĂ , en Ontario, plusieurs recruteurs dĂ©couvrent la poly valence de son jeu en visionnant un match quâil dispute Ă Las Cruces. Siakam est sĂ©lectionnĂ© par les Toronto Raptors Ă la 27e position de la draft 2016 de la NBA. Une sĂ©lection qui sâinscrit parfaitement dans la logique multiculturelle de Toronto et sa population composĂ©e de plus de 200 groupes ethniques pour plus de 140 langues parlĂ©es. Lâendroit rĂȘvĂ© pour quelquâun comme Pascal Siakam et sa Âvision globale du monde. Mais le dĂ©but de cette aventure va ĂȘtre dĂ©licat. Affronter les Cal State Bakersfield Roadrunners et dribbler contre les Boston Celtics sont deux mondes diffĂ©rents. Comme la plupart des nouvelles recrues, Siakam met du temps Ă sâadapter au nouveau rythme, passant sa premiĂšre annĂ©e entre le banc de touche et de rares performances sur le terrain, ce qui lui vaut dâĂȘtre rĂ©orientĂ© vers lâĂ©quipe de dĂ©veloppement de la NBA, les Raptors 905. Mais en Ă©ternel bosseur acharnĂ©, Siakam profitera de cette pĂ©riode pour remporter le championnat de ligue D et le titre de MVP lors des finales.
Le tangible et le concret
Puis vient le déclic. Début de la saison 2018-2019, il semble mieux maßtriser le ballon et ses attaques se font plus THE RED BULLETIN
t ranchantes. Et il arbore un visage plus Âserein lors de ses duels en un contre un. Le kid de Douala commence Ă faire des miracles. Si lâĂ©quipe de Toronto a pu remporter le trophĂ©e de champion de NBA en 2018-2019, elle le doit pour beaucoup Ă Siakam. Sur les 24 matches de sĂ©rie Ă©liminatoire des Raptors, Siakam a marquĂ© au moins 18 points dans 15 dâentre eux. Sa dĂ©fense Ă©touffante et son agressivitĂ© de chien fou sur les rebonds ont peut-ĂȘtre Ă©chappĂ© aux stats, mais pas Ă la vigilance des spĂ©cialistes qui lâĂ©liront « joueur de la ligue Ă la meilleure progression ». « Je pense quâil a fait de gros progrĂšs autant au niveau de sa gestion du ballon que de sa prise de dĂ©cision, ajoute ÂMenzies. Il sâest amĂ©liorĂ© en un contre un,
Sa dĂ©fense Ă©touffante et son agressivitĂ© nâĂ©chappent pas Ă la vigilance des spĂ©cialistes.
drible et se dĂ©brouille mieux depuis le ÂpĂ©rimĂštre. Il comprend mieux le jeu. » Depuis leur victoire quatre ans plus tĂŽt, les Raptors connaissent des rĂ©sultats en dents de scie. Contre toute attente, leur derniĂšre fin de saison sâest terminĂ©e trop prĂ©maturĂ©ment, surtout avec des joueurs du niveau de Siakam et de jeunes recrues prometteuses comme O.G. Anunoby et Scottie Barnes. RĂ©sultat dĂ©cevant qui a abouti au licenciement de Nick Nurse, coach principal de lâĂ©quipe. Et vinrent des rumeurs sur un dĂ©part de Pascal. « Je nây accorde aucune importance », riposte Siakam avec flegme. Ălu joueur de Third Team par le panel de la All-NBA en 2022, il pourrait recevoir des offres mirobolantes au terme de sa saison 2024, quand son contrat actuel aura expirĂ©. « Je nây pense pas. Pour moi, jouer en NBA est une bĂ©nĂ©diction. Tout ce que je veux, câest continuer sur ma lancĂ©e, travailler dur et rester concentrĂ©. Je vais continuer dâamĂ©liorer mon jeu et rester concentrĂ© sur les choses tangibles et concrĂštes. Câest tout. » Siakam se fait plus volubile quand la conversation dĂ©vie sur les jeunes athlĂštes africains. Basketball Without Borders, le camp dâentraĂźnement qui lâa rĂ©vĂ©lĂ© il y a quelques annĂ©es, sponsorise plusieurs Ă©vĂ©nements sur le continent, ce qui fait Ă©voluer les mentalitĂ©s. InitiĂ©e au SĂ©nĂ©gal en 2017, lâAcadĂ©mie NBA Africa permet de rĂ©vĂ©ler les meilleurs talents de la ÂrĂ©gion dans le cadre dâune structure ÂdâentraĂźnement officielle. Et la Basketball Africa League, qui a conclu sa troisiĂšme saison en 2023, fait dĂ©jĂ figure de tremplin pour jeunes talents, avec 17 de ses joueurs sĂ©lectionnĂ©s pour les Ă©quipes de la Coupe du Monde FIBA. Au cours de son entraĂźnement Ă Los Angeles, Siakam croise un jeune joueur de lâacadĂ©mie NBA. Magique. Pour la superÂstar, la boucle est bouclĂ©e : quelques annĂ©es plus tĂŽt, il avait lui-mĂȘme cherchĂ© conseil auprĂšs de Mbah a Moute, et câest dĂ©sormais Ă lui de partager ses expĂ©riences avec les nouvelles gĂ©nĂ©rations Âinternationales. « Je veux faire tout mon possible pour que ce dĂ©veloppement continue, dit-il. Avoir des enfants qui me regardent moi, Joel Embiid et tous les autres joueurs africains et pensent, hey, Embiid vient dâĂȘtre Ă©lu MVP de la ligue, je peux le faire aussi. Oui, jâespĂšre vraiment quâon va continuer sur cette lancĂ©e. » Il est sans doute le mieux placĂ© pour guider les jeunes dans cette aventure. Instagram : @pskills43 71
Venu tout droit de Bradford : le Bad Boy Chiller Crew, photographiĂ© pour The Red Bulletin Ă lâO2 Academy Leeds (Angleterre) en mai dernier.
Le sang de la bassline Pranks, prison et pump tracks. Pour les figures de lâincroyable SCĂNE ÂUNDERGROUND DE BRADFORD (Royaume-Uni), il ne sâagit pas seulement de musique, mais dâune Ă©chappatoire. Vers une meilleure vie, peut-ĂȘtre, mais jamais loin de leur communautĂ© bien-aimĂ©e.
Texte ALICE AUSTIN Photos YUSHY 73
Bassline
L
orsque le Bad Boy Chiller Crew entre en scĂšne, on a lâimpression quâil est dans son salon. Ses membres saluent leurs fans comme sâils Ă©taient de vieux potes, et dâailleurs ils le sont bien souvent. Le fameux mulet de Clive dĂ©passe de sa parka gĂ©ante, la chemise blanche de GK matche avec son sourire du chat dâAlice au pays des merveilles, et Kane arbore des Âlunettes noires et mime des coups de feu. La foule hurle tout au long de leur morceau dâouverture, Get Out My Head, tirĂ© de leur EP de 2021, Charva Anthems. Lorsque le refrain dĂ©marre, des feux Âdâartifice sont lancĂ©s dans les airs. On dirait que lâO2 ÂAcademy Leeds vient de se faire baptiser au Âpapier toilette. « Oggy oggy oggy ! », scande GK. « Oi oi oi ! », rĂ©pond Leeds. On nâarrĂȘte plus le collectif bassline de Bradford. En 2019, The Guardian a classĂ© le Bad Boy Chiller Crew dans les cinquante nouveaux artistes Ă surveiller en 2020. Jon Caramanica, grand critique musical au New York Times, a fait figurer son deuxiĂšme Âalbum, Disrespectful, parmi les dix meilleurs de lâannĂ©e 2022. Et en 2023, le BBCC a Ă©tĂ© nommĂ© pour le 74
BRIT Award du groupe de lâannĂ©e. Le crew a choisi Leeds pour le coup dâenvoi de sa plus grande tournĂ©e Ă ce jour : il veut susciter un engouement de folie avant la sortie de son troisiĂšme album studio, Influential. Un parcours impressionnant pour une carriĂšre lancĂ©e sur Facebook, Instagram et TikTok, oĂč les sujets abordĂ©s Ă©taient, et sont toujours, loin dâĂȘtre angĂ©liques. Si vous faites une recherche rapide sur Google, vous dĂ©couvrirez que tout a commencĂ© vers 2017, quand Gareth « GK » Kelly, Kane Welsh et Sam « Clive » Robinson ont dĂ©cidĂ© de poster des petits sketches dans le style Jackass sur les rĂ©seaux sociaux. Ă Bradford, les jeunes rĂ©alisaient des cascades de ce genre depuis des dizaines dâannĂ©es, mais les membres du BBCC ont Ă©tĂ© les seuls Ă avoir le cran (ou lâinconscience) de les partager auprĂšs du grand public. Les vidĂ©os des trois compĂšres ne sont pas faites pour les Ăąmes sensibles â entonnoirs Ă vodka, combats de paintball et apologies de la drogue ne sont pas rares â mais lâĂ©nergie, lâhumour et le grain de folie des membres du crew ont mis dans le mille. Les jeunes de Bradford les ont bingĂ©s : ils y ont trouvĂ© pour la premiĂšre fois un reflet dâeux-mĂȘmes. Les membres du BBCC ont commencĂ© Ă jouer les MC pour la blague, tout en conservant un boulot classique dans la journĂ©e (Welsh et Robinson emballaient des boĂźtes dans un entrepĂŽt, tandis que Kelly conduisait un camion de glaces), mais la musique bassline de la fin des annĂ©es 1990 et du dĂ©but des annĂ©es 2000 les a inspirĂ©s. La bassline est un genre de musique garage typique du Yorkshire. Elle allie des voix hachĂ©es, des basses qui claquent et une pop lĂ©gĂšre. On en retrouve les premiĂšres traces au
En force : Welsh et ÂRobinson, membres du BBCC, crachent leurs rimes Ă lâO2 ÂAcademy (en haut) ; « Câest trop des gros bĂątards » â les fans expliquent lâattrait du crew (en face) ; on sort les smartphones pour Donât You Worry About Me (dessous) ; lâO2 Academy de Leeds sous banniĂšre BBCC (bas de page Ă gauche) ; le merch du BBCC est aussi sobre que le crew lui-mĂȘme (derniĂšre photo). THE RED BULLETIN
Bassline
Niche, un club de Sheffield oĂč les DJ mixaient des morceaux de garage avec une house mĂ©lodique. Alors que le grime et le dubstep sâemparaient du sud du Royaume-Uni, les DJ du Yorkshire ont commencĂ© Ă remplacer les samples vocaux par des breaks et des basslines sur lesquels les MC posaient leur rap. Câest devenu un genre de musique spĂ©cifique de la rĂ©gion. Les MC et les producteurs tels que 1st Born, Big Ang, Mr Virgo, J69, DJ Veteran et DJ Q sont aujourdâhui de vraies lĂ©gendes. En 1998, Boilerhouse, le premier club Ă proposer des afters Ă Bradford, a lancĂ© une nuit de la bassline qui a eu un tel retentissement quâelle influe encore sur les goĂ»ts musicaux de la ville. Ă prĂ©sent, les clubbeurs sont devenus parents. Sâils ont transmis Ă leurs enfants un solide engouement pour ce genre, la nouvelle gĂ©nĂ©ration perpĂ©tue activement ce bel hĂ©ritage. Preuve en est le regain dâintĂ©rĂȘt survenu Ă la fin des annĂ©es 2010. Avec le BBCC comme chef de file.
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ne jeune femme aux lĂšvres trop gonflĂ©es tire une taffe sur sa Richmond dans la zone fumeurs alors que le remix bassline du titre Believe de Cher par le BBCC rĂ©sonne derriĂšre les portes. « Au nord du pays, tous les enfants, y compris les membres du crew Ă lâĂ©poque, ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©s dans la cuisine, explique-t-elle. Nos daronnes nous amenaient au pub parce que personne ne pouvait se payer de baby-sitter. Quand on Ă©tait gosses, on jouait dans un coin, et puis on allait dans la cuisine de quelquâun pour lâafter. » Bradford est la plus jeune ville du Royaume-Uni : 29 % de sa population a moins de 20 ans et prĂšs dâun quart de ses habitants a moins de 16 ans. Or, tous ces jeunes sont un peu dĂ©sĆuvrĂ©s. Le district
fait partie des trente districts les plus dĂ©favorisĂ©s dâAngleterre, et les chiffres de lâan dernier indiquent que plus de 35 % des enfants de Bradford vivent sous le seuil de pauvretĂ©. De bien des façons, la bassline est une ligne de vie. Le Bad Boy Chiller Crew est peut-ĂȘtre la superstar du campus de Bradford, mais une flopĂ©e de MC et de producteurs locaux sont sur ses talons. S Dog est lâun dâentre eux. Il demande Ă The Red Bulletin de le retrouver au BD7. Nous pensions quâil sâagissait dâun lieu de rendez-vous prĂ©cis, mais câest en rĂ©alitĂ© un code postal. S Dog arrive Ă bord dâune Land Rover qui sâarrĂȘte devant Salahâs, une enseigne de poulet frit.
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e MC parle comme il rappe, Ă coups de punchlines, et bien que vous nâayez sans doute pas envie de le croiser dans la rue, il arbore un sourire franc et totalement dĂ©sarmant. « Au dĂ©part, je faisais juste de la musique pour me marrer, expliquet-il lors de notre conversation sur un banc du Horton Park Ă Bradford. JâĂ©tais du genre Ă recracher un rap aprĂšs lâavoir Ă©coutĂ© deux ou trois fois. Bizarre, hein ? Je pense que câest Ă cause de mon TDAH. » S Dog a purgĂ© quatre peines de prison. La derniĂšre fois, lâun de ses codĂ©tenus lui a demandĂ© dâĂ©crire des paroles sur le flow dâun autre artiste. « Je suis allĂ© dans ma cellule, jâai Ă©crit quelques chansons et je les ai rappĂ©es le lendemain matin. Mon pote mâa dit : âMec, câest de la balle !â MĂȘme les matons me conseillaient de me lancer dans la musique Ă ma sortie de prison. » Et câest ce quâil a fait. Lorsquâil a Ă©tĂ© libĂ©rĂ© en 2018, S Dog a appelĂ© un pote de pote qui avait un studio Ă Normanton â une ville situĂ©e Ă 30 km au sud-est de Bradford â et il y a enregistrĂ© une chanson. Ce type
Source code : les rues de BD7 dans le sud ouest de Bradford (Ă gauche) ; S Dog, le MC Ă capuche (Ă droite).
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« JâĂ©tais du genre Ă Ârecracher un rap aprĂšs lâavoir Ă©coutĂ© deux ou trois fois. Bizarre, hein ? » S Dog
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« Câest pas un air quâon se donne. On est comme ça, gros. » GK, Bad Boy Chiller Crew lui a racontĂ© quâil avait Ă©tĂ© en prison avec quelquâun qui connaissait Adam Williams, le gars qui a crĂ©Ă© P110, une plateforme vidĂ©o de grime, rap et freestyle. « Adam a publiĂ© cette chanson sur sa chaĂźne et jâai tout de suite attirĂ© lâattention », se souvient S Dog. TrĂšs vite, il a cumulĂ© plus de 30 000 followers sur ÂInstagram. S Dog est dĂ©terminĂ© Ă percer dans la musique, pour lui mais aussi pour sa fille : « Je veux quâelle soit fiĂšre de moi. Je suis passĂ© dâun hobby Ă un vrai job en un rien de temps. » En 2020, S Dog sâest associĂ© au Bad Boy Chiller Crew pour enregistrer 450, un son qui les a tous catapultĂ©s vers la stratosphĂšre. « Ăa a clairement changĂ© ma vie, dĂ©clare Dog. Aujourdâhui, oĂč que jâaille, tout le monde veut faire un selfie avec moi. »
L
es artistes de Bradford ont crĂ©Ă© leur propre Ă©cosystĂšme musical par nĂ©cessitĂ©. Un aller-retour Ă Londres peut coĂ»ter jusquâĂ 100 livres sterling (environ 115 euros). Cela revient parfois moins cher de prendre lâavion pour partir en Espagne que de
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serendre dans la capitale culturelle du Royaume-Uni. Les jeunes musiciens nâont pas leurs entrĂ©es dans le milieu londonien. Alors ils font Ă©quipe pour monter une scĂšne hyperlocale qui est bien plus proche des jeunes que nâimporte quel rappeur du sud de lâAngleterre. Câest la raison pour laquelle le BBCC continue Ă collaborer avec des artistes de la rĂ©gion, et Ă les transformer en stars locales par la mĂȘme occasion. Becce J en est un parfait exemple. NĂ©e Ă Preston mais rĂ©sidant aujourdâhui Ă Leeds, la chanteuse est surtout connue pour la voix quâelle a posĂ©e sur le titre du BBCC intitulĂ© Always Be My Baby Boy, dans lâalbum Disrespectful. Le manager du BBCC lâa contactĂ©e aprĂšs son cover du titre Donât You Worry About Me sur TikTok. Elle a rapidement retrouvĂ© le groupe en studio et, quelques semaines plus tard, elle faisait la tournĂ©e et chantait devant des milliers de fans en transe. « Les gars mâont filĂ© un sacrĂ© coup de main quand ils mâont demandĂ© de les accompagner en tournĂ©e. Je nâavais jamais vu autant de monde quâau festival de Leeds lâan dernier. » Le Bad Boy Chiller Crew ne rejouera pas de sitĂŽt Ă ce festival. Ils sont arrivĂ©s en retard pour leur prestation en aoĂ»t dernier, ils ont descendu des pintes de biĂšre et des shots dâalcool fort sur scĂšne, ils ont dĂ©passĂ© le temps qui leur Ă©tait allouĂ©, puis ils se sont battus avec lâĂ©quipe de production quand on a tout coupĂ©. Quelques heures plus tard, deux membres du BBCC auraient Ă©tĂ© remis en libertĂ© provisoire sous caution aprĂšs ĂȘtre passĂ©s par le poste de police local.
Vivre le moment prĂ©sent : un fan du BBCC fait un FaceTime pendant lâO2 â lâengouement pour la bassline sâĂ©tend sur plusieurs gĂ©nĂ©rations dans le Yorkshire (ci-dessus) ; « Tout le monde sur scĂšne se soutient », raconte la chanteuse Becce J (en face, en haut) ; Sluggy Beats, producteur dont la collaboration avec MC Marky B sur In The House a fait un million de vues sur YouTube (en bas). THE RED BULLETIN
« BBCC nâest pas Boy Scout Chiller Crew. » GK « Ouais, câest notre dernier avertissement Ă tous les niveaux, avoue GK par tĂ©lĂ©phone. La musique, câest notre job maintenant. On doit se montrer un peu plus responsables. On se tiendra Ă carreau pour cette tournĂ©e. » Les membres du BBCC nâont jamais cherchĂ© Ă ĂȘtre des modĂšles, mais ils ont acceptĂ© le fait quâils lâĂ©taient. « Les gosses nous admirent maintenant, explique GK. Mais tu sais, notre nom câest Bad Boy Chiller Crew, pas Boy Scout Chiller Crew. » En fait, le BBCC est dans un sacrĂ© pĂ©trin. Le crew est devenu cĂ©lĂšbre parce quâil reflĂ©tait la vie Ă Bradford, mais maintenant quâil est pris dans les rouages de lâindustrie musicale, tout ce qui a fait sa popularitĂ© le freine. Cependant, GK comprend ce que le Bad Boy Chiller Crew reprĂ©sente pour lui. « Sans le Crew, je serais encore Ă me balader dans les citĂ©s avec de la bassline Ă fond dans mon camion de glaces. »
B
on nombre des artistes bassline de Bradford sont des entrepreneurs dans lâĂąme. Prenons lâexemple de Sluggy Beats. Il nous retrouve au pĂŽle dâĂ©changes multimodal de Bradford pendant une aprĂšs-midi pluvieuse. Sluggy Beats a Ă©tudiĂ© la production musicale au Wakefield College, Ă quarante minutes de Bradford en voiture, et il a commencĂ© Ă Ă©crire des musiques hip-hop pendant le confinement. MĂȘme quand nous ne sommes pas en pleine pandĂ©mie mondiale, il nây a pas grand-chose Ă faire lĂ oĂč il habite. Il valait mieux faire de la musique que traĂźner dehors. Mais ses prods ne faisaient pas vraiment mouche. Puis il a commencĂ© Ă Ă©couter le BBCC. « Jâai dĂ©couvert tous ces MC qui rappaient sur de la house. Jâai dĂ©cidĂ© de combiner les deux genres et de me faire un nom lĂ -dessus. » Il a publiĂ© plusieurs de ses sons sur YouTube et a Ă©veillĂ© un certain intĂ©rĂȘt, mais il sâest rendu compte quâil devait sortir du cadre pour faire carriĂšre : « Les gens achĂštent plus un nom quâun son. Alors jâai commencĂ© Ă jouer plus les artistes que les producteurs. » Il prĂ©fĂ©rerait faire un beat avec â et non pour â un artiste afin de rendre le processus plus collaboratif. InspirĂ© par le drill, Sluggy Beats a crĂ©Ă© In The House, sa propre sĂ©rie de freestyles sur Spotify, oĂč un MC invitĂ© rappe sur lâun de ses morceaux. JusquâĂ prĂ©sent, il a travaillĂ© avec le fleuron de la bassline (Marky B, KAV, YA, Wilko), et il est considĂ©rĂ© comme lâun des meilleurs producteurs du Yorkshire ouest. Il exerce dĂ©sormais son mĂ©tier Ă plein temps, et il remercie le BBCC dâavoir ouvert la voie : « Sâils peuvent le faire, pourquoi pas moi ?» The Red Bulletin rencontre YA Ă Buttershaw, une citĂ© situĂ©e en banlieue de Bradford. Le MC nous attend sur un chemin jonchĂ© de dĂ©chets Ă lâarriĂšre de quelques magasins â il nous explique quâon lui en a interdit lâentrĂ©e. Ă premiĂšre vue, on nâimagine pas que 80
THE RED BULLETIN
Bassline
fauchĂ© ici ». En 2025, Bradford sera « Ville britannique de la culture », distinction dĂ©cernĂ©e tous les quatre ans dans le cadre dâun appel dâoffres public. Cette rĂ©compense est synonyme de nombreux Ă©vĂ©nements et investissements financiers : plus dâun millier de performances et dâĂ©vĂ©nements, 365 commissions artistiques, de grands festivals dĂ©diĂ©s aux arts, et des collaborations nationales et internationales. Mais la citĂ© de YA en verra-t-elle la couleur ? « Les choses vont bouger dans le centre-ville, mais cela nâaura aucun effet pour les gens dâici », regrette-t-il. Tant pis, les jeunes du coin trouvent leur inspiration ailleurs. YA est lâun dâentre eux, et sa musique en est le parfait reflet. Lâun de ses plus gros bangers est Bradford Army, titre quâil a Ă©crit en 2021 avec Marky B et KAV. Les paroles rĂ©sument la culture et les aspirations de Bradford : âI just wanna live life and party/They canât do it like my Bradford army/Broâs got the key for the E63/Iâmma bounce in the nightclub wearing Armani.â (trad. Je veux juste vivre ma vie et faire la fĂȘte/Ils sont pas aussi forts que ma Bradford Army/Mon bro a la clĂ© de lâE63/Je vais bouger en club dans mon outfit Armani.) MalgrĂ© les combats que doit mener la communautĂ© â ou peut-ĂȘtre grĂące Ă eux â lâĂ©nergie qui Ă©merge se propage dans le monde entier. « On commence Ă nous remarquer », observe YA.
S
CriniĂšre au vent : un poney solitaire broute tranquillement dans la citĂ© de YA Ă Bradford (ci-dessus) ; YA porte un collier avec une photo de son pĂšre ÂdĂ©cĂ©dĂ© (Ă gauche). THE RED BULLETIN
cette citĂ© est lâune des plus pauvres du RoyaumeUni : les maisons de briques rouges semblent bien tenues et il y a de la vĂ©gĂ©tation partout. Mais on Ă©prouve Ă©galement un grand vide, comme si cette citĂ© avait Ă©tĂ© oubliĂ©e de tous. Un poney tranquillement en train de brouter ne fait quâajouter Ă ce sentiment dâisolement. YA a grandi dans le coin. Il a commencĂ© Ă faire le MC Ă 8 ans, inspirĂ© par les sons du Niche au dĂ©but des annĂ©es 2000. « Je voulais ĂȘtre comme eux, câest clair. Alors jâai commencĂ© Ă faire du freestyle, Ă Ă©crire, et jâavais 15 ans quand je suis arrivĂ© sur YouTube. Jâai fait des vues⊠Puis jâai tout stoppĂ© pendant un petit moment et jâai recommencĂ© Ă publier des sons il y a seulement deux ou trois ans. » YA a arrĂȘtĂ© la musique pour Ă©lever sa fille, et il a repris pour elle : « Je me suis dit quâil valait mieux que je tente dâen faire quelque chose avant quâil ne soit trop tard, en fait. » La musique a aidĂ© YA Ă se tenir Ă©loignĂ© des problĂšmes pendant son enfance. « Quand jâavais 10 ans, il nây avait rien pour nous, pas de maisons pour les jeunes, alors quâest-ce quâon Ă©tait censĂ©s faire ? Se fighter, accumuler les conneries. Tout le monde est
i la bassline est apparue dans un contexte social difficile, ce nâest pas une premiĂšre dans lâunivers de la musique : les sons les plus rĂ©volutionnaires, y compris le rap, le disco et la house, sont tous nĂ©s au sein dâune jeunesse dĂ©munie. De la mĂȘme maniĂšre, elle apporte quelque chose de vital : une libĂ©ration et un sentiment dâappartenance. Alors que certains parents sâinquiĂštent parfois des sujets abordĂ©s, la bassline a globalement un impact positif dans une ville si difficile pour les jeunes. « De quoi Snoop Dogg et 50 Cent parlaient-ils Ă lâĂ©poque ?, demande GK. Sexe, drogue et rockânâroll, gars. On est juste la version british. Câest pas un air quâon se donne ni un spectacle. On est vraiment comme ça, gros. » Cela se lit sur les visages des spectateurs de lâO2 Academy Leeds pendant que le BBCC termine son show. Un ocĂ©an de bobs sâagite tandis que retentit le titre prĂ©fĂ©rĂ© des fans, Donât You Worry About Me. La foule est en dĂ©lire dĂšs les premiers mots de Welsh : âBradford boys still winning (...) Come from crooks and villains.â (trad. Les gars de Bradford gagnent encore (...) Tous nĂ©s dâescrocs et de sales types.) Un groupe dâados sâenflamme, chantant Ă pleins poumons leur refrain. « Si vous aimez le BBCC, faites du bruit ! », hurle GK dans le micro. Le rĂ©sultat est sans appel : on entend un boucan de tous les diables. Quelque part dans cette foule, quelquâun trouvera peut-ĂȘtre assez dâinspiration pour suivre les traces du groupe. Pour le Bad Boy Chiller Crew, quel que soit le nombre de ventes ou de stades remplis, lâimportant, câest maintenant. Ils sont chez eux. YouTube : @officialbbcc ; @SluggyBeatsMedia ; @s_dog___ ; @officialya7312. TikTok : @beccejoan 81
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PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée
GRENATS SUR GRANIT
STEFAN KUERZI
SIMON SCHREYER
Escalade de bloc dans le Tessin
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PERSPECTIVES Voyage
« Mes doigts sâagrippent fermement Ă une corniche de quelques centimĂštres de profondeur qui court le long de la paroi du granit. »
A
vis Ă toutes et tous les passionné·es de grimpe qui commencent cet article : rappliquez ici au trot ! AsconaLocarno, câest lâart de vivre mĂ©diterranĂ©en au beau milieu des paysages alpins. En tant que Britannique, le seul endroit comparable qui me vienne Ă lâesprit est le Lake District et ses majestueux paysages de lacs et de montagnes. Mais attention : le Tessin, avec ses sommets de plus de 3 000 mĂštres en toile de fond, est bien plus imposant. Sorte de grand-frĂšre du Lake District, il sâĂ©tale entre le plus haut sommet des Alpes et le lac Majeur au bord duquel reposent Ascona, Locarno et toute une colonie de palmiers. Ce nâest pas pour rien que je viens ÂrĂ©guliĂšrement ici depuis plus de dix ans : le ÂTessin est lâune des rĂ©gions les plus 84
 iverses et les plus convoitĂ©es au monde d en matiĂšre de bloc et dâescalade. Imaginez des blocs de granit et de gneiss Ă perte de vue comme autant de dĂ©fis pour grimpeurs et grimpeuses tous niveaux confondus, faciles dâaccĂšs mais au cĆur dâune nature sauvage. Et juste Ă cĂŽtĂ©, Ascona et Locarno, deux villes mondialement cĂ©lĂšbres pour leurs festivals. En plus, les roches sont praticables toute lâannĂ©e : mĂȘme en hiver, le climat reste doux et la neige nâatteint pas les vallĂ©es. Ă titre personnel, je considĂšre lâautomne et son lot de couleurs bigarrĂ©es comme la meilleure saison pour Âvisiter le sud de la Suisse. Rien ne vous empĂȘche de venir en Âfamille, bien au contraire. Mon mari Ned, ma petite fille et moi prenons le bus (qui part plusieurs fois par jour de Locarno)
et arrivons une cinquantaine de minutes plus tard Ă Brione, dans le Val Verzasca, paradis suprĂȘme des grimpeurs et grimpeuses. De Brione, il ne reste plus que quelques minutes de marche pour atteindre les premiers rochers. Alors que notre bĂ©bĂ© sommeille paisiblement Ă lâombre des parois rocheuses, nous nous lançons dans une sĂ©ance de bloc effrĂ©nĂ©e. Parmi mes voies prĂ©fĂ©rĂ©es, je conseillerais There Is No Spoon (cotation 7b), Real Pamplemousse (8a) et Molonk (7c), de vĂ©ritables classiques. Vous avez plutĂŽt envie de vous laisser tenter par une randonnĂ©e ? Rien de plus simple, abandonnez votre attirail dâescalade Ă ÂlâhĂŽtel et avanti ! Les villages de cette rĂ©gion sont construits sur des pentes escarpĂ©es, THE RED BULLETIN
STEFAN KUERZI
Shauna Coxsey, grimpeuse professionnelle
PERSPECTIVES Voyage
Panorama de rĂȘve : Shauna et son mari Ned sâoffrent une randonnĂ©e avec vue sur le lac (Ă gauche) ; (ci-dessus) Shauna ÂCoxsey en pleine session de bloc dans le Val Verzasca.
Stand-up paddle sur le lac Majeur : good vibes, eau cristalline et hautes montagnes. THE RED BULLETIN
r ibambelle dâantiques chaumiĂšres de pierres empilĂ©es sur le toit desquelles les cheminĂ©es fument Ă©ternellement. Un vrai dĂ©cor de contes de fĂ©es accentuĂ© par les ponts de pierre et leurs voĂ»tes en arc de lâĂ©poque romaine, Ă lâimage du Ponte dei Salti non loin de Lavertezzo. Au milieu coule la riviĂšre Verzasca. Dans son eau turquoise, limpide et rafraĂźchissante, nous surprenons quelques courageux plongeurs en combinaison. Le barrage de la vallĂ©e Verzasca attire lui aussi tous les regards. Câest dâailleurs sur sa paroi de 200 mĂštres de haut quâa lieu la Red Bull Dual Ascent, une compĂ©tition dâescalade en Ă©quipe Ă laquelle jâai eu lâhonneur de participer en 2022 en compagnie dâautres grands noms de la discipline comme Sasha DiGiulian, Jacopo ÂLarcher et Babsi Zangerl. 85
PERSPECTIVES Voyage
Berne
Suisse TESSIN Ascona
Locarno
ItinĂ©raire Se rendre au Tessin Depuis le nord, prenez lâA2 pour arriver au Tessin par le tunnel du Saint-Gothard. Si vous passez par le col en Ă©tĂ©, nâhĂ©sitez Ă y faire une petite escale : situĂ©s Ă 2 000 mĂštres dâaltitude, les flancs de la montagne sont un vrai paradis pour toutes celles et ceux qui raffolent du bloc. Les CFF propose des lignes directes jusquâĂ Locarno depuis Zurich, BĂąle ou ÂLucerne. ascona-locarno.com
Petits conseils Tout le nĂ©cessaire pour faire du bloc Ăquipement de base : chaussures dâescalade,  sac de magnĂ©sie, brosse pour les prises et un ou deux crashpads. Pour vos randos en montagne, prenez de bonnes chaussures de marche, une veste, des ÂvĂȘtements impermĂ©ables et de quoi Âcalmer la faim. Procurez-Âvous quelques guides de Claudio Cameroni, maĂźtre incontestĂ© des pros du bloc tessinois. Toutes les voies les plus importantes de la rĂ©gion y sont recensĂ©es en dĂ©tails.
Ce que jâadore aussi, câest que le coin fourmille de sportifs et sportives, surtout dans la grimpe, des quatre coins du globe. Nous avons croisĂ© des mordu·e·s de la grimpe venu·e·s dâAllemagne, dâItalie, dâUkraine, de Grande-ÂBretagne et dâAustralie. Si vous prĂ©fĂ©rez lâeau, il vous suffit de louer une planche de stand-up paddle (SUP) Ă Ascona-Locarno et de vous Ă©lancer sur ce lac dâun bleu profond. La vue Âdepuis lâeau est dâune beautĂ© surrĂ©aliste, avec les palmiers et les façades multicolores des maisons de Locarno-Muralto alignĂ©es sur la rive et les Alpes enneigĂ©es en toile de fond. Le top du top : conclure votre promenade sur le lac par une bonne glace. Une autre excursion que je recommande : prenez lâancien petit train Ă 86
 uralto (dĂ©part toutes les onze minutes) M et descendez au dĂ©part du tĂ©lĂ©phĂ©rique Ă Orselina. En quelques minutes, vous atteindrez une montagne panoramique surplombant le lac. De lĂ , vous pourrez dĂ©cider si vous restez Ă Cardada (1 340 mĂštres) ou si vous continuez jusquâĂ la Cimetta (1 670 mĂštres), dĂ©part de nombreuses randonnĂ©es et de pistes de VTT bien balisĂ©es. La plateforme dâobservation vous permettra de profiter dâune vue imprenable Ă 360 ° sur le lac Majeur, point le plus bas du pays Ă 193 mĂštres au-dessus du niveau de la mer, et sur la pointe Dufour, dans le massif du Mont-Rose, point culminant de Suisse avec ses 4 634 mĂštres. Dans une telle rĂ©gion, la vita Ăš bella, surtout pour une accro des montagnes ! Promenade en famille au bord du lac Majeur.
IG : @shaunacoxsey ; redbull.com THE RED BULLETIN
STEFAN KUERZI
Les pieds au ciel ! Shauna profite dâune vue imprenable depuis le mont Cimetta.
PERSPECTIVES comment⊠cifiques, mais il faudra les ÂdĂ©composer en Ă©tapes. Peur dâĂ©chouer Ă un examen ? Alors, dĂ©composons le problĂšme : une meilleure prĂ©paration entraĂźnerait de meilleures connaissances et donc davantage de confiance en soi. « Avec ces images en tĂȘte, on a lâobjectif global mais aussi la chronologie. On avance en se concentrant sur ce que lâon peut contrĂŽler. »
Nos sens
Reprogrammer son cerveau, en finir avec les pensées destructrices et reprendre le contrÎle.
Combien de pensĂ©es nous assaillent au quotidien ? Environ 6 200, selon une Ă©tude publiĂ©e dans la revue scientifique ÂNature Communications en 2020. Un rapport prĂ©sentĂ© en 2005 par la National Science Foundation amĂ©ricaine suggĂšre que 95 % de ces pensĂ©es proviennent de la veille, et que quatre sur cinq sont nĂ©gatives. Et si nos pensĂ©es Ă©taient plus constructives ? Câest la proposition de The Choice Point (trad. Le moment du choix), ouvrage de Joanna Grover, spĂ©cialiste en thĂ©rapie cognitive et comportementale et Jonathan Rhodes, psychologue. Des choix, notre cerveau en traite des milliers par jour, mais, selon Jonathan, « peu dâentre eux dĂ©finissent vĂ©ritablement ce que nous sommes ». DâoĂč le fameux « moment » de la prise de dĂ©cision : « Câest un instant dĂ©cisif oĂč un comportement potentiel sâoppose Ă une valeur fondamentale. On estime que 88
cela arrive environ 80 fois par jour. Cette multitude de petits choix dĂ©finissent ce que nous sommes. En les contrĂŽlant, on change radicalement notre maniĂšre dâĂȘtre et de penser. » La technique du duo ? Le Functional Imagery Training, ou FIT (trad. entraĂźnement de lâimagerie fonctionnelle) qui combine visualisation mentale et entretien motivationnel est une mĂ©thode de consultation axĂ©e sur le changement comportemental. Selon Jonathan Rhodes, sâentraĂźner Ă utiliser son imagination peut nous aider Ă contrĂŽler les pensĂ©es nĂ©gatives. Sâil compte surtout PDG et athlĂštes pros parmi sa patientĂšle, ces techniques pourraient vous ĂȘtre utilesâŠ
soulignant que ses patient·e·s citent parfois la santĂ© ou la famille parmi leurs valeurs, ajoutant aussitĂŽt quâils et elles font rarement du sport ou passent trop peu de temps en famille. « Commencez par les comportements conflictuels, et remontez le fil jusquâaux valeurs qui y sont attachĂ©es. »
DĂ©composer
Ces techniques fonctionnent mieux avec des objectifs spé-
Vos fondamentaux
Pour commencer, Jonathan Rhodes propose de dĂ©terminer cinq valeurs fondamentales. « Ce sont peut-ĂȘtre des choses qui provoquent la culpabilitĂ© », explique-t-il,
« Ces petits choix définissent ce que nous sommes. » Jonathan Rhodes, psychologue
Votre signal
Pour activer son imagination, rien de tel quâun signal. « Le mien, câest au moment du rĂ©veil quand mes pieds touchent le sol : lĂ , je planifie ma journĂ©e. Pour les plongeur·euse·s de haut vol avec qui je travaille, câest souvent un claquement de doigt avant de se lancer. » Une maniĂšre dâimaginer leur plongeon avant de le rĂ©aliser. Ă chacun sa mĂ©thode.
Affronter lâĂ©chec
« Pour chaque objectif, le spectre de lâĂ©chec nâest jamais loin avec son lot dâangoisse, de stress, voire de peur et dâĂ©vitement », prĂ©cise ÂJonathan. PlutĂŽt que dâĂ©viter le sujet, il demande Ă ses Âpatient·e·s de dĂ©crire cet Ă©chec. Selon lui, « se rendre dans cet espace nĂ©gatif » est essentiel pour mettre ses peurs en perspective et surmonter les pensĂ©es irrationnelles. « On discute sur la maniĂšre de changer les choses. Câest lâidĂ©e du contraste mental : rĂ©flĂ©chir oĂč lâon veut aller, oĂč lâon est actuellement, et Ă ce qui nous en empĂȘchent. »
The Choice Point, en anglais aux Ă©ditions Hachette Go. THE RED BULLETIN
ISABELLE ARON
Ăcole de pensĂ©e
ALAMY, HAROLD F ESTIME
CHOISIR
FIT est plus quâune simple Âvisualisation. « On travaille Âautant sur les cinq sens que le mouvement et les Ă©motions. Votre objectif est dâĂ©crire un livre ? Essayez de le sentir, Âdemandez-vous si ses pages ont lâodeur du neuf, pensez Ă des lecteurs qui vous disent que votre livre a changĂ© leur vie. On parle lĂ dâĂ©motions. »
PERSPECTIVES Gaming
L
ors de sa sortie sur ÂNintendo Switch en mai dernier, The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom (en photo) a Ă©tĂ© acclamĂ© par la critique. Une nouvelle capacitĂ© a particuliĂšrement plu aux fans de la sĂ©rie Zelda (dont le premier opus date de 1986) : le pouvoir dâascension, qui permet aux joueur· euse·s de se dĂ©placer vers le haut mĂȘme Ă travers des structures pour explorer plus facilement de nouveaux secteurs. Mais le plus surprenant est que cette fonctionnalitĂ© nâĂ©tait pas prĂ©vue au jeu. Au cours de ses cinq annĂ©es de production, les dĂ©veloppeurs de Tears of the Kingdom ont intĂ©grĂ© un mode de dĂ©bogage permettant aux programmeurs de se dĂ©placer plus vite dans cet open world lors de leurs tests. Ils Ă©taient tellement emballĂ©s quâils ont dĂ©cidĂ© dâen faire profiter les joueurs. « Câest devenu ma fonction prĂ©fĂ©rĂ©e, explique Jack Yarwood, chroniqueur pour Time Extension, site internet de jeux vidĂ©o rĂ©tros et classiques. Câest terriblement impressionnant : ce nâest pas vraiment de la triche et ça marche du tonnerre. » Un saut Ă©volutif propre Ă lâhistoire mĂȘme du jeu vidĂ©o : facultĂ©s dĂ©couvertes par les joueurs, anomalies involontaires dues au code et mĂȘme Ă©normes bĂ©vues. Jack revient pour nous sur quelques Ă©volutions accidentelles devenues si essentielles aux jeux vidĂ©o quâon doute quâelles nâĂ©taient pas intentionnelles.
NINTENDO
TOM GUISE
RĂ©action en chaĂźne
Les combos, sĂ©ries dâattaques fulgurantes que lâadversaire ne peut pas contrer, sont caractĂ©ristiques des jeux de combat modernes. Pourtant, on doit leur origine Ă un accident de conception : lors de la sortie de Street ÂFighter II en 1991, des petits malins dĂ©couvrent que les images dâanimation de certaines actions se chargent THE RED BULLETIN
des crĂ©ateurs du jeu, ndlr) Âassure que câest le fruit du hasard, raconte Yarwood, mĂȘme sâil y avait dĂ©jĂ un moment dans Doom (sorti en 1993, ndlr), oĂč il fallait tirer sur un mur pour ĂȘtre repoussĂ© vers une sortie secrĂšte. Ătourderie ou rĂ©elle dĂ©couverte ? Le dĂ©bat fait rage. Reste quâaujourdâhui, impossible dâimaginer Quake sans son saut au lance- roquettes. »
Bagnoles futées
DĂCOUVERTES
Ces erreurs qui font notre bonheur Vos jeux vidĂ©o prĂ©fĂ©rĂ©s sont peut-ĂȘtre le fruit de gaffes. plus vite quand elles suivent dâautres images dans un ordre donnĂ© et sâempressent dâexploiter la faille. « Les combos sont devenus typiques de Street Fighter et des jeux de combat en gĂ©nĂ©ral ; certains jeux en ont mĂȘme fait un gag en les enlevant, comme One Strike oĂč il suffit de toucher un personnage une fois pour quâil meurt, et sa suite, Two Strikes », raconte Jack.
speedrunners cherchant Ă terminer un niveau le plus vite possible, la technique est popularisĂ©e en 1996 dans Quake, contre-coup des lois physiques rĂ©alistes du jeu ÂgĂ©nĂ©rant un recul lors dâune explosion. « Tim Willits (un
Ascenseur Ă©clair
Si, dans la vraie vie, tirer avec un lance-roquettes vers le sol sera sans doute votre derniÚre action, cela vous permet de décoller dans les jeux de tir à la premiÚre personne. Outil indispensable aux pros des combats à mort et autres
« Que serait Quake sans son saut au lance-roquettes ? » Jack Yarwood, rédacteur gaming
Need for Speed est une sĂ©rie de jeux de voitures cĂ©lĂšbre pour ses courses-poursuites effrĂ©nĂ©es avec les forces de lâordre. Surprise, celles-ci sont nĂ©es dâune erreur de Âprogrammation. « Lors de la crĂ©ation de Need for Speed II en 1997, un producteur sâest retrouvĂ© entourĂ© dâennemis qui attaquaient sa Lamborghini, explique Jack Yarwood. Quand le bug a Ă©tĂ© signalĂ©, on sâest aperçu que le responsable de lâintelligence artificielle avait dĂ©fini des paramĂštres dâagressivitĂ© incorrects pour les voitures. » LâĂ©quipe Ă©tait tellement emballĂ©e quâelle en a fait un cheat Ă dĂ©bloquer et câest devenu lâĂ©lĂ©ment phare de Need for Speed III: Hot Pursuit lâannĂ©e suivante !
Toujours plus
AncĂȘtre des jeux vidĂ©o sorti en 1978, Space Invaders introduit des vagues dâaliens filant vers le bas de lâĂ©cran et quâil faut abattre jusquâĂ lâennemi final qui fonce vers vous Ă toute allure. DĂ©sormais pierre angulaire de tous les jeux vidĂ©o basĂ©s sur le highscore, cette vitesse et cette difficultĂ© accrue viennent des limitations technologiques de lâĂ©poque. « Comme il y avait peu dâĂ©lĂ©ments sur lâĂ©cran, le processeur reproduisait les sprites des aliens beaucoup plus vite », conclut Yarwood.
The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom est Âdispo sur Nintendo Switch ; nintendo.com. 89
CAP SUR LâEXCELLENCE LâAmericaâs Cup est le terrain dâessai le plus prestigieux de lâingĂ©nierie nautique. Pour lâĂ©dition 2024, Alinghi Red Bull Racing sâallie Ă un autre fleuron helvĂ©tique : Tudor.  election Series, qui dĂ©cideS ront du challenger apte Ă ÂdĂ©fier le tenant du titre Emirates Team New Zealand. En attendant, les Ă©quipes doivent r especter certains critĂšres : le support classique â si lâon peut appeler ces bolides des mers des bateaux classiques, Ă©videmment â sera un AC75, un monocoque de 22,8 mĂštres Ă©quipĂ© dâhydrofoils qui lui permettent de voler littĂ©ralement au-Âdessus de lâeau. La plupart des critĂšres de base sont les mĂȘmes pour toutes les Ă©quipes : la hauteur du mĂąt, la taille des voiles ainsi que celle des foils et des pales. Ă part ça, tout est permis. « Nous e  ssayons dâoptimiser le support, explique Adolfo Carrau. Comme il y a finalement peu de normes de sĂ©curitĂ©, nous pouvons tester toutes sortes de nouvelles inventions. De fait, celles-ci sont bien plus nombreuses dans notre domaine que dans celui de lâaĂ©ronautique ou de lâautomobile. Câest dâailleurs pour cela quâon attire les meilleur·e·s ingĂ©nieur·e·s du moment. » Parmi les nouvelles technologies testĂ©es, il y a Ă©vi-
« LâAmericaâs Cup est une compĂ©tition qui met en lumiĂšre les innovations. »
demment les matĂ©riaux : comme en Formule 1, lâenjeu de la course est avant tout de fabriquer un support qui soit le plus solide et le plus lĂ©ger possible, en privilĂ©giant lâacier inoxydable, le titane et la fibre de carbone, ainsi que des piĂšces composites, souvent imprimĂ©es en 3D. « Nous concevons et fabriquons 90 % de tout ce qui va aller Ă bord, poursuit Carrau. ExceptĂ©s la peinture et quelques Ă©lĂ©ments de la structure de base, la plupart des piĂšces ne sont pas disponibles dans le commerce. Nous faisons tout nous-
LâĂ©quipage dâAlinghi Red Bull Racing, Ă bord de lâAC75, porte la nouvelle montre Pelagos. LâAC75 Ă foils ÂAlinghi Red Bull Racing, avec B  arcelone en ÂarriĂšre-plan. CHARLIE THOMAS
Americaâs Cup est le grand rendez-vous de la course vĂ©lique de pointe : environ tous les quatre ans, la cĂ©lĂšbre aiguiĂšre dâargent est remise en jeu par le tenant du titre â le defender â qui doit affronter plusieurs challengers dans des duels au coude Ă coude, oĂč chaque seconde compte. Mais au-delĂ de lâaventure humaine, cette course mythique est avant tout un grand terrain dâexpĂ©rimentation technologique. Comme le rĂ©sume Adolfo Carrau, design coordinator dâAlinghi Red Bull Racing, lâAmericaâs Cup est « une course Ă lâinnovation : en un sens, câest le bateau le plus rapide qui lâemporte ». Alinghi nâen est pas Ă sa premiĂšre participation, puisquâil a dĂ©jĂ remportĂ© les Ă©ditions 2003 et 2007. Son alliance avec le gĂ©ant de la F1 Red Bull Racing est en revanche une premiĂšre, mĂȘme si elle paraĂźt logique â lâAmericaâs Cup nâest-elle pas surnommĂ©e la F1 des mers ? Lâunion de ces deux monstres sacrĂ©s de lâinnovation sera mise Ă lâĂ©preuve en aoĂ»t 2024 lors des Challenger
TUDOR
L
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mĂȘmes, en imaginant les piĂšces dont nous avons Âbesoin. » Excellence technologique Câest dans cette mĂȘme recherche de perfection quâAlinghi Red Bull Racing a dĂ©cidĂ© de sâallier, en 2022, Ă un autre grand nom de lâinnovation et de la prĂ©cision : Tudor. Lâhorloger suisse, dont les montres de plongĂ©e, notamment la Pelagos FXD, ont fait la renommĂ©e, fabriquera en effet les montres officielles du Team suisse. Initialement conçue pour la marine française, la ÂPelagos
challenger suisse de sâallier Ă Tudor pour la crĂ©ation de sa propre montre : la Tudor ÂPelagos FXD Alinghi Red Bull ÂRacing Edition. Ce partenariat, qui constitue pour lâhorloger helvĂ©tique la premiĂšre intrusion dans le monde de la rĂ©gate, a donnĂ© naissance Ă deux modĂšles : une montre et un chronographe â le premier chronographe auquel Tudor a dâailleurs ajoutĂ© ses barrettes fixes. La lunette bidirectionnelle, dotĂ©e de marqueurs allant de
60 Ă 0, est en titane ; le dos du boĂźtier est en acier inoxydable, et le boĂźtier lui-mĂȘme est constituĂ© dâun composite de carbone exclusif et de haute technologie â un matĂ©riau composĂ© de fibres de carbone et dâautres Ă©lĂ©ments que lâhorloger « garde secrets ». Hommage au maritime Il est Ă noter que ces trois mĂȘmes matĂ©riaux sont largement utilisĂ©s dans lâAC75 luimĂȘme. « Dans ce sport, la victoire passe par la fusion dâun
LE VOILIER Un AC75 sur la mer MĂ©diterranĂ©e au large de Barcelone. Voici la figure de proue dâAlinghi Red Bull Racing.
CHARLIE THOMAS
Carbone, titane et acier inoxydable : « Le monocoque est entiĂšrement ÂfabriquĂ© sur mesure. »
TUDOR
FXD a Ă©tĂ© Ă©  laborĂ©e avec le concours des plongeur· euse·s de la marine nationale : avec son boĂźtier en titane de 42 millimĂštres et son affichage Âluminescent, elle est Ă©tanche Ă 200 mĂštres de profondeur. Les trois lettres FXD font rĂ©fĂ©rence au fait que les barrettes du bracelet sont fixes, car modelĂ©es directement dans la masse en composite carbone du boĂźtier â un gage de soliditĂ© particuliĂšrement utile aux plongeur·euse·s et nageur·euse·s de Âcombat. Autre particularitĂ© : une lunette tournante bidirectionnelle, parfaitement adaptĂ©e Ă la navigation sous- marine. ÂDevant une telle excellence technologique, il apparaissait Ă©vident pour le
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esprit humain rĂ©solument audacieux et de la technologie la plus pointue, explique Tudor. En combinant un composite de carbone de haute technologie avec du titane et de lâacier inoxydable â une premiĂšre pour Tudor â les montres cĂ©lĂšbrent un partenariat nĂ© de cette philosophie. » Afin de souligner encore mieux cet hommage Ă lâunivers maritime, Tudor a utilisĂ©, pour le modĂšle Alinghi Red Bull Racing « Team Blue », ses bracelets-Ârubans de 22 millimĂštres â fabriquĂ©s sur des ÂmĂ©tiers Ă tisser français du XIXe siĂšcle afin dâoffrir un niveau de robustesse et de confort sans prĂ©cĂ©dent. DotĂ©s dâune boucle « D » en titane et dâun systĂšme Âdâattache auto-grippant, ces bracelets sont dâune fiabilitĂ© Ă toute Ă©preuve. Les couleurs du cadran â ainsi que le petit motif placĂ© entre les chiffres 10 et 2 â rappellent celles de lâAC75 utilisĂ© par le Team suisse.
Carbone Le mĂąt et la coque de lâAC 75 sont en fibre de carbone, le boĂźtier de la montre est en matĂ©riau composite Ă base de ce mĂȘme Ă©lĂ©ment.
Acier
Titane La lunette de la montre est fabriquée en titane, tout comme les hydrofoils du bateau.
Le dos du boĂźtier de la montre, les pales de lâhydroptĂšre et les fixations sur le pont sont constituĂ©s de ce matĂ©riau.
LA MONTRE Le modĂšle T Â udor Pelagos FXD A Â linghi Red Bull Racing Edition existe en version Chrono (photo) et Time Only.
Finesse et prĂ©cision Pour la marque horlogĂšre, le partenariat avec Alinghi Red Bull Racing sâinscrit dans une mĂȘme volontĂ© dâexcellence : « En plus dâĂȘtre 100 % suisse, cette alliance illustre surtout la mĂȘme vision des choses quand il sâagit de pousser un projet Ă sa perfection. La sĂ©rie Pelagos est, dâun point de vue technologique, la plus poussĂ©e des montres de plongĂ©e chez T  udor : câest donc en toute logique que nous lâavons sĂ©lectionnĂ©e pour dĂ©velopper un modĂšle qui convienne parfaitement Ă la plus prestigieuse course nautique de tous les temps. » Une chose est sĂ»re : lâannĂ©e prochaine, les derniĂšres secondes avant le coup Âdâenvoi de lâAmericaâs Cup sâĂ©grĂšneront sur les montres Tudor Pelagos FXD Alinghi Red Bull Racing Edition, fixĂ©es aux poignets de quelques-uns des plus grands marins au monde. tudorwatch.com
PERSPECTIVES Fitness Le bon coaching
Quand Lucy Cork dĂ©croche un nouveau rĂŽle qui requiert de nouvelles compĂ©tences, elle se tourne vers les spĂ©cialistes du genre. « Dans Hobbs and Shaw, il y avait beaucoup de parkour, jâai donc pas mal planchĂ© sur certains mouvements. » Pour elle, rien ne vaut des cours particuliers, que ce soit pour dĂ©buter une discipline ou pour se perfectionner. « On apprend mieux quâen groupe, on peut poser plein de questions. Et physiquement, on travaille beaucoup plus, parce quâon ne peut pas se Âcacher derriĂšre les autres ».
GĂ©rer son rythme
Cascadeuse pour le grand Ă©cran, Lucy Cork nous donne quelques conseils pour se forger un corps Ă lâĂ©preuve des balles en toutes circonstances.
L
e premier job de Lucy Cork ? Atterrir Ă vĂ©lo dans une benne Ă ordure. Une bonne piqĂ»re de rappel aprĂšs deux annĂ©es pour rejoindre le British Stunt Register (lâassociation des spĂ©cialistes de la cascade au Royaume-Uni) et trois sĂ©ances dâentraĂźnement quotidiennes dans diverses disciplines spĂ©cialisĂ©es comme la plongĂ©e sous-marine ou le trampoline. « Il faut bien commencer, pas vrai ? », Âsâexclame-t-elle en riant. Une nouvelle Ă©tape commence avec son rĂŽle de doublure de Rebecca Ferguson sur le tournage de Mission: Impossible - Rogue Nation (2015). Un rĂŽle qui la jette dans le grand bain puisquâelle est tirĂ©e sous lâeau par un cĂąble en sauvant le personnage de Tom Cruise dâune mort certaine. « Câest probablement lâune de mes pires expĂ©riences 94
sous lâeau. Lâactrice que je doublais Ă©tait en petite tenue. Ils mâavaient bien prĂ©parĂ© des lentilles spĂ©ciales mais sous lâeau on ne voit pas grandchose. JâĂ©tais tirĂ©e Ă lâhorizontale avec lâeau qui me rentrait par le nez, prisonniĂšre du cĂąble jusquâĂ ce quâils finissent par crier : coupez ! » Depuis, la jeune femme de 31 ans a sautĂ© dâune voiture en marche (pour Rachel Weisz dans Black Widow) et affrontĂ© Dwayne « The Rock » Johnson en tant que doublure de Vanessa Kirby sur Fast & Furious: Hobbs and Shaw. Plus rĂ©cemment, elle a repris son rĂŽle dans Mission: Impossible pour le nouvel opus de la franchise. Tout cela implique une grosse prĂ©paration, devant et derriĂšre la camĂ©ra. Lucy Cork suit un entraĂźnement structurĂ©, Ă©quilibrĂ© et intensif. Voici ses enseignements pratiques pour la vie quotidienne.
SâĂ©chauffer
Sur le tournage du film Black Widow, Lucy Cork devait sauter dâune voiture en marche. Pour garder ses sens en Ă©veil, elle compte sur la cafĂ©ine et ne commence jamais une prise sans prĂ©paration physique prĂ©alable pour Ă©viter toute blessure. « JâĂ©chauffe Ă©paules, cou et hanches puis je fais la premiĂšre cascade lentement avant dâaugmenter lâintensitĂ©. »
« CâĂ©tait vraiment affreux dâĂȘtre plongĂ©e sous lâeau. » Lucy Cork, cascadeuse
Garder le cap
Tourner une sĂ©rie comme The Witcher fait penser Ă un exercice militaire interminable, « notamment ce combat quâHenry Cavill et moi avons tellement rĂ©pĂ©tĂ© parce que les mouvements Ă©taient aussi complexes que prĂ©cis. Mauvais timing, baisse dâĂ©nergie ou nâimporte quoi dâautre et on reprenait depuis le dĂ©but. On a fait un nombre incalculable de prises trĂšs longues et Ă©puisantes ». Lucy Cork sâest mise aux bains de glace et au sauna pour rĂ©cupĂ©rer plus vite et mieux, et implĂ©mente des exercices moins Âintenses dans sa routine. « Et enfin, afin de garder lâĂ©quilibre, je me suis mise au yoga et au Pilates. »
Instagram : @lucycork THE RED BULLETIN
CHARLIE ALLENBY
Combat, endurance, action !
JOEL HICKS, MICHAEL CARLO
TRAINING
MĂȘme quand elle ne se prĂ©pare pas Ă un nouveau rĂŽle, Lucy Cork continue de sâentraĂźner deux fois par jour pour rester au top. Mais pas la peine dâen faire trop : « Il faut sâentraĂźner de maniĂšre intelligente. Si jâai un gros combat ou une cascade difficile, je vais y aller mollo. Le but nâest pas de se torturer Ă chaque sĂ©ance, surtout avant plusieurs mois dâefforts physiques intenses. » Elle fait Ă©galement des sĂ©ances de cardio quotidiennes pour avoir une meilleure endurance.
M E N T I O N S L ĂGA L ES
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HORS DU COMMUN Retrouvez votre prochain numéro en novembre en abonnement avec et avec dans une sélection de points de distribution et sur abonnement. LITTLE SHAO/RED BULL CONTENT POOL
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Toujours plus haut Le toit du monde, câest ce que Sasha Zhoya vise. Toujours en ascension, lâathlĂšte se souviendra toute sa vie de cette course complĂštement folle. Alors quâil nâa encore Âjamais foulĂ© sa piste dâathlĂ©tisme, le champion dâEurope et du monde junior 2021 du 110 mĂštres haies a rĂ©alisĂ© ce quâaucun autre nâavait encore accompli : franchir des haies sur le toit du Stade de France, perchĂ© Ă 46 mĂštres de haut. Le rĂ©sultat, câest une vidĂ©o de 33 secondes â Ă voir sur redbull.com â dans laquelle le Français natif de Pearth, en Australie, sâen donne Ă cĆur joie... pour notre plus grand plaisir !
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