The Red Bulletin FR 11/23

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FRANCE NOVEMBRE 2023

HORS DU COMMUN Votre magazine offert chaque mois avec

Évoluer

PAR AMOUR DES MOVES, AU-DELÀ DE LA PERFORMANCE, COMMENT LILOU RUEL A CRÉÉ SON PROPRE FREERUN


DAS Galaxy Z Flip5 tĂȘte : 0,601 W/kg, DAS tronc : 1,451 W/kg, DAS membres : 2,34 W/kg. Images simulĂ©es. L’interface peut changer. Samsung Electronics France - CS20003 - 6 rue Fructidor - 93484 Saint-Ouen Cedex. RCS Bobigny 334 367 497. SAS au capital de 27 000 000 €.


É D ITO R I A L

Contributions

DEMARCO WILLIAMS Le journaliste amĂ©ricain est un collaborateur rĂ©gulier de SLAM, fameux mag de basket US, et de Forbes, ainsi que critique gastronomique Ă  plein temps pour The Infatuation. Il ne pense pas que ballon, Ă  l’instar de Pascal Siakam, des Raptors. « Pour parler famille, voyages ou photo, Pascal s’enflamme, et c’est trĂšs cool. » Page 64

DANIEL BROWN

LITTLE SHAO (COUVERTURE), TYKESHA BURTON 2022

Le rĂ©dacteur en chef de The Athletic, basĂ© Ă  San ­Francisco, a effectuĂ© sa premiĂšre plongĂ©e dans l’esport, en dĂ©taillant le Championnat du monde de LoL. À propos de ses dieux, Deft et Faker, il explique : « La concentration sans faille semble ĂȘtre la marque de ­fabrique de tous les champions du monde. » Page 48

SUIVEZ LE MOUVEMENT Si Lilou Ruel, athlĂšte française de 20 ans, est aujourd’hui une star du freerunning, c’est bien parce qu’elle s’est bougĂ©e, au sens propre comme au figurĂ©. Ses moves, amĂ©liorĂ©s sans cesse, l’ont menĂ©e lĂ  oĂč elle rĂȘvait d’ĂȘtre. De mĂȘme pour un autre guest de ce numĂ©ro, Pascal Siakam, un NBA All-Star pour lequel tout a commencĂ© au Cameroun. Mais le mouvement n’est pas que physique et la bascule peut aussi se faire dans l’esprit : la dĂ©termination avant l’action. Celle qui permet Ă  Deft, l’un des boss du jeu League of Legends, et son Ă©quipe DRX, de finalement s’imposer face Ă  Faker, le “Dieu” corĂ©en (voir notre sujet esport sur les Worlds). Dynamique culturelle, enfin, au Royaume-Uni, avec les loustics du BBCC (le Bad Boy Chiller Crew), sortis de leur zone pour ambiancer la jeunesse locale. Et bien plus encore
 Bonne lecture ! Votre RĂ©daction

ALICE AUSTIN La journaliste de Tel-Aviv a beaucoup Ă©crit sur la jonction politique-musique, et a donc Ă©tĂ© attirĂ©e par la scĂšne bassline de Bradford (UK). « C’est comme si certaines parties de la ville avaient Ă©tĂ© oubliĂ©es. Cette scĂšne est donc triomphe. Elle donne Ă  sa jeunesse ­espoirs, rĂȘves
 et plaisanteries Ă  n’en plus finir. » Page 72 THE RED BULLETIN

Paris s’éveille : le photographe Little Shao entame dĂšs l’aube son photoshooting avec Lilou Ruel (qui prend la pose au troisiĂšme Ă©tage). Page 26

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CONTENUS

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G A L E R I E 6 D E S S U R F S E N C H A M P I S 12 L A P L A Y L I S T D E C R A Y O N 15 P O S I T I V E E D U C A T I O N 16 U N C I E L P O U R E L L E S 18 HÉROS & HÉROÏNES

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L’évolution psychique de ce DJ et producteur caribĂ©en, et comment il n’a finalement pas abandonnĂ©.

JAYDA G

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Dancefloor de lutte et hĂ©ritage paternel avec l’artiste canadienne ­rĂ©vĂ©lĂ©e lors d’une Boiler Room.

RACHID OURAMDANE

ESPORT

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Le chorĂ©graphe transporte l’outdoor sur scĂšne, une crĂ©ation oĂč slackline et escalade sont Ă  l’honneur. PORTRAIT

LA VOIE DE LILOU

UNE FOLIE

C U LT U R E

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On vous raconte les Worlds 2022 de League of Legends, Ă  travers le duel d’enfer entre Faker et Deft. L’édition 2023 s’annonce encore plus dingue.

PERSPECTIVES

PORTRAIT

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QUI EST SUTUS ?

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À 20 ans, son ascension est dĂ©jĂ  hors norme. Au-delĂ  du parkour et du freerunning, Lilou Ruel veut Ă©voluer encore plus loin.

DerriÚre vos hits de rap et pop favoris se cache certainement ce producteur discret mais si talentueux, récent invité du Red Bull Studios Paris.

DÉCOUVRIR

PORTRAIT

PADEL MANIA Quelques pages pour devenir un·e expert·e du jeu de raquette qui ­cartonne. 4

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JAMAIS DE TEMPS MORT

LE SANG DE LA BASSLINE 72 À Bradford, petite ville du RoyaumeUni, la bassline des lascars du Bad Boy Chiller Crew change les vies des artistes comme celles de leurs fans.

V O YA G E : B L O C PA R T Y D A N S L E T E S S I N 83 M E N T A L : L E B O N C H O I X 88 G A M I N G : F A I L S G L O R I E U X 89 F I T N E S S : L A N C E Z - V O U S 94 M E N T I O N S L É G A L E S 96

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P O U R F I N I R E N B E A U T É 98

Venu du Cameroun pour s’imposer en NBA, Pascal Siakam, des Raptors, veut inspirer la jeunesse africaine. THE RED BULLETIN

LITTLE SHAO, COLIN YOUNG-WOLFF, CHARLIE LINDSAY/RED BULL CONTENT POOL

POTÉ


THE RED BULLETIN

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Richmond, Virginie, USA

DAVYDD CHONG

BEACH PLEASE

JONATHAN MEHRING/RED BULL CONTENT POOL

Comme la plupart des meilleurs spots, le skatepark Texas Beach (photo) est un projet fait maison. Ancien terrain de basket, l’espace a Ă©tĂ© rĂ©amĂ©nagĂ© par des skateurs locaux et des bĂ©nĂ©voles dans la capitale de l’État de Virginie. Dans son film Greetings From Richmond, le rĂ©alisateur Jonathan Mehring immortalise les spots de skate « bruts et ghetto » de la ville et celles et ceux qui les rident. Ici, Josh Viles envoie un Madonna, trick inventĂ© par une icĂŽne culturelle blonde
 oui, il s’agit de Tony Hawk. DĂ©couvrez la sĂ©rie complĂšte Greetings From sur redbull.com

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Bihac, Bosnie-Herzégovine

EAU COURANTE Quand les pros du kayak Peter Kauzer et Darko Savic se lancent le dĂ©fi de pagayer 100 km Ă  travers la Bosnie-HerzĂ©govine en seulement quatre jours en avril dernier, ils ont deux objectifs principaux. Le premier, montrer la richesse – et la beautĂ© – des voies navigables du pays natal de Savic ; le second, rappeler l’importance de la protection de l’environnement. « Quand Darko m’a parlĂ© de l’expĂ©dition, ma premiĂšre pensĂ©e a Ă©tĂ© : “100 km, c’est beaucoup. OĂč trouvera-t-on ­autant de riviĂšres en Bosnie-­ HerzĂ©govine ?” », dĂ©clare Kauzer le ­SlovĂšne (­photo). La solution : parcourir autant de sections diffĂ©rentes que possible – 15 au total, des riviĂšres rapides et lacs calmes jusqu’au bord de la mer Adriatique – en adaptant leur technique.

Kayaking Wonderland sur redbull.com


DAVYDD CHONG PREDRAG VUCKOVIC/RED BULL CONTENT POOL, ROMINA AMATO/RED BULL CONTENT POOL

Takachiho, Japon

SUBLISSIME Rien de tel que du tourisme Ă  l’étranger. Ce n’est pas diffĂ©rent pour un plongeur de haut vol pro – bien que la vue soit ­gĂ©nĂ©ralement une Ă©tendue d’eau se ­prĂ©cipitant vers vous Ă  grande vitesse. Pendant les Red Bull Cliff Diving World Series en aoĂ»t dernier, la boss australienne Rhiannan Iffland (photo) a portĂ© sa sĂ©rie de victoires Ă  11 avec un saut Ă  couper le souffle depuis une plateforme de 21 m au-dessus des gorges de Takachiho au Japon et dans la riviĂšre Gokase en contrebas. La mythologie locale ­raconte comment la dĂ©esse du soleil Amaterasu Omikami s’est cachĂ©e dans une grotte au bord de la riviĂšre Ă  la suite d’une dispute avec son frĂšre. Divin. redbullcontentpool.com

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Doha, Qatar

C’EST TENDU Qui refuserait au slacklineur Jaan Roose une petite pause relaxante Ă  185 m au-dessus de Doha ? Battre le record de la plus longue traversĂ©e de slackline entre deux bĂątiments – 150 m entre les tours jumelles Katara, ça fatigue. « Le poids des lumiĂšres LED sur cette ligne de 2,5 cm de large a introduit une dynamique diffĂ©rente dans leur comportement sous mon poids, e ­ xplique l’Estonien Ă  propos de son e ­ xploit en juin. Comme faire du skate sur un gros tronc d’arbre. » Mais la vue Ă©tait belle, n’est-ce pas ? La Sparkline de Roose est sur redbull.com


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VOLODYA VORONIN/RED BULL CONTENT POOL

DAVYDD CHONG


Ce surfeur de 23 ans veut rendre son sport plus respectueux de la nature en fabriquant des planches de surf Ă  base de mycĂ©lium. La communautĂ© du surf est connue pour sa conscience en­ vironnementale et sa trĂšs forte connexion avec l’ocĂ©an et les multiples et subtils change­ ments qui s’y opĂšrent. Ce que la plupart ne rĂ©alisent pas, pourtant, c’est Ă  quel point leur sport prĂ©fĂ©rĂ© a un impact nĂ©gatif sur l’environnement qu’ils ont envie de protĂ©ger. Steve Davies est Ă  la fois un passionnĂ© de surf et un concepteur produit, originaire de Porth­cawl (Pays de Galles). Deux passions qui lui ont don­ nĂ© envie, en toute logique, de rĂ©volutionner l’industrie du surf en privilĂ©giant un maté­ riau durable et biodĂ©gradable : le mycĂ©lium ou blanc de cham­ pignon. Petit rappel : actuellement, les planches sont faites en fibres de verre et polystyrĂšne, deux matĂ©riaux non seulement peu dĂ©gradables mais aussi fortement liĂ©s aux Ă©nergies fossiles. Quand elles atter­ rissent dans des dĂ©charges – ou pire, dans l’ocĂ©an – les planches peuvent mettre plus de 500 ans Ă  disparaĂźtre. « Porthcawl est un petit spot de surf local, et ce sport a toujours fait partie de ma vie, explique le jeune homme. J’ai commencĂ© Ă  percevoir un vĂ©ri­ table fossĂ© entre l’éthique trĂšs environnementale des surfeur· euse·s et les supports sur les­ quels ils et elles pratiquaient leur sport. C’est lĂ  que j’ai com­ mencĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  un moyen de crĂ©er une planche qui ne 12

Avant/aprĂšs : on applique sur une structure filamentaire compostable (en haut Ă  g.) un mĂ©lange de mycĂ©lium et de substrat (en haut Ă  dr.) pour permettre au premier de se dĂ©velopper ; (Ă  g.) le designeur Steve Davies et l’une de ses planches.

THE RED BULLETIN

LOU BOYD

Ce n’est pas une hallu

s­ alisse ni la planĂšte, ni l’ocĂ©an. Et c’est ainsi que j’ai dĂ©couvert la solution : le mycĂ©lium. » Steve Devis, tout en bos­ sant sur son master en conception produit Ă  la Cardiff Metropolitan University, a ­rencontrĂ© des designers utili­ sant le mycĂ©lium – la partie souterraine du champignon, qui forme une mousse ayant les mĂȘmes propriĂ©tĂ©s que le polystyrĂšne expansĂ© – pour crĂ©er des objets et des embal­ lages. Il a l’idĂ©e d’essayer la mĂȘme chose pour faire des planches de surf. « Les champignons se re­ produisent avec leurs spores, pas avec des graines, explique Steve Davies. « Vous pouvez couper un champignon dans votre assiette et obtenir ainsi un millier de spores qui peuvent ĂȘtre nourris pour ­former une mousse de mycé­ lium. Pour avoir la forme d’une planche de surf, j’ai appliquĂ© le mycĂ©lium cultivĂ© sur un substrat de dĂ©chets vĂ©gĂ©taux, comme de la paille, le tout dans un moule de la forme d’une planche. Il faut une semaine pour que l’ensemble solidifie : aprĂšs la cuisson de la planche puis son Ă©tanchĂ©isation, elle est prĂȘte Ă  ĂȘtre utilisĂ©e. » Steve Davies travaille ac­ tuellement sur l’aspect esthé­ tique et les performances de ses planches, qu’il veut porter au mĂȘme niveau que les planches en fibres de verre, dans l’espoir de lancer une ­vĂ©ritable industrie plus res­ pectueuse des ocĂ©ans. « J’adore les propriĂ©tĂ©s de croissance du mycĂ©lium, notamment parce qu’il se nourrit de carbone pendant sa croissance. Mes planches sont donc bĂ©nĂ©fiques pour l’envi­ ronnement. Je peux prendre un seul champignon et le faire pousser jusqu’à avoir une piĂšce remplie de planches de surf. C’est mon rĂȘve : avoir ma propre marque de planches, uniquement Ă  partir d’un champignon. Cette marque, je vais l’appeler “Shrooms”. »

STEVE DAVIES

STEVE DAVIES


TH E MO ST CAPAB LE R ARE LY GO IT ALO N E . TH E MO ST CAPAB LE R ARE LY GO IT ALO N E .

AU S T R A L I A N O U T B AC K @ B F G o o d r i c hT i r e s

11.10 . 2 2

AU S T R A L I A N O U T B AC K @ B F G o o d r i c hT i r e s

11.10 . 2 2



CRAYON

Synergie Le producteur parisien au ­croisement de la scĂšne indie et jazz nous dresse un top 4 de ses featurings favoris, d’hier et d’aujourd’hui. Crayon, de son vrai nom Lauren, s’est imposĂ© comme une partie ­intĂ©grante de la scĂšne musicale indĂ©pendante parisienne. Avec son album Hundred Fifty Roses, il a su prouver sa versalitĂ© sonore aussi bien dĂ©licate que groovy. Un jazz moderne, qui frĂŽle le R&B en laissant parfois place Ă  des sonoritĂ©s Ă©lectroniques, dont la musicalitĂ© vient cajoler sans vergogne le flow de rappeurs comme Swing et Ichon ou encore la soul du compositeur interprĂšte français Gracy Hopkins. Avec Crayon, on cĂ©lĂšbre l’anagogie dans le seul but de se procurer un plaisir auditif. Le producteur nous livre quatre morceaux qui reflĂštent son identitĂ© d’artiste.

OLGA DU SAILLANT

MARIE-MAXIME DRICOT

Retrouvez les prods de Crayon en scannant le lien ci-contre.

Tuerie (feat. Hedges)

Yussef Dayes (feat. Tom Mish)

Rhye

Numéro Vert

Rust

« Papillon Monarque, sorti sur le label de Luidji, est mon album francophone prĂ©fĂ©rĂ© en ce ­moment. Ça fait plaisir de voir que le rap français s’autorise Ă  faire des propositions qui mĂȘlent jazz et gospel. Clairement un morceau que j’aurais aimĂ© produire, avec ses sublimes arrangements de cordes et cette ligne de basse. »

« Une derniĂšre sortie de l’illustre batteur et compositeur, londonien qui continue de repousser les limites du genre qu’il a lui-mĂȘme crĂ©Ă©, ce nouveau jazz Ă  l’anglaise, minimaliste et pure. Ici, il est accompagnĂ© une fois de plus par le musicien Tom Misch, qui sort de son format pop et disco ­habituel. C’est divin ! »

« Ce sublime morceau trĂšs folk, est sorti sur le projet Home du duo canado-danois pendant le confinement. On ­retrouve sur ce titre le ­guitariste-compositeur Joel Shearer, connu pour ces morceaux emblĂ©matiques aux États Unis dans les annĂ©es 2000 (dont Alanis Morissette, ndlr). On ne peut qu’apprĂ©cier la qualitĂ© de sa composition. »

THE RED BULLETIN

Need A Lover

Yusef Lateef (feat. Alex North) Love Theme From Spartacus

« C’est une reprise du morceau du compositeur Alex North, Ă©crite pour le film Spartacus, de Stanley Kubrick. Il en existe plusieurs versions, dont une du pianiste Bill Evans que je ­rĂ©Ă©coute souvent. J’ai saisi l’importance du titre en lisant qu’il s’agirait du morceau de jazz qui ouvre les portes de la s­ piritualitĂ© orientale. » 15


À Saint-Étienne, le Positive Education Festival expose l’avant-garde de la musique Ă©lectronique. Et marque les esprits Ă  jamais. PĂ©nĂ©trer dans la CitĂ© du Design de Saint-Étienne, avec ses pavĂ©s et ses entrepĂŽts Ă  la hauteur de plafond sidĂ©rante, c’est comme entrer dans une usine Ă  raves. LittĂ©ralement, ou presque, puisque le lieu accueillait autrefois une manufacture d’armes, qui fabriquait des milliers de fusils et baĂŻonnettes chaque jour. Depuis 2015, ce sont des bombes de dancefloor qui y sont lĂąchĂ©es grĂące au Positive Education Festival (PEF), qui, chaque annĂ©e au milieu de l’automne, rĂ©veille le passĂ© industriel d’une ville branchĂ©e sur courant alternatif quand on parle musique. « C’est une ville qui a toujours fonctionnĂ© sur la dĂ©couverte et sur des artistes alternatifs, explique le fondateur du festival Charles Di Falco. On aime dĂ©couvrir des choses qu’on n’a pas l’habitude d’entendre et on programme le plus possible d’artistes comme ça. » 16

Une ligne de conduite qui permet grands moments et chocs sonores – et visuels, un soin particulier Ă©tant apportĂ© Ă  la scĂ©nographie – comme avec Manu le Malin, l’une des figures de la techno hardcore française, dont le set a fait Ă©clater les vitres, The Bug, patron de la bass music anglaise, qui a livrĂ©

Le duo bulgare IDMT (en haut à g.) ; le public i­ mpatient devant les portes du PEF (en bas).

THE RED BULLETIN

SMAËL BOUAICI

Usine Ă  merveilles

HORTENSE GIRAUD, JULIETTE VALERO

POSITIVE EDUCATION

un des concerts les plus bruyants et des plus puissants de l’histoire des festivals français, ou encore Iceboy Violet, qui passe la moitiĂ© de son show Ă  rapper au milieu de la foule. Coup de chance : alors que le bail allait expirer, le public pourra profiter une derniĂšre fois de la CitĂ© du Design, avant que le PEF n’entre dans une nouvelle dimension. Fort de son succĂšs, le festival stĂ©phanois ajoute une nouvelle corde Ă  son arc pour cette Ă©dition 2023 avec des concerts de journĂ©e dans un nouveau lieu. Enfin, un ancien lieu, qui fait lui aussi Ă©cho Ă  l’histoire de la ville. La Halle Papaz, situĂ©e opportunĂ©ment Ă  quelques pas de la CitĂ© du Design, est une ancienne usine qui fabriquait des piĂšces dĂ©tachĂ©es destinĂ©es aux machines utilisĂ©es dans les mines Ă  charbon de la rĂ©gion. Le lieu accueillera donc des concerts (thĂ©matiques diffĂ©rentes chaque jour, ambient, rock, hip-hop
) mais aussi des ateliers de production musicale (avec la DJ lyonnaise Flore notamment) et des confĂ©rences sur des thĂšmes liĂ©s aux musiques Ă©lectroniques l’aprĂšs-midi. De quoi entretenir l’aura de cet Ă©vĂ©nement devenu, en six ans, le meilleur argument marketing de l’office de tourisme de Saint-Étienne, une ville qui prend enfin un peu de lumiĂšre dans l’ombre de son voisin lyonnais et dont les hĂŽtels connaissent dĂ©sormais une nouvelle pĂ©riode de pointe au dĂ©but du mois de novembre. Le festival a aussi Ă©tĂ© remarquĂ© par les mĂ©dias Ă©trangers dĂ©diĂ©s Ă  la scĂšne Ă©lectronique, et son aspect dĂ©fricheur en fait l’un des rendez-vous pros importants pour jauger les nouveautĂ©s. Cette annĂ©e, entre le sorcier italien Donato Dozzy et la Polonaise VTSS, qui porte bien son nom, elles et ils dĂ©couvriront des ovnis comme Danse Musique RhĂŽne-Alpes ou DJ Bus Replacement Service, qui mixe Ă©lectro, art et cinĂ©ma derriĂšre un masque de Kim Jong-un
 Du 31 octobre au 5 novembre 2023 ; positiveeducation.fr


Une nuit sans fin marquĂ©e par l’exaltation d’un public qui ne demande qu’à explorer les territoires musicaux de la scĂšne française et internationale.

Le PEF c’est aussi des scĂ©nographes, VJ et technicien·ne·s qui subliment les lieux pour une expĂ©rience hors du commun et inoubliable. THE RED BULLETIN

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PARACHUTISME AU FÉMININ

Un ciel pour tous et toutes

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tisme, explique Melanie Curtis. C’est avant tout une question de sous-reprĂ©sentation : une femme se pointe dans une zone de saut et ne voit que des hommes autour d’elle, logique qu’elle se sente mal Ă  l’aise ou bien se demande ce qu’elle fait lĂ . On veut faire passer un message clair : notre sport est ouvert Ă  toutes les femmes. » Et en matiĂšre de sensibilisation, rien de mieux que de rĂ©unir des femmes qui n’ont pas froid aux yeux. En novembre dernier, Melanie Curtis rassemble donc 80 femmes de 22 nationalitĂ©s diffĂ©rentes sur un terrain d’aviation en Arizona. Elles embarquent Ă  bord de cinq avions Cessna, puis, une fois dans les airs, rĂ©alisent un saut d’environ 6 000 mĂštres. TĂȘte en bas, Ă  une ­vitesse de 260 km/h, les voilĂ  unies en plein vol pour Ă©tablir un

RĂ©action en chaĂźne : baptisĂ© Projet 19, ce spectaculaire saut en parachute effectuĂ© en novembre 2022 en Arizona a battu tous les records (en haut). Melanie Curtis, fondatrice de Women’s Skydiving Network (ci-dessus).

­ ouveau record du monde du n plus grand saut en parachute 100 % fĂ©minin. Pour Curtis, ce genre d’exploits entame un dialogue plus large sur les questions de sous-reprĂ©sentation fĂ©minine dans d’autres secteurs. « Le parachutisme, c’est flashy, c’est sexy, ça permet de capter l’attention. Ensuite, il s’agit d’en faire un tremplin pour Ă©lever le dĂ©bat, voir ce que les femmes font activement pour amĂ©liorer leur condition, comment elles peuvent occuper des espaces oĂč elles Ă©taient jusqu’à prĂ©sent trop peu nombreuses. » Prochain objectif : un saut avec 100 femmes en 2024. « On veut que d’autres filles et femmes filles nous regardent et se disent qu’elles aussi peuvent faire preuve d’audace et de courage. » womensskydivingnetwork.org THE RED BULLETIN

EWAN COWIE, IRINA LEONI

« Le parachutisme Ă©veille l’esprit », soutient l’AmĂ©ricaine Melanie Curtis qui a rĂ©alisĂ© son premier saut depuis un avion dans les bras de son pĂšre pilote alors qu’elle n’avait que trois mois. « On voit le monde autrement, on a moins peur de se lancer de nouveaux dĂ©fis. C’est ultra puissant. » Pourtant, selon une enquĂȘte de 2021 par l’United States Parachute Association, seulement 14 % de ses membres s’identifient comme femmes, une disparitĂ© qui s’étend au niveau global. Fondatrice de l’organisation Ă  but non lucratif Women’s Skydiving Network, Melanie a dĂ©cidĂ© de tordre le cou Ă  ces statistiques en inspirant davantage de femmes Ă  sauter, avec tous les bĂ©nĂ©fices qui en dĂ©coulent. « On ignore pourquoi si peu de femmes font du parachu-

TOM WARD

Dans la chute libre, les femmes sont sous-représentées. AprÚs avoir battu tous les records, une athlÚte veut changer la donne.


C AMp


H É RO S & H É RO Ï N ES

POTÉ

Le DJ et compositeur-interprÚte Poté met en musique son évolution ­psychique avec son nouvel EP, To Say Goodbye, un projet aux allures de journal intime qui redonne un sens au mot « fin ».

Originaire de Saint-Lucie (CaraĂŻbes), le DJ, producteur et chanteur anglais basĂ© Ă  Paris propose un univers musical romanesque harmonisĂ© par un ensemble de basses et de percussions qui soulignent les Ă©motions qu’il nous partage. Avec son EP, To Say Goodbye, l’enfant insulaire bercĂ© par le rythme des vagues nous invite Ă  prendre part Ă  la traversĂ©e de son voyage qui s’apparente Ă  un Ă  bientĂŽt de vous revoir. La traduction d’une fausse alerte, en rĂ©ponse Ă  une prise de conscience, que le chanteur a commencĂ©e Ă  Ă©crire en 2021. C’est sur son Ăźle natale que PotĂ© fait ses premiers pas dans la production musicale avec son frĂšre, Ă  l’aide de vieux microphones et du logiciel Audacity. Il a dix ans et ses productions n’ont aucun sens, mais une premiĂšre fois est toujours un moment inoubliable, d’autant plus lorsqu’elle est partagĂ©e. Ce n’est qu’à ­quatorze ans, grĂące Ă  un ami, qu’il prend conscience qu’il n’a pas besoin de vĂ©ritable studio pour Ă©crire de la musique, il suffit de tĂ©lĂ©charger FL Studio pour faire des beats. DĂšs lors, PotĂ© dĂ©veloppe une obsession pour la musique quitte Ă  rester Ă©veillĂ© toutes les nuits jusqu’à cinq heures du matin pour faire de la musique et avoir Ă  peine le temps de dormir une heure avant de se rendre Ă  l’école. Plus tard, un de ses amis, Eunice, l’initiera Ă  la musique Ă©lectronique en lui faisant Ă©couter des morceaux de Trance Records et Ed Banger. Il s’éprendra de Mr. Oizo dont il trouve le funk et la libertĂ© d’expression fascinante, une Ă©chappatoire pour l’ado dĂ©sormais installĂ© Ă  Londres sur dĂ©cision parentale, dans le but d’avoir de meilleures opportunitĂ©s. Mais son expĂ©rience dans la capitale britannique est compliquĂ©e : « Le fait de dĂ©mĂ©nager ailleurs et de laisser tout son

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PHOTO SAMUEL FABIA

monde derriĂšre soi pour recommencer Ă  zĂ©ro, quand on est ado, c’est difficile. Je suis sĂ»r que c’est la mĂȘme chose pour beaucoup d’ado immigrĂ©s. » Pas simple de se proclamer Anglais. Mais ses annĂ©es Ă  Londres lui auront permis de se faire une place plus aisĂ©ment Ă  Paris oĂč il Ă©crit et compose dĂ©sormais sa musique, dont To Say Goodbye, Ă  la maniĂšre d’un journal intime : « C’est comme si je me disais “Cher journal...” Quand je pense aux paroles, mais si tu n’écoutes que la production, c’est peut-ĂȘtre une autre histoire. » Le son de PotĂ© transpire le soulagement, mĂȘme si cet EP a pris vie au moment oĂč le Saint-Lucien Ă©tait encore dans un moment obscur de sa vie. the red bulletin : Ton prochain EP, To Say Goodbye, va bientĂŽt sortir. Ton expĂ©rience de DJ a-t-elle impactĂ© ta maniĂšre de produire ? D’autant plus que tu Ă©tais en tournĂ©e avec Bonobo cette derniĂšre annĂ©e. potĂ© : Il y a quelques annĂ©es oui, bien sĂ»r, le monde du djing m’a impactĂ©, mais ça a changĂ©. Aujourd’hui, c’est la musique live qui m’inspire dans ma maniĂšre d’écrire, probablement parce que je chante. Je me concentre plus sur l’écriture de paroles et des arrangements, que sur les rythmes clubbing. D’oĂč vient le nom du projet ? To Say Goodbye devait ĂȘtre mon dernier projet. J’étais persuadĂ© que je devais arrĂȘter de faire de la musique aprĂšs ça, c’est pour ça que je l’ai titrĂ© ainsi. En Ă©crivant l’EP et la chanson Ă©ponyme, je pensais sincĂšrement qu’il s’agissait de mes adieux Ă  la musique, parce que j’avais de nombreuses crises d’angoisse. Ce n’était pas drĂŽle du tout, je voulais dire au revoir Ă  mon public de la seule maniĂšre que je connaisse. Pas en postant un message sur Instagram, faire ça de la bonne maniĂšre.

Et que s’est-il passĂ© depuis ? Tu Ă©tais rĂ©cemment aux Red Bull Studios Paris pour enregistrer la suite de ce projet
 J’ai suivi une thĂ©rapie qui m’a permis de comprendre les raisons de mes crises d’angoisse, que ce n’était pas ce qu’il semblait ĂȘtre dans mon esprit, mais que c’était une maniĂšre de me protĂ©ger. Donc, je n’ai pas besoin de dire au revoir, de me retirer de la scĂšne, mais d’apprendre Ă  gĂ©rer mes Ă©motions et Ă  y faire face. En parlant de protection, on trouve sur l’EP le titre Where Water Meets The Sky, qui a quelque chose de chimĂ©rique, comme un rĂȘve qui nous rassure. Oui, ce morceau est comme un endroit depuis lequel, quand on regarde la mer, elle se confond avec le ciel. Il faut imaginer cet instant merveilleux que personne d’autre ne voit, car il n’existe pas rĂ©ellement. Je voulais Ă©crire une chanson qui soit positive, qui ressemble Ă  un verre Ă  moitiĂ© plein, plutĂŽt qu’à moitiĂ© vide. Quel titre de l’EP symbolise le plus tout ce processus d’évolution ? Our Love. Il correspond Ă  une sĂ©ance de thĂ©rapie oĂč le psy m’a interrogĂ© sur mon entourage proche pour conclure que j’étais un ĂȘtre aimĂ©. Tout de suite mon cerveau a gelĂ© : «  Quoi, les gens m’aiment ?!? » Quand je suis rentrĂ© chez moi, je me suis retrouvĂ© dans un Ă©tat de bĂ©atitude. Quand on comprend mieux ce que signifie aimer et ĂȘtre aimĂ©, ça nous rend capable de le faire correctement Ă  notre tour. STYLING: STEPHY GALVANI

TEXTE MARIE-MAXIME DRICOT

Instagram : @pote

THE RED BULLETIN


« J’étais persuadĂ© que je devais arrĂȘter de faire de la ­musique. » Le chanteur PotĂ© au sujet de sa prise de conscience et de la nĂ©cessitĂ© de soigner ses maux.

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H É RO S & H É RO Ï N ES

JAYDA G

La DJ et productrice de musique canadienne s’est inspirĂ©e de son pĂšre dĂ©cĂ©dĂ© pour son dernier album, Guy, et affirme que la piste de danse est l’endroit idĂ©al pour partager des histoires de lutte. TEXTE LOU BOYD

Jayda Guy, plus connue sous son pseudonyme de DJ, Jayda G, a connu sa grande percĂ©e sur la scĂšne dance en 2017 grĂące Ă  une vidĂ©o de son set Boiler Room trĂšs Ă©nergique lors du festival Dekmantel Ă  Amsterdam cette annĂ©e-lĂ . En peu de temps, la joyeuse house music aux accents soul et disco, l’enthousiasme contagieux et la danse Ă©nergique de la DJ et productrice de musique canadienne derriĂšre les platines Ă©taient devenus viraux. Mais quiconque Ă©coutait attentivement les sets de Guy pouvait deviner que ce DJ ne se contentait pas de s’amuser. Toxicologue environnementale de mĂ©tier, elle a insĂ©rĂ© des sons naturels, notamment les cris des orques et d’autres espĂšces marines, dans ses premiers travaux, dans le but de lancer des conversations sur les questions de conservation qui lui tiennent Ă  cƓur. Aujourd’hui ĂągĂ©e de 34 ans et basĂ©e Ă  Londres, Guy se dĂ©barrasse de son image de fĂȘtarde et rapproche son public grĂące Ă  un album profondĂ©ment personnel inspirĂ© par sa famille. L’album, Guy, contient des enregistrements d’archives de son pĂšre, aujourd’hui dĂ©cĂ©dĂ©, racontant son histoire de jeune Afro-AmĂ©ricain se frayant un chemin dans un monde difficile. « Je voulais que l’album soit un mĂ©lange de rĂ©cits sur l’expĂ©rience afro-amĂ©ricaine, la mort, le deuil et la comprĂ©hension, explique-t-elle. » Jayda Guy confie Ă  The Red Bulletin ce qu’elle a ressenti en Ă©crivant un album autour de la mĂ©moire de son pĂšre, et des raisons pour lesquelles la dance est le moyen idĂ©al d’exprimer des Ă©motions complexes...

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PHOTO NABIL ELDERKIN

the red bulletin : Guy est plus personnel que vos albums prĂ©cĂ©dents
 Était-ce une dĂ©cision consciente ? jayda g : Jayda G est un personnage assez unidimensionnel : elle est heureuse, elle danse, elle joue de la musique joyeuse. Mais j’ai aussi une tout autre facette : ­Jayda Guy, qui est plutĂŽt rĂ©flĂ©chie, qui se donne beaucoup de mal dans la vie. Je voulais intĂ©grer davantage de ces Ă©lĂ©ments dans ma musique. Comment en ĂȘtes-vous arrivĂ©e Ă  utiliser des enregistrements de votre pĂšre ? Mon pĂšre est mort quand j’avais dix ans. Il savait depuis environ cinq ans qu’il Ă©tait malade, et lorsqu’il n’en a plus eu pour longtemps, il a commencĂ© Ă  enregistrer des vidĂ©os sur sa vie. RĂ©cemment, Ă  peu prĂšs vingt ans aprĂšs sa mort, j’ai rĂ©alisĂ© que de nombreuses histoires racontĂ©es par mon pĂšre dans ces cassettes seraient une bonne source d’inspiration pour des chansons et des paroles. C’est ainsi que j’ai commencĂ© Ă  fouiller ses vidĂ©os et Ă  mieux comprendre qui il Ă©tait et quel genre de vie il menait. Parlez-nous de lui. Mon pĂšre Ă©tait un Noir de Kansas City, nĂ© dans les annĂ©es 50. Il a grandi dans le ghetto. Il voulait s’en sortir. Il s’est donc engagĂ© dans l’armĂ©e et a Ă©tĂ© stationnĂ© en ThaĂŻlande dans le cadre de la guerre du Vietnam. Imaginez-le, cet AmĂ©ricain qui ne connaissait qu’un seul mode de vie, celui du Midwest, qui se retrouve d’un coup en ThaĂŻlande, dans un univers qu’il ne connaĂźt pas du tout
 Plus tard, il s’est installĂ© Ă  Washington, est devenu DJ Ă  la radio et s’est retrouvĂ© malgrĂ© lui au cƓur des Ă©meutes raciales de 1968. Il a finalement trouvĂ© une nouvelle vie au Canada avec ma mĂšre
 Pour moi, il est remarquable de voir combien il Ă©tait aventureux et Ă  quel point il aspirait Ă  une vie

meilleure. Mes frĂšres et sƓurs et moi sommes le r­ Ă©sultat de cette aspiration. Vous avez dit que Guy s’adressait Ă  « tou·te·s celles et ceux qui veulent aller plus loin ». Qu’est-ce que cela signifie ? Cet album est dĂ©diĂ© Ă  toutes les personnes qui ont Ă©tĂ© opprimĂ©es et qui ont eu une vie difficile. Plus je vieillis, plus je rĂ©alise Ă  quel point il est difficile de vouloir obtenir plus si l’on n’a pas de ­modĂšle dans sa propre communautĂ©. Rares sont celles et ceux qui parviennent Ă  imaginer une autre vie. Mon pĂšre Ă©tait l’un d’entre eux·elles. Pourquoi pensez-vous que la musique est un bon vĂ©hicule pour des histoires comme celle-ci ? La dance, et plus particuliĂšrement la house, sont nĂ©es de la lutte de la communautĂ© noire aux États-Unis et de la communautĂ© LGBTQ. Ce son, c’est un endroit safe, c’est le son de la libertĂ©. Lorsqu’un genre musical possĂšde cette essence, il a le pouvoir d’inciter les gens Ă  l’écouter. J’essaie de trouver des moyens crĂ©atifs d’utiliser la dance pour faire passer des messages. Quels messages ? Il se passe toujours quelque chose dans la vie, en bien ou en mal, et c’est Ă  toi de dĂ©cider comment ces choses t’influencent. Si je me concentre sur la vie de mon pĂšre, j’espĂšre que les gens verront qu’il a dĂ©cidĂ© de s’amĂ©liorer, de ­s’appliquer davantage et d’apprendre de ses erreurs. Ce sont les valeurs qu’il nous a transmises, Ă  moi et Ă  ma famille, que cet album reflĂšte. Instagram : @jaydagmusic

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« La house music, c’est le son de la libertĂ©. » Jayda G sur l’importance des messages vĂ©hiculĂ©s pour les personnes opprimĂ©es.

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H É RO S & H É RO Ï N ES

RACHID OURAMDANE

Un chorĂ©graphe en apesanteur : dans son spectacle Corps ExtrĂȘmes, qui rĂ©unit acrobates et sportif·ve·s, il met en scĂšne le vertige et la chute. La t­ ournĂ©e, Ă  l’affiche jusqu’en 2024, fait un carton en France et Ă  l’étranger. TEXTE PATRICIA OUDIT

Au fond de la scĂšne, un imposant mur d’escalade est traversĂ© en hauteur par une slackline, et le plateau se transforme par moments en un vaste Ă©cran sur lequel sont projetĂ©es des images vertigineuses du highliner Nathan Paulin et de la grimpeuse Nina Caprez. En off, les voix de ces deux athlĂštes d’exception, loin de leurs terrains de pratique habituels, ainsi que celle de la voltigeuse Airelle Caen, chacun·e livrant un tĂ©moignage puissant sur l’intimitĂ© de leur ressenti, Ă©voquant tour Ă  tour, plaisir, libertĂ©, peurs. À l’origine du spectacle Ă  l’affiche depuis 2021 et qui a indoorisĂ© l’outdoor sans le trahir : ­Rachid ­Ouramdane, chorĂ©graphe depuis trente ans et prĂ©sident-directeur de Chaillot-­ ThĂ©Ăątre National de la Danse depuis 2021, qui a souhaitĂ© se « focaliser sur la fascination qu’exercent les notions d’envol, d’état d’apesanteur, de suspension, de planer
 » Intentions rĂ©ussies. the red bulletin : Comment est nĂ©e l’idĂ©e de cette crĂ©ation, unique en son genre ? rachid ouramdane : Plusieurs raisons se sont conjuguĂ©es. En travaillant avec le collectif XY, une horde d’acrobates ­incroyable, pour le spectacle Möbius, j’ai pu observer cette attention qu’ils et elles se portaient les un·e·s aux autres, cette qualitĂ© de toucher
 À l’époque, je vivais au Sappey-en-Chartreuse (IsĂšre, ndlr), tout prĂšs de Saint-Hilaire-duTouvet, gros spot de vol libre, et ayant grandi dans les Alpes, j’ai Ă©tĂ© bercĂ© par ces rĂ©cits de montagne. Je trouve cette philosophie qui accompagne ces pratiques bouleversantes, dans le dĂ©passement de soi et la rencontre avec les Ă©lĂ©ments naturels.

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PHOTO BENJAMIN MENGELLE

Que vouliez-vous exprimer avec Corps ExtrĂȘmes ? GrĂące Ă  toutes ces rencontres avec les sportif·ve·s, j’ai eu envie de faire un spectacle autour de tout ce qui est une attention au vivant. À l’inverse de ce qu’on peut lire et dire sur l’inconscience des pratiquants de sports extrĂȘmes, ­j’entendais des choses sublimes : quand Nina Caprez parle de la roche, elle est d’une intelligence et d’une sensibilitĂ© extrĂȘme Ă  tout ce qui l’entoure. C’est ce qui fait que le corps peut rĂ©aliser des choses hors du commun avec la pleine conscience de ses limites. Pourquoi avoir choisi d’intĂ©grer l’escalade et la highline dans le spectacle ? Je voulais des disciplines qui puissent se dĂ©ployer dans un thĂ©Ăątre, sinon, je n’aurais pu recourir qu’au rĂ©cit ou Ă  la vidĂ©o. LĂ , nous avons pu rĂ©aliser un vrai mur d’escalade indoor sur lequel nous avons projetĂ© des images de falaises. Pour moi, c’était important que le public, mĂȘme si on est loin des immensitĂ©s qu’embrassent Nina et Nathan d’ordinaire, les voient Ă©voluer dans un cadre spectaculaire. Pour ces athlĂštes, ce n’est pas un moment de dĂ©fi sportif, plutĂŽt un moment de challenge expressif. Ils arrivent Ă  nous faire partager cette passion par le corps mais aussi via les tĂ©moignages : quand Nathan Paulin parle de ses hallucinations ou comment sa peur devient une complice, c’est trĂšs puissant. Comment avez-vous travaillĂ© avec ces sportif·ve·s qui n’étaient pas, Ă  tous points de vue, dans leur Ă©lĂ©ment naturel ? Ce n’est pas la premiĂšre fois que je monte des projets avec des gens hors de leur domaine. Par exemple, juste aprĂšs les Ă©meutes de 2005, j’avais crĂ©Ă© Surface de rĂ©paration, des portraits d’ados Ă  travers

le sport, qui est un peu un pied de biche pour aller chercher l’intime. En ce qui concerne Corps ExtrĂȘmes, je sentais chez Nina et Nathan l’envie de partager leur passion autrement, d’aller sur le terrain de ressenti. Ce qui a facilitĂ© ces portraits par le mouvement, c’est la connaissance aiguĂ« de leur corps, qu’ils et elles ont en commun avec les acrobates. GrĂące Ă  leur savoir-faire corporel, mis au service de leur sport, ils et elles ont dĂ©couvert avec le spectacle leur ­potentiel chorĂ©graphique. Pratiquez-vous des sports extrĂȘmes ? J’ai eu la chance de grandir Ă  Annecy, entourĂ© de parapentistes et de skieur·euse·s. Ma pratique n’est pas du tout extrĂȘme, mais j’ai fait beaucoup de sports de glisse, mais aussi des sports collectifs et individuels comme les arts martiaux. J’ai passĂ© une partie de mon Ă©tĂ© Ă  surfer. J’ai un goĂ»t affirmĂ© pour l’effort, la fluiditĂ© et une complicitĂ© de longue date avec le sport. Cet hĂ©ritage m’a aussi formĂ© Ă  l’art, m’a appris, entre autres Ă  me placer et me dĂ©placer dans l’espace, Ă  chuter et Ă  faire confiance Ă  mon corps. D’ailleurs, on voit que ce cĂŽtĂ© athlĂ©tique est de plus en plus prĂ©sent dans la maniĂšre de danser, notamment via les danses urbaines. En quoi ce genre ce spectacle peut-il ­inspirer chacun·e Ă  se dĂ©passer ? Je suis convaincu qu’on est toutes et tous plus grand·e·s qu’on ne le pense. Si on s’autorisait plus de choses, si on osait se dĂ©passer
 C’est aussi ce que raconte ce spectacle : casser les barriĂšres, se libĂ©rer, se rĂ©vĂ©ler.

Instagram : @theatrechaillot

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« On est toutes et tous plus grand·e·s qu’on ne le pense. » Rachid Ouramdane a sublimĂ© l’escalade et la slackine dans une crĂ©ation sans Ă©quivalent.

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LA VOIE DE LILOU

PoussĂ©e par l’envie (de se dĂ©passer et de se/nous faire plaisir), LILOU RUEL, 20 ans, a Ă©voluĂ©, et s’est ­imposĂ©e au sommet du parkour et du freerunning mondiaux. Des dĂ©buts dans son jardin Ă  sa faim d’encore plus, ou de cinĂ©ma, elle se raconte aussi facilement qu’elle bouge ou affronte les difficultĂ©s. Texte PH CAMY

Photos LITTLE SHAO


Du freerunning sur les toits de Paris. Lilou Ruel photographiée en juillet dernier par Little Shao.

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Lilou

« Le freerun est l’une des rares ­disciplines qui ne demande aucun Ă©quipement, comme le breaking. On peut pratiquer partout : dans la neige, le sable, sous la pluie, dans l’herbe, sur du bĂ©ton, dedans, dehors, bien habillĂ©e ou non
 C’est la libertĂ© totale. » Curieux de savoir qui est la jeune femme Ă  casquette Red Bull qui s’installe Ă  sa table, le patron du restaurant italien oĂč nous la retrouvons questionne Lilou Ruel sur sa discipline. « Le freerun ? » Lilou explique : « Du dĂ©placement urbain, avec des acrobaties
 Vous voyez le film Yamakasi ? » Vu ! Pour beaucoup, freerun et parkour sont similaires, et donc tous deux associĂ©s au fameux film de 2001 de Julien Seri et Ariel Zeitoun, impliquant l’inventeur mĂȘme du parkour, le Français David Belle. Un film rĂ©fĂ©rence. Pour ­Lilou aussi : « Mais je l’ai vu aprĂšs m’ĂȘtre mise au freerun, peut-ĂȘtre deux ans aprĂšs mes dĂ©buts, je l’ai adorĂ©. » Si ces moves sont extraordinaires, l’histoire de Lilou Ruel n’a, au dĂ©part, rien de particulier. NĂ©e le 9 mai 2003 Ă  Mont-Saint-­Aignan en Normandie, elle a vĂ©cu deux ans en Turquie entre ses 3 et 4 ans. Son pĂšre est ingĂ©nieur en Ă©nergies renouvelables et sa mĂšre gĂšre un espace de coworking. Son frĂšre de 22 ans, Tom, fait des marathons et de grosses courses Ă  vĂ©lo, il bosse lui aussi dans les Ă©nergies renouvelables et le solaire. Lui et son pĂšre sont fans de F1, tout comme elle. La famille habite une petite ville dans la banlieue de Toulouse, Plaisance-duTouch, environ 20 000 Ăąmes. « C’est trop bien, la maison, le jardin, le trampoline, la piscine. » Le set-up de rĂȘve de Lilou.

Une simple vidéo

Un playground de ses dĂ©buts dans le freerun, et encore aujourd’hui de ses trainings « maison ». « J’ai commencĂ© dans mon jardin. C’est mon voisin, N ­ icolas, 28

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C’est avec un sacrĂ© cƓur que Lilou a Ă©voluĂ©, depuis le jardin ­familial jusqu’au top de sa discipline.


Lilou retourne Paris : c’est le concept Ă  perdre la tĂȘte des photos qui ­illustrent notre article.


Lilou

qui m’a initiĂ©e au parkour, j’avais commencĂ© le trampoline Ă  7 ans, d’abord des saltos avant, sur le cĂŽtĂ©. » Et puis Nicolas lui explique le salto arriĂšre. « C’était un jeudi aprĂšs-midi, je m’en souviens prĂ©cisĂ©ment. J’y suis arrivĂ©e, et lĂ , je me suis dit : “Je suis douĂ©e !” ». Un samedi, Lilou accompagne Nicolas dans une salle, un gymnase, oĂč est enseignĂ© le parkour. Elle teste, et c’est le coup de foudre. « J’ai 9 ans et demi, je suis la seule fille au milieu de tous ces garçons plus ĂągĂ©s, mais je me sens bien, je me sens chez moi. » Lilou s’entraĂźne dĂ©sormais une fois par semaine dans cette salle, puis deux. À 11 ans, elle montre dĂ©jĂ  un bon niveau, elle a bien Ă©voluĂ©. Nicolas lui propose de faire une vidĂ©o, exercice qu’il maĂźtrise. « Je fais des lines, des enchaĂźnements de mouvements filmĂ©s et Nicolas met la vidĂ©o sur YouTube, et là
 c’est le buzz ! » Parmi les viewers qui commentent sa vidĂ©o et la fĂ©licitent, Lilou voit ses propres modĂšles de ­free­runners, celles et ceux qui l’inspirent au quotidien. « Je vois l’Anglaise Katie M ­ cDonnell, les AmĂ©ricains Luci Romberg et Damien Walters qui est une i­ nspiration pour beaucoup de “traceurs”. On me dit que je suis la relĂšve, c’est fou. » En France, Simon Nogueira est la rĂ©fĂ©rence pour Lilou, parce qu’il « a crĂ©e son monde, et c’est magnifique ». Il rejoindra Lilou plus tard dans ce rĂ©cit.

Pas un drame

La fameuse vidĂ©o est repostĂ©e sur un compte Instagram et Lilou est assaillie de demandes d’abonnement Ă  son propre compte. « D’un coup, j’avais des dizaines de notifications de demandes d’abonnement, j’ai cru que l’on m’avait hackĂ©e, et j’ai passĂ© mon compte en privĂ© (rires) ! » C’est en fait une bonne partie de la communautĂ© du parkour qui souhaite dĂ©sormais suivre Lilou. « Je dĂ©passe rapidement les mille abonné·e·s, je suis une star (rires). » Ce n’est pourtant pas dans l’univers du parkour ou du freerun que Lilou se voit briller alors. « J’avais de la reconnaissance dans le parkour, mais ça n’était pas ma motivation. À l’époque, mon rĂȘve Ă©tait d’ĂȘtre vĂ©tĂ©rinaire. Peu de gens vivaient du parkour Ă  cette Ă©poque, surtout les filles, ça n’est mĂȘme pas une Ă©ventualitĂ© pour moi, j’avais juste une passion et ça se passait trĂšs bien. » Cet engouement soudain sur ses moves dĂ©cide pourtant Lilou Ă  se dĂ©dier plus au parkour. « Je dĂ©cide de m’entraĂźner plus, et je suis soutenu par Yassine, le coach du club de parkour. Il me prĂȘte une structure, que j’installe dans mon jardin, une espĂšce d’échafaudage avec des plateformes et des barres. Je m’entraĂźne pendant deux ans avec cette structure et mon trampoline. » Quelques minutes par semaine ou des heures d’affilĂ©, et Lilou atteint un trĂšs bon niveau, participe Ă  des compĂ©titions locales, « juste pour le kiff ».

En 2017, le photographe Julien Blanc fait une vidĂ©o de Lilou et dĂ©cide de l’envoyer pour tenter de qualifier Lilou Ă  une compĂ©tition en SuĂšde, l’Air Wipp. Les qualifications Ă  des compĂ©titions de parkour ou freerunning passent souvent par la soumission d’une vidĂ©o montrant les performances de l’athlĂšte. « Ce serait fou que tu sois prise ! », lui dit Julien
 et elle se qualifie ! C’est la deuxiĂšme plus grosse compĂ©tition de parkour au monde, Lilou a 15 ans. « Je pars avec mon pĂšre, c’est un truc de fou, j’y vois les plus grandes stars du parkour en vrai, je ne parle pas anglais
 On me reconnaĂźt, on connaĂźt mon prĂ©nom, on vient me voir ! Mon pĂšre est trĂšs fier, il y a peu de filles engagĂ©es. Je termine troisiĂšme. » De retour dans son jardin, entourĂ©e de sa structure et de son trampoline, Lilou cogite : « Je me dis qu’il y a quelque chose Ă  faire dans le parkour : je veux m’entraĂźner tous les jours, je veux voyager, apprendre l’anglais. » Cela tombe bien, la famille part pour la Californie en vacances. Lilou en profite pour visiter la Tempest Freerunning Academy, aprĂšs avoir contactĂ© des traceurs locaux. Elle y rencontre de grandes figures du parkour, « des gens bienveillants. Et puis je rentre, je vis ma vie, je poste pas mal de lignes sur Instagram ». Et cela paie. En 2018, ­Lilou est invitĂ©e en SuĂšde Ă  nouveau, sans avoir besoin de se qualifier cette fois. « Je m’y rends avec mon pĂšre et mon coach, Yassine. Mais en m’entraĂźnant, je me blesse, je tente quand mĂȘme de participer, mais j’abandonne. Je suis au repos

« J’ai 9 ans et demi, je suis la seule fille, mais je me sens bien, chez moi. » THE RED BULLETIN

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« J’aime ce moment oĂč l’on entend “Action !”, c’est magique. »

Le monde à l’envers, c’est le quotidien de Lilou Ruel, jeune athlùte de 20 ans.


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Manpower d’Évry LE SAUT D’UNE VIE En mai 2022, Lilou Ruel s’est lancĂ©e entre deux ­bĂątiments, Ă  Evry, en banlieue parisienne. Elle fut ainsi la premiĂšre femme Ă  tenter et rĂ©ussir le Manpower, un saut mythique inaugurĂ© par David Belle au dĂ©but des annĂ©es 2000. « Il y a 16 mĂštres de haut depuis le saut de dĂ©part, et 4,5 m entre le saut et la rĂ©ception. Tu tombes, tu meurs
 » Nous voilĂ  fixĂ©s sur l’importance du Manpower dans l’histoire de Lilou Ruel. Un saut dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ© de nombreuses fois en saut classique, salto et salto de cĂŽtĂ© par de nombreux teams masculins de parkour. Mais jamais une femme n’avait osĂ© le tenter. « Pour un homme, c’est un saut plutĂŽt mental, pour une fille, c’est du mental et de la performance, explique Lilou, avant de revenir sur l’origine de sa tentative. En mais 2021, je suis en ­terrasse aprĂšs un photoshooting avec Johan ­Tonnoir, un pro du parkour, et il me dit : “Tu sais ­qu’aucune fille n’a fait le Manpower ?” J’y rĂ©flĂ©chis, et quelques jours aprĂšs, je me dis : “Pourquoi pas !” Je me renseigne : saut, danger, matiĂšre du sol Ă  la rĂ©ception, distances
 Et je me mets Ă  s ­ imuler le saut Ă  Urban Corp. Je travaille ma ­dĂ©tente et en o ­ ctobre 2021, je vais voir le saut, avec l’équipe de l’émission R ­ iding Zone. » Lilou poursuit, on sent qu’elle commence Ă  se ­resituer dans cet environnement du Manpower, visiblement mystique. « Je me mets debout sur le muret sur la zone de dĂ©part, il doit faire 10 cm de largeur. Tu sens quand tu es ­capable de faire un saut
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Je l’ai senti, mais je me suis dit : “Laisse-toi quelques mois.” » Lilou s’entraĂźne alors avec son coach mental et son coach physique, Thomas Lacarriere. Elle travaille la dĂ©tente, l’impact, les genoux, les chevilles, le fitness. Janvier 2022, petit doute
 « Je vais risquer ma vie pour un saut ? Mais je repars de plus belle, mental, physique, Ă  la salle. Je saute du toit de la maison, ma mĂšre se demande ce qu’il se passe. (rires) » Fin avril 2022, Lilou est OK, et un retour au Manpower s’organise avec Riding Zone, et le rĂ©alisateur ­Antoine Zago-­Honnorat. Hugo Perrier, un traceur Ă©tudiant est aussi dans l’équipe. « Le 3 mai, c’est bon ! Je vais marquer l’histoire de mon sport, mais ça, en fait, je m’en rends compte plus tard, se remĂ©more ­Lilou. Le matin, j’ai visualisĂ© le saut pendant une heure, dans mon lit, et lĂ , j’y suis, sur ce petit muret. Je monte six fois dessus, et je redescends. SeptiĂšme fois, je ­dĂ©connecte, je me lance. L’adrĂ©naline me fait sauter plus loin, la rĂ©ception est parfaite. » Lorsqu’elle nous raconte ce move mĂ©morable, ce saut que les non-pratiquant· e·s jugeront forcĂ©ment insensĂ©, on la sent comme transportĂ©e sur le lieu de l’action, au moment de ce saut si symbolique. L’émotion est palpable alors que Lilou raconte son plus gros exploit Ă  date. « Un an de prĂ©paration, un an de rĂȘve, un an de peur, tout cela mĂ©langĂ©. Les gens autour de moi hurlent, je n’ai jamais eu une telle sensation. C’est l’exploit dont je suis la plus fiĂšre. » Le Manpower est Ă  ­jamais associĂ© Ă  la premiĂšre femme qui aura osĂ© l’affronter : ­Lilou Ruel.

pendant cinq mois, mais tout va bien, au lycĂ©e, avec mes potes. Je vais bien malgrĂ© tout, car j’ai d’autres choses dans ma vie, mĂȘme si je suis dĂ©goĂ»tĂ©e cĂŽtĂ© parkour ! » De retour au club pour s’entraĂźner aprĂšs sa convalescence, les relations avec Yassine se compliquent. Leurs routes se sĂ©parent. « Je me rends dans un autre spot, une salle de “Parkour Ninja”, ­l’Urban Corp, Ă  Toulouse. Je vais voir, ça vient d’ouvrir. Je dĂ©couvre une salle plutĂŽt cool, un bac Ă  mousse, je me jette, je m’amuse comme une folle
 Mais je me fais une Ă©norme entorse Ă  la cheville, elle fait trois fois sa taille habituelle. Me revoilĂ  encore cinq, six mois sans entraĂźnement. » LĂ  encore, Lilou peut compter sur l’école, ses copains. Ça n’est pas un drame. Elle se met Ă  la musculation. Avril 2019, c’est la reprise, Lilou a 16 ans, et un objectif : le Red Bull Art of Motion. La compĂ©tition la plus attendue de l’annĂ©e, habituellement organisĂ©e Ă  Santorin, une Ăźle des Cyclades, mais qui se tient Ă  Matera, sud de l’Italie, cette annĂ©e-­lĂ . « Gagner cette compĂ©tition, j’en rĂȘve », se souvient-elle. THE RED BULLETIN


Lilou

Avouez-le
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« La notion de style m’est venue progressivement, comme le cĂŽtĂ© artistique. J’ai toujours aimĂ© la photo, la vidĂ©o. Dans le parkour, on peut mixer ce que l’on veut, on peut ĂȘtre crĂ©atif, ça n’est pas juste de la performance. » Sur le tournage pour Mini, Lilou a pris conscience qu’elle adore ĂȘtre devant une camĂ©ra. « J’aime ce moment oĂč l’on entend “Action !”. C’est trop bien, c’est magique. Être au centre de l’attention, donner ce que tu peux pour le projet, j’adore ça. Tu as une mission et les gens attendent beaucoup de toi. Dans ces moments-lĂ , je me dis que je suis lĂ  oĂč je dois ĂȘtre. » Pour un long moment, confinement oblige, lĂ  oĂč doit ĂȘtre Lilou, c’est chez ses parents. LĂ  encore, elle prend les choses avec la plus grande positivitĂ© qui soit. « Il fait beau, j’ai ma structure dans le jardin, le trampoline, la piscine, mon voisin
 Je fais de la musculation et de la mĂ©ditation chaque matin. Je suis au paradis ! » Elle met Ă  profit cette pĂ©riode de confinement pour s’ouvrir Ă  la mĂ©ditation. « C’est un gros tournant pour moi, je m’ouvre aux signes de l’univers. Je lis beaucoup de livres sur ce sujet, sur le dĂ©veloppement personnel. J’ai vu des effets positifs dans cette pĂ©riode de covid/confinement. »

Attirer les choses MĂ©ditation

Le 5 octobre, c’est le dĂ©part
 « Je perds ma valise en route, et durant les entraĂźnements, mon talon me refait mal
 Je termine avant-derniĂšre. C’est un peu dur
 mais ce n’est pas grave ! » Face Ă  ses diverses dĂ©convenues durant le dĂ©but de sa carriĂšre, Lilou montre une attitude positive : les choses sont ainsi, elle sera de retour aux affaires un peu plus tard, en attendant, la vie est belle et continue. Lilou est une athlĂšte sincĂšrement passionnĂ©e et dĂ©vouĂ©e Ă  100 % Ă  sa discipline, mais elle sait s’appuyer sur des bases de vie solide, amis, famille, en cas de souci.

De retour d’Italie, Lilou reprend, dans son jardin et chez Urban Corp.. « Et un peu en ville, quand mes parents peuvent m’amener. D’octobre 2019 Ă  fĂ©vrier 2020, je m’entraĂźne. J’ai plus de followers, plus de notoriĂ©tĂ©. Je suis bien. » La mĂȘme annĂ©e, Lilou a l’opportunitĂ© de s’exprimer dans un spot publicitaire pour Mini Cooper, tournĂ© Ă  Lille. « Il y a une styliste, du maquillage, je suis une vraie star », plaisante Lilou. Elle a Ă©galement figurĂ© dans un clip musical en 2018, pour l’artiste De La Romance, TempĂȘte, rĂ©alisĂ© par Louis Vignat. L’expĂ©rience lilloise lui donne ­l’envie de performer avec plus de style.

« Le parkour, ça n’est pas que de la performance, on peut ĂȘtre crĂ©atif. » THE RED BULLETIN

Dans le jardin familial, Lilou a installĂ© son propre set-up de palettes, intĂ©grant des barres. Nicolas dispose du mĂȘme genre de structure dans son jardin. Ils s’entraĂźnent chez l’un ou l’autre. Le fameux voisin aura Ă©tĂ© le dĂ©clencheur et l’inspiration premiĂšre pour Lilou dans le parkour et freerunning. « Il est trĂšs talentueux, il a son propre style d’enchaĂźnement de lignes. Cela m’a beaucoup inspirĂ© : avoir son propre style, unique. C’est pour cela que je suis connue : mon style. Il est unique pour une fille. Je suis dans un mix de freerunning et de tricking (acrobaties au sol, ndlr). » En avril 2021, Lilou participe au Red Bull Al-Andalus, en Espagne, une compĂ©tition mixte (freerun et parkour) en Andalousie. « Je gagne, c’est le rĂȘve absolu. » C’était pourtant mal barré  « En fait, j’ai subi une opĂ©ration deux semaines avant, et je n’ai pas pu m’entraĂźner pour cette compĂ©tition. Je me suis alors concentrĂ©e sur la mĂ©ditation et la visualisation. » C’est-Ă -dire ? « Je me visualisais faisant du parkour, de la muscu, levant le trophĂ©e et l’embrassant. Tu visualises tout ce que tu veux voir 35


Lilou

s’accomplir, et au bout d’un moment, ton cerveau ne fait pas la diffĂ©rence. Le visualiser, c’est le vivre. » Lilou raconte ne s’ĂȘtre jamais aussi bien sentie que durant cette compĂ©tition pour laquelle elle n’a pas pu s’entraĂźner. Et elle embrasse littĂ©ralement le trophĂ©e, comme elle l’avait ­visualisé  L’approche mentale de Lilou a dĂ©butĂ© en fĂ©vrier 2021 quand elle est contactĂ©e par un coach et prĂ©parateur mental, Alexandre Lacaze. « Il cherchait des athlĂštes Ă  aider, pour se faire connaĂźtre. On s’est calĂ© une visio toutes les deux ou trois semaines, et puis on est resté·e·s en contact entre chaque sĂ©ance. Il t’apporte des outils selon tes avancĂ©es, des conseils de nutrition aussi. Il m’a suivi pendant un an et demi, tant sur la visualisation que la mĂ©ditation. Cela te permet de te concentrer sur le positif, et de retourner le nĂ©gatif. Cela t’enseigne que si tu veux des choses dans la vie, tu peux les attirer. »

Nulle Ă  ch*er !

Peu aprĂšs le Red Bull Al-Andalus, Lilou, qui est en terminale Eco/Social, obtient son Bac (15,86 !) et dĂ©cide de s’octroyer une annĂ©e de cĂ©sure. Mais elle doit d’abord participer au Red Bull Art of Motion, organisĂ© cette fois sur deux bateaux, Ă  Piraeus en GrĂšce, le 10 juillet. « J’obtiens le meilleur trick, et je termine deuxiĂšme. Je suis trĂšs contente, fiĂšre de moi. » Lilou enchaĂźne ensuite sur la Coupe du monde de freerunning et ­parkour en Bulgarie, Ă  Sofia, en

­septembre 2021. « Le niveau des femmes est trĂšs trĂšs haut, se remĂ©more-t-elle. Je termine premiĂšre en freerunning et deuxiĂšme en parkour. Je suis “la reine du monde”, c’est magique ! » Vous vous demandez encore peutĂȘtre Ă  ce stade quelle est la diffĂ©rence entre le parkour et le freerunning ? Lilou vous explique – dans le cadre de la compĂ©tition : « Le parkour doit se voir comme du speed run, on Ă©volue le plus rapidement possible sur une structure crĂ©Ă©e pour la compĂ©tition. En freerun, on Ă©volue sur un lieu ou une structure adaptĂ©e, artificielle, pour un run de 20-30 secondes, jusqu’à 1 minute, avec des figures Ă©volutives. Cinq critĂšres sont pris en compte : style, difficultĂ©, fluiditĂ©, crĂ©ativitĂ©, exĂ©cution. » Comprendre donc que parkour Ă©gal Ă©volution la plus rapide possible dans un environnement particulier, et que freerunning Ă©gal successions de moves crĂ©atifs avec du pur flow. En plus du Bac, du Red Bull Art of Motion et de la Coupe du monde, Lilou participe Ă©galement en 2021 Ă  un nouveau clip, La ConquĂȘte, pour l’artiste Luciole, rĂ©alisĂ© par Jim Rosemberg et Anh Wisle. Et entame donc une annĂ©e de cĂ©sure en septembre. Mais s’y retrouve moyennement. « Fin septembre, tou·te·s mes potes ont commencĂ© leurs Ă©tudes, je suis en grosse dĂ©prime : qu’est-ce que je vais faire ?! Si j’ai le ­parkour en tĂȘte et

veut m’y lancer de plus en plus, il me faut une transition
 Je m’inscris en fac, septembre, octobre
 mais les sollicitations arrivent en masse. Finalement, c’est dĂ©cidĂ©, je peux vivre du parkour, fuck les Ă©tudes ! (rires) Je vais vivre de ma passion, on verra ! » AttractivitĂ© de la camĂ©ra, et des possibilitĂ©s que pourraient lui offrir le cinĂ©ma, Lilou intĂšgre une formation de cascadeuse au Campus Univers Cascade, au Cateau-CambrĂ©sis, dans le 59, Ă  cĂŽtĂ© de Cambrai. L’une des plus grosses Ă©coles au monde. « Une Ă©cole de tarĂ©s ! (rires) Ça se passe sur dix sessions de deux semaines, pendant les vacances scolaires. Il y a tous les styles d’élĂšves : acteur·rice·s, mannequins, Ă©tudiant·e·s, chĂŽmeur· euse·s
 Je n’ai jamais Ă©tĂ© aussi bien entourĂ©e. J’ai fait cinq sessions dĂ©jĂ , et j’y ai fait venir mon prĂ©parateur mental, qui est venu parler aux Ă©lĂšves. Dans cet univers, c’est du mental Ă  70 %. La cascade m’apporte tellement de choses pour ma pratique du pakour. Peut-ĂȘtre que la cascade pourrait ĂȘtre un plan B
 » IntĂ©grer une telle structure n’a pourtant pas Ă©tĂ© une partie de plaisir pour Lilou, qui a dĂ» se challenger. « Combats, fights, chutes
 Je suis arrivĂ©e dans cet univers sans aucune f­ acilitĂ©, complĂštement nulle, au niveau -10. J’ai dĂ» apprendre en partant de rien. Je me suis sentie nulle Ă  chier ! Et j’en chie encore. (rires) Ça fait du bien Ă  l’ego. C’est dommage de rester dans sa zone de confiance, il faut dĂ©velopper son vrai potentiel. Et ­rester humble. Si tu penses tout savoir, tu ne resteras pas o ­ uvert. »

« Combats, fights, chutes
 J’arrive dans la cascade sans facilitĂ©. » 36

THE RED BULLETIN


Bluffant : pour Lilou Ruel, Paris est un terrain d’expression et de crĂ©ativitĂ© sans limites.


Lilou

Tout son amour

Au calme : pause Ă©nergisante pour Lilou, les toits en zinc de Paris et son futur Ă  l’horizon. Pour sĂ»r, il sera riche de projets, de dĂ©couvertes et de performances.

Dans l’acting, Lilou, la Championne du monde de freerunning 2021, peut ĂȘtre quelqu’un d’autre, et voit un nouveau centre d’intĂ©rĂȘt et d’inspiration. « Peindre, dessiner, s’intĂ©resser Ă  tout, sans aucune barriĂšre, tout peut s’entrechoquer, pour crĂ©er du jamais-vu. Pourquoi se limiter Ă  une discipline ? C’est l’exemple de mon tournage Ă  la chapelle Saint-Joseph de La Grave Ă  Toulouse, un film rĂ©alisĂ© par Antoine Zago (intitulĂ© Le DĂŽme De La Grave, et disponible sur YouTube, ndlr). Ce projet est un mix de culture, de mouvement, de proposition cinĂ©matographique et de sport. » 38

« Je m’entraĂźne avec amour, sans me forcer. »

C’est avec un autre faiseur d’images que Lilou Ruel s’est associĂ©e pour la cover story de ce numĂ©ro, Little Shao, photographe rĂ©fĂ©rence dans la scĂšne breaking, et attirĂ© par le mouvement. « On s’apporte Ă©normĂ©ment avec Shao, venant du breaking, il sait quels mouvements peuvent marcher. » Les deux talents se sont retrouvĂ©s Ă  Paris pour produire les photos exclusives de cet article. Paris, une Ă©vidence pour Lilou. « C’est une ville importante pour moi. Le parkour est nĂ© Ă  Paris, avec David Belle et les Yamakasis. La pratique a Ă©normĂ©ment Ă©voluĂ© depuis eux, mais Paris reste la ville oĂč tout est possible, tout est beau. DĂšs que je viens Ă  Paris, je sais que je vais vivre quelque chose de fou, d’incroyable. J’habiterai ici un jour, j’ai de grandes choses Ă  y faire. » Quel meilleur guide que Simon ­Nogueira, Ă©voquĂ© plus haut, pour Ă©voluer Ă  Paris. « Il nous a aidĂ©s pour ce shooting avec Little Shao, Simon est le guide incontestĂ© des toits de Paris. Je l’ai toujours suivi, il a toujours Ă©tĂ© une inspiration pour moi, il est chouette ! » Lilou, c’est un mix de naturel et de dĂ©termination. Avec elle, les choses semblent aller de soi. « Je m’entraĂźne avec amour, sans me forcer, sinon ce n’est pas productif, je ne force pas les choses
 J’y mets du plaisir, et tout mon amour. » Et mĂȘme si elle est consciente de l’impact des followers sur sa discipline et le succĂšs de ses performances, Il faut selon elle, « d’abord penser Ă  soi, mĂȘme s’il faut trouver un juste milieu entre tes goĂ»ts et ce qui plaĂźt aux gens qui te suivent ». Son rapport aux rĂ©seaux sociaux est plutĂŽt sain. « Je lis tous les commentaires de mes followers sur Instagram, et j’y trouve trĂšs peu de haters, c’est trĂšs rare
 C’est un bonheur de lire les commentaires, et je rĂ©ponds dĂšs que possible. Si je vois quelque chose de nĂ©gatif, je me dis que la personne qui Ă©crit cela est un peu comme un enfant. » La suite, pour cette jeune athlĂšte, c’est quoi ? Avec quel nouveau projet Lilou Ruel va-t-elle ravir ses fans ces prochains mois et annĂ©es ? « Peut-ĂȘtre moins de compĂ©tition et plus d’esthĂ©tique, nous dit-elle. Aller vers mon cĂŽtĂ© artistique, vers la mode, travailler avec des marques de luxe, des musĂ©es, faire vivre mon sport d’une autre maniĂšre. Je ne me ferme Ă  rien. Je veux crĂ©er du jamais vu. C’est f­ abuleux et flippant Ă  la fois. Mais il ne faut pas avoir peur de l’inconnu. » Instagram : @lilouruel THE RED BULLETIN



PADEL MANIA

Le PADEL a le vent en poupe. Un petit frĂšre du tennis ? Pas tout Ă  fait ! David Beckham et JĂŒrgen Klopp comptent parmi les prĂ©curseurs de ce curieux sport en cage. Les deux plus grands joueurs au monde vont vous donner dix bonnes raisons de vous y mettre !

GIANFRANCO TRIPODO/RED BULL CONTENT POOL

TEXTE CHRISTIAN EBERLE-ABASOLO


NUMÉRO UN Juan LebrĂłn, 28 ans, numĂ©ro un mondial entre 2019 et 2022. Le padel a dĂ©jĂ  fait plus de 25 millions d’adeptes dans le monde.

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LES PARTENAIRES Le padel se joue en double. Alejandro Galån (à droite) et ­Lebrón sont coéquipiers depuis 2020.

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LA RAQUETTE TECHNICAL VIPER JUAN LEBRÓN Plus petite, plus maniable, mais plus lourde qu’une raquette de tennis. Largeur : 260 mm LES TROUS Ils vont permettre de donner plus ou moins de flexibilitĂ© Ă  la tĂȘte de raquette au moment de la frappe et de rĂ©duire la ­rĂ©sistance de l’air (un peu comme l’espacement des cordes sur une raquette de tennis). Longueur max. : 455 mm

Ne rougissez pas si le mot « padel » est pour vous synonyme de kayak ou de rafting. AprĂšs tout, ce sport que l’on dĂ©crit souvent comme un mĂ©lange entre tennis et squash n’est pas encore trĂšs rĂ©pandu chez nous, et il faut bien avouer qu’on aurait pu le baptiser autrement (le terme vient en fait du nom de la raquette). Cela dit, l’époque oĂč l’on confondait padel, ou padel-tennis et paddle le sport aquatique sera bientĂŽt rĂ©volue. DĂ©jĂ  sport national en Espagne et en Argentine, ce sont maintenant la plupart des pays europĂ©ens qui adoptent ces raquettes atypiques avec des trous dans le tamis. Le padel est le sport de raquette qui se dĂ©veloppe le plus au monde. Mais d’oĂč vient cette Ă©volution ? Qu’estce qui rend ce sport si spĂ©cial ? Juan LebrĂłn, 28 ans, et Alejandro GalĂĄn, 27 ans, nous ont aidĂ©s Ă  trouver 10 bonnes raisons. ­NumĂ©ros un mondial de 2020 Ă  2022, les deux Espagnols, tombĂ©s dedans quand ils Ă©taient petits, sont les mieux placĂ©s pour nous expliquer cette fascination planĂ©taire pour le padel
 et pourquoi ce sport peut vous ­aider dans vos relations.

LA TÊTE DE RAQUETTE

Épaisseur : 38 mm

Composée en surface soit en fibre de verre, soit en carbone. Dans le noyau de la raquette, on retrouve une mousse de différentes densités dont la fonction est de réguler la flexibilité des fibres pour lui donner plus ou moins de puissance ou de contrÎle.

DRAGONNE DE SÉCURITÉ EmpĂȘche les raquettes de s’envoler et de blesser quelqu’un sur le court Ă©troit.


Padel La porte Permet au joueur de rattraper une balle longue sortie Ă  l’extĂ©rieur du terrain.

1m 3m

10 m 20 m LE TERRAIN DE PADEL Pour schĂ©matiser, c’est un petit terrain de tennis dĂ©limitĂ© par des vitres et des grilles.

SASCHA BIERL JAIME DE DIEGO/RED BULL CONTENT POOL, GETTY IMAGES

Vous vous ĂȘtes toujours demandĂ© Ă  quoi servaient tous ces calculs d’angles Ă  l’école ? Le terrain de padel vous ­apporte enfin une rĂ©ponse. Le terrain de jeu Ă©tant dĂ©limitĂ© par des vitres, une frappe trop puissante n’est pas forcĂ©ment perdue comme au tennis mais rebondit partout sur le terrain. Le but est de la renvoyer du cĂŽtĂ© adverse (en touchant d’abord le sol et le mur). Angle, rotation et force de frappe dĂ©terminent la maniĂšre dont la balle rebondit sur le mur. Prendre la balle Ă  la volĂ©e est une option parmi tant d’autres, car quiconque pense avoir d­échiffrĂ© le code du padel grĂące Ă  ses connaissances en gĂ©omĂ©trie et en ­billard aprĂšs seulement quelques Ă©changes va vite dĂ©chanter. La grille (situĂ©e prĂšs du filet) fait rebondir la balle de maniĂšre imprĂ©visible. De quoi faire s’arracher les cheveux mĂȘme aux vrais matheux.

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1 D E L’ I N T É R Ê T D ’AV O I R FAIT DE LA GÉOMÉTRIE À L’ É C O L E

SUR LES TRACES D E S A R I S T O C R AT E S

LE PIONNIER Le jet-setter Alfonso de Hohenlohe-Langenburg († 2003) fait construire les premiers terrains de padel en Espagne en 1974.

Le padel ne nous vient pas de Suisse mais du Mexique (selon la lĂ©gende) : disposant d’un terrain limitĂ© derriĂšre sa maison, Enrique Corcuera fait construire une petite aire de jeu avec un filet bas entourĂ© de parois pour s’amuser avec ses invité·e·s. Parmi les hĂŽtes, son associĂ© Alfonso de Hohenlohe-­ Langenburg. Oui, le pĂšre de Hubertus de Hohenlohe, cĂ©lĂšbre jet-setter et skieur aurĂ©olĂ© de 26 participations aux championnats du monde et aux JO pour le Mexique. Rapidement conquis, Alfonso fait construire deux installations dans son club de Marbella, lieu incontournable dans les annĂ©es 1970. Depuis la Costa del Sol, ce nouveau sport se rĂ©pand comme une traĂźnĂ©e de poudre chez les millionnaires argentins et les cĂ©lĂ©britĂ©s espagnoles pour conquĂ©rir le monde hispanophone puis le reste du monde. « Difficile d’en revendiquer la paternitĂ©, explique le champion Alejandro GalĂĄn, l’un des prĂšs de 3,5 millions de joueurs de padel espagnols. Venu d’Argentine, inventĂ© au Mexique, ce sport conquis toujours plus de pays, je trouve ça ­vraiment gĂ©nial. » 43


4 3 IL NE SUFFIT PAS D’ÊTRE G R A N D E T C O S TA U D

ON EN APPREND PAS MAL SUR LA VIE À DEUX

Aces, coups droits, smashs, services gagnants
 au tennis, plus un adversaire est grand et fort, plus il est difficile Ă  battre. Au padel, la supĂ©rioritĂ© physique est relativisĂ©e par un service en dessous de la taille, une balle plus molle et des parois en verre. Comme les coups durs rebondissent contre le mur (voir point 1), il n’y a que trois options pour « tuer » un point, comme disent les pros. ­PremiĂšrement : frapper la balle dans un angle pour la faire passer au-dessus du mur aprĂšs avoir touchĂ© le sol (un « Smash ×4 » pour les initié·e·s). DeuxiĂšmement : smasher assez fort pour que la balle passe au-dessus du mur de la zone adverse et revienne dans son camp. TroisiĂšmement : jouer avec finesse. « Mesurer deux mĂštres ne va pas te servir Ă  grand-chose si tu joues mal, explique Alejandro GalĂĄn. Il faut faire preuve de luciditĂ©, de technique et de prĂ©cision, surtout en dĂ©fense. » VoilĂ  pourquoi les Ă©changes au padel durent en moyenne 60 % plus longtemps qu’au tennis. Les pros sont mĂȘme capables de rĂ©cupĂ©rer un « Smash ×3 » (frappe puissante qui sort sur le cĂŽtĂ© gauche ou droit du terrain) en passant par la porte et de renvoyer la balle sur le terrain.

Le padel se joue majoritairement en double. Chaque joueur ou joueuse doit donc trouver un ou une partenaire, entretenir de bonnes relations avec ­celui-ci ou celle-ci et supporter des sĂ©parations parfois difficiles. « Je trouve ça bien, explique Alejandro GalĂĄn, qui a connu quatre partenaires de jeu avant Juan LebrĂłn et a du jouer quelques temps en solo quand ce dernier s’est blessĂ© en mai. Dans notre sport, c’est normal de changer de partenaire. L’important, c’est de rechercher celui qui va vous faire donner le meilleur de vous-mĂȘme. Et si ça ne matche pas, il faut changer quelque chose. » On finit toujours par trouver chaussure Ă  son pied, ce que rĂ©sume parfaitement LebrĂłn : « Ale et moi, on se complĂšte parfaitement, ce qui nous permet d’élever notre niveau tout en Ă©tant complĂštement synchrones sur le plan humain. Notre partenariat, c’est Ă  la fois un projet pour le prĂ©sent et l’avenir. » Des mots dignes d’une cĂ©rĂ©monie de mariage.

« Ale et moi, on se complĂšte parfaitement, ce qui nous ­permet d’élever notre ­niveau tout en Ă©tant synchrones sur le plan humain. Notre partenariat, c’est Ă  la fois un projet pour le prĂ©sent et l’avenir. » JUAN LEBRÓN

ZLATAN Le nouveau hobby de l’ex-footballeur ? Construire des terrains de padel.

« L’intĂ©rĂȘt c’est de jouer ensemble, d’échanger pendant et aprĂšs une partie. Pour nous, l’aspect tactique l’emporte sur l’aspect physique. » ALEJANDRO GALÁN 44

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Padel

5 DAV ID B ECKH A M Y JOU E . ­Z L ATA N E T NE Y M A R AUS SI . E T. . .

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JÜRGEN KLOPP Toujours se rĂ©inventer ! L’entraĂźneur de Liverpool a commencĂ© sa carriĂšre de ­padel Ă  47 ans.

UN ESPRIT DE GROUPE PRESQUE MAGIQUE

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La liste des personnalitĂ©s qui se sont ­entichĂ©es du padel est un vĂ©ritable who’s who du football : Neymar, meilleur ­buteur brĂ©silien de tous les temps, a fait construire deux terrains sur sa propriĂ©tĂ© de Rio. David Beckham s’est fait filmer par la presse en train de jouer avec d’anciennes gloires du foot en marge du mondial 2022 au Qatar. Zlatan Ibrahimović a dĂ©jĂ  fait construire plusieurs centres de padel en SuĂšde, imitĂ© en Allemagne par Hansi Flick, sĂ©lectionneur de l’équipe nationale. Quant Ă  JĂŒrgen Klopp, entraĂźneur de Liverpool et l’un des plus fervents dĂ©fenseurs du padel depuis plusieurs annĂ©es (« le meilleur sport au monde selon moi aprĂšs le football »), il possĂšde non seulement un centre de padel Ă  Berlin, mais a Ă©galement lancĂ© sa propre ligne de raquettes. Pourquoi le padel fascine tant ces anciens footballeurs ? La rĂ©ponse avec Marc Janko, ancien international autrichien avec 70 sĂ©lections devenu aujourd’hui l’un des meilleurs joueurs de padel d’Autriche : « Le padel est une maniĂšre de se mesurer physiquement aux autres sans trop malmener son corps pour autant. » Le terrain n’est pas grand et les contacts physiques presque inexistants. Les mouvements sont moins brutaux qu’au squash et les articulations « dĂ©jĂ  bien assez malmenĂ©es au cours d’une carriĂšre » selon Janko, sont moins sollicitĂ©es qu’au tennis.

DES SURNOMS QUI DÉCOIFFENT

IMAGO, GETTY IMAGES

Lionel Messi est surnommĂ© « La Pulga » (la puce) en raison de sa petite taille, Max Verstappen « Mad Max » Ă  cause de sa conduite « sportive » sur les pistes (est-ce vraiment un compliment ?) et le champion toutes catĂ©gories du padel, Juan LebrĂłn, est plus connu sous le sobriquet d’« El Lobo », parce qu’il tend tellement son cou quand il fait des reprises qu’il fait penser Ă  un loup en train de hurler. Aouhhhhhh ! THE RED BULLETIN

« On s’amuse ensemble, pour moi c’est ça le padel, explique Juan LebrĂłn quand on lui demande ce qui le fascine tellement dans ce sport. Depuis tout gosse, j’adore cet aspect du sport qui permet de faire nouvelles rencontres. Dans le bus en route vers Madrid, lors des tournois ou mĂȘme aprĂšs les matches, on rencontre toujours plein de gens qui partagent les mĂȘmes intĂ©rĂȘts. Et ça s’est encore plus dĂ©mocratisĂ© aujourd’hui avec les applis. On organise une partie avec trois joueur·euse·s inconnu·e·s, on se rencontre sur le terrain et on devient potes avec ses coĂ©quipier· Ăšre·s et mĂȘme ses adversaires. » « Le padel est un sport collectif, renchĂ©rit Alejandro GalĂĄn, ce qui explique que les matches en simple soient si rares. Quand tu joues seul, le sport perd de sa magie. L’intĂ©rĂȘt c’est de jouer ensemble, d’échanger pendant et aprĂšs le match. L’aspect tactique l’emporte sur l’aspect physique. » 45


8 BIENTÔT UN TERRAIN PRÈS DE CHEZ TOI Si beaucoup de clubs de foot et autres associations de tennis se plaignent d’une baisse de leurs effectifs, les terrains de padel, eux, connaissent une croissance endĂ©mique dans plusieurs pays. Les seize modestes terrains recensĂ©s en ­Autriche en 2019, sont passĂ©s Ă  100 en 2021 pour atteindre 220 un an plus tard. Pour prendre le pouls de cette Ă©volution, il suffit de regarder la Scandinavie. En Finlande, le nombre de terrains a Ă©tĂ© multipliĂ© par huit entre 2019 et 2022 (788 actuellement). En SuĂšde, le chiffre s’est multipliĂ© par douze en l’espace de trois ans (3 500 terrains). La probabilitĂ© de trouver un terrain prĂšs de chez soi augmente presque quotidiennement. La France, elle, est passĂ© de 995 terrains en 2021 a prĂšs de 1 500 fin 2022. PlutĂŽt que les institutions publiques, ce sont justement ces investisseurs qui supportent majoritairement le coĂ»t des structures. Le sport en tant que modĂšle commercial : 60 000 euros suffisent pour construire un terrain, fondations, surface (deux, trois tonnes de sable) et Ă©clairage compris. (Bien plus rentable que d’investir dans des biens immobiliers, de nos jours.)

« Mesurer deux mÚtres ne va pas te servir à grandchose si tu joues mal. Il faut faire preuve de lucidité, de technique et de précision, surtout en défense. » ALEJANDRO GALÁN 46

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Padel

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TRAVAIL D’ÉQUIPE Juan LebrĂłn (Ă  gauche) et Alejandro GalĂĄn en pleine partie. Le padel connaĂźt un engouement international et pourrait faire son entrĂ©e aux JO de 2032.

ENFIN DU CONTENU POUR TIKTOK Si le padel est tellement Ă  la mode en ce moment, c’est parce qu’il est facile de s’y mettre. Alors qu’au tennis, il faut des ­annĂ©es d’entraĂźnement pour soigner son revers, on progresse vite au padel. La raquette, constituĂ©e d’une zone de frappe dure en composite (donc non cordĂ©e), pardonne certaines erreurs de positionnement. Parfois, il suffit de toucher la balle, tout simplement. Cela donne lieu Ă  des Ă©changes spectaculaires bien vite immortalisĂ©s sur les portables et partagĂ©s sur les mĂ©dias sociaux. Avalanche de likes en perspective


Premier Padel : le tournoi de Madrid.

JAIME DE DIEGO/RED BULL CONTENT POOL, PREMIERPADEL

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PROGRESSER DEPUIS SON CANAPÉ Des frappes redoutables qui passent du mur au terrain adverse, des joueur·euse·s qui rĂ©cupĂšrent une balle en sprintant hors du terrain, Juan LebrĂłn qui s’étire comme un loup hurlant
 Pas encore convaincu ? Rejoignez-nous sur redbull. com/padel pour mieux comprendre ce sport Ă  la mode, regarder des parties de padel en direct et apprendre quelques ­astuces pour vos prochaines parties.

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UNE FOLIE

Des champions engagĂ©s dans un fight Ă©pique en plusieurs dimensions. Des rivalitĂ©s ancestrales entre DEUX HÉROS qui partagent un passĂ© commun mais dont le destin diffĂšre. Ce n’est pas un mythe. C’est le Championnat du monde de League of Legends. Texte DANIEL BROWN 48


COLIN YOUNG-WOLFF

T1 contre DRX lors de la finale des Worlds, au Chase Center de San Francisco. Sold out en 5 minutes.


Lil Nas X se produit dans un hologramme gĂ©ant (ci-dessus). CĂ©rĂ©monie d’ouverture des Worlds 2022.


LOL

Ligue majeure : T1 monte sur scĂšne lors de la cĂ©rĂ©monie d’ouverture. Les joueurs, notamment Faker (au centre de la photo) sont de grandes cĂ©lĂ©britĂ©s dans leur pays d’origine, la CorĂ©e du Sud.

COLIN YOUNG-WOLFF

A

prĂšs la derniĂšre note de Star Walkin’, chanson que le jeu League of Legends lui a inspirĂ©e, le rappeur Lil Nas X surgit dans les backstages. Arborant une perruque rose gold et un plastron ­mĂ©tallique Ă©tincelant, il resplendit. MĂȘme au sein d’une arĂšne oĂč bon nombre des 14 548 fans sont arrivé·e·s en cosplay pour assister Ă  la finale qui termine en beautĂ© le Championnat du monde de League of Legends 2022, Lil Nas X ne passe pas inaperçu dans les couloirs du Chase ­Center de San Francisco. « T’as tout dĂ©chirĂ© ! », lui crie une femme au passage. « J’adore ta robe », lance Lil Nas X sans pour autant s’arrĂȘter. Le rappeur se hĂąte jusqu’aux vestiaires que les stars de la NBA considĂšrent comme un havre de paix pendant tout l’automne. On lui braque une camĂ©ra sur le visage pour lui demander : « Qu’est-ce que ça fait de savoir que des millions de personnes ont vu ta performance ? » « Qu’est-ce que ça fait ? Lil Nas X rĂ©pĂšte en souriant. C’est dingue. Ça reprĂ©sente un monde fou. » Fou
 Lil Nas X a vraiment le mot juste. Le Championnat du monde de League of Legends, alias les Worlds, constitue l’apogĂ©e des compĂ©titions de jeu vidĂ©o. ClĂŽturant chaque annĂ©e la saison des ligues rĂ©gionales, l’évĂ©nement rĂ©unit 24 Ă©quipes Ă  l’occasion d’un tournoi de cinq semaines qui

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dĂ©signera la meilleure Ă©quipe au monde dans le plus gros jeu d’esport : League of Legends, ou LoL pour ses fans. Pendant les matches, deux Ă©quipes de cinq joueurs s’affrontent au sein d’une arĂšne magique, la Faille de l’invocateur. Sur une immense carte que l’on peut faire dĂ©filer, les deux Ă©quipes commencent la partie Ă  proximitĂ© de leur base, appelĂ©e Nexus et situĂ©e Ă  l’une des extrĂ©mitĂ©s du terrain de jeu. Elles ont alors le choix entre trois chemins diffĂ©rents (la voie du haut, la voie du milieu et la voie du bas) pour atteindre la base ennemie. Tout le reste de la carte correspond Ă  la jungle. Le but du jeu consiste Ă  dĂ©truire le Nexus de l’adversaire. Jusque-lĂ , rien de bien compliquĂ©. Mais ajoutez-y la possibilitĂ© de choisir parmi plus de 160 personnages (ou « champions ») disposant chacun de leurs propres compĂ©tences, forces et ­faiblesses, et vous obtenez une infinitĂ© de combinaisons pour tenter de jouer en Ă©quipe de façon optimale. On pourrait comparer LoL Ă  un jeu d’échecs oĂč toutes les piĂšces bougent en temps rĂ©el, se battent, acquiĂšrent des points d’expĂ©rience (XP), collectent de l’or et respawn (ressuscitent) quand elles tombent. Sans compter les monstres, les sbires, les tourelles et bon nombre de rebondissements. On dit que l’apprentissage des Ă©checs est facile mais que leur maĂźtrise nĂ©cessite toute une vie. Pour LoL, c’est l’apprentissage en lui-mĂȘme qui pourrait bien nĂ©cessiter toute une vie. Les fans adorent cette stratĂ©gie Ă  la Sun Tzu et dĂ©battent sans relĂąche des tactiques Ă  employer sur des subreddits communautaires comptant des millions de membres. À elle seule, la cĂ©rĂ©monie d’ouverture des Worlds 2022 donne – ou plutĂŽt hurle – le ton de l’envolĂ©e surrĂ©aliste d’un jeu vidĂ©o vieux de quatorze ans. DĂ©voilĂ© en 2009 par l’éditeur de jeux vidĂ©o amĂ©ricains Riot Games, LoL est passĂ©, d’une maniĂšre ou d’une autre, des chambres d’ado Ă  un Ă©vĂ©nement oĂč un double laurĂ©at des Grammy Awards a chantĂ© l’hymne officiel 51


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diffusion. « Le GOAT contre l’alpaga ! », a ajoutĂ© son collĂšgue Kobe, Ă©chauffant davantage la foule. L’histoire remonte encore plus loin. Faker et Deft Ă©taient dans la mĂȘme classe au lycĂ©e sud-corĂ©en Mapo, mais ils ne se cĂŽtoyaient pas. DĂ©jĂ  Ă  l’époque, Faker dominait son rival. « J’étais le premier dans la compĂ©tition LoL de l’école. Mon pseudo, c’était “Mapo High School’s Fiery Fist” », se souvient ­Faker. « J’étais dans les centiĂšmes », se rappelle Deft. Lors d’une sĂ©ance photo assez glaciale qu’ils devaient rĂ©aliser pour les Worlds, un photographe a tentĂ© de rapprocher les adversaires. « Meilleurs potes », leur a-t-il dit avec enthousiasme. Deft et Faker ont tout simplement ignorĂ© cette requĂȘte, et ils se sont ignorĂ©s l’un l’autre. Par la suite, Faker a dĂ©clarĂ© : « Nous sommes restĂ©s en concurrence trop longtemps. Nous n’avons forgĂ© aucun lien. »

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algrĂ© tout, leur respect mutuel empĂȘche de ressentir un vĂ©ritable malaise. « Ils ont un cƓur pur, et leurs personnalitĂ©s s’accordent extrĂȘmement bien », explique Tyler Erzberger, expert du secteur et ancien journaliste d’e-sport. « Ce sont des gens que vous avez envie de soutenir. Il n’y a pas de mĂ©chant dans l’histoire. » Quelques semaines avant la finale, quand DRX Ă©tait aux portes de l’élimination pendant les phases de groupes, Deft a Ă©tĂ© interrogĂ© par un mĂ©dia corĂ©en tandis que DRX Ă©tait menĂ©e 2 Ă  0 au meilleur des cinq manches, et a fait une dĂ©claration qui est devenue un cri de ralliement pour toute la CorĂ©e. « Le plus important, a-t-il dĂ©clarĂ©, c’est un cƓur impossible Ă  briser. » Les places des Worlds 2022 se sont vendues en moins de cinq minutes, un record absolu pour le Chase Center. La finale des Worlds a Ă©tĂ© mentionnĂ©e en ligne dans plus de 240 pays, et le monde entier partage un intĂ©rĂȘt similaire.

COLIN YOUNG-WOLFF

du tournoi (Lil Nas X avait Ă©tĂ© nommĂ© « PrĂ©sident de League of Legends » deux mois plus tĂŽt) dans un stade ayant coĂ»tĂ© 1,6 milliard de dollars, au beau milieu d’une reprĂ©sentation holographique de Runeterra – le royaume oĂč se dĂ©roule le jeu – et fini sa prestation au creux de la main d’une version virtuelle gĂ©ante d’Azir, un personnage de LoL. Cette performance de 3 minutes et 57 secondes au Chase Center a nĂ©cessitĂ© une Ă©quipe de production de 2 000 personnes et 80 semi-remorques de matĂ©riel, alors qu’un concert standard n’en demande qu’une vingtaine. « Je suis vraiment tĂ©moin d’une histoire comme celle-lĂ  ? », a dĂ©clarĂ© Jeon Yong-jun, alias Caster Jun, star de l’esport rĂ©sidant Ă  SĂ©oul et cĂ©lĂšbre pour sa voix de stentor. En effet, DRX, une Ă©quipe que l’on pourrait qualifier de « longshot », a dĂ©crochĂ© de justesse sa place pour le tournoi mondial puis, contre toute attente, elle a anĂ©anti T1, le mastodonte de League of Legends, en finale. Lors de cette fameuse finale, le trĂšs populaire Faker, triple champion des Worlds, souvent considĂ©rĂ© comme le plus grand joueur LoL de tous les temps et surnommĂ© le « Michael Jordan de l’esport », s’est inclinĂ© face Ă  Deft, joueur obstinĂ© et surtout connu pour ses dĂ©faites cuisantes pendant le premier tour qui se tient chaque annĂ©e au moment de son anniversaire. Ce dernier a tellement Ă©tĂ© rongĂ© par l’angoisse et la dĂ©ception qu’il lui est dĂ©jĂ  arrivĂ© d’envisager la retraite. Faker (Lee Sang-hyeok de son vrai nom) et Deft (Kim Hyukkyu de son vrai nom) Ă©taient les grands protagonistes de la ­finale des Worlds 2022. À tel point que, lorsque DRX a obtenu une manche dĂ©cisive dans ce match au meilleur des cinq, on se serait crus spectateurs d’un combat singulier Ă  l’aube. « Ensemble, Faker et Deft ont jouĂ© plus de 2 000 parties. Nous allons en retrouver ici toute la substantifique moelle ! », a hurlĂ© le commentateur Caedral Ă  pleins poumons lors de la

Plus de 14 000 fans ont assistĂ© Ă  la finale du Championnat du monde League of Legends 2022, dont beaucoup Ă©taient habillé·e·s en personnages et crĂ©atures du jeu. Jusqu’à en perdre la vue.

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THE RED BULLETIN


« Mes fans d’AmĂ©rique m’appellent “Dieu”. » Faker


Les T1 (en noir) ont dĂ©jĂ  gagnĂ© trois fois ; l’équipe DRX (en blanc et photo ci-contre) Ă©taient leurs outsiders.


COLIN YOUNG-WOLFF, LANCE SKUNDRICH

Une fan montre son soutien Ă  la star introspective des DRX, Deft.

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« Faker/Deft, c’est comme quand Messi jouait au Barça et Ronaldo au Real. » Le joueur DRX Hong « Pyosik » Chang-hyeon et sa bague de vainqueur. La pierre est un saphir entourĂ© d’or blanc.

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Enfin, tous les messages ne sont pas forcĂ©ment des encouragements. En aoĂ»t dernier, des fans de T1 ont envoyĂ© un camion publicitaire au stade LoL Park de SĂ©oul avant le match de l’équipe contre sa rivale locale, Nongshim RedForce. MĂ©content·e·s du nouveau staff qui, selon elles·eux, ne comprenait pas l’équipe, les fans y avaient inscrit le message suivant : « On n’a pas besoin de coachs incompĂ©tents
 Nommez des anciens joueurs qui ont dĂ©jĂ  fait leurs preuves pour entraĂźner l’équipe. » Le fait que les meilleurs joueurs viennent souvent de CorĂ©e du Sud participe Ă  accroĂźtre l’intĂ©rĂȘt. Aiden Lee compare la dynamique Faker/Deft Ă  l’époque oĂč Lionel Messi jouait pour le FC Barcelone et Cristiano Ronaldo avait Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© au Real Madrid. Cette « nouvelle version d’El Clasico [rivalitĂ© footballistique historique] avait attirĂ© l’attention du monde entier. » Caster Jun a obtenu son premier contrat d’esport en 1999. À ce moment-lĂ , ce sport populaire avait dĂ©collĂ© avec Internet et les cybercafĂ©s corĂ©ens. « J’ai quittĂ© mon emploi en juin 2000 pour travailler en tant que commentateur de jeu sur une chaĂźne de diffusion », se remĂ©more-t-il.

C

aster Jun a pris son envol en mĂȘme temps que l’e-sport. Lorsqu’il avait 30 ans, il rĂȘvait d’ĂȘtre encore commentateur Dix ans plus tard. À 40 ans, son ambition Ă©tait identique. DĂ©sormais, Ă  51 ans, il n’a plus besoin d’afficher son objectif. « La chose la plus gratifiante dans l’univers de l’e-sport, c’est que l’on grandit ensemble, rĂ©pĂšte-t-il. Il y a vingt ans, les finales d’esport se jouaient avec des PC sur des tables de ping-pong. Aujourd’hui, on commente au Sangam World Cup Stadium ou au Gocheok Sky Dome. Belle progression, n’est-ce pas ? » Inutile de louer un panneau d’affichage pour rĂ©pondre Ă  cette question. Lee Sang-hyeok, le fameux Faker, mid laner de 27 ans sur League of Legends, a, en dix ans de carriĂšre, conservĂ© un taux ­incroyable de 66 % de rĂ©ussite, et accumulĂ© les surnoms. Il en a parlĂ© sur The Players’ Tribune, une plateforme digitale qui ­recueille les tĂ©moignages personnels des athlĂštes : « Mes fans d’AmĂ©rique m’appellent “Dieu”. Mes fans de CorĂ©e m’appellent “Le roi dĂ©moniaque invincible”. Je prĂ©fĂšre “Dieu”. Pendant le jeu, je suis juste Faker. Et je suis le meilleur joueur de League of Legends au monde. » Jusqu’à sa chute. En accomplissant son rĂȘve de victoire aux Worlds, Deft a ­enfin trouvĂ© la libĂ©ration. Pendant une grande partie de sa carriĂšre, il posait chaque soir sa tĂȘte sur l’oreiller et se repassait League of Legends en boucle. « Je ne pense plus Ă  League, a affirmĂ© le joueur star de DRX quelques semaines aprĂšs son titre mondial. Je profite juste d’une bonne nuit de sommeil. » Deft avait 26 ans au moment de cette victoire, ce qui fait de lui le joueur le plus ĂągĂ© Ă  remporter les Worlds (surpassant le CorĂ©en Kang « Ambition » Chan-yong, qui avait 25 ans quand son Ă©quipe, Samsung Galaxy, a obtenu le titre en 2017, et qui a pris sa retraite l’annĂ©e suivante). Deft aurait pu maudire tous les sceptiques et les dĂ©tracteur·euse·s, mais il ne l’a pas fait. Peut-ĂȘtre parce qu’il avait lui-mĂȘme des doutes. « C’est paradoxal, mais mon objectif consiste Ă  remporter les Worlds pour quitter le jeu, a-t-il dĂ©clarĂ© avant la finale. Si je gagne, je pourrai enfin partir sans aucun regret. » Ce projet de retraite semblait bien lointain. Avant les Worlds 2022, DRX avait peu de chances de franchir les playoffs rĂ©gionaux de la LCK, qui donnaient un ticket d’entrĂ©e pour le tournoi. À l’époque, Deft a assurĂ© pendant une interview que DRX avait THE RED BULLETIN

LANCE SKUNDRICH COLIN YOUNG-WOLFF

La popularitĂ© grandissante du streaming n’a fait que dĂ©cupler le phĂ©nomĂšne. Les seules diffusions en langue anglaise ont enregistrĂ© un pic record Ă  1,6 million de viewers, soit une hausse de 41 % par rapport aux Worlds 2021. En tout, la phase finale a cumulĂ© 121,7 millions d’heures de visionnage. Et le championnat 2023 qui aura lieu en CorĂ©e du Sud cet automne bĂ©nĂ©ficiera de l’élan de l’an dernier. La compĂ©tition se dĂ©roulera au Gocheok Sky Dome de SĂ©oul. Avec une capacitĂ© d’accueil d’environ 17 000 personnes, c’est le plus grand stade couvert du pays. Berceau de l’esport – oĂč les stars locales tiennent la dragĂ©e haute Ă  Taylor Swift en termes de notoriĂ©tĂ© – la CorĂ©e du Sud pourrait ĂȘtre le seul pays capable d’offrir un spectacle au moins aussi extraordinaire. « La CorĂ©e se targue d’ĂȘtre la patrie de l’e-sport, a expliquĂ© Aiden Lee, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la League of Legends Champions Korea (LCK). Non seulement elle a donnĂ© naissance Ă  un phĂ©nomĂšne culturel avec StarCraft, mais elle s’est imposĂ©e comme le pays le plus compĂ©tent. Elle a les meilleures Ă©quipes League of Legends au monde, qui sont soutenues par des fans passionné·e·s. » La CorĂ©e est aussi le pays qui a remportĂ© le plus de fois la Summoner’s Cup, trophĂ©e remis au vainqueur des Worlds et qui symbolise le prestige de la compĂ©tition. Le joaillier Tiffany & Co a apportĂ© encore plus d’éclat au trophĂ©e dĂšs 2022 : le nouveau graal, qui affiche 25 kg et 69 cm de haut, mĂȘle argent sterling, argent fin, acier inoxydable, laiton et bois. Il est ornĂ© de cinq poignĂ©es, une pour chaque membre de l’équipe, avec des incrustations correspondant au rĂŽle de chacun : top laner, mid ­laner, bot laner, jungler et support. Tiffany a aussi fait graver les noms des prĂ©cĂ©dents champions sur le socle. La CorĂ©e du Sud a remportĂ© 7 victoires sur 12. Puis vient la Chine avec trois victoires. Quel Ă©tait le mot exact employĂ© par Lil Nas X dĂ©jĂ  ? Fou. En CorĂ©e du Sud, il n’est pas rare que les fans d’esport louent d’immenses panneaux d’affichage mobiles pour adresser des messages de soutien aux entraĂźneur·e·s et aux joueur·euse·s.


« Le plus important, c’est un cƓur impossible Ă  briser. » Deft


Légendes en devenir : les managers de DRX se précipitent sur scÚne pour célébrer leurs joueurs victorieux.

Victoire ! DRX Ă©clatent en sanglots, Deft arrache son casque et le jette au loin. moins de 30 % de chances d’atteindre les Worlds. « En ­vĂ©ritĂ©, je pensais qu’on avait moins de 10 % de chances, a-t-il reconnu par la suite. Je voulais juste laisser un peu d’espoir aux fans. » Lorsque DRX a accĂ©dĂ© au tournoi par un trou de souris, c’était l’un des concurrents les plus faibles parmi les 24 Ă©quipes en lice. Ses chances de dĂ©passer les phases de groupes Ă©taient quasi nulles. Dans une incroyable confĂ©rence de presse organisĂ©e en amont de la finale, un journaliste a demandĂ© aux membres de T1 comment ils voyaient leur match face Ă  DRX. 58

Un par un, ils ont rĂ©pondu sans hĂ©sitation. Oner : « Je pense qu’on battra facilement DRX 3 Ă  0. » Keria : « Je vois un score de 3 Ă  0. » Gumayusi : « Je parie sur 3 Ă  0. » Faker : « J’espĂšre qu’on gagnera 3 Ă  0. » En 1964, le jeune boxeur Cassius Clay s’est moquĂ© de son ­adversaire, le champion du monde poids lourds Sonny Liston, en conduisant jusque chez lui un bus qui affichait : « Liston va se coucher en huit rounds. » Cassius Clay a remportĂ© le match en sept rounds. Babe Ruth, cĂ©lĂšbre joueur de base-ball chez les Yankees, a, selon la lĂ©gende, annoncĂ© oĂč il allait envoyer la balle avant de rĂ©aliser un home run pendant les championnats du monde de 1932. Il n’a fallu Ă  T1 que quatorze secondes pour faire 4 dĂ©monstrations d’une telle audace. Mais Ă  l’abri des regards, les sempiternelles dĂ©sillusions de Deft Ă  la Charlie Brown ont cĂ©dĂ© la place Ă  une farouche rĂ©solution. THE RED BULLETIN


LOL

La transition n’était pas simple. Il n’avait jamais dĂ©passĂ© les demi-finales et ses dĂ©boires annuels l’ont amenĂ© Ă  une triste ­tradition pour son anniversaire, le 23 octobre : « GĂ©nĂ©ralement, je me contente de passer la journĂ©e dans ma chambre aprĂšs ma dĂ©faite aux Worlds. »

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LANCE SKUNDRICH, COLIN YOUNG-WOLFF

n 2022, il semblait prendre le mĂȘme chemin que d’habitude quand, pour les quarts de finale au Madison Square Garden de New York – trĂšs prĂ©cisĂ©ment un 23 octobre – sa tactique a littĂ©ralement implosĂ© face Ă  EDG, son ancienne Ă©quipe, championne en titre des Worlds. Tandis que Deft Ă©tait sur le point de dĂ©truire le Nexus ennemi, un inhibiteur a ­respawn juste devant lui. Pour tous les aficionados de LoL, c’est une sacrĂ©e malchance ; pour les novices, on peut comparer ce coup de thĂ©Ăątre Ă  un running back de la NFL trĂ©buchant sur une bosse de la ­pelouse Ă  un mĂštre de la zone d’en-but. Ou, comme le commentateur l’a si bien exprimĂ© : « Oh non ! La victoire Ă©tait Ă  portĂ©e de main, Deft ! » Les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, c’était Ă  ce moment-lĂ  que les ­bougies s’éteignaient. Et que Deft se mettait en mode room ­service et silence de plomb. « Je ne pouvais pas y croire, a Ă©crit Deft sur The Players’ ­Tribune. Je n’ai jamais vĂ©cu ça dans toute ma carriĂšre. Et que cela se passe
 aux Worlds
 pendant les quarts de finale
 contre cette Ă©quipe ? Je me suis posĂ© la question : “C’est vraiment pas pour moi, la victoire ?” » Mais cette fois-lĂ , Deft n’a pas sombrĂ©. Avant d’enchaĂźner sur la partie suivante, Deft s’est simplement motivĂ© Ă  mieux jouer. « Je ne me suis pas apitoyĂ© sur mon sort, a-t-il Ă©crit. D’une certaine maniĂšre, ça m’a libĂ©rĂ© et donnĂ© le sentiment de pouvoir agir. » Tyler Erzberger a Ă©tĂ© l’une des rares personnes en dehors de DRX Ă  voir les doutes de Deft se transformer en un cƓur impossible Ă  briser. « Pendant la plus grande partie du tournoi, il ne se faisait aucun cadeau. Il se disait des trucs du genre : “Je vais essayer de faire de mon mieux, mais je ne sais pas si j’y arriverai”, se remĂ©more-t-il. Mais lorsqu’il a atteint la finale, il a pu se dĂ©barrasser de ce fardeau. Et, comme par magie, l’équipe a tout raflĂ©. » Au moment de sa victoire, alors que le public du Chase Center se levait comme un seul homme, tous

RĂȘves brisĂ©s : le joueur de T1 Choi « Zeus »Woo-je rĂ©agit Ă  la ­ Ă©faite choc de sa team. Maintenant, il vise la gloire en 2023. d THE RED BULLETIN

les membres de DRX – impassibles devant leur Ă©cran une fraction de seconde auparavant – ont Ă©clatĂ© en sanglots. Deft a arrachĂ© son casque et l’a jetĂ© au loin. « C’est vraiment rare que je laisse exploser ma joie Ă  ce point, raconte-t-il. Mais ce jour-lĂ , j’ai sautĂ© dans tout le stade. Mon corps bougeait sans mĂȘme que j’y pense. Il me disait juste : “Cours trĂšs vite.” Alors j’ai couru. » « Aucune Ă©quipe classĂ©e quatriĂšme sur la ligne de dĂ©part n’avait atteint la finale, et encore moins remportĂ© le championnat du monde, a dĂ©clarĂ© Kobe, incrĂ©dule. Ce groupe d’amis a rĂ©alisĂ© un vĂ©ritable miracle. » Lors de la confĂ©rence de presse qui a suivi, un journaliste a demandĂ© Ă  Faker s’il avait quelque chose Ă  dire Ă  son ancien camarade d’école. « Je veux juste le fĂ©liciter, a-t-il rĂ©pondu avec beaucoup de sincĂ©ritĂ©. Il mĂ©rite totalement ce trophĂ©e. »

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n an plus tard, les Worlds 2023 pourraient connaĂźtre un remaniement complet de la distribution, Ă  l’instar d’une Ă©mission tĂ©lĂ©visĂ©e que l’on binge et qui espĂšre rester dans le coup. Moins de trois semaines aprĂšs la finale 2022, Deft n’a pas pris sa retraite, bien au contraire. L’annonce de sa signature chez DWG KIA (dĂ©sormais Dplus KIA) a fait grand bruit. En rĂ©alitĂ©, tous les joueurs de DRX sont partis, sauf BeryL. À premiĂšre vue, il semble ­choquant, voire triste, qu’un ­collectif ayant dĂ©crochĂ© une telle victoire se soit disloquĂ© si vite, comme un groupe qui se ­sĂ©pare aprĂšs un album ­d’anthologie. Mais DRX n’a jamais eu pour vocation de dĂ©crocher un tel titre. À la minute oĂč les joueurs sont devenus cĂ©lĂšbres, on les a dĂ©bauchĂ©s, et DRX n’avait ni l’argent ni les ressources nĂ©cessaires pour les garder. C’est comme si l’équipe de football amĂ©ricain d’une petite ville remportait le Super Bowl. Les rĂ©alitĂ©s Ă©conomiques soulignent seulement Ă  quel point la victoire de DRX a Ă©tĂ© extraordinaire. Faker reste chez T1, mais compte tenu de la blessure qui l’a handicapĂ© pendant une bonne partie de l’étĂ©, son Ă©quipe a faibli. Sans son porte-bonheur, elle a perdu cinq matches d’affilĂ©e, dĂ©gringolant Ă  la quatriĂšme place de la ligue, ce qui augurait un recalage quasi certain aux play­offs de la LCK. Le 2 aoĂ»t dernier, LoL Esports a annoncĂ© le come-­back de Faker dans la compĂ©tition. Le jour mĂȘme, T1 a vaincu Kwangdong Freecs. Le titre de l’article, Le retour du roi, s’imposait de lui-mĂȘme. Une chose est sĂ»re : il faudra avoir les Ă©paules larges pour incarner la lĂ©gende cette annĂ©e. « La barre est haute, mais nous sommes impatients ­d’épater les fans avec ce que nous leur rĂ©servons pour les Worlds 2023 », a expliquĂ© Naz Aletaha, Global Leader de LoL Esports Ă  propos du tournoi qui dĂ©marrait Ă  SĂ©oul, avant de partir pour Busan puis de revenir Ă  SĂ©oul – ces zones mĂ©tropolitaines reprĂ©sentent un tiers de la population corĂ©enne. L’organisation des Worlds sur les terres de la LCK nous permet d’ouvrir un nouveau chapitre tout Ă  fait appropriĂ©. » League of Legends revient Ă  la maison. Les Worlds 2023 commenceront le 10 octobre et se concluront par la finale le 19 novembre ; regardez la compĂ©tition sur la chaĂźne Twitch de Riot Games : twitch.tv/riotgames. Le documentaire DRX The Rise, consacrĂ© Ă  la finale de Worlds 2022, est Ă  dĂ©couvrir sur redbull.com. 59


Variations pour grand public DerriÚre chaque grand tube se cachent souvent un ou plusieurs compositeurs. Tel est le cas avec ­SUTUS, relÚve de la musique qui flirte avec le rap, un genre ­depuis peu considéré comme la pop du moment. Entre argent, hits et compo mainstream, le ­Balnéolais à la carriÚre prometteuse se raconte. Texte MARIE-MAXIME DRICOT

Photos ROXANE PEYRONNENC

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riginaire de Bagneux (Hauts-deSeine), Sutus, ou ClĂ©ment pour ses proches, n’aime pas dire son Ăąge, il trouve ça aussi ennuyant qu’agaçant, et Ă  juste titre. Celui qui a collaborĂ© avec Lord Esperanza, Bilal Hassani, Joanna, Lujipeka et Chilla, en a assez des gens qui lĂąchent Ă  tout-va : « C’est un petit gĂ©nie, ça va ĂȘtre incroyable », posant sur ses Ă©paules une grosse pression et beaucoup d’attentes. Sutus prĂ©fĂšre ĂȘtre discret. C’est autour d’un chocolat chaud de chez Comets CafĂ© & disques, que nous avons Ă©voquĂ© son jeune parcours, son amour pour Yelle et son ultimate goal. Pour ce compositeur Ă©levĂ© Ă  la sauce Bruce Springsteen et Miles Davis, et traumatisĂ© par le solfĂšge, il aura fallu la bonne rencontre, de la confiance, et un conseil prĂ©cieux pour se rendre compte que la musique n’est pas qu’un hobby, on peut aussi en vivre. the red bulletin : Pourquoi avoir abandonnĂ© le solfĂšge ? sutus : Mes parents Ă©taient mĂ©lomanes, il y avait toujours du jazz, du funk et un 60

peu de rock Ă  la maison. Un jour, ils m’ont inscrit au conservatoire de la ville pour m’initier au solfĂšge et j’ai appris la trompette, parce que je voulais faire comme Louis Armstrong. Je voyais les photos oĂč il avait les joues gonflĂ©es, je voulais lui ressembler. Mais j’ai Ă©tĂ© traumatisĂ© du solfĂšge comme beaucoup d’entre-nous. Cela dit, ça m’a donnĂ© les bases et ça a Ă©duquĂ© mon oreille. MalgrĂ© tout, cela ne t’a pas empĂȘchĂ© de continuer Ă  faire de la musique. Oui, car vers onze ans j’ai dĂ©couvert le logiciel GarageBand et c’est devenu mon jouet prĂ©fĂ©rĂ©. Je reproduisais des mĂ©lodies, je faisais des boucles, et chantais dessus, j’enregistrais les copains sans trop d’arriĂšre-pensĂ©es. Ce n’est qu’à la fin du lycĂ©e que j’ai pris ça au sĂ©rieux, que j’ai eu le dĂ©clic que c’était ce que je voulais faire, quand on a montĂ© un collectif de graphistes, producteurs, musiciens avec des potes. C’était lowkey, on organisait des DJ sets au Bateau Phare, mais c’était surtout la premiĂšre fois que je jouais avec d’autres personnes. C’était gĂ©nial. La THE RED BULLETIN


« Je n’ai pas du tout envie de tomber dans le cynisme. » Pour Sutus, s’inscrire dans une dĂ©marche de production de hits est complĂštement absurde.

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« J’essaie de ne pas trop intellectualiser les choses quand je fais du son. » ­ remiĂšre personne avec qui j’ai collaborĂ©, p c’était Mikano, un rappeur franco-camerounais, avec qui on bosse toujours. Qu’est-ce qui t’a rĂ©ellement poussĂ© Ă  sauter dans le grand bain ? Il y a cinq ans, j’ai fait un placement pour le rappeur Lord Esperanza. C’est lĂ  que je me suis rendu compte que c’était possible de vivre de la musique. Dans ce milieu, quand tu es jeune, si on ne te dit pas que c’est possible, ça reste un passe-temps. Donc j’ai tentĂ©, j’ai arrĂȘtĂ© l’école et j’ai dit Ă  mes parents de me laisser un peu de temps pour faire mes preuves et des sous. Et pile au moment du Covid, j’ai eu mon intermittence. Timing Parfait. Ce n’est pas toujours Ă©vident de savoir par oĂč commencer, surtout dans cette industrie qui parfois nĂ©cessite d’avoir les bons contacts et les tips, quel a Ă©tĂ© le rĂŽle de Lord Esperanza ? C’est Piment, son Ă©diteur de l’époque, qui m’a initiĂ© au fonctionnement d’un label, des modalitĂ©s de contrat dans l’industrie de la musique. Il a Ă©tĂ© un vĂ©ritable prof. C’est aussi lui qui m’a introduit Ă  Sally, pour qui j’ai composĂ© le titre Shoot, sur lequel on retrouve Vicky R, Chilla et Joanna avec qui je commence Ă  bosser. Ces trois artistes sont assez diffĂ©rentes dans leur musicalitĂ©. Comment dĂ©finis-tu ton style de composition ? Je fais plein de choses variĂ©es, mais j’ai l’impression que j’ai un goĂ»t pour les beaux accords, qui font voyager, comme un matelas un peu moelleux auquel on ajoute des drums et des instrus. Il faut qu’il y ait un mood mĂ©lancolique et rĂȘveur. En revanche, aujourd’hui, je ne fais plus beaucoup de prods pour le rap, mĂȘme si c’est la musique qui m’a bercĂ©, je me dirige davantage vers la pop. Es-tu plutĂŽt power pop maintenant ? Je suis versatile dans mon esthĂ©tique relativement pop, et je ne crains pas de faire des grands Ă©carts. Ma musique est Ă  la fois trĂšs mĂ©lancolique et fun. Mais atten62

tion, je ne dis pas rigolo, surtout pas, il faut simplement que ça soit ludique. J’ai aussi besoin de profondeur dans mes compositions. C’est d’ailleurs pour ça que je suis heureux de travailler avec Yelle, car on rĂ©ussit Ă  allier les deux. Tu as Ă©galement collaborĂ© avec Yelle sur le dernier album de Bilal Hassani, ThĂ©orĂšme ? Comment Ă©tait-ce ? C’était trop bien et hyper enrichissant. En gros, je faisais les premiĂšres parties de Yelle avec Joanna et en loge, j’ai rencontrĂ© Grand Marnier (la moitiĂ© de Yelle, ndlr) qui m’a dit qu’il allait faire la rĂ©alisation du prochain album de Bilal. AprĂšs lui avoir envoyĂ© quelques prods, il m’a proposĂ© d’ĂȘtre de la partie. Humainement, c’était dingue car Bilal est une personne incroyable, pleine d’énergie, dotĂ©e d’une grande intelligence et d’une culture pop trĂšs vaste. Ça m’a beaucoup ouvert. La pop, c’est tellement diffĂ©rent du rap. De plus, il m’a emmenĂ© partout avec lui, en tournĂ©e et en promo. En prenant du recul sur ces trois ­derniĂšres annĂ©es, est-ce qu’on peut toujours dire de toi que tu es « un artiste de la voie lactĂ©e » comme tu l’affirmais en 2019 ? Je pense que je suis plus terre-Ă -terre qu’avant. J’ai conscience du business. Je sais ce qui a le potentiel ou non de fonctionner en musique. Par ailleurs, j’essaie de ne pas trop intellectualiser les choses quand je fais du son, d’ĂȘtre au plus proche de mes sentiments et de ceux de l’artiste avec qui je travaille pour retranscrire la puretĂ© qu’on recherche.

À l’Ɠuvre : Sutus en rĂ©sidence au Red Bull Studios Paris.

C’est-Ă -dire ? Je n’ai pas du tout envie de tomber dans le cynisme. Dire « aujourd’hui, il faut qu’on fasse un hit », ça n’a pas de sens. On fait de la musique pour retranscrire les Ă©motions qu’on vit Ă  un moment donnĂ©. Donc, oui, je reste sur ma voie lactĂ©e, parce que c’est mon dĂ©lire, mais je suis devenu un peu chiant et blasĂ©, car l’industrie c’est de l’argent et c’est pesant. Mais bon, j’ai choisi d’en ĂȘtre.

en ce moment je me dis qu’il faudrait peut-ĂȘtre passer le cap pour ne pas trop rester en marge, car j’aime bien bosser avec des artistes oĂč l’exercice consiste justement Ă  faire des tubes, du mainstream. Ça m’intĂ©resse beaucoup.

Un pied dans l’industrie, mais pas trop ? Je suis full indĂ©pendant. Au dĂ©but, c’était un choix, parce que je ne trouvais aucun contrat intĂ©ressant, ensuite, parce que j’ai pris conscience d’avoir fait tout ce chemin sans l’aide de personne, mĂȘme si j’ai bossĂ© avec des Ă©diteurs sur des morceaux ou pour des albums. Pourtant,

Comment ça se traduit sur une semaine de travail ? Par exemple, le lundi, quand je suis avec Theodora, l’objectif est de faire un track dans son ADN, new gen, hybride un peu electro fucked up. Le mardi, je suis avec Still Fresh, on fait une prod amapiano R&B vibe. Et si le mercredi, je suis avec THE RED BULLETIN


Sutus

chercher des Ă©lĂ©ments de rĂ©ponses, car il y a toujours une part d’irrationalitĂ©. Ça reste une industrie donc on peut avoir la meilleure chanson au monde, si on n’a pas le cadre de diffusion suffisamment large pour la faire dĂ©couvrir au grand public, ça ne va pas prendre. À l’inverse, il y a plein de chansons qui ne ressemblent pas Ă  des tubes, et qui, contre toute attente, cartonnent. En as-tu une en tĂȘte ? Oui, le titre Rencontre, de Disiz feat. Damso ! Ce morceau n’aura jamais dĂ» devenir un hit, mĂȘme s’il est gĂ©nial. Et pourtant, ça a pris ! Il y a trois prods diffĂ©rentes dessus, la structure est bizarre, c’est long, il n’y a pas de refrain
 C’est censĂ© ĂȘtre un morceau d’album perchĂ©, que personne ne va rĂ©Ă©couter et en fait, c’est un tube de 2022. Ça donne foi. Qu’en est-il des morceaux ayant une structure pop « parfaite » ? C’est la structure dominante dans la musique donc lorsqu’on sort de ce schĂ©ma rĂ©pĂ©titif couplets/refrain, on perd les auditeurs. C’est certain qu’il y a des ingrĂ©dients qui font une bonne recette musicale, mais il y aura toujours quelqu’un pour mettre du paprika dedans alors qu’on fait un gĂąteau au yaourt. Le truc, c’est que ça fonctionnera quand mĂȘme. Et, d’un autre cĂŽtĂ©, il y en aura un qui aura le meilleur macaron de la planĂšte, mais personne ne le calculera. C’est le jeu du hasard.

Julien DorĂ©, l’exercice sera diffĂ©rent, on surfera sur la variĂ©tĂ© française. Je ne suis pas lĂ  en train de me dire on va faire de l’argent, mais plutĂŽt, on va faire un truc grand public. Selon toi, quand on s’inscrit dans la pop mainstream, y a-t-il une formule qui permette de rĂ©aliser un hit Ă  tous les coups ? Ou cela tient-il davantage Ă  la maniĂšre dont on Ă©duque le public ? En tant qu’artiste, on passe beaucoup de temps Ă  essayer de comprendre pourquoi quelque chose fonctionne, sans trouver de raison. À mon avis, ça ne sert Ă  rien de THE RED BULLETIN

« En tant qu’artiste, on passe beaucoup de temps Ă  essayer de comprendre pourquoi quelque chose fonctionne, sans trouver de raison. »

Toi aussi, tu as voulu faire des gĂąteaux, en 2018 avec Un pied sur la pĂ©tale, puis 2019 avec Parures. Oui, mais c’est parce que je n’avais personne pour se poser sur mes prods. C’était cool et bizarre, car je me suis rendu compte que je n’aimais ni ma voix, ni ma maniĂšre d’écrire. Les thĂ©matiques Ă©taient intĂ©ressantes, sauf que je n’avais pas les bonnes formulations pour rendre le tout agrĂ©able Ă  l’écoute. Cependant, j’ai beaucoup de chance car les artistes avec qui je collabore me laissent m’exprimer au niveau des toplines. Je peux alors proposer des idĂ©es mĂ©lodiques, probablement parce que je suis passĂ© par cette phase artistique prĂ©cĂ©demment. J’arrive Ă  me mettre Ă  leur place pendant les sessions, quand il·elle·s gambergent. Ma maniĂšre de m’exprimer, c’est via la composition, je n’ai pas un besoin viscĂ©ral d’écrire. Instagram : @sutuswing 63


JAMAIS DE TEMPS MORT Les Toronto Raptors et leurs fans n’ignorent pas que PASCAL SIAKAM, ailier d’une polyvalence rare, est une superstar. Il est grand temps de faire connaütre son talent et son incroyable parcours au reste du monde. Texte DEMARCO WILLIAMS

« Évoluer en NBA est une bĂ©nĂ©diction », ­estime Siakam, opinion largement partagĂ©e par les fans des Toronto Raptors. Encore ­inconnu il y a quelques annĂ©es, l’ailier fort a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© nommĂ© deux fois NBA All-Star.

Photos DAVID CLERIHEW


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Pascal Siakam

P

ascal Siakam symbolise parfaitement l’incroyable essor du basket africain. AprĂšs dix ans de pĂ©riple du Cameroun au Texas en passant par le Nouveau-Mexique, l’ailier fort des Toronto Raptors est devenu une star de la NBA, et un bel exemple du potentiel de son continent. Une rĂ©volution est en cours dans le monde du basket et elle n’est pas discrĂšte, comme le prouve la Coupe du monde FIBA 2023. Cinq nations du continent africain y ont participĂ© : l’Angola, le CapVert, l’Égypte, la CĂŽte d’Ivoire et le Soudan du Sud. Le Nigeria, habituel challenger, n’a pas rĂ©ussi Ă  se qualifier. Place aux jeunes, en quelque sorte. Et des joueurs comme Childe Dundao d’Angola ont su ­tirer leur Ă©pingle du jeu contre certains des meilleurs dribbleurs au monde. Si la sĂ©lection camerounaise de Pascal Siakam n’a pas rĂ©ussi Ă  se qualifier, un vent positif souffle pourtant sur l’équipe nationale. Des talents prometteurs comme Ulrich Chomche, 17 ans et dĂ©jĂ  2,11 mĂštres, ­annoncent un avenir radieux. Siakam est l’une des principales raisons de ce regain d’attention portĂ©e sur le continent africain. En un peu plus de dix ans, le natif de Douala est passĂ© de l’anonymat complet au panthĂ©on des meilleurs joueurs de la NBA.

« Beaucoup de gens rĂ©alisent que notre continent regorge de talent, explique Siakam, deux fois NBA All-Star avec les Toronto Raptors. Il y a beaucoup de gosses comme moi, et si on leur en donne l’occasion, ils pourront rĂ©aliser le mĂȘme parcours. » Siakam a probablement jetĂ© un Ɠil sur la Coupe du Monde de la FIBA, au moins pour voir Dennis Schroeder, son coĂ©quipier des Raptors, qui jouait pour l’Allemagne. Mais l’ailier polyvalent a d’autres choses en tĂȘte, notamment la nouvelle saison de basket qui commence Ă  la fin du mois d’octobre. Contrats faramineux et jets privĂ©s de luxe font certes partie du cĂŽtĂ© glamour de la vie de basketteur professionnel, mais il y a un autre cĂŽtĂ© plus obscur, celui des bleus, des bosses et des Ă©changes trĂšs ­physiques sur le parquet avec Giannis ­Antetokounmpo ou Joel Embiid. Chaque annĂ©e, il faut faire preuve de force et d’intelligence pour ne pas baisser dans la hiĂ©rarchie de l’équipe. Et Siakam tient Ă  son statut de star au sein des Raptors. C’est donc avant tout pour rester au top de sa forme qu’il s’est rendu en ­Autriche cet Ă©tĂ©, profitant du sĂ©jour pour visiter les quartiers gĂ©nĂ©raux de Red Bull et le centre de performance des athlĂštes de la marque. « Salzbourg est une ville incroyable, raconte Siakam, fĂ©ru de voyages et de photos quand il n’est pas en train de dribbler. J’ai vu des paysages magnifiques et dĂ©couvert une ambiance trĂšs diffĂ©rente de mon quotidien. J’y suis restĂ© environ une semaine, Ă  m’entraĂźner avec quelques collĂšgues qui m’accompagnaient. C’était gĂ©nial ! »

Au cours des deux derniĂšres saisons, aucun joueur de la NBA n’a jouĂ© plus de minutes par match que Siakam, piĂšce maĂźtresse des Toronto Raptors.

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Rien de tel que l’air pur des Alpes pour le cardio. « J’aime bien ce genre de moments oĂč je peux sortir de ma zone de confort, renchĂ©rit l’ailier des Raptors du haut de ses 2,08 mĂštres pour 103 kilos. C’est une chose que j’essaie de plus en plus d’intĂ©grer Ă  mes sessions : dĂ©couvrir de nouvelles cultures tout en continuant Ă  m’entraĂźner quel que soit l’environnement. » De retour Ă  Los Angeles quelques ­semaines plus tard, il a pu retrouver ses marques. Mais il avait encore du pain sur la planche, pour preuve ces vidĂ©os qui inondent la toile et oĂč l’on voit Siakam, 29 ans, disputer des Ă©changes endiablĂ©s avec ses collĂšgues de NBA comme Jalen Green et Harrison Barnes. Sur le papier, le calendrier professionnel peut s’étirer d’octobre Ă  juin, mais quand on atteint un tel niveau d’excellence, les interminables THE RED BULLETIN

CHARLIE LINDSAY/RED BULL CONTENT POOL

Le rĂȘve amĂ©ricain


« Je vais simplement continuer d’amĂ©liorer mon jeu », explique Siakam, ici photographiĂ© Ă  Salzbourg (en Autriche) le 26 juillet dernier.


« Il a énormément progressé en termes de gestion du ballon et de prise de décision », estime Marvin Menzies, son coach au Nouveau-Mexique.

sĂ©ances d’entraĂźnement et les innombrables tirs au panier durent bien douze mois par an. Vous ne pensiez tout de mĂȘme pas que ces instants de pure magie Ă©taient le simple fruit du hasard ? Avec cette fluiditĂ© qui le caractĂ©rise, Siakam a enregistrĂ© une moyenne de 24,2 points, 5,8 passes dĂ©cisives et presque 7,8 rebonds par match au cours de la saison NBA 2022-2023, au sein d’une Ă©quipe tiraillĂ©e entre les performances passables et les passes d’armes ­sublimes. Les Raptors ont fini la saison Ă  .500, confirmation d’une pĂ©riode compliquĂ©e. « On ne peut pas vraiment se rĂ©jouir d’un bilan de 41 Ă  41 (matches gagnĂ©s et perdus, ndlr), constate Siakam. Il faut qu’on se penche sur ce qui n’a pas marchĂ©, qu’on essaie de faire mieux, qu’on continue d’avancer. On est une jeune Ă©quipe bourrĂ©e de potentiel, il faut continuer de progresser, point barre. » 68

Chemin de découverte

Sur les dix saisons prĂ©cĂ©dentes, les ­Raptors ont atteint les playoffs Ă  huit reprises et ont rĂ©ussi Ă  se hisser jusqu’aux demi-­finales de la ConfĂ©rence de l’Est Ă  cinq ­reprises. Autrement dit, Toronto est habituĂ©e Ă  mieux. Autant la ville que la franchise misent tout sur Siakam, leur meilleur joueur, pour revenir au top. Une pression Ă©norme pour quelqu’un qui ne connaissait rien au basket jusqu’à l’ñge de 16 ans. Lui et ses trois frĂšres aĂźnĂ©s grandissent au Cameroun, pays qui ne ­jurait (et ne jure toujours) que par le foot

« Les Raptors sont bourrés de potentiel. »

et n’offrait alors aucune alternative. ­Pascal se voyait plus comme le prochain Samuel Eto’o (son compatriote qui a fait les beaux jours du FC Barcelone, de l’Inter de Milan et du Chelsea) que comme le futur Chris Bosh. C’est par hasard, en participant Ă  un camp de basket, qu’il est repĂ©rĂ© par Luc Mbah a Moute, joueur de NBA lui aussi originaire du Cameroun. Pascal a des dispositions naturelles : un bon jeu de jambes, une certaine aisance et cette dĂ©termination dans les yeux qui ordonne Ă  la fatigue de se taire. Mais c’est encore un diamant brut. AprĂšs quelques camps d’entraĂźnements supplĂ©mentaires, il commence sĂ©rieusement Ă  s’imaginer en roi du dunk. « Le simple fait de voir tous ces joueurs de la NBA, de les toucher, de leur parler, c’était rĂ©el, se souvient Pascal. LĂ  d’oĂč je viens, on n’est pas habituĂ© Ă  accomplir ce genre d’exploits, on atteint rarement ces THE RED BULLETIN


Pascal Siakam

« Mon pĂšre a tout sacrifiĂ© pour moi, il m’a guidĂ© pour aller Ă  l’universitĂ©. » niveaux de succĂšs. Donc, jusqu’à ce que je m’y mette vraiment Ă  fond, tout cela semblait vraiment irrĂ©el. Je me suis dit hey, ces mecs sont comme moi, ils viennent de pays comme le mien. » Il dĂ©croche une bourse d’études et part Ă  Lewisville (Texas), Ă  l’autre bout de la planĂšte. Un sacrĂ© changement qu’il affronte en s’inspirant de certains modĂšles comme ses frĂšres Boris, Christian et James, dĂ©jĂ  inscrits dans des Ă©quipes de basket universitaire aux États-Unis, mais aussi de cĂ©lĂ©britĂ©s comme Mbah a Moute ou encore Embiid, eux aussi sortis du continent africain pour poursuivre le rĂȘve amĂ©ricain et connaĂźtre de mĂ©morables carriĂšres NBA. BoudĂ© par les recruteurs, Pascal dĂ©cide en 2013 d’intĂ©grer l’équipe de l’universitĂ© d’État du Nouveau-Mexique. Nouvelle destination, nouveaux visages, un changement forcĂ©ment chargĂ© d’émotions

e­ ncore accentuées par le décÚs de son pÚre, Tchamo, qui meurt dans un accident de la route en 2014. Pour éviter de perdre son visa en cours de procédure, Pascal devra renoncer à se rendre aux funérailles.

Point barre

Mais les larmes ne l’empĂȘcheront pas de trouver sa voie. « Le dĂ©cĂšs de mon pĂšre a Ă©tĂ© un moment crucial. J’ai vraiment ouvert les yeux pour m’investir complĂštement dans le basket : voilĂ  quelqu’un qui avait tout sacrifiĂ© pour moi, qui m’avait guidĂ© pour que je puisse aller Ă  l’universitĂ© et jouer au basket. Mentalement, aprĂšs cela, j’ai pris une nouvelle trajectoire. Mes objectifs de carriĂšre ont changĂ©, j’ai travaillĂ© avec encore plus d’acharnement. » Pour sa premiĂšre annĂ©e avec les ­Aggies, il saute les compĂ©titions pour mieux s’entraĂźner avant de connaĂźtre une saison 2014-2015 phĂ©nomĂ©nale qui aboutira sur un titre de Freshman de l’annĂ©e de la Western Athletic Conference. La saison suivante, il est nommĂ© joueur de l’annĂ©e de la WAC Ă  l’unanimitĂ©. « Il avait une mission en tĂȘte, explique Marvin Menzies, ex-coach de l’universitĂ© d’état du Nouveau-Mexique. Pour la plupart, l’objectif numĂ©ro un est d’intĂ©grer la fac. AprĂšs, il y a ceux qui veulent poursuivre leur carriĂšre et ceux qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour y arriver. C’est ce qu’il a fait. »

Cet Ă©tĂ©, Siakam a passĂ© une semaine en Autriche, entre tourisme et entraĂźnements. « J’aime ces situations oĂč je peux sortir de ma zone de confort. » THE RED BULLETIN

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Coriace : 24 points, 6 passes décisives et 8 rebonds en moyenne par match au cours de la saison, voici Pascal Siakam, aka « Spicy P ».


Pascal Siakam

CHARLIE LINDSAY/RED BULL CONTENT POOL

Un Camerounais devenu star de la NBA : un parcours incroyable, sauf pour lui. « On a du potentiel », dit-il à propos de sa jeune équipe des Raptors dont il veut devenir capitaine.

À quelque 5 000 km de lĂ , en Ontario, plusieurs recruteurs dĂ©couvrent la poly­ valence de son jeu en visionnant un match qu’il dispute Ă  Las Cruces. Siakam est sĂ©lectionnĂ© par les Toronto Raptors Ă  la 27e position de la draft 2016 de la NBA. Une sĂ©lection qui s’inscrit parfaitement dans la logique multiculturelle de Toronto et sa population composĂ©e de plus de 200 groupes ethniques pour plus de 140 langues parlĂ©es. L’endroit rĂȘvĂ© pour quelqu’un comme Pascal Siakam et sa ­vision globale du monde. Mais le dĂ©but de cette aventure va ĂȘtre dĂ©licat. Affronter les Cal State Bakersfield Roadrunners et dribbler contre les Boston Celtics sont deux mondes diffĂ©rents. Comme la plupart des nouvelles recrues, Siakam met du temps Ă  s’adapter au nouveau rythme, passant sa premiĂšre annĂ©e entre le banc de touche et de rares performances sur le terrain, ce qui lui vaut d’ĂȘtre rĂ©orientĂ© vers l’équipe de dĂ©veloppement de la NBA, les Raptors 905. Mais en Ă©ternel bosseur acharnĂ©, Siakam profitera de cette pĂ©riode pour remporter le championnat de ligue D et le titre de MVP lors des finales.

Le tangible et le concret

Puis vient le déclic. Début de la saison 2018-2019, il semble mieux maßtriser le ballon et ses attaques se font plus THE RED BULLETIN

t­ ranchantes. Et il arbore un visage plus ­serein lors de ses duels en un contre un. Le kid de Douala commence Ă  faire des miracles. Si l’équipe de Toronto a pu remporter le trophĂ©e de champion de NBA en 2018-2019, elle le doit pour beaucoup Ă  Siakam. Sur les 24 matches de sĂ©rie Ă©liminatoire des Raptors, Siakam a marquĂ© au moins 18 points dans 15 d’entre eux. Sa dĂ©fense Ă©touffante et son agressivitĂ© de chien fou sur les rebonds ont peut-ĂȘtre Ă©chappĂ© aux stats, mais pas Ă  la vigilance des spĂ©cialistes qui l’éliront « joueur de la ligue Ă  la meilleure progression ». « Je pense qu’il a fait de gros progrĂšs autant au niveau de sa gestion du ballon que de sa prise de dĂ©cision, ajoute ­Menzies. Il s’est amĂ©liorĂ© en un contre un,

Sa dĂ©fense Ă©touffante et son agressivitĂ© n’échappent pas Ă  la vigilance des spĂ©cialistes.

drible et se dĂ©brouille mieux depuis le ­pĂ©rimĂštre. Il comprend mieux le jeu. » Depuis leur victoire quatre ans plus tĂŽt, les Raptors connaissent des rĂ©sultats en dents de scie. Contre toute attente, leur derniĂšre fin de saison s’est terminĂ©e trop prĂ©maturĂ©ment, surtout avec des joueurs du niveau de Siakam et de jeunes recrues prometteuses comme O.G. Anunoby et Scottie Barnes. RĂ©sultat dĂ©cevant qui a abouti au licenciement de Nick Nurse, coach principal de l’équipe. Et vinrent des rumeurs sur un dĂ©part de Pascal. « Je n’y accorde aucune importance », riposte Siakam avec flegme. Élu joueur de Third Team par le panel de la All-NBA en 2022, il pourrait recevoir des offres mirobolantes au terme de sa saison 2024, quand son contrat actuel aura expirĂ©. « Je n’y pense pas. Pour moi, jouer en NBA est une bĂ©nĂ©diction. Tout ce que je veux, c’est continuer sur ma lancĂ©e, travailler dur et rester concentrĂ©. Je vais continuer d’amĂ©liorer mon jeu et rester concentrĂ© sur les choses tangibles et concrĂštes. C’est tout. » Siakam se fait plus volubile quand la conversation dĂ©vie sur les jeunes athlĂštes africains. Basketball Without Borders, le camp d’entraĂźnement qui l’a rĂ©vĂ©lĂ© il y a quelques annĂ©es, sponsorise plusieurs Ă©vĂ©nements sur le continent, ce qui fait Ă©voluer les mentalitĂ©s. InitiĂ©e au SĂ©nĂ©gal en 2017, l’AcadĂ©mie NBA Africa permet de rĂ©vĂ©ler les meilleurs talents de la ­rĂ©gion dans le cadre d’une structure ­d’entraĂźnement officielle. Et la Basketball Africa League, qui a conclu sa troisiĂšme saison en 2023, fait dĂ©jĂ  figure de tremplin pour jeunes talents, avec 17 de ses joueurs sĂ©lectionnĂ©s pour les Ă©quipes de la Coupe du Monde FIBA. Au cours de son entraĂźnement Ă  Los Angeles, Siakam croise un jeune joueur de l’acadĂ©mie NBA. Magique. Pour la super­star, la boucle est bouclĂ©e : quelques annĂ©es plus tĂŽt, il avait lui-mĂȘme cherchĂ© conseil auprĂšs de Mbah a Moute, et c’est dĂ©sormais Ă  lui de partager ses expĂ©riences avec les nouvelles gĂ©nĂ©rations ­internationales. « Je veux faire tout mon possible pour que ce dĂ©veloppement continue, dit-il. Avoir des enfants qui me regardent moi, Joel Embiid et tous les autres joueurs africains et pensent, hey, Embiid vient d’ĂȘtre Ă©lu MVP de la ligue, je peux le faire aussi. Oui, j’espĂšre vraiment qu’on va continuer sur cette lancĂ©e. » Il est sans doute le mieux placĂ© pour guider les jeunes dans cette aventure. Instagram : @pskills43 71


Venu tout droit de Bradford : le Bad Boy Chiller Crew, photographiĂ© pour The Red Bulletin Ă  l’O2 Academy Leeds (Angleterre) en mai dernier.


Le sang de la bassline Pranks, prison et pump tracks. Pour les figures de l’incroyable SCÈNE ­UNDERGROUND DE BRADFORD (Royaume-Uni), il ne s’agit pas seulement de musique, mais d’une Ă©chappatoire. Vers une meilleure vie, peut-ĂȘtre, mais jamais loin de leur communautĂ© bien-aimĂ©e.

Texte ALICE AUSTIN Photos YUSHY 73


Bassline

L

orsque le Bad Boy Chiller Crew entre en scĂšne, on a l’impression qu’il est dans son salon. Ses membres saluent leurs fans comme s’ils Ă©taient de vieux potes, et d’ailleurs ils le sont bien souvent. Le fameux mulet de Clive dĂ©passe de sa parka gĂ©ante, la chemise blanche de GK matche avec son sourire du chat d’Alice au pays des merveilles, et Kane arbore des ­lunettes noires et mime des coups de feu. La foule hurle tout au long de leur morceau d’ouverture, Get Out My Head, tirĂ© de leur EP de 2021, Charva Anthems. Lorsque le refrain dĂ©marre, des feux ­d’artifice sont lancĂ©s dans les airs. On dirait que l’O2 ­Academy Leeds vient de se faire baptiser au ­papier toilette. « Oggy oggy oggy ! », scande GK. « Oi oi oi ! », rĂ©pond Leeds. On n’arrĂȘte plus le collectif bassline de Bradford. En 2019, The Guardian a classĂ© le Bad Boy Chiller Crew dans les cinquante nouveaux artistes Ă  surveiller en 2020. Jon Caramanica, grand critique musical au New York Times, a fait figurer son deuxiĂšme ­album, Disrespectful, parmi les dix meilleurs de l’annĂ©e 2022. Et en 2023, le BBCC a Ă©tĂ© nommĂ© pour le 74

BRIT Award du groupe de l’annĂ©e. Le crew a choisi Leeds pour le coup d’envoi de sa plus grande tournĂ©e Ă  ce jour : il veut susciter un engouement de folie avant la sortie de son troisiĂšme album studio, Influential. Un parcours impressionnant pour une carriĂšre lancĂ©e sur Facebook, Instagram et TikTok, oĂč les sujets abordĂ©s Ă©taient, et sont toujours, loin d’ĂȘtre angĂ©liques. Si vous faites une recherche rapide sur Google, vous dĂ©couvrirez que tout a commencĂ© vers 2017, quand Gareth « GK » Kelly, Kane Welsh et Sam « Clive » Robinson ont dĂ©cidĂ© de poster des petits sketches dans le style Jackass sur les rĂ©seaux sociaux. À Bradford, les jeunes rĂ©alisaient des cascades de ce genre depuis des dizaines d’annĂ©es, mais les membres du BBCC ont Ă©tĂ© les seuls Ă  avoir le cran (ou l’inconscience) de les partager auprĂšs du grand public. Les vidĂ©os des trois compĂšres ne sont pas faites pour les Ăąmes sensibles – entonnoirs Ă  vodka, combats de paintball et apologies de la drogue ne sont pas rares – mais l’énergie, l’humour et le grain de folie des membres du crew ont mis dans le mille. Les jeunes de Bradford les ont bingĂ©s : ils y ont trouvĂ© pour la premiĂšre fois un reflet d’eux-mĂȘmes. Les membres du BBCC ont commencĂ© Ă  jouer les MC pour la blague, tout en conservant un boulot classique dans la journĂ©e (Welsh et Robinson emballaient des boĂźtes dans un entrepĂŽt, tandis que Kelly conduisait un camion de glaces), mais la musique bassline de la fin des annĂ©es 1990 et du dĂ©but des annĂ©es 2000 les a inspirĂ©s. La bassline est un genre de musique garage typique du Yorkshire. Elle allie des voix hachĂ©es, des basses qui claquent et une pop lĂ©gĂšre. On en retrouve les premiĂšres traces au

En force : Welsh et ­Robinson, membres du BBCC, crachent leurs rimes Ă  l’O2 ­Academy (en haut) ; « C’est trop des gros bĂątards » – les fans expliquent l’attrait du crew (en face) ; on sort les smartphones pour Don’t You Worry About Me (dessous) ; l’O2 Academy de Leeds sous banniĂšre BBCC (bas de page Ă  gauche) ; le merch du BBCC est aussi sobre que le crew lui-mĂȘme (derniĂšre photo). THE RED BULLETIN



Bassline

Niche, un club de Sheffield oĂč les DJ mixaient des morceaux de garage avec une house mĂ©lodique. Alors que le grime et le dubstep s’emparaient du sud du Royaume-Uni, les DJ du Yorkshire ont commencĂ© Ă  remplacer les samples vocaux par des breaks et des basslines sur lesquels les MC posaient leur rap. C’est devenu un genre de musique spĂ©cifique de la rĂ©gion. Les MC et les producteurs tels que 1st Born, Big Ang, Mr Virgo, J69, DJ Veteran et DJ Q sont aujourd’hui de vraies lĂ©gendes. En 1998, Boilerhouse, le premier club Ă  proposer des afters Ă  Bradford, a lancĂ© une nuit de la bassline qui a eu un tel retentissement qu’elle influe encore sur les goĂ»ts musicaux de la ville. À prĂ©sent, les clubbeurs sont devenus parents. S’ils ont transmis Ă  leurs enfants un solide engouement pour ce genre, la nouvelle gĂ©nĂ©ration perpĂ©tue activement ce bel hĂ©ritage. Preuve en est le regain d’intĂ©rĂȘt survenu Ă  la fin des annĂ©es 2010. Avec le BBCC comme chef de file.

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ne jeune femme aux lĂšvres trop gonflĂ©es tire une taffe sur sa Richmond dans la zone fumeurs alors que le remix bassline du titre Believe de Cher par le BBCC rĂ©sonne derriĂšre les portes. « Au nord du pays, tous les enfants, y compris les membres du crew Ă  l’époque, ont Ă©tĂ© Ă©levĂ©s dans la cuisine, explique-t-elle. Nos daronnes nous amenaient au pub parce que personne ne pouvait se payer de baby-sitter. Quand on Ă©tait gosses, on jouait dans un coin, et puis on allait dans la cuisine de quelqu’un pour l’after. » Bradford est la plus jeune ville du Royaume-Uni : 29 % de sa population a moins de 20 ans et prĂšs d’un quart de ses habitants a moins de 16 ans. Or, tous ces jeunes sont un peu dĂ©sƓuvrĂ©s. Le district

fait partie des trente districts les plus dĂ©favorisĂ©s d’Angleterre, et les chiffres de l’an dernier indiquent que plus de 35 % des enfants de Bradford vivent sous le seuil de pauvretĂ©. De bien des façons, la bassline est une ligne de vie. Le Bad Boy Chiller Crew est peut-ĂȘtre la superstar du campus de Bradford, mais une flopĂ©e de MC et de producteurs locaux sont sur ses talons. S Dog est l’un d’entre eux. Il demande Ă  The Red Bulletin de le retrouver au BD7. Nous pensions qu’il s’agissait d’un lieu de rendez-vous prĂ©cis, mais c’est en rĂ©alitĂ© un code postal. S Dog arrive Ă  bord d’une Land Rover qui s’arrĂȘte devant Salah’s, une enseigne de poulet frit.

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e MC parle comme il rappe, Ă  coups de punchlines, et bien que vous n’ayez sans doute pas envie de le croiser dans la rue, il arbore un sourire franc et totalement dĂ©sarmant. « Au dĂ©part, je faisais juste de la musique pour me marrer, expliquet-il lors de notre conversation sur un banc du Horton Park Ă  Bradford. J’étais du genre Ă  recracher un rap aprĂšs l’avoir Ă©coutĂ© deux ou trois fois. Bizarre, hein ? Je pense que c’est Ă  cause de mon TDAH. » S Dog a purgĂ© quatre peines de prison. La derniĂšre fois, l’un de ses codĂ©tenus lui a demandĂ© d’écrire des paroles sur le flow d’un autre artiste. « Je suis allĂ© dans ma cellule, j’ai Ă©crit quelques chansons et je les ai rappĂ©es le lendemain matin. Mon pote m’a dit : “Mec, c’est de la balle !” MĂȘme les matons me conseillaient de me lancer dans la musique Ă  ma sortie de prison. » Et c’est ce qu’il a fait. Lorsqu’il a Ă©tĂ© libĂ©rĂ© en 2018, S Dog a appelĂ© un pote de pote qui avait un studio Ă  Normanton – une ville situĂ©e Ă  30 km au sud-est de Bradford – et il y a enregistrĂ© une chanson. Ce type

Source code : les rues de BD7 dans le sud ouest de Bradford (Ă  gauche) ; S Dog, le MC Ă  capuche (Ă  droite).

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THE RED BULLETIN


« J’étais du genre Ă  ­recracher un rap aprĂšs l’avoir Ă©coutĂ© deux ou trois fois. Bizarre, hein ? » S Dog

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Bassline

« C’est pas un air qu’on se donne. On est comme ça, gros. » GK, Bad Boy Chiller Crew lui a racontĂ© qu’il avait Ă©tĂ© en prison avec quelqu’un qui connaissait Adam Williams, le gars qui a crĂ©Ă© P110, une plateforme vidĂ©o de grime, rap et freestyle. « Adam a publiĂ© cette chanson sur sa chaĂźne et j’ai tout de suite attirĂ© l’attention », se souvient S Dog. TrĂšs vite, il a cumulĂ© plus de 30 000 followers sur ­Instagram. S Dog est dĂ©terminĂ© Ă  percer dans la musique, pour lui mais aussi pour sa fille : « Je veux qu’elle soit fiĂšre de moi. Je suis passĂ© d’un hobby Ă  un vrai job en un rien de temps. » En 2020, S Dog s’est associĂ© au Bad Boy Chiller Crew pour enregistrer 450, un son qui les a tous catapultĂ©s vers la stratosphĂšre. « Ça a clairement changĂ© ma vie, dĂ©clare Dog. Aujourd’hui, oĂč que j’aille, tout le monde veut faire un selfie avec moi. »

L

es artistes de Bradford ont crĂ©Ă© leur propre Ă©cosystĂšme musical par nĂ©cessitĂ©. Un aller-retour Ă  Londres peut coĂ»ter jusqu’à 100 livres sterling (environ 115 euros). Cela revient parfois moins cher de prendre l’avion pour partir en Espagne que de

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serendre dans la capitale culturelle du Royaume-Uni. Les jeunes musiciens n’ont pas leurs entrĂ©es dans le milieu londonien. Alors ils font Ă©quipe pour monter une scĂšne hyperlocale qui est bien plus proche des jeunes que n’importe quel rappeur du sud de l’Angleterre. C’est la raison pour laquelle le BBCC continue Ă  collaborer avec des artistes de la rĂ©gion, et Ă  les transformer en stars locales par la mĂȘme occasion. Becce J en est un parfait exemple. NĂ©e Ă  Preston mais rĂ©sidant aujourd’hui Ă  Leeds, la chanteuse est surtout connue pour la voix qu’elle a posĂ©e sur le titre du BBCC intitulĂ© Always Be My Baby Boy, dans l’album Disrespectful. Le manager du BBCC l’a contactĂ©e aprĂšs son cover du titre Don’t You Worry About Me sur TikTok. Elle a rapidement retrouvĂ© le groupe en studio et, quelques semaines plus tard, elle faisait la tournĂ©e et chantait devant des milliers de fans en transe. « Les gars m’ont filĂ© un sacrĂ© coup de main quand ils m’ont demandĂ© de les accompagner en tournĂ©e. Je n’avais jamais vu autant de monde qu’au festival de Leeds l’an dernier. » Le Bad Boy Chiller Crew ne rejouera pas de sitĂŽt Ă  ce festival. Ils sont arrivĂ©s en retard pour leur prestation en aoĂ»t dernier, ils ont descendu des pintes de biĂšre et des shots d’alcool fort sur scĂšne, ils ont dĂ©passĂ© le temps qui leur Ă©tait allouĂ©, puis ils se sont battus avec l’équipe de production quand on a tout coupĂ©. Quelques heures plus tard, deux membres du BBCC auraient Ă©tĂ© remis en libertĂ© provisoire sous caution aprĂšs ĂȘtre passĂ©s par le poste de police local.

Vivre le moment prĂ©sent : un fan du BBCC fait un FaceTime pendant l’O2 – l’engouement pour la bassline s’étend sur plusieurs gĂ©nĂ©rations dans le Yorkshire (ci-dessus) ; « Tout le monde sur scĂšne se soutient », raconte la chanteuse Becce J (en face, en haut) ; Sluggy Beats, producteur dont la collaboration avec MC Marky B sur In The House a fait un million de vues sur YouTube (en bas). THE RED BULLETIN



« BBCC n’est pas Boy Scout Chiller Crew. » GK « Ouais, c’est notre dernier avertissement Ă  tous les niveaux, avoue GK par tĂ©lĂ©phone. La musique, c’est notre job maintenant. On doit se montrer un peu plus responsables. On se tiendra Ă  carreau pour cette tournĂ©e. » Les membres du BBCC n’ont jamais cherchĂ© Ă  ĂȘtre des modĂšles, mais ils ont acceptĂ© le fait qu’ils l’étaient. « Les gosses nous admirent maintenant, explique GK. Mais tu sais, notre nom c’est Bad Boy Chiller Crew, pas Boy Scout Chiller Crew. » En fait, le BBCC est dans un sacrĂ© pĂ©trin. Le crew est devenu cĂ©lĂšbre parce qu’il reflĂ©tait la vie Ă  Bradford, mais maintenant qu’il est pris dans les rouages de l’industrie musicale, tout ce qui a fait sa popularitĂ© le freine. Cependant, GK comprend ce que le Bad Boy Chiller Crew reprĂ©sente pour lui. « Sans le Crew, je serais encore Ă  me balader dans les citĂ©s avec de la bassline Ă  fond dans mon camion de glaces. »

B

on nombre des artistes bassline de Bradford sont des entrepreneurs dans l’ñme. Prenons l’exemple de Sluggy Beats. Il nous retrouve au pĂŽle d’échanges multimodal de Bradford pendant une aprĂšs-midi pluvieuse. Sluggy Beats a Ă©tudiĂ© la production musicale au Wakefield College, Ă  quarante minutes de Bradford en voiture, et il a commencĂ© Ă  Ă©crire des musiques hip-hop pendant le confinement. MĂȘme quand nous ne sommes pas en pleine pandĂ©mie mondiale, il n’y a pas grand-chose Ă  faire lĂ  oĂč il habite. Il valait mieux faire de la musique que traĂźner dehors. Mais ses prods ne faisaient pas vraiment mouche. Puis il a commencĂ© Ă  Ă©couter le BBCC. « J’ai dĂ©couvert tous ces MC qui rappaient sur de la house. J’ai dĂ©cidĂ© de combiner les deux genres et de me faire un nom lĂ -dessus. » Il a publiĂ© plusieurs de ses sons sur YouTube et a Ă©veillĂ© un certain intĂ©rĂȘt, mais il s’est rendu compte qu’il devait sortir du cadre pour faire carriĂšre : « Les gens achĂštent plus un nom qu’un son. Alors j’ai commencĂ© Ă  jouer plus les artistes que les producteurs. » Il prĂ©fĂ©rerait faire un beat avec – et non pour – un artiste afin de rendre le processus plus collaboratif. InspirĂ© par le drill, Sluggy Beats a crĂ©Ă© In The House, sa propre sĂ©rie de freestyles sur Spotify, oĂč un MC invitĂ© rappe sur l’un de ses morceaux. Jusqu’à prĂ©sent, il a travaillĂ© avec le fleuron de la bassline (Marky B, KAV, YA, Wilko), et il est considĂ©rĂ© comme l’un des meilleurs producteurs du Yorkshire ouest. Il exerce dĂ©sormais son mĂ©tier Ă  plein temps, et il remercie le BBCC d’avoir ouvert la voie : « S’ils peuvent le faire, pourquoi pas moi ?» The Red Bulletin rencontre YA Ă  Buttershaw, une citĂ© situĂ©e en banlieue de Bradford. Le MC nous attend sur un chemin jonchĂ© de dĂ©chets Ă  l’arriĂšre de quelques magasins – il nous explique qu’on lui en a interdit l’entrĂ©e. À premiĂšre vue, on n’imagine pas que 80

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Bassline

fauchĂ© ici ». En 2025, Bradford sera « Ville britannique de la culture », distinction dĂ©cernĂ©e tous les quatre ans dans le cadre d’un appel d’offres public. Cette rĂ©compense est synonyme de nombreux Ă©vĂ©nements et investissements financiers : plus d’un millier de performances et d’évĂ©nements, 365 commissions artistiques, de grands festivals dĂ©diĂ©s aux arts, et des collaborations nationales et internationales. Mais la citĂ© de YA en verra-t-elle la couleur ? « Les choses vont bouger dans le centre-ville, mais cela n’aura aucun effet pour les gens d’ici », regrette-t-il. Tant pis, les jeunes du coin trouvent leur inspiration ailleurs. YA est l’un d’entre eux, et sa musique en est le parfait reflet. L’un de ses plus gros bangers est Bradford Army, titre qu’il a Ă©crit en 2021 avec Marky B et KAV. Les paroles rĂ©sument la culture et les aspirations de Bradford : “I just wanna live life and party/They can’t do it like my Bradford army/Bro’s got the key for the E63/I’mma bounce in the nightclub wearing Armani.” (trad. Je veux juste vivre ma vie et faire la fĂȘte/Ils sont pas aussi forts que ma Bradford Army/Mon bro a la clĂ© de l’E63/Je vais bouger en club dans mon outfit Armani.) MalgrĂ© les combats que doit mener la communautĂ© – ou peut-ĂȘtre grĂące Ă  eux – l’énergie qui Ă©merge se propage dans le monde entier. « On commence Ă  nous remarquer », observe YA.

S

CriniÚre au vent : un poney solitaire broute tranquillement dans la cité de YA à Bradford (ci-dessus) ; YA porte un collier avec une photo de son pÚre ­décédé (à gauche). THE RED BULLETIN

cette citĂ© est l’une des plus pauvres du RoyaumeUni : les maisons de briques rouges semblent bien tenues et il y a de la vĂ©gĂ©tation partout. Mais on Ă©prouve Ă©galement un grand vide, comme si cette citĂ© avait Ă©tĂ© oubliĂ©e de tous. Un poney tranquillement en train de brouter ne fait qu’ajouter Ă  ce sentiment d’isolement. YA a grandi dans le coin. Il a commencĂ© Ă  faire le MC Ă  8 ans, inspirĂ© par les sons du Niche au dĂ©but des annĂ©es 2000. « Je voulais ĂȘtre comme eux, c’est clair. Alors j’ai commencĂ© Ă  faire du freestyle, Ă  Ă©crire, et j’avais 15 ans quand je suis arrivĂ© sur YouTube. J’ai fait des vues
 Puis j’ai tout stoppĂ© pendant un petit moment et j’ai recommencĂ© Ă  publier des sons il y a seulement deux ou trois ans. » YA a arrĂȘtĂ© la musique pour Ă©lever sa fille, et il a repris pour elle : « Je me suis dit qu’il valait mieux que je tente d’en faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard, en fait. » La musique a aidĂ© YA Ă  se tenir Ă©loignĂ© des problĂšmes pendant son enfance. « Quand j’avais 10 ans, il n’y avait rien pour nous, pas de maisons pour les jeunes, alors qu’est-ce qu’on Ă©tait censĂ©s faire ? Se fighter, accumuler les conneries. Tout le monde est

i la bassline est apparue dans un contexte social difficile, ce n’est pas une premiĂšre dans l’univers de la musique : les sons les plus rĂ©volutionnaires, y compris le rap, le disco et la house, sont tous nĂ©s au sein d’une jeunesse dĂ©munie. De la mĂȘme maniĂšre, elle apporte quelque chose de vital : une libĂ©ration et un sentiment d’appartenance. Alors que certains parents s’inquiĂštent parfois des sujets abordĂ©s, la bassline a globalement un impact positif dans une ville si difficile pour les jeunes. « De quoi Snoop Dogg et 50 Cent parlaient-ils Ă  l’époque ?, demande GK. Sexe, drogue et rock’n’roll, gars. On est juste la version british. C’est pas un air qu’on se donne ni un spectacle. On est vraiment comme ça, gros. » Cela se lit sur les visages des spectateurs de l’O2 Academy Leeds pendant que le BBCC termine son show. Un ocĂ©an de bobs s’agite tandis que retentit le titre prĂ©fĂ©rĂ© des fans, Don’t You Worry About Me. La foule est en dĂ©lire dĂšs les premiers mots de Welsh : “Bradford boys still winning (...) Come from crooks and villains.” (trad. Les gars de Bradford gagnent encore (...) Tous nĂ©s d’escrocs et de sales types.) Un groupe d’ados s’enflamme, chantant Ă  pleins poumons leur refrain. « Si vous aimez le BBCC, faites du bruit ! », hurle GK dans le micro. Le rĂ©sultat est sans appel : on entend un boucan de tous les diables. Quelque part dans cette foule, quelqu’un trouvera peut-ĂȘtre assez d’inspiration pour suivre les traces du groupe. Pour le Bad Boy Chiller Crew, quel que soit le nombre de ventes ou de stades remplis, l’important, c’est maintenant. Ils sont chez eux. YouTube : @officialbbcc ; @SluggyBeatsMedia ; @s_dog___ ; @officialya7312. TikTok : @beccejoan 81


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PERSPECTIVES Expériences et équipements pour une vie améliorée

GRENATS SUR GRANIT

STEFAN KUERZI

SIMON SCHREYER

Escalade de bloc dans le Tessin

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PERSPECTIVES Voyage

« Mes doigts s’agrippent fermement Ă  une corniche de quelques centimĂštres de profondeur qui court le long de la paroi du granit. »

A

vis Ă  toutes et tous les passionné·es de grimpe qui commencent cet article : rappliquez ici au trot ! AsconaLocarno, c’est l’art de vivre mĂ©diterranĂ©en au beau milieu des paysages alpins. En tant que Britannique, le seul endroit comparable qui me vienne Ă  l’esprit est le Lake District et ses majestueux paysages de lacs et de montagnes. Mais attention : le Tessin, avec ses sommets de plus de 3 000 mĂštres en toile de fond, est bien plus imposant. Sorte de grand-frĂšre du Lake District, il s’étale entre le plus haut sommet des Alpes et le lac Majeur au bord duquel reposent Ascona, Locarno et toute une colonie de palmiers. Ce n’est pas pour rien que je viens ­rĂ©guliĂšrement ici depuis plus de dix ans : le ­Tessin est l’une des rĂ©gions les plus 84

­ iverses et les plus convoitĂ©es au monde d en matiĂšre de bloc et d’escalade. Imaginez des blocs de granit et de gneiss Ă  perte de vue comme autant de dĂ©fis pour grimpeurs et grimpeuses tous niveaux confondus, faciles d’accĂšs mais au cƓur d’une nature sauvage. Et juste Ă  cĂŽtĂ©, Ascona et Locarno, deux villes mondialement cĂ©lĂšbres pour leurs festivals. En plus, les roches sont praticables toute l’annĂ©e : mĂȘme en hiver, le climat reste doux et la neige n’atteint pas les vallĂ©es. À titre personnel, je considĂšre l’automne et son lot de couleurs bigarrĂ©es comme la meilleure saison pour ­visiter le sud de la Suisse. Rien ne vous empĂȘche de venir en ­famille, bien au contraire. Mon mari Ned, ma petite fille et moi prenons le bus (qui part plusieurs fois par jour de Locarno)

et arrivons une cinquantaine de minutes plus tard Ă  Brione, dans le Val Verzasca, paradis suprĂȘme des grimpeurs et grimpeuses. De Brione, il ne reste plus que quelques minutes de marche pour atteindre les premiers rochers. Alors que notre bĂ©bĂ© sommeille paisiblement Ă  l’ombre des parois rocheuses, nous nous lançons dans une sĂ©ance de bloc effrĂ©nĂ©e. Parmi mes voies prĂ©fĂ©rĂ©es, je conseillerais There Is No Spoon (cotation 7b), Real Pamplemousse (8a) et Molonk (7c), de vĂ©ritables classiques. Vous avez plutĂŽt envie de vous laisser tenter par une randonnĂ©e ? Rien de plus simple, abandonnez votre attirail d’escalade Ă  ­l’hĂŽtel et avanti ! Les villages de cette rĂ©gion sont construits sur des pentes escarpĂ©es, THE RED BULLETIN

STEFAN KUERZI

Shauna Coxsey, grimpeuse professionnelle


PERSPECTIVES Voyage

Panorama de rĂȘve : Shauna et son mari Ned s’offrent une randonnĂ©e avec vue sur le lac (Ă  gauche) ; (ci-dessus) Shauna ­Coxsey en pleine session de bloc dans le Val Verzasca.

Stand-up paddle sur le lac Majeur : good vibes, eau cristalline et hautes montagnes. THE RED BULLETIN

r­ ibambelle d’antiques chaumiĂšres de pierres empilĂ©es sur le toit desquelles les cheminĂ©es fument Ă©ternellement. Un vrai dĂ©cor de contes de fĂ©es accentuĂ© par les ponts de pierre et leurs voĂ»tes en arc de l’époque romaine, Ă  l’image du Ponte dei Salti non loin de Lavertezzo. Au milieu coule la riviĂšre Verzasca. Dans son eau turquoise, limpide et rafraĂźchissante, nous surprenons quelques courageux plongeurs en combinaison. Le barrage de la vallĂ©e Verzasca attire lui aussi tous les regards. C’est d’ailleurs sur sa paroi de 200 mĂštres de haut qu’a lieu la Red Bull Dual Ascent, une compĂ©tition d’escalade en Ă©quipe Ă  laquelle j’ai eu l’honneur de participer en 2022 en compagnie d’autres grands noms de la discipline comme Sasha DiGiulian, Jacopo ­Larcher et Babsi Zangerl. 85


PERSPECTIVES Voyage

Berne

Suisse TESSIN Ascona

Locarno

ItinĂ©raire Se rendre au Tessin Depuis le nord, prenez l’A2 pour arriver au Tessin par le tunnel du Saint-Gothard. Si vous passez par le col en Ă©tĂ©, n’hĂ©sitez Ă  y faire une petite escale : situĂ©s Ă  2 000 mĂštres d’altitude, les flancs de la montagne sont un vrai paradis pour toutes celles et ceux qui raffolent du bloc. Les CFF propose des lignes directes jusqu’à Locarno depuis Zurich, BĂąle ou ­Lucerne. ascona-locarno.com

Petits conseils Tout le nĂ©cessaire pour faire du bloc Équipement de base : chaussures d’escalade, ­ sac de magnĂ©sie, brosse pour les prises et un ou deux crashpads. Pour vos randos en montagne, prenez de bonnes chaussures de marche, une veste, des ­vĂȘtements impermĂ©ables et de quoi ­calmer la faim. Procurez-­vous quelques guides de Claudio Cameroni, maĂźtre incontestĂ© des pros du bloc tessinois. Toutes les voies les plus importantes de la rĂ©gion y sont recensĂ©es en dĂ©tails.

Ce que j’adore aussi, c’est que le coin fourmille de sportifs et sportives, surtout dans la grimpe, des quatre coins du globe. Nous avons croisĂ© des mordu·e·s de la grimpe venu·e·s d’Allemagne, d’Italie, d’Ukraine, de Grande-­Bretagne et d’Australie. Si vous prĂ©fĂ©rez l’eau, il vous suffit de louer une planche de stand-up paddle (SUP) Ă  Ascona-Locarno et de vous Ă©lancer sur ce lac d’un bleu profond. La vue ­depuis l’eau est d’une beautĂ© surrĂ©aliste, avec les palmiers et les façades multicolores des maisons de Locarno-Muralto alignĂ©es sur la rive et les Alpes enneigĂ©es en toile de fond. Le top du top : conclure votre promenade sur le lac par une bonne glace. Une autre excursion que je recommande : prenez l’ancien petit train Ă  86

­ uralto (dĂ©part toutes les onze minutes) M et descendez au dĂ©part du tĂ©lĂ©phĂ©rique Ă  Orselina. En quelques minutes, vous atteindrez une montagne panoramique surplombant le lac. De lĂ , vous pourrez dĂ©cider si vous restez Ă  Cardada (1 340 mĂštres) ou si vous continuez jusqu’à la Cimetta (1 670 mĂštres), dĂ©part de nombreuses randonnĂ©es et de pistes de VTT bien balisĂ©es. La plateforme d’observation vous permettra de profiter d’une vue imprenable Ă  360 ° sur le lac Majeur, point le plus bas du pays Ă  193 mĂštres au-dessus du niveau de la mer, et sur la pointe Dufour, dans le massif du Mont-Rose, point culminant de Suisse avec ses 4 634 mĂštres. Dans une telle rĂ©gion, la vita Ăš bella, surtout pour une accro des montagnes ! Promenade en famille au bord du lac Majeur.

IG : @shaunacoxsey ; redbull.com THE RED BULLETIN

STEFAN KUERZI

Les pieds au ciel ! Shauna profite d’une vue imprenable depuis le mont Cimetta.



PERSPECTIVES comment
 cifiques, mais il faudra les ­dĂ©composer en Ă©tapes. Peur d’échouer Ă  un examen ? Alors, dĂ©composons le problĂšme : une meilleure prĂ©paration entraĂźnerait de meilleures connaissances et donc davantage de confiance en soi. « Avec ces images en tĂȘte, on a l’objectif global mais aussi la chronologie. On avance en se concentrant sur ce que l’on peut contrĂŽler. »

Nos sens

Reprogrammer son cerveau, en finir avec les pensées destructrices et reprendre le contrÎle.

Combien de pensĂ©es nous assaillent au quotidien ? Environ 6 200, selon une Ă©tude publiĂ©e dans la revue scientifique ­Nature Communications en 2020. Un rapport prĂ©sentĂ© en 2005 par la National Science Foundation amĂ©ricaine suggĂšre que 95 % de ces pensĂ©es proviennent de la veille, et que quatre sur cinq sont nĂ©gatives. Et si nos pensĂ©es Ă©taient plus constructives ? C’est la proposition de The Choice Point (trad. Le moment du choix), ouvrage de Joanna Grover, spĂ©cialiste en thĂ©rapie cognitive et comportementale et Jonathan Rhodes, psychologue. Des choix, notre cerveau en traite des milliers par jour, mais, selon Jonathan, « peu d’entre eux dĂ©finissent vĂ©ritablement ce que nous sommes ». D’oĂč le fameux « moment » de la prise de dĂ©cision : « C’est un instant dĂ©cisif oĂč un comportement potentiel s’oppose Ă  une valeur fondamentale. On estime que 88

cela arrive environ 80 fois par jour. Cette multitude de petits choix dĂ©finissent ce que nous sommes. En les contrĂŽlant, on change radicalement notre maniĂšre d’ĂȘtre et de penser. » La technique du duo ? Le Functional Imagery Training, ou FIT (trad. entraĂźnement de l’imagerie fonctionnelle) qui combine visualisation mentale et entretien motivationnel est une mĂ©thode de consultation axĂ©e sur le changement comportemental. Selon Jonathan Rhodes, s’entraĂźner Ă  utiliser son imagination peut nous aider Ă  contrĂŽler les pensĂ©es nĂ©gatives. S’il compte surtout PDG et athlĂštes pros parmi sa patientĂšle, ces techniques pourraient vous ĂȘtre utiles


soulignant que ses patient·e·s citent parfois la santĂ© ou la famille parmi leurs valeurs, ajoutant aussitĂŽt qu’ils et elles font rarement du sport ou passent trop peu de temps en famille. « Commencez par les comportements conflictuels, et remontez le fil jusqu’aux valeurs qui y sont attachĂ©es. »

DĂ©composer

Ces techniques fonctionnent mieux avec des objectifs spé-

Vos fondamentaux

Pour commencer, Jonathan Rhodes propose de dĂ©terminer cinq valeurs fondamentales. « Ce sont peut-ĂȘtre des choses qui provoquent la culpabilitĂ© », explique-t-il,

« Ces petits choix définissent ce que nous sommes. » Jonathan Rhodes, psychologue

Votre signal

Pour activer son imagination, rien de tel qu’un signal. « Le mien, c’est au moment du rĂ©veil quand mes pieds touchent le sol : lĂ , je planifie ma journĂ©e. Pour les plongeur·euse·s de haut vol avec qui je travaille, c’est souvent un claquement de doigt avant de se lancer. » Une maniĂšre d’imaginer leur plongeon avant de le rĂ©aliser. À chacun sa mĂ©thode.

Affronter l’échec

« Pour chaque objectif, le spectre de l’échec n’est jamais loin avec son lot d’angoisse, de stress, voire de peur et d’évitement », prĂ©cise ­Jonathan. PlutĂŽt que d’éviter le sujet, il demande Ă  ses ­patient·e·s de dĂ©crire cet Ă©chec. Selon lui, « se rendre dans cet espace nĂ©gatif » est essentiel pour mettre ses peurs en perspective et surmonter les pensĂ©es irrationnelles. « On discute sur la maniĂšre de changer les choses. C’est l’idĂ©e du contraste mental : rĂ©flĂ©chir oĂč l’on veut aller, oĂč l’on est actuellement, et Ă  ce qui nous en empĂȘchent. »

The Choice Point, en anglais aux Ă©ditions Hachette Go. THE RED BULLETIN

ISABELLE ARON

École de pensĂ©e

ALAMY, HAROLD F ESTIME

CHOISIR

FIT est plus qu’une simple ­visualisation. « On travaille ­autant sur les cinq sens que le mouvement et les Ă©motions. Votre objectif est d’écrire un livre ? Essayez de le sentir, ­demandez-vous si ses pages ont l’odeur du neuf, pensez Ă  des lecteurs qui vous disent que votre livre a changĂ© leur vie. On parle lĂ  d’émotions. »


PERSPECTIVES Gaming

L

ors de sa sortie sur ­Nintendo Switch en mai dernier, The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom (en photo) a Ă©tĂ© acclamĂ© par la critique. Une nouvelle capacitĂ© a particuliĂšrement plu aux fans de la sĂ©rie Zelda (dont le premier opus date de 1986) : le pouvoir d’ascension, qui permet aux joueur· euse·s de se dĂ©placer vers le haut mĂȘme Ă  travers des structures pour explorer plus facilement de nouveaux secteurs. Mais le plus surprenant est que cette fonctionnalitĂ© n’était pas prĂ©vue au jeu. Au cours de ses cinq annĂ©es de production, les dĂ©veloppeurs de Tears of the Kingdom ont intĂ©grĂ© un mode de dĂ©bogage permettant aux programmeurs de se dĂ©placer plus vite dans cet open world lors de leurs tests. Ils Ă©taient tellement emballĂ©s qu’ils ont dĂ©cidĂ© d’en faire profiter les joueurs. « C’est devenu ma fonction prĂ©fĂ©rĂ©e, explique Jack Yarwood, chroniqueur pour Time Extension, site internet de jeux vidĂ©o rĂ©tros et classiques. C’est terriblement impressionnant : ce n’est pas vraiment de la triche et ça marche du tonnerre. » Un saut Ă©volutif propre Ă  l’histoire mĂȘme du jeu vidĂ©o : facultĂ©s dĂ©couvertes par les joueurs, anomalies involontaires dues au code et mĂȘme Ă©normes bĂ©vues. Jack revient pour nous sur quelques Ă©volutions accidentelles devenues si essentielles aux jeux vidĂ©o qu’on doute qu’elles n’étaient pas intentionnelles.

NINTENDO

TOM GUISE

RĂ©action en chaĂźne

Les combos, sĂ©ries d’attaques fulgurantes que l’adversaire ne peut pas contrer, sont caractĂ©ristiques des jeux de combat modernes. Pourtant, on doit leur origine Ă  un accident de conception : lors de la sortie de Street ­Fighter II en 1991, des petits malins dĂ©couvrent que les images d’animation de certaines actions se chargent THE RED BULLETIN

des crĂ©ateurs du jeu, ndlr) ­assure que c’est le fruit du hasard, raconte Yarwood, mĂȘme s’il y avait dĂ©jĂ  un moment dans Doom (sorti en 1993, ndlr), oĂč il fallait tirer sur un mur pour ĂȘtre repoussĂ© vers une sortie secrĂšte. Étourderie ou rĂ©elle dĂ©couverte ? Le dĂ©bat fait rage. Reste qu’aujourd’hui, impossible d’imaginer Quake sans son saut au lance-­ roquettes. »

Bagnoles futées

DÉCOUVERTES

Ces erreurs qui font notre bonheur Vos jeux vidĂ©o prĂ©fĂ©rĂ©s sont peut-ĂȘtre le fruit de gaffes. plus vite quand elles suivent d’autres images dans un ordre donnĂ© et s’empressent d’exploiter la faille. « Les combos sont devenus typiques de Street Fighter et des jeux de combat en gĂ©nĂ©ral ; certains jeux en ont mĂȘme fait un gag en les enlevant, comme One Strike oĂč il suffit de toucher un personnage une fois pour qu’il meurt, et sa suite, Two Strikes », raconte Jack.

speedrunners cherchant Ă  terminer un niveau le plus vite possible, la technique est popularisĂ©e en 1996 dans Quake, contre-coup des lois physiques rĂ©alistes du jeu ­gĂ©nĂ©rant un recul lors d’une explosion. « Tim Willits (un

Ascenseur Ă©clair

Si, dans la vraie vie, tirer avec un lance-roquettes vers le sol sera sans doute votre derniÚre action, cela vous permet de décoller dans les jeux de tir à la premiÚre personne. Outil indispensable aux pros des combats à mort et autres

« Que serait Quake sans son saut au lance-roquettes ? » Jack Yarwood, rédacteur gaming

Need for Speed est une sĂ©rie de jeux de voitures cĂ©lĂšbre pour ses courses-poursuites effrĂ©nĂ©es avec les forces de l’ordre. Surprise, celles-ci sont nĂ©es d’une erreur de ­programmation. « Lors de la crĂ©ation de Need for Speed II en 1997, un producteur s’est retrouvĂ© entourĂ© d’ennemis qui attaquaient sa Lamborghini, explique Jack Yarwood. Quand le bug a Ă©tĂ© signalĂ©, on s’est aperçu que le responsable de l’intelligence artificielle avait dĂ©fini des paramĂštres d’agressivitĂ© incorrects pour les voitures. » L’équipe Ă©tait tellement emballĂ©e qu’elle en a fait un cheat Ă  dĂ©bloquer et c’est devenu l’élĂ©ment phare de Need for Speed III: Hot Pursuit l’annĂ©e suivante !

Toujours plus

AncĂȘtre des jeux vidĂ©o sorti en 1978, Space Invaders introduit des vagues d’aliens filant vers le bas de l’écran et qu’il faut abattre jusqu’à l’ennemi final qui fonce vers vous Ă  toute allure. DĂ©sormais pierre angulaire de tous les jeux vidĂ©o basĂ©s sur le highscore, cette vitesse et cette difficultĂ© accrue viennent des limitations technologiques de l’époque. « Comme il y avait peu d’élĂ©ments sur l’écran, le processeur reproduisait les sprites des aliens beaucoup plus vite », conclut Yarwood.

The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom est ­dispo sur Nintendo Switch ; nintendo.com. 89


CAP SUR L’EXCELLENCE L’America’s Cup est le terrain d’essai le plus prestigieux de l’ingĂ©nierie nautique. Pour l’édition 2024, Alinghi Red Bull Racing s’allie Ă  un autre fleuron helvĂ©tique : Tudor. ­ election Series, qui dĂ©cideS ront du challenger apte Ă  ­dĂ©fier le tenant du titre Emirates Team New Zealand. En attendant, les Ă©quipes doivent r­ especter certains critĂšres : le support classique – si l’on peut appeler ces bolides des mers des bateaux classiques, Ă©videmment – sera un AC75, un monocoque de 22,8 mĂštres Ă©quipĂ© d’hydrofoils qui lui permettent de voler littĂ©ralement au-­dessus de l’eau. La plupart des critĂšres de base sont les mĂȘmes pour toutes les Ă©quipes : la hauteur du mĂąt, la taille des voiles ainsi que celle des foils et des pales. À part ça, tout est permis. « Nous e ­ ssayons d’optimiser le support, explique Adolfo Carrau. Comme il y a finalement peu de normes de sĂ©curitĂ©, nous pouvons tester toutes sortes de nouvelles inventions. De fait, celles-ci sont bien plus nombreuses dans notre domaine que dans celui de l’aĂ©ronautique ou de l’automobile. C’est d’ailleurs pour cela qu’on attire les meilleur·e·s ingĂ©nieur·e·s du moment. » Parmi les nouvelles technologies testĂ©es, il y a Ă©vi-

« L’America’s Cup est une compĂ©tition qui met en lumiĂšre les innovations. »

demment les matĂ©riaux : comme en Formule 1, l’enjeu de la course est avant tout de fabriquer un support qui soit le plus solide et le plus lĂ©ger possible, en privilĂ©giant l’acier inoxydable, le titane et la fibre de carbone, ainsi que des piĂšces composites, souvent imprimĂ©es en 3D. « Nous concevons et fabriquons 90 % de tout ce qui va aller Ă  bord, poursuit Carrau. ExceptĂ©s la peinture et quelques Ă©lĂ©ments de la structure de base, la plupart des piĂšces ne sont pas disponibles dans le commerce. Nous faisons tout nous-

L’équipage d’Alinghi Red Bull Racing, Ă  bord de l’AC75, porte la nouvelle montre Pelagos. L’AC75 Ă  foils ­Alinghi Red Bull Racing, avec B ­ arcelone en ­arriĂšre-plan. CHARLIE THOMAS

America’s Cup est le grand rendez-vous de la course vĂ©lique de pointe : environ tous les quatre ans, la cĂ©lĂšbre aiguiĂšre d’argent est remise en jeu par le tenant du titre – le defender – qui doit affronter plusieurs challengers dans des duels au coude Ă  coude, oĂč chaque seconde compte. Mais au-delĂ  de l’aventure humaine, cette course mythique est avant tout un grand terrain d’expĂ©rimentation technologique. Comme le rĂ©sume Adolfo Carrau, design coordinator d’Alinghi Red Bull Racing, l’America’s Cup est « une course Ă  l’innovation : en un sens, c’est le bateau le plus rapide qui l’emporte ». Alinghi n’en est pas Ă  sa premiĂšre participation, puisqu’il a dĂ©jĂ  remportĂ© les Ă©ditions 2003 et 2007. Son alliance avec le gĂ©ant de la F1 Red Bull Racing est en revanche une premiĂšre, mĂȘme si elle paraĂźt logique – l’America’s Cup n’est-elle pas surnommĂ©e la F1 des mers ? L’union de ces deux monstres sacrĂ©s de l’innovation sera mise Ă  l’épreuve en aoĂ»t 2024 lors des Challenger

TUDOR

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mĂȘmes, en imaginant les piĂšces dont nous avons ­besoin. » Excellence technologique C’est dans cette mĂȘme recherche de perfection qu’Alinghi Red Bull Racing a dĂ©cidĂ© de s’allier, en 2022, Ă  un autre grand nom de l’innovation et de la prĂ©cision : Tudor. L’horloger suisse, dont les montres de plongĂ©e, notamment la Pelagos FXD, ont fait la renommĂ©e, fabriquera en effet les montres officielles du Team suisse. Initialement conçue pour la marine française, la ­Pelagos


challenger suisse de s’allier Ă  Tudor pour la crĂ©ation de sa propre montre : la Tudor ­Pelagos FXD Alinghi Red Bull ­Racing Edition. Ce partenariat, qui constitue pour l’horloger helvĂ©tique la premiĂšre intrusion dans le monde de la rĂ©gate, a donnĂ© naissance Ă  deux modĂšles : une montre et un chronographe – le premier chronographe auquel Tudor a d’ailleurs ajoutĂ© ses barrettes fixes. La lunette bidirectionnelle, dotĂ©e de marqueurs allant de

60 Ă  0, est en titane ; le dos du boĂźtier est en acier inoxydable, et le boĂźtier lui-mĂȘme est constituĂ© d’un composite de carbone exclusif et de haute technologie – un matĂ©riau composĂ© de fibres de carbone et d’autres Ă©lĂ©ments que l’horloger « garde secrets ». Hommage au maritime Il est Ă  noter que ces trois mĂȘmes matĂ©riaux sont largement utilisĂ©s dans l’AC75 luimĂȘme. « Dans ce sport, la victoire passe par la fusion d’un

LE VOILIER Un AC75 sur la mer MĂ©diterranĂ©e au large de Barcelone. Voici la figure de proue d’Alinghi Red Bull Racing.

CHARLIE THOMAS

Carbone, titane et acier inoxydable : « Le monocoque est entiÚrement ­fabriqué sur mesure. »

TUDOR

FXD a Ă©tĂ© Ă© ­ laborĂ©e avec le concours des plongeur· euse·s de la marine nationale : avec son boĂźtier en titane de 42 millimĂštres et son affichage ­luminescent, elle est Ă©tanche Ă  200 mĂštres de profondeur. Les trois lettres FXD font rĂ©fĂ©rence au fait que les barrettes du bracelet sont fixes, car modelĂ©es directement dans la masse en composite carbone du boĂźtier – un gage de soliditĂ© particuliĂšrement utile aux plongeur·euse·s et nageur·euse·s de ­combat. Autre particularitĂ© : une lunette tournante bidirectionnelle, parfaitement adaptĂ©e Ă  la navigation sous-­ marine. ­Devant une telle excellence technologique, il apparaissait Ă©vident pour le


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esprit humain rĂ©solument audacieux et de la technologie la plus pointue, explique Tudor. En combinant un composite de carbone de haute technologie avec du titane et de l’acier inoxydable – une premiĂšre pour Tudor – les montres cĂ©lĂšbrent un partenariat nĂ© de cette philosophie. » Afin de souligner encore mieux cet hommage Ă  l’univers maritime, Tudor a utilisĂ©, pour le modĂšle Alinghi Red Bull Racing « Team Blue », ses bracelets-­rubans de 22 millimĂštres – fabriquĂ©s sur des ­mĂ©tiers Ă  tisser français du XIXe siĂšcle afin d’offrir un niveau de robustesse et de confort sans prĂ©cĂ©dent. DotĂ©s d’une boucle « D » en titane et d’un systĂšme ­d’attache auto-grippant, ces bracelets sont d’une fiabilitĂ© Ă  toute Ă©preuve. Les couleurs du cadran – ainsi que le petit motif placĂ© entre les chiffres 10 et 2 – rappellent celles de l’AC75 utilisĂ© par le Team suisse.

Carbone Le mĂąt et la coque de l’AC 75 sont en fibre de carbone, le boĂźtier de la montre est en matĂ©riau composite Ă  base de ce mĂȘme Ă©lĂ©ment.

Acier

Titane La lunette de la montre est fabriquée en titane, tout comme les hydrofoils du bateau.

Le dos du boĂźtier de la montre, les pales de l’hydroptĂšre et les fixations sur le pont sont constituĂ©s de ce matĂ©riau.

LA MONTRE Le modÚle T ­ udor Pelagos FXD A ­ linghi Red Bull Racing Edition existe en version Chrono (photo) et Time Only.

Finesse et prĂ©cision Pour la marque horlogĂšre, le partenariat avec Alinghi Red Bull Racing s’inscrit dans une mĂȘme volontĂ© d’excellence : « En plus d’ĂȘtre 100 % suisse, cette alliance illustre surtout la mĂȘme vision des choses quand il s’agit de pousser un projet Ă  sa perfection. La sĂ©rie Pelagos est, d’un point de vue technologique, la plus poussĂ©e des montres de plongĂ©e chez T ­ udor : c’est donc en toute logique que nous l’avons sĂ©lectionnĂ©e pour dĂ©velopper un modĂšle qui convienne parfaitement Ă  la plus prestigieuse course nautique de tous les temps. » Une chose est sĂ»re : l’annĂ©e prochaine, les derniĂšres secondes avant le coup ­d’envoi de l’America’s Cup s’égrĂšneront sur les montres Tudor Pelagos FXD Alinghi Red Bull Racing Edition, fixĂ©es aux poignets de quelques-uns des plus grands marins au monde. tudorwatch.com


PERSPECTIVES Fitness Le bon coaching

Quand Lucy Cork dĂ©croche un nouveau rĂŽle qui requiert de nouvelles compĂ©tences, elle se tourne vers les spĂ©cialistes du genre. « Dans Hobbs and Shaw, il y avait beaucoup de parkour, j’ai donc pas mal planchĂ© sur certains mouvements. » Pour elle, rien ne vaut des cours particuliers, que ce soit pour dĂ©buter une discipline ou pour se perfectionner. « On apprend mieux qu’en groupe, on peut poser plein de questions. Et physiquement, on travaille beaucoup plus, parce qu’on ne peut pas se ­cacher derriĂšre les autres ».

GĂ©rer son rythme

Cascadeuse pour le grand Ă©cran, Lucy Cork nous donne quelques conseils pour se forger un corps Ă  l’épreuve des balles en toutes circonstances.

L

e premier job de Lucy Cork ? Atterrir Ă  vĂ©lo dans une benne Ă  ordure. Une bonne piqĂ»re de rappel aprĂšs deux annĂ©es pour rejoindre le British Stunt Register (l’association des spĂ©cialistes de la cascade au Royaume-Uni) et trois sĂ©ances d’entraĂźnement quotidiennes dans diverses disciplines spĂ©cialisĂ©es comme la plongĂ©e sous-marine ou le trampoline. « Il faut bien commencer, pas vrai ? », ­s’exclame-t-elle en riant. Une nouvelle Ă©tape commence avec son rĂŽle de doublure de Rebecca Ferguson sur le tournage de Mission: Impossible - Rogue Nation (2015). Un rĂŽle qui la jette dans le grand bain puisqu’elle est tirĂ©e sous l’eau par un cĂąble en sauvant le personnage de Tom Cruise d’une mort certaine. « C’est probablement l’une de mes pires expĂ©riences 94

sous l’eau. L’actrice que je doublais Ă©tait en petite tenue. Ils m’avaient bien prĂ©parĂ© des lentilles spĂ©ciales mais sous l’eau on ne voit pas grandchose. J’étais tirĂ©e Ă  l’horizontale avec l’eau qui me rentrait par le nez, prisonniĂšre du cĂąble jusqu’à ce qu’ils finissent par crier : coupez ! » Depuis, la jeune femme de 31 ans a sautĂ© d’une voiture en marche (pour Rachel Weisz dans Black Widow) et affrontĂ© Dwayne « The Rock » Johnson en tant que doublure de Vanessa Kirby sur Fast & Furious: Hobbs and Shaw. Plus rĂ©cemment, elle a repris son rĂŽle dans Mission: Impossible pour le nouvel opus de la franchise. Tout cela implique une grosse prĂ©paration, devant et derriĂšre la camĂ©ra. Lucy Cork suit un entraĂźnement structurĂ©, Ă©quilibrĂ© et intensif. Voici ses enseignements pratiques pour la vie quotidienne.

S’échauffer

Sur le tournage du film Black Widow, Lucy Cork devait sauter d’une voiture en marche. Pour garder ses sens en Ă©veil, elle compte sur la cafĂ©ine et ne commence jamais une prise sans prĂ©paration physique prĂ©alable pour Ă©viter toute blessure. « J’échauffe Ă©paules, cou et hanches puis je fais la premiĂšre cascade lentement avant d’augmenter l’intensitĂ©. »

« C’était vraiment affreux d’ĂȘtre plongĂ©e sous l’eau. » Lucy Cork, cascadeuse

Garder le cap

Tourner une sĂ©rie comme The Witcher fait penser Ă  un exercice militaire interminable, « notamment ce combat qu’Henry Cavill et moi avons tellement rĂ©pĂ©tĂ© parce que les mouvements Ă©taient aussi complexes que prĂ©cis. Mauvais timing, baisse d’énergie ou n’importe quoi d’autre et on reprenait depuis le dĂ©but. On a fait un nombre incalculable de prises trĂšs longues et Ă©puisantes ». Lucy Cork s’est mise aux bains de glace et au sauna pour rĂ©cupĂ©rer plus vite et mieux, et implĂ©mente des exercices moins ­intenses dans sa routine. « Et enfin, afin de garder l’équilibre, je me suis mise au yoga et au Pilates. »

Instagram : @lucycork THE RED BULLETIN

CHARLIE ALLENBY

Combat, endurance, action !

JOEL HICKS, MICHAEL CARLO

TRAINING

MĂȘme quand elle ne se prĂ©pare pas Ă  un nouveau rĂŽle, Lucy Cork continue de s’entraĂźner deux fois par jour pour rester au top. Mais pas la peine d’en faire trop : « Il faut s’entraĂźner de maniĂšre intelligente. Si j’ai un gros combat ou une cascade difficile, je vais y aller mollo. Le but n’est pas de se torturer Ă  chaque sĂ©ance, surtout avant plusieurs mois d’efforts physiques intenses. » Elle fait Ă©galement des sĂ©ances de cardio quotidiennes pour avoir une meilleure endurance.



M E N T I O N S L ÉGA L ES

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Toujours plus haut Le toit du monde, c’est ce que Sasha Zhoya vise. Toujours en ascension, l’athlĂšte se souviendra toute sa vie de cette course complĂštement folle. Alors qu’il n’a encore ­jamais foulĂ© sa piste d’athlĂ©tisme, le champion d’Europe et du monde junior 2021 du 110 mĂštres haies a rĂ©alisĂ© ce qu’aucun autre n’avait encore accompli : franchir des haies sur le toit du Stade de France, perchĂ© Ă  46 mĂštres de haut. Le rĂ©sultat, c’est une vidĂ©o de 33 secondes – Ă  voir sur redbull.com – dans laquelle le Français natif de Pearth, en Australie, s’en donne Ă  cƓur joie... pour notre plus grand plaisir !

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