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L’art pour tous selon Salomé Partouche

SALOMÉ PARTOUCHE Ouvrez l’art

De la capitale à la banlieue, de François Hollande au rappeur Doums, l’artiste et curatrice Salomé Partouche décloisonne l’art contemporain en faisant de sa Biennale un événement pour tous. Vraiment tous.

Si l’on considère l’art comme l’articulation des formes et des espaces du monde qui nous entoure et l’expression de nos pensées et émotions intérieures, nous pouvons tous comprendre l’art et faire de l’art, à condition de disposer des outils appropriés. Rendre les institutions artistiques plus démocratiques, c’est justement le défi que Salomé Partouche et Jean-Samuel Halifi se sont donné en 2017 en créant l’Atelier de Panam et la Biennale de Panam. Un écosystème où les artistes se tournent vers leur public et vice versa, en offrant des possibilités d’accès au monde de l’art à des jeunes qui n’empruntent pas nécessairement les voies conventionnelles.

La Biennale est une association pour l’art contemporain qui présente chaque année un événement artistique original. Dans sa continuité, l’Atelier de Panam regroupe différents talents créatifs dont le but est de centraliser des techniques et démarches artistiques: «Un lien direct entre la recherche et un public curieux qui n’a pas toujours les moyens d’accéder à l’antichambre de l’art.»

the red bulletin: L’Atelier et la Biennale sont deux projets qui détonnent dans le monde de l’art… D’où vous est venue l’idée?

salomé partouche: Comme le disait mon partenaire Jean-Samuel, son co-fondateur (à droite sur notre photo, ndlr), l’idée de la Biennale est née à Londres, où on a découvert beaucoup d’initiatives créées par de jeunes artistes. Ils installaient des warehouses, des lieux vides pour y exposer des choses de qualité. Il y avait une incroyable liberté! On s’est dit que c’était ce qu’il manquait à Paris, alors on a voulu ramener ce vent frais et le placer en parallèle de la FIAC (Foire Internationale d’Art Contemporain qui a lieu à Paris depuis 1974, ndlr) en créant un événement gratuit et ouvert à tous. L’envie est de présenter une nouvelle génération d’artistes peu présents dans les institutions, galeries, musées…

Comment décririez-vous l’ADN de la Biennale de Panam?

Jeune, libre et sans limite. Cet événement est le fruit de beaucoup de réflexion, de travail et de détermination. On amène une alternative innovante sans empiéter sur celles mises en place précédemment. Je pense que c’est la clef de tout.

Ça n’a pas été trop dur de rassembler autant de personnes différentes dans un même concept?

Non, c’est la mif! Ce sont des gens qu’on aime, qui se sont mis à s’aimer et qui maintenant gravitent ensemble grâce à l’art. C’est ça, la Biennale, le mélange des genres. Pareil pour notre public, quand on te dit: «Le président [François Hollande] arrive», tu es surprise et contente. On n’y a pas cru.

Vous rassemblez donc bien plus que des artistes…

Oui, on a aussi la visite de copains qui sont rappeurs, qui viennent du ter-ter, comme de personnes issues de la mode, comme Nicola Lecourt Mansion, une créatrice qui cartonne. Ça n’est pas une stratégie, c’est une histoire de potes. Cette synergie n’existe que parce que les gens se sentent concernés, en famille!

Vous évoquiez l’ancien Président Hollande qui a visité la Biennale, les politiques y ont leur place?

Je pense qu’ils s’y greffent parce que c’est intéressant pour eux de se positionner sur un événement gratuit en parallèle de la FIAC, avec une proposition jeune qui n’existe nulle part ailleurs. Et chez nous, tout le monde arrive à coexister et à passer une bonne soirée ensemble, qu’ils soient rappeurs ou politiques. Tout le monde oublie qui il est en entrant à la Biennale, parce que c’est bienveillant, que ce sont des potes de potes…

In fine c’est votre esprit de famille qui fait rayonner l’événement?

Si on avait été une grosse équipe de cinquante personnes remplie des mecs venus de la pub qui sont que dans leur carcan, ça aurait été différent. On ne vient pas de ce métier-là, alors on parle de nos événements à tout le monde, et on rencontre tout le monde. Il n’y a plus de frontière entre les métiers et les gens, on met tout le monde à la même échelle.

L’art a besoin de plus de mélange, notamment dans le public qui vient à sa rencontre?

C’est de l’humain et on a construit notre truc comme ça. On décomplexe et décomplexifie l’image qu’on se fait de l’art. On le décompose pour lui rendre son sens premier, qui est de ressentir des émotions, de passer un bon moment. Ce n’est pas plus compliqué que ça: faire son événement à son image. On n’a pas de boîte de production, donc on l’organise de A à Z, et je pense que c’est pour ça que ça fonctionne et que les gens se sentent bien, comme à la maison, détendus.

Pour 2021, la Biennale s’installe à la Serre de Saint-Ouen, pourquoi?

L’Atelier de Panam est basé depuis toujours à Saint-Ouen, où on a tout de suite collaboré avec de grosses entités comme le Red Star (club de foot dans la banlieue nord de Paris, ndlr), le Mob Hôtel (lieu de vie fédérateur pour artistes, agriculteurs et optimistes, qui encourage des initiatives écologiques et sociales, ndlr) et on parlait déjà avec les équipes de la mairie afin de s’inscrire localement dans une dimension sociale. C’est grâce à la mairie qu’on va faire 25 jours d’exposition dans une serre, avec un parc mis à disposition. SaintOuen c’est le Brooklyn français, la ville foisonne d’ateliers d’artistes, de studios de son, de petits artisans!

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