

Pharmaceutiques
POLITIQUE, ÉCONOMIE, INNOVATION EN SANTÉ
RECHERCHE CLINIQUE
TRANSFORMER POUR PERFORMER
ENQUÊTE
DÉPENSES DE SANTÉ : LA VOIE ÉTROITE
RENCONTRE
PR BERTRAND FOUGÈRE, GÉRIATRE



5. ÉDITORIAL
LA BONNE ANNÉE ?
7. ACTU
7 ENTRETIEN : Franck Mouthon, directeur exécutif de l’Agence de programmes pour la recherche en santé
10 EN MOUVEMENT
12 POLITIQUE
13 ÉCONOMIE
14 T RIBUNE : Gérard Raymond, président de France Assos Santé
15 DÉBAT : le crédit impôt recherche est-il intouchable ?
16 E-SANTÉ
18 INDUSTRIE
19. INTERNATIONAL : mobilisation pour une alimentation plus saine
20 AGENDA
21. INFOGRAPHIE : les dépenses de santé scrutées par l’Assurance Maladie
22. INITIATIVES
25. ANALYSE
25. ENQUÊTE : François Bayrou face à… l’Himalaya !
30 . EN COUVERTURE
Recherche clinique : transformer pour performer
43. PROSPECTIVE
43 ENQUÊTE : dépenses de santé, la voie étroite
48 EN BREF
50 INNOVATION : tiers-lieux d’expérimentation, catalyseurs d’innovation
52. EN VUE : Fabentech et Sublimed
54 . ENTREPRISE EN MOUVEMENT : Menarini
58 . LOISIRS
60 L’INFO CONTINUE
62 RENCONTRE : Bertrand Fougère, copilote du Grand Défi “Dispositifs médicaux numériques et bien-vieillir”
Couverture : © Olivier Cailleau
© Eric Durand
© Cocktail Santé
© Eric Durand
Quatre Premiers ministres, une dette publique avoisinant les 3 300 milliards d’euros, une lame cachée de 1,2 milliard ayant frôlé les industriels de la santé… Entre deux parenthèses enchantées, les Jeux olympiques et la réouverture de Notre-Dame, la page d’une année chaotique et inédite sous la Ve République est enfin tournée. Entre la violence du climat international et l’instabilité politique de ses partenaires historiques (Allemagne, Etats-Unis), la France a donc piqué sa crise. De l’art de se tirer une balle dans le pied et de mettre un pays à l’arrêt. Décalage cruel avec la France d’avant, imparfaite mais sur la trajectoire du plein emploi, celle de la “start-up nation”, du lancement du plan France 2030, de la création de l’AIS et de France Biolead. Dans le rétroviseur, c’est bel et bien une année blanche qu’on aperçoit… mais qui pourrait presque faire bonne figure face à un exercice 2025 qui s’annonce haut en couleur – avec probablement deux PLFSS – et une année 2026 pleine d’immobilisme à l’approche d’une présidentielle de tous les dangers.
Mais lucidité ne rime pas avec fatalité : la soif d’entreprendre est là et le pays n’a pas subitement perdu ses atouts. La fragmentation de la société s’est accélérée mais le tissu social résiste. Les fragilités du système de santé continuent de se creuser mais la fameuse résilience est toujours d’actualité. Félicitons donc la sagesse de citoyens
LA BONNE ANNÉE ?
déboussolés qui avaient envahi les rondspoints pour moins que ça. Et que dire des blouses blanches, qui alertent en vain les pouvoirs publics tout en luttant inlassablement pour prendre en charge des patients préoccupés par l’avenir de l’Etat-providence ? Entre attentisme et défiance, les industriels continuent de défendre l’accès aux traitements. Quant à l’administration, tant décriée, elle a le mérite de gérer les affaires courantes, certes sans prendre d’initiatives. Mais comment pourrait-il en être autrement face aux turpitudes de nos représentants ?
A l’heure des inégalités et des déficits, ce décalage entre la France qui travaille, cherche, innove, produit, investit, bâtit la santé de demain et le spectacle désolant d’une classe politique égocentrée et mue par les ambitions personnelles devient insupportable. Depuis cette étrange décision du 9 juin dernier, le maître des horloges de l’Elysée a perdu le fil. Le proviseur Macron semble incapable de siffler la fin de la récré. Son nouveau Premier ministre, professeur de lettres, saura-t-il trouver les mots pour apaiser mais aussi pour resserrer les rangs ?
Ce début d’année sera-t-il celui du sursaut ou de la “gueule de bois” ? L’Assemblée nationale, cette mosaïque de groupes hétérogènes et opportunistes, fera-t-elle enfin preuve de responsabilité pour sortir le pays de l’impasse dans laquelle elle l’a plongé ? C’est notre vœu pour 2025. A minima notre espoir.

PIERRE SANCHEZ Directeur de la publication psanchez@pharmaceutiques.com
© Eric Durand
Recherche, innovation, accès aux soins, politiques publiques… Le numérique bouleverse en profondeur le champ de la santé

INNOVATION
ONCOLOGIE
Resilience acquiert Gimli, expert en structuration de données

Resilience, solution de suivi à distance et d’accompagnement des patients atteints de cancer, annonce l’acquisition de Gimli, société spécialisée en IA et en structuration de données en oncologie. Grâce à une analyse fine des données de la solution de Gimli, basée sur le traitement automatique du langage et le machine learning, Resilience, déjà déployée auprès de plus de 14 000 patients et 100 établissements de santé, ambitionne de proposer un suivi toujours plus personnalisé, mais aussi d’accélérer les projets de recherche.
Axel, premier accélérateur français en imagerie médicale
La France veut être un acteur majeur de l’innovation en imagerie médicale. Et sur le terrain, ça bouge ! Le comité stratégique de filière Industries et technologies de santé a lancé l’été dernier Axel, premier accélérateur industriel d’imagerie médicale. Située à Moirans (Isère), sur le site de Trixell, filiale de Thales, spécialisée dans l’imagerie par rayons X, cette nouvelle structure propose d’accompagner les PME et start-up françaises innovantes dans l’imagerie dans toutes les étapes de leurs projets, de la conception jusqu’à la phase industrielle. « Nous bénéficions à Grenoble d’un écosystème très riche avec un grand nombre d’acteurs dans la recherche académique, le CHU de Grenoble, les collectivités territoriales L’accélérateur va favoriser leur collaboration », explique Laurent Chevallier, directeur d’Axel. Constitué sous forme de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), l’accélérateur bénéficiera d’un financement de l’Etat et des contributions de ses partenaires : Thales et Fortil Group, l’UGA, l’INP-UGA et le CHU de Grenoble, collectivités locales. Axel propose un ensemble de prestations et de services dans l’accompagnement des start-up sur l’industrialisation, la règlementation et le marquage CE, le financement… Il pourra également louer des équipements industriels pour réaliser des essais, par exemple. « Notre offre répond à un besoin de renforcer la filière d’imagerie médicale française et de garantir la souveraineté de la France dans ce domaine », conclut Laurent Chevallier.
l ne s’agit pas de privatiser le “carnet de santé numérique” ou de créer un autre coffre-fort numérique. Nos logiciels sont les premiers contributeurs de la plateforme publique Mon espace santé. »
STANISLAS NIOX-CHATEAU, pdg de Doctolib, dans Le Monde, après le lancement d’un onglet “Santé” de Doctolib perçu comme un concurrent à Mon espace santé
CARTOGRAPHIE
La Cnil répertorie les entrepôts de données de santé

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a mis en ligne une cartographie des 100 entrepôts de données de santé ouverts en France depuis 2017. Dans le détail, 44 sont issus du secteur public, 26 du privé à but non lucratif et 22 du secteur privé. La Cnil a développé cet outil dans le but « d’un meilleur partage de connaissances sur les bases de données et les projets de recherche dans le domaine de la santé ».
En chiffres
60 %
solutions de télésurveillance médicale sont prises en charge par l’Assurance Maladie.
des publications scientifiques sur l’IA en pharma portent sur la R&D de médicaments, selon un rapport de ProductLife Group (PLG).
entreprises ont été accompagnées dans le cadre du guichet diagnostic DM volet numérique selon la DNS.
Pour une IA en santé accessible à tous
L’OCDE prône une coopération internationale pour encadrer le développement d’intelligences artificielles en santé fiables, respectueuses de la confidentialité des données et de l’équité.
> Avis de l’expert Notre

ÉRIC SUTHERLAND,
ÉCONOMISTE DE LA SANTÉ À L’OCDE
“Sans actions collectives sur l’IA en santé, nous risquons d’élargir les fractures”
Pourquoi l’OCDE s’intéresse-t-elle à l’IA en santé ?
L’OCDE a publié ses principes pour l’IA en 2019 – mis à jour en 2024 – qui ont été adoptés et adaptés par de nombreuses organisations. L’Observatoire des politiques d’IA, le moniteur d’incidents d’IA et les travaux des groupes d’experts en IA sont des exemples du travail de pointe de l’OCDE. En santé, l’intelligence artificielle représente à la fois de grandes opportunités et de grands risques. Si nous ne prenons pas le temps de mener des actions collectives en la matière, nous risquons fort d’élargir les fractures résultant de la santé numérique au cours des vingt dernières années.
Comment éviter cet écueil ?
La conduite des travaux au croisement de la santé et de l’IA nécessite à la fois des actions pour s’assurer que les solutions d’IA sont responsables et appropriées pour être exploitées dans un contexte particulier. Cela consiste à vérifier que les données utilisées pour piloter la solution d’IA sont représentatives des populations cibles et que les données elles-mêmes sont de bonne qualité.
Comment s’assurer que les solutions d’IA en santé soient “conçues pour être accessibles au plus grand nombre”, comme le veut l’OCDE ?
Nous pouvons définir une politique qui encourage la compatibilité internationale tout en soutenant l’autonomie et l’agilité locales. Nous devons également mettre en place des mesures de la performance des systèmes d’IA afin de voir quels sont les niveaux de qualité, de résultat et d’équité atteints.
L’exploitation des données de santé par l’IA est un vaste chantier. Comment la contrôler ?
L’IA, c’est de la mathématique, ce n’est pas de la magie. C’est un algorithme créé par des humains, exploité par des humains et guidé par des humains. L’IA est un outil. Nous ne parlons jamais de la manière dont nous pouvons nous servir d’un marteau. Mais nous pouvons aider à éduquer la personne qui manie le marteau pour s’assurer qu’elle le fait correctement. Nous devons travailler ensemble pour optimiser les résultats tout en minimisant les dommages.
DATES CLÉS
1995 : master en statistiques
1996-2016 : analyste puis vice-président de la Banque Toronto-Dominion
2017-2018 : directeur de la stratégie et de la gestion de l’information au ministère de la Santé de l’Ontario
2020-2022 : directeur exécutif de la stratégie sur les données de santé à l’Agence de santé publique du Canada
Depuis décembre 2022 : expert en santé numérique et coauteur du rapport de l’OCDE sur l’IA en santé
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Soucieuse d’éviter que l’IA en santé entraîne une aggravation des inégalités d’accès aux soins, l’OCDE réclame une coordination des politiques et des moyens techniques sur le plan international.
Par Christophe Gattuso
Le marché mondial de l’IA appliquée à la santé devrait être multiplié par seize d’ici à 2030 et passer de 11 milliards de dollars en 2021 à 188 Mds$, selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). « L’IA pourrait sauver de nombreuses vies, améliorer grandement le travail des professionnels de santé et permettre aux systèmes de santé d’être davantage centrés sur la personne », reconnaît le forum stratégique dans un rapport thématique sur l’IA en santé publié en mai dernier. En 2019, l’OCDE avait défini un ensemble de principes à suivre pour le développement d’une IA. Ces derniers mois, l’organisation planche pour que l’essor de l’IA dans le secteur se déroule de manière éthique. Elle redoute en effet l’émergence d’un « ensemble hétéroclite d’innovations, créées et entretenues par des établissements de santé disposant de moyens importants et utilisées uniquement dans l’intérêt d’un public aisé ».
L’OCDE réclame donc que des politiques et des moyens techniques solides et coordonnés soient mis en place au niveau international « pour tirer le meilleur parti de l’intelligence artificielle au service de l’humain et de l’équité ». L’organisation, dont la devise est “De meilleures politiques pour des vies meilleures”, demande que les solutions d’IA en santé soient conçues pour être accessibles au plus grand nombre. Parmi les risques associés à l’IA, elle pointe le manque de fiabilité de résultats qui pourraient être livrés par des algorithmes biaisés, de même que l’absence de transparence ou la divulgation de données à caractère personnel. L’OCDE préconise donc de mettre en place une supervision internationale pour fonder une IA en santé digne de confiance. Le déploiement de solutions responsables et profitables à toute la société devrait répondre à des principes fondamentaux centrés sur l’humain et l’équité, le développement durable, la transparence, la robustesse et la sûreté. L’organisation souhaite qu’à l’échelle internationale, des indicateurs soient mis en place pour mesurer comment progresse l’adoption de l’IA dans le domaine de la santé, ses bienfaits et ses dommages. Enfin, l’OCDE propose aux pays qui le veulent de procéder à une analyse comparative du développement des politiques relatives à l’IA en santé pour favoriser l’échange de connaissances.
PARTENARIAT STRATÉGIQUE ENTRE PEAK
LIFECYCLES HR ET EUROBIOMED
Peak Lifecycles HR, cabinet d’executive search international spécialisé dans le secteur du “care”, s’associe avec Eurobiomed, pôle de compétitivité des filières santé en Provence-Alpes-Côte d’Azur et Occitanie. « Ce partenariat stratégique vise à soutenir les entreprises innovantes de la health tech dans le Sud de la France, en répondant à leurs besoins en recrutement et structuration d’équipes tout au long des projets de santé », explique Anne de Landsheer, directrice générale de Peak Lifecycles HR. Cette collaboration contribuera également à renforcer l’écosystème dynamique de la santé et des biotechnologies dans la région.
PULSELIFE AI, PREMIER ASSISTANT EXPERT DES MÉDECINS
Le moteur de recherche médical PulseLife (anciennement 360 medics), qui est utilisé par plus de 800 000 professionnels de santé en France et en Espagne, innove avec PulseLife AI, le premier chatbot médical basé sur l’IA générative. Son point fort est de s’appuyer sur les recommandations officielles et les 12 000 monographies de l’ANSM, garantissant des réponses fiables et sourcées, avec un accès direct aux documents de référence. « 90 % des soignants ayant testé la solution se déclarent satisfaits des réponses fournies (3 000 recherches) », souligne le Dr Grégoire Pigné, médecin et cofondateur de PulseLife.
VIDAL
L’Agence C.C.C. est spécialisée dans l’évènementiel médical, l’édition médicale et l’organisation des congrès Preuves & Pratiques, rassemblant chaque année plus de 6 500 médecins généralistes dans 26 villes françaises. Elle se distingue par son approche multicanal et intégrée, combinant direction scientifique, logistique, inscriptions et infographie spécialisée. Son acquisition par VIDAL Group renforce son positionnement dans l’information et la formation médicale de qualité, notamment pour les généralistes. Cette synergie s’appuie sur des valeurs communes : indépendance, rigueur scientifique, complémentarité régionale et expertise organisationnelle, venant enrichir l’offre digitale de VIDAL Group selon Vincent Bouvier, son président.
Le 9 décembre, l’association RComSanté a renouvelé son conseil d’administration, composé de dix membres : Frédérique Saas (BMS) en est la présidente, Johanna Couvreur (Quartet Santé) la vice-présidente, Anne de Boismenu (Coopération Santé) la secrétaire générale et Emmanuelle Le Roy (Hôpital Fondation Rothschild) la trésorière. Le conseil comprend également Cécile Gillet-Giraud (Groupe B Braun), Laurence Jacquillat (LJ Com), Emmanuelle Kuhnmunch (Medtronic), Valérie Perrot-Egret (Mutuelle Familiale), Charlotte Scordia-Warembourg (Amgen) et Gisèle Calvache (Novo Nordisk), récemment nommée. « La liberté d’expression, l’envie d’apprendre et d’échanger sont inscrites dans notre ADN », rappelle Anne de Boismenu. Pour ses 200 communicants en santé, l’association organise chaque mois des rencontres avec des experts sur des thèmes liés à la santé, la communication, les médias ou les affaires publiques.
LA BELLE DYNAMIQUE DE RCOMSANTÉ
UN GUIDE PRATIQUE POUR L’INFORMATISATION
DES SOINS CRITIQUES
L’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) publie, en partenariat avec l’Agence du numérique en santé (ANS), “Déployer votre SI de soins critiques - Les points clés à connaître”. Ce guide pratique, disponible sur le site de l’Anap, accompagne les professionnels de santé et experts du numérique dans la mise en œuvre de systèmes d’information adaptés aux services critiques. Il s’articule autour de trois axes : la gouvernance (avec la recommandation de créer par exemple des postes de Chief Clinical Information Officer), les modèles architecturaux (deux sont présentés) et l’interopérabilité, avec l’adoption de standards techniques pour une communication fluide entre systèmes hospitaliers. Huit situations critiques, notamment la gestion des alarmes, le transfert des données lors des admissions et l’exploitation des données de monitoring, sont analysées pour garantir une continuité et une qualité des soins.
APLUSA
ACCÉLÈRE SON DÉVELOPPEMENT
Depuis le 2 décembre, Gema ParlangeIturmendi est à la tête d’AplusA, succédant à Pierre Pigeon, fondateur de cette entreprise renommée pour ses études marketing qualitatives, quantitatives et en vie réelle (RWE). Forte de 160 salariés répartis entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France, l’entreprise amorce un nouveau chapitre tout en maintenant l’implication de son fondateur, désormais membre du board et actionnaire aux côtés de Dentressangle. La nouvelle CEO entend concentrer la stratégie sur quatre axes clés : « Capitaliser sur la réputation scientifique et la forte crédibilité acquises au cours des dernières décennies pour attirer des clients mondiaux, innover grâce à l’IA et aux données en vie réelle, développer les talents internes et recruter des compétences complémentaires et, enfin, consolider les partenariats pour offrir des solutions plus complètes à ses clients. »

RECHERCHE CLINIQUE
LA QUÊTE D’UN NOUVEAU MODÈLE
DANS UN CONTEXTE DE CONCURRENCE INTERNATIONALE INTENSE ET MALGRÉ DES ATOUTS CONSIDÉRABLES EN ONCOLOGIE, LA RECHERCHE CLINIQUE FRANÇAISE DOIT RELEVER PLUSIEURS DÉFIS POUR MAINTENIR ET RENFORCER SON ATTRACTIVITÉ AU NIVEAU EUROPÉEN ET MONDIAL.
Pour répondre aux besoins des patients et des promoteurs, des approches novatrices faisant intervenir des modèles adaptatifs, l’analyse des données et l’utilisation de l’intelligence artificielle permettront de compléter les approches traditionnelles.
Les essais décentralisés se développent afin de réduire les contraintes géographiques et logistiques pour les patients, nécessitant une évolution de la règlementation, des méthodes de travail et des métiers.
Par Juliette Badina, Julie Wierzbicki et Valérie Moulle
Bertrand Fougère L’iconoclaste
Figure emblématique de la gériatrie française, le Pr Bertrand Fougère ne se contente pas de « prendre soin » des personnes âgées. Il tente aussi de promouvoir leurs intérêts dans les hautes sphères politiques, où il entend notamment faire le lien entre les décideurs et les acteurs de terrain.
Par Jonathan Icart
«La vocation, c’est avoir pour métier sa pas sion ! » Bertrand Fou gère a fait sien ce pré cepte stendhalien dès l’âge de raison. Animé par une profonde empathie, la médecine lui est rapidement apparue comme la seule issue : « J’ai tou jours voulu sauver ceux qui sont oubliés, délaissés ou maltraités. » Il partait pourtant de loin. Cognaçais de souche, il est élevé par un père œnologue et une mère au foyer, sans connexion particulière avec le milieu médi cal… ou presque. « Mes parents ont un ami chirurgien orthopédique qui venait réguliè rement chez nous. Ce qu’il racontait de son quotidien me fascinait. » Adolescent, il passe systématiquement une ou deux journées de vacances au bloc opératoire pour « observer, comprendre et apprendre ».

Habité par une indéfectible volonté, son parcours universitaire sera une formalité. Etudiant boursier, il fait ses études à Poitiers. « Une distance raisonnable pour retrouver mes proches et mes coéquipiers du rugby que je n’ai jamais abandonnés, sauf le temps de ma première année. » Homme de valeurs et de combats, il joue trois-quarts aile jusqu’en Fédérale 2. Le cinquième échelon national ! La suite du voyage sera une succession de choix, comme celui de la gériatrie pour le travail en équipe et la stimulation intellectuelle, mais aussi d’opportunités, comme celles de rejoindre Lille pour son clinicat et sa thèse de sciences en recherche fondamentale sur les liens entre pollution atmosphérique et vieillissement, puis Toulouse pour débuter sa carrière. « Un pôle d’excellence international, où je me suis construit aux côtés du Pr Bruno Vellas, une référence mondiale dans cette spécialité. » Jeune chercheur, il part un an aux Etats-Unis, à Saint-Louis dans le Missouri, pour « se consolider en recherche clinique et publier » avant de rentrer au pays en juillet 2018. Direction le CHU de Tours, où il décroche un poste de PU-PH… à 35 ans. L’ex-directrice générale de cet établissement hospitalier, avec laquelle il entretient une « relation filiale », se souvient très bien de son arrivée. « Bertrand était énergique et enthousiaste. Il a donné une autre image de la gériatrie
© Eric Durand
FONCTION / Bertrand Fougère, 41 ans, professeur de gériatrie à la faculté de médecine de Tours, responsable du Pôle Vieillissement du CHU de Tours et copilote du Grand Défi « Dispositifs médicaux numériques et bien-vieillir » au ministère de la Santé
DATES CLÉS / 2002-2010 : étude de médecine à la faculté de médecine de Poitiers
2010-2014 : clinicat et thèse de sciences à Lille
2014-2017 : MD-PhD au Gérontopôle de Toulouse
2017-2018 : post-doc à Saint-Louis University (Missouri)
2018 : professeur de gériatrie à la faculté de médecine et CHU de Tours
2023 : copilote du Grand Défi « Dispositifs médicaux numériques et bien-vieillir »
CÔTÉ COULISSES / Une passion ? Le rugby pour sa solidarité et son hétérogénéité Un livre ? La prochaine fois que tu mordras la poussière de Panayotis Pascot
Un film ? Forrest Gump de Robert Zemeckis
Une musique ?
« Don’t Stop Me Now » de Queen Une personnalité ? Ma maman et ma femme ; l’une m’a porté pendant vingt-cinq ans, l’autre me soutient quotidiennement depuis seize ans
dans un milieu plutôt classique, mais néanmoins excellent, qui ne lui était pas acquis. Il est partout, tout le temps, ce qui peut parfois déranger », témoigne Marie-Noëlle Gerain-Breuzard, qui a depuis été nommée directrice générale du Centre national de gestion des praticiens et directeurs de la fonction publique hospitalière. Engagé et déterminé, Bertrand Fougère ne fait peut-être pas toujours l’unanimité, mais il est visiblement très apprécié par ses équipes grâce auxquelles il a pu redynamiser le service de gériatrie et piloter la création du pôle vieillissement. « C’est un très bon manager qui sait écouter, déléguer et faire confiance, mais aussi arbitrer et trancher. Son agilité intellectuelle est un réel atout dans ses multiples fonctions », souligne Sarah Legland, ancienne cheffe de projets de l’ERVMA, une unité régionale créée et dirigée par Bertrand Fougère.
La dernière campagne présidentielle va néanmoins bouleverser son quotidien. De plus en plus souvent sollicité, y compris en haut lieu, il gravite autour de la sphère politique. « Il passe du temps dans des cercles de décision avec son lot de coups et de déceptions », commente Marie-Noëlle Gerain-Breuzard. Conscient des “risques du métier”, Bertrand Fougère a accepté certaines responsabilités, notamment depuis quinze mois. Chargé d’une mission sur la structuration de l’écosystème du bien-vieillir par l’ex-ministre des Solidarités Aurore Berger, dont l’instabilité politique ambiante a finalement eu raison, il copilote toujours le Grand Défi « Dispositifs médicaux numériques et bien-vieillir » avec le Dr Line Farah depuis octobre 2023. « Bertrand aime sincèrement les seniors. Il s’est donné pour mission de lutter contre les discriminations et de préparer la société au changement. Rien ne pourra l’arrêter », renchérit Sarah Legland, désormais chargée d’appui à l’organisation de l’offre nationale des personnes âgées au sein de la CNSA. Véritable trait d’union entre les générations, Bertrand Fougère entend faire le lien entre les décideurs et les acteurs de terrain, qui « ne parlent pas le même langage ». Pour y remédier, il vient de terminer un master en gestion et politiques de santé à Sciences Po Paris. La suite n’est pas encore écrite… l