Bois révê, Bois habité

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TPFE - Bois de Vincennes (Paris XIIe)

À l’ombre des arbres, des lisières et des traces incertaines prennent racine.

Pauline BROQUIN-LACOMBE - Promotion 2014-2018 - ENSP(V)


Membres du jury : Esther Salmona (Écrivaine et Architecte paysagiste DPLG), Solène Leray (Architecte paysagiste DPLG), Éric Lamelot (Chef de la division du Bois de Vincennes), Jean-Marc Besse (Directeur de recherche au CNRS).


Pauline Broquin-Lacombe - promotion 2014-2018 encadrée par Laurence Robert, paysagiste DPLG

À l’ombre des arbres, des lisières et des traces incertaines prennent racine.

TPFE - Travail Personnel de Fin d’Étude / ENSP - École Nationale Supérieure du Paysage de Versailles pour l’obtention du titre d’Architecte Paysagiste DPLG


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Préambule Bois de Vincennes, bois parisien, bois banlieusard, une percée, un silence. Un parfum de liberté, de rêve. Il est ici encore possible de trouver la quiétude et le secret, à l’ombre du couvert des arbres. Un refuge en marge de la ville qui l’enserre, l’étreint, exerce une pression qui suit un rythme effréné. Mouvement cyclique et exponentiel du développement urbain face auquel répondre par l’instantanéité devient un automatisme, une norme. Un bois qui avec le temps a pris la physionomie d’un «indélogeable» qui semble être là depuis toujours. Serait-il presque devenu banal ? C’est en l’arpentant qu’on discerne ce qui en fait un lieu unique. Une chance dans une ville toujours plus dense de retrouver un terrain d’expérience, de jeu, qui met à mal les certitudes citadines et bouscule notre rapport individualiste d’être au monde. Un rêve de nature en ville, de sauvage, d’inattendu. Une nature certes artificielle, mais le lieu de toutes les fictions, un palimpseste de figures sans cesse renouvelées selon les nécessités de chaque époque. Sédimentations successives d’héritages, de récits, des mouvements du boisement. Si on regarde de plus près, on perçoit les traces de ces fantômes, de ces fantasmes qui ont un jour animé le Bois de Vincennes. Quel esprit l’habite aujourd’hui ? La poésie du bois réside dans le voyage qu’il propose, vers un imprévu où l’on met de côté ses habitudes pour accueillir l’irrégulier et la spontanéité. Cet imprévu, on le trouve avant tout dans l’ensemble du domaine végétal. Chemins, bosquets, clairières, tracés animaux ou humains, usages inattendus, labyrinthe clair-obscur où l’on peut finalement se perdre. On s’accorde au temps des arbres, un groupe vivant auquel on prête de plus en plus une forme d’intelligence, de conscience. Aujourd’hui le bois propose quantité de services et d’usages, légaux ou non, qui parfois limitent l’étendue du territoire de l’expérience libre. On sépare, on cloisonne, on privatise, on assigne à... On perd de vue ce qui fait l’esprit du bois de Vincennes : un bien commun à réaffirmer comme inaliénable, à appuyer sur un nouveau paradigme de société pour retrouver l’intelligence du territoire et une autonomie de pensée. «La banlieue terre pauvre, lointaine déshéritée, mais qui avait le mérite d’être inachevée, de permettre l’improvisation sauvage, d’échapper aux normes de la cité, d’instaurer une autre forme de la socialité, de vivre aux confins de la forêt.»1

1 Marginalité urbaine, 2017, Pierre Sansot, extrait

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« C’est la campagne, la forêt, l’enfance qui revient. On y croit, on y est. C’est une illusion vraie, un monde sauvage à portée de main, un lieu pour tous, riches et pauvres, français et étrangers, homos et hétéros, vieux, jeunes, vieux jeu ou branchés. Le paradis retrouvé. Qui sait ? »2

2 Le bois dont les rêves sont faits, un film de Claire Simon, 2015, introduction en voix-off.

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Table des matières 10

Le bois de Vincennes en marge dans la métropole parisienne

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INSPIRATION : une image qui subsiste, tandis que la forme se fragilise

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• Sédimentation des mythes et légendes, pour la formation d’un imaginaire boisé • La part d’héritage dans les usages forestiers du bois de Vincennes • Le bois de Vincennes, une figure changeante, miroir des mouvements de la société

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EXPLORATION : s’égarer pour finalement parvenir à s’orienter

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• Invoquer le droit de se perdre • Fécondité forestière pour une diversité de pratiques • Une liberté entravée par la privatisation et les équipements

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...Et pour demain

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MANIFESTE «Si l’incertitude est le moteur, l’ombre est la source.»

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PROJECTION : retrouver le chemin d’un bois commun

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Enjeux pour un bois contemporain

• Infiltration, territoires explorés par les racines du bois • Infusion, préséance du vivant et des usages sur la forme • Diffusion, affirmer les liaisons par des traces et chemins

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Le bois de Vincennes, bien commun de la métropole parisienne Bibliographie Remerciements

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Le bois de Vincennes en marge dans la métropole parisienne Un bois, un parc, un espace vert, un poumon. Autant de qualificatifs pour parler d’un même lieu, unique en son genre, qui représente un enjeu de taille dans le devenir de la métropole parisienne, le bois de Vincennes. Bois des villes, bois des rêves, un bois que j’explore depuis toujours, qui tient une place centrale dans mon histoire. Terrain de jeu initiatique de mon enfance, puis de mon adolescence ; lieu de mon initiation au métier de paysagiste aussi avec deux années passées à l’École du Breuil 3. Un prolongement de ma rue, un jardin, un réceptacle de rêves de campagne, un bois qui a participé à mon apprentissage de la vie. Un bois que j’ai beaucoup sillonné mais qui par bien des aspects m’était encore méconnu. «Vincennes, l’Université perdue», documentaire de Virginie Linhart (2016), première porte que j’entrouvre sur une des strates des histoires qui ont traversé le bois. Récit d’une nouvelle université expérimentale qui voit le jour suite aux manifestations étudiantes de Mai 68, ouverte à tous, mettant le savoir à la disposition de toutes les classes sociales. Le bois sert de refuge à cette utopie finalement assez marginale selon le Ministère de l’Éducation de l’époque et dont la construction est autorisée pour faire oublier les émeutes étudiantes du Quartier Latin. Un enseignement qui se déroule dans une « forêt pensante » auquel de grands noms sont associés comme Michel Foucault, Gilles Deleuze, Hélène Cixous, ... Lieu de référence mêlant militantisme et enseignement, qui sera finalement rasé en 1980 durant le mandat de Valéry Giscard d’Estaing. Aujourd’hui il n’y a pas de plaque ou d’indices permettant d’identifier l’espace qui abritait l’université ; ne reste qu’un « silence qui recouvre de fracassantes espérances »4 pour « une université profondément ouverte » 4. Une clairière, une ouverture, demeure à l’emplacement du bassin central. « Ce vide ce n’est pas un vide » 4 ; symbole que l’université a bel et bien disparu mais qu’une autre forme de transmission de son histoire est à inventer.

3 L’école du Breuil - école des Arts et Techniques du paysage - est située à l’est du bois de Vincennes, route de la Ferme.

Vincennes, l’université perdue, film documentaire de Virginie Linhart, 2016, extrait d’interviews. 4

L’Internationale situationniste est créée en 1957. Entre avant-gardes artistiques et luttes ouvrières, ce mouvement rejette les séparations entre l’art, l’architecture, la poésie, la politique et la philosophie, et valorise l’innovation et la créativité. Les situationnistes développent une réflexion sur la question urbaine en réaction à l’urbanisme fonctionnaliste. 5

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Une entrée en matière qui sera déterminante quant à ma manière de percevoir la vie du bois, ses couches, sous-couches et mondes cachés, habitée d’un souffle libertaire et volontairement engagé dans l’idée d’un nouvel idéal pour le bois. Une utopie qui interroge le caractère unique du lieu en s’approchant du temps des arbres ; qui pose aussi la question de la mémoire d’un lieu, de ce qui l’habite et dessine ses ambiances. J’explore l’histoire du bois de Vincennes, l’évolution de sa forme et de ses usages au fil des siècles… Mais petit à petit je ressens le besoin de me détacher de ce que je sais pour retrouver une forme d’autonomie de pensée, d’aléatoire, de hasard, à la recherche de ce qui ferait l’essence d’un bois commun, d’un bien commun. Il a fallu que je me départisse du connu pour partir à la recherche du cœur du bois. Je l’ai parcouru de nombreuses fois, quittant les sentiers et les routes, parfois en le longeant, en visitant les alentours, dans une prospection assez aléatoire qui se rapproche de la psycho-géographie de Guy Debord et des situationnistes 5. Cette approche sensible du « parcours » m’a permis d’interroger le sentiment de liberté inhérent à une majeure partie du bois et la richesse des ambiances qu’on peut y


Vincennes, l’universitÊ perdue, film documentaire de Virginie Linhart, 2016, images extraites du film.

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rencontrer. Un Bois rêvé, Un Bois habité. Rêvé dans une fantasmagorie liée aussi bien à l’exaltation qu’aux sentiments de crainte. Habité par un imaginaire, des usages, des groupements humains ou non-humains, animaux, végétaux... qui ensemble fondent des systèmes, des lieux. Symbioses pourtant fragiles qui nécessitent qu’on leur offre un territoire suffisant à la mesure de leur richesse. La pression exercée par Paris sur le bois de Vincennes met en danger les minces équilibres entre zones d’expression, d’appropriation libre où il est encore possible de se perdre et espaces, champs, enclos, dédiés à des usages définis, fixés, réglés, assignés aux loisirs, principalement sportifs, ou à vocation militaire. Un contraste fort qui existe également entre zones boisées ombragées et clairières en pleine lumière. En résulte que la figure du bois est aujourd’hui fragilisée par une hétérogénéité grandissante d’usages qui affaiblit l’esprit forestier du bois. Petit à petit, les espaces se sont scindés. Les principaux parcours sont souvent soumis à l’enfermement que provoquent les axes de circulation automobile. Le système des « concessions » achève de donner au bois cet aspect « fractionné », surtout dans sa partie centrale liant Vincennes à Joinville-le-Pont 6. Au fil du déroulé de cet exposé, je veux montrer que le bois ne devrait pas représenter une opportunité foncière mais bien faire la preuve de son caractère unique, accroché aux éléments qui fédèrent son implantation. Un lieu, parfois un refuge, en marge de la ville qui invite à la réinvention, à la rêverie, à une pratique spontanée des lieux, à une forme de liberté pour le promeneur ou l’habitant du bois. L’objectif n’est pas de recréer une nouvelle figure du bois mais bien d’intégrer son caractère mouvant dans un projet d’ensemble. Il s’agit de pérenniser principalement par le traitement des lisières ce qui semble fondamental et de rejeter hors du bois ce qui abîme sa cohérence. Trouver une forme d’homogénéité dans l’hétérogène. Retrouver les accroches, les parcours qui témoigneront de l’esprit du bois, de son essence. La géographie sera ici principalement en jeu, le socle du bois étant un plateau dominant la vallée de la Marne, à proximité de la confluence entre Marne et Seine. Cette nouvelle histoire agrégera également les villes et habitants alentours, et l’ensemble des habitants du bois. Profils variés, pratiques diverses, qui une fois associés à la géographie des lieux permettent de refonder des connexions, des réseaux, de juxtaposer différentes formes de mobilité... Ces parcours et leurs épaisseurs fédèrent les lieux. On traverse, on longe, on suit des ramifications aléatoires, de moins en moins précises, pour aller véritablement à la rencontre de ce qui fait la poésie du bois de Vincennes.

Le fractionnement a également été accentué par la tempête de 1999 qui a causé d’importants dégâts dans les zones boisées. 6

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Comment retrouver une harmonie qui fasse le récit de l’identité du bois dans cette hétérogénéité d’usages ? Comment raviver l’esprit du lieu et affirmer le caractère unique du bois de Vincennes sans l’ériger au rang de monument ? Quelles formes de parcours raconteront le bois ? Quelles accroches diffuseront la figure du bois dans


Vue à vol d’oiseau de Paris et ses alentours Crédit photo : © Fred Geiger, cliché 11563

son contexte alentour ? Ce document, premier porte-parole de mon projet de fin d’études, suit un plan en trois parties. J’aborde d’abord les inspirations qui font l’âme du bois ; ce qu’il évoque dans l’imaginaire collectif, ce qui nous parle de la question du sauvage et du naturel dans un bois urbain artificiel, le bois de Vincennes , un des derniers lieux de liberté urbaine, endommagé cependant. Dans un second temps, je livre mon exploration et j’esquisse les premières accroches qui souderont l’esprit, l’usage et l’image du bois. Pour ensuite extraire ce qui me semble primordial pour retrouver une cohérence d’ensemble et affirmer par le projet de paysage des lieux d’expression de la « liberté », des parcours qui forgent le récit du bois et permettent de le relier, dans toutes ses formes aux alentours, aux villes et leurs habitants, à la géographie, au paysage.

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Une image qui subsiste, tandis que la forme se fragilise

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Partie 1 - INSPIRATION une image qui subsiste, tandis que la forme se fragilise

Sédimentation des mythes et légendes pour la formation d’un imaginaire boisé Autour du bois de Vincennes s’écrit une histoire qui est alimentée de récits et de légendes parfois lointaines. Il va sans dire que les forêts ont été et restent aujourd’hui encore source de fantasme et d’inspiration. À la fois figures inquiétantes et refuges. Parfois aboutissement d’un voyage initiatique. Je ne vais pas faire là l’inventaire de l’ensemble de ces contes, fables, récits, films qui utilisent le couvert des arbres et les clairières comme cadre, comme motif ; il est cependant intéressant de s’immerger un instant dans ce bain iconographique pour percevoir ce qui est à l’œuvre au bois de Vincennes. La fascination qu’il exerce dans sa singularité et dans les ambiances qu’il crée. La forêt n’est perçue comme un paysage à part entière que depuis peu. Cela s’explique principalement pour moi par le fait que, lorsqu’on se trouve sous son couvert, la densité des arbres empêche la perception d’une ligne d’horizon claire ; d’une composition visuelle qui s’appuie sur une enfilade de plans plus ou moins lointains. La forêt fait front, fait face, obstrue, encadre... Sa profondeur la rend mystérieuse et difficilement mesurable. On la traverse sans la regarder pour en sortir vite ; on y voit des pièges, des ombres, manifestations fantastiques, surnaturelles ; elle inspire à la fois trouble et fascination. Elle a d’ailleurs parfois été source de dangers bien réels, rôle endossé le plus souvent par le loup ! Autour de ces images, on trouve des récits et légendes qui viennent du fond des âges et qui d’une certaine manière sacralisent la forêt, la personnifient presque. Elle devient la représentation de la nature sauvage, d’un monde angoissant où l’épaisseur et l’opacité apportent la crainte d’être vu sans être capable de voir ce qui nous observe, de comprendre les bruits qui nous encerclent. Pendant longtemps la forêt a été un lieu interdit ou du moins un espace de marginalité contrôlé par des groupes malintentionnés. Un endroit où on préfère ne pas s’attarder. Une bonne partie de l’imagerie que véhiculent les forêts relève de l’abstrait et pourtant ces légendes, ces on-dit, assurent très souvent une forme de cohésion sociale et interrogent l’homogénéité de l’imaginaire humain. Le bois, la forêt invitent d’une certaine manière à un imaginaire commun. Question sous-entendue : est-ce le lieu qui crée, qui conditionne un mythe ou à l’inverse, est-ce le mythe qui permet d’inventer le lieu ? En quoi le pouvoir d’imagination permet la transformation d’un lieu ? Dans l’évolution de la perception des forêts, on quitte véritablement le registre du fantastique lorsque les Romantiques du XIXe siècle, à la recherche d’un nouveau rapport au monde, désacralisent l’ensemble de ces mythes et établissent les prémices d’une pensée écologiste qui poserait les forêts comme milieu riche et fertile. Forêt : n.f 1. Vaste étendue de terrain couverte d’arbres; ensemble des arbres qui couvrent cette étendue. 2. Grande quantité d’objets longs et serrés. 3. Grande quantité de choses abstraites formant un ensemble complexe ou confus, inextricable.

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La belle au bois dormant, Le petit Poucet, illustrations extraites des « Contes de Perrault », 1867, Gravures de Gustave Doré.

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Intérieur de forêt, Théodore Rousseau, entre 1836 et 1837, Forêt de Fontainebleau, Barbizon, Seine-et-Marne (77), huile sur toile, conservée au musée d’Orsay, Paris.

Cette sensibilisation aux paysages forestiers qui se manifeste dès le milieu du XVIIIe siècle, montre cette fois-ci une nature bienveillante, un endroit paisible, au pouvoir d’enseignement riche, qui permettrait de mieux comprendre le monde dans lequel les hommes évoluent. Cette nature reste pourtant une figure, un cadre que l’on n’habite pas ; la forêt est elle-même toujours considérée comme mythique. On raconte que des forces y sont à l’œuvre, manifestations permanentes d’un esprit du lieu que l’on ne comprend pas encore complètement, dont on ne saisit pas tous les fonctionnements. Mais petit à petit, la forêt quitte la place du décor, du fond de la scène. On découvre des lieux sous le couvert des arbres qui jusqu’ici étaient encore ignorés. Sous le Second Empire, lors de l’exposition universelle de 1855, les artistes de Barbizon peignent, immortalisent le spectacle de la forêt. Le tableau de Théodore Rousseau présenté ici est issu de cette période. Une vision assez bucolique d’un sous-bois fortement rattachée à l’espace rural, à l’idée de campagne. Une forme d’esthétique se dégage de cette période et nous en sommes finalement encore aujourd’hui les héritiers.

Rousseau herborisant à Ermenonville par Georg Friedrich Meyer (1778).

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Plus avant, Jean-Jacques Rousseau herborise parfois dans le bois de Vincennes. «Les Rêveries du promeneur solitaire» est sa dernière œuvre, publiée à titre posthume en 1782. Rousseau entretient une relation fusionnelle avec la nature, il y trouve refuge, le bois devient pour lui un symbole d’indépendance et de méditation. Il s’y retire, loin de la société qui le rejette, mis malgré lui à la marge du monde mais sous la protection de la Nature. Ses herborisations et ses écrits deviennent les premiers porte-paroles d’une sensibilisation à la défense de la nature, et les bois parisiens n’en seraient pas exclus. Une vision scientifique qui vient faire le récit des milieux et qui, pas à pas, permet de quitter le regard unique et subjectif du seul point de vue humain.


Les forêts interrogent le temps et les espaces de vie dans lesquels évoluent leurs habitants, animaux, végétaux et humains. Des groupements qui paraissent assez autonomes, tournés sur eux-mêmes, et qui pourtant se mêlent les uns aux autres pour former des milieux riches. Elles interrogent notre vision du monde, aujourd’hui, tournée vers le vivant sous toutes ses formes. Une nouvelle vision du dessein de l’Homme, décentrée, qui affirme qu’habiter c’est avoir un corps ; c’est être au monde. Les habitants sèment des signes. Le rôle du paysagiste est de les relever et de les interpréter. Être à l’écoute de ce qui nous entoure pour une redécouverte du monde sensible et vivant. C’est le premier rôle du paysagiste qui dans cette conscience se rapproche aujourd’hui des politiques écologistes. Pour moi, le projet de paysage engage dans cette conscience du monde. Il porte la responsabilité de la faire partager pour tendre vers des modes de vie plus collectifs ; un monde tourné vers le bien commun. Loin des contes de notre enfance, la fôret a aussi beaucoup inspiré le cinéma et certains films participent activement à ce regard renouvelé. Une forêt, un bois, un arbre, qui prend parfois la place d’un personnage central, ennemi ou allié. On montre la forêt comme manifestation de la liberté, un sanctuaire de beauté qui invite à des envolées spirituelles. Méditation et réflexion au rythme du vent et du chuchotement des feuilles dans les arbres. Dans le bois de Vincennes aussi, on peut retrouver cette quiétude, propice à se poser la question de l’être au monde, de la fragilité et du respect du mystère de la vie. Chaque strate évoquée ici sédimente et complexifie l’image du bois. Mais, dans l’immersion, l’exploration, la globalité de ces «couches» est nécessaire à la compréhension des premières impressions dégagées, à l’analyse de l’évolution de la pensée des sociétés autour des fôrets. Une première pensée du naturel, du sauvage, de la liberté inhérente au bois.

Pages suivantes : 1 - L’étreinte du serpent, un film de Ciro Guerra, 2016. 2 - Harry Potter et les Reliques de la Mort, un film de David Yates, 2011. 3 - Andreï Roublev, un film de Andreï Tarkovski, 1966. 4 - Fitzcarraldo, un film de Werner Herzog, 1982. 5 - Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, un film de Apichatpong Weerasethakul, 2010. 6 - Le projet Blair Witch, un film de Eduardo Sánchez et Daniel Myrick, 1999. 7 - Dersou Ouzala, un film de Akira Kurosawa, 1976.

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Partie 1 - INSPIRATION une image qui subsiste, tandis que la forme se fragilise

La part d’héritage dans les usages forestiers du bois de Vincennes. À la fois figure, fond, décor, personnage, métaphore,... la forêt, aussi petite soit-elle, est souvent un point identitaire fort d’un territoire dont l’histoire se lit aussi dans la toponymie de ses alentours. Il n’y a finalement pas de paysage sans langage, sans noms. Cinquante-six communes françaises contiennent le mot « forêt » dans leur nom et celles qui incluent le mot « bois » sont par centaines ; dans le Val-deMarne, le département qui nous intéresse ici, on trouve par exemple tout près du bois de Vincennes les villes de Montreuil-sous-Bois, de Fontenay-sous-Bois. Le bois de Vincennes [de Vilcena] fait partie de la géographie originelle du Sud-Est parisien ; c’est lui qui donne son nom à la ville de Vincennes, ancienne cité royale, et il incarne une identité à laquelle les vincennois sont amarrés. Il ne possède plus aujourd’hui une réelle existence naturelle car il a été remanié de nombreuses fois au fil des siècles mais on l’associe toujours à un besoin de « nature », de liberté, de sauvage qui adoucit notre société trop souvent normative et intrusive. La forêt, un monde vivant, une machine à rêver mais aussi et encore aujourd’hui, un réservoir, une ressource, un refuge. Le bois de Vincennes ne fait pas exception : au fil des chemins, il en porte les traces, les héritages, les réminiscences, réseau racinaire dense qui s’infiltre alentour. La forêt sacrée, un arbre isolé, un monument. L’arbre symbole de vie, dans son caractère cyclique, symbole d’immortalité. La raideur de son fût illustre une forme d’ascension vers le ciel. À la fois figure terrestre et céleste, dans une canopée inaccessible. On pense aux rares forêts primaires, aux milieux non domestiqués, encore sauvages et hostiles. On pense aussi au chêne de Saint-Louis, symbole de force et de justice. Louis IX dit Saint-Louis rendant la justice sous son chêne, à Vincennes. Gravure du XIXe siècle Bois : n.m 1. Réunion d’arbres couvrant un certain espace de terrain. 2. Ensemble d’arbres croissant sur un terrain d’étendue moyenne. 3. Substance compacte, dure, comprise entre l’aubier et la moelle. 4. Excroissances osseuses qui se forment en ramure sur la tête des cervidés. Faire le bois. Homme des bois, (La belle-au-) bois-dormant. Faire porter du bois à son mari. Aller au bois sans cognée. La faim fait sortir le loup du bois. Qui a peur des feuilles n’aille au bois. Donner (à qqn) une volée de bois vert. Il ne faut pas mettre le doigt entre le bois et l’écorce. Il n’est bois si vert qui ne s’allume. Le bois tordu fait le feu droit. On va voir de quel bois je me chauffe. (Avoir la) gueule de bois. Faire flèche de tout bois. Être du bois dont on fait les flûtes…

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Le bois changeant, en mouvement, au périmètre variable. Les lisières sont les lieux d’expansion des bois dans leur épaisseur. Par la dissémination des graines des espèces pionnières, on peut assister à la fermeture progressive des espaces ouverts. Une monde qui dans son état primaire serait couvert d’une forêt dense. Couche protectrice de la ruine et conservatoire botanique. Une entité mouvante en son cœur et sur ses pourtours. Soumis à des déboisements, plantations, tempêtes,... Le bois de Vincennes a aujourd’hui perdu la souplesse de ses lisières, la ville lui fait front. Le bois ressource, une réserve de matériaux. Dans sa version « naturelle », le bois est une ressource du quotidien. Lieu de récolte, de cueillette, le bois abrite des richesses accessibles à tous : du bois mort pour le feu, des plantes et des racines comestibles, des baies sauvages, noisettes, châtaignes, champignons… Mais très vite, dès le Moyen-Âge, l’exploitation de la forêt devient une ressource économique nationale importante et réglementée. Forêts domaniales avec allées rectilignes permettant aux chasseurs de repérer le gibier de loin et aux forestiers de rationaliser l’exploitation du bois, les forêts sont alors sous l’autorité des Eaux et Forêts 7 auxquelles les exploitants doivent verser une redevance.


Le bois devient bientôt une ressource pour l’industrie. Matériau principal pour le chauffage et la construction. Du bois pour la ville, pour les voies ferrées du XIXe siècle (traverses de bois), pour les cultures (pâturages, vergers, vignes)… À son échelle, le bois de Vincennes représente aussi une ressource économique non négligeable, ce qui explique en partie le fait qu’il ait perduré dans le temps. À toute exploitation est associé le transport des matériaux extraits : au XIXe siècle, on favorise le transport fluvial sur la Seine et le bois de Vincennes occupe alors une situation stratégique, sur le plateau qui domine la vallée de la Marne, facilitant le transport fluvial du bois vers Paris. Un mode de transport qui périclite avec l’arrivée du charbon. Le bois des loisirs, des plaisirs tournés vers la nature. Au XVIIIe siècle, les grands domaines forestiers du Nord de la France sont conçus pour la chasse, réservés à une élite. Au XIXe siècle, avec le Second Empire qui succède à la Deuxième République, les forêts péri-urbaines sont redessinées pour offrir aux citadins des parcs verdoyants. On développe les promenades forestières. Le chemin de fer joue là un rôle important, permettant les sorties dominicales des populations urbaines de plus en plus coupées du monde rural. On y admire la beauté de la forêt, le pittoresque, le sublime du paysage. Le bois de Vincennes fait partie de ces lieux très usités où on part en quête de nature le temps d’une journée. On s’y ressource mais l’idée de la forêt-décor persiste. On n’y pénètre pas vraiment. Les lieux de sociabilité se cantonnent au pourtour des lacs et restaurants où déambule une certaine élite sociale. L’image populaire et littéraire de la forêt hostile, associée aux ténèbres, à l’obscurité, au sauvage, reste présente encore aujourd’hui. Le bois en marge, un lieu à explorer, un abri sûr sous le couvert forestier. Parfois lieu de luttes ; bois des armes ; bois de la mémoire à la manière d’un sanctuaire. C’est aussi là que s’accomplissent les actes qui doivent se dérouler sans témoins, les exécutions sans justice. Un lieu d’exploration, d’errance, de découverte, de création. Un espace à la marge, à la périphérie, où on échappe aux contraintes de la ville. La forêt cache et protège. Lieu de résistance silencieuse, accessible uniquement à ses habitants. Le bois de Vincennes est un paysage mais aussi une représentation culturelle, l’image d’un point d’identité collective fort. Un bien commun inaliénable pour ses usagers. Un bois vécu, pas simplement perçu. On y trouve une matérialité dans l’expérience, dans la pratique du lieu. Un territoire substantiel, qui a su s’animer en dehors de nos sociétés, un bois qui véhicule avec lui souvenirs et émotions. Un bois qui pourrait être le contrepoint local au phénomène de concentration urbaine.

7  Créée au XIIIe siècle, l’administration des Eaux et Forêts est en charge de la gestion des forêts, de la chasse et de la pêche en eau douce. L’ONF lui succède en partie, en 1964, sous la présidence de De Gaulle.

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Partie 1 - INSPIRATION une image qui subsiste, tandis que la forme se fragilise

Le bois de Vincennes, une figure changeante, miroir des mouvements de la société Le bois de Vincennes, bois parisien ; ce qui reste d’une forêt qui environnait Lutèce pendant l’Antiquité. Un bois antérieur à la naissance de la ville, qui possède sa propre identité. Au fil des siècles, la poche que représente le bois de Vincennes a étonnamment su perdurer, sous différentes formes, ses lisières, ses bords étant marqués par une fluctuation où préside un certain flou. Les limites connues sont les limites foncières religieuses, étatiques,... pourtant le bois n’a de cesse de déborder de son périmètre, de se fondre dans les alentours. Son histoire se raconte dans sa spatialité, son étendue, dans le temps - un temps biologique où le temps des arbres se détache de celui des hommes -, et dans son écologie, fruit de nombreux remaniements et du travail des hommes. Aujourd’hui il s’agit d’une surface boisée de 500 ha sur une emprise foncière totale de 995 ha 8, clôturée par la ville qui est venue l’enserrer dans son étau, ne laissant plus de place aux oscillations qui lui étaient pourtant caractéristiques. C’est encore un des rares lieux où l’on trouve une aussi grande surface boisée en ville ; c’est même devenu son image de marque. « Le bois de Vincennes est l’un des deux «poumons verts» de la capitale par sa superficie, avec le bois de Boulogne. [...] Le bois de Vincennes : un lieu de promenade incontournable à découvrir à pied ou à vélo, seul, à deux, entre amis ou en famille ! » 9 Devenu espace public sous Napoléon III 10, le bois est alors remanié dans un dessin proche de son état actuel. Un espace initialement à vocation forestière et qui a du mal à se défaire de son image de parc urbain, une figure assez réductrice qui ne retranscrit pas la totalité de son histoire. Les nombreuses infrastructures et les circulations automobiles présentes aujourd’hui en cœur de bois fractionnent et parachèvent la détérioration de la figure forestière, qui ne peut pas être considérée uniquement comme un cadre, un décor. Un espace forestier morcelé, désarticulé par les entailles, les enclaves qu’y découpent les divers équipements et concessions ; effet qu’accentuent les routes. Prétendre aujourd’hui à la création d’un vrai massif forestier ne peut pas constituer une réponse, un reboisement total ne saurait être une solution pour restaurer la figure du bois.

8  Un peu plus grand que le bois de Boulogne de l’ouest parisien, il représente 10% dans la superficie totale de Paris. Par comparaison, Central Park à New York fait 341 ha, Richmond Park à Londres 955 ha.

9 Extrait d’un descriptif écrit sur le bois de Vincennes sur www.parisinfo.com

10  Empereur de 1852 à 1870, année de la Commune de Paris.C’est sous son règne que seront réalisés les grands travaux du baron Haussmann, préfet de Paris, touchant aussi bien le cœur de la ville que sa périphérie.

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Zone boisée Zone urbaine Espace agricole, plaine et parc urbain

1756 Monarchie Règne de Louis XV

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entre 1818 et 1824 Monarchie Règne de Louis XVIII

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1000 m

1950 IVe République Présidence de Vincent Auriol

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2017 Ve République Présidence d’Emmanuel Macron

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On a d’abord une ceinture forestière millénaire, traversée par la Seine. Au centre vient s’implanter Lutèce. Puis la ville s’étend, le bois de Vincennes perdure (tout comme le bois de Boulogne).

Les premiers grands changements dans le bois datent d’il y a 900 ans. Les chasses royales se multiplient sous Louis VII.

Au XIVe siècle, la construction du château de Vincennes débute.

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On construit une abbaye sur l’actuel lac des Minimes. Les moines déboisent alors certaines parties du bois.

En 1419, sous Charles VI, on rase presque la totalité du bois pour subvenir aux besoins des parisiens. La Guerre de Cent Ans et les conflits entre Armagnacs et Bourguignons font des ravages. Le bois perd petit à petit de son importance au sein des chasses royales.

Au XIIe siècle, Philippe Auguste replante progressivement le bois.

On est tout de même tenu à un certain entretien ! Sous Louis XI, successeur de Charles VII, on replante 3000 chênes ; semis de glands et autres essences forestières à grande échelle.

Il le ceinture d’un mur pour constituer une réserve de chasse royale.

Sous Louis XIV, le parc est agrandi et le château est embelli.


Le reboisement continue sous Louis XV. On constitue des bosquets irréguliers. La réserve de chasse n’est plus. On dessine des avenues, des ronds-points en étoile, on sème, on abat les vieux arbres pour constituer un bois de 750 ha.

En 1792 le bois est intégré aux domaines de l’État. Napoléon transforme le château en Arsenal. Déboisement au centre pour l’artillerie, ouverture d’un champs de tir, le bois devient un camp retranché pour la protection de Paris.

En 1843, les interventions s’intensifient : aménagement d’un champ de manœuvre de 166 ha. Le bois est coupé en deux. En parallèle sont menés les premiers travaux d’Alphand pour l’embellissement du bois, création d’allées sinueuses et de deux lacs avec des îles.

En 1870, durant le siège de Paris encerclée par les troupes allemandes, le bois est pillé par les militaires et les civils notamment pour trouver de quoi se chauffer.

Petit à petit, la vocation forestière initiale du bois est retrouvée. En 1926 on rénove les massifs forestiers et l’armée occupe de moins en moins de terrain.

Entre 1953 et 1955, on aménage les plaines de jeux sur la partie centrale dégagée du boisement lors de l’implantation militaire.

En 1960, le bois devient un Site Classé. On le reconnait en tant qu’espace naturel remarquable à conserver et à préserver de toutes atteintes graves (destruction, altération, banalisation…)

En 1964, on rouvre l’Allée Royale comme évocation de l’aspect du bois à l’époque de Louis XV.

Fin 1968, l’université populaire de Vincennes est fondée sur décision du ministre de l’éducation nationale, Edgar Faure, en réponse aux mouvements étudiants de mai 1968. L’université sera rasé en 1980 après un déménagement, contre la volonté de ses responsables et de ses usagers, vers Saint-Denis.

La Mairie de Paris décide d’agir pour redonner une figure forestière au bois. On commence à fermer certaines routes aux voitures dès 1977.

En 1999, la tempête qui s’abat sur le bois détruit 210 ha de massifs forestiers, soit 20 % de la surface initiale.

Aujourd’hui, on replante progressivement les anciens massifs en se servant au maximum d’une régénération naturelle, grâce à la mise en lumière de semences issues des arbres tombés pendant la tempête.

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…et pour demain Le bois de Vincennes, palimpseste qui a suivi depuis son promontoire, la création de Paris, ses mutations et transfigurations sociétales ; être vivant qui a subi aussi les nécessités de chaque époque ; véritable manifestation de la succession des régimes. Une plongée dans le temps pour permettre la création d’une utopie pour demain ; pour la réhabilitation de son dessin. Sa figure actuelle est héritée d’une suite de mutations. Trouver un moyen de témoigner de son histoire mouvante et faire que le mouvement qui le caractérise reste possible. Réconcilier l’esprit fondamental du bois avec son empreinte actuelle et ce qu’il abrite. Une histoire qui se joue sur les fluctuations du boisement (dans les coupes et plantations successives), sur l’évolution des usages et les projets fantasmés qui auraient pu y voir le jour. Un tampon entre Paris et sa banlieue. À la fois «bois du roi et bois du peuple»11. Le bois de Vincennes a été tout au long de son histoire au cœur d’enjeux politiques importants sans pour autant perdre son attrait populaire. Un bois qui est antérieur à la ville de Paris et qui possède sa propre identité, mélange d’une histoire à long terme, qui suit le temps des arbres, et d’une histoire plus événementielle, suivant le rythme des hommes. Il y a ainsi deux figures du bois de Vincennes, l’une hautement humanisée, l’autre plus sauvage. Il semble important qu’on interroge par le projet de paysage les épaisseurs, les couches qui sédimentent l’esprit du bois. Finalement prendre en compte l’ensemble des empreintes qui marquent la présence humaine, animale et végétale ; composer avec les mémoires sociales, culturelles, géologiques, ... pour faire dans le projet coexister les différentes temporalités qui traversent le paysage. Le bois comme refuge, réserve de biodiversité et de liberté. Un point identitaire central, un territoire vivant du bien commun.

11 Histoire du bois de Vincennes, La forêt du roi et le bois du peuple de Paris, 1997, Jean-Michel Derex, Éditions l’Harmattan.

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DiversitÊ de milieux et d’habitants

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1km



S’égarer pour finalement parvenir à s’orienter

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Partie 2 — EXPLORATION : s’égarer pour finalement parvenir à s’orienter

Invoquer le droit de se perdre J’ai parcouru, traversé, longé, sillonné, le bois de Vincennes. Mes sens sont mis en éveil par la marche. J’écoute, je sens, j’observe, puis j’écris. Je mets en pratique un jeu qui se rapproche de la psycho-géographie12. Mon parcours suit de manière totalement empirique les éléments qui attirent mon attention : une antenne, un arbre au fût bien raide, une clairière, un tunnel, une cabane, une fleur, un bourdon sur une mousse... Grandes et petites choses, comme des indices pour m’indiquer ma route. Un point de fuite, un bel arbre, un sentier un peu caché, un bruit... Je vagabonde entre clairières et couverts boisés ; je me heurte souvent à des obstacles : murs, barrières, routes... Je dérive. J’observe les effets qu’un environnement provoque sur un individu. De quelle manière le paysage influence un comportement ; enchaînement de réactions possibles en réponse à telle ou telle situation. Déambuler rapidement, en prenant simplement quelques photos, sans but précis, entre les différentes ambiances dans lesquelles les arbres tiennent le rôle principal. Une approche du terrain nécessaire pour tester la limite de mes recherches ; une connaissance physique du site. Aller vers plus d’intuition pour donner vie à des données factuelles et spatiales. J’assume le doute comme critique d’une démarche de projet trop souvent en recherche d’une objectivité totale. La quête du doute passe par un cheminement solitaire, pour se perdre, à la recherche d’une fusion de la pratique avec le territoire. La marche peut être un bon moyen de se perdre. En dessinant son propre chemin, on perçoit mieux l’intelligence du territoire : on s’oriente suivant la lumière, les points cardinaux, des indices, le relief... Le GPS et la carte sont volontairement mis de côté pour retrouver une autonomie, reprendre les choses en main. Chaque trace que je laisse derrière moi vient délimiter un territoire temporaire d’exploration. Son dessin, parfois éphémère, me mène hors des sentiers ; sur des chemins de liberté où le titre de propriété n’existe plus, ou du moins n’a plus sa place. Sous le couvert des arbres on perd vite ses repères et on est facilement surpris par l’apparition d’un élément inattendu. La clairière, c’est la lumière, parfois aussi une forme de libération.

Les situationnistes ont tourné leur réflexion sur l’urbanisme fonctionnaliste où la ville est perçue comme ennuyeuse, aliénante, organisée autour de la consommation. La psycho-géographie est une des manières de se «réapproprier l’espace urbain par l’imaginaire» ; une manière d’abord de percevoir et de transmettre pour finalement provoquer des situations inédites, parfois éphémères.

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Ces marches, ces déambulations viennent étayer l’idée que le parcours libre est un des principaux enjeux pour le bois de Vincennes. Se laisser surprendre par une diversité de milieux, d’ambiances, de personnes... Cela suppose plusieurs choses : induire une manière de parcourir, de faire le lien entre..., trouver une hiérarchie entre ces parcours et savoir les distinguer les uns des autres. Faire ainsi une différence entre ceux qui sont fonctionnels et ceux qui semblent faits pour partir à l’aventure. En me laissant guider par mon instinct, j’ai retrouvé les accroches fondamentales qui font l’esprit du bois ; en résulte une série de textes qui lient la géographie, le paysage, l’horizon, le clair-obscur, les rencontres...


N

0

500m

Trace de mes parcours et explorations.

Page suivante : « Les intellectuels et le pouvoir », dans l’île déserte et autres textes, Gilles Deleuze, 1953-1974, Paris, Edition de Minuit, 2002, p.288 13

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« D’une part, une théorie est toujours locale, relative à un petit domaine, et elle peut avoir son application dans un autre domaine, plus ou moins lointain. Le rapport d’application n’est jamais de ressemblance. D’autre part, dès que la théorie s’enfonce dans son propre domaine, elle aboutit à des obstacles, des murs, des heurts qui rendent nécessaire qu’elle soit relayée par un autre type de discours [...]. La pratique est un ensemble de relais d’un point théorique à un autre, et la théorie, un relais d’une pratique à une autre. Aucune théorie ne peut se développer sans rencontrer une espèce de mur, il faut la pratiquer pour percer le mur. » 13

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Promenons-nous ... #1


J

e cherche à me perdre dans le bois en suivant les ombres. Il fait plus froid dans les zones ombragées, il y a plus de moustiques aussi... Les ombres sont partout. Des grandes, des petites ... Elles sont fraîches et pleines de secret. Il y a toujours quelqu'un dès que je m'approche d'un espace ouvert ou mi-ombragé. Par contre, depuis les vraies ombres denses, je me poste en observatrice. Je vois sans être vue, je surprends une scène, sentiment inquiétant, l'impression de faire quelque chose de mal. Je me fonds dans le décor. Je fais partie des arbres, observateurs silencieux qui ont tout loisir d'observer ceux qui se trouvent sous leur couvert. Les ombres les plus denses se trouvent autour des lieux clos de murs, de grillages, qui enserrent des espaces ouverts. Plus les murs sont hauts et plus on a envie de savoir ce qu'il y a de l'autre côté. Souvent j'entreprends l'ascension de talus, de murets, broussailles anarchiques, vraies cachettes. Je cherche méticuleusement mes points d'observation, je cherche une brèche, je suis les murs. C'est le plus intéressant. Une fois que j'entre vraiment dans un lieu le sentiment d'excitation s'estompe, je repars alors à la quête d'une nouvelle découverte. J’observe, les tombes du cimetière de Saint-Maurice, les cyclistes en bas de l’anneau cyclable, les vers de terre qui se tortillent sur la terre des allées, les artisans des services de la ville au travail. Quand ma présence semble suspecte, on m'aborde pour répondre à des questions que je n'ai pas formulées. Autour des lacs, il se passe des choses étranges. Une horde de chiens aboie en continu, des drones bourdonnent en tout sens, frôlent les promeneurs, nous observent, nous chassent même... Les voitures ne sont pas très loin et participent au ronflement inquiétant et oppressant. Je m'enfonce à nouveau dans le bois. Après une horloge suisse, un salon aux oiseaux, une maison égarée murée de blanc, je tombe sur une paire de fesses qui rôtit au soleil ! Au détour d'un petit chemin qui serpente entre les broussailles, elles dorent ! Je m'éloigne discrètement, évitant d'utiliser mon appareil photo pour ne pas me faire remarquée. Je continue au hasard des chemins. Je tombe sur un homme que j'ai déjà croisé un peu plus tôt, qui me regarde et disparaît. Les chemins s’enchaînent, de plus en plus étroits en un réseau de plus en plus dense. De petites chambres de verdures sont aménagées en enfilade. On perçoit comme le motif d'une maison, en extérieur, une ruelle mal éclairée, un couloir, des chambres… Des souffles alentour. Je ne vois rien. Ou alors c'est le vent dans les feuilles ? Je ne m'arrête pas, je me sens observée sans rien voir, je suis de trop, pas à ma place. Je fuis ce dédale de sentiers dont j'ai beaucoup de mal à m'extraire. Les chemins sont nombreux, je cherche les plus larges et je retrouve la lumière. Je m’assieds sur un rondin où j'écris rapidement ces quelques mots.

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Partie 2 — EXPLORATION : s’égarer pour finalement parvenir à s’orienter

Fécondité forestière pour une diversité de pratiques Le bois de Vincennes représente une forme d’espace public rare dans un territoire aussi proche de Paris. Accessible à tous, gratuit sur la majeure partie de son emprise, il offre une expérience inédite en ville, il reste possible de s’y perdre, d’y trouver un refuge, d’y avoir un secret. Il existe peu de lieu qui propose cette expérience en pleine densité urbaine. On trouve à Berlin un endroit similaire, bien que plus fortement imprégné d’un esprit forestier, d’une image du sauvage. La colline artificielle de Teufelsberg, en allemand la « Montagne du Diable », se trouve au nord de la forêt Grunewald, au sud-ouest de la ville. Son histoire étrange en a fait un lieu en marge de la ville ; l’appropriation habitante est la première manière d’investir cette forêt protégée. Un lieu qui profite de sa situation métropolitaine sans en être tributaire. Le bois de Vincennes, lui, est dans un étau tenu par le tissu urbain dense du Val-deMarne et relié à Paris par la porte Dorée, courte entrée, qui lie le bois au XIIe arrondissement et qui en fait tout de même un bois parisien. Aujourd’hui la Ville de Paris et les sept communes riveraines ont décidé de suivre des objectifs communs qui visent à réaffirmer sa vocation d’espace naturel allié à des espaces de loisirs en plein air et de promenades. Trouver une stabilité entre lieux de «nature» et espaces plus jardinés, tout en garantissant entretien et sécurité. Un équilibre fragile qui ne garantit finalement pas de manière précise l’intégrité du lieu. Le bois de Vincennes est avant tout un bois urbain, une image de nature parfois idéalisée, un lieu de liberté offert aux habitants. En inscrivant le bois de façon plus marquée dans l’ensemble métropolitain, on affirmerait des accroches sûres. Lieu unique, la proximité avec Paris en fait également un lieu de culture ; un caractère à souligner dans les usages proposés mais aussi dans la spatialité. Le bois peut profiter de sa situation urbaine. Pour retrouver des accroches solides, l’étude de la géographie est l’entrée la plus évidente. Trouver comment le bois s’accroche à son contexte, ses lisières, leurs épaisseurs pour retrouver une inscription cohérente avec les alentours.

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N

Forêt domaniale d’Ermenonville

Forêt de St-Germain-en-Laye

Forêt domaniale d’Armainvilliers

PNR de la Haute Vallée de Chevreuse 0

10km

Le bois de Vincennes au sein des boisements d’Île-de-France.

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Bois de Boulogne

Bois de Vincennes

XXe arr. XIe arr. Fontenay-sous-bois Vincennes St-Mandé XIIe arr.

XIIIe arr.

Nogent-sur-Marne

Joinville-le-pont

Charenton-le-pont St-Maurice Maisons-Alfort

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St-Maur

1km

Le bois de Vincennes dans son contexte urbain.

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N

Les grandes structures gĂŠographiques du bois de Vincennes 0

1,5km

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Retrouver une dimension géographique permettrait d’affirmer la situation de surplomb du bois par rapport au relief de la vallée de la Marne et de sa confluence avec la Seine. Le bois repose sur des sols sableux (sables de Beauchamp) ou des sols calcaires (calcaires de Saint-Ouen), eux-mêmes recouverts de dépôts alluvionnaires anciens. Près de la moitié des sols a été remaniée suite aux travaux de terrassement des derniers siècles. On perçoit aujourd’hui difficilement la situation de surplomb dans laquelle s’inscrit le plateau sur lequel s’est développé le bois. Un site à la géographie précieuse où la Marne marque une forme de frontière au Sud, une clôture géographique qui n’est plus en lien avec le bois. Porter son attention sur la géographie pose la question de la diversité des milieux traversés. Des milieux qui pourraient être mis en réseau ; espaces forestiers, mais aussi clairières, zones humides, ou même vallée d’une rivière comme la Marne. Une liaison cohérente entre espaces urbains et zones plus «naturelles» permettrait une lecture cohérente du territoire, de son paysage. À ces liens s’ajoutent d’autres espaces : les parcs, qui eux aussi assurent des continuités. Espaces publics, bien communs, comme le parc du Tremblay à l’est du bois de Vincennes, qui pourraient tisser un assemblage d’espaces dédiés à la promenade, aux loisirs, à la culture, aux sports, etc. Parler de la géographie revient donc à questionner la diversité du vivant et la place qu’on lui laisse dans un milieu urbain. L’écologie14 peut être le levier pour questionner et modifier le rapport entre « les vivants » . C’est aussi le moyen de trouver « maison commune ». Le paysage et l’étude de ses milieux sont porteurs de sens pour ceux qui le vivent et l’habitent.

Science qui étudie les relations entre les êtres vivants (humains, animaux, végétaux) et le milieu organique ou inorganique dans lequel ils vivent. Étude des conditions d’existence et des comportements des êtres vivants en fonction de l’équilibre biologique et de la survie des espèces. (définition du CNRTL, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).

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La gestion des milieux qui font la richesses du bois de Vincennes s’accroche aujourd’hui à un mode spontané de reboisement, suite à la tempête de 1999. Les strates herbacées et arbustives, riches d’une diversité d’espèces, offre une image qui alimente l’imaginaire du sauvage, à la différence d’un sous-bois uniforme qui accentue l’idée d’un espace jardiné. L’alternance entre des espaces ouverts (clairières, prairies,...) et des espaces couverts (sous-bois,...) est caractéristique du bois. Deux massifs forestiers denses se distinguent, séparés par une bande très occupée foncièrement parlant et qui dégage de très larges ouvertures. Au nord de l’avenue du Tremblay on trouve chênaie-charmaie affirmée, avec aussi la présence d’Aubépine commune, de Ronces, de l’Agrostide vulgaire... Il est cependant difficile de dégager des groupements végétaux très clairs. On compte environ 525 espèces végétales dont 29 arbustives et 324 herbacées. 72 espèces d’arbres sont présentes dont 33 considérées comme indigènes : Érable sycomore, Chêne pédonculé et Charme. Certaines se sont totalement naturalisées comme le Robinier faux-acacia ou l’Ailante. On trouve aussi des Marronniers, des Noyers noir d’Amérique, des Paulownias... Sont plantés également des Sophora du Japon et des Pins noirs. L’entretien de cette diversité végétale est assuré principalement par la DEVE (Direction des Espaces Verts et de l’Environnement) mais les services de la voirie et des sports y participent aussi. Il se joue principalement sur certains secteurs horticoles soignés comme les abords des lacs 15. Les prairies arborées sont elles fauchées de façon extensive par gyrobroyage selon un plan de fauchage différencié. Les rivières et lacs sont curés tous les trois à quatre ans pour éviter l’envasement, aux périodes les mieux adaptées pour la faune. Dans les massifs forestiers on pratique la régénération naturelle, quelques plantations de plants forestiers, un dégagement manuel des jeunes arbres, et des éclaircissements pour un développement harmonieux du peuplement. Afin de favoriser la diversité de la faune et de la flore, on conserve en place arbres morts et tas de branchages. Certaines zones sont interdites au public, comme la réserve ornithologique de 2,5 ha en bordure de l’Allée Royale et les îles du lac des Minimes. Tout cela dessine un clair-obscur, un jeu entre couvert-découvert, avec des noms qui racontent une histoire plus riche qu’un simple inventaire des milieux, avec une diversité d’ambiances animées par ses habitants.

Le bois de Vincennes compte 4 lacs : le lac Daumesnil, le lac de Saint-Mandé, le lac des Minimes et le lac de Gravelle.

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Massif forestier dense avec clairières Massif forestier clairsemé

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Parc paysager ou jardiné Terrain dédié au sport 0

250m

Diversité des milieux du bois de Vincennes, entre couvert et découvert.

Toponymie des chemins et circulations dans le bois.

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Dense VerticalitĂŠ

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Ouverture Contrainte

Horizon LinĂŠaire

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Vivante FraĂŽcheur

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Commune Éclaircie

Brève Trouée

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Promenons-nous ... #2


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rès du lac des Minimes, je profite d’un banc, au frais ; je dessine la silhouette des arbres qui ferment l’horizon ; un arbre mort dépasse franchement, couvert de gui. J’attends que le ciel se couvre pour me décider à avancer vers le bois. Un enfant lâche la poussette de sa mère pour s’élancer vers un oiseau. Un couple bronze étendu sur l’herbe rase. Le gravier crisse sous les pas des groupes de marcheurs qui avancent en rythme, balançant leurs bâtons de marche à gauche, à droite. J’engage ma marche par la descente d’une pente douce qui m’emmène vers un jeune sous-bois qui semble habité. Un sac de course dans les branches d’un chêne. Je ne vois pourtant pas de tente ou de campement. Un jeune bois, assez bas, où l’on perd rapidement de vue le ciel. Ça et là des souches propices à la méditation, attendant dans le silence de s’effondrer. Liège souple qui s’effrite, se désagrège, habitat d’une multitude d’insectes. Je me laisse guider par les troncs qui me semblent les plus vieux, les plus larges, les plus sombres. Ils se distinguent au milieu de cette jeune forêt. Un réservoir de fraîcheur, où les oiseaux s’en donnent à cœur joie. J’entends le passage des voitures de la route de la Pyramide encore proche ; je m’éloigne. Une autre souche. Une suivante. Un marcheur et un cycliste qui se croisent. « Tiens ! C’est marrant de se croiser là !». Certaines trouées provoquées par la tempête restent béantes ; brillantes ; ceinturées de barrière que l’on peut franchir assez facilement. Les branches craquent sous mes pieds. Les mains en avant, je slalome entre les orties et les ronces. Un chemin ; des cyclistes en position allongée sur des sortes de tricycles me doublent, passent plusieurs fois. « Vous faites quoi ? Nous on vient ici faire du vélo tous les mercredis ». Je tente d’expliquer pourquoi je suis là mais mes interlocuteurs sont assez perplexes. Nous concluons la conversation unanimement sur la beauté du bois. «C’est vraiment bien d’avoir la nature pas loin !». Une nature « verte » qui aujourd’hui semble bien présente. Sous les taches de lumière s’épanouissent des mousses et des petites fleurs blanches, quelques fougères. Plus loin, un ruisseau qui s’écoule lentement.

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Au delà du règne végétale, se développent bien d’autres formes de vie : une biodiversité animale et humaine qui traverse les lieux, les marque, les occupe de manière plus ou moins éphémère. On trouve au bois de Vincennes insectes, poissons, dont des silures, amphibiens et reptiles, parfois invasifs comme la tortue californienne. On trouve aussi des petits mammifères qui ont su s’adapter à la proximité d’un milieu urbain dense : écureuils roux, chauves-souris, renards roux et autres petits rongeurs. Les oiseaux sont à l’honneur, invasifs là aussi pour certains 16 ; paysage sonore du bois ; au rythme des journées, au rythme des saisons. Les habitants humains du bois sont également nombreux ; peuplé de personnages parfois fantasques, un bois qui peut transformer le plus ordinaire des citadins en poète, en aventurier ou en être singulier. À travers le portrait de ses habitants, le film le « Bois dont les rêves sont faits », dessine le portrait d’un lieu riche d’une diversité d’usages, de personnes, de rêves. «Pour savoir de quel bois les gens se chauffent, la réalisatrice part à leur rencontre, jusqu’au fond des fourrés. Deux hommes observent les papillons. Un homme en cherche un autre, avec qui papillonner. Là où les uns dessinent des zones botaniques, les autres voient des axes stratégiques pour la drague. Tout le monde part à la pêche, pas seulement pour attraper une carpe et la laisser repartir : pour saisir un ­moment de li­berté, de calme, de plaisir... On entre dans une ronde sans fin et sans logique. Entre la jeune maman qui ne parle qu’à son fils de 9 mois et l’homme qui semble ne parler qu’à ses pigeons, c’est le lieu qui fait lien. Le bois raconte les gens et les gens racontent le bois.» 17

16 Bruyantes et gourmandes, les perruches à collier, cousines proches du perroquet, colonisent progressivement les espaces verts de la capitale, ce qui ne va pas aujourd’hui sans poser de problème.

Extrait d’un article de Télérama, à propos du film « Le Bois dont les rêves sont faits » de Claire Simon, 2015, Critique lors de la sortie en salle le 16 avril 2016 par Frédéric Strauss. 17

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Pratiques et territoires des Habitants du bois

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Contraintes et Emprisonnement urbain

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1,5km

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Partie 2 — EXPLORATION : s’égarer pour finalement parvenir à s’orienter

Une liberté entravée par la privatisation et les équipements L’identité du bois se joue principalement sur la vocation des usages qu’on y propose et leur prépondérance sur la surface occupée par le boisement. On a alors tendance à opposer parc et bois ; l’un véhiculant une image plus urbaine, l’autre plus agreste. Le bois de Vincennes est aujourd’hui dévolu à une multitude et une diversité d’usages qui tendent à complexifier sa figure et sa vocation. Certaines pratiques ne s’accordent pas vraiment les unes avec les autres et provoquent des zones où les usages se superposent de façon conflictuelle. La surfréquentation est aussi un point de pression important ; variable selon les saisons, les jours de la semaine, les lieux, les lacs étant les lieux les plus fréquentés. On compte environ 11 millions de visiteurs par an ; ils ne fréquentent pas de manière égale l’ensemble du bois et ne viennent principalement que 3 jours par semaine. Ils y viennent selon différents modes de transport : en voiture (60%), en bus (21%), à pied (15%) ou à vélo (4%). On voit la nécessité d’insister sur l’idée d’une vocation commune à retrouver pour le bois de Vincennes ; pour la défense de l’espace public en tant que bien commun, où se jouent différentes formes d’usages capables de cohabiter les uns avec les autres, fédérés autour d’une pensée commune. Les espaces boisés occupent les deux tiers du bois qui compte 50 ha de parc paysager ou jardiné, 50 ha de prairies arborées, 330 ha de concessions et équipements, 460 ha de massifs forestiers denses, avec des clairières, et 85 ha de massifs forestiers plus clairsemés. Le bois est tiraillé entre concessions, circulations, vestiges alphandiens et militaires, et les aspirations des populations limitrophes qui tendent à la multiplication des offres d’usages. La pression de la demande tourne autour de la nécessité de disposer de parcs de proximité, de jardins, de retrouver du vert, de la nature 18, de respirer l’«air pur». La pression urbaine et économique, la multiplication des activités, vénales, légales ou non, ont fini de fragmenter l’image du bois, déjà fragilisée au fil de son histoire par des successions de changements et d’aménagements qui ont radicalement modifié sa vocation première.

L’espace nudiste du bois créé en 2017 doit accueillir en juin 2018 la première édition de la journée parisienne du naturisme.

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Flux des visiteurs en provenances des départements limitrophes

Concessions et équipements

Fréquentation du bois de Vincennes selon les jours de la semaine. Chiffres issus d’un enquête menée par le CREDOC en 2002.

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Et en effet, sous le couvert d’un bois souvent idéalisé une réalité fragmentée se dessine. Une large partie du foncier est occupée par des infrastructures, notamment sportives et militaires, la forêt n’occupant que la moitié de la surface totale du bois. Un contraste saisissant entre espaces publics et enceintes privées ceinturées de barrières. Petit à petit, on parcellise le bois ; on le fractionne ; on cloisonne certains lieux ; d’autres se referment sur eux-mêmes. Gilles Clément parle de «clos » pour définir ces lieux dont l’usage est déterminé. Des lieux qui ne savent pas s’adapter à des mutations car trop définis, qui ne présentent aucun caractère temporaire ou évolutif. Ici des espaces militaires ou dédiés aux loisirs qui en deviennent obligatoires. Le sport, dans les plaines de jeux et les stades en plein air proposant des équipements sportifs, est finalement une pratique récente des espaces naturelles ; la course à pied étant la principale activité pratiquée. Les concessions distinguent les usages et les séparent. Bien que concentrées en certains points, elles ne proposent pas pour autant les liaisons qui permettraient la cohabitation de leurs différents usagers. Leur proportion par rapport aux surfaces plantées a sans doute atteint un seuil maximum et leur localisation compromet l’unité du Bois : groupées pour la quasi totalité en plein centre, ces emprises créent une profonde coupure déboisée entre deux massifs boisés denses. Le foncier est à redéfinir dans le partage entre concessions privées et domaine public, ainsi que dans des usages plus adaptés aux futures changements de paradigme. Il faut avant tout projeter un ensemble qui propose une unité. Mieux délimiter les emprises, imaginer des clôtures plus transparentes quand elles sont nécessaires, faire le lien entre les concessions... Les lieux d’enseignement, comme l’École du Breuil ou le Parc Floral, peuvent être centraux dans la redéfinition du foncier. Des espaces rares qui permettent d’appréhender les écosystèmes, auxquels on peut ajouter des ensembles culturels riches comme les théâtres de la Cartoucherie, lieux de résidence d’artistes dont la démarche illustre bien l’idée d’un bois refuge pour tous. À la fois lieu de relégation pour la métropole, espace d’exposition de l’action des politiques, mais également refuge pour les marginaux, le bois a cette capacité à être hors du temps et à mélanger des choses qui s’opposent. Riche de sens et d’histoire, parfois tributaire de la capitale. Pour les uns, il répond à une demande d’espaces de promenades qui ne nécessite finalement qu’une évocation du sauvage, mais pour ceux qui l’habitent, il est bien l’acteur de sa propre évolution. Il semble fondamental ici de faire coexister mémoire et fluctuations du paysage pour inventer un nouveau récit et éviter une muséification sous-jacente.

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USAGES Parc à thème Champ de foire Restaurant Équipement sportif Équipement militaire, administratif ou d’enseignement Autres équipements

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Carte de l’occupation foncière, équipements et concessions du bois de Vincennes.

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PROPRIÉTÉ Gestion-Paris Servitude d’état Concession Gestion-collectivités riveraines

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Carte de l’occupation foncière, propriétés du bois de Vincennes.

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Promenons-nous ... #3


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arc Floral de Paris. Rivière de lumière qui court entre les lettres et les troncs affûtés, alignés. Une place d’armes sans manœuvre, si ce n’est la ronde incessante des voitures. Giratoire, parking, frontière impénétrable ; le château est devenu imprenable ; des « gardiens à moteur » recouverts de métal veillent. Un espace totalement découvert où la lumière résonne sur les murs blancs du château. La chaleur est désagréable. Je m’en retourne vers les arbres. Derrière moi, les tilleuls se tiennent au garde à vous, le long des écuries de la garde républicaine. La végétation leur sert de camouflage, sauf au niveau des grilles et des portes qui sont dégagées. Le désordre le long du mur. L’ordre dans l’allée rectiligne. Entre deux espaces ordonnés réside le désordre. Dès qu’on quitte l’allée, on trouve une tout autre ambiance. Une mer de fougères, orties et carottes sauvage, se repend au pied des charmes et fruitiers (arrivés par hasard ?). Des chemins y serpentent ; traces du passage régulier d’hommes ou d’animaux qui habitent cette épaisse lisière oubliée. Il ne faut qu’un pas pour revenir sur l’avenue des Minimes. Je persiste dans le bois ; j’entends les échos des sportifs qui investissent les stades tout proches. Je suis une lumière diffuse et parviens à des troncs couchés réunis en tas que j’entreprends de franchir. Un corbeau me suit de près, curieux. La tempête a ouvert des clairières remplies d’orties. Intraversables. Et pourtant un chemin, un peu caché, a été dégagé. Passage secret dans lequel on ne se risque pas sans bonnes raisons. Je sors du couvert des arbres et débouche sur une route ; un peloton de cyclistes me frôle à pleine vitesse. Des pylônes se dressent au milieu des clairières ; barrières de béton et stades couverts, quelques voitures. L’enrobé des anciennes routes aujourd’hui fermées à la circulation est toujours là permettant d’accéder facilement aux équipements et infrastructures. Vraiment juste à coté d’un carrefour, un tipi fait de branchages ; maison de fortune ou simple abri pour quelques soirées. Je suis la route le long de laquelle les filles attendent. Fixement, dans l’ombre.

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La tempête de 1999 représente dans la vie du bois un accident de parcours dont il est important de parler : 210 ha boisés ont été touchés en une nuit. Cet épisode météorologique violent aura plusieurs conséquences. Dans un premier temps la figure du bois est affaiblie. Les boisements sont moins denses qu’auparavant et peu d’arbres anciens ont résisté aux fortes bourrasques. Mais la tempête est aussi l’occasion d’un renouveau, tant dans le peuplement végétal des zones boisées que dans l’image d’un bois plus sauvage, image finalement assez récente. L’ONF propose alors une gestion à faible coût qui correspond aussi à une conscience écologique récente : on laisse venir spontanément une végétation qui est donc adaptée au milieu ; on profite des éclaircies créées par la chute des arbres pour laisser germer les semences en dormance. Avant ce remaniement s’opérait une gestion beaucoup plus stricte et réglée quant à l’entretien du bois. La tempête devient alors un atout écologique ; la régénération naturelle permet une plus grande diversité de peuplement avec des arbres plus forts, mieux ancrés dans un sol qu’ils « choisissent » d’habiter. La strate buissonnante issue de cette régénération amène une autre occupation des lieux. Les plus déshérités viennent trouver refuge au sein de cette couche végétale qui forme un abri sûr, une cachette imprenable, un lieu qui semble délaissé et donc facilement appropriable. Un bois post-tempête plus habité, ce qui participe à l’image d’un bois plus libre, plus sauvage, d’une diversité toujours plus grande. On se dirige ainsi vers plus de modernité en pensant le paysage en mouvement ; le bois de Vincennes n’est pas un monument naturel, figé, il est vivant. Il ne peut être réduit à une composition architecturale végétale en quête d’effets, à l’image de certains parcs et jardins anciens. Il doit trouver son ancrage et son renouveau dans la fluctuation de ses espaces, de ses lisières, et dans l’affirmation de ses différents milieux habités.

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Espace ouvert Massif forestier et espace jardiné Zone de dégâts, perte de plus de 40% du peuplement forestier 0

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Aspect du peuplement forestier suite à la tempête de 1999.

500m

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Le fractionnement du bois, déjà signifié par la multiplication des différentes concessions qui le parcellisent, principalement en son centre, est encore accentué par les voies de circulation et de dessertes de ces mêmes parcelles. Quatre grands axes de circulation cisaillent le bois. On trouve actuellement 34 km de routes ouvertes aux véhicules. Au Nord, l’avenue de Nogent ; à l’Est, la liaison de Joinville à Fontenay, Vincennes, Paris, est assurée par l’avenue du Tremblay et la route de la Pyramide. Au Sud, l’avenue de Gravelle dessert la Porte de Charenton ou la Porte Dorée en longeant le lac Daumesnil. En semaine, à l’heure de pointe du matin, 17 000 véhicules environ pénètrent dans le bois par l’une des voies qui le traversent ou le longent. Des entailles, des enclaves issues d’un découpage entre les divers types d’équipements, les concessions et les circulations. Ces circulations au sein même du bois génèrent plusieurs types de nuisances : parfois dangereuses pour les piétons, elles engendrent du bruit, de la pollution et entraînent un stationnement souvent abusif. De plus, le bois offrant une forme d’isolement, aux voitures est associé un réseau de prostitution, aujourd’hui développé principalement autour de la route de la Pyramide, axe central du bois. De plus, la proximité de Paris a nécessité plusieurs infrastructures routières lourdes afin de raccorder le périphérique aux autoroutes. L’autoroute A4 suit la rive sud du bois, le séparant de la Marne ; Saint-Maurice et Charenton-le-Pont faisant tampon entre les deux entités géographiques. Réseaux ferrés, autoroutiers, ponts et traverses, un mouvement perpétuel qui suit une cinétique dissociée du temps des arbres. Un réseau routier ramifié, qui sillonne le bois, s’étend, se multiplie … Des couloirs aveugles au récit de ce qui est traversé. Une densité d’infrastructure qui brise la possibilité d’une promenade totalement continue, ou au moins sans ruptures trop fréquentes ou trop marquées. Un trafic réduit au profit de circulations douces, le profil de certaines routes redessiné, permettraient de trouver un meilleur équilibre entre usages et traversées. Certains points d’articulations sont à mettre en valeur, tout comme le stationnement et l’environnement des voies doivent être repensés et traités de manière à offrir un récit du bois.

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Carte des rĂŠseaux routiers principaux.

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Promenons-nous ... #4


L

es premières chaleurs estivales annoncent l’arrivée de la Foire du Trône sur la pelouse de Reuilly. Des files de personnes avancent du métro jusqu’aux entrées de la Foire, les automobilistes guettent une place. Musique techno, cris, rires, micros à fond, tournois dans le sous-bois qui longe les caravanes des forains. Elles me tournent le dos ; une grille nous sépare. Je suis dans les coulisses de la fête. On n’entend rien d’autre que le bruit continu des manèges qui dépassent de la frondaison des arbres. Odeurs de graisse et de fritures, de roussi. Plus loin le boulevard périphérique déroule son ruban sous le bois ; tentaculaire. Limite avec Paris. Une entrée. J’escalade un talus : une fenêtre sur la route et des maisons de tôle ; de l’autre coté, un square rempli d’enfants et de parents qui attendent sagement. Un peu plus loin, j’aperçois un tas de feuilles, branches et autres matières organiques. Volontairement stocké en retrait, sous les arbres, je l’imagine grouiller de vers, moucherons et autres insectes. Je longe un moment une barrière et je débouche sur le lac Daumesnil. Miroir lumineux, couvert de petits points flottants. Je suis le chemin aménagé en slalomant entre les gens. Il y a beaucoup de monde, les pelouses sont envahies. Le moindre carré d’herbe est occupé par une serviette, une nappe, … Il y a maintenant une nouvelle entrée pour le Zoo, du côté de la porte Dorée. Je le longe le Zoo en suivant la route jusqu’à ce que je retrouve le bois et puisse à nouveau y pénétrer. Immenses troncs noirs fusionnés par le temps ; portes vers un ailleurs où depuis l’ombre j’aperçois des clairières baignées de lumière. Les bancs sont d’ailleurs tournés vers la lumière. Un jogger, deux, trois… Un couple qui semble perdu et tourne sur lui-même. Je traverse un ruisseau, des cyclistes passent. Je suis tant bien que mal le couvert des arbres mais je tombe sans cesse nez à nez avec un équipement. J’observe le manège de l’UCPA. Je décide d’avancer plus vite et de m’enfoncer vers les épaisseurs sombres du bois qui me semblent plus paisibles. Sans l’avoir voulu, je débouche sur l’allée Royale ; je prends une grande inspiration et la traverse en ligne droite. Je pique vers le Sud pour essayer de retrouver un peu de calme et de quiétude. Arrivée au bas de la piste cyclable, je cherche un coin où me reposer. La fraîcheur du soir s’installe, un faisan approche.

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…et pour demain En 2005, un schéma directeur pour le bois de Vincennes a été dessiné par l’APUR 19. Cette étude avait pour objectif d’affirmer le caractère forestier du bois de manière assez systématique, en densifiant le peuplement végétal pour assurer une unité, des liaisons, etc. Une simplification en quelque sorte qui dans ce cas se traduirait par moins de diversité. Un objectif qui ne possède pas vraiment non plus de légitimité historique, même s’il semble nécessaire de conserver un cœur forestier. Dans le choix fait des mode de représentation, la cartographie proposée annule le contexte alentour, faisant du bois un contenu hors-sol, hors de sa géographie et de son environnement urbain saturé. On lui donne le rôle du « poumon vert  droit » parisien, le bois de Boulogne figurant le gauche. Un satellite vert, lieu unique, une exception dans la métropole. On le signale comme « équipement fédérateur » en cœur d’agglomération alors qu’il appartient principalement à la banlieue Est et au paysage de la vallée de la Marne. Il faut pour réinventer le bois aller plus loin qu’un discours écologiste simpliste qui aurait pour finalité la plantation d’arbres, pour plus de vert, de nature en ville. Action qui aurait pour conséquence de figer le bois dans une image peu en accord avec ses évolutions et ses usages actuels. Une muséification totale ou partielle déjà évoquée d’un univers riche de diversité qui abrite encore une forme de liberté. Le bois n’est plus alors un « équipement fédérateur », qui « offre » , qui « pallie », mais un espace qui raconte son histoire d’hier et d’aujourd’hui suivant les différentes ambiances qu’on y trouve, les lieux... Il me semble important également de se tourner vers les dynamiques sociales qui animent le bois, de ne pas marginaliser volontairement ceux qui sont exclu par l’homogénéisation proposée par le schéma directeur.20 Favoriser la naissance d’un dessin qui appelle une grande échelle dans la pensée d’un bois contemporain. Penser les lisières entre les zones de contrastes en trouvant des usages adaptés à un bois vivant, en mouvement.

L’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) est une association à but non lucratif composée de partenaires adhérents. Cette structure a pour objectif la création d’études et la mise en place de dialogue avec les grands acteurs de la Métropole.

19

« Les questions importantes de la prostitution et de l’extrême pauvreté n’ont pas été évoquées car elles dépassent le strict cadre de cette étude du bois ».

20

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Superposition des nouvelles orientations pour le bois de Vincennes avec le schéma directeur de l’APUR issu de l’étude de 2009.

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Si « l’incertitude est le moteur, l’ombre est la source. »22


Manifeste... Pour penser demain, il faut avant tout définir la philosophie contemporaine du bois. On ne peut pas simplement faire un inventaire des points positifs et négatifs qui attestent de l’aspect contrasté du bois. Par le paysage, il est possible de mettre en lumière un esprit moderne tourné vers le bien commun et la diversité, tout en l’ancrant dans un patrimoine forestier. Recherche pour un nouveau récit du bois de Vincennes qui insiste sur une identité qui lui est propre ; ce n’est plus un équipement, ce n’est plus une mesure compensatoire «verte» des conséquences de l’urbanisation, ce n’est plus le tribut d’un besoin citadin. Il faut défendre la part du bois dans son contexte, la part du paysage. En portant son attention sur l’intimité des lieux, on trouve un habité qui se décline sous différentes formes. Le bois de Vincennes est une composition hétéroclite à l’image de toutes les forêts. Foucault disait des forêts qu’elles sont le lieu de la réinvention «Là où le désordre fait scintiller les fragments d’un grand nombre d’ordres possibles »21. Un désordre qui n’est pas «à régler», qui n’est pas à déplorer, ni à agencer sur le court terme. Des contrastes qu’il faut simplement regarder en face pour ensuite sentir le corps du bois et trouver la matière qui permettra d’éliminer les choses asphyxiantes, oppressantes, qui n’y ont pas leur place. Il est à la fois nécessaire pour certains espaces de mettre en place une politique ambitieuse pour retrouver le paysage du bois, tandis qu’en d’autres endroits il suffirait de peu pour suggérer une nature riche de diversité. Le bois de Vincennes participerait alors à affirmer un nouveau rapport au monde autour d’un enchevêtrement « d’êtres multiples ». Partir à la découverte d’un dialogue avec la nature sur un territoire fait de traces éphémères. Un bien commun qui efface la privatisation et qui s’affirme comme lieu des possibles. Il n’y a presque plus d’enclos. Le récit se fait dans le contraste d’un bois ouvert à tous, sans usages spécifiques, conservant cependant les entités qui témoignent de l’Histoire du bois, tout en offrant un rapport au vivant évident dans un clair-obscur caractéristique. On cherche à marquer la préséance du vivant sur la forme, on suggère des usages capables de souplesse dans leur devenir. De la réserve de chasse, puis militaire, à la vision hygiéniste du XIXe siècle, le bois est principalement tournée aujourd’hui vers les loisirs de plein air et le sport. La suite de l’histoire est à écrire. Affirmer la vitalité du bois et son autonomie d’action. Changer de forme en changeant avant tout de paradigme.

« Le corps Utopique - les Hétérotopies », Michel Foucault. « Un point commun avec la Dérive et la psychogéographie des situationnistes : il ne s’agit pas de bouleverser ce monde (pas en premier lieu, en tout cas), mais déjà de le parcourir pour en faire émerger les espaces de signifiance condensée. C’est la douceur des utopies basculée dans le réel, avec son lot de contre-utopies uniformes (prisons, clubs de vacances), mais aussi de possibles, de fenêtres démultipliées. » Lémi & Ubifaciunt, extrait d’article sur www.1nfo.net. 21

Citation de Philippe Jaccottet, extraite de La Semaison, Carnets de poésie

22

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Enjeux pour un bois contemporain Dans cette quête de préservation de ce qui fait l’identité du bois de Vincennes, il semble nécessaire d’introduire les propositions de projet par la conclusion qui résulte de l’analyse. L’Inspiration et l’Exploration auront mis en lumière les grands enjeux qui permettront de projeter un nouveau paysage. Ils sont résumés en cinq points :

• Étendre l’influence du bois • Retrouver un cœur forestier • Épaissir les lisières • Retrouver des accroches fortes au contexte • Affirmer les liaisons et circulations principales

Ces «enjeux-objectifs» vont permettre de cibler les lieux d’intervention prioritaire et de proposer différents scénarios possibles d’évolution du bois dans un temps long. Pour affirmer l’intégrité du bois il fallait, selon moi, allier toutes les connaissances de terrain, sous toutes leurs formes, à une pensée manifeste qui reprend les idées suivantes : la préséance du vivant sur la forme, l’autonomie d’action, le bien commun, la diversité, les contrastes, le patrimoine et surtout la part du paysage au milieu de toutes ces orientations qui serviront de guide pour la suite. Dans l’idée d’un temps de projet qui s’adapte à celui des arbres, il me semble pertinent de penser cette échelle selon trois types d’actions qui rythmeront les changements progressifs qui s’opéreront au sien du bois. L’infiltration. L’infusion. La diffusion. Sorte d’expérience aux allures alchimiques qui permettra de pérenniser l’ancrage du bois tout en acceptant une mouvance, une fluctuation, une possibilité de changement... Orienter alors les interventions autour de la question des chemins, des traces et des lisières semble intéressant car ceux-ci possèdent dans leur essence même cette capacité à servir un dessein de paysage en mouvement.

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Comment faire le récit de l’identité du bois ? Comment trouver une homogénéité tout en conservant une diversité d’usages ? Comment raviver l’esprit du lieu et affirmer le caractère unique du bois sans l’ériger au rang de monument ? Quelles formes de parcours y trouve-t-on ? Quelles sont les accroches alentours qui vont permettre de diffuser la figure du bois ?

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Retrouver le chemin d’un bois commun

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Partie 3 - PROJECTION : retrouver le chemin d’un bois commun

Infiltration - territoires explorés par les racines du bois Les champs d’exploration qu’offre le bois de Vincennes se déploient ici et alentour. Ses racines, patrimoniales, géographiques, sociales, sont la plupart du temps invisibles et pourtant elles demeurent le fondement de son identité. Son accroche au territoire, sol, sous-sol, riches et vivants. Pour exprimer avec force la présence du bois, la solidité de son ancrage, il faut déterminer les accroches fixes qui vont maintenir la figure en place tout en permettant au fil du temps de disposer dune certaine souplesse dans les aménagements futurs ; trouver des moyens pour adapter certains lieux du bois en fonction de leurs vocations du moment, tout en maintenant la cohérence générale. Les accroches sont ici présentées en trois volets. Le premier volet concerne l’implantation géographique et urbaine du bois : retrouver la vallée de la Marne et expliciter la position du bois en surplomb, aujourd’hui mise à mal principalement par les infrastructures routières ; retrouver aussi un dialogue avec la densité urbaine alentour dans la déclinaison de lieux décisifs, autour d’un vocabulaire d’aménagement qui leur serait commun. Ces lieux peuvent être des parcs, des places, certaines rues ou encore les alentours des stations de transports en commun qui permettent l’accès au bois. En somme, des espaces publics déjà existants qui ont le potentiel pour lier les centres urbains au bois et dire le bois comme faisant, d’une certaine manière, partie de la ville. Les secondes accroches sont internes au bois et touchent au système de concessions et de gestions expliqué précédemment. Une des richesse du bois demeure dans la mixité entre espaces étanches à ce qui les entoure et espaces plus ambiguës, mouvants. Plutôt que de fragmenter le bois, les concessions peuvent servir de points d’accroches pour l’ancrage du bois. Certaines influencées par le phénomène d’infiltration, d’autres y restant hermétiques, comme les structures miliaires par exemple. L’entre-deux créé par ces concessions constitue la dernière accroche. Que ce soit les lisières, à grande et petite échelle, les chemins et les circulations, entre couvert et découvert, il faut qualifier et reconnaitre ces «intermédiaires » comme des milieux à part entière. Faire vivre les lisières, les traces, les chemins.

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Infiltration : n, f - Pénétration d’une substance liquide à travers les interstices d’un corps solide ou d’une sérosité d’origine organique dans le tissu cellulaire. Pénétration furtive, dans un pays ou une communauté, d’éléments étrangers ou plus simplement pénétration lente.

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Présentées dans les pages qui suivent, ces accroches seront les points de départ de « l’infiltration », du projet de paysage  : l’idée que le bois est un bien commun inaliénable se propage. On cherche une cohérence d’ensemble sans provoquer une homogénéisation ; le bois joue de ses contrastes, entre une continuité d’espaces publics et des lieux privés imperméables à l’infiltration. On infuse des grands ensembles d’ambiances, des usages possibles, surtout dans le dessin des lisières ; des bords plus qualifiés ne permettent-ils pas de laisser deviner des intérieurs ? On diffuse finalement une figure du bois plus sûre pour l’expansion de son modèle. On hiérarchise, on décline les liaisons, les parcours qui permettent de longer, de traverser, de comprendre la richesse et la diversité des espaces. On donne aussi une épaisseur à ces lignes, ces chemins par la scénarisation de leurs lisières. Première étape, une infiltration qui permet de tester la solidité de l’ancrage du bois, en s’arrimant à des accroches fixes qui prennent en compte des paramètres géographiques et urbains. Petit à petit l’infiltration s’immisce. D’abord le long des routes et chemins, puis dans les espaces ouverts comme les plaines de sport, puis dans les espaces clos et privés qui sont finalement eux aussi impactés. Ce sont les étapes du projet, caractérisées par différents lieux d’intervention, qui vont affirmer l’ancrage du bois. L’infiltration se fait dans ce qui est pratiqué, parcouru, au fil des chemins, des routes, des voies fermées à la circulation mais toujours en enrobé… en suivant les traces, les empreintes laissées par les passages fréquents.

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Étape 1 : les circulations, premières images du bois perçues par les usagers, qui sont parfois à repenser. 103103

Seconde étape : le foncier ouvert à tous, en dehors du couvert boisé, les clairières qui peuvent avoir plusieurs vocations et usages.

Dernière étape : le foncier privé qui peut être influencé par l’infiltration, en repensant ses limites de manière à intégrer ce qui l’entoure ou en y restant totalement hermétique.

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Les accroches géographiques et urbaines du bois

Parc Jean Moulin les Guilands

Cimetière du Père Lachaise

Parc des Beaumonts

Place de la Nation Parc des Epivans

2.

Parc de Bercy 1.

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Station de desserte de transports en commun Parc ou espace public voisin du bois Principale accroche au relief Principale pénétrante urbaine dans le bois

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Principale accroche géographique : la Marne et son relief, aujourd’hui peu lisible et visible. Principales accroches urbaines : les entrées dans le bois, les espaces publics... Depuis Paris : entrée par la porte Dorée, proche du boulevard des maréchaux et du périphérique, avec comme principaux équipements la pelouse de Reuilly et le zoo de Vincennes. Depuis Vincennes : le château dans l’axe de l’allée royale Depuis Joinville-lepont : franchissement de l’A4 pour entrer dans le bois en passant par l’école du Breuil et l’Arboretum.


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Du bois de Vincennes (A) vers la Marne (A’) : coupe qui montre la descente du coteau boisé jusqu’à St Maurice, le passage de l’autoroute A4 et l’arrivée sur les berges de la Marne

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Inventaires des accroches entre le tissu urbain et l’entité «bois». 2.

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Espace public du bois Espace « semi-public » du bois Principale voie d’accès au bois

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Les accroches internes au bois, concessions et circulations

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Concessions à vocation pédagogique ou de collection à conserver Concession impactée par « l’infiltration » Concession hermétique à « l’infiltration » Lisières et chemins principaux de l’infiltration Axe routier permanent Route du bois à repenser

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Les accroches internes au bois : certains lieux restent hermétiques à l’infiltration, d’autres s’assouplissent. La partie centrale s’assouplit dans les plaines ouvertes, le long de la route de la Pyramide. Certaines traversées et lisières entre ville et bois deviennent moins frontales. Les zones hermétiques viennent en contre-point, rappel du clair-obscur, des contrastes qui font l’identité du bois.


Inventaire des circulations, à l’intérieur et en périphérie du bois.

Routes à forte fréquentation ; couloirs de verdure qui obstruent totalement la vue sur ce qui se passe de part et d’autre de la route. À repenser pour une traversé douce qui ne soit pas une coupure au sein du bois.

Anciennes routes fermées à la circulation où on a conservé l’enrobé et qui servent aujourd’hui de desserte ponctuelle pour l’entretien, ou de piste pour les cyclistes.

Larges chemins en sable stabilisé qui dessinent les principaux axes de promenades et de liaisons entre les espaces du bois. Souvent doublés d’une piste équestre en sable.

Étroits chemins ou traces du passage régulier d’hommes ou d’animaux. Leur marquage au sol et leur entretien sont assurés par le piétinement qui tassent le sol et empêche la repousse.

Routes ouvertes à la ciruclation Routes fermées à la circulation mais toujours en enrobé Principaux chemins en stabilisé Territoire des traces et chemins au tracé aléatoire

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Partie 3 - PROJECTION : retrouver le chemin d’un bois commun

Infusion - préséance du vivant et des usages sur la forme Par l’infiltration, on a finalement identifié les lieux de possibles ; ceux qui seront moteurs pour porter l’esprit du bois. L’infusion va amener à penser que les corps vivants qui constituent le bois peuvent entrer en résonance les uns avec les autres. C’est cette action qui va permettre au bois, dans son originalité, de retrouver, de constituer son unité de temps et de lieu. Au-delà des composantes spatiales caractéristiques, retrouver une cohérence pour le bois se fait avant tout en pensant des grands ensembles d’ambiances et des usages adaptés. Afficher une typologie d’espaces claire alimentant la palette de diversité du bois. Pour autant, il ne faut pas figer les choses avec un nouveau plan d’ensemble qui catégorise et n’autorise pas dans le temps une souplesse d’aménagements acceptant la mouvance du vivant. Il faut apporter des solutions qui s’inscrivent dans une échelle territoriale et définissent des entités avec des caractéristiques communes et des déclinaisons d’usages adaptées. J’ai défini cinq grandes entités, une centrale qui illustre le cœur du bois, et quatre autres qui forment les lisières « tampons » entre ville et bois. Ces dernières ne possèdent pas le même caractère en fonction de l’identité du tissu urbain et des usages de proximité que le bois propose. On ne gère pas le bois ; on le vit. Il faut prévoir le caractère changeant des équipements, des lisières, des bois… Un projet qui évidemment nécessite de se poser la question du foncier en termes d’espace mais aussi d’un point de vue économique, dans l’entretien et les moyens disponibles. La recherche d’une démarche pérenne pour le bois de Vincennes ne se fait donc pas par la recherche d’une forme. Même s’il faut bien-sûr donner des repères, ne pas rester dans une pensée théorique abstraite. Les grands ensembles d’ambiances définis précédemment imposent tout de même des surfaces, des lieux. Des espaces avec des limites qui ne sont pas des simples traits, des chemins qui bordent, mais des lisières dont l’échelle et l’épaisseur peuvent être variables. On trouve une limite naturelle du site au Sud avec la Marne couplée aux infrastructures routières. Le Nord, l’Est et l’Ouest du bois sont limités par la densité urbaine ; on trouve des limites internes au bois qui se constatent par un changement d’ambiances, d’usages.

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Infusion : n, f - Opération consistant à laisser infuser plus ou moins longtemps des substances dans un liquide afin d’en extraire les principes solubles. Action de verser dans quelque chose ou de répandre sur quelque chose. Pénétration dans l’esprit et dans l’âme.

109


2. 1.

3.

1.

5.

4.

N

L’infusion permet de dégager des ensembles qui peuvent être cohérents en termes d’ambiances et d’usages, tout en possédant chacun leur spécificité. 1. L’interface avec Paris dont le caractère est hérité des remaniements d’Alphand avec les lacs Daumesnil et de St Mandé. Déclinaison autour d’un parc boisé qui fait tampon avec Paris. C’est déjà l’ambiance que l’on trouve aujourd’hui mais elle reste à affirmer, à conforter. 2. Au Nord, une lisière qui serait plus jardinée, où on percevrait la continuité entre le jardin des maisons qui longent le bois et la lisère même du bois, par une mise en recul du boisement qui aujourd’hui fait front de façon brutale. Peut-être un espace planté partagé. 3. Au centre, un cœur forestier à réaffirmer. Un refuge fait de clairières et de bosquets plus ou moins denses. La route de la Pyramide et ses équipements en font partie mais par des traversées et des continuités plus nombreuses, on annule l’effet de fracture qu’elle provoque aujourd’hui. 4. Au sud-Est, l’entrée par Joinville-le-Pont, aujourd’hui marquée par l’autoroute A4 mais demain une entrée nouvellement scénarisée qui profiterait d’un passage par l’Arboretum et l’école du Breuil. Elle s’appuierait sur la création de circulations nouvelles, plantées, et des continuités devenues évidentes depuis la rue jusqu’au bois. 5. Au Sud, une rive «naturelle», une lisière plus sauvage qui vient s’accrocher à la Marne et qui fait le récit de la géographie du site : par des vues ouvertes sur le lointain et des chemins dont les lisières sont moins dégagées de la strate arbustive et herbacée. 110


1.

Interface avec Paris

2.

Lisière jardinée

3.

Cœur  « forestier »

4.

Interface Joinville

5.

Rive  «naturelle »

111


N

On affirme la transversale entre Paris et Joinville : deux pénétrantes urbaines dans le bois, pour l’infusion du bois de Vincennes dans toute sa diversité. Au Nord et au Sud, on invite le bois à la diffusion : au Nord avec une continuité d’espaces interne au tissu urbain. Au sud avec des accroches à la Marne plus nombreuses et plus évidentes.

112


N

Lignes aux formes organiques qui s’inspirent de la topographie et des principaux points de tensions en termes de frÊquentation et de passage.

113


114


N

Intérieur - Dessin autour de la route de la Pyramide pour la réorientation des clairières et la définition de nouvelles traversées parallèles à la Marne (écho au schéma d ‘orientation de projet de l’APUR).

Lisières - Articulations des interfaces autour du cœur du Bois

N

Premières esquisses d’intention, accroches et circulations principales, différentes ambiances traversées ...

115


1.

2. 3.

Pour l’infusion d’une forme plus pérenne du bois, entre un régime de concessions repensé, des milieux affirmés et des circulations reprofilées. Principaux points d’infusion ; les accroches entre les différents milieux Principaux axes de circulation douce Zones reboisées Clairières réorientées à usages mixtes Concessions ; emprise redéfinies et barrières plus transparentes


9.

10.

8. 7.

7.

6.

4.

5.

N

Échelle 1/10 000e


La mise en perspective de l’ensemble des cinq entités présentées précédemment met en évidence des zones de friction, des entre-deux, des lisères qu’il faut exprimer de manière plus franche. C’est ce que l’esquisse de projet (cf pages précédente et ci-contre) tente de montrer en marquant les points les plus importants et les circulations qu’il serait bon de créer ou de mettre en avant. Un plan de projet qui parle du traitement des concessions, des milieux et des circulations. Une infusion de la forme du bois où l’on repense le régime foncier, où on affirme les milieux et où on redessine l’emprise des circulations. Certains espaces sont reboisés, principalement autour des clairières centrales, ce qui participe à redessiner leur emprise et à proposer une nouvelle échelle d’appropriation possible pour ces grands espaces découverts. Les clairières offriraient ainsi plus d’usages mixtes. En ce qui concerne le foncier privé, certaines concessions verront leurs emprises redéfinies avec avant toute chose la mise en place de barrières plus transparentes. La figure de l’infusion permet d’identifier les lieux où il nécessaire d’intervenir en priorité, de manière parfois subtile ou à travers des propositions de plus grandes ampleurs.

118


9.

10. 8.

1.

7.

7.

2.

6.

3.

5.

4.

1.

Pelouse de Reuilly. Accueille des évènements ponctuels. Abords du lac Daumesnil et réseau hydraulique rénové. Plantation pour de grands arbres d’ombre, isolés ou en groupe.

2.

Entrée entre Saint-Maurice et le bois plus piétonne ; mise en recul du bois qui ne fait plus front à la première ligne d’habitations.

3.

Route de Gravelle. Devient une impasse au niveau de la fin de la rue du docteur Decorse ; parking.

4.

Connexions avec la Marne assurées par des ouvertures qui font belvédères. Passerelle existante re-scénarisée et création d’une nouvelle plus à l’Ouest. Ancienne route en enrobé ponctuellement gardée pour des terrains de jeux.

5.

Recouvrement d’une partie des voies pour accentuer les entrées entre Joinville-lePont et le bois. Continuité d’aménagements entre le tissu urbain et ces entrées nouvellement qualifiées ; création d’une passerelle sur le parvis du RER pour un lien direct entre place et bois

8.

Nouvelle entrée pour le stade Pershing qui n’est plus desservi par la route de la Pyramide. L’INSEP est pensé en deux parties qui permettent au public et habitants du campus de traverser.

9.

6.

Hippodrome en lien avec la ferme de Paris. Multiplication des entrées. Plaine centrale utilisée pour des évènements, festivals, conférences, ... Réserve naturelle au Nord, boisée plus densément.

Nouvelle entrée pour la Cartoucherie, dans l’axe du lac des Minimes.

10. Mise en recul du boisement au niveau

7.

Réorientation des clairières qui sont toujours des plaines de jeux mais avec des traversées qui leur donnent de nouvelles proportions. Possibles assises linéaires en bois le long des lisières forestières.

des entrées en ville du côté de Nogent. Continuités plantées sur les axes routiers. On donne un caractère plus résidentiel à la rue qui longe le bois ; tenter de profiler une continuité entre jardin et lisière du bois.

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Partie 3 - PROJECTION : retrouver le chemin d’un bois commun

Diffusion - affirmer les liaisons par des traces et chemins L’infusion arrivée à maturation, la phase de diffusion peut commencer. C’est elle qui va permettre l’affirmation du modèle et de son influence, par le dessin précis des chemins et de leurs lisières. Ceux-ci vont permettre de trouver des liaison physiquement signalées entre ville et bois ou entre les différentes ambiances et usages proposés au sein du bois même. À l’orée et à l’intérieur du bois, on trouve des chemins et des lieux singuliers qui peuvent raconter le passage d’un point clairement identifié, nommé, à un autre, d’une ambiance à une autre. Certains parcours permettent de traverser la totalité du bois ; on suit le dessin des courbes topographique, parallèles au fleuve. Un des nouveaux axes principalement structurant dessine une liaison claire entre Paris depuis le Lac Daumesnil jusqu’aux bords de Marne de Joinville-le-Oont. Ces nouvelles propositions de parcours permettent de réintégrer la dimension géographique à la découverte du bois ; la Marne fait partie intégrante de son identité. On trouve aussi nouvellement des sentes perpendiculaires au coteau qui font le lien direct entre le bois, Saint-Maurice, la Marne en empruntant des passerelles qui permettent de franchir les infrastructures routières. Certains espaces publics, certaines articulations stratégiques, permettent de dessiner les passages entre ville et bois ; reliés les uns aux autres, ils tracent aussi de nouveaux parcours. La mise en valeur de ces «articulations», de ces entrées, se fait principalement par la scénarisation de leurs lisières. On s’appuie alors sur les grandes entités de lisières présentées précédemment. Je pense que l’affirmation de la forme du bois se joue surtout sur les bords. Les lisières forment des milieux à fort potentiel pour une expérience du site riche et avec une dynamique suffisamment forte pour affirmer leur présence. Ces entre-deux sont des lieux à part entière qui, par leur caractère même, sont riches sur plusieurs plans : du point de vue de la biodiversité puisque les lisières font la jonction entre deux ou plusieurs milieux différents, mais également dans le sentiment de liberté qu’elles évoquent ; elles semblent moins déterminées, parfois plus floues, donc naturellement plus portées à la souplesse. La diffusion traite finalement des lieux qui vont permettent d’étendre la figure du bois aux alentours. La rive Sud-Est du bois de Vincennes (entre Nogent, Joinville-lepont et Saint-Maurice) me semblait la plus déterminante, la plus prioritaire, notamment dans la nécessité d’avoir des accroches évidentes à la Marne.

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Diffusion : n,f - Action de se répandre de façon uniforme ; résultat de cette action. Phénomène par lequel deux ou plusieurs fluides en contact acquièrent une répartition et des propriétés homogènes. Changement de direction et d’énergie des particules en mouvement par collision avec des noyaux. Action de propager une idée, des connaissances, des techniques ou de distribuer un bien dans un large public et résultat de cette action.

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Pour illustrer concrètement mon projet pour le bois de Vincennes, j’ai fait le choix de détailler trois entrées situées au niveau de la rive Sud-Est ; celles-ci semblent pertinentes pour initier un renouveau global, elles permettent d’aborder différents sujets, tant dans le choix des matériaux et revêtements possibles, dans le choix des végétaux et de leur gestion, que dans le nouveau statut donné à certaines voies de circulation. 1. Une entrée jardinée entre Nogent et la rive Est du bois. Je propose assez simplement une mise en recul du boisement qui ne fait plus directement front au tissu pavillonnaire qui longe le bois, laissant ainsi la possibilité d’une continuité franche entre jardins et lisière. Les routes qui entrent dans la ville seraient elles plantées, pour assurer l’infiltration du boisement dans le tissu urbain. 2. Retrouver une continuité entre Joinville-le-Pont et le bois : les principales interventions se situent sur la route qui longe le bois. On ralentit le trafic par la mise en place d’une bande plantée centrale continue sur la chaussée ; on créé des traversées piétonnes plus nombreuses dans l’axe des rues adjacentes. En ce qui concerne l’accès au RER, la création d’une passerelle reliant le parvis du RER directement au bois permettrait d’assurer une nouvelle connexion entre bras de Marne et bois. Il est également envisageable d’élargir la couverture de l’A4 pour donner de plus justes proportions aux entrées dans le bois. On interdit l’accès aux voitures sur la route de Gravelle qui devient alors une entrée de promenade privilégiée, longeant le fort de Vincennes. On circule toujours sur la route de la Pyramide mais, petit à petit, le trafic est réduit et le stationnement rendu impossible. 3. Retrouver des liaisons entre Marne et bois de Vincennes : par des ouvertures dans le massif boisé du coteau permettant la création de points de vue sur le grand paysage. Rendre surtout plus évident l’accès aux passerelles qui permettent de rejoindre les bords de Marne.

Continuité entre jardin et lisière du bois

1.

122

Une entrée jardinée entre Nogent et la rive Est du Bois de Vincennes

Entrée boisée en ville


Vue sur la route qui longe le bois du côté de Joinville-le-Pont

2.

Retrouver une continuité entre ville et bois du côté de Joinville-le-Pont

Nouvelle passerelle entre le RER de Joinville qui enjambe les rails et ouvre une nouvelle entrée dans le bois

Point de vue ouvert

Ancienne route de Gravelle

Rue du Maréchal Leclerc

3.

Retrouver des points de liaisons entre Marne et bois de Vincennes

Rue du Maréchal Leclerc

Passerelle des Charentonneau

Coupes du coteau boisé

123


Les circulations à l’échelle du bois sont repensées pour progressivement limiter la place de la voiture au cœur du bois. Les routes interdites à la circulation mais toujours en enrobé servent de desserte pour les concessions intra-bois comme le Parc Floral, l’INSEP ou la Cartoucherie. Le profil des routes comme celle de la Pyramide est revu pour marquer de plus nombreuses et évidentes traversées piétonnes, ainsi que pour empêcher le stationnement. Des espaces de parking seront donc à définir. Les villes riveraines sont toujours reliées entre elles par les routes qui marquent le pourtour du bois, la lisière la plus extérieure. Celles-ci sont donc scénarisées en conséquence, faisant, comme pour Nogent, la continuité entre jardins et entrées dans le bois. Certaines rues se terminent en impasse, forçant les usagers à adopter une autre approche de toute la rive Sud du bois et permettant ainsi de mieux valoriser le rapport à la vallée de la Marne.

Nouveau profil de route de la Pyramide, sans stationnement et bande plantée centrale.

124

Des traversées piétonne de la route de la Pyramide, scénarisée par un revêtement différent.


N

Route qui se termine en impasse Axes au trafic réduit et/ou reservés à la desserte des infrastructures Route encore en enrobé Territoire des traces et chemins Chemin en stabilisé Route

125


Depuis la porte Dorée jusqu’à Joinville-le-Pont et la Marne, on chemine le long d’une traversée forestière devenue principale et qui permet de traverser les différentes ambiances qu’abrite le bois de Vincennes ; un nouveau récit. Depuis Paris, la porte Dorée et ses palmiers raides, alignés, on entraperçoit le lac Daumesnil, miroir dans lequel le ciel se reflète et qui offre une ouverture sur un parc boisé aux arbres assez épars. Les pieds des pins sont dégagés. Contraste avec un bois qui se densifie subitement dès que l’on s’éloigne. L’horizon se perd dans une suite de lignes verticales. Quelques lointaines clairières dessinent des rais de lumière parfois surprenants. Troncs sombres et découpage lumineux des ombres du feuillage sur le sol. On quitte les grands chemins pour d’autres, toujours plus sinueux, plus étroits. Les repères se font plus ponctuels ; le pied des troncs se densifie d’arbustes et d’herbacées.

Lac Daumesnil Lisière aux allures sauvages

Bois densément peuplé Porte Dorée

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Chemins étroits et sinueux


Le bois fait front dans ses lisières intérieures. Respiration ; ouverture soudaine ; l’allée Royale et au loin le pavillon du château de Vincennes qui vient clore la perspective. Des allées d’arbres plantés régulièrement cadrent les grands chemins. Il reste cependant toujours possible de s’en extraire pour retrouver l’ombre d’un bois qui se fait à nouveau dense. Nouvelle surprise lorsque l’on débouche sur la rive sud du bois où cette fois-ci s’ouvre une large vue sur le lointain, la ville et la descente du coteau vers la Marne que l’on ne distingue pas toujours mais que l’on pressent. Le bois devient infini dans ce regard sur le lointain où il vient faire corps avec ce qui l’entoure, ce qui l’enserre. Le chemin suit ensuite une descente douce pour rejoindre la ville ; les ombres changent se faisant plus figées. On poursuit l’exploration vers la rue.

Allée royale

Descente du coteau

Vers la rue... Belvédère sur la Marne

127


Le bois de Vincennes, bien commun de la métropole parisienne. Le projet de paysage pour le bois de Vincennes conjugue deux approches, entre site « touché de près », expérimenté, et site rêvé. Une démarche qui se fait dans une observation active, qui ne cherche pas une vérité universelle ou une forme absolue. On ne cherche pas à atteindre un état idéal mais bien à affirmer ce que l’on trouve déjà et mettant de coté certaines infrastructures qui nuisent à cette image potentielle. Ce sont avant tout nos images mentales qui rendent actif le paysage. L’esprit du bois est fédéré par l’idée qu’il représente un des rares lieux, proche de Paris, où l’on peut faire l’expérience du vivant, dans toute la diversité et les contrastes forts qu’il propose. Un bois urbain qui nous fait redécouvrir un rapport fertile au paysage, le poids de la terre, et nous invite à «l’élévation» avec la verticalité de sa composante principale, les arbres. Le territoire du bois s’ouvre à une exploration libre et spontanée, assuré de sa pérennité par l’affirmation de sa qualité de bien commun fédérateur, unique et fondamental pour la métropole parisienne.

« Sur les sentiers éveillés Sur les routes déployées Sur les places qui débordent J’écris ton nom. »23

Extrait du poème « Liberté » de Paul Eluard. Au rendez-vous allemand (1945, Les Éditions de Minuit). 23

128


129


Bibliographie Ouvrages : • ADNAN Etel, Saisons, Éditions Manuella, 2008, 99 p. • AUGÉ Marc, Non-lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Seuil, « La librairie du XXIe siècle», 1992, 160 p. •B ACHELARD Gaston, La poétique de l’espace, Paris, Éditions Quadrige, Coll. Puf, 2012, 215  p. • BERQUE Augustin, Ecoumène - Introduction à l’étude des milieux humains, Paris, Éditions Belin, Collection Mappemonde, 2000, 275 p. • BERTHO Raphaële, La mission photographique de la DATAR - Un laboratoire du paysage contemporain, Paris, Éditions La Documentation française, 2013, 162 p. • CLÉMENT Gilles, Le jardin en mouvement, de la vallée au jardin planétaire, Éditions Sens & Tonka, 2007, 307 p. • CLÉMENT Gilles, Thomas et le Voyageur, Paris, Éditions Albin Michel, 1997, 279 p. • CONTAL Marie-Hélène (ouvrage collectif), Ré-enchanter le monde, L’architecture et la ville face aux grandes transitions, Éditions Gallimard, Collection Manifesto, 2014, 157 p. • DEPARDON Raymond, Errance, Paris, Éditions Seuil, 2000, 182 p. • DEREX Jean-Michel, Histoire du bois de Vincennes, La forêt du roi et le bois du peuple de Paris, Paris, Éditions L’Harmattan, 1997, 280 p. • DEREX Jean-Michel, La mémoire des forêts - À la découverte des traces de l’activité humaine en forêt à travers les siècles, Paris, Éditions Ulmer, 2013, 157 p. • DIFFRE Ph. , POMEROL Ch., Paris et environs - Les roches, l’eau et les hommes, Paris, Éditions Masson, Collection Guides géologiques régionaux, 1979, 171 p. • FOUCAULT Michel, Le corps utopique, les hétérotopies, Éditions Ligne, 2009, 61 p. • HANDKE Peter, Essai sur le fou de champignons - Une histoire en soi, Berlin, Éditions Gallimard, 2013, 144 p. •P EREC Georges, Espèces d’espaces, Paris, Éditions Galilée, Coll. L’espace Critique, 2000, 187 p. • ROGER Alain, Court traité du paysage, Éditions Gallimard, Bibliothèque des Sciences humaines, 1997, 191 p. • ROUSSEAU Jean-Jacques, Les rêveries d’un promeneur solitaire, Paris, Éditions Gallimard, Collection folio classique, 1972, 332 p. • SANSOT Pierre, La marginalité urbaine, Paris, Éditions Payot et Rivages, Collection dirigée par Lidia Breda, 2017, 123 p. • SANSOT Pierre, Poétique de la ville, Paris, Éditions Klincksieck, 1973, 420 p. • STEGASSY Ruth, Le goût du sauvage, une vie de complicité avec la nature, Paris, Éditions Actes Sud, 2015, 136 p. •V ASSET Philippe, Un livre blanc, Paris, Éditions Fayard, Coll. Rentrée Littéraire, 2007, 137 p. Émissions radiophoniques : •G ESBERT Olivia, « La nature politique de Bruno Latour », LA GRANDE TABLE (2e partie), Paris, France Culture, 09/10/2017, 33 min. •B ROUÉ Caroline, «La forêt des délaissés : l’enjeu politique des terrains vagues.» LA GRANDE TABLE (2e partie), Paris, France Culture, 21/12/2011, 84 min. • MARTIN Nicolas, «Monde végétal : une intelligence en germe», LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE, Paris, France Culture, 22/01/2018, 58 min.

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Films, courts-métrages, conférences : • CHAPLAIS Hervé, « Rurals ou la convergence des rustres. Une autre histoire du rural et de l’urbain », Conférence gesticulée, 120 min. • Hallé Francis, « Poétique du végétal en milieu urbain », Plaidoyer pour l’arbre en ville, Colloque, novembre 2012, Comédie de Reims. • LINHART Virginie, Vincennes l’université perdue, 2016, 96 min. • ROUDIL Marc-Antoine, BRUNEAU Sophie, Arbres, 2002, 47 min • SIMON Claire, Le bois dont les rêves sont faits, 2016, 144 min. • WEERASETHAKUL Apichatpong, Cemetery of splendour, 2015, 122 min. Articles : •A BGRALL Jean-François, «La tornade de décembre 1999, risques sanitaires et stratégies de gestion», Conséquences prévisibles des tempêtes sur les composantes biotiques des écosystèmes forestiers gestion de leur dynamique, Paris, Dossier de l’environnement de l’INRA n°20, 2000, 26 p. •D UBOIS Jean-Jacques, « Les forêts urbaines et péri-urbaines : des modèles à réinventer ? », Bulletin de l’Association de géographes français, 77e année, 2000-2, La nature en ville. L’eau dans les milieux arides et semi-arides, sous la direction de Isabelle Roussel et Brigitte Coque. pp. 175-188. • ENSP, Les Carnets du paysage (n° 27, 31) Archéologies, Sacré, Actes Sud, 2017. •G RESILLON Etienne, AMAT Jean-Paul et TIBAUT Aurélie, Les « sans domicile fixe » du bois de Vincennes : une précarité dans des espaces de durabilité, Géocarrefour, vol. 89/4 | 2014, 261-269. • JANIN Claude et ANDRES Lauren, «Les friches : espaces en marge ou marges de manœuvre pour l’aménagement des territoires ?», Annales de géographie, 2008/5 (n° 663), Éditions Armand Colin, 138 p. •M ARTELLA Marco, ouvrage collectif, Revue Jardins (n°1), « Le génie du lieu », Éditions du Sandre, 2010, 132 p. Études et Diplômes : • APUR, « Propositions pour une schéma directeur du bois de Vincennes », Paris, 2009. • APUR, «Bois de Boulogne et de Vincennes, Orientations paysagères pour l’intégration des projets d’aires d’accueil des gens du voyage», Paris, 2011 • DESVIGNE Michel. « Épaissir les lisières », Pour, vol. 205-206, no 2, 2010, pp. 145-148. • SADO Jérome, « Images du bois de Vincennes ; un chemin entre-deux », TPE, ENSA de Paris la Villette, sous la direction d’Arnaud Laffage et de Brigitte Naviner, décembre 2006. Sites internet : • www.larevueeclair.org • www.onf.fr • www.villedurable.org • www.vincennes.plan-interactif.com

131


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Remerciements Il y a beaucoup de personnes de l’École du Paysage de Versailles que je souhaite remercier ; pour m’avoir écoutée, suivie, conseillée, pour avoir su m’ouvrir les chemins d’un travail de fin d’études questionnant les enseignements que j’ai suivis au sein de l’école mais aussi m’avoir permis de mieux définir mes envies futures. Au cours des derniers mois écoulés, le travail autour de mon mémoire m’a donné l’occasion de croiser de nombreuses personnes, habitants du bois de Vincennes et enseignants... Je tiens à les remercier chaleureusement, leur disponibilité, leur savoir et leurs conseils m’ont été précieux. Un grand merci à ma directrice d’études, Laurence ROBERT, pour son écoute, son accompagnement, ses encouragements et remises en perspective dans les grands moments de doute. Merci à Esther Salmona, Solène Leray, Michel Pena et Gilles Clément, pour avoir accepté de m’accorder un peu de leur temps pour discuter de mon sujet et me faire profiter de leur expérience. Merci également à l’équipe du bois de Vincennes et tout particulièrement à Éric Lamelot, pour avoir partagé avec moi leur connaissance du bois. Merci aux personnes croisées dans le bois et à ses abords pour m’avoir livré leurs visions, leurs doutes et leurs rêves quant au devenir de leur paysage familier. Et pour finir, un grand merci à l’ensemble de mes relecteurs, relectrices surtout, qui ont su comprendre mes intentions et m’accompagner avec bienveillance dans l’élaboration de ce travail : Michèle Broquin-Lacombe, Emmanuel Broquin-Lacombe, Morgane Jicquel, Hélène Lemadec, Marie Rougeot, Marie Montocchio, Mathilde Métral, Jean-Maxime Santuré, Katheleen Riquet, Lisa Fontanel, Elorri Etchegaray, Antoine Hibou Cwancig, Nicolas Cazabat, Mélissandre Phan, Toumi Omrane. Merci pour votre inépuisable enthousiasme tout au long de ce travail qui doit aussi au collectif et surtout au partage !

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