Essai sonographique

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G R A P H I Q U E

Mémoire de t roisième an n ée écrit par Pau lin e Broqu in - Lacombe É cole N at ion ale Su périeu re du Paysage de Versailles 2016- 2017


Avancer vers un potentiel paradigme qui s’appuie sur l’écoute de notre monde et du paysage ; chercher à ouvrir les portes à une écoute attentive. Que disent les sons de nos paysages traversés ? Qu’apportent nos oreilles à la démarche du paysagiste ?

La musicalité du monde comme outil du paysagiste pour construire la poésie d’un lieu.


S

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P rem ière approche dim ensionnelle. . . p. 21

Viser le paysag e dans sa spécificité perceptive. . . p. 29 • •

Le son, une form e de voyag e. . . p. 35

Le son, m arqueur d’ une époque. . . p. 41 •

Le pouvoir narratif du son. . . p. 49

Forcer l’ écoute, entendre sans voir. . . p. 61 • •

R

Un parallèle entre m usicalité et paysag e. . . p. 11 •

M

Écouter voir. . . p. 65

Voir sans être vu. . . p. 71

La marche, acte poétique, spirituel, qui nous relie au monde. . . p .7 7 •

La perception, base de la créativité. . . p. 81 •

Méthode de travail. . . p. 87 • •

Épilog ue. . . p. 98

B ibliog raphie. . . p. 100


Un parallèle entre musicalité et paysage.

C’est mon point de départ : une discussion dans un café qui me fait réaliser que j’entends le paysage comme j’entends une composition musicale. Tout est musique. De notre premier souffle jusqu’au dernier. Tout ce qui nous entoure et qu’on entend peut être posé en composition ; la musique bien sûr, telle qu’on l’entend classiquement, mais aussi les bruits de notre environnement qui se combinent pour créer une ambiance. Jusqu’ici je n’invente rien ; le field recording et la musique concrète existent déjà depuis longtemps.

Dans cette musicalité amb iante, qui sonnent à nos oreilles, p euv ent e ntrer en jeu nos autres sens : le goût , le touch er, l’od orat , la v ue. Mais mettons -les d e côté ; une écoute attentiv e se fait souv ent en fer mant les yeux, en s’isolant d u mond e. Pour tant , le caractère h égémonique d e la v ue ne p eut être mis en doute ; c’est elle qui nous maintient d ans le cad re d u réel. Par un regard on p eut rap id ement se p ositionner, connaître, reconnaître ce qui nous entoure; c’est le sens sur lequel nous nous ap p uyons le plus. La v ue d essine p rofond eurs et h or izons, marque contours et s ur faces. Elle est à la source d e la d éf inition même d u paysage ; en tant que v ue d ’ensemb le d ep uis un p oint d onné. 11


Mais se réd uire à l’asp ect v isuel d u paysage ne rend pas comp te d e l a comp lexité qu’il p rop ose ; d e la r ich esse qu’il v éh icule. Paysage et son, un paramètre souvent peu pris en compte dans la démarche de projet, de prospection, de projection. Faire par tie intégrante d u paysage et ne p lus se p oser comme s imp le ob ser vateur d ’un sp ectacle qui nous serait extér ieur. A ller à la rech erch e d ’un éch o intér ieur, sentir qu’on fait par tie d ’un tout , d u mond e, d u paysage. Ch erch er quel ‘sens’ nous englob e dans un ensemb le. O uv er ture v ers d e nouv eaux h or izons. Mélancolie,

Mise en concur rence d e la v ue et d e l’ouïe.

Une nuit se termine,

L’ouïe, sens p remier p uisque notre ap pareil aud itif fonctionne d éjà a vant même notre naissance. O n entend avant d e v oir. L’ouïe, d er nier sens à cap ituler au sommeil, et le p remier en action a u ré v eil.

Le point du jour approche avec certitude il vient. Il monte dans notre être comme une nappe de brouillard. Des doutes balayés d’un souffle frais qui annonce l’aurore. Un un un un un

instant instant instant instant instant

mélancolique, nostalgique, tragique, captivant, envoûtant.

S i la v ue s’accroch e au réel, l’écoute, elle, of f re b ien d ’autres p os s ib ilités p our saisir nos paysages par une mise en p ersp ectiv e dynamique. S’accrocher à des lieux et raconter leur histoire  ? Parler de la mémoire du lieu, du souvenir qui en subsiste entre l’activité nocturne et l’activité diurne. Les constats qu’on pourrait tirer de cette comparaison ; comme si la nuit, dans sa quiétude, digérait le temps du jour. Mouvement cyclique. É couter ; entend re p our le paysage. N otre oreille, cette b oîte à musique p er p étuelle. Le p ouv oir d e nous rep longer d ans d es espaces v écus alors qu’ils nous sont inv isib les. Les comp ositeurs classiques, D eb ussy et Wagner, concrétisent d e façon saisissante l’id ée d ’espaces et d e distances inf inies ; p our D eb ussy on p our ra p rend re l’exemp le d es «Rê v er ies». Dans le p rélud e d e Tr istan et Iseut d e Wagner, band e -or iginale d u fi lm Melanch olia d e Lars Von Tr ier, les v iolons et les cord es s’allient dans une v olup té grand iose, à l’ap p roch e d u p oint d u jour.

Ext ra i t d ’ u n ca r net , o c tob re 2 0 1 6

C h erch er l’ap p or t d ’une p rofond eur par un univ ers sonore décuplé ; source d ’un imaginaire où le son d e v ient l’h or izon d ’une v ie noctur ne. 13


PAYSAGE VU, MAIS AUSSI PAYSAGE PERÇU,

traversé,

conté, rêvé,

habité, partagé.

Paysage vécu.

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Penser une car tograp h ie sonore p eut-être ? Ch erch er le silence en par tant d u centre d ’une v ille p uis aller v ers sa p ér ip h ér ie ? C omment rend re comp te d e l’univ ers sonore d ’un lieu, d e son paysage intér ieur ? Ma volonté de développer cette question vient avant tout d’un besoin de définir ‘le paysage’ ; de faire des recherches dans ce sens là ; et de trouver des moyens d’appréhender cette question qui aideraient à en saisir tous les aspects. J’ai expérimenté différents travaux autour du son, à l’occasion d’ateliers d’arts plastiques (la peau, projection privée, assemblage...) à travers différents dispositifs, principalement des performances et vidéos. Je pense que mon envie est également alimentée par l’étude du canton de Rochefort en deuxième année pour laquelle nous avions proposé une expérience vidéo immersive : un regard tourné sur les marais. Si le médium du son m’est apparu comme une évidence à chacune de mes expériences, c’est qu’il propose une ouverture vers un champ de compréhension et de partage plus large qu’un simple objet figé ou une pièce contemplative. Ma sensibilité fait que je me retrouve difficilement dans la seule ‘réalité’ visuelle tandis qu’une immersion sonore rend pour moi palpable une émotion vibrante. Le son comme d ialecte univ ersel. Dégager d ’autres outils p our le paysagiste. Rend re par tageab les d es paysages trav ersés, écoutés. Le paysage sonore est, selon moi, une thématique capable de rassembler, de faire émerger des points de rencontre, de vie. Mon interrogation porte au départ sur le pouvoir du son à retranscrire une émotion, parler d’un lieu et dans quelle mesure. Parler d’un réel écouté, d’un imaginaire vaporeux planant. Quel pouvoir conférer au son ? Quel est le moment le plus propice à l’écoute ? Pour faire la d istinction entre une ap p roch e accroch ée au v isuel et une ap p roch e aud itiv e, je m’inter roge sur les analogies, sur l e ch oix d es ter mes à emp loyer p our créer d e l’image sans p our a utant en p rop oser une v ersion concrète. Déter miner un ch amp lexical ad ap té.

Des s i n d e J oh n C a ge , « No ta t i on - Sol i tu d e » 17


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P re m i è re ap p ro che d i m e ns i o nne l le .

S i on p rête p lus attention à l’écoute, on constate qu’elle p ossèd e des qualités d ’inter p rétation analytique. C omp rend re un espace : l’éch o, la spatialisation p er mettent d ’ap proch er un lieu d ans ses comp osantes arch itecturales. O n p eut as s e z facilement sav oir par exemp le si l’on se trouv e à l’extér ieur ou à l’intér ieur, selon une cer taine résonance. C omp rend re les comp or tements sociaux : l’éth nomusicologie p ermet d e faire émerger les rap p or ts qu’entretiennent sons/b r uits et s ociétés h umaines. Mettre en é v id ence les d if férences d e p ratiques d’ un b out d u mond e à l’autre ; var iations d e fond s sonores et d e s ignaux ; car tes p ostales sonores comme éch antillon d ’une am biance. Autre p otentialité : la d écomp osition d es d if férentes p lages so nores entend ues ; y p erce v oir d es r yth mes, d es constantes, d es basses, d es rép étitions, ... Comp rend re leurs p rov enances. Proposer une nouvelle écriture pour un lieu écouté ; et quels lieux ?

Photos d ’a rch ive I n a - d is p o s it f s s o n o re s C i -a va n t photo ex traite du film Mela n ch o lia d e La rs Vo n Trie r

À la manière d e ce que trad uit sur le pap ier une par tition, l’oreille e st capab le d e comp rend re, d ’écr ire ce qui l’entoure. 21


Mais ce qui semb le le p lus intéressant d ans ce p rocessus d ’écoute, c’est le p ouv oir imaginatif d e la « mach ine  » oreille -tympans ystème ner v eux-cer v eau.

Projection privée. Images intérieures. Synesthésie auditive.

Mêler le son et l’écriture. La partition, le dessin, une nouvelle forme d’écriture qui codifie et range à la fois des notions concrètes et des notions abstraites. Créer l’image sans la présenter concrètement le jour de l’oral.

Partition somnambule.

J’ai choisi de développer l’idée que le son peut être vecteur d’analyses et de projets de paysage. Il propose une immersion riche attachée à un réel écouté mais aussi à une projection intérieure imaginaire et subjective. Ce point subjectif est selon moi primordial dans le processus d’appropriation d’un lieu, d’une ambiance, d’un temps, d’un paysage. Et cela mieux que la vue ne pourrait le faire.

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[La vue] : sens premier de la perception, avant tout un sens analytique, qui tend vers la fragmentation des composantes de « l’objet » perçu ; pour la compréhension de ce que l’on observe. La définition même du paysage est attachée au regard. Tout en ayant une limite : l’horizon. Fenêtre sur paysage, d’abord mis en scène par les peintres paysagistes. La limite : 62° de vision binoculaire.

[L’ouïe] : sens également analytique, quand on isole différentes plages sonores, mais qui avant tout nous fond dans une globalité, nous enveloppe d’un « voile » qui traduit une ambiance, un lieu… Si le son est isolé, il force une forme d’attention qu’il est difficile d’atteindre par le regard. Le son élargit les limites du perceptible vers ce qui est de l’ordre de l’invisible, même si l’oreille est limitée aux fréquences des ondes sonores qu’elle est 25 capable de percevoir.


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D e l a nu i t a u p oi nt d u j ou r, J oi nvi lle -le -p ont , d ĂŠ ce mb re 2 0 1 6


Vi se r le p ay s ag e so no re d ans sa sp é ci fi ci té pe rce p ti ve .

L’oreille n’a pas d e paup ière. Le son comme p er manence par tielle ment qualif iée ; entend re mais pas forcément comp rend re ; où la s eule éch ap patoire est un p rocessus sélectif. Si on tentait d e réunir tous les sons entre eux, cer tains d omineraient parce qu’on se serait pench é d essus p lus p récisément ; en cela l’oreille est sélectiv e. Un fond sonore p er manent ; d es for mes et f igures p lus d istinctes. Le paysage sonore a une v isée intér ieure, accroch ée à une p ercep t i on sensib le, là où le paysage v isuel paraît v iser au-d eh ors.

On est capable de s’entendre pas de se voir ; écouter ce qui nous entoure, voir ce qui nous fait face.

Le son conv oque une émotion p oétique ; une résonance entre soi et son env ironnement .

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Je vise ici une phénoménologie entre l’appréhension subjective et personnelle d’une ambiance et d’une perception collective, en m’attachant à un lieu défini. Recherche d’immersion et d’une forme de partage. Rendre compte d’une expérience de paysage marché, écouté, traversé par l’écriture. Le portrait ? Chercher à combiner une prise de son brute à une pensée à haute voix. Penser à quel registre choisir pour un portrait sonore : poétique, analytique, factuel,… Peut-être faut-il donner des points d’accroches géographiques à l’auditeur ? Je chercher avant tout à penser et poser une réflexion autour du paysage sonore par le biais d’un essai écrit combiné à une proposition d’écoute. L a musique concrète assimile v ia la band e magnétique (une nouvelle ‘par tition’) tous les sons d e l’env ironnement , ainsi que la mu s ique électronique ; d e nouv eaux sons souv ent liés à la tech nologie i nd ustr ielle. « C ’ e s t e n p e r d a n t l a v u e q u e j ’ a i r e s s e n t i q u e l a v i s i o n p r o j e t t e v e r s l ’ e x t é r i e u r . L ’ o r e i l l e , e l l e n o u s r a m è n e v e r s n o t r e m o n d e i n t é r i e u r . L e t e m p s e s t à l a f o i s à l ’ i n t é r i e u r e t à l ’ e x t é r i e u r d e n o u s . C ’ e s t c e q u e N o u v e l l e V a g u e m e r a p p e l l e d a n s s o n e n t r e l a c s d ’ i n s t a n t s , d e s o u v e n i r s , d e g e r m e s d e f u t u r , o ù c ’ e s t l ’ ê t r e i n t é r i e u r q u i r a s s e m b l e l e s m o m e n t s é p a r s d e l a v i e . »

L a musique concrète va p er mettre d e d onner une nouv elle d éf init i on d e la musique. Par mi les grand es f igures d e cette d iscip line  : Mich el Ch ion, Joh n Cage, Luc Fer rar i, P ier re Henr y, Ste v e Reich , Pier re Sch aef fer… L a d éf inition qu’en fait Joh n Cage est la suivante : « d es sons, l es sons qui nous entourent , que nous soyons ou non d ans une s alle d e concer t ». Sa p er for mance intitulée « 4’33  » illustre cette pensée, une comp osition faite d e silence qui f init par n’être comp o s ée que d e sons étrangers à l’œ uv re : b r uits d u p ub lic, d e la salle, de l’extér ieur,… Ce n’est f inalement qu’une longue césure ; elle nous raconte p récisément ce que rep résente le paysage sonore.

C ita t io n d e C la ire B ar to l i , e xt ra i te d e « Le rega rd i nté r i e u r  » , récit s o n o re d u f il m Nou v e l l e Va g u e d e J ea n- Lu c G od a rd . 31


«P luc ke d S tr i n gs D raw i n gs», J o hn Cage , 2 0 1 2 , sé r i e de de ssi n s à l’é co ute d’ un e de se s co m po si ti o n s, fai te à l’ai de d’ un e co rde e n n ylo n

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Le so n, une fo rm e d e voyag e .

Le son, p rofond eur d e ce qui nous entoure, ap p elle d ’autant p lus l ’émotion qu’il est capab le d e nous transp or ter, quel que soit le l i eu où nous nous trouv ons. De la matière d u son naît l’émotion. Issue d u mélange entre s ub stance p oétique et éclats d e souv enirs sonores. Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Jean-Luc Brisson, le paysagiste est à la fois « le jardinier, l’artiste et l’ingénieur ». Sa pratique artistique peut être tournée vers le dessin mais tous les autres médias sont également à sa disposition. Le travail de la musique et du son peut être un des révélateurs de la poésie d’un lieu ; du génie du lieu. Mais comment partager un moment enregistré ? Quelle temporalité est la plus prenante : celle de la captation ou celle de la diffusion ? Rechercher l’obscurité ? À la fois pour parler de la nuit mais aussi pour la création d’intimité qu’elle permet, pour favoriser une ambiance d’écoute attentive. On connecte ce que l’on écoute à une ou d es réalités connues. D es temp s, d es souv enirs, d es traces sonores. Mémoire d ’un temp s passé, d ’une h eure, d ’une march e, d ’une musique… 35


D’autres ch oses suiv ent cet élément d éclench eur. L’amb iance nous e n toure rap id ement ; tour b illon d ’h umeurs, attention p or tée sur un e p ensée par ticulière. Le son est capab le d e transp oser, d e d ép lacer, de dé-contextualiser, d’ imp oser, d ’associer. Après enregistrement, recomposer à la croisée des pistes pour la création d’un paysage là où on n’entendait que du bruit. I n v iter l’aud iteur à l’écoute d ’un paysage enregistré et à la création de son p rop re paysage à trav ers une écoute activ e et consciente. E n tend re et rece v oir les f lux sonores p rov enant d e toutes par ts. Le bruit d e fond cond itionne l’écoute. Rad iop h onie. Pour la création d ’une f iction rad iop h onique, on p ose d es p oints d e rep ères sonores et on laisse l’imagination d e celui qui écoute faire l e reste. C’est un p eu ce que je ch erch e à faire d ans mon travail d e mémoire, même si je ne créée pas d e sons à p rop rement par ler. Mes premiers essais de portraits sonores, sur Marseille et Joinville-le-Pont, étaient courts (2-3 min) et ne laissaient pas le temps à l’auditeur de s’imprégner de la bande audio. La voix, superposée aux sons de la ville, était trop omniprésente et pas assez travaillée. Je tends maintenant vers un nouveau format, plus étiré, plus silencieux par moment pour laisser vagabonder l’imaginaire. J’ai choisi ces deux lieux parce que j’ai pu les pratiquer pendant l’année, les explorer, des lieux que je connais bien maintenant.

Photos d e PIer re -E mma n uel Ra s to uin , ex t ra ites d ’ u n a r t i c l e d e Té l é ra m a «Vu à l a ra d i o»

L a synesth ésie aud itiv e est l’exemp le concret d e cette relation étroite entre écoute et p rojection intér ieure. C’est la rencontre d es s ens, leur entremêlement qui p er met à cer tains d e « v oir » les sons e n p er manence. Réécoute d u mond e p our une p olyp h onie nouv elle.

IMMERSION SONORE

Ci-après, [The Murder of crows], Janet Cardiff & George Burres Miller : une performance artistique qui m’a inspirée par sa ‘sobriété’. 98 enceintes qui entourent un point d’écoute central ; les moyens sont grands mais le décor est simple. Cette pièce musicale tente de refléter les juxtapositions d’images et d’événements illogiques vécus dans nos rêves. Par le biais des différentes enceintes, le son se déplace, nous entoure, nous transporte, nous immerge, nous submerge.

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«T h e Tu ni ng of t h e W orld » , Rob e rt Flu d d ( 1 6 1 7 )

Le so n, m arq ue ur d ’ une é p o q ue .

Quand on se p ench e sur l’activ ité h umaine, on se rend comp te que chaque grand e ép oque a sa ligne d e fond et qu’elle var ie au f il des années. (ex : l’ép oque d e la Ré v olution Ind ustr ielle et d e ses i nd ustr ies lourd es). D if férents constats ont été mis en é v id ence a ujourd ’h ui par la th éor ie d e l’écologie acoustique. Manifeste contre toutes for mes d e p ollution sonore h umaine, un retour à la « n ature  ». L’humanité avance sans b eaucoup se soucier d es sons qu’elle p ro duit . La p ollution sonore est omnip résente et trouv er un lieu d e s ilence p eut s’av érer d if f icile. Q uelle région d u mond e n’est pas e n core touch ée par l’h omme ? L’ouv rage d e Mur ray Sch afer d é v e l op p e cette réf lexion. Ce livre est ma première entrée dans l’univers du paysage sonore. Une approche du son par l’écologie acoustique et ses enjeux au fil des siècles. C ette p ensée a été cr itiquée par la suite, consid érant que nos so ci étés p ossèd ent elles aussi leurs emp reintes sonores id entitaires. Rend re le b r uit à la musique, rend re la v ille à un env ironnement d it ‘n aturel’. En cela, l’écologie acoustique ap paraîtrait p lutôt comme un travail sur la p ercep tion d es sons et sur notre rap p or t quotid ien, t rop souv ent d ésengagé, aux sonor ités, quelles qu’elles soient . 41


L’homme s’h ab itue à d es lignes d e fond s p er manentes qu’il f init même par ne p lus entend re. C’est seulement quand on s’en extrait pend ant un temp s long que ce fond d e v ient à nouv eau p ercep tib le. Se dégager d’une approche trop accrochée à l’écologie acoustique mais tenir un discours qui propose une attitude face au paysage sonore. «  Ma concep tion est que l’essence d e l’enregistrement d es sons n’est pas d e d ocumenter ou d e rep résenter un mond e p lus r ich e, ou plus signif iant , mais est le moyen d e p énétrer d ans, d e se concen t rer sur le mond e intér ieur d es sons  ». Francisco Lop e z, comp ositeur d e musique exp ér imentale, est reconnu mond ialement p our son ar t sonore, travaillant les limites de la p ercep tion h umaine et l’ouv er ture à un mond e accroch é aux s ens , aspirant à la spiritualité.

Le son marque les époques Il permet une entrée dans le paysage par l’intérieur de la matière, par sa substance, son essence ; laissant après écoute un goût d’invisible mais pourtant d’éternel.

Ci-après, [Enantiodromia], Marco Fusinato, (2007) : série de dessins combinant musique, rythme, partition, et ligne claire. Corrélation entre musique et image, partition et dessin. 43


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Ma ligne de conduite

1. Se forcer à une écoute attentive.

2. Créer une ambiance qui permet d’atteindre cet état de concentration.

3.

4.

Adopter une attitude prospective et souple.

Plonger dans une nouvelle dimension.

Se laisser aller à l’écoute sans c h e r c h e r à r a c c r o c h e r l e s unes aux autres les bribes qui nous parviennent.

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Le p o uvo i r narrati f d u s o n.

À la manière d e la mad eleine d e P roust , le son, la musique, sont s ouv ent associés à d es moments, d es p ersonnes, d es souv enirs, … Notre b oîte crânienne est la salle d e p rojection. À trav ers d es i mages p lus ou moins p récises ; on se f ie p lutôt à d es imp ressions, des s en t im e n t s , à n ot re m é m oire . On entend, on voit, on voit sans voir. On fab r ique d es paysages f ragmentaires, séquentiels. On met b out à b out , on assemb le, on remod èle, on tisse. Le montage sonore au cinéma – les b r uits, associés à la musique, a ux v oix - fait par tie intégrante d e la création f ilmique. Il d onne le ton, l’empath ie, met l’accent sur... Quitter une réalité illusoire p our rentrer d ans celle d e l’imaginaire. À par tir d ’un son, on p eut liv rer d es v ér ités, p lus p rofond es, moins contrôlées. Sons d u réel, ou inv entés. Je me suis posée la question de la nécessité ou non d’une projection pour la présentation orale de mon mémoire. Des images abstraites qui viendraient appuyer les sons diffusés. J’opte pour la sobriété et tente l’expérience sonore jusqu’au bout.

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L a ba n d e -s o n d u f i lm e st u t i li sée à de s fi ns d’e xpre s s i on fo r me l l e , n o ta m m ent e n exp lo i ta nt le s brui t s a u- de l à de l e ur fo n c tio n d e «  to i le d e fo nd », co m m e v e cte urs d’a m bi a nce et de profondeur. Dans l’expérience du film, image et son forment un système in s é ca b l e .

Dans cette amb iance sonore p eut se p oser la question d e l’ind i vid ualité d ans le paysage ; d e la p ercep tion que ch acun a d e son e n v ironnement acoustique.

Vo ir u n fil m , c ’est reno u v e ler la p e nsée a utour de l a s i tua t i on de l ’h o mme q u i é v o lu e d a ns u n m o nd e ‘ se nsi b l e’. Pa r l e s on et l e t ra ite me n t d e l ’im a ge , i l p e rm et la co m p réhe ns i on s pa t i a l e d’une e xi s te n ce .

I ci d éjà résid e une for me d e sub jectiv ité, mais qui reste limitée. C ’est p lus d ans le symb olisme, d ans la rep résentation que l’on se fait d ’un lieu ou d ’une ch ose qu’on trouv e une d imension ind iv i duelle, id entitaire.

L a ba n d e s o n p ro d u i t parfo i s p lu s d ’ i m p res s i on que l ’i m a ge n’e s t ca pa b l e d e re n v o y e r.

L’action d ’entend re, si on l’isole d es autres sens, v ient comp léter cette sub jectiv ité par une d écouv er te d ’un nouv eau ch amp d e p ro fond eur et d e rep résentation.

Le s s o n s o n t l a capa c i té d ’éte nd re l’e space , de re ndre di s poni bl e l e h o rs c h a mp s.

C h acun p ose un regard singulier sur les ch oses.

Le s il e n ce l u i, a u n p o u v o i r a b so lu d a ns la créa t i on d’a m bi a nce . I l vie n t a p p u ye r u n m o m ent , c rée r u n no u v e l e s pa ce te m ps … Mes premiers portraits sonores ne laissaient pas assez de place au silence, la voix-off narrative était omniprésente. Se p o s e r l a q u e st i o n d u pay sage so no re re vi e nt à s ’i nte rroge r égal e m e n t s u r l e si lence . E st- ce q u e le si lence e xi s te vra i m e nt ? Ne s e ra it-ce pa s p lu tô t u n éta t d ’e sp r i t , u ne ca pa ci té qu’a cha cun à fa ire s il e n ce , à i nv o q u e r le si lence ? Le s il e n ce ré s i d e à l’ i ntéri e u r d es so ns. Par l a duré e , l a profonde ur, l e s p etits b r u it s… L’ i m p ressi o n d ’ u ne paro l e qui t roubl e l ’e s pa ce . Le s il e n ce a di f fé rente s te xtu res. « Tra nspa re nce a é ri e nne qui fa i t e n te n d re a u tre m e nt ». B r u its et s il e nce ne s’o p p o se nt pas. L’éta t de s i l e nce n’e s t a bs o l u me n t pa s muet . D e la m êm e m ani è re q u ’on i nvoque l a nui t et l a l ib e r té q u ’e l l e d éga ge , o n c réé le si lence . Le s o n s ’a s s o c i e ra p i d em ent f i na le m ent à l a not i on d’a m bi a nce . Si l ’h o r izo n e st la f i nali té v i su elle d ’ u n pa y s a ge , a u s e ns de l a l im ite , l e s o n ( o u l’a b se nce d e so n) lu i d onne s a profonde ur, s a co n s is ta n ce .

C i - aprè s, car te s de ssi n é e s par E m m a M c N ally’s, «Fi e lds, Char ts, S o un di n gs Car to graphi e s» 51


Le [silence] et la [nuit]

se vivent comme un horizon dégagé

une ouverture vers de nouvelles possibilités ... 53


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Entendre l’inaudible. Nuit solitaire. Silence perceptible et pourtant impalpable.

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D e la nu i t a u p oi nt d u j ou r, Ma rse i lle , fĂŠ vri e r 2 0 1 7


Fo rce r l’ é co ute , e nte nd re s ans vo i r.

Faire p erce v oir l’inv isib le. Le son fait par tie d e notre sensor iel, lui-même façonné par nos en vironnements et nos sociétés. L’écoute s’accroch e à d es par ticula ri tés d u son, à son caractère intangib le - qui éch ap p e au sens d u touch er et d e la v ue - à son rap p or t au temp s et aux mouv ements. I l ouv re une nouv elle d imension d e p ercep tion. Car si l’on est capable de savoir d’où provient un son, on ne peut pourtant pas ‘voir’ les sons. L’espace d ont il est question ici n’est pas l’espace ob jectif, aux d é fi n itions géométr iques mesurab les selon les trois d imensions (largeur, h auteur, p rofond eur ). O n par le ici d e la concep tion d ’un es pace « v écu », p or te ouv er te p r incipalement par le son ; où l’h omme s ’env isage d ans un rap p or t ch ar nel av ec le mond e. Une exp ér ience s ensib le concrète, p réalab le à toute concep tion.

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Le rap p or t que nous entretenons av ec l’espace a ceci d ’essentiel qu’il ref lète notre manière d ’être au mond e, d ’h ab iter le mond e à un moment d onné. Le son ré v èle ce lien. Se d éf iant d u v isib le, il d onne la « d imension cach ée », sensib le, non-mesurab le p uisque sub jectiv e. L’écoute est ch argée en émotion ; d étach ée d e l’image, elle se t i ent à l’écar t d es notions d e jugement . L’ap p réh ension analytique des ch oses est laissée d e côté p our of f r ir un mond e aux couleurs renouv elées. S i la v ue est réd uite à son accroch e au réel, l’écoute fonctionne comme une entrée v ers le sub jectif, v ers la rê v er ie, le vagab ond age. « L ’ é c o u t e

e s t

p e u t - ê t r e

C ’ e s t u n e

Q u e l q u ’ u n

q u i

l ’ a c t i v i t é l a p l u s d i s c r è t e q u i s o i t .

à p e i n e u n e a c t i v i t é : u n e p a s s i v i t é , d i t - o n , m a n i è r e d ’ ê t r e a f f e c t é q u i s e m b l e v o u é e à p a s s e r i n a p e r ç u e .

é c o u t e ,

ç a

n e

s ’ e n t e n d

L a v ue touch e l’esp r it d ans la récep tion d es « ob jets » d u mond e, dans la p ercep tion d es couleurs. L’ouïe touch e p lus d irectement le cœ ur. E n cela résid e sa d imension p oétique. Le champ d’action du paysagiste doit prendre en compte cette dimension. Dans une démarche de projeteur, associée à un lieu, à un territoire, dans une approche scientifique mais également artistique. Le son est un sens trop largement oublié ; même si aujourd’hui il existe de nombreuses études sociales et comportementales - voire marketing ! - qui le prennent pour appui. Moyen de communication efficace mais aussi médium pour le projet.

p a s . »

Peter S zen d y, É co ute, un e h i s toi re d e nos o re i l l e s , Ed i t i on d e M i nu i t 63


É co ute r vo i r.

L’id ée d e p or traits et d ’un d isp ositif immersif. Je cherche une manière de parler d’un lieu confronté à un autre. Marseille, Joinville-le-pont. La mer, le fleuve. Deux villes choisies parce que je les ai traversées, pratiquées, rêvées… Enregistrer la vie urbaine. Ne pas forcément tirer des conclusions comparatives mais plutôt proposer deux temps d’immersion. Un dispositif proposant de plus nombreuses ‘stations’ (à la campagne par exemple ou dans d’autres villes) aurait été intéressant mais trop ambitieux au regard du temps de mémoire. E n quoi le p or trait sonore d ’un lieu p er met la transcr ip tion d ’une é motion sub jectiv e, d ’un instant v écu, à par tager ? D e quelle manière le p or trait sonore v ient alimenter la question d e l’h omme face à son paysage intér ieur ? Dans la p ercep tion v isuelle, on d if férentie la f igure d u fond , la f i g ure étant ce qui est regard é, le fond ne ser vant qu’à lui d onner cor p s. L’un ne va cep end ant pas sans l’autre. Le fond af f ir me le contour, la masse d e la f igure.

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De la même manière, nos env ironnements sonores p ossèd ent une tonalité d e fond , une ligne par fois d if fuse et f loue, qui d onne cor p s à d es signaux p lus p récis. Les lignes d e fond var ient d ’une société à l’autre, elles p euv ent être i dentif iées comme les emp reintes sonores caractér istiques d ’un g roup ement h umain ou d ’autres group ements. Le paysage sonore p erçu avant tout comme un récit d e lieu, un m oyen d e se rep érer, un langage qui p er met d e sav oir où nous s ommes. Cer taines saturations sonores p euv ent paraître totale m ent inintelligib les à ceux qui ne sont pas h ab itués à la ligne d e fond qui les caractér ise. Prenons l’exemp le d ’une gare en Ind e : surab ond ance d e d onnées qui restent f loues p our celui qui ne p erçoit pas les ind icateurs so nores s’éch ap pant d e la foule, ind ép end amment d e la simp le ques t i on d e la langue. Alors qu’un h ab itué sait par faitement quel ch e m in suiv re grâce aux messages qu’il par v ient à entend re. Dans une foule aussi dense, la vue ne viendra pas compenser l’impression d’être perdu. Seule une oreille attentive sera capable de s’y diriger. L a p ercep tion d es basses f réquences p rov oque une v ib ration in t i me et d onne l’imp ression qu’on p our rait touch er à d istance ; sen s ation qui p eut être par tagée par un group e d e p ersonnes. C’est un point que j’espère parvenir à mettre en évidence dans la création de mes portraits sonores. Rencontrer d es états d ’âme en h ar monie av ec son env ironnement , où l’acte p ensé et créateur jaillit d e l’interaction sp ontanée entre l ’écoutant et le f lux sonore qui le trav erse. C herch e l’immersion totale. Av ec l’écoute au casque, les sons entrent en nous, nous env e l op p ent et semb lent v enir d e notre inconscient . O ù la b oîte crânienne d e v ient caisse d e résonance. On d e v ient univ ers.

M O M E N T D ’ I V R E S S E U LT I M E , L A N U I T. G a re d e Bom ba y, e xt ra i te d ’ u n a r t i c l e d u Poi nt 67


Pour ce mémoire, j’ai pratiqué des lieux, des moments, pour partager des expériences de paysages écoutés et rendre compte du pouvoir du son. J’ai décidé de m’appuyer sur un temps fort de vie, où s’opère le basculement physique d’un état à un autre, temps de l’aurore, de l’heure bleue d’Eric Rohmer (instant de silence avant le levé du jour). Je souhaite parler d’un temps vécu, d’un rythme, d’une pulsation unanime, du passage de la nuit au jour. J’ai appréhendé ces expériences dans un premier temps par la marche et l’enregistrement systématique de points sur mes parcours, obtenant ainsi une matière sonore brute, que j’ai ensuite retravaillée. Combiner à la fois une pièce écrite théorique à des récits sonores d’expériences. Aller au-delà d’un constat effectué sur un lieu mais plutôt partager un temps : réussir à transposer une temporalité et son ambiance ; le dessin vient compléter ma démarche.

ÉCOUTER EST AUSSI ACTIF ET RÉEL QUE PRODUIRE DU SON.

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Vo i r sans ê tre vu.

Un moment qui me semble clé dans la pratique du métier de paysagiste, c’est la découverte d’un lieu. C’est le moment où on ressent cette forme d’essence, de liberté, de curiosité. Comment transmettre cette impression ? Moment p h ysiologique intéressant . Basculement d ’un état d e ré cep tiv ité, où la v ue est mise à mal, à un état d e rep li au fond d e soi, quand le regard rep rend le d essus sur nos autres sens. La f in d e l ’éclip se, le le v é d u jour, l’h eure b leue, l’instant d u basculement . Dans toutes les expériences que peut m’offrir la pratique de la captation sonore, je choisis de m’attarder sur ce temps fort de vie, le levé du jour ; ce basculement d’un état à un autre. La transmission de cette expérience. Le partage de plusieurs lieux, accordés sur le même temps. Un moment propice à l’écoute. Une déambulation nocturne aux limites de la perception force l’oreille à être attentive. Elle capte, enregistre, presque aux aguets. Arrive le moment fort du levé du jour, qui s’étale sur un temps long quand on est à l’écoute, alors que la lumière elle apparait en quelques minutes. Annoncé principalement par le champs des oiseaux mais également par d’autres indicateurs de vie diurne. 71


Les occupants de la nuit disparaissent ; s’opère alors une rotation des usages qui me semble importante à mettre en avant. L a n u it co n s t r u i t u n au t re m o d e se nsori e l de s pa t i a l i té , une « s pa tia l ité s a n s c ho se s ». N o u s resto ns d o ué s de s m ê m e s s e ns que l e jo u r, ma is n o u s ne no u s e n ser v o ns pas d e fa çon a na l og ue , pa rce q u ’il s s o n t s o l li c i té s d ’ u ne au t re m a ni ère. L’e ffa ce me n t d ’ u n se ns ; l’a v è ne m ent d ’ u n a ut re . L a n u it fa vo r ise la p ro pa ga t i o n d u so n. El l e e xa l te l e s b r u i t s. La nuit serait-elle aussi une forme de silence ? Un moment du quotidien, qu’on oublie d’écouter.

Le moment « nuit », n’est pas simp lement l’h eure où il fait p lus s omb re. Il est étroitement lié à d es émotions qui lui sont p rop res  ; s entiment d e lib er té, d e p ouv oir agir d e manière d if férente en com paraison à nos activ ités d iur nes. Le jugement n’est p lus là ; la p énomb re nous p rotège. O n est lib re de p rof iter d e l’intimité qu’elle p eut p rocurer. Pouv oir d e l’éclip se. On quitte l’id ée d e l’alter nance c yclique jour/ nuit , ces d eux m oments cor resp ond ent ici p lutôt à un état p h ysique et sensor iel  ; un rap p or t d if férent qu’entretiennent le passant et son d écor. Sch i zop h rénie mod er ne ; associée à la v ille ; à la société d es h ommes. Le paysage sonore d e la nuit of f re d e nouv elles p ossib ilités p ercep t i v es d ’écr ire, d e raconter un parcours. Le le v é d u jour les mets en exergue.

L a n u it , d e p r im e ab o rd c hargé e d e ténè b res . E l l e offre l ’a nony m a t  ; e l l e e s t étra n gère à la q u est i o n d u m o i . E ll e pous s e nos s e ns ve rs l ’e x té r ie u r. «  Da n s l ’e n viro nnem ent hi - f i , le ra p p o rt s i g na l /brui t e s t s a t i s fa i s a n t . Le pa ys a ge so no re hi - f i e st ce lu i d ans l e que l cha que s on e s t c l a ire me n t p erç u , en ra i so n d u fai b le ni v ea u s onore a m bi a nt . L a ca mpa g n e e s t géné ra le m ent p lu s hi - f i q u e l a vi l l e , l a nui t l ’e s t pl us q u e l e jo u r, [ … ] . Le s so ns se c he vau c hent m oi ns fré que m m e nt ; l a p e rs p e c tive e xi ste , a v e c u n p rem i er et u n arri è re - pl a n ». Mur ra y S cha fer. Le n o c ta mb u l e f lo t te au - d e ssu s d ’ u n co r p s qui a va nce à pa s rég ul ie rs , q u i s ’e n go u rd i t , co m m e u n a u to m ate . Le corps de vi e nt ré ce p ta c l e , il in te r p rète ce q u i l’e nto u re, i l e ngra nge , i l e s t t ra ve rs é pa r d e s s e n s a tio n s, i l p e rd ses a cc ro c hes d i u rne s . On ne voit pas. La perception sonore prend le pas sur ce qui pourrait être vu. On tente de comprendre. Et pa rce q u ’o n e st d ans l’éco u te, l’a t te nt ion e s t pl us g ra nde , on qu it te l e s notio ns d e ju gem ent ou de comparaison attachées à la vue. Le s o n co m m e m o y e n d e s’ i nsc ri re d a ns la nui t pl utôt que de l a fui r. U n e e x p l o ra tion pa r fo i s i nq u i éta nte.

Ci - aprè s , e x trai t d’ un car n et de J o hn Cage , «M ushro o m Bo o k’s» 73


COURIR APRÈS LES OMBRES, HEURES SOLITAIRES PRIVILÉGIÉES.

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La m arche , acte p o é ti q ue , sp i ri tue l q ui no us rel i e au m o nd e .

L a march e est un d es moyens emp loyé par le paysagiste p our a p p réh end er un lieu. Je marche. Je suis un parcours, puis je dévie. L’objectif devient mon point d’arrivée, peu importent les étapes intermédiaires. Point d’arrêt, de cristallisation. L’errance est reine, le chemin parcouru a peu d’importance. Un parcours sonore qui se déploie et permet d’approfondir la question du marcheur dans l’espace. On dépasse le stade poétique de la « contemplation », on confère à l’enjeu spatial une portée existentielle de première importance. L a march e entraîne la p ensée, la rê v er ie ; moment d ’ouv er ture à la divagation d e l’esp r it . U n rap p or t étroit , p resque d e synch ronisme, se fait entre les p ied s, l e s sens, l’esp r it . D épar t v ers l’iv resse ; être le sp ectateur march ant , l e rê v eur ab sent , le march eur écoutant . U n e march e solitaire et silencieuse, attentiv e et ob jectiv e. U n acte citoyen, p oétique, sp ir ituel et écologique. Se lever, partir, marcher, écouter.

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En te n d re l e s on d e ses pas q u i d e v i enne nt l e m ét ronom e d’une s ym p h o n ie e n v i ro nna nte. É co u te r se u lem ent , s i m pl e m e nt … M o m e n t p r ivil égi é d ’ i nt i m i té i m m éd i a te av ec ce qui nous e ntoure . M o m e n t s o l itai re, co m p li ce d ’ u n se c ret qu’on est le seul à posséder ; co mme s i l e m o nd e no u s m u r m u ra i t sa v éri té . A r p e n te r, fa ire l’exp é ri e nce d e l’espace publ i c, l ’ha bi te r, pour fin a l e me n t l e t ra nsf i gu rer. Tendre l’oreille pas-à-pas, mot-à-mot. Ch a n te r l e m o nd e , p o u r ne p lu s p e rce v o i r se ul e m e nt du brui t l à où il e x is te u n m o nd e b ea u co u p p lu s ri c he.

matière, d’un événement, rendu intelligible à tous mais toujours soumis à différentes interprétations. La transmission, le lieu qu’elle nécessite pour toucher un groupe de personnes. Le temps, quelles sont les différentes temporalités d’un paysage sonore ? À quel niveau se situent ces temporalités : depuis l’environnement ou bien depuis l’écoutant ? Quelle est la dimension spatiale des paysages sonores ? Peut-on parler de localisation, de territoire ? Ou bien sommes-nous dans une transmission détachée du réel , sans spatialisation ? Comment s’effectue la mémorisation et la transmission d’un paysage sonore, à un niveau individuel comme à un niveau collectif ? Quelle installation serait la plus adéquate à la propagation de ce moment de partage collectif ?

Pe rce vo ir p o u r co m m ence r u n b ru i t d e fond, qui pet i t à pet i t s ’é m a il l e d ’é vé nem ent s so no res ; s’ef fo rcer de re ce voi r ce qui nous in o n d e d e to u te s pa r t s, no u s env elo p p e . Te n d re l ’o re il le co m m e si o n v o u lai t to u c h e r l e m onde du « bout d e l ’o u ïe » . S’imme rge r d ans u n bai n so no re, se lai sse r a l l e r a u g ré de ce qui n o u s tra ve rs e , no u s hab i te . N e pa s to u j ours che rche r à fa i re l e l ie n e n tre l e s d i f fé rente s i nfo r m at i o ns q u i nous pa r vi e nne nt m a i s re s s e n tir, s u r to u t resse nt i r, p resq u e d e m a ni è re hy pnot i que , et ne p l u s c h e rc h e r à co nt rô ler ce q u ’o n p e u t p e rce voi r. Errance sonore, errance de parcours. On n e s a it o ù no s pas no u s em m è ne nt , on s e l a i s s e prom e ne r pa r n o s o re il l e s, vagab o nd es, at tent i v e s, qui nous ra conte nt de s e mp re in te s s ono res, d es si tu at i o ns. Errance de nuit, découverte, passage. Les heures vides, libres. Pratiquer la contemplation sonore. Vers la mémoire de certaines sonorités, du souvenir qu’elles laissent planer entre le jour et la nuit, et l’imaginaire qui naît de cette confrontation. On croit ce qu’on voit. Est-ce qu’on peut dire qu’on croit ce qu’on entend ? L’idée du partage invite à une expérience commune. Le partage d’une expérience de paysage peut être considéré comme la mise à disposition d’une 79


La perception, base de la créativité.

Entrer par l’intérieur de la matière. Jouer d u caractère v ivant d e nos paysages sonores. Tenter d e v oir l ’inv isib le, d ’écouter l’inaud ib le ; reconnaître l’aura fond amentale que p ossèd e le son. Pour cela, ch erch er ce qui fait l’essence d ’un lieu. Sélectionner les m éd iums ad équats p our en rend re comp te. Trouv er l’ench aînement l e p lus juste entre les d if férents outils ch oisis p our ar r iv er à l’id ée de p or trait sonore. Pour moi dans ce travail de mémoire, deux portraits qui donnent à entendre deux ambiances : Joinville-le-pont et Marseille, de la nuit au petit matin. Deux portraits qui racontent mes marches solitaires entre nuit et jour. Dans un premier temps, j’ai écrit des portraits sans ré-écouter les prises de son que j’avais effectuées au cours de mes marches dans la ville, en superposant ensuite leur lecture au son brut capté. Utilisant un registre à la fois poétique mais aussi directif, ces textes n’étaient pas mis en valeur, dans un mixage plutôt maladroit.

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Mes premiers essais de mixage tendaient à raconter chronologiquement mes parcours et déambulations dans la ville, donnant à «voir» un panel d’ambiances sonores, soutenues pour un texte lu qui apportait le point de vue subjectif, sensible. PORTRAIT D’UN MATIN, JOINVILLE-LE-PONT, DÉCEMBRE 2017

PORTRAIT D’UN MATIN, MARSEILLE JANVIER 2017

une fuite en avant, noctambule à la recherche d’un matin pour faire face à un grondement profond, sourd,

une nuit froide,

où le fleuve se confond avec le flot de voitures,

la machine se met en route les ombres commencent à se rassembler, chuchotent, se saluent,

s’éloigner, quitter le parcours, entrer dans la pénombre encerclé par une circulation omniprésente avancer vers le second bras du fleuve, chercher la quiétude quitter la ville en équilibre funambule à la dérive, perdu dans un tourbillon d’humeur à l’ombre d’un mur un oublié un lieu qu’on longe que l’on traverse vite pour arriver à la croisée des chemins, chercher la quiétude les ombres qui se couchent, le chants des oiseaux qui se confond avec le bruit des sirènes. La ville en marche

le ventre de Marseille qui gronde qui bouillonne

l’écho des moteurs se fait hiératique le vent souffle silence une ouverture une nuit où le noctambule vire vers un état extatique

Mais mon «protocole» de création de portraits sonores n’était pas encore abouti. C’est durant l’expérience du dessin pratiquée pendant l’atelier «Vous avez dit mémoire ?» que j’ai commencé à mieux comprendre comment je devais appréhender les lieux et quels moyens étaient à ma disposition pour recevoir le paysage dans son entièreté. Le p or trait d ’un lieu comme exp ression d e son essence. S ’é v eiller à d e nouv eaux h or izons. Tenir la sub stance d e ce qui fait lieu, ce qui fait paysage. On par le aussi d u souv enir ; d e la retranscr ip tion d ’une émotion dans son essence la p lus v ivace ; p r ise sur le v if d ’un instant . Transmission d ’une exp ér ience d e paysage.

Des badauds traînent en chemin, hypnotisés par le vrombissement des camions les grandes avenues sont déjà encombrées les murs vibrent lancent la résonance d’un départ imminent la profondeur s’estompe, le vent, le port les rues étroites la place nos horizons se font lointains et la nuit semble infinie valse à 4 temps pour un matin distant une accalmie pourtant pour une apparition crépusculaire ténue paix morne impassible et la ligne de basse se fait continue

Pre m i e rs e s s a i s é c r i t s (fé v r i e r 2 0 1 7 )

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Portrait : Représentation, d’après un modèle réel, d’un être (surtout d’un être animé) par un artiste qui s’attache à en reproduire ou à en interpréter les traits et expressions caractéristiques. Sujet traité, genre pratiqué par l’artiste qui se livre à une telle représentation. Représentation que l’on se fait mentalement d’une personne, son image. Sujet traité, genre pratiqué par l’écrivain, l’orateur qui se livre à une telle représentation.

85


Protocole de prise sonore

1.

Déambuler sans trajet préé t a b l i  ; v i s e r l ’ e a u , l e f l e u v e o u l a m e r.

2.

Un micro à la main, un carnet en poche, du café et des vêtements chauds.

3 . S a n s p e r c h e d o n c p o u r l i m i ter les frottements tenir le micro à bout de bras, orienté vers le bas pour empêcher une trop grande résonance. 4 . E n r e g i s t r e r e n 4 p o i n t s p o u r donner vraiment l’impression d’immersion. 5 . S ’ a r r ê t e r r é g u l i è r e m e n t . É co u t e r.

M é tho d e d e travai l

L’articulation de mon travail pour la création de mes portraits s’organise de la façon suivante : - Déambulations nocturnes, enregistrement de sons bruts. - Dessins. - Ecriture. - Sons remixés et Portraits sonores. Autant d ’étap es p our par ler d ’un lieu. Passer par ces d if férents registres. Ch erch er à trouv er l’essence d e ce qui fait v iv re cer tains quar tiers d e la v ille ; ce qui exp lique leur per p étuelle renaissance, ce qui les anime ch aque jour.

ENREGISTREMENTS BRUTS La première étape, c’est l’enregistrement. Aller chercher une matière sonore brute au fil de mes errances urbaines. J’avais d’abord pratiqué des enregistrements en stéréo (gauche, droite) durant les premiers mois du mémoire. Mes dernières prises sonores, en mars, se font en 4 points, donc peuvent donner l’impression d’une diffusion tout autour de nous ; comme on entend avec notre oreille. Au mixage je pourrai peut-être alterner le passage de 2 pistes de sons à 4 ; pour marquer les changements d’intensité. 87


DESSINS À l’écoute d e ces enregistrements v ient la p rod uction grap h ique. Les yeux fermés, je laisse ma main aller sur le papier sans contrainte. Le geste se fait tantôt f luid e et for t , tantôt p lus h ésitant , comme s ur la retenue. Le dessin donne corps à des rythmes, des motifs, des tonalités... Il convoque une nouvelle symbolique ; une nouvelle partition. Le pap ier d e v ient le lieu. Le geste p rop ose une éch ap p ée, p our p é nétrer par l’intér ieur d e la matière.

Des peintres de la musique : des tableaux qui m’ont laissé en suspens dans une incertitude liée à un silence bien réel et une symphonie intérieure immense. Le passage par le dessin me permet de tester le pouvoir du geste. Le dessin complète mon dispositif d’appropriation personnelle des lieux, me permettant ensuite de mieux les retranscrire par le son. Le geste non réfléchi comme révélateur d’intentions. Le fusain ap p or te sa p ersonnalité, il raconte une temp oralité et of f re d e nomb reuses var iations. Rep rend re un trait , l’ef facer d ’un s ouf f le, … Il souligne la f ragilité, le mouv ement … A ller ch erch er la v ib ration p our p er mettre une ap p rop r iation. C’est une étape pour affirmer les deux portraits sonores que je souhaite proposer. Ces dessins m’aident à entrevoir la dimension cachée du son ; sans la tenir encore complètement.

[L’aéroport], Paul Klee, 1925, peintre musicien, pour qui l’écoute d’un environnement sonore vient appuyer la pratique picturale ; certains de ces tableaux se lisent comme une partition nouvelle, faite de signes et codes. « L’aéroport », tableau qui ouvre des pistes au regard, à l’esprit. Monde de formes où l’on circule, ce qui déclenche une réflexion par la perception. Polyphonie ; pour traduire un objet spatial temporel.

89


JOINVILLE-LE-PONT, Points d’arrêts, d’écoute - représentation abstraite (fusain sur papier canson A3)

5h30 - Bords de Marne

6h30 - Saint-Maurice

6h - Pont de Joinville

7h - Bords de Marne - Maisons-alfort

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MARSEILLE, Points d’arrêts, d’écoute - représentation abstraite (fusain sur papier canson A3)

5h30 - Quartier Longchamp

6h30 - La Canebière

6h - Boulevard de la Libération

7h - Le Vieux Port

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essa i p o r tra it 1

e ssa i port ra i t 2

Join vil l e -l e -p o n t ( m a rs 2 0 1 7 )

M ars e i l l e (m a rs 2 0 1 7 )

ÉCRITURE

5h30. Le ca l m e . Un gro n d e m e n t s o urd . Deu x é c h o s q u i s e ré p o nd ent .

5 h3 0 D e s rue s ét roi te s . Le cha nt de s oi s ea ux tom be du ci e l . Les m ouet te s s ’é l è ve nt ve rs l a m e r.

Le d essin amène à l’écr iture p our forger un p or trait d e paysage ; un por trait sonore p or teur d ’images.

Avance r a u fil d e l ’ea u

Le si l e nce e s t pourta nt l à . Ava nce r a u ha s a rd ; su i v re un hori zon déga gé .

6h Face à u n é c ra n so no re q u i e m p li t l’espa ce . Fin it pa r n o u s e n ce rc ler Nou s ma in te n ir d a ns u ne d i rec t i o n rec til ig n e . Ren t re r e n s o i-mê m e, Un e d ire c tio n co n tra i nte. Cherc h e r u n e é c h a p p é e 6h30 Sen tir l e s vo itu re s s’é lo i gner. In spi re r p ro fo n d é m ent . Se la is s e r a l l e r à p e nse r à ai lle u rs. Un e o u ve r tu re s u r l e c i el q u i v i e nt étaler, étire r l e s s o n o ri té s les p lu s basse s. Circ u l e r l e l o n g d ’ u ne no u v e lle li gne d’eau . Se co n d b ra s d u f leu v e. 7h La so l itu d e s e te r m i ne. La n u it s e fin it . Les in s p ira tio n s d e li b e rté s’am e n u is e n t a u m ê m e r y t hm e q u e l e s a c tivité s d u j o u r em p li sse nt l’espa ce . Ne pl u s s e s e n tir a u ssi a t te nt i f, mo in s s u r l e q u i-viv e . Se l a is s e r a l l e r à u ne c haleu r in tér ie u re . M arc h e r vite à tra ve rs le s ru e s.

6h É v e i l de l a ci rcul a t i on. Les roue s qui t ré pi g ne nt s ur l e s ra i l s d u t ra m . Les wa gons qui nous e ntoure nt . L aby ri nt he . Le mét ronom e du ba l a y e ur q u i nous e ncoura ge à pours ui vre 6 h3 0 C laque m e nt s de pl a s t i que s vol a nt s . C laque m e nt s de l a ng ue s . L a l i g ne droi te du t ra m wa y touj ours à su i v re . Ro ta t i on pe rpétue l l e ; com m e une hé li ce. 7h C lapot i s du port . L’é cho de l a vi l l e vi e nt fl ot te r a u s i e n d e ce ca l m e bruya nt . L a ma rche com m e nce , a ni mé e d’un fe u nouvea u. P rendre l e bus pour a l l e r e ncore pl us lo i n ; p lus proche de l a m e r.

Cet écrit sera une accroche pour la bande sonore que je souhaite diffuser pendant l’oral de mon mémoire. J’en ferai une lecture enregistrée qui viendra s’ajouter à mes prises de son. Le texte lu et le son se font écho et fonctionnent ensemble. La voix-off vient en superposition des bruits de la ville ou du silence. Elle n’est donc pas enregistrée à Marseille ou Joinville-le-Pont. Je ne sais pas encore si j’utiliserai en l’état mes textes écrits. Peut-être prendre seulement des extraits ou alors remodeler le texte en fonction du montage sonore que je ferai. C h erch er le registre d e texte ad équat . Factuel, p oétique, analyt i que, d escr ip tif. Se laisser aller à la sp ontanéité d e l’écr it . D e la même manière que p our l’exécution d e mes d essins. G ard er en tête les images et symb oles d égagés par ces d essins. L’écoute des sons bruts se suffit presque à elle-même. Il faut surtout appuyer des moments de silence et chercher par l’apport d’une voix à donner plus. Le p or trait écr it me p er met d e mettre d es mots sur d es for mes nées du d essin. Cr istalliser d es p oints d ’ar rêt qui marquent mes parcours. D onner d e l’imp or tance à d es sons p lus qu’à d ’autres. D es s ons qui me paraissent reconnaissab les et id entitaires. Le texte c’est mon tremplin pour aller vers le mixage sonore. C’est un peu comme un script sur lequel m’appuyer ; le ligne de conduite à tenir et surtout la visée finale.

Pour aller vers un portrait sonore porteur d’images.

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SONS REMIXÉS ET PORTRAITS SONORES. I nstallation et mise en p lace. Pour ma présentation orale, je souhaite une pièce sombre et une installation sonore, sans éléments extérieurs qui viendraient perturber l’immersion.

Matériel pour la présentation orale

1.

Une entrée mise en scène.

Je cherche à créer ce temps d’écoute attentive et active. Je me pose encore des questions au sujet de mon installation, tant dans sa mise en place que dans la compréhension de l’aboutissement de mon travail. Mon oral tend à ouvrir un nouveau champ d’exploration pour la pratique du paysagiste, accroché à une perception sensible ; un regard porté sur deux lieux distincts et qui pourtant se croisent.

2 . À l a m a n i è r e d ’ u n c a b i n e t de curiosité, présenter l’ensemble des productions écrites et dessinées. 3. Le noir complet.

Deux lieux ; un seul temp s ; une d if fusion par tagée.

4 . D e s e n c e i n t e s a u q u a t r e c o i n s de la pièce pour une immersion complète.

Les deux portraits sonores devraient être diffusés dans une pièce dont l’acoustique permet de créer l’immersion : avec une résonance limité et un espace suffisant pour donner l’idée de profondeur d’écoute.

5 . D e u x e n r e g i s t r e m e n t s s o n o r e s à d i f fu s e r, à é co u te r.

Le dispositif sonore, à savoir le nombre d’enceintes, leur disposition et le mixage sont en cours. Je ne serai réellement sûre de moi que quand j’aurai réaliser tous les tests possibles selon le matériel mis à notre disposition par l’école.

À la rech erch e d ’un mond e accroch é à l’écoute qui façonne notre e nv ironnement ; notre manière d e nous p erce v oir ‘en’ paysage. U n e ap p roch e p oétique et sensor ielle b ien p lus éclairante quant à l ’id entité d es lieux trav ersés qu’une analyse basée uniquement sur des éléments factuels.

Je pense essayer la diffusion en 4 points mais peut-être que 2 (un devant et un derrière) pourraient suffire à donner l’impression d’un bain sonore. Le choix du lieu de diffusion est encore à définir. Les deux portraits se suivent. Ils sont diffusés dans la même pièce, l’un après l’autre. Pour ce qui est de l’enchaînement entre les deux je ne sais pas encore exactement comment il se fera. Peut-être sans transition ou alors avec une pause où je présente l’ensemble de mes recherches et idées pour le mémoire et la finalité de mon propos.

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SEPTEMBRE 2016 Musique et paysage ?

Le paysage sonore et Murray Schafer... Recherches bibliographiques Quel rapport le paysagiste entretien avec le son ?

Les sons de notre quotidien La nuit, le moment le plus propice à l’écoute

Ne plus voir pour mieux se concentrer sur l’ouïe

Faire plusieurs prises de son en ville. Quelles villes ? Un promeneur écoutant ?

La marche et le paysage

Penser une cartographie sonore ?

É p i lo g ue

Basculement nuit/jour Premiers enregistrements à Joinville DÉCEMBRE 2016 Associer la théorie et la pratique

Penser la carte comme une partition ?

Une idée qui revient souvent : la partition

Écrire un essai cartographique ? Un cadavre exquis ? Mêler son, écriture et dessin ?

Tirer des portraits de lieux ! Premiers enregistrements à Marseille

Premiers mixages sonores

Ne pas penser le son uniquement comme outil mais se poser la question du lieu Retour au dessin, un peu oublié

Le travail du mémoire m’a permis d’élargir ma manière d’appréhender le paysage, du simple tableau à la richesse d’un ensemble sensoriel. À la recherche d’une nouvelle forme d’écriture sensible pour raconter des paysages parcourus, traversés. Comprendre que le paysage prend vie à travers un observateur subjectif qui ne peut être réduit à un simple regard. Un observateur sensible et écoutant.

FÉVRIER 2017 Comment construire la poésie d’un lieu ?

Le son rep ousse les limites d ’un paysage sensor iel. Il ouv re un nouv eau ch amp d e p ossib les et d ’exp lorations.

Pré-rendu de mémoire «Vous avez dit mémoire ?»

MARS 2016 Nouveaux enregistrements

U n mémoire p our être à l’écoute d u paysage, pour ré v éler d e nouv eaux espaces sensor iels. U n mémoire comme une inv itation à une écoute attentiv e, comme une mise en é v eil p our un v oyage intér ieur. J’ai souhaité présenter ma réflexion dans son foisonnement, révélé par un style d’écriture plus que par une pensée originale, comme le paysagiste qui compose avec ce qui existe autour de lui.

Finalisation de la notice 99


BIBL I OG R A PH I E

RADIOS

LIVRES / ARTICLES

Arte radio France culture : Concordance des temps, « Chut ! Une histoire de silence », 16/04/2017 Création on air, « Les Petites Heures », 30/03/2016 Création on air, « Un promeneur écoutant », 03/02/2016 Cultures monde, « Corps sonores, Acoustiques des sons de la société 4/4 », 16/02/2017 Les chemins de la philosophie, « Silence ! Le silence a-t-il une histoire ? », 02/03/2017 Sur les épaules de darwin, « Les battements du temps, Les chants de la nature », 02/06/2012 France inter « Cartier libre », 2012-2013 Radio Grenouille & les promenades sonores Radiolab

• ADNAN Etel, (2016), Saisons, Paris, Manuella éditions, 104 pages • BARTOLI Claire, (2007), Caméra intérieure, « Nouvelle vague de Jean-Luc Godard », Paris • BŒUF Gilles, (2014), La biodiversité de l’océan à la cité , Paris, Fayard, Collège de France, coll. « Leçons inaugurales », 84 pages • CHION Michel, (1993), Le promeneur écoutant , essai d’acoulogie, Paris, Plume/Sacem, 196 pages • COLLOT Michel, (1989), L’horizon fabuleux. Volume 2, XXe siècle, Paris, José Corti Editions • DEBORD Guy, (1956), « Théorie de la dérive », Les Lèvres nues, n°9, Bruxelles, Allia • DURAS Marguerite, (1994), La pluie d’été, Paris, Folio • ENSP, (2015), Les Carnets du Paysage, « Le musical, carnet du paysage n°28 », Paris, Actes Sud • GAUDIN Antoine, (2016), Sound & Space : construction audio-visuelle de l’espace dans le cinéma contemporain, Paris, HAL, 23 pages Disponible sur : https://hal-univ-paris3.archives-ouvertes.fr/hal-01385713 • GEISLER Élise, (2013), « Du ‘soundscape’ au paysage sonore », Métropolitiques Disponible sur : http://www.metropolitiques.eu/Du-soundscape-au-paysage-sonore.html • GUSTAVE Anne-marie, (2007), « Vu à la radio », Numéro double spécial paysage n°3003-3004, Paris, Télérama • JULLIER Laurent, (2006), Le son au cinéma, Paris, Les Cahiers du cinéma • KREIDY Ziad, (2013),« La nature dans la musique de Tôru Takemitsu », Université Paris 8, Conférence sur la Musique et l’écologie des sons • LÉONARDON Jasmine, (2015), « La nuit cet obscur objet de désir », TPFE, Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles • LÉVY B., « Paysages urbains nocturnes et littéraires. Exemples pris à Tokyo et Paris », Articulo.ch, Revue de sciences humaines, hors série 2, 2009, p. 1-11. • MURRAY Schafer R., (2010), Le paysage sonore ; Le monde comme musique , Marseille, Wildprojet Domaine Sauvage, 411p. • NADRIGNY Pauline, (2014), « Paysage sonore et pratiques de fiels recording », extrait d’un Doctorat, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Disponible sur : http://hicsa.univ-paris1.fr • SANSOT Pierre, (2004), Poétique de la ville, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 640 p. • DE TOCQUEVILLE Alexis, (2012), 15 jours dans le déserts , Paris, Gallimard FILMS / COURTS-MÉTRAGES • • • •

AKERMAN Chantal, (1972), Hotel Monterey, Etats-Unis, 62 min CAVALIER Alain, (2014), Le Paradis , Pathé, 1h10 GUZMAN Patricio, (2015), Le bouton de nacre , Pyramide, 82 min ROHMER Éric, (1987), Les 4 aventures de Reinette et Mirabelle, l’heure bleue, Les films du Losange, 95 min • VON TRIER Lars, (2011), Melancholia, Zentropa, 130 min • WEERASETHAKUL Apitchatpong , (2015), Cemetery of splendor , Pyramide, 122 min

COMPOSITEURS / PEINTRES / ARTISTES • • • • • • • • •

John CAGE, «4’33’’», 1940 Janet CARDIFF & George BURES MILLER, «The Murder of Crows», 2008 Luc FERRARI, «Petite Symphonie Intuitive pour un Paysage de Printemps», 1973-74 Paul KLEE, «Flugplatz, [Aéroport]», 1925 Philip GLASS, «Glassworks», 1981 Pauline OLIVEROS, «Ghostdance», 1998 Charlemagne PALESTINE, «Jamaica Heinekens in Brooklyn», 2000 Steve REICH, «Pendulum», 1968 Chris WATSON, «Weather report», 2003

CONFÉRENCES / EXPOSITIONS • • • •

BORDIN Guy, « La nuit chez les autres : les Inuits du haut Arctique canadien » KRAUSE Bernie, « Le grand orchestre des animaux », Fondation Cartier LAFON Jeanne - larep. NADRIGNY Pauline, « Les arts sonores à l’épreuve de l’espace »

COLLECTIFS / SITES INTERNET Arte.tv Ouiedire Ici-même Synestheorie.fr Sonosphere.org sfu.ca veilhan.com 101


U n gran d m e rc i à M arce lli n e , po ur n o s di sc ussi o n s r i c he s et se s co n se i ls ; à M o rgan e , q ui aura su m e lan ce r ; à N i co las po ur le s pre m i è re s re - le c ture s ; à m e s cam arade s de pro m o ti o n to uj o urs ple i n s de gai eté , et m e s pare n ts, to uj o urs pré se n ts. . . 103


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