des tueries et un film
Cette écriture pour la scène fait se rencontrer différents matériaux : voix, images, didascalies, matières fictionnelles, matières documentaires. Hétérogénéité volontaire, contrebalancée par l’unité de lieu de Des tueries et un film: tout pourrait avoir lieu – ou être représenté – dans un abattoir vide.
* Le film présumé de Yuhanne Dark devra être projeté au moins deux fois au cours de la représentation : une fois avant son monologue, une fois après. Au moins signifie que le film (ou certains de ses morceaux) (de tendre chair) peut (et peuvent) aussi être utilisé(s) à n’importe quel moment de la pièce.
* Un film réel devra donc être réalisé, à moins que la proposition littéraire du film de Yuhanne ne soit conservée comme telle – lue à haute voix par exemple, ou projetée. Une approche n’excluant pas l’autre, ce film pourrait être lu la première fois ; ses images projetées la seconde fois. Ainsi le récit de l’image arriverait-il avant l’image. Ou inversement. Images puis mots.
* Les virgules sont un outil pour comédiens et metteurs en scène. Elles peuvent marquer une hésitation, une reprise de souffle, un silence, ou simplement agir musicalement. Les didascalies peuvent tout autant être considérées comme de la matière scénique qu’être conservées sous leur forme littéraire (partition vocale, voix narrative, projection, etc.).
Note de l’auteuree :
Peut-être, Peut-être que n’importe quand dans le spectacle, une comédienne ou un comédien pourrait prononcer cette phrase : « tu te retrouves obligée de faire un métier, de merde pour nourrir ton gosse, avec un salaire, de merde, et des conditions, de merde ». Ou alors celle-ci : « à ce moment-là, le responsable dit : t’es pas allé à l’école et moi si, donc t’en sais rien » Mais, Ne vaudrait-il pas mieux métaphoriser, transformer, poétiser, représenter. Cependant, Qu’écrit-on après avoir entendu ces phrases, que puis-je écrire à la place de ces phrases réelles Autre chose : en parallèle des voix humaines, je souhaite une présence forte du choeur des animaux, vivants ou morts. Mais sous quelle forme ?
c’est abrupt peut-être mais tout
tout commence par un café que l’on boit ici ici nous sommes dehors et le café est un peu clair trop d’eau il pleut et la pluie dans le verre en plastique les gouttes tombent vous entendez le bruit non c’est quelqu’un il savait pas faire du café un veau un nouveau un nouveau a fait le café ce matin
plutôt y’avait presque plus de café une poignée de café dans le sachet un veau le café était clair et les commandes
mal faites pas payées
oui
rupture de café rupture de un veau on s’est essuyés avec du sopalin pendant deux semaines ils en ont eux
oui faut pas s’inquiéter pour eux pour eux café sucrettes papier toilette senteur lilas et du champagne par cartons entiers au siège social
et vous vous vous en foutez non c’est vous êtes pas là pour ça c’est
ça quelqu’un dit cela quelqu’un dit c’est pas nécessaire c’est pas né cessaire non c’est pas essentiel mais moi je m’en fous moi je veux une prime mon enfant il veut des Nike et de l’Orangina et moi je peux pas commencer à travailler sans café moi non plus c’est un lac de café pour bloquer les viscères dans le ventre les heures seront longues et puis
il pleut il pleut cela éteint certaines cigarettes la tienne puis la tienne tu penses à quoi toi un veau qui avait un prénom ces notes ces notes que tu prends il a un contrat à la main il cherche à voir où cela foire il veut les avoir il va un veau appeler l’inspection du travail service hygiène car la viande la viande périmée a encore été retravaillée elle est noire maintenant toute pleine d’asticots et nos pauses avortées un veau qui a été choyé notre treizième mois supprimé et maintenant nous sommes en grève et tout commence pareil la journée doit commencer par un café un veau un café soluble qui fige les viscères vous pensez que vos demandes seront entendues non alors que faire
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Éditions le Sabot Collection du
Trois typographes en avaient marre
Un livre de 64 pages au format 10,5x15 cm. Impression numérique des pages intérieures avec une jaquette de couverture en typographie
Voici la cinquième édition de ce livre mythique de Guy Lévis Mano. Édité une première fois en 1935 et réimprimé en 1967 ce long poème écrit sur le vif décrit l’ambiance de l’atelier et donne à voir, depuis les casses où gronde la révolte des caractères, la vie laborieuse des typographes et les rapports qu’ils entretiennent avec la lettre et les mots imprimés…
En 2011, Philippe Moreau et Samuel Autexier composent en typographie dans l’atelier d’Archétype à Forcalquier une nouvelle édition de l’ouvrage suivant la volonté testamentaire de l’auteur qui ne souhaitait pas une réédition à l’identique de ses livres. Ce projet soutenu par l’association Guy Lévis
Parution : juin 2023
EAN : 9782914363280
Prix public : 13 €
Mano à Paris et Vercheny connaît un succès inattendu et est réimprimé en 2012.
C’est cette version qui fait l’objet aujourd’hui d’une nouvelle édition au format « poche » suivie d’une postface de Samuel Autexier qui présente la petite histoire de ce grand livre.
Composition de la page « i », planche en cours d’impression dans l’atelier Archétype en 2012
« La poésie nous asservit et ne nous assouvit pas »
Les auteurs
Guy Lévis Mano (1904-1980), poète, éditeur et typographe. Son œuvre poétique protéiforme se veut la plus proche possible de la rue et de la vie ouvrière qu’il fréquente. Elle est marquée dans un second temps par sa longue détention comme prisonnier de guerre entre 1940 et 1945. Son parcours d’éditeur, servi par un talent de typographe salué par tous comme un modèle de clarté et de liberté, lui a permis de donner forme entre 1935 et 1974 à plus de cinq cents ouvrages avec quelque uns des artistes les plus importants du XXe siècle (Éluard, Michaux, Breton, Jean Jouve, Jabès, Chédid, Char, Du Bouchet, Dupin, García Lorca, Kafka, Miró, Giacometti, Picasso, Man Ray, Dali, etc.).
Philippe Moreau (né en 1948 à Asnières). Lithographe, typographe et imprimeur, spécialiste du livre d’artiste et des tirages limités. Il débute sa vie professionnelle à Paris chez Clot, Bramsen et Georges, avant de la poursuivre en Provence depuis 1976.
Samuel Autexier (né en 1969 en Suisse). Graphiste et éditeur, il fonde en 1993 la revue Propos de Campagne, avant de créer en 1999 la collection littéraire puis la revue Marginales chez Agone et enfin les éditions Quiero en 2010
Et le troisième dit
Nous courons sur des tumultes d’eau qui ne rafraîchissent pas les veines de notre imagination
Nous attendons des robinets taris la chute polaire des eaux-de-vie qui désaltéreraient nos fuites désemparées accrochées à des nuages qui crèvent Nous cachons nos yeux dans nos poches et consultons le hasard en mélangeant Caslon Bodoni et Baskerville dans les composteurs
et portrait de Guy Lévis Mano par Pierre Kefer en 1935.
ÉDITIONS LURLURE
PARUTION JUILLET 2023
VITA POETICA ESSAIS D’ÉCOPOÉTHIQUE
Jean-Claude Pinson
Genre : Essai
Collection : Critique
Prix : 21 euros
Format : 14 x 21 cm
Nombre de pages : 144
ISBN : 979-10-95997-49-8
>Une réflexion stimulante et nécessaire sur les rapports entre poésie et écologie à travers le concept d’écopoéthique.
>Au-delà de la poésie, une réflexion sur notre manière d’habiter le monde.
>Une réflexion accessible à toutes et tous, développée dans des formes variées : articles, entretiens ou encore lettre adressée à des collégiens
>LE LIVRE
Peu ou prou et sous des formes diverses (articles, entretiens, lettre), les textes rassemblés dans Vita Poetica sont des essais d’« écopoéthique ».
Tous abordent, de près ou de loin, la question écologique, en vertu de ce lien constitutif qui fait l’alliance immémoriale de la poésie et de la Nature (thème abordé par l’auteur dans son essai Pastoral, Champ Vallon, 2020). Centrale dans certains essais, plus marginale en apparence dans d’autres, elle demeure essentielle pour tous, nulle réflexion sur la poésie ne pouvant aujourd’hui ignorer que cette question constitue l’horizon indépassable de notre temps.
Par-delà le texte littéraire lui-même, l’accent dans tous les cas est mis sur la manière d’habiter le monde (l’ethos), dont la poésie (entendue comme nom générique pour toute littérature et tout art) est constitutivement solidaire. En ce sens, plus que des essais de poétique au sens habituel du mot, les textes ici réunis relèvent de ce que Jean-Claude Pinson appelle la « poéthique ».
Mot-valise (Georges Perros est le premier à l’employer, en 1973), le terme, dans l’élaboration qu’en propose l’auteur, cherche à appréhender un pouvoir qu’aurait le poème (et plus largement le texte littéraire) de nous faire entrevoir, échappant aux logiques de la raison économique, la possibilité et la réalité de formes de vie déprises du modèle dominant que cette raison et son discours imposent.
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Poète et essayiste, Jean-Claude Pinson est né en 1947 dans la banlieue de Nantes, dans une famille de cheminots. Il est Maître de conférences à l’université de Nantes où il enseigne, principalement, la philosophie de l’art. Il a publié de nombreux ouvrages dont Pastoral (Champ Vallon, 2020) ou Sentimentale et naïve : nouveaux essais sur la poésie (Champ Vallon, 2002).
> SOMMAIRE DU LIVRE
Brèves remarques sur la notion d’ « écopoéthique »
La locomotive de l’Histoire et le gardeur de troupeaux
Le chant du cygne (Réponses à des questions de Thierry Guichard pour Le Matricule des Anges)
Fragments d’un abécédaire écopoétique
Nerval à l’avant de nous
Le poème comme forme de vie (réponses à des questions d’Alexandre Gefen pour la revue Esprit)
Pensées sur des maisons une veille de Toussaint
Après Mallarmé
De l’action poétique aujourd’hui (s’il se peut)
Harpe éolienne (Lettre à des Collégiens de Clisson)
> EXTRAIT 1 : FRAGMENTS D’UN ABÉCÉDAIRE ÉCOPOÉTIQUE
Promesse. – Après la chute du mur de Berlin et l’effondrement du bloc soviétique, Derrida, à rebours du discours alors dominant sur la « fin de l’Histoire » et le triomphe planétaire de la « démocratie libérale », maintint que la « promesse émancipatoire » du marxisme, en son caractère foncièrement « indéconstructible », ne pouvait que perdurer. Qu’elle ait pu de fait s’abîmer dans les crimes et désastres du socialisme « réel » au XXe siècle, n’annule pas, considère-t-il, « une certaine expérience » de la visée émancipatoire qui lui est inhérente. Elle continue de porter, notamment, une « idée de la justice » que Derrida rapporte à une dimension « messianique » du marxisme (mais, précise-t-il, un « messianisme sans religion »).
J’ai tenté pour ma part de rapprocher cette promesse politique de la promesse portée depuis toujours par ce que j’appelle l’Idée « poéthique ». À travers le rêve d’un âge d’or à venir, ce que veut la poésie, c’est au fond l’impossible d’une Terre poétiquement habitable pour tous. Et cet impossible, s’il est non moins utopique que le « règne de la liberté » porté par la promesse émancipatoire du marxisme, est tout aussi indéconstructible que l’impossible du premier. Derrida posait que c’était d’abord la déconstruction elle-même qui était indéconstructible, en vertu du caractère infini de son travail d’analyse et de démythification (le mythe même de la métaphysique occidentale n’étant pas le moindre de ses objets). Commentant les écrits de Der-
>L’AUTEUR
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rida consacrés à la poésie, Guillaume Artous-Bouvet a pu de son côté affirmer que si la poésie continue d’insister, de résister, c’est parce qu’elle est toujours déjà, en tant que Texte, en tant que travail sur les mots et la langue, force de déconstruction, « pure intensité déconstructrice ». Elle aussi, à sa manière propre, est un travail de déconstruction sans fin.
La question demeure entière cependant de savoir si, par-delà cet infini travail de déconstruction textuelle qui la fait indéconstructible, la poésie, en son Idée, peut encore en quelque façon être synonyme de promesse. Y a-t-il un sens à parler de promesse si celle-ci n’est aucunement tenable –moins que jamais tenable sur une planète chaque jour plus inhabitable ?
À cette question, Alain Badiou répondait naguère par la négative. Si le Dieu vivant de la religion (celui de Pascal) est mort, si le Dieu métaphysique des philosophes est déconstruit, le Dieu poétique (celui de Hölderlin), Dieu nostalgique promettant la chance d’un « réenchantement du monde » par le retour des dieux, doit lui aussi être aboli. « Il s’agit en somme, concluait-il, d’en finir avec toute promesse. » D’en finir par conséquent avec la promesse d’un âge d’or compris comme vita poetica, car qu’est-elle au fond si ce n’est une resucée du Dieu poétique ? Or de ce théologème, sous quelque forme qu’il apparaisse, il importe pour Badiou de débarrasser le poème, s’il s’agit bien pour ce dernier de « conquérir son propre athéisme ».
EXTRAIT 2 : LE POÈME COMME FORME DE VIE
La question écologique est devenue centrale à votre travail, est-elle politique ?
Cette question, de longue date, est d’abord pour moi d’ordre poétique et « ontologique » (philosophique). Elle concerne en effet, de part en part et ab initio, notre façon d’être au monde. Comment l’habitons-nous ? Que nous puissions, selon la formule de Hölderlin, l’habiter poétiquement, telle est l’Idée fondamentale, à mes yeux, de la poésie. Une Idée (un idéal) qui excède de beaucoup le seul domaine de la poésie comme simple branche de la littérature (ou comme littérature en général). Comme Idée pratique, elle indique une tâche à réaliser, un monde à faire advenir, où serait retrouvée une harmonie de l’homme avec la nature et avec lui- même. Il y a ici, selon moi, une convergence forte entre cette Idée poétique d’un âge d’or à conquérir et l’idée marxiste d’un « royaume de la liberté ». C’est en ce sens que cette Idée poétique est subversive. Elle rejoint la promesse d’émancipation portée par le marxisme, promesse dont Derrida écrivait qu’elle est, à rebours du très sombre XXe siècle, indéconstructible. Et en effet notre désir d’habiter poétiquement la Terre est aussi indéracinable que l’espérance messianique d’en finir avec un « règne de la nécessité » marqué par l’exploitation de l’homme par l’homme et l’accroissement des inégalités de toutes sortes.
Ce n’est ainsi pas sans raison qu’on a pu mettre en évidence chez Marx, trop souvent réduit à un « prométhéisme » caricatural, les linéaments d’une pensée écologique. À quoi j’ajouterais volontiers que cette pensée n’est aucunement étrangère à l’Idée poétique, contenant même, dans son appréhension des liens de l’homme à la terre, une dimension proprement « pastorale » (dimension sans doute encore plus nette chez quelqu’un comme Rosa Luxemburg).
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Vous avez développé un concept original, celui de « poéthique », pourriez-vous le préciser ?
Si j’ai fait de ce mot-valise le titre d’un essai paru en 2013 (Poéthique, Une autothéorie), je n’ai nullement la prétention de l’avoir porté sur les fonts baptismaux. C’est Georges Perros qui, à ma connaissance, est le premier à y avoir recours, en 1973. Michel Deguy, de son côté, a abondamment fait usage de la notion.
Ce qui m’a intéressé dans le mot, ce n’est pas tant l’idée de morale qu’il semble associer à celle de poésie que le radical grec ethos qu’il contient. Traduisons, pour faire simple, par séjour, manière d’habiter le monde. Ce qui est retenu alors de la poésie, ce ne sont pas tant les textes que l’Idée de la poésie. Portée conjointement par la production poétique (de poèmes, d’œuvres littéraires en général) et la réflexion à son propos, cette Idée n’est pas sans incidence sur nos aspirations, nos choix et nos comportements en matière de formes de vie. La traditionnelle poétique devient alors une « éthopoïétique », selon un mot avancé par Foucault à propos de l’usage « pratique » des textes fait par les Stoïciens : non pas le commentaire mais l’exercice spirituel généré par le texte, son effet. Non pas l’ergon (l’œuvre), mais l’energeia, l’énergie transmise par le texte. Comme théorie générale, la « poéthique » prend donc en compte le fait que le poème imprimé, comme dit Thoreau, n’est jamais dissociable du poème non imprimé qui s’écrit charnellement à son verso, dans la vie. Ce n’est plus la critique qui importe, mais la production d’un ethos, la création d’un mode d’existence, auquel le poème apporte sa contribution, conjointement avec d’autres pratiques (notamment artistiques). La poésie est alors comprise selon un modèle « pragmatiste » : « un poème, dit ainsi le poète Stéphane Bouquet, est pour moi un chemin, c’est-à-dire une expérience, une construction lente d’un rapport à soi, au monde, à la pensée, avec l’idée que la littérature (il n’y a pas d’exclusive du poème) est une façon de produire des formes de vie ». [...]
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