Julian Semenov
Genre : roman d’espionnage
Format : 12 x 18,5 cm Pages : 480 Traduit du russe par MoniqueSlodzian
Préface d’Antoine Volodine Couverture : Wiaz Prix : 20 € ISBN : 978-2-490251-67-4
Éminemment populaire en Russie, Julian Semenov (1931-1993) a vu la place de premier plan de son oeuvre reconnue en France à l’occasion la sortie de La Taupe rouge en mai 2019 aux Éditions du Canoë. Depuis, deux autres titres sont parus Des Diamants pour le prolétariat (2020) et Opération Barbarossa (2021). Passée sous silence en raison de la chute de l’Union soviétique en 1991, son oeuvre romanesque met en scène les théâtres d’opération où l’URSS déjoue les complots fomentés contre sa puissance et ses intérêts. Alter ego de Georges Simenon, Graham Greene ou John Le Carré avec les quels il noue des relations confraternelles, il fait évoluer son héros, Maxime Issaïev, alias Max Von Stierlitz, sur les différents terrains de la guerre froide. Beaucoup de ses livres ont été adaptés à l’écran. Un musée lui est consacré en Crimée, près de Yalta.
Faire échouer toute paix séparée des chefs nazis qui essayent de sauver leur peau, avec l’Amérique, en excluant l’Union Soviétique des traités de paix – telle est la mission de Stierlitz en ce printemps 1945.
À Berlin, il se sait grillé car Müller, le chef de la Gestapo, détient la preuve qu’il est un espion au profit de l’Union Soviétique. En revenant à Berlin ce 18 mars 1945, Stierlitz met donc sa tête sur le billot. « Ordre de survivre » est le mot d’ordre non écrit du règlement militaire. Dans cette suite directe de « La Taupe rouge », Stierlitz démasqué joue sa vie à chaque instant dans les jours de folie de la fin de la guerre. Suspens garanti .
Comme l’écrit Antoine Volodine dans sa préface : « Ce qui compte, en premier lieu, est la marche de l’Histoire. Et, dans cette marche complexe, broyeuse, impitoyable, la poursuite du destin de cette nation nouvellement apparue dans le monde : soviétique, bolchevique, communiste – entourée de la méfiance et de l’hostilité d’à peu près tout ce qui existe sur la planète. »
4 octobre
Contact et libraires : colette.lambrichs@gmail.com Téléphone : 06 60 40 19 16 Diffusion et distribution : Paon diffusion.Serendip Éditions du Canoë 2022
prix : 16 € tirage : 1000 ex. parution : 4 novembre 2022 format : 12 x 20,5 cm pagination : 144 pp. ISBN : 978-2-493324-03-0
Contact Zoé Monti-Makouvia editions@lesprouesses.fr 06 20 30 32 37 www.lesprouesses.fr
« Ce qui vous étonne le plus, c’est que je fasse l’amour avec des hommes simplement parce qu’ils me plaisent, sans attendre de tomber amoureuse ? Mais voyez-vous, pour ‘‘tomber amoureuse’’, il faut des loisirs ; j’ai lu beaucoup de romans et je sais ce que cela prend de temps et de force que d’être amoureuse. Moi, je n’en ai pas le temps. »
Au lendemain de la révolution d’Octobre, les héroïnes d’Alexandra Kollontaï sont pleinement engagées dans la refonte de la société russe, tout en poursuivant leur propre destin.
Les nouvelles réunies dans ce recueil nous laissent apercevoir les joies et les affres de ces « femmes nouvelles », que l’écri vaine révolutionnaire et féministe a tant appelées de ses vœux.
Kollontaï, dans ses écrits politiques, a affirmé la nécessité de l’émancipation des femmes et de la transformation des rapports amoureux.
Dans ses fictions, elle rappelle avec subtilité et sans dogmatisme que les chemins de la révolution intime ne suivent pas toujours ceux des convictions et des utopies.
L’Amour libre À retenir
• Des nouvelles inédites d’Alexandra Kollontaï réunies pour la première fois !
• Une pensée féministe pionnière et révolutionnaire
• Une réflexion sur l’intime et le politique : un sujet d’actualité !
• Préface de Sophie Cœuré, historienne
Alexandra Kollontaï (1872-1952)
Figure des révolutions russes, Alexandra Kollontaï (1872-1952) a fait du droit des femmes un enjeu majeur du socialisme. Convaincue que les affaires privées étaient éminemment politiques, elle a théorisé « l’amour-camaraderie », avec une liberté d’esprit qui fut très controversée à son époque et reste d’une éclatante actualité.
Elle a œuvré pour des réformes pionnières : légalisation de l’avortement en Russie (1920), congé maternité de 16 semaines, protection des femmes et des enfants dans le cadre du travail, facilitation du divorce...
ÉVÉNEMENT ! ALEXANDRA KOLLONTAÏ, FÉMINISTE ET CAMARADE DE ROUTE DE LÉNINE, RACONTE L’AMOUR AU TEMPS DU BOLCHÉVISME...
Extrait : Entendu dans le train
Extrait : Entendu dans le train
éditions Trente-trois
Kurt Schwitters Homme par-dessus bord
Proses 1932-1947
Traduit de l’allemand par Sabine Macher
Postface de Sabine Macher
Les textes rassemblés dans Homme par-dessus bord ont été écrits par Kurt Schwitters au cours des années 1932-1947, de la veille de l’accession au pouvoir des Nazis à son exil forcé à travers la Norvège puis l’Angleterre, jusqu’à sa mort. Les récits documentaires et autobiographiques y font pendant à des formes de contes et d’histoires. Ces textes, écrits dans une sorte de sténographie et qui n’ont pas été publiés du vivant de Schwitters, sont à la fois un portrait de l’artiste dans ces années d’avant-guerre et de guerre et un laboratoire mobile d’invention littéraire. C’est ce « pour soi » de l’écriture qui donne aujourd’hui à ces textes une vivacité et une fraicheur si particulières. Le merveilleux, le bricolage quotidien des matériaux vus et entendus, le goût du récit et des métamorphoses, et nalement l’humour, y répondent à l’arrière-plan désastreux du fascisme et de la guerre, et aux épreuves d’une vie en exil.
Artiste plasticien, sculpteur et écrivain, Kurt Schwitters (1887-1948) est une gure majeure de la modernité artistique. Dans le sillage du mouvement Dada, il a créé son propre mouvement, «Merz», dont il fut l’unique représentant (le terme « Merz » étant apparu découpé dans le mot « Kommerzbank » à la faveur d’un collage, après que Schwitters ait été refusé par le club Dada de Berlin en 1918). Pionnier dans les domaines du collage, de l’installation, de l’architecture («Merzbau»), mais aussi de la poésie typographique et sonore, Schwitters participe dès lors, en gure indépendante, aux grands mouvements modernistes des années 1920. Après l’arrivée au pouvoir des Nazis, il est classé au rang des artistes dégénérés et forcé progressivement à l’exil, à travers la Norvège puis l’Angleterre. Au cours de cette période, il poursuit obstinément ses créations plastiques (collages et peintures de portraits et de paysages plus classiques, dont la vente lui assurait parfois des moyens de survie) et l’écriture d’une œuvre littéraire mêlant récits, contes, pièces de théâtre, poèmes et manifestes.
Son livre le plus célèbre, Anna Blume, est écrit en 1919, mêlant poèmes et proses.
On peut citer également Auguste Bolte et ses nombreux manifestes rassemblés dans I (manifestes théoriques et poétiques), mais surtout le continent encore largement inexploré des textes restés inédits de son vivant, publiés en cinq volumes dans l’édition allemande Kurt Schwitters. die literarischen Werke (Dumont Verlag, 1975).
éditions Trente-trois morceaux 68 rue Montesquieu 69007 Lyon www.trente-trois-morceaux.com
contact Paul Ruellan +33 (0)7 83 88 30 63 editions@trente-trois-morceaux.com
diffusion paon-diffusion.com distribution serendip-livres.fr
Parus aux éditions
Trente-trois morceaux Faire la carte Vincent Weber
L’Énéide Virgile, trad. Pierre Klossowski Voyage en Grèce Gastone Novelli Épiphanies James Joyce Street life Joseph Mitchell
En regardant le sang des bêtes Muriel Pic Zé Gus Sauzay Dans le décor Vincent Weber
La Crèche Giorgio Manganelli
Listen to me / Écoutez-moi Gertrude Stein
Brecht et la Méthode Fredric Jameson
Nouvelle du menuisier qu’on appelait le Gros –Vie de Brunelleschi Antonio Manetti
Poèmes Yvonne Rainer
Dialogues avec Leuco Cesare Pavese
Le Gualeguay Juan L. Ortiz
morceaux
À paraître : novembre 2022 ISBN 9791093457154 23 euros 16 x 21 cm 352 pages
Extrait
Je suis assis ici avec Erika (extrait)
1936 Je suis assis ici avec Erika devant ma petite maison sur mon île norvégienne et je viens de boire mon café. Quand je lis cette phrase, je n’en reviens pas, tellement j’en suis fier, mais j’en reviens quand même, car, bien que tout soit vrai au millimètre près comme je l’ai écrit, rien n’est vrai pour autant. Celui qui sait que ma femme s’appelle Helma pense adultère, amour sulfureux, ravissement de l’instant en lisant Erika dans la première phrase, mais il se trompe, car Erika, c’est ma petite machine à écrire. Et celui qui n’a pas encore été sur mon île norvégienne pense que ma petite maison est une villa, ou du moins imagine une maison de campagne construite dans le style Bauhaus ou un sympathique cabanon de chasse. Il fait fausse route, car ma petite maison est une remise en bois réquisitionnée. Mais l’orgueil le plus démesuré me guette en parlant de mon île norvégienne. N’empêche qu’elle est tout simplement ravissante, ça, la jalousie ne peut le lui disputer, tellement belle que je ne peux avec mon Erika la décrire à personne qui ne soit pas encore venu.
Azorín
Genre : récit autobiographique
Format : 12 x 18,5 cm
Pages : 96
Traduit de l’espagnol par Isabelle Leymarie Prix : 14 €
ISBN : 978-2-490251-69-8
Azorín (1873-1967), de son vrai nom José Augusto Trinidad Martínez Ruiz, est un écrivain espagnol et l’un des principaux représentants de la génération de 1898. Auteur d’une œuvre abon dante où se côtoient romans, essais et pièces de théâtre, il s’intéresse rapidement à l’anarchisme, et commence, sous divers pseudonymes, à publier dans la presse, des critiques théâtrales à contenu social en particulier. À partir de 1902, désormais plus conservateur, il publie une trilogie autobiographique, dont Les Confessions d’un petit philosophe constituent l’aboutissement. Lorsqu’éclate la Guerre civile, il se réfugie en France avec son épouse puis regagne l’Espagne, où il écrit sur le cinéma. Il meurt à Madrid le 2 mars 1967, comblé d’honneurs. En France, trois de ses livres ont été traduits, chez José Corti et à la Nerthe.
Les Confessions d’un petit philosophe font partie de ces textes qui, par leur concision et leur justesse, pénètrent le cœur des choses. En quarante-cinq chapitres, se succédant par touches, comme des fables sans morale, Azorín se souvient : de son enfance dans un village de l’arrière-pays d’Alicante, d’un ermite dont la seule occupation consistait à planter des arbres, du long périple pour se rendre au collège à Yecla, petite ville morne où se cristallisent l’ennui des études, l’émoi des premières lectures, la volonté d’échapper à l’autorité et à l’emprise de la religion…
Si Azorín se définit au moyen de l’adjectif « petit », c’est certes par modestie, mais aussi parce que cette prose en forme d’autobiographie, plutôt que de retracer les moments glorieux d’une vie, s’attache à des visions du quotidien, préfère décrire les autres (membres de la famille, maîtres d’école, apparitions fugaces au détour d’une rue…) plutôt que soi, et déploie une cartographie sensible, nostalgique, parfois ironique, qui rappelle par moments les courtes proses d’un Walser ou d’un Tozzi. Un texte parfait, étincelant de discrétion.
4 novembre
Contact et libraires : colette.lambrichs@gmail.com Téléphone : 06 60 40 19 16 Diffusion et distribution : Paon diffusion.Serendip Éditions du Canoë 2022
Les Watères du château — Guillaume Marie
« Elle n’était pas très haute. Une queue très belle, fournie, qui ressemblait cette fois bien à celle d’un cheval. Une crinière rase. Et alors, une corne. Une corne de plus d’un mètre, je pense, qui lui sortait tout droit du front, un peu au-dessus d’entre les deux yeux. Une corne qui semblait tourner sur elle-même comme une vis, une corne qui avait l’air d’être à la fois très légère et très solide. Quelque chose comme le mélange entre une antenne de voiture et le bois d’un cerf. »
Fiche technique
160 pages,
750 exemplaires
vente : 15 €
Serendip
ISBN : 978-2-493311-05-4
Ce livre reçoit le soutien du CNL et de la Région des Pays de la Loire.
109 pour le youngblood, le sang neuf. 109 pour la Génération Y, la Génération youngblood.
Une collection qui défriche une nouvelle géné ration de jeunes romanciers/cières.
Une collection de petits formats accessibles. Sans contrainte de genre et de style. Des textes courts de fiction.
Des thématiques générationnelles mais sans prendre des grands airs intellectuels.
A lire en train sur un Paris-Nantes.
Format :
12 x 20 cm Tirage :
Prix de
Diffusion :
Collection 109, parution novembre 2022 Bouclard éditions 7 rue de la Gagnerie 44830 Bouaye contact@bouclard-editions.fr 07 86 66 76 18 www.bouclard-editions.fr 109
Les Watères du château
Bientôt bientôt en librairie un chat une licorne des tentacules
Le premier roman de Guillaume Marie des rencontres un château des enlèvements
Un récit captivant échafaudé par un poète une famille des poursuites la ville de Nantes
Des chapitres fascinants qui se lisent d’une traite des vieux objets un escalier les Catacombes
Ecrit dans tout l’éclat du fantastique du poétique et de l’érotique Paris les philosophes l’écriture
Des tas d’amours dans un roman d’aventure
un vrai héros une maison un fiancé
Des tas d’aventures dans un roman d’amour
L’auteur : Guillaume Marie
Guillaume Marie est né en 1979 à Coutances. Après des études de Lettres à Caen, il est aujourd’hui jour naliste à Paris. Inspiré par les lieux qu’il habite et les animaux qu’il rencontre, il écrit principalement de la poésie (dernière parution : Exposition de reptiles vivants, Lanskine). Passionné par les expérimenta tions collectives, il est le fondateur du collectif Pou, qui publie notamment des petits livres de poèmes et des nouvelles pornographiques.
Les Watères du château est son premier roman.
Bouclard
Bouclard éditions 7 rue de la Gagnerie 44830 Bouaye contact@bouclard-editions.fr 07 86 66 76 18 www.bouclard-editions.fr Collection 109, parution novembre 2022
© Ewen Blain
David Gagnebin-de Bons Album sans famille
Album sans famille est un corpus uchronique d’images décrites où l’auteur tente de recons truire un lien d’apaisement et d’espoir avec le monde. Dans une langue riche et jalonnée d’in dices, le récit fait émerger des scènes définitives et sensorielles : celles d’une suite possible de notre monde, toujours imparfaite et incomplète, mais en apparence toujours inéluctable.
Des images nous parviennent, racontées par une voix solitaire et perdue dans le temps. Celles de cet album de photographies retrouvé mais auquel manque pour toujours une famille. Cet album sans sorties dominicales, sans fêtes… Aucun enfant assis sur le muret, aucune grande roseraie ; ni mariages, ni hasard d’un instant domestique.
Dans l’album, se révèlent entre les vides laissés par les pages arrachées, les plaines
commémoratives d’une guerre trop proche, les mégapoles inhumaines et la présence insistante de sa créatrice, une femme, photographe comme l’auteur du livre. Parfois accompagnée, elle tra verse ce « pays d’après », étonnamment semblable au nôtre, miroir familier de nos fantasmes litté raires d’un monde qui s’affaisse lentement et sans bruit sur sa fin. Dans ses photographies, pour tant, la force silencieuse des compositions semble tenir ses sujets dans un tout porteur, sinon d’es poir, du moins de sens.
Bien sûr, l’album est criblé de vides. Des planches en ont été arrachées, trois peut-être, sans qu’il soit possible de dire pourquoi, après une série de paysages et avant les dernières pages de garde. Tout contre la reliure, je vois le liseré effrangé de la fibre épaisse. Sous la pulpe des doigts, une crête de montagne miniature.
— EN LIBRAIRIE EN FRANCE/BELGIQUE LE 4 OCTOBRE 2022 — COLLECTION SHUSHLARRY
RÉCITART&FICTION
© Philippe Weissbrodt
format 11 x 17.5 cm, 72 pages isbn 978-2-88964-034-8 chf 14.90 / euro 12
genre récit, littérature suisse sujets abordés photographies, composition, dessin abstrait, absence
———David Gagnebin-de Bons est un photographe suisse né en 1979. Il est diplômé de l’Ecole d’Art Appliqué de Vevey, où il enseigne actuellement. Son tra vail est orienté vers la narrativité des rêves et les liens entre la littérature, les lieux de mémoire et le médium photographique. La photographie devient un outil pour ouvrir de nouveaux espaces d’imagination pour le spectateur à travers un proces sus continu de narration d’histoires personnelles. ———
Histoire d’un album de photographies criblé de vides, où le regard sur les absents transforme les hypothèses en souvenirs... AVEC SUBTILITÉ, LE PHOTOGRAPHE
DAVID GAGNEBIN-DE BONS SUBSTITUE LES MOTS AUX IMAGES
Soit les herbes sont couchées par le vent, soit la pluie a été si forte qu’elle a tout aplati.
La route trace d’abord un grand trait. Il a plu, et sous les flaques, des pierres descellées brillent d’un éclat plus vif. La route est inégale, mal ter rassée et les nids de poule forment de petits trous noirs où la lumière du soir n’entre plus. La route est attaquée par le vide.
Tout de suite, un pont se dessine. Il est très ancien. Le lit du ruisseau est asséché et une végé tation luxuriante d’orties et de luzerne a envahi les remblais. Là, les couleurs sont plus éclatantes que partout ailleurs.
Avant de s’engager sur le tablier, la route tourne légèrement, et l’on peut voir des étais qui sou tiennent la petite hauteur de la voûte: deux mètres, tout au plus. Installée à la hâte, probablement pour laisser passer un convoi lourd, la structure métal lique est restée en place.
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Il est difficile de dire si le pont est le sujet de l’image. Il est pourtant au tout premier plan, très proche. Une fois celui-ci franchi, la route ser pente paisiblement dans les collines. L’herbe est de plus en plus rase au fur et à mesure que le regard s’éloigne, jusqu’à laisser peu à peu appa raître des zones sablonneuses. S’approche-t-on de la mer, ou, ici comme ailleurs, le désert fait-il son chemin depuis les entrailles sèches de la terre? Dans le lointain, le tracé dessiné est interrompu par l’horizon et plonge dans le hors champ de la photographie.
Autre chose : c’est encore après la guerre, parce que l’homme porte la cordelette tressée de fils d’or qu’avaient les soldats démobilisés. Le reste de ses vêtements est absorbé au fond d’une ombre trop dense. Par un effet de la lumière dont la source est incertaine, seuls émergent les reflets éclatants de la fourragère, qui de l’épaulette, disparaît sous l’aisselle avant de réapparaître. Elle forme alors un noeud d’ornement complexe et boudiné.
Affaissé sur la banquette avant d’une voiture, l’homme a posé une main sur la portière ouverte, côté passager. Il est sans fatigue ni lassitude, mais ses jambes déployées en un large “V” et son autre bras tombé dans la nuit de ses cuisses expriment une paresse naturelle. La paresse des dimanches et des longues traversées en campagne. Le portrait d’un amant ?
L’obscurité est partout autour de cette scène. L’image, très graphique, est de lignes de tôle et de taches de chair.
DAVID GAGNEBIN-DE BONS | ALBUM SANS FAMILLE EXTRAITS
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La femme est debout devant le monument. Dressé à l’avant-plan, dans une pose solennelle, son corps en cache le socle sur lequel est très pro bablement inscrit quelque chose: un nombre de morts, une date, le nom d’un visiteur, la descrip tion d’un évènement public. La femme se tient au centre, à l’avant de la sculpture. C’est la photo graphe de l’album. Même sans en distinguer les traits, on reconnaît sa jeunesse et sa silhouette.
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Dans ces années-là, les monuments du nord semblent avoir été fondus par un même atelier, quel qu’en soit l’objet. Ils sont tout en pointe, à la manière des étoiles qui coiffaient le haut des sapins de Noël, mais ces pointes sont sans ordre. Immenses et rouillées, elles s’étendent anarchique ment en tous sens, dans un équilibre qui semble au spectateur toujours plus précaire au fur et à mesure qu’il s’en approche. Les rayons de l’étoile s’étendent jusqu’au-dessus de la femme et couvrent les coins supérieurs du cadre.
A ses pieds, elle a déposé un sac de toile presque vide qui déséquilibre la composition. L’image tombe, comme le monument, et pourtant, c’est à cause de cette simple forme, tapie aux côtés de la femme, que le temps, vertigineux, suspend sa chute.
Rescapé du temps, de l’espace, l’album est posé sur mon lit, ouvert et pourtant illisible. Bien sûr, il est criblé de vides. Des planches en ont été arra chées, trois peut-être, sans qu’il soit possible de dire pourquoi, après une série de paysages et avant les dernières pages de garde. Tout contre la reliure, je vois le liseré effrangé de la fibre épaisse. Sous la pulpe des doigts, une crête de montagne miniature.
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Exercice poussif de la collecte des souvenirs, imitation ratée de l’album de famille, à lui seul, cet arrachage peine à raconter son peu d’abondance et l’économie qui le traverse. Rarement plus d’une photographie par page, jamais de vis-à-vis sauf pour les vues de la grande ville. “Le grand voyage à la ville” ai-je envie de sous-titrer, mais de légendes ou de titres, il n’y en a pas. Sans éviter complète ment les thèmes imposés, –l’armée, le tourisme, son pays et les autres–l’album est marqué par le manque.
Est-ce parce que les années d’après-guerre ont été si pénibles, ou plus simplement, comme tous les éléments le laissent à penser, parce que, fai sant déjà de la photographie son métier, celle à qui l’album a d’abord appartenu n’accordait qu’une attention réduite aux images de sa vie? Il faudrait des lettres, des cartes postales, des billets pour le savoir. Il faudrait une famille pour comprendre.
Pourtant, dans cette insuffisance de signes, cer taines images sont saturées par la vie de la photo graphe. Les moins contrôlées, les plus inattendues. Sur toutes celles-ci, le flou, les ombres et le grain suintent de la surface sensible du papier. Par leur rare présence, elles imprègnent les pages laissées vides alentours.
DAVID GAGNEBIN-DE BONS | ALBUM SANS FAMILLE EXTRAITS
D’abord, les buissons épineux, des argousiers auxquels l’hiver a arraché les feuilles et les baies, et devant encore, des touffes éparses d’herbes qui surnagent çà et là dans la boue d’un terrain détrempé. En plaques sales, la neige persistante dessine, sur l’étendue qui mène à l’étang et aux arbustes, un motif qui, si je plisse les yeux, évoque les images terribles de la guerre. Les crânes frap pés d’alopécie: ceux des soldats soumis aux trai tements radiopharmaceutiques préventifs, ceux des civils soumis aux attaques aveugles menées par les soldats. Les régiments du front, emmitou flés dans les combinaisons NBC jaunes; à la force d’une seule main, leurs drôles d’armes en forme de fusil d’enfants, rondes et colorées, silencieuses comme la peur. La population des grandes villes de H. et de F., hagarde, dans les rues mystérieuse ment intactes mais elles aussi, silencieuses comme la peur.
Derrière ce champ percé de neige, et au-delà de ces barbelés de bois mort, se trouve l’étang. Un arbre y est tombé et son reflet dans l’eau stagnante forme avec lui un ovale presque parfait où le réel et son image sont réconciliés. Lieu d’un passage qui perce la surface tranquille de l’eau que n’agite aucune ride, et sur laquelle aucun oiseau ne se pose plus. L’étang lui-même est comme un ovale plus grand qui vient embrasser et étendre cette composition complète.
Le ciel, à l’arrière, est strié des silhouettes dénu dées d’une rangée de bouleaux qui ferment le pay sage de l’étang, de la neige et des arbustes. Cette image aussi est faite à la tombée du jour, et il est impossible de dire si elle est en noir et blanc, ou si c’est le crépuscule et le froid qui ont emporté le peu de joie qu’auraient amené ici le vert d’un jeune trèfle, ou le bleu vif d’un geai perdu dans la grisaille.
En dessous de l’image, quelqu’un a noté au crayon, d’une écriture effacée, légère et penchée: “L’étang où tu étais”.
Ce doit être à nouveau un site de la guerre. Pas un champ de bataille, mais une plaine commémo rative comme celles qui s’étendent d’ouest en est, sur la ligne de l’ancien front. Je peux le dire par la végétation rase et primitive que foulent au pied les marcheurs équipés pour parcourir une distance de plusieurs heures. Visible, l’horizon paraît très abaissé, écrasé par le stratus et incertain dans la brume qui se lève à bonne distance sur l’étendue plate et herbeuse, presque sans collines ni vallon.
Assurément, si des hommes se sont battus ici, ce n’était que pour mourir.
Les trois randonneurs posent de face, et portent aux visières de leurs casquettes identiques une main orthogonale. Seule celle de l’homme, à la droite des deux femmes, est gantée de blanc, et son geste précis n’en est que plus solennel. Sur chaque visage, l’ombre combinée de la main et des visières rend d’autant plus difficile la lecture de leurs traits déjà atténuée par la grande distance qui les sépare de nous. Trois piquets dressés dans la grisaille de l’hiver.
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Jouent-ils à la guerre, comme l’auraient fait d’autres à leur place, arrivés par hasard jusque-là au cours d’une promenade à l’itinéraire étudié en vitesse – la pente, la durée, et peut-être la météo, oui… mais l’endroit, le lieu-dit, qui l’aurait retenu ? Le corps de l’une des deux femmes est déporté vers la photographe, comme si elle venait de lui crier quelque chose, ou de l’avertir d’un point particu lier relatif au cadrage. L’homme semble être le plus tendu des trois.
Derrière eux, sans que le contre-jour ne vienne gâcher la scène, le soleil est à peine plus qu’un point perçant le stratus. Il est à la fois cette source d’énergie très concentrée, très puissante, et très lointaine. Acérée par le froid et prête à s’effondrer. Sur cette image, le soleil est près d’imploser.
DAVID GAGNEBIN-DE BONS | ALBUM SANS FAMILLE EXTRAITS
DAVID
GAGNEBIN-DE BONS | ALBUM SANS FAMILLE EXTRAITS