Littérature :: septembre - novembre 2023 :: Serendip & Paon

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CÉLINE CERNY & LINE MARQUIS

Le feu et les oiseaux. Talisman pour le monde qui viendra

Ce livre est un talisman. À feuilleter et à relire, à emporter avec soi

Dans le monde d’après, nous chasserons les papillons sombres de la douleur à coup d’histoires à dormir debout Face à l’anxiété latente provoquée par l’état du monde tel qu’il nous est rapporté, Céline Cerny et Line Marquis composent ensemble un livre, un recueil d’incantations et d’images. En réponse à cette menace floue, nourrie par des milliers d’images et de chiffres, de projections d’effondrement de nos systèmes politiques, économiques et sociaux dont on ignore les formes et la temporalité, elles s’efforcent de contrer la mise en scène de cette dystopie par un imaginaire résilient. Dans une suite de fragments adressés à la personne aimée, la narratrice mêle des réflexions sur notre lien au règne animal et notre passé le plus lointain, sur l’espoir d’une fluidité des genres, sur la place de l’imagination et le pouvoir des histoires dans nos vies.

En résonance aux textes de Céline Cerny, les peintures de Line Marquis ouvrent un univers abîmé mais aussi rassurant et flamboyant, reflet du désir ardent d’offrir d’autres mondes possibles.

Thèmes renouveau, rêve, résistance, amour, fluidité des genres, monde animal et végétal, sorcellerie

collection Pacific

format 18 x 21 cm, 96 pages, broché isbn 978-2-88964-058-4

prix CHF 27 / € 24

comme un objet de protection qu’on glisserait dans sa poche.
littérature récit poétique 22 août 2023 art&fiction

Ce livre est à mettre en pile à côté de Dans la forêt de Jean Hegland (Gallmeister, 2018), Viendra le temps du feu de Wendy Delorme (Cambourakis, 2021)

Aujourd’hui médiatrice culturelle, autrice et conteuse, Céline Cerny vit à Lausanne avec ses deux enfants. Après avoir travaillé dans l’édition critique et pour les Archives littéraires suisses à Berne, Céline Cerny a dirigé durant trois ans un projet intergénérationnel autour de l’écriture du souvenir. Dans ce cadre a paru en 2013 De mémoire et d’encre. Récits à la croisée des âges aux éditions Réalités sociales. Depuis 2015, elle est médiatrice culturelle pour la fondation Bibliomedia Suisse. Passionnée par le récit et sa transmission, elle se consacre également à l’art de conter. En 2015 a paru son premier ouvrage de fiction, Les enfants seuls (éd. d’autre part). Avec l’artiste Line Marquis, elle a publié en 2019 On vous attend, un recueil de récits accompagnés de peintures aux éditions art&fiction. Elle a également contribué à plusieurs revues dont Parole, Coaltar, La cinquième saison et Viceversa Littérature

Line Marquis naît en 1982 à Delémont et grandit dans le Jura. Après une école de travail social, elle fait son bachelor à la HEAD à Genève. Dans son atelier à Lausanne, elle se consacre au dessin, à la gravure et à la peinture. Elle compose entre son travail artistique, sa maternité et le travail social. Cette subtile dynamique fait naître ses questionnements et nourrit sa pratique artistique. Elle expose dans diverses galeries et institutions de Suisse Romande. Ses peintures et gravures sont présentes dans de nombreuses collections publiques et privées. En 2020, elle obtient le prix de la Fondation Lélo Fiaux pour l’ensemble de son travail.

© Philippe Weissbrodt Céline Cerny & Line Marquis | Le feu et les oiseaux

végétation reprendrait la main sur le monde.

Je mise tout sur les arbres.

Le feu – je t’apprendrai – pour le faire avec de l’amadou.

J’en ai déjà un peu.

Dans le monde d’après, nous ferons de chaque fleur une déesse.

Il y aura des jacinthes et des violettes.

Et des plantes sauvages qui toujours reviendront.

Est-ce qu’il y aura encore des bergères et des bergers, est-ce que les chats accepteront d’être encore à nos côtés, dans le monde d’après ?

Que deviennent les oiseaux et les rats en cage dans un monde effondré ? Qui libérera les prisonniers ?

Dans le monde d’après, le plus important sera de n’être jamais séparées.

Dès à présent, j’invente des stratégies : les fils, les traces, les échos qu’il nous faudra laisser le long des chemins. Remplis tes poches

Dans le monde d’après, les enfants auront des dents pointues et ce sera pour mieux mordre. Iels creuseront dans les troncs abandonnés des statues aux larges hanches et aux bras multiples.

On les laissera courir dans la forêt, filles et garçons, et il leur faudra ramener du lichen pour le feu.

Le feu – je t’apprendrai – pour le faire sans allumettes.

Je m’exerce chaque matin.

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Dans le monde d’après, sur une terre à nu, nous guetterons les mouvements des vers.

Les graines seront soigneusement gardées, tu m’apprendras à les reconnaître.

Tu sais, je pense à ces simulations qu’on peut voir sur internet, ce que deviendraient les villes s’il n’y avait plus d’êtres humains et comment la

de cailloux, de boutons et de pois chiches. Mais ne mets jamais de sel, jamais, car le pluie le fait fondre. Et la pluie vient si facilement.

Je garde le cap malgré la peur, j’essaie d’apprivoiser les doutes, de les ranger les uns à côté des autres ou de les empiler. Peut-être qu’en faisant ça, je réaliserai qu’il n’y en a pas tant. Dis-moi ?

J’ai peur de la noyade, d’être seule sur la plage vide, qu’il ne reste plus rien.

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Dans le monde d’après, nous organiserons sur les ruines des pique-niques géants.

Mais le feu, le feu tu sais, je le ferai rien que pour toi.

Du monde d’après je ne sais rien. Mais c’est avec toi, mon oiselle dorée, mon amoureuse, que tout sera traversé.

J’écris le livre pour les enfants, pour qu’iels se souviennent, et je pense à toi à chaque instant.

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Céline Cerny & Line Marquis | Le feu et les oiseaux extraits

Je me demande ce que nous pourrions enterrer, ce qu’il vaudrait la peine de conserver.

Les dessins des enfants peut-être.

J’ai la nostalgie des crocs, des griffes, des fourrures ensorcelantes, des queues touffues et des oreilles pointues. J’ai la nostalgie des signes ténus qui nous sauvaient du danger. Nous avons perdu tout cela.

Hors du papier et du crayon, hors du chant et des récits, je suis démunie, je suis diminuée.

Je vis en sourdine.

On s’y est fait, à cette vie atrophiée, on a cherché ce qu’il y a de plus beau, on a colmaté les trous creusés par nos mains articulées en inventant des histoires.

Nous sommes devenues des bêtes à demi, sauvées par le langage.

Dans le monde d’après, peutêtre que les animaux nous laisseront revenir parmi eux ?

Faudra-t-il alors aussi abandonner le feu ?

Dans le monde d’après, il ne faudra jamais se séparer. Plus de manque et d’attente, nos mains toujours prêtes à se frôler.

Ensemble, toi, moi et tous nos enfants, nous dormirons sous les étoiles.

Ensemble, nous nous laverons dans l’eau de la rivière et je retiendrai mon souffle pour ne pas crier sous la morsure du froid.

Tu te moqueras de moi.

Et après on s’étonne que ce soit moi qui tienne tant à faire le feu ?

Dans le monde d’après, on ne s’aimera plus en marge, en douce, au bord des chemins.

Je ne sais pas bien ranger alors j’ai bonne mémoire, je ne sais pas bien classer alors je mélange, je brasse et fais venir des couleurs nouvelles. Et je sais garder à proximité le doux, le précieux, ce qui console, ce qui brille, les pierres et les tissus.

On s’aimera en grand et à voix haute.

Nous serons le feu. ;

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Céline Cerny & Line Marquis | Le feu et les oiseaux extraits

Dans le monde d’après, on retournera près des rivières. Nous aurons des cheveux de méduse et dans les tiens, je chercherai des fleurs et des brindilles. ;

Quels bonbons donnerons-nous aux enfants ?

Tu te souviens, dans notre coin de jardin, quand la voisine nous avait dit qu’elle n’aimait pas tant laisser ses enfants manger les fraises sauvages, à cause des pipis de renard ? J’avais ri mais tu t’étais fâchée, comme si sa mise en garde te prenait, à toi, un morceau de liberté.

Dans le monde d’après, on cueillera des mûres et des framboises, on fera avec nos vêtements des balluchons où les garder précieusement. Les enfants auront la bouche rouge et quand on trouvera des cerises, le jus coulera sur leur torse nu.

Faudra-t-il tuer des bêtes pour les faire cuire sur notre feu ?

As-tu déjà déshabillé un lapin ? ;

En rentrant vers toi tout à l’heure, j’ai aperçu sur le chemin de terre

une carapace de coléoptère brisée. J’ai voulu la prendre en photo mais dans le monde d’après il n’y aura plus d’appareil. Alors j’ai renoncé, pour m’habituer.

J’ai préféré réfléchir aux mots pour la décrire et ça ne m’a pas plu, parce que l’image qui m’est venue est celle d’une carrosserie, dure et brillante.

J’ai pensé à toutes les inventions qui cherchent à copier les insectes.

Est-ce que les insectes se tordent de rire en pensant à nos ambitions folles ?

Dans le monde d’après, nous chasserons les papillons sombres de la douleur à coup d’histoires à dormir debout. ;

Dans le monde d’après, on ne craindra plus les parasites qui viennent manger nos plantes d’intérieur, on ne jettera plus les farines infestées de larves de mites.

Dans le monde d’après, on mangera ce qu’il y a.

Que ferons-nous des poux dans les cheveux des enfants ?

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; Céline Cerny & Line Marquis | Le feu et les oiseaux extraits

N’ajouter rien

Fabrice Chillet se fait voler un livre dans une brasserie, L’Été, deux fois, publié aux Éditions de Minuit, fin des années 1980. Notre auteur part en quête pour retrouver ce roman qui se révèle aussi évanescent que fascinant. Entre portes closes et chaussetrappes, tout semble un temps se dénouer grâce au mystérieux Daban. Gardien du temple et ultime détenteur d’un roman unique et introuvable dont l’auteur semble sans cesse se dérober. Ainsi naît une fascination littéraire, ainsi naissent les fétiches dans ce jeu de mise en abyme. Mais si le vrai sujet de ce livre était plutôt l’histoire d’une rencontre. Par un jeu de séduction intellectuelle, Fabrice Chillet et Daban construisent doucement les bases d’une amitié élégante et mesurée. Fabrice Chillet nous offre, avec N’ajouter Rien, une coquille romanesque renfermant une perle non fictionnelle.

L’auteur

Fabrice Chillet

Après quelques études universitaires et une thèse lâchement abandonnée sur le sens du Graal dans la vulgate arthurienne, Fabrice Chillet a passé le reste de son temps à hésiter. Tantôt professeur de français, par vocation. Tantôt journaliste, par ambition. Parfois encore rédacteur-fantôme, par nécessité. Et enfin auteur, à dessein. Derniers livres parus : Un feu éteint (2018), Narcisse était jaloux (2021), aux éditions Finitude ; Pyrate chez Bouclard Éditions (2022).

© Alan Aubry
Bouclard éditions 7 rue de la Gagnerie 44830 Bouaye contact@bouclard-editions.fr 07 86 66 76 18 www.bouclard-editions.fr Collection Tout est vrai ou presque, parution rentrée littéraire septembre 2023

N’ajouter rien

Fabrice Chillet

Fiche technique

Format : 160 pages, 14 x 20 cm

Tirage : 1000 exemplaires

Prix de vente : 19 €

Diffusion : Serendip

ISBN : 978-2-493311-08-5

Dans cette collection de longs formats, nous publions une littérature du réel. Seule compte l’histoire, son auteur, son expérience… Dégoter un bon sujet et bien le raconter.

« Et si Costa n’avait écrit qu’un seul livre ?
Un chef-d’œuvre méconnu, effacé peu à peu des registres. Un texte devenu secret qu’on s’échange entre compagnons. Un commerce d’admirateurs superstitieux. Suffisamment fanatiques pour commettre un vol dans un café. Costa avait peut-être réussi à tout dire en une fois. Ou alors, il était mort sans avoir eu le temps d’aller plus loin. Minuit n’indiquait pas de date de décès. »
Collection Tout est vrai ou presque, parution rentrée littéraire septembre 2023 Bouclard éditions 7 rue de la Gagnerie 44830 Bouaye contact@bouclard-editions.fr 07 86 66 76 18 www.bouclard-editions.fr
« Tout est vrai ou presque »

ROSE2RAGE par Théophylle Dcx

· Direction éditoriale ..... Emma Fanget et Fanny Lallart

· Graphisme Fanny Lallart

· Collection 39°5

· Format (mm) 140*205

· Nombre de pages.......... 206

· Prix (€) ................................... 14

· ISBN ........................................... 9782493534118

ROSE2RAGE est le deuxième ouvrage de la collection 39°5 des éditions Burn~Août, consacrée à des travaux littéraires queers, féministes, et issus des paroles dites minoritaires.

Résumé : Théophylle Dcx dresse sa chronologie personnelle à travers les différents endroits qu’il a habité : son adolescence dans la campagne stéphanoise puis son arrivée à Nice à l’école des Beaux-Arts, où un horizon de découvertes s’ouvre à lui. Nous le suivons au fil de ses fantasmes, accompagnés, tout au long du récit, de ses musiques préférées et de ses danses de survie. Des négociations dans sa maison d’enfance pour écouter Cascada à fond, à l’écoute collective et festive de remix nightcore de la chanson — “Cascada s’écoute à fond ou ne s’écoute pas” — il revendique tout ce qui le constitue aujourd’hui : sa vie à la campagne en tant qu’homosexuel, sa séropositivité, le travail du sexe, ses amours, ses désirs et ses affects. Son livre rend un puissant hommage à son amitié avec Alexandre, son compagnon de vie et de danse, décédé une année plus tôt.

Le premier ouvrage publié était un recueil de poésies de Marl Brun s’intitulant Hot wings and tenders. Tout comme Marl Brun, Théophylle Dcx écrit à la première personne un récit situé et politique. Il adopte un ton direct pour se raconter et laisser apparaître ses affects. Sa narration est ponctuée par des éclats, des expressions percutantes, des slogans intimes qu’il revendique. Il compose le rythme de son texte en utilisant frénétiquement le retour à la ligne, se passant parfois de majuscules ou de ponctuation. Son écriture évoque un besoin urgent de retracer les sentiments, les sensations ; l’auteur fait l’expérience de mettre en mots des histoires d’habitude privées de paroles. Il raconte vite, bien, fort, ce que peut être la vie d’un jeune queer séropo et travailleur du sexe aujourd’hui, les violences qui la traverse tout comme les moments de jouissance qui la rendent si éclatante, faisant de ce texte un précieux geste de partage et d’empowerment. L’écriture dynamique de Théophylle Dcx évoque le langage parlé, d’ailleurs ses textes

Parution en septembre 2023

Auteurices et ouvrages associés :

David Wojnarowicz (artiste homosexuel de la scène underground new-yorkaise), Guillaume Dustan (écrivain et éditeur), Elodie Petit (poétesse et performeuse)

Los putos, Ioshua, éditions Terasses

Théophylle Dcx a grandi dans la banlieue rurale de Saint- Étienne et vit aujourd’hui à Marseille. Sa recherche artistique se développe autour d’une pratique d’écriture, de performance et de vidéo. La musique prend une place importante dans son travail, elle raconte des moments partagés qui lui ont permis de se lier aux autres et de se construire à leur contact. Ses textes et ses performances sont un entrelacement de ressentis et d’analyses sociales. Il évoque les intersections entre ses identités et souligne leurs réalités politiques.

Thèmes abordés : Sexualité, homophobie, sérophobie, identités queer, amitié, solidarités, discriminations, amour, art, deuil, drogue, famille, luttes politiques et sociales, rapports d’oppression de classe, survie économique, fêtes, musiques, travail du sexe, séropositivité

ACTUALITÉS ARTISTIQUES : Festival Parallèle, exposition Larelève (5 château de service, Marseille, janvier à mars 2023) / Exposition Lessillons (CAC de la Ferme du Buisson, mars à juillet 2023) / Exposition 100% (La Villette, Paris, avril 2023) / Performance au Palais de Tokyo (3 mai 2023) / Performance au CAC de la Ferme du Buisson (24 juin 2023) / Show room à Art oRama (Marseille, septembre 2023) / Salon de Montrouge (octobre 2023.

46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 16 avril 2023 page 1/3 LITTÉRATURE / ROMAN ÉDITIONS BURN~AOÛT /// ROSE2RAGE \\\ AVRIL 2023

sont souvent d’abord écrits pour être lus à l’oral. On pourrait inscrire son travail dans le mouvement du spoken word où l’écrit se pense à travers la prise de parole publique, une écriture active, faite pour être incarnée. Dans la lecture, les mots de Théophylle Dcx engagent son corps et celui des personnes qui découvrent son histoire.

Le livre contient une diversité de contenus : les paroles de ses musiques préférées, des QR codes qui mènent aux vidéos des chansons performées, des images et des photos qu’il a prises. En combinant ces contenus, Théophylle Dcx construit une représentation de son intimité multimédiums et multisensorielle. Cette diversité de contenus offre plusieurs repères aux lecteurices et ouvre diverses possibilités de lecture : l’auteur encourage ses lecteurices à écouter les musiques qui constituent son récit, invitant les corps, le sien que l’on image danser et celui des lecteurices qui s’emparent du texte.

Endroits d’identification pour les lecteurices, les références populaires (musicales et cinématographiques) qu’il utilise font corps avec le récit : elles accompagnent son adolescence, son émancipation, sa sexualité et le processus de deuil de son ami Alexandre, décédé peu de temps avant que Théophylle Dcx se mette à commencer ce texte. Par exemple, la chanson de Juliette Armanet “Alexandre” prend un autre sens quand il décrit l’importance qu’elle a pour se remémorer son ami et fantasmer sa présence. Théophylle Dcx nous décrit son adolescence à la campagne, sa sexualité, le travail (du sexe notamment), la famille et les discriminations vécues à ces endroits sur un ton direct. Il allie une écriture sensible à un style offensif et intense, ce qui fait de ROSE2RAGE un récit net, vif et déterminé.

À propos de la collection 39°5 : 39°5 est une température, celle d’une fièvre qui monte ou d’une journée caniculaire, c’est aussi le nom de notre collection. Dans la collection 39°5, nous choisissons de partager des textes écrits à la première personne qui mêlent l’intime au politique dans une perspective fondamentalement queer et féministe. La collection accompagne des auteurices qui n’ont encore jamais été publiéxes et dont le travail questionne, déplace, ébranle nos rapports aux normes sociales et littéraires. Les textes de 39°5 sont brûlants, humides de sueur, ils portent des voix ardentes. Ils tentent d’inscrire dans le paysage littéraire d’autres références, proches de nos réalités et des affects qui les habitent.

Thèmes abordés : sexualité, homosexualité, homophobie, identités queer, amitié, solidarités, amour, deuil, drogue, dépression, famille, luttes politiques et sociales, rapports d’oppression de classe, survie économique.

Genres littéraires : Souvent hybrides et protéiformes, les genres littéraires des textes relèvent de la poésie, du récit à la première personne, du témoignage et de l’autofiction .

Théophylle Dcx lisant un texte

Déjà publié dans la collection 39°5 :

– Hot wings and tanders par Marl Brun

Hot wings and tenders est un recueil de poèmes écrits en anglais à la première personne. Ils déclinent l’exploration d’une jeune femme queer de son propre corps, de sa sexualité, et de ses modalités d’existence matérielles. Alternativement tendres, crus, drôles et vifs, les poèmes de Marl Brun utilisent des protocoles d’écriture en apparence mathématiques pour tenter de capturer l’absurde logique du monde. Ils sont les énoncés analytiques d’une intimité qui demeure sensible et échappe à toute tentative de rationalisation. Profondément ancrée dans son quotidien, l’écriture de Marl Brun nous rappelle que chaque infime partie de nos rapports est politique et contient en elle un potentiel de résistance. Ainsi, son obsession coupable pour le poulet frit, ou son amour inconditionnel des chiens deviennent les supports poétiques d’une réflexion sur la survie, l’émancipation et la résilience. Cette édition est bilingue, en anglais et français. L’autrice fait ce qu’elle appelle des “traductions affinitaires” en faisant traduire ses poèmes par des proches. N’étant pas des traducteurices professionnel.les, le passage au français est marqué par des inexactitudes. Cela rend visible le processus de traduction comme un exercice de réécriture poétique à part entière.

46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 16 avril 2023 page 2/3 LITTÉRATURE / ROMAN ÉDITIONS BURN~AOÛT /// ROSE2RAGE \\\ AVRIL 2023

Extrait 1 dans ma chambre, depuis l’apparition de ce poste radio, puis de mon premier Mp4, aujourd’hui encore à 25 ans je continue de danser seul, à fond

ça m’a sauvé – pas mal d’années, d’avoir ce moment, d’être ce moment dans ma chambre, le noir, je danse, et je me connecte, à des espaces, des lieux, des ambiances loin 2 moi, fantasmés & safe

Extrait 2

la veille de ma rentrée de troisième, j’angoissais tellement de me retrouver dans la même classe que certaines couilles pipi au lit à 14ans, au milieu 2 la nuit, tout trempé, c’est la veille, je me pisse dessus

j’ai changé les draps rapidement pour être sûr que personne ne soit témoin, no one no shame

Extrait 3

4 mois plus tard, en septembre, 2h du matin je pense je rentre de soirée complètement bourré et excité comme une chienne, j’écris à Jean Michel, il ne dort pas, je lui dis de venir me baiser chez moi cette fois, il arrive très rapidement, je descends lui ouvrir, trop bourré et excité j’en oublie l’existence de l’interphone, dans l’ascenseur je bande déjà on rentre chez moi Jean Michel, me baise, il me prend sans capote, je me souviens de ma tête contre la moquette du mur sa bite au fond fond de mon trou je sens ses boules qui frappent mon périnée et caressent mon cul à chaque fois qu’il s’enfonce Putain elles sont énormes énormes énormes

46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 16 avril 2023 page 3/3 LITTÉRATURE / ROMAN ÉDITIONS BURN~AOÛT /// ROSE2RAGE \\\ AVRIL 2023

Louis-Ferdinand Despreez

Genre : roman

Format : 12 x 18,5 cm

Pages : 216

Prix : 18 €

ISBN : 978-2-490251-81-0

Romancier sud-africain, engagé aux côtés de l’ANC de Nelson Mandela, Louis-Ferdinand Despreez a été conseiller de plusieurs chefs d’État africains. Depuis sa résidence de Pretoria, il a parcouru pendant trois décennies le continent africain du Cap au Caire et de Zanzibar à São Tomé dans le cadre de ses missions. Il vit désormais sur un bateau dans l’océan Indien et le Pacifique et ne se consacre plus qu’à l’écriture. Il a publié La mémoire courte en 2006, Le Noir qui marche à pied en 2008 chez Phébus, La Toubabesse à La Différence en 2016 et Bamboo Song en 2021 au Canoë.

Quand un vétérinaire laotien est invité à La Havane en 1989, peu après la chute du Mur de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique, pour y rencontrer Fidel Castro, on peut s’attendre à une aventure pas ordinaire… Le Lider Maximo, qui ne cache pas son amour pour les vaches, le lait et les crèmes glacées, caresse le projet de repeupler le cheptel bovin cubain famélique en créant une immense ferme dans les prairies du pays du million d’éléphants, le Laos communiste. Le docteur Bounthan, lauréat de l’Académie Skryabina de Moscou, et futur député, est chargé par son gouvernement de rencontrer Castro afin de ramener à Vientiane un vaillant étalon reproducteur répondant au doux nom de Fidelito pour engrosser des vaches lao à la chaîne. Tout semble encore logique et même presque possible à ce point du récit… Mais entrent alors en scène sans frapper Kennedy, Bush et Gorbatchev, la CIA, le KGB, des rebelles royalistes et la fatalité qui s’acharnent contre le jeune Fidelito et son cornac… Dans cette fable latino-indochinoise, l’auteur nous conduit au bout d’un délire géopolitique rafraîchissant qui se paye le luxe de considérer les relations internationales sous un autre jour. Une bouffée d’oxygène pour ceux qui sont fatigués de voir le monde marcher droit dans un mur qui n’est pas près de s’effondrer…

1er septembre
Éditions du Canoë 2023 Contact : colette.lambrichs@gmail.com Téléphone : 06 60 40 19 16 Diffusion et distribution : Paon diffusion.Serendip Relation libraires : jean-luc.remaud@wanadoo.fr Téléphone : 06 62 68 55 13 Éditions Du Canoë : 9, place Gustave Sudre Local parisien : 2, rue du Regard 33710 Bourg-sur-Gironde 75006 Paris c/o Galerie Exils

Pendant que leur chef jouait ainsi au Robinson Crusoé sardanapalesque, les Cubains, qui avaient oublié depuis longtemps les promesses mirifiques de la Revolucion de 1959, bouffaient de la vache enragée. À vrai dire, non même pas… Et c’était bien là tout le problème ! Il y avait belle lurette qu’il n’en restait plus, des vaches, à Cuba… Enragées ou pas. En tout cas plus assez pour faire bombance ou se mitonner un ragoût de paleron à la tomate ou de queue de bœuf aux olives. On croisait bien encore dans les campagnes quelques dures à cuire aux jambes cagneuses, à l’œil triste et au poil clairsemé bouffé par la gale, mais les malheureuses n’étaient désormais bonnes qu’à regarder aux passages à niveau brinquebaler les vieux wagons russes ou yougoslaves du Ferrocarriles de La Havane à Santiago en mâchouillant des chardons volés aux ânes. C’était à cause de cette pénurie préoccupante qu’el Jefe s’était pris de passion pour l’élevage. Quand l’élevage va, tout va, disait-on à Santa Clara et dans les campagnes. Mais là, précisément, ça n’allait plus du tout : alors qu’au

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lendemain de la Révolution il y avait plus de six millions de têtes de bétail dans l’île, quasiment un bœuf par habitant, aujourd’hui c’était que dalle, nada… Et dans sa solitude de chef éclairé, pour s’endormir le soir, Fidel comptait depuis longtemps des veaux et des génisses, et pas des moutons.

En l’an de disgrâce collectiviste 1991 qui annonçait la chute de l’URSS, Cuba touchait donc bel et bien le fond des abysses du marxisme déculotté. Depuis 1989, le pays, privé de ses subsides soviétiques, était en proie à une débâcle consternante et vertigineuse. Tout s’effondrait comme un château de cartes, surtout les anciennes belles maisons de maître espagnoles du paseo Malecon, le fameux et magnifique boulevard du bord de mer, et du quartier de la Vieille Havane. Mais si on pouvait renforcer les murs branlants des somptueux hôtels particuliers de style madrilène en ruine avec des madriers et des arcs-boutants, il était plus hasardeux de soutenir l’économie nationale avec des troncs de cocotiers. Quant à la pénurie de pétrole, elle précipitait le glissement irréversible du pays dans une mouise noire. Il y avait juste assez de carburant pour pousser à fond les machines de l’Aquarama II pour rentrer au port… Et pour remplir le réservoir de la Mercedes du Comandante. Et faire voler les Antonov de la Cubana de Aviacion qui persistaient à ramener à La Havane les irréductibles congés payés cégétistes français venus couper de la canne à sucre à l’œil pendant la zafra comme de candides couillons de brigadistes sans frontières qui avaient l’impression

d’écrire l’Histoire et d’emmerder les Américains pendant les vacances. Évidemment, les Cubains se foutaient royalement du dévouement de ces touristes à la cause révolutionnaire, surtout dans les plantations où ces braves communistes naïfs et aveugles n’étaient rien d’autre que de la main-d’œuvre gratuite ! Au fond, ce sournois rétablissement de l’esclavage à l’envers avec des Blancs déchargés par bétaillères entières par des Nègres dans les fermes des Caraïbes était un fichu pied de nez à l’Histoire qui ne déplaisait pas à ce foutu malin de Fidel qui n’était pas dépourvu d’humour grinçant…

Enfin, pour résumer, la panade et la dèche des Cubains avaient atteint des sommets inénarrables qu’on n’osait même plus chanter en grattouillant les guitares, et cela sans vouloir aucunement verser dans l’anticommunisme ou l’anti-castrisme, ce qui serait injuste et primaire puisque tout était en réalité de la faute de ce maudit morpion catholique de Kennedy et pas de Fidel. Jusqu’aux revenus substantiels de la prostitution patriotique des bas quartiers plutôt nègres, ou du Malecon un peu plus créole, tout comme celle, non moins héroïque des jineteras, ces brillantes universitaires féministes et polyglottes plutôt blanches qui citaient Sartre ou Beauvoir après avoir fait des turluttes intellos tarifées à des étrangers pour augmenter le PIB, ne parvenaient plus à garantir à la Nation un semblant de la dignité révolutionnaire pourtant bien méritée. Quant au marché noir de billets verts transformés en chavitos, les fameux pesos convertibles réservés exclusivement aux

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Yumas americanos de passage ou aux rares touristes, il contribuait plus à la survie qu’à la prospérité ! Ainsi, pour reprendre les rênes, le 1er octobre 1990, Fidel avait annoncé la tête haute au peuple que le pays s’engageait dans la « Période spéciale en temps de paix ». Un plan ambitieux qui visait à restaurer la crédibilité diplomatique et commerciale de Cuba pour atteindre l’autosuffisance ! Un génial programme supra et postrévolutionnaire en quelque sorte, comme si la Revolucion en marche se mettait tout d’un coup à courir au lieu de traîner

la patte…

En écoutant à la télé, au frais dans la climatisation, la dernière harangue-fleuve de Fidel sur la Plaza de la Revolucion, entre deux verres de vodka russe qui lui servait à laver ses remords d’avoir autant de sang au bout des doigts que son frère et patron, qui, lui, se foutait d’avoir les mains sales puisqu’il était le taulier et que le pouvoir est toujours un peu salissant, Raúl Castro, le ministre de la Défense, avait opiné lentement du chef d’un air désabusé. Il savait bien que tous les discours de son Comandante de frangin, et même cette affaire de Période spéciale en temps de paix, c’était du pipeau de virtuose de la chansonnette socialiste tropicale habituelle. Du baratin de jus de crâne démagogique… Il faut noter pour ceux qui s’interrogeraient sur le degré de misère du petit paradis caraïbe, qu’en dépit de la sévère pénurie de produits de luxe importés, il y avait toujours de la vodka Stolichnaya à l’hôtel Ambos Mundos dans la Vieille Havane où Hemingway avait

aimé poser ses cantines, mais aussi au bar du Floridita à l’angle des calle Obispo et Monserrate autant qu’à la Bodegita del Medio. Et enfin évidemment à l’Unité 160, la forteresse du Jefe où Raúl, un godet plein à ras bord à la main pour désinfecter ses futurs remords, se préparait comme toujours à faire le boulot malpropre. Il savait qu’on devrait une fois de plus demander aux Cubains de serrer leur ceinture d’un cran. Et au G2, la redoutable Seguridad d’Estado, de tenir à l’œil les dissidents et les agitateurs déjà pétrifiés de trouille à l’idée qu’un zélateur des CDR, les Comités de Défense de la Révolution, les dénonce.

Pour résumer, Période spéciale ou de mouise désespérément chronique, le climat était à la grande sclérose mélancolique et paranoïaque doublée d’anorexie conjoncturelle causée par une sévère carence de bouffe ! Et Cuba était encore et toujours bel et bien assiégé par cette saleté de blocus américain à tacite reconduction ! Plus rien ne passait, à part – mais dans le mauvais sens seulement, vers la sortie – la cocaïne en transit des cartels colombiens envoyée en douce à Miami et qui faisait rentrer un peu d’oseille dans les caisses cubaines pour soutenir tant bien que mal la Revolucion essoufflée.

Voilà pourquoi Fidel, à cause de ce déprimant embrouillamini géopolitique, avait eu besoin de réfléchir très sérieusement à l’avenir de Cuba dans son repaire idyllique de Cayo Piedra, et de considérer cette extravagante idée de vaches qui lui était soudainement venue, telle une illumination, une nuit d’insomnie. Un

6 7

7 mai

Louis-Ferdinand Despreez

Genre : roman

Format : 12 x 18,5 cm

Pages : 320

Prix : 21 €

ISBN 978-2-490251-43-8

Romancier sud-africain, engagé aux côtés de l’ANC de Nelson Mandela, Louis-Ferdinand Despreez a été conseiller de plusieurs chefs d’État africains. Depuis sa résidence de Pretoria, il a parcouru pendant trois décennies le continent africain du Cap au Caire et de Zanzibar à Sao Tomé dans le cadre de ses missions. À soixante-six ans, il vit désormais sur un bateau dans l’océan Indien et le Pacifique et ne se consacre plus qu’à l’écriture. Il a publié La mémoire courte en 2006, Le Noir qui marche à pied en 2008 chez Phébus et La Toubabesse à la Différence en 2016. Bamboo Song est son quatrième roman.

C’est à une étrange croisière dans le temps que nous convie LouisFerdinand Despreez dans ce Bamboo Song. A-t-il rêvé le périple improbable de cet ambassadeur de l’Empereur Hailé Sélassié, Ras Makonnen, envoyé en mission auprès du roi du Laos à Luang Prabang en Indochine sous domination française pour obtenir protection devant les menaces de guerre de Mussolini sur son pays ? A-t-il rêvé aussi cet Extrême-Orient d’avant la Deuxième Guerre mondiale – Laos, Siam, Cochinchine, Cambodge où régnaient encore des cours munificentes ? A-t-il rêvé enfin une descendance imaginaire à Rimbaud dont un des pseudonymes était Jean Baudry ? Il nous emmène un siècle en arrière dans les odeurs enivrantes des frangipaniers, parmi l’or et les pierres précieuses, dans des contrées alors lointaines et inexplorées où la colonisation française n’avait pas encore partout établi ses mœurs et sa domination.

Contact et libraires : colette.lambrichs@gmail.com ; tel 06 60 40 19 16 Diffusion-distribution : Paon diffusion.Serendip
2021
Éditions du Canoë

Éditions le Sabot Collection du seum

ATELIER PANIQUE - Antoine Jobard

La panique est cet événement qui sort du quotidien pour embarquer une foule vers un élan d’intensité et de peur démesurées. Par son étymologie, ce terme évoque la divinité grecque de la nature, Pan : c'est lui qui se saisit d'une situation et organise une perte de contrôle généralisée. Dans le roman Atelier Panique , un jeune narrateur se laisse embarquer, malgré lui, dans l’ultime élan morbide d’un vieux peintre ayant décidé de se suicider après sept jours. Construit sous la forme d’une Genèse à rebours (sept chapitres calqués sur sept journées dont la première donne une impression de plénitude et de fatigue, tandis que le reste de la semaine se vide lentement de toute vie vers l’obscurité totale), le texte s’enfonce vers un huis-clos entre un artiste pétri de postures romantiques, et un jeune révolutionnaire, lui-même pris dans des postures politiques et paranoïaques.

Depuis l’atelier du peintre, ils s’enferment doucement dans une folie partagée alors qu’un mouvement insurrectionnel s’étend à l’extérieur. Leur face à face questionne certaines positions artistiques, politiques et masculines qui les éloignent du lieu où s’exprime le vivant : leurs relations amoureuses dont ils s’échappent, lâchement, et la révolte révolutionnaire. Le texte apporte un souffle complexe dans l’élaboration d’un récit qui alterne l’action et la réflexion. Alors que le monde s’écroule et que les perspectives écologiques condamnent l’humanité, quelles sont les avenirs possibles pour l’art et l’espoir ? Nos personnages répondent alors par un élan de panique existentielle qui les déborde.

Le roman nous plonge dans une ambiance étrange et pourtant familière, telle qu’on en trouve dans le cinéma de Jacques Rivette ( Le Pont du Nord , La Belle Noiseuse , Paris nous appartient…), quelque part entre complots et jeux. Le langage emmêle un argot contemporain à certaines tonalités plus baroques et poétiques, selon les situations du récit. Certains écueils des personnages évoquent des scènes à la Dostoïevski, voire même un soupçon de Beckett, et une relation très forte à une réalité politique contemporaine, entre seum et révolte.

Septembre 2023

120 x185 mm / 152 pages / 13 €

Thèmes: premier roman, sabotage, peinture, folie, huis-clos, mort, révolte.

Isbn : 978-2-492352-15-7

contact.lesabot@gmail.com le-sabot.fr 37 rue Guichard, 94230 Cachan +33 676249059

En librairie octobre 2023

Format : 20,6 x 14,1 cm

Pages: 672 p.

Reliure : broché, collé

rayon : Littérature

Prix: 28 € / 38 CHF

ISBN 978-2-8290-0671-5

Je,LastatuedeCondillacretouchée suivisdeOnir

Yves Velan

PRÉSENTATION

Je préface de Sylviane Dupuis postface de Roland Barthes

« Tout le paradoxe, toute la vérité de ce livre tient à ce qu’il est à la fois et par le projet même qui le fonde, roman politique et langage d’une subjectivité éperdue. ». « Un des livres les plus importants publiés depuis la Libération ».

Roland Barthes

Premier roman d’Yves Velan paru en 1959, Je a été salué en France par le Prix Fénéon et le Prix de Mai. Fusionnant monologue joycien, matière politique et réalisme réinventé, il inaugure une œuvre radicalement singulière, tout entière placée sous le signe d’une poétique du langage.

La statue de Condillac retouchée préface de Jérôme Tonetti postface de Philippe Renaud

«Velan donne à lire, du début à la fin, « quelque chose qui ressemble» au discours immédiat, ou monologue intérieur, d’un homme d’aujourd’hui, vivant en Suisse romande, qui se propose d’écrire un récit : plus précisément, une fable philosophico-économico- politique. Son but sera de vérifier la validité du Savoir marxiste et de prouver l’inévitable faillite du néocapitalisme. »

Philippe Renaud «À propos d’un roman d’Yves Velan: une rhétorique du jeu de mots »

AUTEUR

L’écrivain suisse Yves Velan est né en 1925, d’un père suisse et d’une mère française. Il est l’un des fondateurs du Groupe d’Olten, qui rassemble en 1971 les écrivains suisses de gauche. Membre du Parti ouvrier populaire de 1947 à 1958, il quitte le canton de Vaud où il est frappé d’interdiction professionnelle et enseignera jusqu’à sa retraite la littérature au gymnase (lycée) de La Chaux-de-Fonds. Il est également l’auteur de deux autres romans : Soft Goulag (1977) et Le Narrateur et son énergumène (2018), d’un manifeste littéraire : Contre-pouvoir, et d’Onir (1973).

DIFFUSION ET DISTRIBUTION SUISSE Éditions d’en bas Rue des Côtes-de-Montbenon 30 1003 Lausanne 021 323 39 18 contact@enbas.ch / www.enbas.net DIFFUSION ET DISTRIBUTION FRANCE Paon diffusion/SERENDIP livres Paon diffusion – 44 rue Auguste Poullain – 93200 SAINT-DENIS SERENDIP livres – 21 bis rue Arnold Géraux 93450 L'Île-St-Denis +33 140.38.18.14 contact@serendip-livres.fr gencod dilicom3019000119404

Extrait préface JE

« Cher Monsieur, Votre manuscrit est extraordinaire. Je sors de vos pages comme si j’avais abordé dans un monde si prenant qu’il ne me laisse plus un seul instant de liberté. […] Vous avez réussi. » : ce sont les mots de Jean Cayrol à Yves Velan, un jeune auteur d’origine vaudoise habitant La Chaux-de-Fonds, en Suisse, et n’ayant encore fait paraître aucun livre, au sortir de sa lecture du manuscrit de JE, en mars 1958. Cayrol, lui-même poète et romancier de premier plan de l’après-guerre, est lecteur au Seuil, alors dirigé par Paul Flamand à qui il transmet immédiatement le texte. Une semaine plus tard, le projet de contrat est envoyé à Yves Velan, accompagné d’une nouvelle lettre où Flamand témoigne de sa « très profonde admiration » pour un manuscrit qui l’a « passionné de bout en bout ».

Et la reconnaissance ne s’arrête pas là. Sur le bandeau du livre qui paraît à l’automne 1959, on peut lire, de la plume de Roland Barthes (qui lui consacrera une magistrale analyse, reproduite en postface) : « Un des livres les plus importants publiés depuis la Libération ». L’année suivante, JE obtient à Paris, en février, le Prix Félix Fénéon (figurent dans le jury Aragon, Michel Butor et Jean Paulhan), puis le Prix de Mai (outre Barthes et Cayrol, figurent dans le jury Georges Bataille, Maurice Blanchot, Louis-René des Forêts, Alain Robbe-Grillet et Nathalie Sarraute).

Mais en Suisse romande, Yves Velan n’est déjà plus un inconnu. Co-fondateur en 1950, à l’âge de 25 ans, de la célèbre revue Rencontre, qu’il accompagne durant deux ans, et membre dès 1947 du Parti Ouvrier Populaire (communiste – ce qui lui vaudra de se voir cinq ans plus tard interdit d’enseignement à Lausanne), il s’y est fait une réputation d’intellectuel engagé et de critique exigeant, aussi incisif que virulent. JE va faire de lui un écrivain.

L’écriture comme expérimentation et instrument d’émancipation

Avant tout, JE est le roman d’une émancipation. Celle de Jean-Luc Friedrich, jeune pasteur vaudois aussi exemplaire que mal dans sa peau, déchiré entre sa foi, sa compassion pour tous les défavorisés qui le conduit à se rapprocher des « rouges », où il a des amis, et l’obéissance qui le lie à sa hiérarchie, à l’Église nationale vaudoise et à l’État cantonal dont elle dépend1 , pour qui bolchéviques et athées sont l’incarnation du mal. C’est aussi un homosexuel refoulé, dans une Suisse romande alors muette sur la question, voué au « péché solitaire » (qu’il s’interdit de nommer au point de se censurer constamment), mais qu’obsède l’idée de normalité.

Passant du monologue intérieur à la rédaction d’un journal, ou relatant après coup, et parfois en plusieurs versions, pour lui ou pour d’autres, des scènes que le roman tait, Friedrich, à qui ses supérieurs reconnaissent pour « seul mérite », dit-il, de « faire de bons sermons », va progressivement se changer en écrivain sous nos yeux.

1 Le canton de Vaud, où vit le protagoniste de Je et d’où est originaire Yves Velan, qui y a fait ses études gymnasiales et universitaires, n’est pas soumis à la loi de séparation entre l’Église et l’État. Celle-ci (héritière, en France

où la loi est votée en 1905 – de la Révolution) n’existe, en Suisse romande, qu’à Genève et à Neuchâtel.

« * (Moi). Personnellement je ne suis pas opposé au socialisme, même complet, nationalisations, kolkhozes, etc.

Leur étonnement. Plusieurs mains se lèvent. Le président choisit (avec arrière-pensée).

(Petit vieillard propret). Maintenant je suis à la retraite, mais j’étais employé du Département des Cultes : les huit dixièmes des pasteurs votent libéral ou radical.

J’ai dit « personnellement ». (Insister sur ce point). Ceci mis à part, une plus grande proportion de mes collègues seraient mieux disposés envers les communistes si...

(Tagliabue, sans lever la main). On n’est pas un parti communiste.

(Intervention équivoque du président).

(Moi). En théorie je veux bien. Ce n’est cependant pas que vous le refusiez, mais parce que vous ne pouvez pas l’être. Pas encore. En fait vous approuvez et défendez tout ce qui dans le monde est réalisé par les communistes.

(Montrer que j’étais du côté de l’Église).

Que les communistes ne se contentent pas de supprimer les classes. Suppression de Lui. Rôle de la violence.

- (Tagliabue lève la main, précédé d’exclamations diverses). La violence, nous ne l’avons pas inventée. Elle était là. Et on ne voit pas souvent que nous (expliquer ce « nous ») la condamnions quand c’est les patrons qui la commettent.

(Un ouvrier demande la parole. Habits pauvres. Douceur des yeux. Silence et impatience qui accueillent les conteurs de talent).

C’est bien beau, mais où est-Il, Dieu ? Ne vous trompez pas, Monsieur le Pasteur, je suis croyant : catholique, même si je ne mets plus les pieds à l’église. Justement... Mais je vais vous raconter la chose. J’étais pratiquant comme une femme, à la lettre que je suivais le curé. Sauf sur un point où je ne voulais pas démordre : pour donner ma voix au parti. »

Morier m’a jeté un rapide regard.

« Je suis un ouvrier, un manœuvre, je lui disais, je donne ma voix au parti des ouvriers. Il faut reconnaître qu’il n’a jamais insisté. Moi, de mon côté, je lui rendais des services, par exemple je lui sciais son bois.

(Rires).

Extrait JE

Extrait préface La statue de Condillac retouchée

J’avertis qu’il faut renoncer à comprendre immédiatement. Les choses entre elles s’éclaireront au fil des lectures. Il s’agit d’abord de prêter son corps à un flux de parole, de ressentir sensuellement. Par les sens, être dans le plaisir du texte. C’est en le laissant résonner dans son corps, ce texte dont l’originalité est précisément de mettre le « corps » à l’œuvre dans la constitution du sens, qu’on comprendra ce qu’il veut dire, veut faire. On gardera à l’esprit cette phrase de Barthes : « Qu’est-ce que la signifiance ? C’est le sens en ce qu’il est produit sensuellement » (Le Plaisir du texte)

Sensualisme

Cet avertissement redouble celui qu’on trouvera au seuil du roman et qui reprend presque mot pour mot des parties de l’Avis important au lecteur ouvrant le Traité des Sensations de Condillac.

Dans cet ouvrage d’épistémologie sensualiste paru en 1754, Étienne Bonnot de Condillac imaginait la figure fictive d’une statue, organisme humain pour l’intérieur, mais dont l’extérieur, tout de marbre, ne lui autorise aucune sensation. L’esprit de la statue, privé d’abord de toute espèce d’idées, construit toutes les facultés cognitives à mesure qu’il reçoit successivement chacun des cinq sens. Voilà pour la statue de Condillac. Mais en quoi est-elle retouchée ?

En un moment de l’élaboration du livre qu’on va lire, Velan retombe par hasard sur le traité de Condillac. Trouvant là une homologie avec sa propre entreprise, il choisit de faire figurer au début de son roman une citation de l’avis au lecteur, non sans la retoucher quelque peu.

En avertissant le lecteur « qu’il est très important de se mettre exactement à la place de la statue », Velan, comme Condillac avant lui, propose un pacte de lecture. Il ne s’agit pas seulement d’accepter la parole de la voix qui discourt comme un langage originel. Il faut aussi se placer en véhicule du surgissement langagier, faire subjectivement l’expérience de ce discours et faire le livre à mesure qu’on le lit.

Le sujet de cette voix s’est investi d’une mission : vérifier le Savoir, par quoi il faut entendre le marxisme dans sa réduction la plus dogmatique. Ce Savoir est présenté comme absolu. Situé « à une hauteur éthérée », « seule et unique et totale explication de tout », il est aussi inaccessible que le monde des Idées du mythe de la caverne. Le sujet parlant se trouve ainsi dans la même situation d’ignorance que la statue de Condillac. Le pouvoir structurant de la pensée en lui s’est résorbé, remplacé par le « nucléus », zone archaïque où le chaos des sensations brutes ne lui permet pas encore de se distinguer du monde concret, faute de ce corps qui sépare l’individu de ce qui l’entoure. Le sensualisme est une théorie matérialiste où la connaissance ne vient pas du haut, de Dieu, du monde des Idées, mais du bas, des sensations, du corps. Le projet de vérification prend alors la forme d’un livre à faire et se voit d’emblée corrompu par la matière où il doit fatalement se produire, par un langage, inhérent au corps qui l’articule.

Extrait La statue de Condillac retouchée

Il put encore s’adresser à Anne : rien sans toi, il s’apercevait que la rue finissait en pleins champs, au mieux en terrains vagues sans toi, des rails, il est sauvé : le rail est ombilical à la ville ; quoique le ballast tordît le pied ; un portail d’acier plein coupa la voie ; encastré dans un mur de ciment que rythment des saillies et couronnent des barbelés. Le poids qui s’étendait sur lui naissait dans la grisaille de trois tours, d’abord éloignées, circulaires, dépourvues de la moindre prise ; couronnées en leur faîte d’une sorte de balustrade. Et de l’une à l’autre prolifèrent les tuyaux. En les nommant barres parallèles, il put les gagner de vitesse et zigzaguer en appui up, jusque sur les toits. Lesquels ont l’air de niveau, vus de la rue, mais dans la réalité chaque immeuble diffère de niveau, très vite de l’un à l’autre le saut s’énonce périlleux, la remontée devint impossible, face au gratte-ciel, né en plein désordre, voire de lui. Mais qui estce, « toi », s’évertuait-il, il se trouva sur la chaussée. Que de gravats. C’est parce que le hameau de l’Ordre ancien est détruit, sacrifié par sa ville au suburb, on a bâti des immeubles sur les fermes ou formes. Mais une seule suffirait. L’Architecte y aurait laissé des signes puisque le hameau appartenait à l’Ordre premier, le terrain s’en abaissa brusquement, avec un reste d’harmonie dans son plan. Seulement les échalas étaient nus, incrustés de ciment ou même déracinés et plus nombreuses que les ceps se levaient des piles de poutres, dont les plâtras blanchissaient faiblement dans l’obscurité. Et tout, avec une grande vitesse à venir, glissait. Par son faible déplacement latéral, Malley retournait à Molloy, l’obligeant, mais c’était désormais sans déplaisir, à prendre le sens inverse, il remontait à son point de départ. Si éployée que soit la spire, elle revient à sa naissance, un panneau se durcit plat hors de la grisaille « Malley, 4 miles ». Ce devrait être des Km, pensa-t-il, mais le lecteur doit s’éveiller dans ce qui ne signifie rien à ce qui signifiera.

Format: 11.1 X 18.4 cm

Pages: 80 p.

Reliure: broché, collé

Rayon: ESSAI

CLIL: 3643

CULTURA: LI03AA

Prix: € 8

Parution: 22.04.2021

ISBN: 978-2-8290-0625-8

9782829006258

MOTS-CLEFS

essai littéraire, littérature de consommation, littéarité, littérature engagée, contestataire, forme disruptive, littérature exigeante

YVES VELAN

CONTRE-POUVOIR

Préface DANIEL DE ROULET

Postface JEAN KAEMPFER

ESSAI

Yves Velan, l’auteur « Je » (Seuil) et « Soft Goulag » (Zoé), en ces pages serrées, brillantes, ironiques, fraternelles, agite « un petit trousseau de questions ». Selon le Pouvoir et certains écrivains, le cor des Alpes et le cinéma sont la même sorte d’évènement : la culture est confondue avec la société.

Pour Yves Velan, la littérature existe par les obstacles qu’elle dresse, et dans la distance qui la sépare de l’ensemble des textes dits et écrits, ceux qui coulent comme l’eau de lessive. Abolissez cette différence et toute la société se refermera sur elle-même. Elle baignera dans la « communication » Il demande qu’à tout prix, sans complexe, elle oppose à l’idéologie de la série, la culture qui est arrêt, mémoire. Seul celui qui la possède, comme on saisit le feu, échappe au « goulag mou ».

Il s’agit de la réédition d’un livre publié en 1978 (Bertil Galland) et qui n’a pas pris une ride.

AUTEUR

Yves Velan (1925-2017), professeur, écrivain et critique littéraire, est né à Saint-Quentin (France) et mort à La Chaux-de-Fonds. Membre fondateur, il participe activement dès 1950 à la revue Rencontre avec Jean-Pierre Schlunegger, Henri Debluë et Michel Dentan. Il est politiquement engagé : communiste et membre du POP jusqu’en 1957, il est exclu de l’enseignement vaudois pour ses opinions. Il s’installe à La Chaux-de-Fonds en 1954. Avec deux interruptions pour enseigner la littérature française du XIXe siècle à l’Université d’Urbana en Illinois, d’abord de 1965 à 1966, puis de 1968 à 1978, Yves Velan sera professeur de littérature au Gymnase de La Chaux-de-Fonds jusqu’en 1991. En 1948, il détruit son roman intitulé D’un monde mauvais. Il faut attendre 1959 pour lire son premier roman, Je, publié aux éditions du Seuil à Paris, qui rencontre un large succès et reçoit le Prix Félix Fénéon et le Prix de Mai. Par la suite, il écrit deux autres romans, La statue de Condillac retouchée (Seuil, 1973) puis Soft Goulag (Bertil Galland, 1977), qui obtient le Grand prix de la science-fiction francophone et le Prix Schiller. Il publie un essai : Contre-pouvoir : lettre au groupe d’Olten (Bertil Galland, 1978). Le Narrateur et son énergumène est publié à titre posthume en mars 2018 aux éditions Zoé.

Rue des Côtes-de-Montbenon 30 | 1003 Lausanne Tél : +41.21.323.39.18/ Fax : +41.21.312.32.40 contact@enbas.ch www.enbas.net

LE MEILLEUR SYSTÈME

· Direction éditoriale ..... Eugénie

· Graphisme Traduttore

· Collection Oversharing

· Format (mm) 120*180

· Nombre de pages 80/90

· Prix (€) .................................. +/- 14

· ISBN ........................................... 9782493534132

Lemeilleursystème est le deuxième ouvrage de la collection Oversharing dirigée par Eugénie Zély, lauréate 2023 du prix Pierre Giquel de la critique d’art. Entre récit fantasy, théorie de la valeur et fanfiction du DSM, Le meilleur système décrit la dissociation comme une stratégie de défense, notamment celle de sa narratrice dans son rapport à l’argent, aux normes, au militantisme et au travail de l’art.

Une série de textes théoriques, d’intrigues secondaires, de poèmes et textes autofictionnels, composent une narration digressive, multiple et dissonante. Le titre fait référence à la terminologie standard du « trouble », dans laquelle le « système » désigne le groupe d’alters Le meilleur système est une collection de textes produits par une narratrice dite plurielle, reprenant les codes des fictionnalisations récentes des troubles dissociatifs de l’identité sur les blogs et médias et sociaux. Anne Sarah Huet ne se situe ni comme affectée de trouble dissociatif de l’identité, ni comme spécialiste, ni comme membre des communautés qui contribuent à sa stylisation sur internet. Elle se propose de le convertir en un dispositif poétique, compte rendu des affects dissociatifs caractéristiques du capitalisme colonial et hétéropatriarcal.

La collection Oversharing est le résultat de la pratique de la conversation comme méthodologie d’écriture. Elle rassemble des autrices qui arrangent art et politique ensemble par le langage. C’est une collection féministe et anticapitaliste qui rassemble une diversité d’objets littéraires, de la revue C’est les vacances, à la fiction théorique Le Meilleur Système. Oversharing est une communauté de personnes qui overshare sur l’art, le texte et l’argent. Déjà publié dans la collection : Thune amertume fortune (2022) par Eugénie Zély.

Thèmes abordés : Trouble dissociatif de l’identité, féminisme, décolonialité, essai sur l’art, fantasy, intersectionnalisme, poésie, économie

Auteurices et ouvrages associés : Infinie comédie, David Foster Wallace Etreins-toi, Kae Tempest

Anne-Sarah Huet est poètesse et enseignante-chercheuse en économie. Autodidacte, elle a développé une pratique des arts visuels auprès des travailleur.euses de l’art avec lesquel.les elle a collaboré. Elle travaille, en tant que chercheuse associée à l’école supérieure d’art Annecy Alpes, autour des notions de « token » et d’identité et, plus particulièrement, sur l’extractivisme institutionnel dans le champ de l’art, ainsi que sur l’expérience du passing ethnique.

Dans la même collection :

Parution en novembre 2023 46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 4 avril 2023 page 1/4 ESSAI SUR L’ART / POÉSIE ÉDITIONS BURN~AOÛT /// LE MEILLEUR SYSTÈME \\\ AVRIL 2023

Extrait 1

Les textes de ce recueil ont été écrits par nous (Little, Seventiz, et Acad) pendant dix années de formation à l’université, dans les artistrun spaces, écoles d’art, project-spaces, centres d’art conventionnés, galeries, vernissages, afters et soirées mondaines. Certains textes sont l’œuvre de l’un.e d’entre nous seulement, tandis que d’autres sont des co-écritures, ou plutôt, sont des écritures en co-conscience. Je m’exprimerai souvent au nom du système dans le paratexte et j’ai la charge, en tant qu’hôte présumée, de nous introduire et de nous modérer. Acad repère l’occurrence « mondaines » et veut la remplacer par « du monde » — soirées du monde, after du monde — ou pourquoi pas « des mondes » pour un usage technique et référencé, renvoyant le.a lecteur.ice à la sociologie interactionniste des années 80. Seventiz n’est pas d’accord. Il s’agit bien d’éprouver l’air léger d’une conversation (en Times) à l’entrée d’une galerie associative du 11ème ou 13ème ou 20ème arrondissement parisien et de rire (en noir et blanc) des blagues d’un.e commissaire sympathique. Une blague annotée et polycopiée. Une blague générique, avec un logo mignon et satyrique, tracé à la main dans une marge. Une blague élégante avec des ratures, du biffage et de la critique institutionnelle. Une blague que Seventiz pourrait plier et insérer dans son portefeuille. Une blague blanche, âgée de trente à cinquante ans, hétéronormée et affinitaire. Je lui réponds qu’elle est inconséquente, Acad me rejoint là- dessus. Nous sommes né.es en tant que système après avoir lu un texte du philosophe Frédéric Lordon sur la légitimité et le fait monétaire. Acad et moi sommes si proches, qu’il est parfois difficile de déterminer qui de nous deux est l’hôte ou l’ alter, et nous avons de bonnes raisons de penser que nous étions déjà ensemble au moment de cette lecture fondatrice. Un printemps, alors que nous préparions un workshop pour deux artistes visuels et leur exposition à cent mille euros dans un centre d’art conventionné, une recherche thématique sur Google nous a conduites à la référence. C’était en 2020 — premier confinement —, il faisait une lumière euphorisante et nous étions particulièrement heureuses.

46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 4 avril 2023 page 2/4 ESSAI SUR L’ART / POÉSIE ÉDITIONS BURN~AOÛT /// LE MEILLEUR SYSTÈME \\\ AVRIL 2023

Extrait 2

En effet, à chaque fois que l’une de ces pratiques est présentée comme résistante à la valuation, elle devient l’objet d’une attention qui l’expose. Notamment : à être reproduite, à être mise en rapport avec des substituts, ou encore, à être l’objet d’opérations de capitalisation symbolique. Ainsi, la résistance n’est possible qu’au prix d’une vigilance certaine. Il s’agit souvent de détruire la forme avant qu’elle ne cède et, pour retarder ce moment, d’entretenir sa confidentialité ; où la confidentialité ne signifie pas la selectivité, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, ces formes doivent, à terme, être suffisamment nombreuses pour absorber la participation de quatre cent pour cent des habitant.es de la ville. (La mention de ce pourcentage nous rappelle que les ventes à découvert des actions GameStop avaient atteint cent quarante pour cent du flottant en février 2021). Ensuite, elles ne sont ni normées, ni normatives, si ce n’est concernant l’heure à laquelle leur publicisation a lieu. Celle-ci doit être une heure mirroir (01 : 01, 02 : 02, 03 : 03…), seule obligation, et se référer à un régime de significations déployées — collectivement, viralement et mimétiquement — via des réels et story consacrées — #angel-numbers, en anglais. L’absence de normativité a pour conséquence immédiate une augmentation de la fréquence des formes limpides, certaines confinant au didactisme. L’institution et les générations conservatrices y vouent une sorte de mépris compliqué… compliqué comme une rationnalisation de privilège. Les mêmes qui invalident notre retrait en disant que nous ne pouvons pas abandonner une carrière qui n’a jamais commencée. Pourtant, nous avons imaginé la fin du capitalisme, et il s’agit précisément d’un abandon sans carrière.

À la fin, à la sortie, quand le subreddit a dit que c’était bien l’heure, hop miraculeusement ça se passe : cramer, déguisées, décentrées. Cherchant à garantir la valeur du présent texte contre ses propositions incertaines, nous y incorporons, encapsulons, que le 19 mars 2023, au croisement du boulevard Eugène Pierre et de la rue Horace Bertin (Marseille, 13006), à 21 : 30, un groupe de jeunes personnes costumées et ivres, se sont installées sur un palier de porte pour débriefer du carnaval indépendant de la Plaine qui a eu lieu le même jour. Des autocars de police sont stationnés sur le trottoir d’en face. Une personne costumée insulte vaguement un groupe de CRS. Après quelques allées et venues intimidantes de l’un d’eux — typiques d’un agresseur qui fait mine d’hésiter à porter un coup —, il fini par se diriger sur la personne déguisée et assise, de dos, sereine, qui l’a « traité » quelques minutes avant. Il l’extrait, la traine sur le trottoir, la frappe, lui monte dessus, la frappe, s’engage dans un corps à corps, une passante non déguisée qui se rend à la boulangerie ouverte le dimanche le supplie d’arrêter, elle dit « por favor por favor » en tendant ses mains par reflexe comme on fait pour tenter de raisonner un tueur, le CRS la regarde, les passant.es autour sont terrifié.es, la victime arrive à s’extraire, elle court désorientée sur le trottoir, elle tremble, ses jambes sont sur le point de lâcher, le CRS crie à un collègue qui se trouve au coin de Hyper U, « chope le », il la chope, l’écrase sur le sol, lui monte dessus, pendant que, 80 mètres plus loin sur Horace Bertin (ce que nous verrons sur la vidéo d’un riverain), une autre personne est assise sur le sol, coincée contre la portière de la voiture d’un.e particulier.e, la personne est molle, probablement au bord de l’inconscience, son torse glissant sur le côté, deux policiers en civil lui donnent des coups de pieds dans le ventre, plus ou moins tour à tour, parfois en même temps.

46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 4 avril 2023 page 3/4 ESSAI SUR L’ART / POÉSIE ÉDITIONS BURN~AOÛT /// LE MEILLEUR SYSTÈME \\\ AVRIL 2023

Extrait 3

Nous sommes dans les vestiaires, debout et collé·es les unes contre l’autre, entre deux blocs de casiers défoncés. Nous te montrons : la portion de pelage dense située au niveau de l’une de nos omoplates, la canine grise qui est ré-apparue cette nuit, notre cou qui s’est élargi. Toi, tu nous montres que ta langue et l’intérieur de tes joues sont gagnés par un motif marbré, bleu et mauve, lisse comme du plastique. Il s’étend. Tu appuies sur l’extérieur de ta joue en ouvrant la bouche pour qu’on voie mieux. Le motif est spiralé : des spirales dans des spirales, où les spirales deviennent de plus en plus petites et, comme ça, les couleurs finissent par se mélanger. Cette forme nous attire. Ahah you are spiraling… On s’interroge sur le fait que ça nous arrive à nouveau, et en même temps. Qu’en faire ?

Cela arrive malgré nous, dis-je. À moins qu’il ne s’agisse d’un effet ? Celui d’une désorientation, vis-à-vis de laquelle, toi et nous, sommes respectivement actif et actives. Nous t’aimons tellement. Positioné·es de biais dans un donné dont l’orientation est straight, les espaces n’étendent pas nos formes et les objets n’étendent pas notre portée. C’est comme vivre dans un Twillight ou un Harry Potter dysfonctionnel. Fatiguant, pour ne pas dire incapacitant. Nos corps ne suivent pas les lignes et, quand ces dernières « bloquent l’action plutôt que de la permettre, elles deviennent des points qui accumulent la tension, ou des points de tension. Les corps peuvent même prendre la forme de telles tensions, en tant que points de pression sociale et physique » écrit Sarah Ahmed dans Phénoménologie Queer.

Tu décides de t’assoir sur le carrelage en faisant comme s’il était mou. Il l’est. Tu t’enfonces dans le sol qui est devenu un matelas carrelé. Rien de foncièrement étrange. Plutôt un tour de force, que de réussir à s’ancrer, à l’oblique, dans un tel espace, organisateur brutaliste de donnés sociaux et corporels, d’orientations. C’est dingue que tout ça ait lieu dans un vestiaire. On dirait vraiment une scène pourrie de YAL, mais tant pis. Nous sommes ancré·es, bien que déviant·es ; ce qui est précieux et, d’experience, précaire. Tu dis que l’équilibre est local. Peut-être se déplace-t-il avec nous quand nous sommes ensembles ? Un effet de nos conversations au café du gymnase, de nos lexiques et d’un implicite commun. Tu te demandes lequel,

de l’implicite ou du lexique, permet le plus à notre confort « local » de s’agréger par ici. Par où ? Tu t’approches de nous, l’arrière de notre tête se cogne sur le métal du bloc contre lequel nous étions appuyées. « Wouah » ne suffit pas à rendre compte de ce que nous éprouvons. Vas-tu nous embrasser ? Non, ce n’est pas comme ça entre toi et nous. Le sol s’assoupli sous nos pieds aussi.

Pour en revenir au pelage vaguement rouge de notre omoplate (là ou s’articule une petite aile d’ange ridicule, c-à-d une aile genre taille enfant) ainsi qu’à tes propres transformations spiralées, on est bien d’accord : on ne va pas chercher à savoir si elles précèdent la désorientation ou si elles en sont un effet. Ni si, dans le premier cas, nous sommes nées avec. End the discourse, start destruction. Tu t’es rassis puis relevé, et les lignes du carrelage se sont redressées dans un mouvement hypnotique. La vision donne un léger vertige, mais rien de trop plombant.

Accoudé à l’un des casiers resté grand ouvert, tu passes machinalement le doigt sur le verrou de celui d’à côté, qui est fermé. Nous, nous sommes assises, nos fesses et cuisses s’incrustent entre les lattes du banc.

Partons de ces transformations. Inherentit_girl sur instagram, explique en quoi la YAL est nécessairement une littérature transphobe. Tu commences à nous lire tes notes. Notamment, tu as commenté à propos de sa dernière publication qu’il est impossible de parler de désorientation ou de déviance sans style, que parler de désorientation ou de déviance sans style, c’est parler d’autre chose. Tu ajoutes : il y a pire qu’écrire sans style, il y a être didactique. Tu n’es pas très sûr de cette dernière remarque. Nous non plus. Sans doute pour te donner la contenance que tu crois avoir perdue dans ton doute, tu rentres ton autre bras jusqu’au fond du casier pour attraper la serviette en microfibre qui y a glissé

C’est un échec. Comme ce matin, quand, dans l’autobus, tu as voulu attraper le pilastre.

À nouveau, l’espace n’étend pas ta forme et les objets n’étendent pas ta portée, tout devient hors d’atteinte.

46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 4 avril 2023 page 4/4 ESSAI SUR L’ART / POÉSIE ÉDITIONS BURN~AOÛT /// LE MEILLEUR SYSTÈME \\\ AVRIL 2023

ÉDITIONS DES GRANDS CHAMPS

JACQUES DAMADE

Supplément à l’arche de Noé

En librairie le 2 novembre 2023

144 pages, 14 euros

105 x 148 mm, environ 25 illustrations n&b

ISBN : 978-2-9574223-5-7

• une faune qui puise son inspiration dans les recueils scientifiques, les chroniques historiques, les récits romanesques… et l’onirisme

• une iconographie inédite, mêlant détournements de gravures scientifiques, photographies anciennes, images de films…

Présentation

« Je ne trouve pas du tout scandaleux cette tendance à enrichir une faune qui est la vivante preuve de la frivolité du Créateur. » Ces mots de Julio Cortázar, Jacques Damade les a faits siens. Se prenant au jeu de l’imagination vertigineuse de la nature, il lui a emboîté le pas et a conçu une embarcation à bord de laquelle sont invités à se mêler animaux réels et bêtes chimériques. Ainsi se côtoient, entre autres, la noctellide (une araignée « nuageuse »), la grenouille cerf-volant, un ara centenaire parlant la langue d’un peuple disparu ou encore le fameux papillon du pois sauteur, à l’origine d’une querelle restée dans l’histoire littéraire. Cette équipée est aussi l’occasion de faire la connaissance de naturalistes en tout genre, qu’ils soient en herbe ou chevronnés, toujours coutumiers de rencontres improbables et de découvertes déconcertantes : missionnaire jésuite, oiseleur, philatéliste, botaniste, chasseur de phoques, abbé encyclopédiste… Tous s’attachent avec application ou fantaisie à élucider quelque mirage apparu dans quelque coin du monde ou dans l’obscurité lumineuse de nos rêves.

Mêlant érudition sensible et étonnement amusé devant l’inventif foisonnement qui peuple la Terre, ce Supplément agrandit encore un peu plus la famille – celle des animaux tout comme celle des « acteurs de la nature » dont il dresse des portraits tendres et drôles – et tend à montrer, s’il le fallait, que du réel au fantastique, décidément, il n’y a qu’un pas.

L’auteur

Fondateur en 1992 des Éditions de la Bibliothèque, Jacques Damade y a notamment créé la collection « L’ombre animale ». Il est lui-même l’auteur, pour cette collection, d’un tryptique sous-titré « Le monde humain » : Abattoirs de Chicago (2016), Darwin au bord de l’eau (2018) et Du côté du Jardin des Plantes (2022).

editionsgrandschamps@gmail.com • editionsgrandschamps.fr • tél. Julia Curiel 06 87 07 22 45 / Stéfani de Loppinot 06 68 18 86 35
(couverture provisoire)
2 • Éditions des Grands
table Nature 7 La Noctellide 11 L’abeille tapissière 15 La République des oiseaux 19 Le Smarat du lichen 23 La Belette 27 Geospizes ou pinsons de Darwin 33 Phylllomedus milvus dite grenouille cerf volant 37 L’Anguille 43 Oiseau de miracle ou oiseau faussaire 47 Barbourula kalimantanensis dite grenouille plate de Bornéo 55 Le Ara des Atures 61 Le sfuma, poisson torche 67 Le Ny-Halton du Spitzberg ou troglodyte des glaces 71 Limaçon du Pérou 77 Cydia deshaisiana ou papillon du pois sauteur 81 Lampropeltis-Iter dit serpent Jonas (Mexique) 85 L’histrio histrio, poisson-pêcheur des Sargasses 91 Le Kovlo, mammifère de Sibérie 95 L’Axolotl, Ambystoma mexicanum 99 Phasmus burrio, dit phasme à bourgeons 103 Acteurs de la nature 111 Table des illustrations 121
Champs EXTRAITS

La Noctellide

Le 12 avril 1759, Mr Donald Graham, se promenait le long de la rivière Douglas dans la région de Wigan. Lépideptoriste reconnu, il était intime du chimiste écossais Joseph Black et membre du Poker club. Vers cinq heures du soir, au bord de l’eau, Il découvrit la Noctellide, araignée noire dont les pattes hautes et recourbées se rapprochent de celle des opilions ou faucheux, et l’abdomen forme une protubérance ronde, ballonnée, lisse comme une surface de mycètes. Quand Donald Graham se baissa promptement pour s’emparer du spécimen, une fumée noire se dégagea, offusquant l’insecte qui lui échappa. La fumée mit quelques instants à se dissoudre. Une odeur de cendre et des particules anthracite flottaient dans l’air émises par l’araignée pour protéger sa fuite. Donald Graham poursuivit sa promenade jusqu’à la nuit sans apercevoir la moindre noctellide. À Londres, le 18 avril de la même année, au sortir du Poker-club, Donald Graham en parla à Joseph Black qui travaillait à calciner de la craie et allait mettre au point quelques mois plus tard le dioxyde de carbone. Celui-ci vivement intéressé pria son ami de lui procurer l’insecte. Ce phénomène de nuage n’était connu jusque-là

Éditions des Grands Champs • 3
Jacques Damade, Supplément à l’arche de Noë (extraits) Donald Graham, lépideptoriste (1720-1759)

uniquement qu’en milieu aquatique dans la condition animale, chez les céphalopodes, pieuvre, seiche, calamar...

Du 15 au 18 mai, Donald Graham effectua une seconde expédition dans la région de Wigan. Il arpenta les rives de la rivière Douglas à la recherche de l’araignée. Il découvrit un grand Paon de nuit, ainsi qu’un Azuré du Serpolet, mais pas de noctellide au nuage.

De retour à Edimbourg, le lépideptoriste se demanda découragé s’il n’avait pas rêvé, il voyait pourtant nettement l’araignée noire, le ballon rebondi de son abdomen sur une ombelle de carotte, son geste pour la saisir et la brume noire protectrice. Il hésita, prit son temps et néanmoins, c’était une découverte trop importante, décida un mois plus tard de mener une troisième expédition.

Elle lui fut fatale, on découvrit le 19 juin le corps inanimé de Donald Graham au fond d’un puits de mine de 30 mètres à un demi mile du chantier entrepris pour creuser le canal de Bridgewater qui devait acheminer le charbon jusqu’à Manchester.

Deux jours après les obsèques à Edimbourg, de retour à Londres, Joseph Black reçut par la poste un petit paquet et une lettre de son ami, dont voici un extrait.

« Après une matinée infructueuse, je repérai au bord d’un puits de mine dans un amas de poutres noircies une noctellide que j’observai quelque temps avant de lui dresser un piège. En ayant trouvé une autre, je vous envoie celleci. Son cadavre a une particularité par rapport à l’insecte vivant, son abdomen au lieu de former une sphère n’est plus qu’une enveloppe froissée, il s’est considérablement aplati. Ce qui fait penser que lorsque la noctellide a dégagé sa fumée noire, le réservoir qu’elle portait s’est vidé. Je ne désespère pas

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Jacques Damade, Supplément à l’arche de Noë (extraits)

d’en attraper une, avant qu’elle émette son nuage, porteuse de sa protubérance, afin de la présenter, res, non verba, aux membres du Poker-club. »

Dans l’inventaire des affaires de Joseph Black, après son décès en 1799, période, il est vrai, qui entraîne beaucoup de troubles dans un ménage, on ne découvrit pas, ou l’on jeta sans y voir l’importance, la petite boîte contenant la noctellide.

Elle s’évanouit, il n’en fut plus question, elle rejoignit le smog qui traça ses trainées de poudre noire de la Révolution industrielle, toutes ces cheminées d’usines qui crachèrent leur fumée dans les ciels de Londres, de Manchester ou de Glasgow.

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Jacques Damade, Supplément à l’arche de Noë (extraits)

Grands Champs

L’ABEILLE TAPISSIÈRE

6 • Éditions des
Jacques Damade, Supplément à l’arche de Noë (extraits)

Le Smarat du lichen

Gustav Théodore Shœm, botaniste (1860-1922)

Felice Amdo, dominicain (1936-2012)

Le tissu charnu du lichen gaine dans les zones humides les écorces des arbres. Taches verdâtres, jaunes, bleutées, grises, crépusculaires, il s’étale en rond, adhère, s’incruste, forme collier, ou s’éparpille buissonneux, haillons rapiéçant les sous-bois. Peu aisé à définir dans l’ordre des vivants puisqu’il est à l’orée des algues et des champignons, d’une structure ramifiée, molle, velouté. On a plaisir à sentir sa fadeur et le toucher du doigt. Certaines cladonias, variété de lichen de la toundra et du paysage arctique, nourrissent les rennes et vivent jusqu’à deux mille ans. Ce sont les particularités du lichen et ses qualités propres qui firent que le smarat passa longtemps inaperçu des savants. Carl Von Linné ne le mentionne pas dans son Systema Naturæ. Darwin y fait allusion sans le nommer en correspondant avec Jean-Henri Fabre (Lettre du 30 janvier 1880) : « animalcule vert ou gris vivant sur le lichen qui traverse l’évolution sans notable modification ». Il fallut attendre 1913 pour que Gustav Théodore Shœm, botaniste de la Nouvelle Zemble et spécialiste du cladonia, lui confère nom et existence dans la Curtis’s Botanical Magazine à l’occasion d’une note périphérique à son long article Lichen, border

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Jacques Damade, Supplément à l’arche de Noë (extraits)

of plant (note qui peut parfois prendre plus d’importance que l’article tout entier auprès de la communauté scientifique). Au cœur de la gamme des verts du lichen, du satin vert au lustré sombre des mousses, à celui aérien des feuilles d’amandier, se dissimule le smarat plus petit qu’un ongle, plat, muni de douze pattes minuscules et d’un crochet. Il reste immobile plusieurs heures et ne quitte pas le lichen. Bref, étale, vert sur vert, évoluant dans les ramifications du lichen, il épouse l’algue-champignon, s’y nourrit, y reste invisible. On le distingue quand il vieillit, des taches de moisissure, une espèce de rouille craquèle l’ovale de sa carapace et le font dissembler de son biotope. Période, il est vrai, courte, parce qu’on touche à une remarquable singularité biologique qu’un ornithologue amateur, Felice Amdo, dominicain de la paroisse San Agustin, a mis à jour dans son article publié dans la page Nature du Diario de Cordoba en 1979. La première phrase de l’article a de quoi dérouter : « El smarat muere en el cielo1.»

Sur certains ramiers de son pigeonnier, le dominicain de Cordoue remarqua, incrusté dans une des pattes un petit insecte inconnu de lui, à carapace vert et rouille, mort. Il en envoya un spécimen au professeur Alonso, responsable de l’entomologie évolutive au Musée National des Sciences naturelles de Madrid. Celui-ci identifia le smarat du lichen. Dans les jours qui suivirent, Alonso reçut des observatoires des parcs naturels la confirmation de la présence de cadavres de smarats sur les pattes d’oiseaux migrateurs. Felice Amdo, lors de deux séjours pluvieux de forêt lichéneuse, (région de Santander et d’Andernos) photographia le smarat à carapace rouille ainsi que les ramiers. Felice Amdo parvint à la conclusion que dans ses derniers moments, le smarat guette l’oiseau sur sa branche, quitte définitivement le lichen, s’enfonce au moyen d’un crochet sur une de ses pattes et meurt en plein vol. Le smarat réalise au moment de mourir une véritable ascension.

8 • Éditions des Grands Champs
Jacques Damade, Supplément à l’arche de Noë (extraits) 1. « Le smarat meurt dans le ciel. »
Éditions des Grands Champs • 9
Jacques Damade, Supplément à l’arche de Noë (extraits) L’AXOLOTL

En librairie octobre 2023

Format : 14 x 21 cmPages

: 160 p.

Reliure : broché, collé

rayon : roman étranger

CLIL : 3444

Prix: 20 € / 28 CHF

ISBN 978-2-8290-0653-1

DIFFUSION ET DISTRIBUTION SUISSE

Éditions d’en bas

Rue des Côtes-de-Montbenon 30

1003 Lausanne

021 323 39 18

contact@enbas.ch / www.enbas.net

DIFFUSION ET DISTRIBUTION FRANCE

Paon diffusion/SERENDIP livres

Traduit de l'allemand par Nathalie Kehrli et Daniel Rothenbühler

PRÉSENTATION

Eté 1982, Polo Hofer est au "Traube" à Wynau; dans le public Charly, le maçon, Laurence, "qui ressemble à la jeune Simone Signoret" est là, mais accompagnée de Graber, "däm Sträber"; Charly se rend compte qu'il ne pourra probablement pas atterrir chez Laurence. Seuls un bain dans l'Aar et une bouteille de Bacardi peuvent l'aider. D'autant plus que son ami Primitivo est mort quelques jours plus tôt. Primitivo, "l'aut philosophe", comme on l'appelle sur le chantier, est né dans les Asturies et a été maçon toute sa vie.

Pedro Lenz dresse avec amour le portrait de ces deux hommes, le vieux, qui a beaucoup voyagé dans le monde, et le jeune, qui ne va pas beaucoup plus loin que la fête de la forêt à Herzogenbuchsee. Le samedi, Charly s'assoit parfois dans la chambre de Primitivo et, autour d'une truite, de jambon, de fromage et de vin blanc, ils ne parlent pas du bureau mais de livres. Parce que les livres, comme le dit Primitivo, "c’est de la joie de vivre".

AUTEUR

Pedro Lenz est né en 1965 à Langenthal dans le canton de Berne. Poète, écrivain, chroniqueur et performeur, il vit à Olten. Il a reçu le Prix Schiller pour Der Goalie bin ig en 2011 (traduit du Bärndütsch sous le titre Faut quitter Schummertal !, par Daniel Rothenbühler et Nathalie Kehrli éditions d’en bas, 2014). En 2018, les éditions d’en bas ont également publié La belle Fanny, traduit du bernois par Ursula Gaillard. Habitué aux performances scéniques, auteur de nombreux textes parus notamment sur CD, Pedro Lenz écrit des romans dans lequel le travail sur l’oralité de la langue est central.

Paon diffusion – 44 rue Auguste Poullain – 93200 SAINT-DENIS

SERENDIP livres – 21 bis rue Arnold Géraux 93450 L'Île-St-Denis +33 140.38.18.14

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PRIMITIVO

Écoutez, les gars, écoutez bien, il s’est passé quelque chose de triste, quelque chose d’affreux. Je viens de l’apprendre à l’instant. Il est arrivé un accident, un méchant. Lors du décoffrage à Madiswil. C’est PrimiEvo. Il a été écrasé par un élément de coffrage. Il n’a pas survécu.

C’est pas vrai, j’ai dit, par réflexe, parce que je ne voulais simplement pas que cela soit vrai, je pense.

Si, c’est malheureusement vrai, a dit Hofer, on ne peut plus rien faire. Et puis il n’arrivait plus à parler. Il a Etubé vers l’abri à vélo, la tête quasiment par terre. On a entendu le coup qu’il donnait à la pédale de sa mobyleOe Belmondo, du pied de sa jambe moins endommagée, et puis le hurlement du moteur quand il est parE, direcEon Grubenstrasse, et qu’il a mis la deuxième vitesse.

Hofer était parE, et nous autres, on était encore là, derrière la Transit, sous l’auvent du dépôt, muets et sous le choc.

Au-dessus de nous, sur le toit de l’atelier, il y avait trois chambres. On pouvait y monter de l’extérieur, par un escalier en béton avec une rampe en fer. C’est dans une de ces chambres qu’avait habité PrimiEvo. Nous avons tous regardé vers le haut et probablement tous pensé la même chose : CeOe chambre, PrimiEvo n’en aura plus jamais besoin. Benno a ouvert un paquet de BruneOe double filtre et en a offert une à chacun d’entre nous. Prenez, prenez donc, prenez, j’en ai encore tout un paquet !

C’est si vite arrivé, a dit Hugo.

Pas très intelligent, le propos, quand tu viens d’apprendre qu’un collègue proche vient de mourir. C’est si vite arrivé. Ce n’est pas seulement peu intelligent, si l’on y pense ne serait-ce qu’une minute, c’est même d’une plaEtude affligeante. C’est si vite arrivé. Si tu n’as rien d’autre à dire, vaut mieux te taire. Et pourtant personne lui en a voulu vraiment, à Hugo. Dans un moment comme ça t’as aussi le droit de dire quelque chose de pas très intelligent. Sinon les poncifs, cela servirait à quoi ? Les poncifs, c’est exactement ce qu’il faut pour les moments dans la vie où tu sais plus quoi dire et peux pas te taire non plus. C’est bien pour cela que Hugo a dit que c’était si vite arrivé.

Là-haut, Herbert, l’apprenE deuxième année, qui devait préparer le socle pour le moteur de l’ascenseur, devait tasser l’enduit que j’amenais, ensuite l’aplanir avec une laOe et puis le talocher. J’ai donc dû monter les quatre étages avec tout l’enduit qu’il fallait pour ce socle, toujours deux seaux de maçon remplis à ras bord. Cela faisait presque 15 kilos pour chaque bras, à la limite de ce que j’arrivais à monter. Au bout d’un moment j’ai commencé à trembler sous ce poids. Je n’y arrivais plus, mais ils conEnuaient à remplir mes seaux encore et encore et moi je n’osais pas m’y opposer, pas le premier jour, j’ai pensé, cela ferait mauvaise impression.

Allez, l’apprenE, hop, ont dit les collègues, hop, hop ! Mais dis voir, pourquoi t’as les guiboles aussi tordues ? T’étais plus droit avant ! Et ils étaient pliés de rire, et moi je montais encore et encore au quatrième étage, avec ces deux seaux pleins à ras bord et lourds comme du plomb, et mes mains qui me faisaient mal, les bras qui brûlaient et les genoux qui ramollissaient. Mais je n’osais toujours pas dire que je n’y arrivais plus, je croyais que cela devait se faire comme ça.

Tout à coup, PrimiEvo a surgi de je ne sais où. Un vieux bonhomme aux larges épaules et aux sourcils broussailleux, un peu bossu et portant un béret bleu foncé. Il tenait lui-même un seau vide, une éponge et une taloche à la main. Il a mis ses affaires par terre, m’a enlevé des mains les deux seaux et a versé tout l’enduit dans une benne. Après il a sifflé le gruEer, fixé la benne à la chaîne et puis la grue a monté tout cet enduit au quatrième étage. Les autres collègues ont à nouveau bien rigolé et dit à PrimiEvo qu’il était un sacré rabat-joie et qu’ils auraient bien aimé encore voir comment je montais ces seaux tout en haut. Ce fils à papa a commencé à avoir des jambes arquées, ils ont dit, comme un vieux cowboy, et ce qu’il a dû souffler, comme une locomoEve à vapeur. Mais PrimiEvo leur a dit très calmement, dans son allemand à l’accent espagnol marqué qu’ils étaient de fieffés couillons et qu’ils ne donnaient pas l’impression de tous former une même équipe. Je lui étais évidemment reconnaissant mais avais en même temps honte de ne pas avoir compris moi-même que j’aurais pu faire appel à la grue.

C’est ainsi que j’ai fait connaissance de PrimiEvo. Ce qui m’a immédiatement frappé alors, c’étaient ses mains de géant. Il avait vraiment des mains grandes comme des taloches. À parEr de là il m’a pris encore sous sa protecEon à différentes occasions, comme par exemple la fois où ils m’ont caché mon livre parce qu’ils n’aimaient pas avoir quelqu’un parmi eux qui lisait des livres lors de la pause de midi. Au début ils se limitaient à faire des blagues stupides. Mais un jour, à midi, quand j’ai voulu profiter de la pause pour lire quelques pages, mon livre était introuvable. PrimiEvo l’a appris et s’est tout de suite assombri. Il n’a pas parlé plus fort, mais de manière tellement posée que tout le monde s’est rendu compte du sérieux de ce qu’il disait : Que celui qui a subElisé le livre de l’apprenE le ramène illico. Si jusqu’à ce soir ce livre n’est pas là, vous apprendrez à me connaître, les gars. Et en effet, le soir le livre était de nouveau à sa place. Personne ne s’est fait connaître mais le livre était là.

Parution 2014

Format: 14 X 21 cm

Pages: 168 p.

Rayon: Roman

CLIL: 3443

Prix: 19.- € / 32.- CHF

ISBN: 978-2-8290-0471-1

Daniel Rothenbühler et Nathalie Kehrli

ROMAN

« Faut quitter Schummertal! » est une véritable plongée –attendrissante et truffée d’anecdotes – dans la tête d’un marginal. Raconter des histoires est sa manière à lui d’éviter les conflits et de colmater une faille intérieure trop profonde.

Écrit par Pedro Lenz dans un dialecte suisse allemand, le Bärndütsch de Haute-Argovie, ce roman a pour titre original Der Goalie bin ig –littéralement «Le gardien, c’est moi». Goalie est un conteur intarissable, un peu défaillant. Il adore les bonnes histoires, il ne cesse d’en raconter, à lui-même et à qui veut bien l’écouter.

Bouc émissaire perpétuel, Goalie doit son surnom à un épisode de jeunesse où il s’est fait passer pour un gardien de but afin de protéger le véritable gardien de la colère des joueurs. Escroc sympathique, il a tendance à endosser les torts des autres et à se faire embobiner. Fraîchement sorti de prison, il revient sans un sou à Schummertal, sa ville natale. Il cherche à rompre avec son passé, avec la drogue, et à se construire une vie nouvelle. Son cœur flanche pour Regula, la serveuse.

Regula finit pourtant par conclure que ce n’est pas d’une femme dont a besoin Goalie, mais d’un public pour l’écouter. Et c’est une vieille histoire qui va lui être fatale.

AUTEUR

Pedro Lenz est né en 1965 à Langenthal dans le canton de Berne. Poète, écrivain, chroniqueur et performeur, il vit à Olten. Il a reçu le Prix Schiller pour Der Goalie bin ig en 2011 (traduit en français sous le titre Faut quitter Schummertal ! éditions d’en bas, 2014). Habitué aux performances scéniques, auteur de nombreux textes parus notamment sur CD, Pedro Lenz écrit des romans dans lequel le travail sur l’oralité de la langue est central. Egalement aux éditions d'en bas, La belle Fanny (2018) et Primitivo (2023)

Rue des Côtes-de-Montbenon 30 | 1003 Lausanne Tél : +41.21.323.39.18/ Fax : +41.21.312.32.40 contact@enbas.ch www.enbas.net LA NUIT AMÉRICAINE PIERRE LEPORI Illustration © Giovanni Ulrico Giacometti
PEDRO LENZ FAUT QUITTER SCHUMMERTAL!
TRADUIT DE L’ALLEMAND PAR

Décembre 2018

Format: 14 X 21 cm

Pages: 196 p. environ

Reliure: Thermocollé

Rayon: Roman

CLIL: 3443

Prix: 19.- € / 28.- CHF

ISBN: 978-2-8290-0582-4

PEDRO LENZ LA BELLE FANNY

TRADUIT DE L’ALLEMAND PAR URSULA GAILLARD

ROMAN

Le nouveau roman en suisse-allemand de Pedro Lenz est si explicitement situé à Olten, que l’on pourrait presque croire que la ville elle-même en est le personnage principal : à tout moment, on peut se rendre dans presque tous les bars et restaurants évoqués. À première vue, Di schöni Fanny ressemble à une histoire d’amour, un roman d’artiste et de formation classique : trois artistes sans succès sont amoureux de la même femme, Fanny de Zofingen. Quand Jackpot, le narrateur, lui déclare sa flamme, la jeune femme disparaît subitement, ne supportant pas ses ambitions possessives. L’écrivain auto-proclamé sombre plus bas que terre, avant de comprendre qu’il en est de Fanny comme de l’art : à vouloir être seul à les posséder, ils lui échappent. Avec le ton naturaliste qui lui est propre, Lenz s’attaque à une question qui n’a cessé de travailler la littérature germanophone : quel prix doit-on payer, quand on souhaite pleinement dédier sa vie à l’art ?

AUTEUR

Pedro Lenz est né en 1965 à Langenthal dans le canton de Berne. Poète, écrivain, chroniqueur et performeur, il vit à Olten. Il a reçu le Prix Schiller pour Der Goalie bin ig en 2011 (traduit en français sous le titre Faut quitter Schumertal ! éditions d’en bas, 2014). Habitué aux performances scéniques, auteur de nombreux textes parus notamment sur CD, Pedro Lenz écrit des romans dans lequel le travail sur l’oralité de la langue est central.

TRADUCTRICE

Ursula Gaillard est née en 1947. Traductrice indépendante de textes historiques et littéraires depuis 1990, elle a entre autres traduit des livres de Nicolas Meienberg (parmi lesquels Gaspard-mange-ta-soupe, Zoé, 1992), Hugo Lœtscher (Le monde des miracles, en bas, 2008), Peter Bichsel (notamment La Couleur isabelle, en bas, 2012), Irena Brežnà (L’ingrate venue d’ailleurs) et Ernst Burren (Feu d’artifice, en bas, 2017). Ursula Gaillard est également auteure.

MOTS-CLEFS

roman d’amour, d’artiste et de formation, amour décu, amour inatteignable, dérobade, le désir de possession, vie d’artiste

ISBN 9782829004711

Rue des Côtes-de-Montbenon 30 | 1003 Lausanne Tél : +41.21.323.39.18/ Fax : +41.21.312.32.40 contact@enbas.ch www.enbas.net
PIERRE LEPORI Illustration © Giovanni Ulrico Giacometti

genre littérature, dessin

thèmes

hôpital, folie, enfermement

fiche technique

96 pages offset + tons directs papiers teintés dans la masse brochures cousues

10 chapitres

17 illustrations

format 17x21 cm prix 25 €

parution le 02/11/2023

contact

diffusion

Paon diffusion

paon.diffusion@gmail.com

distribution

Serendip-livres

contact@serendip-livres.fr

édition

Hourra

contact@editions-hourra.net

Unica Zürn, par cet ensemble de textes et dessins, raconte un séjour en hôpital où elle est soignée d’une jaunisse. Elle y écrit et compose ce carnet où le regard qu’elle pose sur son propre corps, les lieux qu’elle habite et les personnages qu’elle rencontre, témoigne d’une sensibilité hors-norme qui tire à la fantaisie, voire au délire.

Pour la première fois en France, La maison des maladies est publié intégralement.

La maison des maladies, Unica Zürn isbn 978-2-491297-06-0 littérature / dessin
éditions Hourra

En 1958, Unica Zürn est hospitalisée pour une jaunisse à l’hôpital de Ermenonville, en France. La maison des maladies est un carnet qui raconte ce séjour, où elle habite des organes, exprime les sensations de sa maladie par une exploration surréaliste de son corps, et elle rencontre des hommes qui sont parfois des monstres, parfois ses démons.

Le carnet, de 20 par 17 cm, qui se décline en 10 textes et 17 illustrations, est entièrement composé à l’encre noire. En 1977, la maison d’édition Brinkmann & Bose (Allemagne) publie l’intégralité du fac-similé. Il sera traduit en anglais par Atlas Press dès 1993 puis reproduit identiquement en 2019.

En France, la diffusion du texte a été plus précoce mais la publication des dessins inexistante. En 1971, la maison d’édition Gallimard publie le texte, en français, mais sans les illustrations et réduit en appendice de L’Homme-Jasmin. Pour le public français, les dessins sont inédits et il nous est nécessaire de les publier avec la traduction. En parcourant le carnet, on réalise que l’écrit et le dessin sont intimement liés, si bien que parfois, ils se confondent.

un récit intense de séjour en hôpital

Écrits jour par jour, ces récits assez courts pourraient faire penser à des pages de journal intime. Cependant, Unica Zürn ne raconte pas une routine, elle déploie une expérience intense, sans doutes hallucinatoire, et met en place un décor onirique qui casse franchement les normes.

Différentes salles de l’hôpital sont représentées par des organes humains et les personnages qu’elle rencontre racontent un rapport à l’autre difficile et sur la défensive. Unica Zürn nous apparaît comme une immense exploratrice mais dans une strate du monde qui nous est inconnue : Alors qu’elle exprime ses peurs de l’extérieur, à commencer par l’autre côté des murs de l’hôpital, elle se montre capable d’une formidable curiosité pour l’intérieur, qu’il soit en corps ou en esprit.

littérature
éditions Hourra La maison des maladies, Unica Zürn isbn 978-2-491297-06-0
/ dessin une œuvre
éditions Hourra La maison des maladies, Unica Zürn isbn 978-2-491297-06-0 littérature / dessin

un carnet dessiné

17 dessins à l’encre viennent donner des formes à ce qu’elle décrit : les personnages et les lieux. La maison des maladies, autre nom de l’hôpital, a même son propre plan pour mieux la cerner. Comme souvent dans le travail de Unica Zürn, les dessins de ce carnet sont d’une finesse et d’une richesse qui évoquent la formation de rhizomes, la dentelle ou le mycélium.

Ce trait, si singulier, est souvent décrit comme le fruit d’une folie créatrice, or c’est une esthétique bien précise qui fait preuve d’une grande maitrise et qui témoigne d’une perception du monde unique.

une artiste à redécouvrir

Bien qu’apparentée au surréalisme ou à l’art brut, Unica Zürn n’est à sa place ni dans l’un ni dans l’autre. Elle est certes célèbre pour ses séjours en hôpital psychiatrique, sa relation avec Hans Bellmer, son destin tragique, mais on ne saurait la réduire à ça.

Unica Zürn, née en 1916 à Berlin, a longtemps gagné sa vie en tant qu’autrice. À partir des année 1950, elle fréquente les surréalistes et habite à Paris. C’est à cette période qu’elle développe une œuvre plastique, par la peinture et le dessin à l’encre surtout. Elle se suicide en 1970 et laisse une œuvre à la fois dérangeante et émouvante qui sera exposée dans les institutions de l’art brut comme dans des collections plus classiques.

En fin de livre, un appareil critique a pour ambition de présenter La maison des maladies sous un regard neuf, détaché du mépris qu’a pu connaître Unica Zürn, à cause de son genre ou de sa folie, et d’introduire le contexte de l’œuvre.

Cette postface a été commandée à Mathilde Girard, autrice, réalisatrice et psychanalyste. Le choix de cette autrice pour commenter Unica Zürn s’est imposé car Mathilde Girard écrit à propos d’art et de pratiques psychanalytiques, et que nous avons été frappés par la finesse et la justesse de l’un de ses derniers livres qui parle aussi d’une forme d’enfermement (La Séparation du monde, éditions Excès, 2022).

littérature
dessin
éditions Hourra La maison des maladies, Unica Zürn isbn 978-2-491297-06-0
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la maison d’édition

— Honneur à celles par qui le scandale arrive ! Hourra : cri de joie, cri de guerre

Les éditions Hourra publient de la poésie et des écrits sur l’art. Créée en 2019 sur la montagne limousine, la maison naît de l’envie de défendre des pratiques d’écritures marginales où se rencontrent le poétique et le politique. Fruit d’amitiés et d’intuitions communes, elle réunit des artistes et des autrices pour qui la révolte fait corps avec la beauté.

éditions Hourra |36, avenue Porte de la Corrèze |19170 Lacelle www.editions-hourra.net

Hourra La maison des maladies, Unica Zürn isbn 978-2-491297-06-0 littérature / dessin
éditions

Collection Mémoires

Mémoires d'une femme docteure

le premier roman-mémoires d’une figure de proue de l’émancipation des femmes dans le monde arabe.

Écrit en 1958, ce roman partiellement autobiographique raconte le corps et la sexualité des femmes en Égypte, dans les années 50.

L’histoire : Une jeune femme égyptienne se heurte à sa famille traditionnelle lorsqu’elle choisit de faire carrière dans la médecine. Plutôt que de se soumettre à un mariage arrangé et à la maternité, elle se coupe les cheveux et travaille avec acharnement pour réaliser ses rêves. À la faculté de médecine, elle commence à comprendre les mystères du corps humain. Après avoir nié ses propres désirs pendant des années, la médecin entame une série d’aventures amoureuses qui lui permettent d’explorer sa sexualité.

parution : 3 nov 2023

18 € / 120 p. / 12 x 20,5 cm

tirage : 2000 ex.

ISBN : 978-2-493324-04-7

• un roman sur le corps des femmes, le soin, la médecine

• un récit initiatique aux accents autobiographiques

• le premier livre d’une pionnière de l’émancipation des femmes arabes

• traduction : faiza el qasem, universitaire (vit à paris)

• préface : rim battal, poétesse marocaine (vit entre paris et marrakech)

• illustratrice : kubra khademi, artiste féministe afghane (vit à paris)

couverture provisoire

Souvent décrite comme la « Simone de Beauvoir du monde arabe », Nawal El Saadawi était une voix pionnière sur l’identité et le rôle des femmes dans la société, l’égalité des sexes et la place des femmes dans l’islam.

Nawal El Saadawi (1931-2021)

« Nawal El Saadawi, autrice, militante et médecin

égyptienne (était) devenue l’emblème de la lutte pour les droits des femmes dans le monde arabe patriarcal et faisait campagne contre les mutilations génitales féminines, qu’elle avait subies à l’âge de 6 ans. »

alan cowel

Hommage dans le New York Times

Psychiatre de formation, Nawal El Saadawi est une militante féministe convaincue – emprisonnée et contrainte à l’exil – et une écrivaine prolifique – plusieurs fois censurée.

Elle fonde au début des années 1980 l’Association de solidarité des femmes arabes.

Contre le tabou de l’excision et de la polygamie, elle lutte pour la liberté de la femme arabe à s’exprimer.

Elle est l’autrice d’une cinquantaine de romans, nouvelles, essais, et a reçu, à ce titre, de nombreux prix.

L’illustratrice : Kubra Khademi

Kubra Khademi, née en 1989 à Kaboul, est une artiste féministe afghane, peintre, plasticienne et performeuse, réfugiée à Paris.

Kubra Khademi étudie les beauxarts à l’université de Kaboul avant de fréquenter l’université nationale Beaconhouse à Lahore, au Pakistan.

Ses performances publiques répondent activement à une société dominée par une politique patriarcale extrême. Après avoir présenté sa pièce Armor en 2015, Khademi est contrainte de fuir l’Afghanistan en raison d’une fatwa et de menaces de mort.

Aujourd’hui réfugiée à Paris, Kubra Khademi est décorée du grade de chevalière de l’ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture français.

La traduction : Faiza el Qasem

Fayza El Qasem a été directrice de l’École Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs (ESIT).

Professeure émérite de la Sorbonne Nouvelle, en charge de l’enseignement de la traduction générale et de la traduction économique et financière vers l’arabe, elle dirige plusieurs thèses de doctorat en traductologie.

La préfacière

: Rim Battal Rim Battal, née en 1987 à Casablanca, au Maroc, est une artiste, poétesse et journaliste marocaine francophone. Elle vit actuellement entre Paris et Marrakech.

Ses performances associent poésie, écriture et arts visuels. Elle est notamment l’autrice de L’Eau du bain (SuperNova) et Les quatrains de l’all inclusive (Le Castor Astral).

Elle codirige Le Bordel de la Poésie et a initié La Biennale Intime de Poésies.

« Elle était notre aînée. Celle qui avait montré la voie à des générations de femmes arabes engagées dans la lutte pour l’émancipation.

[...] Toute sa vie, elle la consacrera à s’opposer aux discours de violence physique contre les femmes, leur infériorisation, leur condition de secondes. »

Fawzia Zouari, écrivaine, hommage dans Libération

« Nawal El Saadawi a défié toutes les manifestations patriarcales. Elle n’en a redouté aucune, empruntant des voies scabreuses dans ses écrits, affrontant des combats féroces avec ses mots, brisant de cette manière toutes les chaînes. Ni la peur ni le désespoir ne sont parvenus à la décourager. »

Ranem AL Afifi, journaliste

Charlotte Bienaimé

Un podcast à soi

Nawal El Saadawi

« Ils m’ont dit : "Vous êtes une femme sauvage et dangereuse." Je dis la vérité. Et la vérité est sauvage et dangereuse. »

Le conflit entre ma féminité et moi a commencé très tôt, avant même l’apparition de mes attributs féminins et avant que je sache quoi que ce soit sur moi-même, mon sexe ou mes origines, avant même que je connaisse la nature de la cavité qui m’avait abritée jusque-là, avant que je sois expulsée dans le vaste monde.

Tout ce que je savais à cette époque-là c’était que j’étais une fille, comme aimait à le répéter ma mère à longueur de journée, une fille !

Ce mot à mes yeux n’avait qu’un seul sens : je n’étais pas un garçon, je n’étais pas comme mon frère. Les cheveux de mon frère étaient coupés courts mais laissés libres et non peignés, tandis que les miens n’en finissaient pas de pousser, livrés à la manie de ma mère qui les peignait deux fois par jour pour en faire des tresses qu’elle emprisonnait aux extrémités avec des rubans.

Mon frère se réveillait au matin et avait l’habitude de laisser son lit en l’état alors que je devais faire non seulement le mien mais aussi le sien.

Mon frère sortait jouer dehors sans demander la permission des parents et rentrait quand bon lui semblait, alors que je ne pouvais sortir que s’ils m’en donnaient l’autorisation. Mon frère avait toujours droit au plus gros morceau de viande, il avalait rapidement son repas, mangeait sa soupe en faisant du bruit sans que ma mère lui fasse la moindre observation.

Mais moi, c’était différent... J’étais une fille ! Je devais faire attention à mes moindres faits et gestes, cacher mon appétit, manger lentement et absorber ma soupe sans faire de bruit.

Mon frère jouait, bondissait, faisait des sauts périlleux alors que si je m’asseyais et que ma jupe se soulevait d’un centimètre au-dessus de mes cuisses, ma mère me transperçait aussitôt du regard et je devais cacher ces parties honteuses de mon corps.

Les parties honteuses !

Tout en moi était honteux, alors que je n’étais encore qu’une enfant de neuf ans !

Je m’apitoyais sur moi-même. Je m’enfermais dans ma chambre et fondais en larmes.

Les premières larmes que j’ai versées dans ma vie, ce n’est pas parce que j’ai eu une mauvaise note ou brisé un objet de valeur, mais parce que j’étais une fille !

J’ai pleuré sur ma féminité avant même de savoir ce qu’elle signifiait. Quand j’ai ouvert les yeux sur la vie, une inimitié régnait déjà entre moi et ma nature.

1
* [extrait]

Je dévalais les escaliers quatre à quatre pour arriver dans la rue avant d’avoir fini de compter jusqu’à dix.

Mon frère et ses camarades, des filles et des garçons de notre voisinage, m’attendaient pour jouer aux gendarmes et aux voleurs. J’avais demandé à ma mère la permission de sortir. J’adorais jouer, j’adorais courir le plus vite possible, je ressentais une immense joie quand je bougeais la tête, les bras et les jambes à l’air libre. Je prenais alors mon élan pour sauter le plus haut possible, faisant des bonds que seul le poids de mon corps attiré vers le sol interrompait.

Pourquoi Dieu m’avait-il créée femme au lieu de faire de moi un oiseau capable de voler dans les airs comme ce pigeon ?

Dieu devait sans doute préférer les oiseaux aux filles.

J’étais réconfortée par l’idée que mon frère, lui non plus, ne pouvait pas voler. Ainsi, malgré la très grande liberté dont il jouissait, il était tout aussi incapable de voler que moi. Depuis, j’étais constamment à l’affût, chez les hommes, de points faibles qui me consoleraient de l’impuissance qui m’était imposée par ma condition de femme.

Au moment où je sautai, je sentis un violent frisson parcourir mon corps. Je fus prise de vertiges et je vis quelque chose de rouge.

Qu’est-ce qu’il m’arrivait ? Je fus prise de panique et me retirai du jeu aussitôt pour rentrer à la maison et m’enfermer

dans la salle de bain, afin de percer en privé le secret de ce grave incident !

Rien n’y fit, je ne comprenais toujours rien ! Je pensais que j’étais atteinte d’une soudaine maladie. Je décidai malgré mes craintes d’aller en parler à ma mère.

À mon grand étonnement, je la vis éclater de rire. Mais comment pouvait-elle accueillir cette horrible maladie avec un aussi large sourire ?

Remarquant ma surprise et ma confusion, elle me prit par la main et m’emmena dans ma chambre pour me raconter l’histoire sanglante des femmes. *

Je m’étais enfermée dans ma chambre quatre jours d’affilée, incapable d’affronter mon frère ou mon père ou même le jeune serviteur.

Sans doute étaient-ils tous au courant de cette chose honteuse qui s’était abattue sur moi. Ma mère les avait sûrement informés de mon nouveau secret. Je m’étais barricadée pour tenter de venir à bout de ce phénomène bizarre. N’y avait-il pas d’autre moyen pour les filles d’atteindre la maturité que cette voie impure ? L’être humain pouvait-il des jours durant être en proie à des spasmes musculaires ? Dieu devait détester les filles pour les avoir marquées ainsi du sceau de la honte. Il devait avoir choisi d’avantager les garçons.

[extrait] *

Parution septembre 2023

ISBN : 978-2-911917-82-0

11,5 cm

16,5 cm

84 pages

12€

Contexte du livre chez Ab irato

Ovales

Un livre de Julien Bal

Littérature / Recueil de nouvelles

Ce recueil de nouvelles est composé de 14 textes où se mêlent le burlesque, l’absurde, la science-fiction, la satire politique et le cauchemar, où le rythme, le son, le silence et l’humour sont prédominants.

Les activités de l’auteur, à la fois chorégraphe, traducteur et journaliste, conduisent l’économie du texte et lui donne sa cohérence.

L’auteur

Julien Bal -Né à Saint-Malo dans les années 1980, Julien Bal vit à Bruxelles où il est chroniqueur pour la télévision. Metteur en scène, il a présenté une vingtaine de spectacles en France et à l'étranger. Il lit régulièrement ses propres textes et ceux d’auteurs contemporains en public. Ovales est son premier recueil.

Nous avons décidé, en publiant les livres de Manuel Anceau (Livaine, Lormain, Il y a un pays) puis de Benoit Meunier (Désertiques), de laisser une large place aux recueils de nouvelles, au sein de notre collection littéraire. Ovales de Julien Bal vient à point pour enrichir cette suite à laquelle nous tenons beaucoup, même si les nouvelles sont souvent peu présentes dans l’offre littéraire en France.

Résumé du livre

Entêtement – Le séjour à Turin du touriste Mihail Renaud se transforme en cauchemar lorsque, dans une pantomime infernale, il subit coup sur coup mutilations et blessures.

Entêtements – Dans « Entêtements » (avec un « s »), le cauchemar vire à l’absurde.

Logis – Mathilde, une jeune paléontologue de trente ans vivant à Saint-Malo fait des allers-retours réguliers tous les quinze jours dans une grotte en Bourgogne « la grotte du Renne » pour y récolter des ossements qu’elle trie et livre au Muséum national d’Histoire naturelle à Paris. Huit ans auparavant son équipe avait fait dans cette grotte une découverte très importante, à savoir, des preuves de la cohabitation et de la collaboration entre Homo sapiens et Néandertal et de leur hybridation régulière. Un jour, elle y rencontre un être étrange…

Verbatimement – La présentatrice télé Amélie Casque rapporte la condamnation à perpétuité, par le tribunal de Rio, du cannibale brésilien Jorge Da Silveira accusé d’avoir kidnappé, torturé et mangé trois touristes.

Il est membre de la secte Cartel dont la préoccupation majeure est la démographie mondiale et sa réduction. Un nouveau procès s’ouvre à Nanterre qui implique l’ambassadeur de France au Brésil, suspecté d’avoir eu en sa possession un cahier perdu par les Brésiliens (« Journal d’un schizophrène ») documentant les tortures de Da Silveira.

S’ensuit le procès de Nanterre : l’interrogatoire de l’ambassadeur et l’intervention d’un témoin représenté par un singe empaillé haut d’environ 80 cm…

On vous laisse découvrir la suite…

Extraits

Elle venait de s’installer un peu plus bas dans la grotte quand sa lampe s’est éteinte. Elle est remontée à la surface pour relancer le groupe électrogène, ça arrivait souvent. Mais là le problème venait de l’ampoule. En revenant sous terre elle s’est rendue compte qu’un plan d’eau bordait l’espace qu’elle venait d’investir. La lumière de son ordinateur bleutait la surface de l’eau et elle a vu qu’un être s’y débattait, ne trouvant pas les parois qu’il semblait chercher avec des gestes d’aveugle. En la voyant, cet être nu s’est figé, au milieu de la mare face à elle, ne sachant plus quoi faire. L’écran de veille faisait briller sa langue sortie qui parfois faisait un cercle comme s’il venait d’avaler un serpent encore vivant. Que faire ? Ne le quittant pas des yeux, elle a retiré ses chaussures et son pantalon pour aller à sa rencontre au milieu du plan d’eau, sans autre projet que celui de le rassurer. Elle s’est plantée face à lui, toute proche et ils sont restés là longtemps, il ne faisait aucun bruit de respiration, son cœur à elle s’emballait, mais elle avait l’habitude. Elle a fini par prendre l’une des mains qui pendaient. Elle se faisait penser à Adam et Eve et comme s’ils posaient pour un peintre, ils sont restés comme ça encore un peu, l’impression de se connaître les gagnait tous deux. […] (Logis)

L’affaire du dernier visiteur au musée Grévin

La vidéosurveillance montre qu’après la visite

Il a attendu longtemps seul au vestiaire

Pour qu’on lui rende son casque

De moto.

Plus personne au vestiaire.

Plus tôt dans la journée

Un paquet avec dedans une fausse tête

Avait été livré par coursier et oublié là

Sur l’étagère des casques.

Le lendemain

On a trouvé la boîte ouverte et vide

Sur le comptoir du vestiaire.

Le film de surveillance

Montre

Que le visiteur a enjambé le comptoir

Récupéré son casque, ouvert le colis

Placé la tête en cire dans son casque.

Casque alourdi

Il est sorti calme

En direction du Rex.

Ça ira

La direction du Grévin décide

D’exposer le corps en cire de Boris Johnson

Quand même

Même sans tête.

Un humble écriteau vers ses pieds :

« Un vol n’a pas permis que le musée présente

le maire de Londres entièrement reproduit ».

[…] (Grévinages)

Mandragore

Bernard Fischli

Alors que Terra est devenue pratiquement inhabitable suite à une guerre absurde, de grands exodes sont organisés partout où la vie semble possible. Le missionnaire Jon Ravel est envoyé par son autorité religieuse sur Mandragore, et reçoit comme mission d’y retrouver le père Etienne. Déjà colonisée depuis 10 ans, cette planète n’est cependant pas facile d’accès. Plus Jon Ravel approche de son but, plus il a le sentiment que quelque chose lui a été caché, interrogeant les dogmes et vérités de sa religion. Au fin fond d’une dense foret, une communauté religieuse vit son idéal de nature et d’isolement dans un romantisme exporté. Et si les codes de la nature et du divin changeait de planète en planète ? On ne manque pas de découvrir un clin d’œil au roman de Joseph Conrad Au cœur des ténèbres tout en visualisant des scènes d’Apocalypse now remaniées au genre de la science-fiction et de ses contemplations de mondes à découvrir, lointains et exotiques.

Sur l’auteur :

Bernard Fischli est né en 1958 à Lausanne. Son enfance se déroule en pleine Course à l’espace, qui atteint un point culminant lors d’une nuit blanche de juillet 1969, devant le poste de télévision familial. Peu de temps après, il découvre 2001, L’Odyssée de l’espace d’Arthur C. Clarke. Puis, les années passant, il assiste au triste repli de l’humanité sur sa planète alors qu’il continue à rêver de mondes lointains.

Hélice Hélas Editeur

Rue des Marronniers 20

CH-1800 Vevey

Tél.: ++41 21 922 90 20 litterature@helicehelas.org www.helicehelas.org > litterature@helicehelas.org

Distribution Suisse :

Servidis

Chemin des Chalets 7

CH-1279 Chavannes-de-Bogis

Tél.: ++41 22 960 95 10 www.servidis.ch > commande@servidis.ch

Distribution France - Belgique :

Serendip-Livres

21bis, rue Arnold Géraux

FR - 93450 L’Île-St-Denis

Tél.: ++33 14 038 18 14 www.serendip-livres.fr

Collection : Cavorite et calabi-yau

Genre : Planet opera

Sujets abordés : Religion, mysticisme, colonisation, destruction des écosystèmes

Format 13.5x19 cm, 448 pages

ISBN : 9782940700417

CHF 30/EUR 26

Parution octobre 2023

3 : LE JARDIN DES DÉLICES

Il ne fut pas si facile de progresser, dans une obscurité que trouaient avec parcimonie leurs petites lampes, sur les cinq kilomètres qui les séparaient de la ville. Les végétaux, particulièrement rigides, ne s’écartaient pas docilement lorsqu’ils étaient poussés de côté. Plus d’une fois, Jon et ses compagnons durent faire halte, essoufflés et couverts d’égratignures. Max menait la marche, avec force jurons proférés à mi-voix. Lorsque Tim finit par proposer d’attendre le jour, il ne tint aucun compte de sa remarque.

Ils finirent par apercevoir des lumières dans le lointain. Bien qu’elles fussent situées dans la bonne direction, il leur était impossible de savoir si elles provenaient de simples habitations ou d’un poste de garde sur lequel ils se jetteraient — avec les explications peu crédibles qu’ils auraient à fournir aux soldats. Ils poursuivirent leur pénible progression, suant dans la nuit humide, se cognant sans cesse aux obstacles, manquant de se perdre même les uns les autres. A un moment donné, et ce fut sans réelle transition, la taille des plantes diminua, et leurs tiges devinrent plus souples.

« Nous sommes entrés sur le territoire d’un autre mycoïde, expliqua Tim à voix basse.

– Un territoire ? souffla Jon.

– C’est bien le mot que j’ai employé, confirma la femme. Ces territoires sont clairement délimités, et vaguement circulaires. Ils couvrent parfois des kilomètres carrés. Le mycoïde qui l’occupe sent tout ce qui

MANDRAGORE 312

s’y passe, l’analyse et… communique.

– Le moment est vraiment mal choisi pour nous faire un cours, grogna Max. Feriez mieux de la boucler.

– Leurs spores contiennent des protéines messagères, poursuivit imperturbablement Tim, que d’autres mycoïdes interprètent correctement : territoire interdit, souhait d’échanger du génome, alarme au feu, j’en avais identifié une douzaine…

– Et personne ne s’est intéressé à vos travaux ? demanda Jon.

– Mais enfin fermez-la, souffla Max, vous ne voulez pas vous mettre à chanter, aussi ? On est à une centaine de mètres. On pourrait vous entendre de là-bas ! »

De quel là-bas parle-t-il ? songea Jon. Je ne vois personne devant nous…

Le premier signe qu’ils étaient entrés dans la ville fut un sorte de parapet en mauvais état. Le béton, sans doute de qualité médiocre, s’était effrité, laissant à nu son armature rongée de rouille. La clôture grillagée qui le surmontait était éventrée, et ils la franchirent sans effort. Au-delà, éclairé chichement par une sorte de guirlande de diodes jaunâtres, se trouvait un terre-plein jonché de bidons métalliques renversés. Cela avait dû être un entrepôt, autrefois, mais il semblait désaffecté depuis des années.

« Une zone de stockage de produits chimiques pour la pisciculture, annonça Tim qui avait examiné l’un des bidons renversés.

MANDRAGORE 313

– On doit se trouver dans la zone industrielle de Ludicaël, émit Jon.

– Possible, fit Max. L’endroit idéal pour attendre le jour, des fois qu’il y aurait un couvre-feu. Au matin, nous aviserons. »

Vers l’est, le ciel semblait déjà un peu plus pâle. Max les dirigea vers un bâtiment dont seuls subsistaient les murs. Ce devait être les bureaux de l’exploitation, autrefois, mais l’intérieur n’indiquait même plus qu’il avait été occupé un jour. Les locaux étaient vides de tout mobilier, semés de débris de verre et le plafond était crevé par endroits. Il régnait une odeur d’ammoniac dans ces lieux abandonnés, comme dans des latrines mal entretenues. Jon regrettait déjà les étendues naturelles qu’ils avaient parcourues, et qui ne sentaient absolument rien. L’homme est une espèce qui pue, se dit-il.

L’orient finit par se teinter de rose, puis d’orange. Le paysage autour de l’entrepôt désaffecté émergea de l’obscurité, révélant d’autres immeubles inoccupés, aux façades verdâtres et aux fenêtres ternies.

« Hé bien, ça a l’air riant, par ici, remarqua Tim. Tu parles d’une station balnéaire…

– Une zone industrielle, ça n’est jamais très riant, bougonna Max.

– Surtout abandonnée, renchérit Jon. Cette zone n’a d’industrielle que le nom. Il y a longtemps qu’il ne se passe plus rien, ici. J’espère que ce n’est pas le cas partout, sinon…

MANDRAGORE 314

9782940522682

ESMERALDA

Dans un futur plus ou moins lointain, après une de ces guerres spatiales absurdes qui a vu la Terre triompher de Mars (où vivaient des Terriens sécessionistes), les hommes partent explorer d’autres galaxies parce qu’ils en ont les moyens.

Ainsi Marko débarque sur Esmeralda. Une planète-jungle hostile, peuplée d’êtres monstrueux, mi-animaux mi végétaux. Les colons y survivent à peine et se débattent dans une utopie pathétique ; ils savent qu’ils ne partiront pas de la planète et ajoutent à la violence endémique des lieux l’injustice propre à l’espèce humaine.

C’estdanscecontextequeMarkoespèredurer jusqu’àceque,traqués par les colons, il s’enfonce dans la jungle d’Esmeralda.

Esmeralda est le premier volet d’une trilogie à l’écriture fluide et elliptique, percutante et déroutante. Suivront en 2019 Donoma et en 2020 Océania.

Sur l’auteur : Bernard Fischli est né en 1958 à Lausanne. Son enfance sedérouleenpleineCourseàl’espace,quiatteintunpointculminantlors d’une nuit blanche de juillet 1969, devant le poste de télévision familial. Peu de temps après, il découvre 2001, L’Odyssée de l’espace d’Arthur C.Clarke.Puis,lesannéespassant,ilassisteautristereplidel’humanité sur sa planète alors qu’il continue à rêver de mondes lointains. Il obtient une licence de Lettres en 1987, avec un mémoire auquel il intègre une nouvelle de science-fiction. Sa première publication date de 1992, dans le cadre d’un concours organisé par la Maison d’Ailleurs.

Hélice Hélas Editeur

Rue des Marronniers 20

CH-1800 Vevey

Tél.: ++41 21 922 90 20

litterature@helicehelas.com

www.helicehelas.org

>litterature@helicehelas.com

Diffusion Suisse :

Servidis

Chemin des Chalets 7

CH-1279 Chavannes-de-Bogis

Tél.: ++41 22 960 95 10

www.servidis.ch

>commande@servidis.ch

Représentants :

Philippe Berger (bande dessinée)

>pberger@servidis.ch

Pascal Cottin (littératures)

>cottin.pascal1@gmail.com

Collection: Cavorite et calabi-yau

Genre : science-fiction

Sujets abordés : space opera

Format 13.5x19 cm, 160 pages

ISBN 978-2-940522-68-2

EUR 16

Parution 1er septembre 2018

Diffusion France, Belgique, Canada : Paon diffusion

Hélice Hélas Editeur Rue des Marronniers 20 CH-1800 Vevey

Tél.: ++41 21 922 90 20 litterature@helicehelas.com bd@helicehelas.com www.helicehelas.org

DONOMA

Bernard FISCHLI

Dans un futur plus ou moins lointain, après une de ces guerres spatiales absurdes qui a vu la Terre triompher de Mars (où vivaient des Terriens sécessionnistes), les hommes partent coloniser des planètes, parce que la Terre est mourante et qu’ils en ont encore les moyens.

Les expéditions, voyages sans retour puisqu’il s’agit de coloniser des exoplanètes très lointaines, sont à chaque fois composées de trois types de population : des colons, des militaires et des scientifiques.

Après la lutte pour la survie que le colon Marko a vécu dans Esmeralda, premier roman de la trilogie, c’est autour de Rand Duncan, le militaire, d’assurer la sécurité des colons sur Donoma, une planète désertique du système de Gamma Serpentis, où apparemment rien ne vit.

Apparemment.

L’exploration des déserts de la planète est menée de main de maître, l’ambiance militaire bien rendue, style, écriture et suspense font partie intégrante d’un récit qui tire le lecteur en avant. Et surtout, il y a cette empathie que Bernard Fischli, auteur talentueux, sait si bien rendre et qui suscite l’émotion chez le lecteur, surpris tant par les révélations qui concernent la planète que les protagonistes.

Donoma est le deuxième volet de ce magistral Space Opera, à l’écriture fluide et elliptique, percutante et déroutante, dont les récits peuvent se lire indépendamment les uns des autres.

Le troisième volume de la trilogie, Océania, paraîtra en 2020.

ESMERALDA est sélectionné pour le prix Lettres-Frontières de cette année.

L’auteur

Bernard Fischli est né en 1958 à Lausanne. Son enfance se déroule en pleine Course à l’espace, qui atteint un point culminant lors d’une nuit blanche de juillet 1969, devant le poste de télévision familial. Peu de temps après, il découvre 2001, L’Odyssée de l’espace d’Arthur C. Clarke. Puis, les années passant, il assiste au triste repli de l’humanité sur sa planète alors qu’il continue à rêver de mondes lointains. Il obtient une licence de Lettres en 1987, avec un mémoire auquel il intègre une nouvelle de science--fiction. Sa première publication date de 1992, dans le cadre d’un concours organisé par la Maison d’Ailleurs.

Format 13.5 x 19 x 25 mm, 272 pages

ISBN 978-2-940522-75-0

EUR 20.00

Hélice Hélas Editeur

Rue des Marronniers 20

CH-1800 Vevey

Tél.: ++41 21 922 90 20

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>litterature@helicehelas.com

Diffusion Suisse :

Servidis

Chemin des Chalets 7

CH-1279 Chavannes-de-Bogis

Tél.: ++41 22 960 95 10

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Représentants :

Philippe Berger (bande dessinée)

>pberger@servidis.ch

Pascal Cottin (littératures)

>cottin.pascal1@gmail.com

OCÉANIA

T.3 DES VOYAGES SANS RETOUR

Dans un futur plus ou moins lointain, après une de ces guerres spatiales absurdes qui a vu la Terre triompher de Mars, les Humains partent coloniser des planètes, parce que la Terre est mourante et qu’ils en ont encore les moyens. Après la lutte pour la survie que le colon Marko a vécu sur Esmeralda (tome 1), ainsi qu’après la découverte par le militaire Rand Ducan d’une forme de vie cachée sur la planète désertique de Donoma (tome 2), la planète Océania est l’un de ces nombreux autres mondes que choisit l’Humanité afin de se disséminer à des millions d’années-lumière les uns des autres, sans possibilité de contact.

Dans ce troisième tome du cycle des Voyages sans retour, l’auteur lausannois Bernard Fischli narre les aventures d’Ana Da Silva, biologiste moléculaire, poussée au départ par le manque de perspective et de sécurité sur Terra. Elle est envoyée sur Océania, une planète où l’élément liquide prédomine et entoure un continent unique. L’Océan est peuplé de microbes et de bactéries qui assurent une concentration suffisante d’oxygène dans l’atmosphère, mais aucune forme de vie intelligente, ou alors consciente n’est à signaler. Bernard Fischli, bien loin d’un sens de l’action et de l’émerveillement tout hollywoodien, met en récit les dimensions anthropologiques, scientifiques et routinières de l’établissement d’humains exogènes dans un nouvel écosystème.

Bernard Fischli est né en 1958 à Lausanne. Son enfance se déroule en pleine Course à l’espace, qui atteint un point culminant lors d’une nuit blanche de juillet 1969, devant le poste de télévision familial. Peu de temps après, il découvre 2001, L’Odyssée de l’espace d’Arthur C. Clarke. Puis, les années passant, il assiste au triste repli de l’humanité sur sa planète alors qu’il continue à rêver de mondes lointains.

Collection : Cavorite et calabi-yau

Genre : Science fiction, Planet Opera

Sujets abordés : la colonisation spatiale,

Format 13.5x19 cm, 318 pages

ISBN 978-2-940700-06-6

CHF 28 / EUR 22

Parution 1er octobre 2021, Suisse / 1er Novembre 2021 pour la France, et la Belgique

ISBN 978-2-940700-44-8

9782940700448

Inhumaines

Florence Cochet

Recueil de 14 nouvelles fantastiques, dont les héroïnes se vengent de maris méchants, de vampires ignobles ou triomphent d’aventures extraordinaires. Elles s’inspirent parfois de légendes anciennes ou de romans classiques du genre, de l’Apocalypse au Nautilus. D’une écriture somptueuse, sensuelle, au vocabulaire riche, ces récits sont animés par une panoplie symbolique traditionnelle, crocs, vampires, sirènes, fétichisme, malédiction, créatures bizarres, épreuves, qui font frissonner ou pleurer lectrice ou lecteur, non sans une pointe d’humour, ils fascinent jusqu’à leur chute finale.

Ces contes s’inscrivent dans une longue tradition aux ramifications labyrinthiques et métissages subtils étiquetés, roman gothique, merveilleux scientifique, anticipation, rétrofuturisme, fantastique, science-fiction, steam punk… Ils sont aussi d’hybrides exercices de style qui frappent, terrifient ou surprennent en se glissant dans les problématiques contemporaines, libération de la femme, lesbianisme, suicide assisté, extraterrestres, fin du monde… Récits qui mettent en scène les passions qui animent les héroïnes, amour, rage et courage, vengeance, cruauté, sacrifice, espoir ou désespoir et assurément la lutte contre le mal.

Hélice Hélas Editeur

Rue des Marronniers 20

CH-1800 Vevey

Tél. : ++41 21 922 90 20 bd@helicehelas.org www.helicehelas.org

Diffusion Suisse :

Servidis

Chemin des Chalets 7

CH-1279 Chavannes-de-Bogis

Tél. : ++41 22 960 95 10 www.servidis.ch

Représentants :

Julien Delaye (BD et livres d’artiste) > jdelaye@servidis.ch

Pascal Cottin (littérature) >cottin.pascal1@gmail.com

Diffusion France, Belgique :

Serendip-Livres

21 bis, rue Arnold Géraux F-93450 L’Île-St-Denis

Tél. : ++33 14 038 18 14 www.serendip-livres.fr

Sur l’auteure : Florence Cochet, née en 1976, enseigne le français à Genève. Elle a publié une dizaine de romans et des nouvelles dans les genres fantastique, science-fiction, new romance. Elle aime aussi mêler ces genres.

Collection : Blanc Lait Ment

Genre : Nouvelles fantastiques

Sujets abordés : vampirisme, lesbianisme, féminisme militant, fantasmé et imaginaire

Format : 14x20 cm

220 pages

ISBN 978-2-940700-44.8

CHF 24/EUR 18

Parution : septembre 2023

FLORENCE COCHET INHUMAINES

Le soleil caresse ma peau, la brise marine joue dans mes cheveux, le doux balancement du voilier et le clapotis des vagues contre la coque me bercent. Je me sens bien, chez moi, dans mon élément.

— Clarissa, j’ai une surprise pour toi !

La voix de Jonathan me fait tressaillir. Je soulève les paupières avec peine et plisse les yeux dans l’éclatante lumière. Mon mari, dressé devant moi, tient entre le pouce et l’index un objet circulaire noir que je ne reconnais pas.

— Il est enfin terminé, m’annonce-t-il, satisfait. On vient de me le livrer. Alors, heureuse ?

Et soudain, l’illumination : le voxcom ! Le prototype de système de communication créé par son labo que j’attends depuis près de deux ans. Je quitte mon transat d’un bond.

— On teste ? m’exclamé-je, excitée comme une gosse le matin de Noël.

La plongée sous-marine est notre passion, avec pour seule frustration, le fait de ne pouvoir nous parler sous l’eau. Avec le voxcom, ce sera possible. Du moins, je l’espère.

— Tire tes cheveux en arrière, m’ordonne-t-il.

J’obéis et il applique une moitié de la pastille sur ma tempe gauche.

— Aires de Broca et de Wernicke ? demandé-je.

— Exact ! Cette petite merveille va interagir avec les zones de ton cerveau qui contrôlent le langage… ainsi qu’avec tes cordes vocales, précise-

2 D
D
ans les profon
eurs

t-il en collant la deuxième partie sur mon larynx. Enfile ta combinaison, maintenant.

Il n’a pas besoin de me le dire deux fois. Je me tortille comme une diablesse pour loger mes formes généreuses dans le néoprène moulant. Je hais cette seconde peau gommeuse qui dénature le contact avec la mer, mais il faut ce qu’il faut.

De mes doigts agiles, je tresse mon interminable chevelure et la glisse dans ma capuche. Un crime. Je les laisserais flotter librement dans les profondeurs, si je ne redoutais pas les heures de démêlage qui s’ensuivraient.

Mes palmes, profilées, longues de près d’un mètre, d’un bleu turquoise assorti à ma combinaison, m’attendent, appuyées contre le banc. Jonathan me les a offertes au début de l’été. Il trouve que je ressemble à une sirène une fois équipée. Elles sont parfaites.

Dès que je les ai enfilées, je boucle la ceinture de plomb autour de ma taille, règle le débit d’oxygène de mes bouteilles et les endosse. Mon masque, adapté à ma myopie, vient recouvrir mes yeux gris. J’ai l’impression de peser cent kilos, ce qui ne doit pas être loin de la vérité. Je suis prête.

— Vas-y, ma puce, je te rejoins.

Avide de quitter la pesanteur, je m’assieds sur le bastingage et bascule en arrière. L’eau tiède m’enveloppe aussitôt de sa douce pression. Je ressens un instant le regret de ne pas éprouver sa caresse sur ma peau nue. Plus tard peut-être. Je gonfle mon gilet de stabilisation et remonte à la surface. C’est déjà mieux que sur le pont. Quand nous serons au fond, au cœur des récifs millénaires, je me sentirai vraiment chez moi.

Jonathan réunit ses gardes du corps dans la cabine et discute quelques instants avec eux. C’est l’inconvénient d’avoir épousé un milliardaire : nous ne sommes jamais seuls. Je devine son discours : éloigner les bateaux

3

inconnus, bla-bla-bla… rester vigilants et intervenir rapidement en cas de déclenchement du système d’alarme, bla-bla-bla…

Lorsqu’il se décide à sauter, j’admire sa silhouette puissante moulée dans la combinaison gris-bleu qu’il ne porte que pour la pêche sous-marine. Il s’est armé de son fusil Seawolf préféré ainsi que d’un long couteau à la lame partiellement dentée auprès duquel le mien, glissé dans son étui attaché à mon mollet, fait piètre figure.

En sus de tester le voxcom, Jonathan nous ramènera le dîner. Chasseur, sur terre comme en mer, il manque rarement sa proie. Ce soir, nous nous régalerons.

— Prête ? me demande-t-il.

— Quand tu veux.

Nous embouchons nos détendeurs et entamons la plongée dans les transparences de la Méditerranée. L’eau tiède se referme sur nos têtes, le silence nous engloutit.

— Ça va, ma puce ?

— Impeccable… (La surprise me fait écarquiller les yeux.) Ça fonctionne !

— Avoue que tu n’y croyais pas.

Je me contente de lui sourire des yeux, puis nous entamons notre plongée.

C’est extraordinaire. Nous descendons dans de chatoyants abîmes bleutés, en palmant avec lenteur et régularité, côte à côte, et nous pouvons nous parler presque comme à l’air libre. Le plus difficile est de vocaliser sans lâcher l’embout du détendeur.

4

Robotisée

Prix de l’Ailleurs 2023

La robotisation sera-t-elle le fait marquant du 21ème siècle ? Robotisée, notre société l’est, et de plus en plus : des processus industriels avancés à la domotique du quotidien, des engins connectés aux drones multifonctions. Que change-t-elle à notre société ? Que, ou plutôt qui, remplace-t-elle ? Et d’ailleurs, la robotisation a-t-elle un genre ? Les robots s’adapteront-ils (ou elles…) toujours à nous ou seronsnous progressivement amenés à nous adapter à eux ? Car ce que nous déléguons à des machines, sensées être rationnelles et neutres, sera-t-il indéfiniment compatible avec notre subjectivité si aléatoire et émotionnelle ? Ces questions ne manqueront pas de se poser.

Le prix de l’Ailleurs retrouve là un des grands thèmes de la science-fiction, qui anticipe depuis des décennies l’avènement de cette avancée technologique – dans ses avantages et ses inconvénients. Une approche qui encourage à se pencher sur les conséquence, bien humaines elles !, de cette robotisation, et les visions du monde qui peuvent découler d’une telle évolution et de sa nécessaire remise en question.

Sur le Prix de l’Ailleurs :

Créé en 2017 à l’initiative de la Maison d’Ailleurs et de l’Université de Lausanne, le Prix de l’Ailleurs récompense chaque année des productions qui s’inscrivent dans ce registre de la science-fiction. Chaque édition comporte un thème en lien avec l’actualité, et vise à favoriser la reconnaissance de ce genre et l’émergence de nouveaux talents.

Hélice Hélas Editeur

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FR - 93450 L’Île-St-Denis

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Collection : Cavorite et calabi-yau

Genre : Nouvelles

Sujets abordés : Robots, érotisme mécanique, Intelligences artificielles, société

Format 13.5x19 cm, 240 pages

ISBN : 9782940700455

CHF 22/EUR 18

Parution novembre 2023

Club Bizarre

Nathalie Quintane – Stéphane Bérard

Parution septembre 2023

Genre : Poésie – arts-visuels

ISBN 978-2-9567305-6-9

préface par N.Q

postface à la préface par Paul Valéry

Dessins par Nathalie Quintane

70 pages

couvertures avec rabats

brochures cousues collées

format 12x18cm

prix : 15e

Diffusion Paon diffusion paon.diffusion@gmail.com

Distribution Serendip-livres contact@serendip-livres.fr

Éditeur Éditions Pli Justin Delareux justin.delareux@gmail.com

ÉDITIONS PLI SEPTEMBRE 2023

ÉDITIONS PLI SEPTEMBRE 2023

«CLUB BIZARRE est un livre à double fond, ou peutêtre à triple fond, ou plus encore. Un livre qui pourrait se jouer du lecteur, ou des sens de lecture.s, ou de tout ce qui n’est pas écrit, mais convoqué. C’est un livre étrange et drôle où les tabliers sont échangés : Nathalie Quintane dessine, Stéphane Bérard écrit.

S’y croisent des objets quotidiens, comme un bouchon, un pull en boule, une assiette Louis XVI ou autre raté. S’y mêlent quelques rappels historiques, comme celui de la Commune de Paris, celui d’un tract des «Brigate Rosse», des Denim ou de la moustache. Ce livre est un livre joueur, construit d’intuitions et de suppositions, de mémoire.s, de liens à faire et à défaire, entre le gros doigt de pied et un yacht, par exemple. Une autre manière de secouer le genre poétique frotté à celui du politique, sauce quotidienne.»

NATHALIE QUINTANE

Née le 8 mars 1964, est une poète, écrivaine et enseignante française.

« Les livres de Quintane publiés à partir de 2003 (Formage, Antonia Bellivetti, Cavale, tous chez P.O.L), en conservant une construction fragmentée, non linéaire, semblent mettre en scène un arbitraire de l’intrigue (dans Cavale, on passe de la Californie à la Picardie sans explication) et des personnages (des rencontres de hasard sans psychologie particulière). Cependant, autant qu’une critique du roman réaliste, cet arbitraire pourrait renvoyer à la férocité de l’Histoire et des injustices sociales, thème récurrent depuis le début de l’œuvre (cf. en particulier Jeanne Darc, Une Américaine, deuxième partie de Saint-Tropez, Formage, Cavale et Grand Ensemble, écrit en 2002 et publié en 2008 chez P.O.L). »

STÉPHANE BÉRARD

Né en 1966, est artiste plasticien et poète français.

« Ses activités sont menées dans un «chenil d’hypothéses» où l’idée de sérieux (omniprésente) est indissociable de la pureté navrante. Unique membre d’un institut de recherches par diversions, il est spécialisé dans les phénomènes de rejet. La fumisterie tranche tel le scalpel. Il recèle les idées dites de «tendance» (inscription dans le social, l’architecture et le design, le négoce...) avec l’aplomb d’un Pierre Daco (cf «Les Triomphes de la psychanalyse» Marabout, 1969) qui, au guidon de son argumentaire, enchaînerait virages relevés et ornières de relance ».

P L I est une structure éditoriale métastable crée en 2013 par Justin Delareux, artiste et poète.

Pli publie depuis dix ans la revue éponyme et par cet organe papier a contribué à la diffusion de textes et documents inédits de plus de deux cent auteur.e.s. dans les domaines de la poésie, des arts-visuels, de la création textuelle.

Toujours exigent et attentif aux propositions critiques nouvelles, en septembre 2023, Pli creuse d’autres chicanes, convoquant et questionnant le genre poétique en suggérant une percée critique et politique qui ne serait pas de l’ordre du militantisme. Il s’agirait plutôt de nous aventurer consciencieusement vers des chemins de traverses inconnus, de donner la part belle aux gestes de créations et d’expérimentations, en pleine connaissance des mouvements qui nous ont précédés.

Nous travaillons quotidiennement à l’élaboration de mondes imprenables. Il ne nous est pas impossible de nous défaire du triste langage dominant.

Nos archives sont disponibles gratuitement sur le site internet ici renseigné.

Contact : justin.delareux@gmail.com

boom@riseup.net

http://www.revuepli.fr

CLUB BIZARRE

parution : septembre 2023

NATAHLIE QUINTANE STÉPHANE BÉRARD
ÉDITIONS PLI SEPTEMBRE 2023

ÉDITIONS LURLURE

PARUTION OCTOBRE 2023

LETTRES À MADAME

Nathanaëlle QUOIREZ

Genre : Poésie

Collection : Poésie

Prix : 17 euros

Format : 14 x 21 cm

Nombre de pages : 96

ISBN : 979-10-95997-57-3

> LE LIVRE

Recueil alternant lettres et poèmes, Lettres à Madame partage tout à la fois un immense chagrin d’être au monde et une féroce faim de Dieu à la manière des extases mystiques – avec un corps toujours complice.

C’est par l’adresse continuelle et quasi incantatoire à celle qui est nommée «Madame» tout au long du recueil, qu’on pèlerine en langue dans le « dédale de la torpeur », là où les réalités concrètes du quotidien vécu se confrontent aux grandes questions existentielles.

Car s’il s’agit ici d’une Madame, il s’agit surtout de toutes les autres, les voix de de nos polyphonies intimes – de nos ancêtres à nos amantes – mêlées toutes ensemble au grand feu pulsionnel et lyrique du « je » de l’écriture poétique.

> L’AUTRICE

Nathanaëlle Quoirez est née dans les Alpes-de-Haute-Provence en 1992. Elle anime des ateliers de pratiques artistiques à Marseille.

Son premier livre, Kaïros, est publié en 2022 (Polder / Décharge).

Elle est présente dans des revues telles que : La rumeur ou Hors-Sol.

Elle a récemment participé à l’anthologie Ces mots qui traversent les frontières (Le Castor Astral, 2023).

l
Nathanaëlle Quoirez Lettres à Madame
DIFFUSION/DISTRIBUTION SERENDIP LIVRES / PAON DIFFUSION 1 / 5
Nathanaëlle Quoirez

madame,

vous dire évidemment : tout n’est pas vous. mes lettres ont été des destinations pour pouvoir me nommer, visage ne figurait plus. soif et faim avaient cessé, me restait l’invention encore un peu coriace, l’idéation hantée par le grand saut du pantin fixe. tout-à-égout ce crâne, pourtant en moi luttait non plus la poésie madame, mais cette face de chien créditée par ses larmes. les yeux au ciel pleuvant, la couenne au cœur, j’étais malade. secret et vérité, brusque aveu, logique congénitale. de ses alentours, revenir, oui, mais comment ? me souviens de vous sourire de l’autre côté de l’âme, je crois en dieu. pyrobatie chez vous, j’ai le feu acrobate. nuit de chaque mot, je vous ai ramassée avec au sang le battre de la férocité amour. contre dieu ma colère, j’en nourrissais le pacte d’abandon mais j’attendais la paix comme un enfant gigote sa main pour réparer une amitié. je vous ai écrit pour le réel, m’y arrimer, en faire usage. vous fûtes mon pluriel de conservation, étoile polymorphe et anonyme, de la continuité et du grandir. c’était la nuit et ma réponse, corps après jour, sortir de taire. par ouï-dire et déjointée, moi avais froid, figure de moi qui m’échappait. dégradation, pourquoi ? on sait très bien que la montagne de chacune n’est pas de la hauteur de tous. on gravit, on arpente, enfance par devers tout, l’égalité n’existe pas. je suis par où les eaux se figent, heurtée si l’on peut dire depuis que naître est un hasard. me voici dans ma robe de plâtre, coup de lettres tiré, mon nom sans alphabet est en errance. un enfant mort continue de mendier, pouponnière dégueulasse. assomption jour alcoolique, ombre nue et vulgaire qui flaque au ciel du sperme. la liberté, madame, est le passé sorti du bois et ramené à la confiance. cela c’est devant vous, j’exerce un avenir. merci.

EXTRAIT 1
2 / 5

huit octobre deux-mille-vingt-et-un

madame,

cauchemar, l’éternité susurre. bête à plusieurs proies, destin s’y résout mal. on panse une cachoterie, les aïeux nous regardent. voudrais vous visiter, on dira prestement. les nuits ne dorment plus. on m’accorde un caillou, c’est un classique du don qui pèse. plaisir de votre vieillesse à regarder me calme. je lis des livres effrayants. les mots violent, esprit se désorganise, menace d’effondrement. vous connaissez votre langage, et moi sans verbe un avis d’extinction. si vous saviez, madame, ce que j’ai connu de pestes et de petites gens racornis aux émotions : des traitres à bouches, des sycophientes. il en faut du vouloir pour encore se faire vivant. j’ai pensé aux autres, aux allures de grand rien, au cœur de grands mages. il y a des bonnes gens, madame, je regarde vers leurs épaules, l’horizon où le rêve nous fait un grand dormir. je m’endors en sachant que le bien est concret. l’usage du monde n’est pas dans la parole.

EXTRAIT 2
3 / 5

neuf octobre deux-mille-vingt-et-un madame,

tout le jour une pensée cogne aux barreaux des urgences. hôpital traversé par le jour qui habite, nous ne sommes pas sans exister. mais chute, cendre et source. dire ne rassasie plus, ne déleste de rien. je vous aime. aimer peut, protège, est infaillible. vous êtes souveraine, une idée de monde meilleur, ma taupinière contre l’effondrement. vous êtes un dieu caché dans mon imaginaire, vous ne pouvez rien mais vous m’innocentez. je ne mélange pas l’ordre et l’ivresse, je vis d’extase. sachez-le, j’ai droiture comme gens sérieux et cassés. j’étais comme vous, tendre aux mains, accourant humanité aux sirènes qui nous font peur. généalogie est un arapède pas une abstraction, n’en doutez pas. un mal est entré par voie basse, je suis née, madame, il y a vingt-neuf ans. rien ne peut m’ôter l’idée banale de la très grande déjection. je vous aime parce qu’en terreur le nôtre ciel est à réinventer. je ne tétine plus rien mais me remâche d’inconsistance. je veux de votre odeur pour mon temps à tuer. vous êtes une fable, mon dernier carré de salut. les jours de rendez-vous je vous hais, je rougis dans vos jambes. je vous ris madame et vous rase depuis ma langue. mais vos mains quelque chose quand je dois aller voir le couteau replanté dans chacun de mes morts. j’ai envie, madame, pas comme on le fait mais comme ailleurs existe. baisers prudents qu’on ne peut satisfaire.

EXTRAIT 3
4 / 5

dieu me fait des représailles je suis des années de cavale faites-moi venir à vous ce vous que j’invoque me protège quand ma petite chose minuscule prend peur le diable couve au-dessus l’éclosion d’un malheur parfois je négative pour ainsi dire tout mon espoir le christ est médusé néanmoins lumière du ciel me descend droite je ne mendie pas madame vous déguste au feu quotidien même au blason de lait peut-être de votre élan serrez mes deux grandes ailes couvrez-moi de buée j’ai manqué d’enveloppe

je signe : la fille analogue.

EXTRAIT 4
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Lida Youssoupova Verdicts

Collection « Ouija »

15 x 20 cm

232 pages 978-2-493242-08-2

20 € 3 octobre 2023

Verdicts, dans la lignée de Témoignage de Charles Reznikoff, est un livre de poésie documentaire entièrement construit par le montage de fragments de jugements prononcés par des tribunaux russes entre 2012 et 2017, notamment dans des affaires de féminicides, d’infanticides, de violences domestiques ou de meurtres homophobes. Ces extraits judiciaires constituent une chronique de la vie quotidienne des provinces périphériques russes, marquées par une violence inouïe mais aussi par la misère, l’alcoolisme ou l’arbitraire de l’État.

Lida Youssoupova s’attaque à la langue du pouvoir russe. Les quatorze poèmes qui composent ce livre donnent à lire la rhétorique de défense des « valeurs traditionnelles » au sein des tribunaux, réthorique que l’on retrouve dans les éléments de propagande employés aujourd’hui dans la guerre en Ukraine. Par un travail d’amplification performative, Verdicts montre que l’intime des corps des citoyens est l’un des premiers lieux où un régime autoritaire vient imprimer sa marque.

Parallèlement à cette démonstration, la poésie de Lida Youssoupova opère un « montage de libération » (Galina Rymbu) par lequel les victimes, invisibilisées, acquièrent des traits visibles. La tâche éthique de l’auteur consisterait ainsi à rendre la voix aux victimes, à les rendre audibles dans l’espace de la mémoire individuelle et collective. Malgré son extrême violence, le poème devient ainsi un lieu de réparation.

Lida Youssoupova est née en 1963 à Petrozavodsk, en Karélie (Russie). Après avoir été contrainte d’abandonner des études de journalisme à l’université d’État de Leningrad (accusée d’être à la fois dépravée et antisoviétique), Lida Youssoupova travaille à la poste. En 1996, elle émigre de Russie et se rend en Israël, puis au Canada. Aujourd’hui, elle vit entre Toronto et San Pedro, au Belize.

Elle est l’autrice de plusieurs livres de poésie en russe, parmi lesquels Dead dad, qui paraît en 2016 chez Kolonna Publications – l’éditeur russe de Monique Wittig, Kathy Acker ou Antonin Artaud – et qui fait l’effet d’une déflagration dans la communauté poétique russe. Verdicts est son premier livre traduit en français. Avec cette parution, Zoème entame une série de publication consacrée à des autrices russes contemporaines.

Traduction de Marina Skalova.
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et aussi la jeune fille rousse qui s’appelait Irina

Jugement de l’affaire pénale n°1-337/2013

VERDICT

Au nom de la Fédération de Russie ville de Krasnogorsk 13 novembre 2013.

A.V. Mordakhov, juge du tribunal municipal de Krasnogork de l’oblast de Moscou, assisté par le procureur d’Etat D.V Kozlov, suppléant le procureur municipal de Krasnogorsk, en présence du prévenu A.A Rodionov, de l’avocat de la défense I.A Bykhanov, a examiné en audience publique le dossier de l’affaire pénale visant Anton Andreïevitch Rodionov, accusé d’avoir commis un crime désigné par l’article 105.1 du code pénal de la Fédération de Russie,

le prévenu est déclaré coupable des faits suivants :

Le prévenu A.A Rodionov a commis un meurtre, c’est-à-dire qu’il a volontairement donné la mort à autrui. Le crime a été perpétré dans les circonstances suivantes :

il était tellement ivre que pendant à ce moment-là il a perdu la notion du temps

Irina lui a proposé d’aller se promener après cela elle s’est levée et est partie dans la rue dans le sens opposé au trafic il s’est levé et l’a suivie

ils ont marché longtemps dans la forêt et ont parcouru quelques kilomètres

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Irina portait un jean et un tee-shirt elle avait des chaussons aux pieds

Irina s’est approchée du ruisseau après cela elle l’a appelé il s’est levé et est venu la voir c’est alors qu’il a remarqué qu’elle avait déjà enlevé ses vêtements

elle était debout sur une dalle en béton qui recouvrait le ruisseau et lui demandait si elle lui plaisait et s’il voudrait avoir une relation sexuelle avec elle

il a dit à Irina qu’elle ne lui plaisait pas qu’il ne voulait pas avoir de relation sexuelle avec elle en même temps il a expliqué qu’il était marié et qu’il avait une fille en bas âge

Irina s’est mise en colère car il refusait d’avoir une relation sexuelle avec elle elle a dit qu’il n’était qu’un impuissant elle aurait mieux fait d’aller en forêt avec quelqu’un d’autre

alors il a proposé à Irina de s’habiller et de retourner chercher l’un de ses amis après cela elle s’est fâchée encore plus elle s’est mise à l’insulter elle a dit que sa femme était une prostituée elle l’a traité de tous les noms et a même insulté son enfant il s’est mis en colère il a repoussé Irina avec les mains ce qui lui a fait perdre l’équilibre

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elle est tombée dans l’eau tête la première

il est descendu de la dalle vers le ruisseau et alors que le visage d’Irina était déjà dans l’eau il l’a prise par la nuque et l’a serrée jusqu’à ce qu’elle cesse de donner des signes de vie

ensuite il a saisi Irina par les bras et l’a trainée à-peu-près à cinq mètres du ruisseau il a jeté le cadavre dans les buissons ensuite il l’a recouvert d’herbe qu’il a arrachée pas loin

le tribunal tient compte de l’immoralité le tribunal tient compte de l’immoralité du comportement de la victime le tribunal tient compte de l’immoralité et du caractère illégitime du comportement de la victime

le tribunal tient compte du fait que la personnalité du prévenu est caractérisée de façon positive par son entourage tout comme de l’immoralité et du caractère illégitime du comportement de la victime

le tribunal tient compte du fait que la personnalité du prévenu est caractérisée de façon positive par son entourage le prévenu a un enfant en bas âge à sa charge tout comme de l’immoralité et du caractère illégitime du comportement de la victime

ce qui constitue des circonstances atténuantes pour sa condamnation

et aussi la jeune fille rousse qui s’appelait Irina.

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Parution septembre 2023

ISBN : 978-2-911917-84-4

12,5 cm

16 cm

40 pages

10€

L’auteur

Les dits d’Arès

Un livre d’André Bernard

Poésie / Aphorismes, fables…

Les dits sont nés du regard attentif, amusé et attendri de l’auteur, porté aux objets prétendument inanimés, aux animaux, aux personnes, un univers où tout un chacun est doué de parole et n’hésite pas à en user pour discourir sur le monde et sa condition…

Une approche poétique suscitée par la marche à pied ou la somnolence, mais pas que…

La couverture et les collages du livre sont de l’auteur.

Extrait

« Je suis un animal, cria l’homme.

– C’est certain, rétorqua son chat, mais, quant à moi, je ne suis pas un être humain. »

André Bernard est né en 1937. Insoumis à la guerre d’Algérie, il s’exile en Suisse puis en Belgique, avant de revenir en France pour agir avec l’Action civique nonviolente, ce qui lui valut un peu plus de deux années de prison (action collective qui débouchera au statut d’objecteur de conscience). Devenu ouvrier du livre, il s’implique dans les actions directes syndicales. Poète et collagiste, il participe à des expositions notamment à la Création franche de Bègles. Il écrit dans des revues et des journaux, notamment sur le site « De la désobéissance libertaire » (deladesobeissance.fr).

Extraits

« Je n’ai pas fait ce que je ne voulais pas faire, dit-il, et ma compagne veut bien que je l’aime : je peux donc regarder l’océan. »

Devant le néant imperturbable, l’épouvante se figeait tandis que la peur se sauvait à grands pas.

Le néant, comme en souriant, les avala tous les deux.

La famine à ses trousses, un gros pain

tout frais et croustillant courait sur le trottoir. Une bouche d’égout ouverte le mangea en passant.

ÉRIC PESTY ÉDITEUR

Au sommaire :

Kathy Acker : Troisième lettre à Paul Buck

Robert Creeley : Proses (extraits de A Day Book)

Ghassan Zaqtan : Poème

J. H. Prynne : Que la tienne pardonne à la mienne, poème

Isabelle Sbrissa : Une fable

Michèle Cohen- Halimi : Chronique

Norma Cole : Dessin

Note d’intention de Jean Daive pour la revue K.O.S.H.K.O.N.O.N.G. rédigée en 2012, année de fondation de la revue :

Koshkonong est un mot indien Winnebago qui donne son nom à un lac important du Wisconsin. Il signifie au-delà de toutes les polémiques d'hier et d'aujourd'hui : "The Lake we Live on" — Le Lac qui est la vie. C'est là que Lorine Niedecker est née et a vécu, dont les poèmes ouvrent le premier numéro de K.O.S.H.K.O.N.O.N.G.

Le poème de Lorine Niedecker fait d'échos, de résonances, introduit une écoute autre à propos d'accents autres et de sens autres.

L'écriture principalement connaît trois phénomènes : la main, la voix, le mur. Le mur est une manifestation qui s'adresse le plus naturellement du monde à l'homme, quel que soit son état de marche, quel que soit son état de cœur : le mur qui écrit la revendication, le mur des amoureux, des accusations, le mur des avis, notices, affiches, placards, proclamations, le mur des graffitis, des signes, des mots bombés, le mur est manifestation de l'urgence, de l'injustice, du procès, de la contagion, de l'épidémie.

K.O.S.H.K.O.N.O.N.G. est une revue qui veut prendre en compte toutes les résonances de la langue et l'urgence, toutes les désaccentuations possibles et l'alerte.

K.O.S.H.K.O.N.O.N.G. est une revue de l'ultimatum.

(COUVERTURE PROVISOIRE)

Parution : novembre 2023

Prix : 11 €

Pages : 28

Format : 15,5 x 24 cm

EAN : 9782917786871

Rayon : poésie contemporaine

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Éric Pesty : contact@ericpestyediteur.com

K.O.S.H.K.O.N.O.N.G. n°25

ÉRIC PESTY ÉDITEUR

Roger Giroux

Journal d’un Poème (réimpression à l’identique)

Roger Giroux est né en 1925. Traducteur émérite de l’anglais (Lawrence Durrell, Henry Miller, Edna O’Brien, W. B. Yeats…), éditeur auprès de Marcel Duhamel à la « Série noire », il demeurera l’auteur de « un ou deux livres », comme il l’écrit à Pierre Rolland, un ami d’enfance, au tout début de sa carrière.

- L’arbre le temps, paru au Mercure de France, obtient le prix MaxJacob en 1964. (Le livre est réédité en 1979 augmenté de deux textes inédits au Mercure de France. En 2016, Éric Pesty Éditeur procure une troisième édition de L’arbre le temps qui restitue le format de l’originale de 1964.)

- Poème, livre resté inachevé à la mort de l’auteur, fut édité par Jean Daive au Théâtre Typographique en 2007.

A la mort de Roger Giroux en janvier 1974, Jean Daive découvre en effet deux textes dactylographiés (Lieu-Je et Lettre publiés pour la première fois à la suite de la réédition de L’arbre le temps au Mercure de France en 1979, et aujourd’hui également réédité par nos soins dans la collection agrafée), mais encore divers cahiers et carnets d’écriture, parmi lesquels se détache Journal d’un Poème. L’intuition majeure de Jean Daive est de reconnaître immédiatement dans Journal d’un Poème le négatif du livre en gestation au moment du décès de Roger Giroux, Poème, et qui en figure la prémonition.

« Roger Giroux a toujours tenu un journal, parce qu’il aime regarder l’écriture en train de se faire. Les carnets intimes traitent de l’absence, de la présence, du rien et du silence, du non-être de l’esprit. Ils sont nombreux. L’écriture très particulière de Poème a suscité Journal d’un Poème, publié ici avec ses couleurs. Il est à part. Il progresse selon l’invention visuelle du poème, il en suit l’évolution, il accompagne les différentes phases de l’expérience, dévoile les enjeux de l’œuvre. C’est ainsi que Poème et Journal d’un Poème s’imbriquent parfaitement. Tout de Poème se retrouve différemment dans Journal d’un Poème. La différence est ce qui doit définir Poème et définir Journal. Car Roger Giroux a conscience que la langue n’a plus une vérité de sens (il la laisse encore volontiers au Journal), mais une vérité de signes, vérité qu’il veut inscrite, dessinée, graphique, théâtralisée, jouée dans l’espace du livre et de ses doubles pages. » (Extrait de la préface de Jean Daive.)

Edition et préface de Jean Daive (réimpression de l’édition de 2011 à l’identique)

Parution : novembre 2023

Prix : 28 €

Pages : 196

Format : 11 x 17 cm

EAN : 9782917786086

Collection : brochée

Rayon : poésie contemporaine

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« Le langage ainsi traité comme une foudre qui tombe est regard, capable d’atteindre l’oeil du lecteur non pour lire, mais pour voir. » (Jean Daive, préface)

Propositions mortes dans ma main. Ma bouche n’est pas celle d’un penseur. Ces formules m’ont desséché le cerveau. Il reste tout à dire (ce « tout » que je dois écrire en petites majuscules

et pour, à la n de la quête, manifester un espace dense, réduit. Ici, par exemple, au cœur irradiant, serait le mot soit

ce dire que le Livre eace Pour que le Livre soit
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Je lis ie lis (en volant un I)

Injonction du je absent comme absent, mais si l’on sait lire, enfermé ici dans la (proposition formule, parole, constellation, énigme)

D S O I T N C E L A
enclos. Mais ie dans clot signifierait je le cèle, je l’enferme ici, le sens, (quel ?) sens ? l’informulable, de même Journal BAT def.indd 68 25/03/2023 14:25:40

que l’or, s’il fut produit, ne fut pas répandu au su et au vu, mais gardé pour le secret de l’opération, sinon l’op. aurait été (serait) antérieurement un échec. Cela est le sens

Celer, ne pas faire connaître, tenir secret

cela son dit

((« Cela ») cela son dit) Redoublement du secret. Double sceau. Doublement scellé le tais donc

De tu (qui ?) à cela (quel ?)

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double question sujet, double sujet en question.

L’essentiel (de vivre) est que cela vive pulse fonctionne, que l’acte soit

Le Poème est cela, rien de plus qu’il soit donc cela

cela soit donc

Son évidence est telle que toute autre parole n’est que masque.

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ÉRIC PESTY ÉDITEUR

Jørn H. Sværen

Musée britannique

Tout comme Reine d’Angleterre (trad. Emmanuel Reymond, Éric Pesty Éditeur, 2020) Musée britannique se présente comme une succession de pièces de formats variables, enchaînant courts essais en prose, extraits de correspondance et poèmes réduits à leur minimum : un ou quelques vers isolés sur la page.

En ce qui concerne la fabrique du poème, l’auteur explique qu’il commence par collectionner des mots et des phrases ; il les recopie sur de petits bouts de papier et les dispose sur une table. Il les déplace, essaie différentes combinaisons, puis les assemble par pages jusqu’à ce qu’un chapitre ou un petit livre à la fin soit écrit.

Du côté de la prose, les chapitres pourraient être rattachée au genre « hantologique » : le passé ancien (du souvenir personnel) et antique (de l’Histoire), en lequel la prose puise ses motifs, suscite une impression de rêve et de distance qui la ferait relever du domaine de la narration.

Cette opposition entre les régimes d’écriture se retrouve dans le traitement de la question du sens. Le poème demeure énigmatique en ce qu’il déjoue toute tentative d'interprétation. Il ouvre sur le blanc de la page : « la poésie est le bouclier vide ». Dans la prose au contraire les images, représentatives et symboliques –l’héraldique dans Musée britannique –, convoquent un sens conventionnel qui relève de l’herméneutique Dans Musée britannique cependant, davantage peut-être que dans Reine d’Angleterre, les vides et les pleins (« Blanc et noir ») se conjuguent Les frontières ou jointures entre les pièces du puzzle ici s’expliquent ; la rigueur de leur agencement invite à un parcours de lecture plus orienté et qui semble conduire à un possible dénouement.

L’auteur :

Né en 1974, Jørn H. Sværen est un auteur, éditeur et traducteur norvégien.

Traducteur d’auteurs français (Emmanuel Hocquard, Victoria Xardel, Marie de Quatrebarbes…) on doit notamment à Jørn H. Sværen une somptueuse traduction de la tétralogie de Claude Royet-Journoud (Gallimard 1972-1996 / H Press 2009).

Parallèlement à ses activités d’auteur, d’éditeur et de traducteur, Jørn H. Sværen est membre du groupe de musique expérimentale Ulver, connu internationalement.

Traduit du norvégien par Emmanuel Reymond

Parution : novembre 2023

Prix : 19 €

Pages : 176

Format : 13 x 21 cm

EAN : 9782917786857

Collection : brochée

Rayon : poésie contemporaine

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Éric Pesty : contact@ericpestyediteur.com

« un calme de plus en plus grand »

Une ligne isolée :

les ruines sont des églises

Elle a pour origine un groupe nominal, désassemblé et réarrangé :

ruines d’église

Je tombai dessus un jour dans le dictionnaire, j’étais à la recherche de groupes nominaux construits autour du dernier mot. La liste est longue, comme un banc d’église ou un registre d’église, mais je m’arrêtai sur celui-ci, où le ciel et la terre se rencontrent, et je l’écrivis pour le décomposer. Les lignes qui l’entourent, sur la même page, sont des ajouts plus tardifs :

sources

les ruines sont des églises

ils cultivent la terre entre eux

Les lignes tombent, de plus en plus longues, comme des ombres dans le soleil couchant, et je me rappelle le vent chaud et l’air qui vibrait au-dessus des champs à la sortie d’Estoi, un village sur la côte sud du Portugal, je me tenais dans les ruines d’une villa romaine, sur les marches d’un temple païen converti en église au iV e siècle après Jésus-Christ. Il ne reste que les fondations, et des sols et bassins aux mosaïques marines. Je levai les yeux et regardai vers les collines au loin. J’imaginai les sources dans les montagnes, les ruisseaux et les veines d’eau abreuvant ce paysage aux couleurs de l’automne où l’homme a cultivé la terre depuis des millénaires. Des sources froides, claires, miraculeuses, je restai là à penser à un autre sens du mot. Les sources écrites, inscriptions et manuscrits,

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les originaux perdus, transmis par des copies, mangés par les vers et les mites, toujours fertiles. Nous allons aux ruines pour comprendre. Et je pourrais continuer ainsi. Toutes les phrases ont une histoire. Je me rappelle un mot en rouge sur fond blanc, d’un panneau sur une porte dans un couloir d’hôpital :

défibrillateur

Je sortis un papier de ma poche et notai :

le cœur démarre

Je saisis la poignée de la porte, elle était verrouillée. Je glissai le papier dans ma poche et me dirigeai vers la chapelle de l’hôpital. L’espace était vide, et je m’assis sur un banc et écrivis :

le cœur s’arrête

Ce serait plus tard une ligne dans un livre, le dernier d’une série de trois livres, tous reliés à la main et auto-publiés :

Une église, Éditions England, Oslo, 2007, 24 pages. Un enfant ou un livre, Éditions England, Oslo, 2008, 24 pages. Trois livres, Éditions England, Oslo, 2010, 24 pages.

Le premier livre a une préhistoire. Il existe une édition non publiée, le titre est sur la première de couverture et le nom d’éditeur sur la quatrième. Le tirage me fut livré devant la porte, deux cent exemplaires emballés dans un carton, je l’ouvris et soupesai le livre dans ma main. Je le parcourus et décidai de jeter les livres dans l’un des nombreux puits de mine dans la forêt derrière l’immeuble dans lequel je vis. Je pourrais venir les récupérer plus tard, ce qu’il en resterait, et reprendre le fil effacé d’un mot ou d’une image, j’ai toujours rêvé d’une telle chose. Mais je changeai d’avis, j’étais abattu et la forêt était ensevelie sous la neige, je descendis aux poubelles et vidai le carton dans le bac de recyclage. Il ne reste que deux exemplaires. Je retirai le titre et l’éditeur de la

première et quatrième de couverture et fis réimprimer le livre. J’effaçai une ligne, elle restera un secret. On lit à la place : un calme de plus en plus grand

J’aime cette ligne, la concision et le mouvement, avec le calme posé d’emblée et qui se déploie vers une fin ouverte. Je commençai ailleurs, j’étais assis dans le train et lisais un article dans un journal, sur l’expansion infinie de l’univers, et je notai dans la marge :

un espace de plus en plus grand

J’ai créé les éditions England en décembre 2006. L’été d’après je rencontrai Steinar Enerly, gérant de l’entreprise familiale de stores Grorud, il me fit un bon prix pour un store vénitien et je lui composai un livre en échange, sous la signature de l’Atelier Typographique England. Je le rencontrai à nouveau à l’automne, en descendant à la boîte aux lettres, il me dit qu’ils allaient ouvrir une galerie en bas de la rue, avec des studios aux étages supérieurs. L’adresse était 5 rue du Docteur London, et je ne pouvais résister à une telle adresse. La rue ressemble davantage à un passage, longue comme un jet de pierre et étroite. Il existe une image impayable de l’entrée de la voie, je la tiens du journal local, un policier court après un élan en direction du centre-ville. Je me suis retrouvé deux fois face à face avec un élan. C’était le soir et les pistes étaient éclairées à travers la forêt, nous étions partis skier pour la première fois depuis qu’Ingvild était rentrée de l’hôpital. Nous tournâmes au détour du chemin et une femelle élan se tenait derrière les arbres devant nous. Nous stoppâmes net, l’animal sortit de l’obscurité, dans la lumière artificielle, nous fîmes volte-face et remontâmes en trombe jusqu’en haut d’une pente. Nous soufflâmes, le regard fixé sur le chemin derrière nous. La femelle élan surgit de derrière le virage, elle s’arrêta et regarda dans notre direction. Nous nous élançâmes, moi devant et Ingvild derrière, avec un trou dans le ventre, et dévalâmes hors de la forêt et à travers le paddock et jusqu’à la maison. Un paddock

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est un enclos selon le dictionnaire, un espace aménagé dans une prairie pour les juments poulinières et leurs poulains, et j’ai un autre souvenir à partir d’ici, une ouverture sur un abîme. C’était le printemps et je ne me rappelle pas où j’allai, lorsque je remarquai le ruissellement de l’eau au bord du chemin, cela courait et murmurait et je m’arrêtai net. Je regardai autour de moi, il n’y avait rien à craindre, les anémones des bois hochaient la tête dans le vent chaud. Je fermai les yeux, j’allais à l’école à travers la forêt ailleurs en Norvège, automne, hiver, printemps, l’eau de fonte ruisselait sous la neige, et je me mis à penser à une scène dans le premier livre d’ À la recherche du temps perdu, quand le goût d’une madeleine trempée dans le thé renvoie Marcel en enfance. C’est une image saisissante, mais je ne la comprenais pas, pas en profondeur, avant de marcher à la lisière de la forêt plusieurs années après, et il m’apparut, je me rappelle, que la connaissance requiert une certaine distance, et je notai au feutre sur le dos de ma main :

le secret de la répétition

Il y a quelques jours, j’écris dans une cabane de camping dans le comté de Hedmark, je tombai sur un crâne d’élan sur une colline reculée. Je m’assis sur une pierre et parcourus du regard le plus grand lac de Norvège, en direction des montagnes, sous le soleil printanier, vers le sud. La pierre était froide et je me levai et poursuivis mon chemin à travers la forêt avec le crâne à la main. Une branche craqua et je m’arrêtai, devant moi se tenait un grand animal des bois, un élan mâle, il était immobile et me regardait de ses yeux sombres. Je restai là, je ne sais combien de temps, avec le cœur dans la gorge et le crâne à la main. Sans réfléchir, je le portai au visage, comme un masque, et fixai l’élan à travers les orbites. Il me regardait sans expression. Je sentais l’odeur de la terre. Il hocha la tête et se retourna, d’abord la tête et puis le corps, et s’éloigna dans la direction opposée. Comme un roi, pensai-je, sans un regard en arrière. Je soufflai et laissai tomber le masque. Je fis demi-tour vers la colline et jusqu’à la maison, et m’assis sur le lit et écrivis :

nous sentons la terre

J’apprendrais plus tard que c’est le titre d’un livre. Il en est ainsi. Toutes les phrases ont une histoire, celle-ci est la mienne et en est une parmi d’autres. Et je pourrais continuer ainsi.

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ÉDITIONS LURLURE

NOVEMBRE 2023

ARTHUR RIMBAUD

Roger GILBERT-LECOMTE

Introduction de Bernard NOËL

NOUVEAUVISUELÀVENIR

Genre : Essai poétique

Collection : Critique

Prix : 9,50 euros

Format : 12 x 18,5 cm

Nombre de pages : 56

ISBN : 979-10-95997-56-6

> LE LIVRE

Ce recueil reprend les deux textes que Roger Gilbert-Lecomte a consacrés à Arthur Rimbaud. Le premier, Après Rimbaud la mort des Arts, a paru initialement dans la revue Le Grand Jeu au printemps 1929. Le second a paru en introduction au livre Correspondance inédite (18701875) d’Arthur Rimbaud (Éditions des Cahiers Libres, 1929). Ils sont précédés d’un texte introductif de Bernard Noël, La Mort, le Mot et le Mort-Mot. Roger Gilbert-Lecomte entretenait plus qu’une proximité avec Rimbaud, et s’il évoque dans ces deux textes essentiels l’œuvre et la figure du poète, c’est pour faire sienne la “mission poétique” de Rimbaud.

La réédition de ces textes est une vraie redécouverte, de même que l’introduction de Bernard Noël, réflexion sur la puissance d’évocation – voire d’incantation – du langage.

> L’AUTEUR

Roger Gilbert-Lecomte, né à Reims le 18 mai 1907, mort à Paris le 31 décembre 1943, est un poète français. Gallimard a publié ses œuvres complètes en deux volumes (1974 et 1977). Depuis le début des années 2010, son œuvre bénéficie d’un regain d’attention et d’intérêt et ses textes sont régulièrement réédités : Monsieur Morphée, empoisonneur public, Allia, 2012 ; La Vie l’Amour la Mort le Vide et le Vent et autres textes, Gallimard, collection “Poésie / Gallimard”, 2015.

DIFFUSION/DISTRIBUTION SERENDIP LIVRES / PAON DIFFUSION 1 / 3
> Deuxième édition chez Lurlure de ce livre indipensable à tout amateur de Rimbaud R.-G. Lecomte

INTRODUCTION DE BERNARD NOËL

“Qu’est-ce qu’un mort ? Un personnage imaginaire et cependant emprunté à la réalité ; quelqu’un qui a quitté l’existence pour devenir un être ; en somme l’analogue de ce qui constitue un mot. Les morts dont on ne parle pas sont comme des mots que l’on n’emploierait plus. Les autres morts font partie du langage, et le langage, dit Blanchot, est « la vie qui porte la mort et se maintient en elle ». Ces morts, qui vivent dans notre bouche comme y vivent les mots, sont des signes : ils nous servent à noter des traces, qui sont moins la leur que la lecture que nous en faisons. Nommer un mort, c’est faire périr une deuxième fois son existence. Quand je dis : « Roger Gilbert-Lecomte », je contribue à l’effacement de ce que cet homme fut réellement pour faire émerger une présence textuelle, qui a cessé d’être sa création pour devenir la mienne. Mais, dira-t-on, qui prononcerait encore ce nom si son porteur n’avait pas produit ce que ma lecture m’attribue ? Tel est le double jeu de l’écriture : elle vous efface, mais pour vous conserver dans le mouvement même de cet effacement qui, lui, perpétuellement recommence. Ainsi, elle n’immortalise, dérisoirement, que la mise à mort. Elle est une agonie silencieuse et sèche, mais une agonie qui ne prend conscience d’elle-même que pour découvrir qu’elle n’aura pas de terme ; car la mort qu’elle appelle est déjà morte.”

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APRÈS RIMBAUD LA MORT DES ARTS

“Le propre d’un Rimbaud sera d’apparaître à jamais, avec l’ironie d’un retour éternel, dès sa plume posée pour ne plus la reprendre, comme le précurseur de tout ce qui veut naître et qu’à l’avance il déflora du caractère de nouveauté que l’on prête gratuitement aux naissances. Cette perpétuelle du millenium eut ainsi en lui son rare témoin : on peut le dire exactement prophète.

Trahi sans cesse par la plupart de ses admirateurs ou esprits bas, qui cherchent à lui faire servir leurs fins innommables et qui se jugent en le jugeant comme ils font, il demeure invariablement la pierre de touche. Il montre la limite de tout individu parce qu’il vécut lui-même à la limite de l’individu : je veux dire que plusieurs points de son œuvre marquent le souvenir d’un être qui, ayant tendu toutes les facultés de son esprit à l’extrême des possibilités humaines, a suivi l’asymptote des impossibilités humaines 1. S’il a ou n’a pas vu au-delà de ces limites (ce qu’on ne peut évidemment vérifier qu’à condition de revivre son expérience, et à quel prix !), il a au moins vécu béant sur cet au-delà. D’où, dans son œuvre, ces trous noirs que ceux qui craignent le vertige cherchent à masquer grossièrement au moyen de ce qu’ils ont de mieux à puiser au fond d’eux-mêmes de leur « idéal », par analogie. Dévoilant à tout coup leurs petits sommets (foi religieuse ou concept tautologique, phraséologie creuse ou pire), ils permettent de mesurer leur bassesse.”

EXTRAIT 2
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ÉDITIONS LURLURE

NOVEMBRE 2023

VERS NOUVEAUX

Arthur RIMBAUD

Édition d’Ivar Ch’Vavar

Genre : Poésie

Collection : Poésie

Prix : 10,00 euros

Format : 12 x 18,5 cm

Nombre de pages : 72

ISBN : 979-10-95997-55-9

> LE LIVRE

Écrits en 1872 (Rimbaud est alors âgé de 17 ans), les poèmes qui composent les Vers nouveaux (le titre généralement retenu est : Vers nouveaux et chansons – il n’est pas de Rimbaud, qui n’avait pas titré ses poèmes) par leur ton et par leur liberté formelle, constituent une avancée majeure de la poésie française.

Cette nouvelle édition de ces poèmes a été préparée et annotée par le poète Ivar Ch’Vavar, dont l’œuvre de Rimbaud est l’une des grandes influences. Elle pose un regard neuf sur ces poèmes essentiels de notre littérature.

> LES AUTEURS

Arthur Rimbaud est né en 1854 à Charleville et mort à Marseille en 1891. Il écrit son œuvre poétique entre l’âge de 15 et 20 ans et abandonne ensuite définitivement l’écriture. Bien que brève, l’originalité et la densité de son œuvre poétique en font l’une des plus importantes de la littérature française.

Ivar Ch’Vavar est né à Berck-sur-Mer en 1951. Il a dirigé plusieurs revues, dont Le Jardin ouvrier (rééditée en anthologie chez Flammarion en 2008), et publié de nombreux livres de poésie. Chez Lurlure, il a déjà publié : Cadavre Grand m’a raconté (2015) ; La Vache d’entropie (2018) et Le Tombeau de Jules Renard (2023).

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Arthur Rimbaud Vers nouveaux
DIFFUSION/DISTRIBUTION SERENDIP LIVRES / PAON DIFFUSION 1 / 3
Arthur Rimbaud (dessin de Paul Verlaine)

EXTRAIT 1

“Je fais cette édition pour les amis, cette présentation ou mise en ordre, disons, de poèmes qui me fascinent depuis plus de cinquante ans, que j’ai relus toujours, dont l’importance dans l’histoire de la poésie me paraît extrême – et que j’ai toujours trouvés mal publiés.

Il faut reconnaître que les Vers nouveaux posent de sérieux problèmes d’édition, insolubles même, dans l’état actuel de nos connaissances. Certains de ces poèmes sont datés, mais l’ontils été au moment de la première écriture, ou bien – plutôt ! – au moment d’une mise au net, ou d’une simple copie ? Il n’est pas évident d’établir dans quel ordre ils ont été écrits, alors qu’il serait si important de le savoir, car une avancée majeure de la poésie se joue ici, en très peu de temps.”

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LARME . Ici, un souvenir personnel. Je suis au lycée de Montreuil-sur-Mer, en classe de première. Notre professeur de lettres est Monsieur Davanture, « Dada », grand homme à vaste poitrine, d’une belle prestance, approchant de la retraite – une figure, dans la petite ville ! Latiniste émérite, admirateur quasi monomaniaque des Classiques : en début d’année, il a failli s’étouffer en découvrant une page de Lautréamont (qu’il ne connaissait pas) dans le nouveau manuel du xixe siècle... Il sait que je suis surréaliste et me regarde avec une commisération où pointe – tout de même – quelque curiosité.

La fantaisie lui prend de nous faire apprendre et réciter un poème – exercice rare, dans les lycées. Il nous avertit que sa notation ne sera pas complaisante mais, en échange, chacun pourra choisir le poème qu’il dira.

Le jour venu, je passe sur l’estrade à l’appel de mon nom, notre salle est dans les hauteurs de l’ancienne chapelle Sainte-Austreberthe. « Eh bien, alors, qu’est-ce que vous avez choisi, vous ?

– Larme, d’Arthur Rimbaud. – Rimbaud ! J’aurais dû m’en douter, mince ! Bon, allez-y. »

Je récite. Silence de mort pendant et après – quelques secondes... Puis, je le vois encore, Monsieur Davanture ferme les yeux, se pince la racine du nez... « D’accord, je vois ce que c’est... Bon, il n’y a pas à tergiverser. Quoi qu’il m’en coûte, une note que je n’ai jamais donnée : vingt sur vingt. »

Larme. Quatre quatrains en vers de onze syllabes et des rimes à faire tomber Sully Prudhomme (lui ou un autre) sur le flanc : un dispositif A-B-C-B, A-B-A-C pour les premiers quatrains, des rimes auberge / perches, soir / gares, vierges / coquillages par la suite !

Dans la version sans majuscules, Rimbaud change les vers 7, 8 et 9 :

boire à ces gourdes vertes loin de ma case claire quelque liqueur d’or qui fait suer

effet mauvais pour une enseigne d’auberge

éjectant au passage l’impossible « colocase » de la première version.

EXTRAIT 2
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ÉDITIONS LURLURE

PARUTION NOVEMBRE 2023

VIDE-GRENIER (TOUT DOIT DISPARAÎTRE)

Vide-Grenier

Typhaine GARNIER

Illustrations d’Onuma Nemon

Genre : Poésie

Collection : Poésie

Prix : 17 euros

Format : 14 x 21 cm

Nombre de pages : 96

ISBN : 979-10-95997-54-2

> LE LIVRE

Après Massacres, qui réécrivait sur un mode potache des chefs-d’œuvre du patrimoine poétique français (de Rimbaud, Baudelaire, etc.) et Configures, parodie d’histoire d’amour, Vide-Grenier est donc le troisième recueil de Typhaine Garnier publié par les éditions Lurlure. Elle y poursuit ce travail de démolition en règle (ludique, toujours) des fétiches, en s’attaquant cette fois aux clichés de l’intime et du vécu : objets et lieux de l’enfance, scènes de la vie amoureuse, fantasmes et obsessions, stéréotypes familiaux… dans cet exercice de « grande braderie » des souvenirs, c’est l’extraordinaire et banal fourbi de la vie qui surgit devant nos yeux – avant de disparaître.

Entre distanciation grinçante et sensualité éberluée, tout se passe dans un même mouvement joyeux : les souvenirs sont affublés d’un costume bouffon de langue, l’authentique se trouve noyé dans le farfelu, l’intime emballé dans la rhétorique kitsch des petites annonces. Et, bien sûr, l’emballage craque, farci d’éléments exogènes (amorces de récits, bouts de dialogues, couplets de chansons, réminiscences de lectures, etc.). Le modèle explose en même temps que les objets évoqués : bon débarras !

Des illustrations d’Onuma Nemon accompagnent les textes de Typhaine Garnier.

> L’AUTRICE

Typhaine Garnier (1989) : poètesse. Elle a déjà publié deux livres aux éditions Lurlure, Massacres (2019) et Configures (2021). Elle co-dirige la revue TXT avec Bruno Fern depuis 2019.

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Typhaine Garnier
DIFFUSION/DISTRIBUTION SERENDIP LIVRES / PAON DIFFUSION 1 / 4
Typhaine Garnier

> REVUE DE PRESSE DE MASSACRES

« Massacres – 30 actes de fieffée potacherie complètement assumée, de réécriture magistrale, très ludique et, disons-le, roborative. »

Poesibao

« Lisez ce génial Massacres, ‘cruel et jouissif‘. Sauvage et d’une vitalité dingue.»

L’Espadon

> REVUE DE PRESSE DE CONFIGURES

« Typhaine Garnier, qui avait déjà signé un passionnant Massacres, trace avec ce nouveau livre un sillon assez rare dans la poésie d’aujourd’hui. »

Libération

« Dans Configures, Typhaine Garnier fait à nouveau preuve d’une inventivité où la littérature est tout autant prise au sérieux que tenue à distance par une auto-ironie de fond. »

En attendant Nadeau

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EXTRAITS

Pressoir fitness

Reclus en pleine campagne nez dans les pommes oppressés du genou mous de l’âme et du rembourrage à l’automne ? La solution : pas-de-vis pris dans bac béton, clé bon état, mouton bois et brebis en ciment ! Musclez intégralement votre silhouette dans la bonne odeur d’entraide virile et co-construction du gâteau : primo paille bien peignée coupée au carré, deuzio couche de pommes pas trop purée, tertio rebelote paille pommes paille pommes façon tiramisu géant comme si on connaissait ça ici, la pommade miracle se tient par lois du génie, la communauté peut se rengorger, pause-café lyophilisé avec sa crêpe à trempiner au comptoir-barrique et c’est reparti, pas mollir, serrage à mort du kiki pour qu’elle s’exprime la motte et qu’à la goulotte on goûte son jus trouble : ça y est petit lait file dans la poubelle naturellement ça donne à tous des envies. Ceci n’est pas un ornement pour chambre d’hôtes des Hortensias ni gîte de charme à jacuzzi.

Saint-Coulitz (Finistère)

Salamandre naturalisée

Très décorative sur des feuilles mortes entre l’orée et l’ornière – à gauche après les cendres et dépôts de châtaignes, autour il y a des traces en boue de sorcière en blouse à fleurs, de sacs à puces, de seaux plastique, à la surface parfois x patineurs à poils hydrofuges, dedans c’est froid, noir têtard, avec des bulles de plongée pour araignées comme dans le Monde des animaux sur Arte : impossible de vous tromper.

La Source (Loiret)

Village de Noël

Une simple pression de l’index divin ou pas sur l’interrupteur et l’un après l’autre et l’autre et l’autre s’allument rétro les réverbères : voici la route qui tortille entre les collines à peine cabossées, ding ding ding tintinabulent les grelots, ça s’active de partout sous le ciel de toiles d’araignées (petit plus d’authenticité). Comme il est beau le petit ruisseau en vraie eau qui fait tourner le joli moulin à eau ! Et Aliboron trop mignon qui meut sa petite meule tandis que le boulanger souriant tout blanc enfourne en boucle ses petits pâtons et que son voisin saccadé bûcheronne à la chaîne parmi sciure et copeaux pour faire plus vrai ! Après les rondins, quel épatant tapis d’écorces de pin parsemé de lapins nains ! Attention dans l’illusion à pas vous perdre sous les fougères ou choir de la falaise en kraft à pic dans la flaque ! Admirez plutôt les villageois en résine colorée faire aller leur petit train-train tout comme nous en plus rustique c’est-à-dire sans écrans à part ça peu de changement. Éjouissez-vous du petit feufeu qui scintitille près des fileuses brodeuses hyperactives sur leur montagne de jupes rembourrées, pâmez devant l’enclos à moutons choux tout coton, le burnous du berger en poil de chameau et les marmots qui lugent emmitouflés dans la poudreuse ! Bref, la vraie vie de chien mais en plus petit et beaucoup mieux mieux !

Belle-vie-en-Auge (Calvados)

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Cahiers et carnets

Proies faciles de la générosité annuelle de proches plus ou moins qui vous veulent du bien plus ou moins en tant qu’écrivain ou font comme s’ils voyaient réellement vos jours et nuits passés et futurs à griffonner sur leurs pages spécialement choisies, flattés de concourir à l’Œuvre à peu de frais même si Moleskine, in petto savourant vengeance car le cauchemar des carnets vides comme verres sauf qu’on a rien vidé ils connaissent, par boîtes entières au fond du placard derrière la belle vaisselle, jamais servi pas même ouverts c’est-à-dire vierges de tout fiévreux graphème, croquis vite fait, numéro à la volée, titre à lire au plus vite, dépenses en marge, bouts de rêves, inventaires d’objets manquants, vers promis à une grande carrière, incipits en puissance, idées cadeaux, couplets biffés, recettes saucées, esquisses de sommaires, corvées diverses, projets de réponse à, confessions cochonnées, résolutions pluristabilotées – ceci dit ceci s’écrit ou aurait pu où sinon sur l’un d’eux celui-là je le garde mais c’est le dernier.

Scrignac (Finistère)

Soirée gourmande 1 pers.

Cause rupture prématurée dîner romantique en robe filet avec vue sur marines, ancres, bouées, gouvernails et crustacés rétroéclairés, bulots hublots tableaux de nœuds courlis sculptés en bois empalés, la quille au-dessus des crânes crève le plafond et vous dessous plongeant dans le bonheur serviettes en éventail les cartes ouvertes murmurent les spécialités, sauvignon à peine entamé, tout le reste état neuf, œil vif, bouche aromatique, main caressante et conversation intéressante, la suite à l’étage toute en longueurs et raffinements baroques je recommande.

Pornic (Loire Atlantique)

Arôme Manche

Brise marine 55 %, crottin ponctuel 4 % sur lacet de sable raidoche 8 % bien barbelisé – la municipalité prend les choses en mains jusqu’à sa frontière et intime sur du plastique (1 %) vissé (0,7 %) au bois de clôture (3 %) de rester sur les sentiers existants interdit autrement dit d’aventurer dans l’inexistant 0 %. Risquons néanmoins comme tout le monde quelques inciviles foulées en Écosse gratos avec soleil et tiédeur en prime qui font monter des bouffées des envies ô vert paradis ! Tourbe & brins (6 %) balayés par la soufflerie on s’y chatouillerait bien mais stop ! Terminus ! Moquette coupée presque nette : sous la frange oh là là la tranche fraîche de 60 mètres calcaire (13 %) aux pépites de vrais fossiles (0,3 %) ! Sous nos tibias flageolants goélands sans le son parapentent en rois des courants : baptême de l’air sans courbatures d’atterrissage ! En ouvrant le champ persistent au fond les barres béton (9 %) façon Soulages (1958) avec plus de bleu quand même autour jusqu’à ce que tsi du dut ! et ti pi dit ! ironiques nous ramènent ouf aux figures : d’hâtifs chardonnerets comme dans les Anacoluthes chahutent d’un chardon l’autre – nature est bien faite ou plutôt la langue – nous revoilà collés sur le sentier sécurisé. Tout petit au niveau zéro qui s’effrite : présence de moisi (villas volets fermés 11 mois/12) et traces éventuelles de moules d’hier à La Marine censées décorer autour le poisson du jour.

La Brèche (Calvados)

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ÉDITIONS LURLURE

PARUTION JUILLET 2019

MASSACRES

Typhaine Garnier

Postface de Christian Prigent

Genre : POÉSIE

Collection : Poésie

Prix : 15 euros

Format : 15 x 21 cm

Nombre de pages : 112 pages

ISBN : 979-10-95997-21-4

LE LIVRE

Massacres, ou la mise à sac d’un patrimoine poétique, celui que consacrent notamment les anthologies de poésie. Ici, le propos n’est pas de « dépoussiérer » des « grands classiques » de la poésie française, mais Typhaine Garnier, avec un culot aussi énorme que son talent, et une jubilation contagieuse, dépèce et rosse, travestit, maquille des textes des plus grands poètes français : Ronsard, Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé... Résultat des opérations : 30 « traductions » librement inspirées de poèmes mythiques, 30 poèmes en soi, thématiquement groupés en 6 chapitres (« L’amour de l’art », « La fraîcheur rustique », « L’ardeur de la passion ») et accompagnés de notes, consignes et pistes d’études parodiant l’appareil pédagogique des manuels.

L’enjeu n’est pas le massacre – le modèle, au bout du compte, reste intouché –, ni le produit final. Typhaine Garnier cherche avant tout à éprouver la tension de la langue entre une forme projetée (dont le sujet est essentiellement anecdotique, voire trivial : recette de cuisine, fable ornithologique ou tableau obscène...) et le matériau du poème initial qui, quoique malléable, résiste. Ainsi, idoles et idioties se regardent et « jouent » bras dessus, bras dessous : « Brise marine » et « Bibi jardine », « Conquérants » et « Cakes en rond », « Dormeur du val » et « Professeur Duval », etc.

L’AUTRICE

Née en 1989, Typhaine Garnier a publié des textes en revues (Place de la Sorbonne, Grumeaux, TXT...) et co-écrit, avec Bruno Fern et Christian Prigent, Pages Rosses (Les Impressions Nouvelles, 2015). Elle fait aujourd’hui partie du groupe TXT. Massacres est son premier recueil de poésie.

DIFFUSION/DISTRIBUTION SERENDIP LIVRES / PAON DIFFUSION

ÉDITIONS LURLURE

PARUTION AVRIL 2021

CONFIGURES

Typhaine Garnier

Genre : POÉSIE

Collection : Poésie

Prix : 16 euros

Format : 14 x 21 cm

Nombre de pages : 96

ISBN : 979-10-95997-34-4

LE LIVRE

« Nouements », « Serrements », « Ressassements », « Fraîchissements », « Dénouages » : les chapitres de Configures dessinent à gros traits une « histoire d’amour ». Les acteurs passent et repassent (le poète et sa muse, le peintre et son modèle, l’homme-oiseau de Lascaux et sa bisonne, etc), mais le fond ne change pas : sous ces masques divers, c’est toujours l’éternel tête-à-tête, obsessionnellement rejoué. Si on perçoit partout l’écho d’émotions vraies, exaltées ou chagrines, le tout est rhétoriquement recuit, écumé et mis en pot : poésie ici n’est pas 100 % pur jus de vie, mais confiture : une série d’opérations qui métamorphosent le produit jusqu’à le rendre, bien souvent et heureusement, méconnaissable.

L’AUTRICE

Née en 1989, Typhaine Garnier a déjà publié un recueil de poésie, Massacres (Éditions Lurlure, 2019) qui a reçu un bel accueil critique et est actuellement sélectionné dans l’édition 2020 / 2021 du Prix des lycéens, stagiaires et apprentis d’Île-de-France. Elle a également publié Pages rosses (avec Bruno Fern et Christian Prigent, Les Impressions Nouvelles, 2015). Elle dirige aujourd’hui la revue TXT (désormais publiée par les éditions Lurlure) avec Bruno Fern.

DIFFUSION/DISTRIBUTION SERENDIP LIVRES / PAON DIFFUSION

Michel Butor et Carlo Ossola

Genre : dialogue

Postface de Carlo Ossola

Format : 12 x 18,5 cm

Pages : 64

Prix : 10 €

ISBN : 978-2-490251-80-3

Michel Butor (1926-2016) est un des écrivains majeurs de notre temps. Après avoir été professeur de langue française à l’étranger, il entame une carrière universitaire et enseigne la littérature aux États-Unis, en France, puis à Genève. Poète, romancier et essayiste, il a exploré et expérimenté toutes sortes de formes nouvelles de représentation du monde. Il a également collaboré avec des artistes, créant de nombreux livres-objets. Les Éditions de la Différence ont publié ses œuvres complètes en 12 volumes (2006-2010).

Carlo Ossola (Turin, 1946) est, depuis 1999, professeur au Collège de France, où a été créée pour lui la chaire de « Littératures modernes de l’Europe néolatine ». Il a été professeur titulaire dans les Universités de Genève (1976- 1982), Padoue (1982-1988), Turin (1988-1999). Il a été, avec Jack Ralite, à l’origine des « Lundis du Collège de France à Aubervilliers ». Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont, récemment, Fables d’identité pour retrouver l’Europe, Paris, PUF, 2017 ; et Les Vertus communes, Paris, Les Belles Lettres, 2019.

À Saint-Émilion, le 28 mai 2011, deux hommes discutent. L’un, Michel Butor, auteur sans pareil, se trouve dans une disposition étrange : l’année passée, il a perdu sa femme et vu paraître, par ailleurs, le dernier volume de ses Œuvres complètes. L’autre, Carlo Ossola, sent que le moment est flottant. Ils se trouvent dans une église désaffectée, dans les limbes en quelque sorte : il ne peut en être autrement, il sera question du temps. Des temps, plus précisément, qui traversent l’œuvre de Butor et qui se superposent, comme des strates géologiques, dans le corps et l’esprit d’un écrivain de plus de quatre-vingts ans. Qu’est-ce que relire, des décennies plus tard, l’intégralité de sa propre œuvre ? Comment un lieu, en tant que monument, permet-il de déchiffrer le temps ? Qu’est-ce que le temps une fois que l’homme n’est plus ?

Il était plus que temps – c’est le moins qu’on puisse dire – que cet entretien saisissant soit réédité.

octobre
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Contact : colette.lambrichs@gmail.com Téléphone : 06 60 40 19 16 Diffusion et distribution : Paon diffusion.Serendip Relation libraires : jean-luc.remaud@wanadoo.fr Téléphone : 06 62 68 55 13 Éditions Du Canoë : 9, place Gustave Sudre Local parisien : 2, rue du Regard 33710 Bourg-sur-Gironde 75006 Paris c/o Galerie Exils Éditions du Canoë 2023

Michel Butor – Je suis évidemment mon propre lecteur et lorsque j’ai eu à corriger les épreuves de ces Œuvres complètes, il a fallu que je relise à peu près tout ce que j’avais écrit. Ce qui est une expérience tout à fait bizarre. Car, au moment où l’on est à l’intérieur d’un texte, on le recommence, on le reprend etc. Mais une fois que le texte a paru, qu’il est transformé en livre, il se détache de vous parce que vous êtes en train de faire autre chose et qu’il faut alors le recouvrir, le faire s’enfoncer dans l’oubli. Et puis, des années plus tard, on le relit. Il m’est arrivé de relire mes livres par exemple pour faire des cours aux États-Unis où il fallait que je parle de l’un d’eux. Lorsque j’ai dû relire mes textes pour l’édition des Œuvres complètes, il y avait des quantités de choses que j’avais oubliées, et des quantités de choses qui sont revenues. Dans ce cas-là, on cherche les fautes, on veut que le texte soit correct. Il y a des écrivains qui ont essayé de donner une version définitive de leur œuvre, ils voulaient corriger une dernière fois… Moi, j’ai voulu respecter celui que j’étais il y a quarante ou cinquante ans, dont je suis loin maintenant mais que je respecte.

Cependant, ce texte, que je ne voulais pas remanier, je voulais qu’il soit correct. Il y a évidemment

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des fautes d’impression, celles-là, la plupart du temps, un correcteur d’imprimerie les trouverait beaucoup plus facilement que moi. Mais il y a des choses bien plus insidieuses. Par moments, la phrase est correcte à peu près, il n’y a pas de faute d’orthographe mais… ce n’est pas ça. La question est alors : mais qu’est-ce que c’était ? et la réponse se trouve, souvent, dans les éditions antérieures. Toutefois, je m’aperçois aujourd’hui, à l’âge de quatre-vingts ans, qu’une édition d’il y a cinquante ans était déjà fautive. En fait, il n’y a pas de livre parfait, tous sont peu ou prou fautifs. Il s’agit alors, pour moi, de faire un effort vertigineux, d’essayer de retrouver celui que j’étais à cette époque-là pour reconstituer ce que cela pouvait être. Dans un grand nombre de cas, j’y arrive, mais parfois j’ai le sentiment de ne faire qu’une hypothèse. Je ne suis pas absolument sûr que c’était ainsi. Donc, dans le travail de relecture active, il y a, si j’ose dire, toutes sortes de tourbillons qui se produisent. Je voudrais revenir à ce que vous avez dit de ces temps superposés. C’est quelque chose qui m’a toujours beaucoup travaillé. Je me souviens très bien. Quand j’étais jeune, j’ai été lecteur dans la ville de Manchester en Angleterre. À l’époque, Manchester était caractérisée par un épais brouillard tout l’hiver, un épais brouillard de charbon : pas le fog mais le smog, un brouillard de fumées. Si bien qu’on ne voyait pas certains jours ce qui était de l’autre côté de la rue. On s’enfonçait dans une espèce de caverne molle et froide. On disait à ce moment-là à Manchester – car les choses

ont changé, et depuis le passage du charbon à d’autres types d’industries, la ville a son fog mais elle n’a plus de smog –, on disait : In Manchester there is no time, only weather. Ce sont deux façons en anglais de traduire le mot « temps ». Weather, c’est le temps qu’il fait, beau ou mauvais. À Manchester, la plupart du temps, on était plongés dans le mauvais temps. Time, c’est le temps des horloges et des calendriers. L’opposition entre ces deux termes anglais par rapport à la langue française m’a obligé à penser le temps d’une façon différente. À penser la relation du temps vécu ; le temps qui passe, le temps qu’il fait, avec le temps socialisé, c’est-à-dire celui des horloges et des calendriers.

Le fait que nous mettons des heures, des journées, des semaines, des mois sur l’écoulement du temps, fait que nous percevons le temps d’une manière toute différente. Nous avons encore l’impression que le temps a une dimension linéaire, et que nous le vivons d’une façon linéaire. Mais évidemment, ça ne marche pas : le passé, comme dit Augustin, le passé est présent et le futur est déjà présent, et le présent est déjà passé au moment même où on le dit et nous ne pouvons en parler que parce qu’il est aussi futur.

J’ai donc essayé de travailler sur les calendriers qui se replient les uns sur les autres. Dans ce roman, L’Emploi du temps, il y a un personnage qui tient un journal, et à travers les journées de ce journal, il raconte ce qui s’est passé dans certains mois de son existence. Nous avons deux échelles qui se superposent, à l’intérieur desquelles

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toutes sortes de mouvements vont pouvoir se produire. La référence à la musique est essentielle : lorsque nous écoutons de la musique, les temps que nous écoutons ne se déroulent pas tout à fait d’une façon linéaire, parce qu’à l’intérieur de la musique, ce qui est absolument essentiel, c’est la façon dont les choses se répètent ou ne se répètent pas. Parfois, certaines choses reviennent en arrière ; c’est particulièrement clair dans certains aspects de la musique classique : ce qu’on appelle « la fugue », notamment. Ce mot, « fugue », qui indique la fuite, la fuite du temps justement, la fugue est un moyen de courir après le temps lui-même, de maîtriser cette fuite du temps. Dans un tel morceau de musique, nous reconnaissons au bout de quelques instants qu’un thème est repris, qu’il peut se renverser, varier de toutes sortes de façons…

Dans L’Emploi du temps, le temps musical vient au secours du temps vécu et se met à réorganiser le temps du calendrier. Cette question du calendrier est infinie. Dès qu’on parle calendrier, arrive le problème de l’origine de ces mesures temporelles. Certains ont une évidence astronomique : telles la journée et l’année à cause du Soleil ; tel le mois à cause de la Lune. Cependant, il y a dans nos calendriers une autre mesure qui n’a aucun rapport avec notre évidence astronomique : c’est la semaine. Aujourd’hui, pour nous, la semaine ne correspond à aucun mouvement des astres. Mais l’astronomie ancienne voyait dans le ciel sept planètes – le mot « planète » n’avait pas le même sens que maintenant.

Ceci remonte au moins jusqu’aux Babyloniens. Nous avons donc dans notre vie quotidienne des notions courantes qui ont elles-mêmes une histoire extraordinaire. Il y a ainsi toute une polyphonie historique. Nous sommes ici à Saint-Émilion, dans une très belle salle très ancienne ; nous sommes dans deux temps historiques différents au moins. Et ce qui est vrai pour ma conscience est vrai aussi pour la conscience collective. À l’intérieur de L’Emploi du temps, ces plongées historiques sont caractérisées par un certain nombre de monuments lesquels sont des attrape-Histoire, des pièges à Histoire, qui vont nous renvoyer perpétuellement à des régions historiques plus ou moins claires, naturellement, souvent d’une façon complètement inconsciente.

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En librairie septembre 2023

Format : 16 x 24 cm

Pages: 380 p.

Reliure : broché, collé

rayon : Littérature critique

Prix: 25 € / 35 CHF

ISBN 978-2-8290-0653-1

DIFFUSION ET DISTRIBUTION SUISSE

Éditions d’en bas

Rue des Côtes-de-Montbenon 30

1003 Lausanne

021 323 39 18

contact@enbas.ch / www.enbas.net

Vie de l’auteur, idiot

Yves Laplace

PRÉSENTATION

Je rassemble ici mes inouïs. Je les recueille. Je leur donne l’asile qui depuis l’enfance m’est promis. Asile social. Asile littéraire. Asile politique. Asile psychiatrique. Qui sont-ils ? Les écrivains en premier lieu. Tous ? Non. Ceux qui ne sont pas entendus. Mais aussi bien ceux que je me suis efforcé malgré tout de saisir

Je tiens pour acquis que tout écrivain est par définition inouï, y compris dans l’autre sens du terme : insensé, extravagant, fou à lier. Idiot. C’est une conviction très ancienne, une superstition de lecteur, peut-être, qui me vient du premier livre qui m’ait transformé : Moravagine, de Blaise Cendrars.

Je rassemble une vie d’écriture en un million de signes. On lira donc, ici, une suite (recomposée) d’essais, d’entretiens et d’articles, formant une manière d’autoportrait critique. Suite doublée, tant en volume qu’en substance, de nota bene actuels qui constituent, dans leur défilé, un récit plus ou moins troué, en temps de Pandémie et de guerre européenne.

DIFFUSION ET DISTRIBUTION FRANCE

Paon diffusion/SERENDIP livres

AUTEUR

Romancier, dramaturge et chroniqueur né en 1958 à Genève, Yves Laplace a publié une trentaine d’ouvrages, d’Un homme exemplaire (Seuil, 1984) à L’Exécrable (Fayard, 2020).

En bas-Poche a fait paraître Reprise – De Sarajevo à Srebrenica vingt ans plus tard en 2015 et Plaine des héros en 2020.

Trente ans après les massacres de l’Ordre du temple solaire, il prépare chez Fayard un récit intitulé Posés les uns contre les autres.

Paon diffusion – 44 rue Auguste Poullain – 93200

SAINT-DENIS

SERENDIP livres – 21 bis rue Arnold Géraux 93450 L'Île-St-Denis

+33 140.38.18.14

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Milan Kundera contre « l’illusion lyrique »

Jeudi 29 mai 1980

24 Heures

De passage en Suisse, Milan Kundera donnait, hier 28 mai, une conférence à l’université de Fribourg. L’écrivain tchèque (établi à Paris depuis cinq ans) était déjà la semaine dernière l’invité de la librairie Le Rameau d’or, à Genève. C’est dans cette ville que nous l’avons rencontré.

Peut-on parler d’une littérature nationale en Tchécoslovaquie, et si oui, d’une école dont vous seriez l’un des maîtres ?

M. K. : Je me sens davantage lié à la culture de l’Europe centrale qu’à une tradition ou à une école nationale. Peut-être ne l’ai-je réalisé que lorsque je suis venu en France. L’éloignement m’a rendu plus sensible la spécificité de l’Europe centrale. D’ailleurs, les écrivains qui me sont les plus proches sont certainement Kafka, Hasek (l’auteur du Brave soldat Chveik), Broch et Musil. Jiri Grusa ou Pavel Kohout sont d’excellents auteurs contemporains, mais je n’ai pas d’affinités esthétiques avec eux. On ne peut pas parler, ici, d’une école.

Votre premier roman s’appelait La Plaisanterie (Gallimard). Pensez-vous que le totalitarisme soit une forme d’humour noir ?

– L’Europe centrale et la Russie vivent sous des régimes plus ou moins semblables, dans un système qu’on peut dire totalitaire. Mais il me semble que la question du totalitarisme se pose différemment là-bas, parce que nos traditions respectives diffèrent. Pour moi, elle ne se pose pas, comme pour les auteurs russes, de façon pathétique, tragique, ou prophétique. L’humour y a sa part. Nous sommes habitués à ne pas prendre les choses au sérieux, ou plutôt nous nous demandons dans quelle mesure l’histoire, qui dans la tradition hégélienne et marxiste était considérée comme le royaume du sens, de la raison (et du raisonnable), est vraiment sérieuse.

Nous ne visons pas seulement un certain régime. Nous nous interrogeons sur une certaine conception philosophique de l’histoire. À cet égard, La Plaisanterie est un roman blasphématoire, qui refuse de prendre au sérieux ce qui a toujours été pris au sérieux. Le tragique, dans mon pays, jette toujours une ombre de comique,

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ROMAN CRITIQUE
« Le totalitarisme, c’est aussi une poésie… »

Vie de l’auteur, idiot

et il est toujours lié à la dérision. Alors, pour revenir à votre question, je ne crois pas que le totalitarisme soit une forme d’humour noir ; mais il est vrai que nous le regardons, non seulement comme un malheur et comme une tragédie, mais aussi comme un non-sens, ou comme une dérision du sens.

Avant La Plaisanterie, vous aviez notamment publié un essai, L’Art du roman, et des poèmes. Dans sa préface à votre récit, Aragon dit que vous avez renié ces vers. Pourquoi ? Le roman (ou la nouvelle) est-il le seul genre que vous vouliez assumer ?

– Aragon a écrit cette préface lorsque je travaillais à mon deuxième roman, La Vie est ailleurs, qui est une critique de la poésie. Ce n’est pas une critique de ce genre littéraire, mais une mise en question du lyrisme en tant qu’attitude existentielle de l’homme envers sa vie et envers le monde. Je suis parvenu à cette distance à l’égard du lyrisme grâce à mes expériences historiques du totalitarisme, et grâce à ma propre pratique de la poésie. L’œuvre de Soljénitsyne (qui est l’un des plus grands hommes de notre siècle, mais aussi l’un des plus grands simplificateurs, ce qui explique peut-être sa grandeur) nous a donné une vision tout à fait manichéenne du totalitarisme, comme si le totalitarisme était tout simplement un goulag.

En fait, nous qui avons vécu cette période savons que le totalitarisme, ce n’était pas seulement les prisons, mais aussi un enthousiasme et une poésie. Il ne faut pas oublier ces masses de gens qui étaient attirées par le sourire du totalitarisme, plutôt que dans ses prisons. C’est ce sourire qui m’intéresse et qui me paraît suspect ou dangereux. Rien n’est plus simple que de condamner le goulag. Cela n’empêche pas de rester sensible à une certaine poésie du totalitarisme : poésie de l’unité, de la maison de verre, de la fraternité ; vices de raisonnement tels que « tout est politique » ou encore « la vie privée et la vie publique, c’est la même chose ». Ces illusions qui ont accompagné le totalitarisme sont des illusions lyriques.

Il y a eu une époque où les poètes et les bourreaux régnaient ensemble. C’est pourquoi j’ai, d’une certaine manière, vomi mon propre passé lyrique. Je voulais aboutir au roman comme à un genre profondément anti-lyrique. Je crois que l’esprit du roman est celui de la mystification, de la distance, de l’ironie ; or le lyrisme est viscéralement anti-ironique : le lyrique s’identifie, tandis que le romancier cherche à comprendre.

Les Lettres perdues est le titre des première et quatrième parties de votre dernier ouvrage, Le Livre du rire et de l’oubli (Gallimard). Mais chaque roman n’est-il pas fait de lettres perdues ?

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– Contrairement à l’historiographie, qui parle de ce que la conscience et la mémoire ont retenu, le roman est toujours à la recherche de ce qui est oubli. Ainsi, La Vie est ailleurs explore le lyrisme oublié d’une certaine époque. On refoule le fait qu’on a vécu le goulag dans un enthousiasme. Le roman ne doit pas imiter ou illustrer l’historiographie, mais il doit aller à son encontre, c’est-à-dire explorer ce qu’elle a refoulé. C’est en ce sens que la littérature est effectivement toujours à la recherche des lettres perdues.

L’exil est-il un malheur ou une chance pour vous ? – L’exil est un malheur personnel. Mais c’est aussi une grande aventure : jamais je n’avais pensé que j’émigrerais, et je suis chaque jour surpris d’avoir dû le faire. Cette surprise est pleine d’enseignements : la qualité principale d’un romancier n’est-elle pas la curiosité ? Et je crois qu’en ce siècle où le roman est peut-être en train d’achever son histoire, il doit être plus que jamais le genre de la grande synthèse. Il me semble que l’expérience de l’exil peut servir à cette synthèse.

L’Art du roman paraît en France, chez Gallimard, en 1986. Je ne trouve sur le Net aucune mention d’une édition précédente. Mon interview de Milan Kundera, qui eut lieu au Café de la Radio, à l’angle du boulevard Carl-Vogt et de la rue de l’École-de-Médecine, est publiée, comme mentionné, en mai 1980. Il existait donc une précédente occurrence de L’Art du roman, sous ce titre, traduit ou non, puisque je n’ai rien changé à la formulation de mes questions. Ce n’était pas une prophétie ni une hallucination. Ce n’est pas même, ici, une plaisanterie.

Je retrouve sur mes étagères en sapin l’édition originale de La Plaisanterie, legs issu parmi d’autres volumes (dont Le Vice-consul de Marguerite Duras, comme je l’ai raconté ailleurs) de la bibliothèque de ma marraine morte.

Un tampon encré en oblique à son nom, Nadine SCHWER, avec son adresse, Av. Calas 5, 1205 Genève, en caractères bleus délavés, figure en regard du célèbre titre de collection « Du Monde entier » que Cendrars inventa sans le vouloir pour Gallimard, les éditions de la Nouvelle Revue française ayant publié sous ce titre en 1919 le premier volume, décisif, de ses poèmes ; et en attendant les quatre Pléiade près d’un siècle plus tard, il n’y aurait pas d’autre livre de Cendrars à cette marque. Traduit du tchèque par Marcel Aymonin, La Plaisanterie paraît donc en 1968 chez Gallimard, peu après « les événements de Tchécoslovaquie »

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ROMAN CRITIQUE
*
Nota bene Anachronismes

Vie de l’auteur, idiot

et l’arrivée à Prague des chars soviétiques du Pacte de Varsovie dans la nuit du 20 au 21 août, avec un achevé d’imprimer du 12 novembre et une préface lourde de sens d’Aragon. C’est peu dire que Kundera reviendra, quelques années plus tard (en mai 1985), à la fois sur cette première traduction (qu’il corrigera, en deux temps, avec Claude Courtot) et sur l’éminente préface, ainsi rétractée non par Louis Aragon, mais par son destinataire lui-même.

Quant à la traduction : lorsque l’auteur écrit en tchèque « le ciel était bleu », le traducteur écrit en français « sous un ciel de pervenche octobre hissait son pavois fastueux » ; lorsqu’il écrit en tchèque « Helena bondissait de joie », le traducteur écrit qu’elle « bondissait dans un sabbat du diable » ; lorsqu’il écrit « notre histoire à nous deux », le traducteur écrit « la trame événementielle que nous tissâmes de conserve » – encore Marcel Aymonin aurait-il été mieux inspiré de préférer de concert à de conserve… Quant à la préface : si Kundera dit sa reconnaissance envers Aragon, s’il note que son « très beau texte d’un pessimisme lucide » restera « l’une des rares paroles importantes prononcées en France au sujet de la tragédie praguoise », il regrette qu’à trop parler de politique, cette préface contribue à éloigner son roman de l’art du roman, précisément197.

Nouveau paradoxe, il faut cependant lire la préface d’Aragon – comme je m’y étais attelé avant d’interroger Milan Kundera au Café de la Radio – pour résoudre la modeste énigme qui nous occupe. On y trouve cette phrase à propos de l’auteur : « Sa place était déjà assurée dans la littérature de son pays, ne serait-ce que par ces vers qu’il renie aujourd’hui, non pour eux-mêmes mais par un singulier déni de toute poésie, et aussitôt après par un essai qui fut un événement, L’Art du roman (…) ».

Il faut encore lire la préface d’Aragon pour le passage suivant :

Voilà des mois et des mois que l’inquiétude m’a tenu éveillé la nuit. Quand je dis que le roman de Kundera, plus que tous les documents politiques imaginables et inimaginables, éclaire la situation qui s’est en près de vingt ans créée, et à la vraie tragédie de quoi nous assistons aujourd’hui, ce n’est pas une assertion à la légère, une vue subjective due à l’obsession que cette tragédie fait passer sur nous : oui, dans le développement des faits, la lumière de La Plaisanterie m’expliquait l’inexplicable, et cela même dont le livre ne parle pas, et qui a envahi nos yeux et nos oreilles, dans les journaux, les radios. Il faut lire ce roman, il faut le croire. Il nous mène au bord de ce qui fut l’indicible là-bas. Et, par un retour extraordinaire des

197 Cf. Milan Kundera, « Note de l’auteur » in La Plaisanterie, roman, version définitive, Gallimard, 1985, p. 398.

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choses, il n’aura pas eu besoin de dire l’indicible, puisque ce sont ceuxlà mêmes qui craignaient plus que tout de l’entendre, qui par leur folie auront donné à vingt années cette conclusion d’évidence, l’aveu de ce qu’ils auraient voulu cacher198.

Mais aujourd’hui ?

Ma foi, nous avons fait un grand bond en avant. Nonobstant tout ce qui précède, de mauvaises querelles empoisonnent à nouveau la lecture de Milan Kundera. La Bibliothèque de la Pléiade publie-t-elle en deux volumes son Œuvre entièrement revue par l’auteur, mais sans appareil critique extérieur, selon son vœu ? Au lieu de considérer le geste de Kundera comme une manifestation de son autorité, digne d’être salué (ou même interrogé) en tant que tel, une certaine critique universitaire, trop prestement dessaisie, sans doute, de ses prérogatives, lui reproche en substance de réviser à la fois cette œuvre et l’existence même, la trajectoire de vie, la destinée du sujet-Milan-Kundera, dont cette œuvre émanerait. Je ne partage pas cette approche policière de la critique littéraire. Je crains qu’elle n’accompagne ou ne nourrisse, à ses dépens, une nouvelle Inquisition. En 2008, un magazine tchèque au titre trop parlant, Respekt, exhumait un douteux procès-verbal d’interrogatoire incriminant le jeune Milan Kundera, vingt et un ans, dans la dénonciation de son concitoyen Miroslav Dvoracek, « jeune déserteur de l’armée tchécoslovaque passé à l’Ouest puis revenu à Prague, qui par la suite a été condamné à 22 ans de prison » (Wikipédia). Démenti catégorique de Kundera. Soutiens. Relances. Nouvelles polémiques. Inepte procès en creux, qui en rappelle d’autres, intentés par exemple à Christa Wolf, à Günter Grass, ou à Maurice Blanchot.

Le jeudi 28 novembre 2019, l’ambassadeur de la République tchèque en France restitue à Kundera sa citoyenneté tchèque. Avec son épouse Véra, il voudrait regagner Prague. Pour y mourir ? J’imagine. On proteste. Ils s’en trouvent empêchés. Le procès continue, au nom d’une sorte de présent historique éternel –juge éternel d’un passé recomposé. En juillet 2020, Véra et Milan Kundera lèguent leur bibliothèque et leurs archives à la Bibliothèque régionale de Moravie, à Brno, ville natale de l’écrivain. « Je pense que les livres doivent trouver leur place dans une bibliothèque », note Kundera dans un communiqué.

Ça suffira ? Je n’imagine pas.

Il paraît que Kundera est d’un naturel ombrageux. La chose m’avait effleuré, en 1980 au Café de la Radio, boulevard Carl-Vogt (quai des Orfèvres genevois), près de notre hôtel de police cantonal. Et s’il y avait (eu) de quoi ?

198 « Ce roman que je tiens pour une œuvre majeure », préface d’Aragon à la première édition française de La Plaisanterie, Gallimard, 1968, p. IV.

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CRITIQUE
ROMAN

En librairie juin 2023

Format : 14 x 21 cm

Pages: 168 p.

Reliure : broché, collé

rayon : Essai

Prix: 15 € / 20 CHF

ISBN: 978-2-8290-0674-6

POURQUOI NE FAISONS-NOUS RIEN PENDANT QUE LA MAISON BRÛLE ?

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PRÉSENTATION

Nouvelle édition augmentée avec remise à jour des données chiffrées, mais également la remise des Diplômes à l'Agro et de nouveaux éléments sur la situation actuelle. Lydia et Claude Bourguignon expliquent d’une autre façon, cette phrase Marguerite Duras qui disait « L’humanité court à sa perte et c’est la seule bonne politique ».

Ce livre se propose de montrer les causes de notre non-agir et une pensée radicale, c’est-à-dire une pensée qui analyse les problèmes à la racine. Il nous faut renoncer à nos mythes du progrès et de la croissance, ce qui n’est pas facile. Il nous faut repenser notre société, notre technique, notre politique et bien sûr notre culture. Il s’agit, en quelque sorte, d’une renaissance.

AUTEUR·E·S

Lydia Bourguignon, maître ès sciences et d.t. œnologie et Claude Bourguignon ingénieur agronome et docteur ès science ont fondé leur propre laboratoire de recherche et d'expertise en biologie des sols (LAMS). Ils ont effectué plus 5000 analyses complètes de sol et organisent des conférences à travers le monde.

DENI S PEYRONY, JOURNAL D’ UN PRÉHISTORIEN

(1912-1948)

commenté par Nathalie FOURMENT, Bradley

L’ étude de la Préhistoire est faite de grands bouleversements, d’anecdotes et de personnalités. Parmi elles, Denis Peyrony a joué un rôle primordial. Il a fouillé et publié des dizaines de sites et grottes ornés du Périgord : La Ferrassie et Le Moustier, la Micoque, La Madeleine, Laugerie-Haute, etc. Outre la découverte de sépultures néandertaliennes et de centaines d’objets d’art, ses observations stratigraphiques ont constitué le socle de la chronologie du Paléolithique moyen et supérieur.

D’une écriture fine et incisive, Denis Peyrony a tenu un journal tout au long de sa vie, répertoriant les découvertes qui ont jalonné sa carrière et qui font de lui une des figures les plus singulières de l’archéologie préhistorique française.

À l’occasion du centenaire du Musée national de Préhistoire qu’il fonda en 1923, son journal est aujourd’hui publié dans son intégralité et commenté par une équipe de préhistoriens et conservateurs du Patrimoine, livrant au public pour la première fois les activités quotidiennes et les réflexions de ce pionnier de la Préhistoire.

LES AUTEURS

Denis Peyrony est un préhistorien français né le 21 avril 1869 à Cussac en Dordogne et mort le 25 novembre 1954 à Sarlat-la-Canéda.Il est le fondateur du Musée national de Préhistoire des Eyzies.

Nathalie Fourment est conservatrice du patrimoine et directrice du Musée national de Préhistoire.

Bradley Gravina est chercheur et Ingénieur en charge des collections du Paléolithique ancien et moyen au Musée national de Préhistoire.

Elena Paillet est conservatrice en chef du Patrimoine au service régional de l’Archéologie de la DRAC Bretagne.

EN LIBRAIRIE SEPTEMBRE 2023 également disponible en version ebook

MkF éditions 1, rue Maison Dieu - 75014 Paris contact@mkfeditions.com Distribution/Diffusion : Serendip Livres Plus d’informations sur : WWW.MKFEDITIONS.COM
979 10 92305 99 9 22 ¤ TTC 200 pages, broché, 16x23 cm
ARGUMENTAIRE
ILLUSTRÉ DE PHOTOGRAPHIES INÉDITES D’ÉPOQUE

POLITISER L’ENFANCE

Ouvrage collectif (dirigé par Vincent Romagny)

· Format (mm) 165*235

· Nombre de pages 315

· Prix (€) ............................................ +/- 28

· ISBN .................................................... 9782493534033

· Parution oct. 2023

Politiserl’enfance est une anthologie de textes inédits, traduits ou réédités, écrits par des artistes, des philosophes, des sociologues, des journalistes, des critiques d’art, etc. Ces textes sont réunis par Vincent Romagny, docteur en esthétique et commissaire d’exposition et John D. Alamer, auteur fictif et collectif des éditions Burn-Août. Ces textes abordent la question des rapports entre enfance et politique non pas depuis un point de vue unique, mais selon différentes perspectives : philosophique, sociologique, historique, poétique, artistique, féministe, queer, etc. et qui éventuellement se croisent.

Politiser l’enfance réunit des contributions sur un sujet qui fait retour et qui prend sens également dans la recherche en sciences humaines et sociales. Elle vise à contribuer à forger des outils théoriques qui aideront la lectrice ou le lecteur à aborder un objet trop souvent réduit à ses caractéristiques supposément « naturelles » ou à des représentations classiques (innocence, nostalgie, naïveté, etc.) trop rarement interrogées : l’enfant. Elle aborde des questions soulevées dans les années 1970 dans les courants anti-autoritaires et féministes. Elle entend également replacer la question de l’enfance dans le champ des interrogations contemporaines sur la question de l’émancipation. Pour reprendre les termes de Tal PiterbrautMerx, « le terme d’émancipation renvoie dans le droit romain avant tout à l’émancipation du mineur de la patria potestas, qui attribuait au père de famille le droit de vendre, de donner et de mettre en gage ses enfants. Le modèle par excellence du geste politique d’émancipation semble donc s’incarner dans l’arrachement du mineur au pouvoir parental, dont il était la propriété. »

Thèmes abordés à propos de l’enfance : (anti)pédagogies, abolition, à l’ère du néolibéralisme, dans le spectacle vivant, domination adulte-enfant, déconstruction, émancipation, États-Unis, féminisme, genre, minorités, mythe et représentation, pensée critique, prise de paroles, pédocriminalité, retour sur les années 70, sport de haut niveau

Auteurices et ouvrages associés :

• La culture de l’inceste, sous la direction d’Iris Brey et Juliet Drouat, Seuil, 2022

• La domination adulte. L’oppression des mineurs, Yves Bonnardel, Myriadis, 2015

• Mémoire de fille, Annie Ernaux, Gallimard, 2016

• S’évader de l’enfance, John Holt, Éditions l’Instant Présent, 2015

• « Il faut éduquer les enfants… », l’idéologie de l’éducation en question, Sophie Audidière et Antoine Janvier (dir.), ENS Éditions, 2022

Vincent Romagny est docteur en esthétique, professeur de théorie de l’art à l’ENSBA de Lyon et commissaire d’exposition indépendant. Ses recherches portent sur l’histoire des aires de jeux et leur perception dans l’art contemporain. Il s'intéresse plus particulièrement à la question de la représentation de l'enfance dans les pratiques artistiques contemporaines. Il a publié de nombreux articles dans des revues spécialisées en art contemporain, co-édité le numéro de la revue Initiales dédié à Maria Montessori à l'ENSBA Lyon (2017), et édité Anthologie Aires de jeux au Japon chez Tombolo Presses (2019) et Anthologie Aires de jeux d’artistes chez Infolio (2010).

1/ Claude Aubart, 5 ans, dessinant la couverture de l'ouvrage.

2/ Anthologie Aires de jeux au Japon, Tombolo Presses, 2019.

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Les textes de 28 auteurices sont répartis en 10 chapitres différents :

▶ Préambule, par John D. Alamer et Vincent Romagny

▶ Note sur les langages inclusifs

1/ CONTRER LES REPRÉSENTATIONS

INCAPACITANTES

▶ Tal Piterbraut-Merx, « Conjurer l’oubli » (texte inédit)

▶ Ghislain Leroy, « Suite d’un dialogue interrompu avec Tal Piterbraut-Merx. “Domination adulte” et rôle éducatif de l’adulte » (texte inédit)

▶ Jenny Kitzinger, « Défendre l’enfance : les idéologies de l’innocence » (traduction)

2/

L’EXPÉRIENCE SENSIBLE DU MONDE SOCIAL

▶ Mégane Brauer, « Cry me a River » (texte inédit)

▶ Ane Hjort Guttu, « Nature / Exposition » (traduction)

▶ Julie Pagis, « L’expérience sensible de la politique chez les enfants. Retour sur la PréZIZIdentielle de 2017 » (réédition)

3/ PRENDRE LA PAROLE

▶ Juliet Drouar, « Pour le droit de vote des mineur.e.s » (réédition)

▶ Des Enfants s’en mêlent, n°16 (novembre 1992) et 23 (décembre 1996) (réédition)

▶ Marie Preston, « Un journal d’opinion » (réédition)

Des enfants s’en mêlent, n°10, novembre 1992

4/ TRANSIDENTITÉ ET ENFANCES QUEER

▶ Adel Tincelin et Charlie Tincelin-Perrier, « L’abomination adulte » (texte inédit)

▶ Arnaud Alessandrin, « Les mouvement antagonistes de politisation de la question des mineurs trans et non-binaires » (texte inédit)

▶ Eve Kosofsky Sedgwick, « Comment élever vos enfants gayment » (traduction)

5/ L’ENFANT DANS L’ŒUVRE D’ART

▶ Agnès Dopff et Belinda Matthieu, « Un “Je” d’enfant sur scène » (texte inédit)

▶ Maialen Berasategui, « “Revolting children” ? Les enfants acteurs de comédies musicales à Paris, Londres et New-York » (texte inédit)

▶ Vincent Romagny, « Pourquoi politiser l’enfance ? » (texte inédit)

6/ RÉFUTER LES APPROCHES PRO-PÉDOPHILES

▶ Kate Millett, entretien avec Mark Blasius (traduction)

▶ Jean-Luc Pinard-Legry et Benoît Lapouge, extraits de L’enfant et le pédéraste (réédition)

7/ RETOUR SUR LES ANNÉES 1970

▶ Shulamith Firestone, « Pour l’abolition de l’enfance » (réédition)

▶ Christiane Rochefort, extraits de Les enfants d’abord (réédition)

▶ Alexander Kluge et Oskar Negt, « L’espace public des enfants » (traduction)

8/ ENFANCES AU XIXE SIÈCLE

▶ Camille Louis, « Déjouer la minorité, retrouver l’enfance » (texte inédit)

▶ Erica Meiners, « L’enfant à problèmes : provocations pour démanteler l’État carcéral » (traduction)

9/ FACE AUX INJONCTIONS LIBÉRALES

▶ Laurent Abecassis, « Kiss and Cry » (texte inédit)

▶ Arnaud Teillet, « L’“enfant-potentiel”, un modèle en crise » (texte inédit)

▶ Irène Pereira, « Pédagogie critique à destination des enfants » (texte inédit)

10/ ÉMANCIPATIONS

▶ Antonia Birnbaum, « L’enfant, l’alphabet, l’abolition » (texte inédit)

▶ Pierre Zaoui , « Réflexions sur la questions enfantine » (réédition)

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ISBN de l’ouvrage dessiné par Claude.

EXTRAIT DU PRÉAMBULE PAR

Loin de défendre une approche univoque, il s’agit d’élargir la façon dont nous pouvons comprendre et appréhender l’enfance. Agencer des textes, c’est être continuellement traversé par un sentiment de doute : c’est se placer sous la tutelle d’un savoir qui se voudrait adulte, reconnu comme faisant autorité, mais dont on ne sait pas à quel point il est légitime. Revendiquer une position enfantine, c’est moins la critique délibérée de savoirs constitués que l’expression d’une relation complexe à un savoir que l’on ne maîtrise pas. La question se pose de savoir comment ne pas définir la catégorie de l’enfance uniquement à partir d’une activité adulte. C’est là tout l’enjeu de ce recueil de textes qui tente de présenter différentes manières de rendre à cette catégorie son autonomie en essayant de ne pas l’instrumentaliser.

Un discours univoque sur l’enfance est intenable, il s’expose à l’erreur et produit des assignations illégitimes, source de violence sur la minorité appelée enfant. Il est forcément multiple, et exposé à l’erreur. Les expériences pour lesquelles on invoque l’idée d’enfance n’épuisent pas la réserve de sens de l’enfance. « And then it’s like a kid; suddenly a toy shop opens up and the toy shop was called culture. Suddenly I thought I didn’t even have to pretend I was interested in this problem about identity anymore, I could just bloody copy straight on [1]. » Il s’agit de créer les conditions d’énonciation et d’autonomie de paroles auparavant inaudibles, de produire des savoirs spécifiques dans la lignée de ce que nous apprend le féminisme radical. Il s’agit de saisir le caractère temporaire des constructions sur l’enfance et, dans ce cas alors, pour aborder cette difficile catégorie sans l’essentialiser ni la naturaliser, de recourir à la métaphore des campements de fortune, repliés aussi vite qu’ils ont été déployés. On espère ainsi contribuer à tisser « des narrations autres [2] ».

[1] Kathy Acker, « Devoured by Myths. An interview with Sylvère Lotringer », in Kathy Acker, Hannibal Lecter, My Father, New York, Semiotext(e), 1991, p. 11.

plomb ? Celle-ci peut, comme nous le propose certain·es de nos ami·es sociologues, être objectivée. J’emprunterais cependant un autre chemin, qui se détourne de la rêverie autour de l’enfance imaginaire, et qui cherche à se rapprocher des enfants comme sujets politiques et de lutte, sans passer par l’enquête sociologique. Je vous le soumets maintenant.

Examinons pour introduire cette proposition la structure des rapports adulte-enfant. Ceuxci appartiennent à la grande famille des rapports de pouvoir (classe social, genre, race etc.) et doivent analysés en tant que tels. Un point d’importance les distingue pourtant de ces derniers : les rapports adulte-enfant s’organisent autour d’un schéma d’inversion nécessaire, en ce que tout adulte a un jour été enfant. Cela n’est pas le cas des rapports de classe, de genre et de race ; le caractère nécessaire de l’inversion est donc une spécificité du rapport d’âge. Cette caractéristique des rapports adulte-enfant produit un rapprochement phénoménologique inédit entre le pôle des dominant·es (celui des adultes) et celui des dominé·es (celui des enfants). En effet, l’adulte possède une expérience en première personne du statut d’enfant, bien que cela s’effectue sur le mode du souvenir ; la porosité entre les deux groupes s’en trouve considérablement accrue.

Comment, à partir de ce schéma d’inversion, les adultes se rapportent-iels à leur enfance ? Et, question plus difficile, comment des personnes peuvent-elles dominer des sujets qui se situent à la place qu’elles occupaient naguère ? Les enfants sont élevé·es dans l’idée que les comportements des adultes à leur égard sont justifiés par leur éducation, qu’iels agissent dans leur intérêt. Si un inévitable soupçon naît lorsque la maitresse monte la voix, lorsque l’éduc’ frappe, et si ce système de justifications menace finalement sans cesse de se fissurer, la fiction a la peau dure. Mais qu’advient-il de l’autre côté, lorsque l’enfant devenu·e adulte et doté·e d’une autorité nouvelle rencontre des enfants ?

EXTRAIT DE CONJURER L’OUBLI DE TAL PITERBRAUT-MERX

Que faire alors ? Comment aborder l’enfance en tant qu’adultes, si ce n’est par ces billevesées d’adultes ? Doit-on choisir, pour contrecarrer les glissements de notre imagination, de se livrer, en chaussant des lunettes d’inspecteur·ices, à des enquêtes sur les enfants, sur leurs modes d’existence, leurs pratiques etc. ? Oui, mais ne risquerait-on pas de négliger à nouveau notre position d’adulte, et donc de sur-

Un alliage étrange et monstrueux se forme : il semble d’un côté que l’adulte ait pour une grande partie et le plus souvent oublié les brimades, les humiliations et les violences vécues, ou les minimisent (le fameux « j’en suis pas mort·e »). L’enfance se trouve alors idéalisée, comme un âge d’insouciance et d’irresponsabilité regretté. Et, en même temps, l’adulte se souvient des promesses qu’on lui a tenu enfant : il faut accepter cet état inconfortable pour pouvoir devenir adulte. Tu auras droit, plus tard, d’utiliser le couteau qui coupe fort, de rester dehors, de décider par toi-même de tes sorties, de tes ami·es ! L’inconfort du statut d’enfant est condition de possibilité de la liberté acquise chez l’adulte. L’oubli de l’adulte vis-à-vis de son enfance est ainsi paradoxal : la mémoire opère son travail de sélection et de tri, et les souvenirs se parent d’un éclat nouveau, qui réhabilite l’exercice du pouvoir.

46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 18 avril 2023 page 3/5 SCIENCES SOCIALES ÉDITIONS BURN~AOÛT /// POLITISER L’ENFANCE \\\ AVRIL 2023
[2] Tal Piterbraut-Merx, « Oreilles cousues et mémoires mutines. L’inceste et les rapports de pouvoir adulte-enfant », in Iris Brey et Juliet Drouar, La Culture de l’inceste, Paris, Seuil, 2022, p. 87.

Pour devenir adulte, il semble qu’il faille oublier la condition réelle et politique de l’enfance. Christiane Rochefort s’élève dans l’essai Les Enfants d’abord contre un tel état de fait :

« Mais être « adulte » après tout n’est qu’un choix, par lequel on s’oublie, et se trahit. Nous sommes tous d’anciens enfants. Tout le monde n’est pas forcé de s’oublier. Et dans la situation dangereuse où le jeu adulte aveugle nous a menés, et veut entraîner les plus jeunes, l’urgence aujourd’hui presse un nombre croissant d’anciens enfants qui n’ont pas perdu la mémoire de basculer côté enfants. »

L’urgence est donc de se souvenir, non de l’enfance idéalisée, ou de l’enfance en général, mais de la condition politique des enfants, de ses affres et de ses injustices, pour mieux pouvoir la conjurer, et la transformer.

L’acte de réminiscence que j’envisage est une démarche politique et collective : elle ne renvoie pas au cheminement dual qu’est la thérapie analytique, qui vise souvent à « mettre de l’ordre » dans les souvenirs d’enfance, et de faire entendre à un·e supposé·e enfant intérieur·e que sa place n’est pas celle de l’adulte advenu·e. Il importe cette fois de se rappeler, avec le plus de lucidité possible, de ce que furent nos enfances, de quelles matières elles étaient faites, quels en étaient les rythmes et les conditions.

EXTRAIT DE LES ENFANTS D'ABORD DE CHRISTIANE ROCHEFORT

Les enfants, en tant que groupe discriminé par la Loi, sont, dans leur totalité, traités, modelés, corporellement et mentalement, en vue de l’exploitation.

Les enfants sont une classe opprimée.

Ils sont toujours la classe inférieure dans celle inférieure ou supérieure (d’ordre économique, sexuel, racial-culturel) où ils sont tombés.

Cette oppression spécifique, inhérente au système patriarcal, a été longtemps vécue dans l’isolement. Aujourd’hui, par suite de l’évolution du capitalisme (explosion démographique, expansion scolaire et des médias, accession des jeunes au statut de consommateurs, etc.), cette classe est actualisée. Ce qui est appelé « crise de la jeunesse » selon la technique conjuratoire (« crise », ça ne dure pas).

Mais quelle que soit la manipulation sémantique il y a constitution en classe, et début d’une longue marche.

Les exécutants du traitement réducteur sont tous les adultes ayant avec les enfants une relation institutionnelle. Parmi eux, les parents occupent une position-clé : à moins d’avoir une perception claire de la politique de l’éducation,

ils servent « machinalement » les intérêts de la classe dominante, et dès lors, quelque idée qu’ils aient de la chose, parents et enfants sont dans une relation d’antagonisme.

« Quoi, quelle horreur, comment peut-on parler en ces termes de la plus pure et naturelle des relations humaines ! » Ce sont les adultes qui s’expriment ainsi, on les aura reconnus.

Réponse à ces grands sentimentaux : faire accroire que la relation parents-enfants est tissée chaîne et trame uniquement d’amour mutuel et réciproque, c’est hypocrisie et camouflage. Si la fonction réelle, sociale, de cette relation, est tenue cachée, parler du seul sentiment d’amour est une insulte à l’amour. L’amour ne peut que gagner à être débarrassé d’usurpateurs qui utilisent son nom pour leurs propres fins, qui n’ont rien d’amoureuses. L’amour n’a rien à craindre de l’examen, il sera beaucoup plus beau une fois lavé. Seuls les mystificateurs redoutent l’analyse.

Et justement, l’oppresseur a horreur qu’on rappelle les basses réalités matérielles, luimême plane très haut dans l’idéal, où tout est merveilleux comme c’est. (À part des petits détails si vous y tenez, qui feront l’objet de réformes en temps voulu, quand ce ne sera plus dangereux.)

C’est toujours pareil : il n’y a que l’opprimé qui ressent son oppression. L’oppresseur, lui, est content comme ça, ne souffre aucunement, trouve ça très bien, juste, normal, bon pour l’autre (qu’est-ce qu’il ferait sans nous ?), et « naturel ». « Opprimé » d’ailleurs est un gros mot, qui choque l’oppresseur (autre gros mot) — au fait on le reconnaît à cette réaction, essayez, ça ne loupe jamais.

L’autre (l’opprimé) n’a rien à dire, d’abord parce qu’il n’a pas la parole. Essayer de la prendre pourrait lui coûter chaud, il le sait : en régime de tyrannie, le tyran peut être permissif, il n’en a pas moins le pouvoir absolu, même lorsqu’il octroie la liberté d’expression, il est prudent de ne pas lui dire ce qu’il ne veut pas entendre, voilà pourquoi vos fils-et-filles sont muets.

L’opprimé n’a rien à dire, ensuite, parce qu’il n’a pas de parole, à lui propre.

C’est l’oppresseur qui dispose du langage et des connotations, ainsi que de la symbolique. Le rapport de classes est toujours formulé premièrement dans les termes de l’oppresseur : bien, juste, normal, bon pour l’autre, NATUREL. Et c’est ainsi qu’il doit être ressenti par tous. Surtout l’opprimé. Sinon on entend les clameurs : c’est l’oppresseur bien sûr qui crie au scandale, au sacrilège, à la vulgarité, au ridicule, au de quoi vous mêlez-vous, au dénaturé, au démodé, au meurtre. Et comme c’est lui qui a la sono, sa voix couvre tout. On l’entend d’ici .

Qui change les termes déclare la guerre .

46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 18 avril 2023 page 4/5 SCIENCES SOCIALES ÉDITIONS BURN~AOÛT /// POLITISER L’ENFANCE \\\ AVRIL 2023

BIOS DES AUTEURICES

Laurent Abécassis a été patineur de haut niveau (champion de France en catégorie avenir et en catégorie minimes) et a suivi un cursus aux Beaux-arts.

Arnaud Alessandrin enseigne la sociologie du genre, du corps et des discriminations à l’université de Bordeaux.

Maialen Berasategui est historienne et journaliste.

Antonia Birnbaum est philosophe et enseigne au sein du département de philosophie de l’université Paris 8 Vincennes — Saint-Denis.

Mégane Brauer est artiste contemporaine.

Belinda Mathieu est journaliste et critique spécialisée dans la scène danse contemporaine.

Agnès Dopff est journaliste et critique théâtrale.

Juliet Drouar est thérapeute activiste, artiste, chercheur, gouine, trans, pédé, blanc, valide, mince, de classe moyenne.

Shulamith Firestone était une théoricienne féministe radicale étasunienne.

Ane Hjort Guttu est une artiste et cinéaste norvégienne vivant à Oslo

Jenny Kitzinger, formée initialement en anthropologie sociale, est professeur de recherche en communication à l’université de Cardiff, directrice de Research Impact et codirectrice du Coma and Disorders of Consciousness Research Center.

Alexander Kluge est écrivain et cinéaste, et Oscar Negt, philosophe, est directeur de l’Institut für Soziologie de l’Université de Hanovre et ancien assistant de Jürgen Habermas.

Eve Kosofsky Sedgwick était une universitaire et théoricienne féministe et queer étasuienne.

Benoît Lapouge et Jean-Luc Pinard Legry, militants homosexuels sont les auteurs d’un ouvrage dénonçant les argumentaires propédophiles en 1980.

Ghislain Leroy est maître de conférences HDR en sciences de l’éducation (université Rennes 2 / laboratoire CREAD).

Camille Louis est philosophe, dramaturge et activiste auprès des personnes en exil.

Erica R. Meiners est écrivaine, éducatrice et activiste.

Kate Millett était une autrice féministe étasunienne.

Julie Pagis est chercheuse en sociologie politique au CNRS, membre de l’Institut interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS, CNRS-EHESS).

Irène Peirera est MCF-HDR en sciences de l’éducation et de la formation à l’Université Paris 8 et ses travaux portent sur les pédagogies critiques.

Tal Piterbraut-Merx (1992-2021) était doctorant en philosophie à l’ENS de Lyon et au CRESPPA, et agrégée de philosophie. Son travail portait sur « Les relations adulte – enfant, un problème pour la philosophie politique ? ».

Marie Preston est artiste, enseignante-chercheuse à l’université Paris 8 VincennesSaint-Denis (Laboratoire TEAMeD / AIAC).

Christiane Rochefort était « écrevisse (parce que vaine…) » féministe.

Vincent Romagny est docteur en esthétique et professeur de théorie de l’art à l’ENSBA de Lyon. Arnaud Teillet est enseignant à Paris en école élémentaire et chargé de cours en philosophie à l’université Paris Nanterre.

Charlie Tincelin-Perrier est collégienne. Adel Tincelin est auteurice et traducteurice. Pierre Zaoui enseigne la philosophie à l’université de Paris .

46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 18 avril 2023 page 5/5 SCIENCES SOCIALES ÉDITIONS BURN~AOÛT /// POLITISER L’ENFANCE \\\ AVRIL 2023
Couverture de l’ouvrage dessinée par Claude.

Se donner les moyens de refaire une Cité. editions-exces.net

editions-exces@protonmail.com

LES LIMITES À LA CROISSANCE

QUESTIONS 50 ANS APRÈS MEADOWS

livre de Zoé Steep à paraître en octobre 2023

Excès, collection Voix publiques

livre

13x20,5 cm

260 pages

500 ex.

15€

isbn : 978-2-9581188-7-7

Résumé

Alors que plus de 50 ans se sont écoulés depuis la publication de The limits to growth et le modèle World3 issus de la commande du club de Rome à Dennis et Donella Meadows et leur équipe du MIT en 1972, nous avons constaté que peu de personnes connaissaient vraiment ce moment important de la pensée systémique sur les questions de modèle de croissance, engageant des modes de vie.

Les limites planétaires étaient déjà pointées dans ce rapport et en amont, et pourtant l’épuisement des ressources et la dégradation du système terre s ’est poursuivi dans un « business as usual » qui nous a conduit à une situation critique. Les décisions qui auraient dû découler de ce rapport n ’ont pas été prises et ne le sont toujours pas à la hauteur de la situation. Nous avons jugé nécessaire de prendre à bras le corps une énigme scientifique et

politique. Pourquoi courrons-nous à notre perte comme s’il s ’agissait de notre salut, tout en disposant d’outils permettant d’avoir une vision lucide de ce qui nous arrive ?

Pour répondre à ces questions, Zoé Steep a réuni des spécialistes des computer sciences et des chercheurs en études environnementales, a organisé une réflexion interdisciplinaire pour aboutir à ces questions raisonnées.

Ces vingt-trois notices interrogent les conditions de production du rapport, les logiques qui organisent la modélisation adoptée, des questions sur le rapport lui-même, des questions sur sa postérité et son usage.

Ce livre permettra de comprendre en quoi un modèle est « toujours faux mais parfois utile » !

Biographie de l’auteur

Zoé Steep est un nom collectif qui porte les travaux réalisés sous l’égide de l’équipe

Steep/INRIA à Grenoble. C’est la voix collective de cette équipe et de ses alliés qui est présentée ici au public.

Coordination éditoriale

Louis Delannoy, doctorant Steep INRIA Grenoble, Vincent Jost, chercheur CNRS à G-SCOP et associé à Steep INRIA Grenoble

Mathieu Mangeot, enseignant-chercheur, Steep INRIA Grenoble

Sophie

directrice de recherche CNRS, Pacte et Steep INRIA Grenoble

Avec le soutien actif de : Mathilde Jochaux du Plessix, doctorante Steep INRIA Grenoble

Extraits

Utilité du modèle

L’exigence d’utilité d’un modèle est très étendue et très contraignante pour son élaboration effective L’un des buts majeurs des auteurs du rapport est de faire de World3 un modèle utile dans toutes les acceptions qu’ils donnent à ce concept. Dans cette perspective, la vertu principale – et partiellement paradoxale – de World3 n ’est pas d’être quantitativement mais conceptuellement précis, et réaliste Ces points essentiels ont malheureusement été ignorés par beaucoup de lecteurs du rapport.

Cette exigence d’utilité permet de mettre en évidence et d’éviter les contradictions implicites que tout un chacun peut véhiculer dans sa conception du monde Sans s ’astreindre à cette exigence, on peut en effet tout à fait croire de bonne (ou mauvaise) foi en une croissance matérielle infinie dans un monde fini. Réciproquement, en s ’astreignant à l’exercice d’examen critique qu’implique cette contrainte, on apprend à distinguer les causes (structures d’interaction entre les éléments du modèle ou du monde réel) et les symptômes (les

enjeux sociaux et environnementaux auxquels nous sommes confrontés) Cette distinction entre causes réelles et symptômes constitue en elle-même le principal message du rapport sur les limites de la croissance et du modèle World3. Communiquer clairement ce message est l’un des aspects essentiels du but principal poursuivi (analyse des conséquences de la croissance matérielle dans un monde fini) : pour reprendre en main notre destin, il ne peut suffire de s ’attaquer à tel ou tel problème dans tel ou tel secteur, il faut changer à la racine la structure des interactions du système socio-écologique global. Par exemple, le changement climatique n ’est qu ’ un symptôme des structures d’interaction qui sous-tendent nos modes de production et de consommation. En conséquence de quoi, passer de sources d’énergie fossiles à des sources d’énergie renouvelables ne fera que déplacer le problème – par exemple en augmentant considérablement les nombreuses pollutions générées par l’intensification de l’usage de ressources rares nécessaires au déploiement à

l’échelle des technologies concernées sans pour autant s ’attaquer aux autres enjeux du XXIe siècle, qu’ils soient environnementaux (déforestation, érosion des sols, désertification, tensions sur les ressources en eau, destruction du vivant ) ou sociaux (éradication de la pauvreté, de la sous-alimentation et de la famine, accès généralisé aux soins de base et à l’éducation…).

Prendre sérieusement en compte ce message implique de changer à la racine nos modes de vie, nos institutions, et nos modes de fonctionnement politique et social Clairement, nous n ’ en prenons pas le chemin, et nos délais et atermoiements sur pratiquement tous les fronts ne font qu ’empirer les problèmes. Il est virtuellement certain que des points de non-retour ont déjà été franchis sur plusieurs enjeux du fait de cette inertie sociale et politique.

De la vision qualitative au modèle

En remontant de proche en proche la chaîne des interactions, on peut reconstruire la logique d’élaboration du modèle. On aboutit de cette façon au cœur structurel du modèle, représenté sur la figure 2.

Par exemple la production agricole totale (“denr. alim” sur la figure) est dépendante de la quantité de terres disponibles (“terres cultivées”), et des techniques agricoles (“capital agricole”), ces dernières étant liées à la part de production industrielle dévolue à

l’agriculture (via la chaîne “capital industriel” “reproduction industrielle”

“capital agricole”) et à la pollution (“pollution”), mais également de la population (via la chaîne “population”“denrées alimentaires par tête” — “investissement agricole” “capital agricole” “denr. alim”). La population dépend de son côté de ses taux de natalité (“naissances par an”) et de mortalité

(“décès par an”). Les taux de natalité, par exemple, sont liés au niveau de vie, donc à la production de biens (“production industrielle par tête”) et services (“services par tête”), etc Notamment, le nombre d’enfants désiré par famille (“fécondité”) dépend en grande partie du niveau d’éducation des jeunes filles et des possibilités de contraception (“éducation et planning familial”).

Chaque flèche indique un lien causal. Les signes + et - au voisinage de la tête de chaque flèche précisent si le lien correspond à une amplification ou un amortissement : le signe + signifie que lorsque la cause (point de départ de la flèche) augmente, la conséquence (point d’arrivée de la flèche) augmente également, soit une amplification ; le signe indique une interaction opposée (diminution de la conséquence pour une augmentation de la cause), soit un amortissement. Le sens et le

signe de ces relations de causalité élémentaires contrôlent le comportement dynamique qualitatif du modèle. On peut repérer dans ce diagramme un certain nombre de “boucles de rétroaction”, chacune matérialisée par une suite de flèches s ’enchaînant dans le même sens et formant une boucle fermée. Parmi les plus courtes, on a, par exemple, la boucle “population – naissances par an –population”.

Les prémices de l’économie écologique

Dès le milieu des années 1960, une poignée d’économistes hétérodoxes1 appellent à un changement de paradigme au sein de leur discipline du fait de la nécessité d’y intégrer des contraintes écologiques fortes Boulding (1966) oppose ainsi l’”économie du cow-boy” – entendons, celle qui pense son essor de manière infinie – à l’”économie du vaisseau spatial Terre” qu’il appelle de ses vœux, laquelle doit impérativement s’insérer dans les limites de la biosphère Ces travaux pionniers constituent l’arrière-plan de TLG Dans un texte rédigé en réponse à la controverse suscitée par ce dernier, Dennis Meadows (1973) déclare : “Notre espoir est qu’il se trouvera des esprits plus imaginatifs pour répondre aux défis de tout ordre que lance, à la recherche économique et sociologique, le problème

d’un état matériellement stabilisé”. Il précise, dans une note en bas de page : “Des économistes comme Kenneth Boulding, Ezra Mishan, Herman E Daly, Nicholas Georgescu-Roegen ont déjà commencé”

La perspective de l’état stationnaire de John Stuart Mill (1848)2 apparaît en arrière-plan du rapport Meadows (1972, p. 279) – ce que l’on désigne alors comme la “croissance zéro”. Daly (1971) – dont un des articles figure dans la bibliographie de TLG – l’a remise à l’ordre du jour au début des années 1970 dans une version beaucoup plus volontariste que celle élaborée au XIXe siècle. Selon lui, le capitalisme ne se mettra pas naturellement sur cette trajectoire, comme le pensait John Stuart Mill à son époque, mais à condition que l’on mette en œuvre des politiques

publiques limitant la taille de l’économie et de la population. La perspective de ce qu ’ on appellera bientôt la “soutenabilité forte” se trouve ainsi lancée par le premier rapport au Club de Rome L’économie écologique, qui va se structurer à la fin des années 1980 – et dont Daly sera un des artisans – inscrira cet objectif au cœur de sa doctrine (Costanza, Daly, 1987). Dans une lettre adressée à Georgescu-Roegen, en novembre 1972, Meadows écrit : “Votre analyse de la nature entropique des ressources a eu une influence considérable sur la réflexion des membres de mon groupe ”3 En publiant The Entropy Law and the Economic Process, un an auparavant, Georgescu-Roegen (1971) a, en effet, proposé que l’analyse économique s ’ ouvre aux enseignements de la thermodynamique et de la biologie afin de traiter de la question écologique sur le long terme Rien d’étonnant, donc, à ce que, dans un premier temps, il apporte son aide à l’équipe de Meadows (Levallois, 2010), en proposant de répondre aux critiques dont fait l’objet TLG de la part des économistes mainstream. La conférence qu’il donne à la School of Forestry and Environmental Studies de l’Université de

Yale, en 1972, dans le cadre du cycle

“Limits to Growth : The Equilibrium State and Human Society”, une conférence qui sera publiée quelques années plus tard sous le titre “Energy and Economic Myths” (Georgescu-Roegen, 1975), témoigne de son engagement dans la controverse suscitée par le rapport Meadows. Il y évoque, entre autres, la “manie de la croissance” des économistes, dénoncée par Ezra Mishan (1967), quelques années plus tôt. Mais, bien vite, il va prendre ses distances vis-à-vis de l’état stationnaire prôné par Daly pour développer une perspective plus radicale qu’il baptise “bioéconomie”4 .

Les écrits de Georgescu-Roegen sont traduits en français et publiés quelques années plus tard par Grinevald et Rens (1979) sous le titre programmatique de Demain la décroissance – un terme qui est apparu en juin 1972, à Paris, au cours d’un débat sur le thème “Écologie et révolution” auquel participaient, entre autres, André Gorz, Edgar Morin, Herbert Marcuse… Il va falloir attendre le début des années 2000 pour que cette perspective recueille une attention beaucoup plus large de la part des milieux militants et académiques

LE MEILLEUR SYSTÈME

· Direction éditoriale ..... Eugénie

· Graphisme Traduttore

· Collection Oversharing

· Format (mm) 120*180

· Nombre de pages 80/90

· Prix (€) .................................. +/- 14

· ISBN ........................................... 9782493534132

Lemeilleursystème est le deuxième ouvrage de la collection Oversharing dirigée par Eugénie Zély, lauréate 2023 du prix Pierre Giquel de la critique d’art. Entre récit fantasy, théorie de la valeur et fanfiction du DSM, Le meilleur système décrit la dissociation comme une stratégie de défense, notamment celle de sa narratrice dans son rapport à l’argent, aux normes, au militantisme et au travail de l’art.

Une série de textes théoriques, d’intrigues secondaires, de poèmes et textes autofictionnels, composent une narration digressive, multiple et dissonante. Le titre fait référence à la terminologie standard du « trouble », dans laquelle le « système » désigne le groupe d’alters Le meilleur système est une collection de textes produits par une narratrice dite plurielle, reprenant les codes des fictionnalisations récentes des troubles dissociatifs de l’identité sur les blogs et médias et sociaux. Anne Sarah Huet ne se situe ni comme affectée de trouble dissociatif de l’identité, ni comme spécialiste, ni comme membre des communautés qui contribuent à sa stylisation sur internet. Elle se propose de le convertir en un dispositif poétique, compte rendu des affects dissociatifs caractéristiques du capitalisme colonial et hétéropatriarcal.

La collection Oversharing est le résultat de la pratique de la conversation comme méthodologie d’écriture. Elle rassemble des autrices qui arrangent art et politique ensemble par le langage. C’est une collection féministe et anticapitaliste qui rassemble une diversité d’objets littéraires, de la revue C’est les vacances, à la fiction théorique Le Meilleur Système. Oversharing est une communauté de personnes qui overshare sur l’art, le texte et l’argent. Déjà publié dans la collection : Thune amertume fortune (2022) par Eugénie Zély.

Thèmes abordés : Trouble dissociatif de l’identité, féminisme, décolonialité, essai sur l’art, fantasy, intersectionnalisme, poésie, économie

Auteurices et ouvrages associés : Infinie comédie, David Foster Wallace Etreins-toi, Kae Tempest

Anne-Sarah Huet est poètesse et enseignante-chercheuse en économie. Autodidacte, elle a développé une pratique des arts visuels auprès des travailleur.euses de l’art avec lesquel.les elle a collaboré. Elle travaille, en tant que chercheuse associée à l’école supérieure d’art Annecy Alpes, autour des notions de « token » et d’identité et, plus particulièrement, sur l’extractivisme institutionnel dans le champ de l’art, ainsi que sur l’expérience du passing ethnique.

Dans la même collection :

Parution en novembre 2023 46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 4 avril 2023 page 1/4 ESSAI SUR L’ART / POÉSIE ÉDITIONS BURN~AOÛT /// LE MEILLEUR SYSTÈME \\\ AVRIL 2023

Extrait 1

Les textes de ce recueil ont été écrits par nous (Little, Seventiz, et Acad) pendant dix années de formation à l’université, dans les artistrun spaces, écoles d’art, project-spaces, centres d’art conventionnés, galeries, vernissages, afters et soirées mondaines. Certains textes sont l’œuvre de l’un.e d’entre nous seulement, tandis que d’autres sont des co-écritures, ou plutôt, sont des écritures en co-conscience. Je m’exprimerai souvent au nom du système dans le paratexte et j’ai la charge, en tant qu’hôte présumée, de nous introduire et de nous modérer. Acad repère l’occurrence « mondaines » et veut la remplacer par « du monde » — soirées du monde, after du monde — ou pourquoi pas « des mondes » pour un usage technique et référencé, renvoyant le.a lecteur.ice à la sociologie interactionniste des années 80. Seventiz n’est pas d’accord. Il s’agit bien d’éprouver l’air léger d’une conversation (en Times) à l’entrée d’une galerie associative du 11ème ou 13ème ou 20ème arrondissement parisien et de rire (en noir et blanc) des blagues d’un.e commissaire sympathique. Une blague annotée et polycopiée. Une blague générique, avec un logo mignon et satyrique, tracé à la main dans une marge. Une blague élégante avec des ratures, du biffage et de la critique institutionnelle. Une blague que Seventiz pourrait plier et insérer dans son portefeuille. Une blague blanche, âgée de trente à cinquante ans, hétéronormée et affinitaire. Je lui réponds qu’elle est inconséquente, Acad me rejoint là- dessus. Nous sommes né.es en tant que système après avoir lu un texte du philosophe Frédéric Lordon sur la légitimité et le fait monétaire. Acad et moi sommes si proches, qu’il est parfois difficile de déterminer qui de nous deux est l’hôte ou l’ alter, et nous avons de bonnes raisons de penser que nous étions déjà ensemble au moment de cette lecture fondatrice. Un printemps, alors que nous préparions un workshop pour deux artistes visuels et leur exposition à cent mille euros dans un centre d’art conventionné, une recherche thématique sur Google nous a conduites à la référence. C’était en 2020 — premier confinement —, il faisait une lumière euphorisante et nous étions particulièrement heureuses.

46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 4 avril 2023 page 2/4 ESSAI SUR L’ART / POÉSIE ÉDITIONS BURN~AOÛT /// LE MEILLEUR SYSTÈME \\\ AVRIL 2023

Extrait 2

En effet, à chaque fois que l’une de ces pratiques est présentée comme résistante à la valuation, elle devient l’objet d’une attention qui l’expose. Notamment : à être reproduite, à être mise en rapport avec des substituts, ou encore, à être l’objet d’opérations de capitalisation symbolique. Ainsi, la résistance n’est possible qu’au prix d’une vigilance certaine. Il s’agit souvent de détruire la forme avant qu’elle ne cède et, pour retarder ce moment, d’entretenir sa confidentialité ; où la confidentialité ne signifie pas la selectivité, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, ces formes doivent, à terme, être suffisamment nombreuses pour absorber la participation de quatre cent pour cent des habitant.es de la ville. (La mention de ce pourcentage nous rappelle que les ventes à découvert des actions GameStop avaient atteint cent quarante pour cent du flottant en février 2021). Ensuite, elles ne sont ni normées, ni normatives, si ce n’est concernant l’heure à laquelle leur publicisation a lieu. Celle-ci doit être une heure mirroir (01 : 01, 02 : 02, 03 : 03…), seule obligation, et se référer à un régime de significations déployées — collectivement, viralement et mimétiquement — via des réels et story consacrées — #angel-numbers, en anglais. L’absence de normativité a pour conséquence immédiate une augmentation de la fréquence des formes limpides, certaines confinant au didactisme. L’institution et les générations conservatrices y vouent une sorte de mépris compliqué… compliqué comme une rationnalisation de privilège. Les mêmes qui invalident notre retrait en disant que nous ne pouvons pas abandonner une carrière qui n’a jamais commencée. Pourtant, nous avons imaginé la fin du capitalisme, et il s’agit précisément d’un abandon sans carrière.

À la fin, à la sortie, quand le subreddit a dit que c’était bien l’heure, hop miraculeusement ça se passe : cramer, déguisées, décentrées. Cherchant à garantir la valeur du présent texte contre ses propositions incertaines, nous y incorporons, encapsulons, que le 19 mars 2023, au croisement du boulevard Eugène Pierre et de la rue Horace Bertin (Marseille, 13006), à 21 : 30, un groupe de jeunes personnes costumées et ivres, se sont installées sur un palier de porte pour débriefer du carnaval indépendant de la Plaine qui a eu lieu le même jour. Des autocars de police sont stationnés sur le trottoir d’en face. Une personne costumée insulte vaguement un groupe de CRS. Après quelques allées et venues intimidantes de l’un d’eux — typiques d’un agresseur qui fait mine d’hésiter à porter un coup —, il fini par se diriger sur la personne déguisée et assise, de dos, sereine, qui l’a « traité » quelques minutes avant. Il l’extrait, la traine sur le trottoir, la frappe, lui monte dessus, la frappe, s’engage dans un corps à corps, une passante non déguisée qui se rend à la boulangerie ouverte le dimanche le supplie d’arrêter, elle dit « por favor por favor » en tendant ses mains par reflexe comme on fait pour tenter de raisonner un tueur, le CRS la regarde, les passant.es autour sont terrifié.es, la victime arrive à s’extraire, elle court désorientée sur le trottoir, elle tremble, ses jambes sont sur le point de lâcher, le CRS crie à un collègue qui se trouve au coin de Hyper U, « chope le », il la chope, l’écrase sur le sol, lui monte dessus, pendant que, 80 mètres plus loin sur Horace Bertin (ce que nous verrons sur la vidéo d’un riverain), une autre personne est assise sur le sol, coincée contre la portière de la voiture d’un.e particulier.e, la personne est molle, probablement au bord de l’inconscience, son torse glissant sur le côté, deux policiers en civil lui donnent des coups de pieds dans le ventre, plus ou moins tour à tour, parfois en même temps.

46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 4 avril 2023 page 3/4 ESSAI SUR L’ART / POÉSIE ÉDITIONS BURN~AOÛT /// LE MEILLEUR SYSTÈME \\\ AVRIL 2023

Extrait 3

Nous sommes dans les vestiaires, debout et collé·es les unes contre l’autre, entre deux blocs de casiers défoncés. Nous te montrons : la portion de pelage dense située au niveau de l’une de nos omoplates, la canine grise qui est ré-apparue cette nuit, notre cou qui s’est élargi. Toi, tu nous montres que ta langue et l’intérieur de tes joues sont gagnés par un motif marbré, bleu et mauve, lisse comme du plastique. Il s’étend. Tu appuies sur l’extérieur de ta joue en ouvrant la bouche pour qu’on voie mieux. Le motif est spiralé : des spirales dans des spirales, où les spirales deviennent de plus en plus petites et, comme ça, les couleurs finissent par se mélanger. Cette forme nous attire. Ahah you are spiraling… On s’interroge sur le fait que ça nous arrive à nouveau, et en même temps. Qu’en faire ?

Cela arrive malgré nous, dis-je. À moins qu’il ne s’agisse d’un effet ? Celui d’une désorientation, vis-à-vis de laquelle, toi et nous, sommes respectivement actif et actives. Nous t’aimons tellement. Positioné·es de biais dans un donné dont l’orientation est straight, les espaces n’étendent pas nos formes et les objets n’étendent pas notre portée. C’est comme vivre dans un Twillight ou un Harry Potter dysfonctionnel. Fatiguant, pour ne pas dire incapacitant. Nos corps ne suivent pas les lignes et, quand ces dernières « bloquent l’action plutôt que de la permettre, elles deviennent des points qui accumulent la tension, ou des points de tension. Les corps peuvent même prendre la forme de telles tensions, en tant que points de pression sociale et physique » écrit Sarah Ahmed dans Phénoménologie Queer.

Tu décides de t’assoir sur le carrelage en faisant comme s’il était mou. Il l’est. Tu t’enfonces dans le sol qui est devenu un matelas carrelé. Rien de foncièrement étrange. Plutôt un tour de force, que de réussir à s’ancrer, à l’oblique, dans un tel espace, organisateur brutaliste de donnés sociaux et corporels, d’orientations. C’est dingue que tout ça ait lieu dans un vestiaire. On dirait vraiment une scène pourrie de YAL, mais tant pis. Nous sommes ancré·es, bien que déviant·es ; ce qui est précieux et, d’experience, précaire. Tu dis que l’équilibre est local. Peut-être se déplace-t-il avec nous quand nous sommes ensembles ? Un effet de nos conversations au café du gymnase, de nos lexiques et d’un implicite commun. Tu te demandes lequel,

de l’implicite ou du lexique, permet le plus à notre confort « local » de s’agréger par ici. Par où ? Tu t’approches de nous, l’arrière de notre tête se cogne sur le métal du bloc contre lequel nous étions appuyées. « Wouah » ne suffit pas à rendre compte de ce que nous éprouvons. Vas-tu nous embrasser ? Non, ce n’est pas comme ça entre toi et nous. Le sol s’assoupli sous nos pieds aussi.

Pour en revenir au pelage vaguement rouge de notre omoplate (là ou s’articule une petite aile d’ange ridicule, c-à-d une aile genre taille enfant) ainsi qu’à tes propres transformations spiralées, on est bien d’accord : on ne va pas chercher à savoir si elles précèdent la désorientation ou si elles en sont un effet. Ni si, dans le premier cas, nous sommes nées avec. End the discourse, start destruction. Tu t’es rassis puis relevé, et les lignes du carrelage se sont redressées dans un mouvement hypnotique. La vision donne un léger vertige, mais rien de trop plombant.

Accoudé à l’un des casiers resté grand ouvert, tu passes machinalement le doigt sur le verrou de celui d’à côté, qui est fermé. Nous, nous sommes assises, nos fesses et cuisses s’incrustent entre les lattes du banc.

Partons de ces transformations. Inherentit_girl sur instagram, explique en quoi la YAL est nécessairement une littérature transphobe. Tu commences à nous lire tes notes. Notamment, tu as commenté à propos de sa dernière publication qu’il est impossible de parler de désorientation ou de déviance sans style, que parler de désorientation ou de déviance sans style, c’est parler d’autre chose. Tu ajoutes : il y a pire qu’écrire sans style, il y a être didactique. Tu n’es pas très sûr de cette dernière remarque. Nous non plus. Sans doute pour te donner la contenance que tu crois avoir perdue dans ton doute, tu rentres ton autre bras jusqu’au fond du casier pour attraper la serviette en microfibre qui y a glissé

C’est un échec. Comme ce matin, quand, dans l’autobus, tu as voulu attraper le pilastre.

À nouveau, l’espace n’étend pas ta forme et les objets n’étendent pas ta portée, tout devient hors d’atteinte.

46, avenue du président Wilson 93230 Romainville éditions Burn~Août 07 50 33 63 55 dernière modification 4 avril 2023 page 4/4 ESSAI SUR L’ART / POÉSIE ÉDITIONS BURN~AOÛT /// LE MEILLEUR SYSTÈME \\\ AVRIL 2023

Collection Mémoires

Mémoires d'une femme docteure

le premier roman-mémoires d’une figure de proue de l’émancipation des femmes dans le monde arabe.

Écrit en 1958, ce roman partiellement autobiographique raconte le corps et la sexualité des femmes en Égypte, dans les années 50.

L’histoire : Une jeune femme égyptienne se heurte à sa famille traditionnelle lorsqu’elle choisit de faire carrière dans la médecine. Plutôt que de se soumettre à un mariage arrangé et à la maternité, elle se coupe les cheveux et travaille avec acharnement pour réaliser ses rêves. À la faculté de médecine, elle commence à comprendre les mystères du corps humain. Après avoir nié ses propres désirs pendant des années, la médecin entame une série d’aventures amoureuses qui lui permettent d’explorer sa sexualité.

parution : 3 nov 2023

18 € / 120 p. / 12 x 20,5 cm

tirage : 2000 ex.

ISBN : 978-2-493324-04-7

• un roman sur le corps des femmes, le soin, la médecine

• un récit initiatique aux accents autobiographiques

• le premier livre d’une pionnière de l’émancipation des femmes arabes

• traduction : faiza el qasem, universitaire (vit à paris)

• préface : rim battal, poétesse marocaine (vit entre paris et marrakech)

• illustratrice : kubra khademi, artiste féministe afghane (vit à paris)

couverture provisoire

Souvent décrite comme la « Simone de Beauvoir du monde arabe », Nawal El Saadawi était une voix pionnière sur l’identité et le rôle des femmes dans la société, l’égalité des sexes et la place des femmes dans l’islam.

Nawal El Saadawi (1931-2021)

« Nawal El Saadawi, autrice, militante et médecin

égyptienne (était) devenue l’emblème de la lutte pour les droits des femmes dans le monde arabe patriarcal et faisait campagne contre les mutilations génitales féminines, qu’elle avait subies à l’âge de 6 ans. »

alan cowel

Hommage dans le New York Times

Psychiatre de formation, Nawal El Saadawi est une militante féministe convaincue – emprisonnée et contrainte à l’exil – et une écrivaine prolifique – plusieurs fois censurée.

Elle fonde au début des années 1980 l’Association de solidarité des femmes arabes.

Contre le tabou de l’excision et de la polygamie, elle lutte pour la liberté de la femme arabe à s’exprimer.

Elle est l’autrice d’une cinquantaine de romans, nouvelles, essais, et a reçu, à ce titre, de nombreux prix.

L’illustratrice : Kubra Khademi

Kubra Khademi, née en 1989 à Kaboul, est une artiste féministe afghane, peintre, plasticienne et performeuse, réfugiée à Paris.

Kubra Khademi étudie les beauxarts à l’université de Kaboul avant de fréquenter l’université nationale Beaconhouse à Lahore, au Pakistan.

Ses performances publiques répondent activement à une société dominée par une politique patriarcale extrême. Après avoir présenté sa pièce Armor en 2015, Khademi est contrainte de fuir l’Afghanistan en raison d’une fatwa et de menaces de mort.

Aujourd’hui réfugiée à Paris, Kubra Khademi est décorée du grade de chevalière de l’ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture français.

La traduction : Faiza el Qasem

Fayza El Qasem a été directrice de l’École Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs (ESIT).

Professeure émérite de la Sorbonne Nouvelle, en charge de l’enseignement de la traduction générale et de la traduction économique et financière vers l’arabe, elle dirige plusieurs thèses de doctorat en traductologie.

La préfacière

: Rim Battal Rim Battal, née en 1987 à Casablanca, au Maroc, est une artiste, poétesse et journaliste marocaine francophone. Elle vit actuellement entre Paris et Marrakech.

Ses performances associent poésie, écriture et arts visuels. Elle est notamment l’autrice de L’Eau du bain (SuperNova) et Les quatrains de l’all inclusive (Le Castor Astral).

Elle codirige Le Bordel de la Poésie et a initié La Biennale Intime de Poésies.

« Elle était notre aînée. Celle qui avait montré la voie à des générations de femmes arabes engagées dans la lutte pour l’émancipation.

[...] Toute sa vie, elle la consacrera à s’opposer aux discours de violence physique contre les femmes, leur infériorisation, leur condition de secondes. »

Fawzia Zouari, écrivaine, hommage dans Libération

« Nawal El Saadawi a défié toutes les manifestations patriarcales. Elle n’en a redouté aucune, empruntant des voies scabreuses dans ses écrits, affrontant des combats féroces avec ses mots, brisant de cette manière toutes les chaînes. Ni la peur ni le désespoir ne sont parvenus à la décourager. »

Ranem AL Afifi, journaliste

Charlotte Bienaimé

Un podcast à soi

Nawal El Saadawi

« Ils m’ont dit : "Vous êtes une femme sauvage et dangereuse." Je dis la vérité. Et la vérité est sauvage et dangereuse. »

Le conflit entre ma féminité et moi a commencé très tôt, avant même l’apparition de mes attributs féminins et avant que je sache quoi que ce soit sur moi-même, mon sexe ou mes origines, avant même que je connaisse la nature de la cavité qui m’avait abritée jusque-là, avant que je sois expulsée dans le vaste monde.

Tout ce que je savais à cette époque-là c’était que j’étais une fille, comme aimait à le répéter ma mère à longueur de journée, une fille !

Ce mot à mes yeux n’avait qu’un seul sens : je n’étais pas un garçon, je n’étais pas comme mon frère. Les cheveux de mon frère étaient coupés courts mais laissés libres et non peignés, tandis que les miens n’en finissaient pas de pousser, livrés à la manie de ma mère qui les peignait deux fois par jour pour en faire des tresses qu’elle emprisonnait aux extrémités avec des rubans.

Mon frère se réveillait au matin et avait l’habitude de laisser son lit en l’état alors que je devais faire non seulement le mien mais aussi le sien.

Mon frère sortait jouer dehors sans demander la permission des parents et rentrait quand bon lui semblait, alors que je ne pouvais sortir que s’ils m’en donnaient l’autorisation. Mon frère avait toujours droit au plus gros morceau de viande, il avalait rapidement son repas, mangeait sa soupe en faisant du bruit sans que ma mère lui fasse la moindre observation.

Mais moi, c’était différent... J’étais une fille ! Je devais faire attention à mes moindres faits et gestes, cacher mon appétit, manger lentement et absorber ma soupe sans faire de bruit.

Mon frère jouait, bondissait, faisait des sauts périlleux alors que si je m’asseyais et que ma jupe se soulevait d’un centimètre au-dessus de mes cuisses, ma mère me transperçait aussitôt du regard et je devais cacher ces parties honteuses de mon corps.

Les parties honteuses !

Tout en moi était honteux, alors que je n’étais encore qu’une enfant de neuf ans !

Je m’apitoyais sur moi-même. Je m’enfermais dans ma chambre et fondais en larmes.

Les premières larmes que j’ai versées dans ma vie, ce n’est pas parce que j’ai eu une mauvaise note ou brisé un objet de valeur, mais parce que j’étais une fille !

J’ai pleuré sur ma féminité avant même de savoir ce qu’elle signifiait. Quand j’ai ouvert les yeux sur la vie, une inimitié régnait déjà entre moi et ma nature.

1
* [extrait]

Je dévalais les escaliers quatre à quatre pour arriver dans la rue avant d’avoir fini de compter jusqu’à dix.

Mon frère et ses camarades, des filles et des garçons de notre voisinage, m’attendaient pour jouer aux gendarmes et aux voleurs. J’avais demandé à ma mère la permission de sortir. J’adorais jouer, j’adorais courir le plus vite possible, je ressentais une immense joie quand je bougeais la tête, les bras et les jambes à l’air libre. Je prenais alors mon élan pour sauter le plus haut possible, faisant des bonds que seul le poids de mon corps attiré vers le sol interrompait.

Pourquoi Dieu m’avait-il créée femme au lieu de faire de moi un oiseau capable de voler dans les airs comme ce pigeon ?

Dieu devait sans doute préférer les oiseaux aux filles.

J’étais réconfortée par l’idée que mon frère, lui non plus, ne pouvait pas voler. Ainsi, malgré la très grande liberté dont il jouissait, il était tout aussi incapable de voler que moi. Depuis, j’étais constamment à l’affût, chez les hommes, de points faibles qui me consoleraient de l’impuissance qui m’était imposée par ma condition de femme.

Au moment où je sautai, je sentis un violent frisson parcourir mon corps. Je fus prise de vertiges et je vis quelque chose de rouge.

Qu’est-ce qu’il m’arrivait ? Je fus prise de panique et me retirai du jeu aussitôt pour rentrer à la maison et m’enfermer

dans la salle de bain, afin de percer en privé le secret de ce grave incident !

Rien n’y fit, je ne comprenais toujours rien ! Je pensais que j’étais atteinte d’une soudaine maladie. Je décidai malgré mes craintes d’aller en parler à ma mère.

À mon grand étonnement, je la vis éclater de rire. Mais comment pouvait-elle accueillir cette horrible maladie avec un aussi large sourire ?

Remarquant ma surprise et ma confusion, elle me prit par la main et m’emmena dans ma chambre pour me raconter l’histoire sanglante des femmes. *

Je m’étais enfermée dans ma chambre quatre jours d’affilée, incapable d’affronter mon frère ou mon père ou même le jeune serviteur.

Sans doute étaient-ils tous au courant de cette chose honteuse qui s’était abattue sur moi. Ma mère les avait sûrement informés de mon nouveau secret. Je m’étais barricadée pour tenter de venir à bout de ce phénomène bizarre. N’y avait-il pas d’autre moyen pour les filles d’atteindre la maturité que cette voie impure ? L’être humain pouvait-il des jours durant être en proie à des spasmes musculaires ? Dieu devait détester les filles pour les avoir marquées ainsi du sceau de la honte. Il devait avoir choisi d’avantager les garçons.

[extrait] *

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