Merveilles l Or Norme #47

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LE MAGAZINE D’UN AUTRE REGARD SUR STRASBOURG №47 DÉCEMBRE 2022 ISLANDE MERVEILLES
Merveilles b GRAND ENTRETIEN JEAN-LUC BARRÉ Profession Ă©diteur. Page 6 a CULTURE ALICE DÉCONSTRUITE SurrĂ©alice et Illutr’alice, deux expositions Ă  Strasbourg. Page 36 c DOSSIER EXPOS TGV PARIS Le cru 2022 est exceptionnel et l’art scintille de toutes parts. Page 12 c DOSSIER ISLANDE Le retour des Destinations de lĂ©gende. Page 44 64° 15’ 07’’ NORD, 15° 12’ 43’’ OUEST Date et heure de prise de vue : le 16 Mars 2016 Ă  22h20, lors d’une tempĂȘte gĂ©omagnĂ©tique Kp6. Lieu : prĂšs de Höfn, Islande.
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1. 2.

ISLANDE MERVEILLES

« Une destination n’est jamais un lieu, mais une nouvelle façon de voir les choses. »

HENRY MILLER, ÉCRIVAIN (1891-

1980)

Destinations de légende.

VoilĂ  sous quel titre Jean-Luc Fournier nous prit dĂ©jĂ  dans ses bagages par le passĂ©, chers lecteurs d’Or Norme.

Ainsi vous visitùtes entre autres destinations, la Namibie, Israël ou encore la Thaïlande

Nous renouons, dans ce dernier numĂ©ro de l’annĂ©e, avec cette envie irrĂ©pressible de vous faire dĂ©couvrir de nouveaux horizons, mais aussi d’aller Ă  la rencontre de l’autre.

GrĂące Ă  Solveen Dromson, Consule d’Islande Ă  Strasbourg, et Ă  l’occasion de la prĂ©sidence du ComitĂ© des ministres du Conseil de l’Europe, notre invitation au voyage prend la direction plein Nord, Ă  la dĂ©couverte d’un pays merveilleux et encore mĂ©connu, l’Islande donc.

Sur presque quarante pages de ce numéro exceptionnel qui en compte 164, vous allez

dĂ©couvrir des merveilles, en Islande certes, mais aussi Ă  Paris avec ces « Expos TGV » que vous aimez retrouver chaque mois de dĂ©cembre dans notre magazine.

Munch, Kokoschka, Monet, Mitchell, entre autres, vont Ă©galement vous donner l’envie de vous Ă©chapper pour un voyage, certes moins lointain, mais tout aussi scintillant.

Mais la destination peut ĂȘtre bien plus proche : SurrĂ©Alice et Illustr’Alice, respectivement au MAMCS et au MusĂ©e Ungerer, nous feront traverser le miroir du monde de Lewis Carroll d’une façon bien originale et Ă  dĂ©couvrir jusqu’au 26 fĂ©vrier 2023.

Nous avons voulu, avec ce numĂ©ro de fin d’annĂ©e, vous emmener ailleurs, et Ă  l’instar de sa magnifique photo de couverture, allumer quelques magiques lumiĂšres et vous souhaiter de magnifiques et rĂ©confortantes fĂȘtes de fin d’annĂ©e.

Par
ÉDITO 3 №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

84 « Le lien avec les auteurs est essentiel dans le mĂ©tier d’éditeur. »

Robot

Franck Horand

l’Alsace

ApĂ©ro mortel La mort se dĂ©poussiĂšre (↑) 6-11 b Grand entretien Jean-Luc BarrĂ©

Le digital nomadism Nouvel eldorado des gĂ©nĂ©rations Y – Z

La CatĂ©naire Plus qu’un Tiers lieu...

Islande La nature en V.O. (→) Carnet de route 56 dans l’Est Reykjavik

62

Micro-capitale, méga plaisir
 Ces Alsaciens

66

Sous les aurores borĂ©ales La belle histoire 76 Partir, se trouver, revenir
 L’Islande Ă  Strasbourg

80

82

La Halle gourmande réussit son pari

Amenez vos vinyles... et Ă©coutez l’amer au LAÀB

Factoryyy Contre l’obsolescence dans l’Industrie

Le parti-pris de Thierry Jobard

Chronique Moi, Jaja


ActualitĂ©s E SociĂ©tĂ© 144 ÉvĂ©nement Or Norme 146 Des bouteilles pleines de vie Atelier Sglà’s

88 SOMMAIRE DÉCEMBRE 2022 12-34 c Dossier Expos TGV 14 MusĂ©e d’Orsay Edvard Munch 18 MusĂ©e d’Art Moderne de Paris Oskar Kokoschka 22 Fondation Louis Vuitton Monet et Mitchell 26 Centre Pompidou Alice Neel 30 MusĂ©e Maillol HyperrĂ©alisme 32 MAD AnnĂ©es 80 (←) 34 HĂŽtel de Ville de Paris Capitale(s) 4 №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

92
96
98
106
132
138
142
a Culture 36 Expositions Alice déconstruite 40 Hello
Vitra
110 Portfolio
118 Revisiter
124 Jazz Ozma, en apothéose 126 M. Soul Du Manitoba à
S  128 TÔT ou T’ART Une histoire de Reg’ART 148 SĂ©lection Livres, musique Q Or Champ 158 Roland Recht Qui sont-ils ? 44-82 c Islande
Le Frech DĂ cks Le bistrot « plus »
100
Regard Jak Krok’ l’actu
Six mois de découvertes La Playlist de Emmanuel Didierjean
L’Islande, Terre de feu musicale
Design Museum (↑)
Bashung Figure libre

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2

Jean-Luc Barré

Profession : Ă©diteur

Ce n’est pas si souvent, au fond, qu’on peut recueillir les paroles d’un Ă©diteur, cette profession dont les contours exacts restent assez mystĂ©rieux pour le profane amoureux des livres et des auteurs. Rencontre avec l’un d’entre eux, Jean-Luc BarrĂ© (Éditions Bouquins), connu comme le loup blanc sur la place de Paris et qui sera prĂ©sent Ă  la session de janvier des BibliothĂšques idĂ©ales avec deux de ses rĂ©cents auteurs, Jean-Pierre Elkabach et Guillaume Durand


Jean-Luc Fournier Zoé Forget b GRAND ENTRETIEN
b GRAND ENTRETIEN — Jean-Luc BarrĂ© 7 №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

L’entretien avait Ă©tĂ© convenu dans l’appartement privĂ© de Jean-Luc BarrĂ© Ă  Paris. Au cƓur de l’üle Saint-Louis, l’éditeur y vit en Ă©tant littĂ©ralement cernĂ© par les livres, partout omniprĂ©sents, bibliothĂšques, Ă©tagĂšres, table basse du salon


La simple Ă©vocation des maisons d’édition, avec lesquelles il a collaborĂ© (ou publiĂ©) depuis son arrivĂ©e dans la capitale Ă  peine ses vingt ans sonnĂ©s, situe bien son niveau d’expertise : Plon, Fayard, Perrin, Stock, Grasset, Robert Laffont
 Chez cette derniĂšre, il est devenu, en 2008, directeur de la cĂ©lĂ©brissime collection Bouquins, succĂ©dant Ă  Daniel Rondeau. Et depuis deux ans, il dirige sa propre maison d’édition au sein du groupe Éditis. Comme un judicieux et dĂ©licieux clin d’Ɠil, il a ƓuvrĂ© pour qu’elle s’appelle Bouquins et d’entrĂ©e, il a publiĂ© La Nef des fous de Michel Onfray, le volume de correspondances de Jean d’Ormesson, Des messages portĂ©s par les nuages et Les Lettres inĂ©dites de Rilke Ă  une jeune poĂ©tesse. Une belle entrĂ©e en matiĂšre pour une des plus jeunes maisons d’édition, que Jean-Luc BarrĂ© Ă©voque avec, en permanence, la passion dans la voix


Les Éditions Bouquins ont Ă©tĂ© créées il y a deux ans maintenant, vous en ĂȘtes le directeur, mais vous dirigiez auparavant la Collection du mĂȘme nom au sein de Robert Laffont. Que s’est-il passé ?

C’est trĂšs simple. En accord avec le groupe Editis dont fait partie Robert Laffont, j’ai obtenu mon autonomie et je dirige en effet dĂ©sormais cette nouvelle maison d’édition, Bouquins, incluant naturellement la collection Ă©ponyme. La plupart des auteurs dont je publiais les livres chez Robert Laffont – Michel Onfray, Catherine Nay, FrĂ©dĂ©ric Martel, Jean-Marie Rouart, entre autres – me sont restĂ©s fidĂšles. Le lien avec les auteurs est essentiel dans le mĂ©tier d’éditeur, dont la valeur humaine dĂ©passe la logique comptable auquel on le rĂ©duit trop souvent. J’ai eu la chance, de surcroĂźt, de pouvoir fonder cette nouvelle maison avec toute l’équipe qui Ă©tait dĂ©jĂ  Ă  mes cĂŽtĂ©s, renforcĂ©e par l’arrivĂ©e de deux jeunes Ă©diteurs de grande qualitĂ©.

J’imagine qu’une des premiĂšres questions qui s’est posĂ©e Ă©tait de savoir comment s’appellerait cette nouvelle maison
 Bien sĂ»r
 Dans un premier temps, on a longuement discutĂ© du fait qu’il fallait Ă©viter l’ambiguĂŻtĂ© qui aurait pu exister entre deux structures portant le mĂȘme

lien

nom. AprĂšs avoir Ă©cartĂ© d’emblĂ©e l’option qu’on m’avait proposĂ©e d’une maison qui se serait appelĂ©e « Jean-Luc BarrĂ© Éditions » et beaucoup phosphorĂ© pendant tout un week-end sur d’autres Ă©ventualitĂ©s, je me suis dit qu’il existait dĂ©jĂ  une enseigne emblĂ©matique, qui allait de soi, qui Ă©tait enracinĂ©e et que tout le monde connaissait, c’était Ă©videmment Bouquins. Au dĂ©part, je savais qu’il faudrait compter avec un risque de confusion, car, dans ce pays, si on adore le changement, tout le monde s’effraie dĂšs qu’il se produit
 Tout le monde a bien compris aujourd’hui que la maison d’édition Bouquins et la Collection du mĂȘme

nom obĂ©issent Ă  une identitĂ© distincte et, qu’elles se distinguent notamment par le format, le papier bien sĂ»r, mais aussi par le fait que l’une s’inscrit davantage dans la crĂ©ation ou la rĂ©flexion immĂ©diate et l’autre dans le patrimoine littĂ©raire et intellectuel. Leur point commun est d’embrasser tous les domaines, mĂ©moires, essais, romans français ou Ă©trangers et mĂȘme les beaux livres comme on peut le voir avec celui de Guillaume Durand qui vient de remporter le Renaudot Essais. La seule chose nouvelle, au fond, ce sont les passerelles Ă©tablies entre les deux entitĂ©s, Ă  travers les Ɠuvres de Michel Onfray, Catherine Nay, Pascal Ory entre autres


« (
)
Le
avec les auteurs est essentiel dans le mĂ©tier d’éditeur, dont la valeur humaine dĂ©passe la logique comptable auquel on le rĂ©duit trop souvent. »
b GRAND ENTRETIEN — Jean-Luc BarrĂ© 8 №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

Au vu de votre long parcours, et de vos succÚs aussi, on peut imaginer que cette nouvelle aventure constitue un défi qui ne vous déplait pas


Cette Ă©tape est logique, pour moi. Je n’ai jamais Ă©tĂ© ce qu’on appelle un carriĂ©riste : j’ai Ă©crit des livres, travaillĂ© pour la radio et la presse. J’ai fait de la politique, Ă©galement. J’ai tout appris sur le terrain, en quelque sorte. Au dĂ©but des annĂ©es 80, quand j’ai commencĂ© Ă  travailler dans ce milieu, je n’ai pas empruntĂ© la voie classique des jeunes Ă©diteurs dont le travail essentiel consiste Ă  travailler sur un manuscrit pour le modeler en prĂ©vision de sa publication. J’avais dĂ©jĂ  envie de prendre des voies

qui ne semblent pas, a priori, les plus ordinaires
 Mon apprentissage a donc commencĂ© par ces liens un peu particuliers qu’il faut savoir Ă©tablir avec les auteurs, ce qui est l’essence mĂȘme du mĂ©tier d’éditeur. Il ne limite pas Ă  un simple contrat qu’on passe avec un auteur dont on attend ensuite patiemment le rendu de sa copie. C’est Ă©videmment une alchimie trĂšs diffĂ©rente qui doit s’opĂ©rer et cette premiĂšre expĂ©rience m’a beaucoup apportĂ©. Elle m’a permis de me situer plus prĂšs de la naissance d’un livre et de mieux comprendre par quelles souffrances, par quelles angoisses, par quelle patience passe l’auteur au moment d’écrire puis de livrer son manuscrit


Puisqu’on est lĂ  sur le plan de l’intimitĂ© profonde entre un auteur et son Ă©diteur, peut-ĂȘtre peut-on souligner que pour nombre de duos auteur/Ă©diteur, il s’agit de parvenir Ă  un moment oĂč la complicitĂ© est telle que l’auteur finisse par trouver trĂšs lĂ©gitime le fait que l’éditeur intervienne sur le manuscrit pour essayer de polir au plus prĂšs sa pensĂ©e


Vous avez raison, c’est trĂšs exactement ça. J’ai connu en particulier deux Ă©diteurs qui ont beaucoup comptĂ© pour moi, Nicole LattĂšs et Claude Durand, le PDG de Fayard, qui a Ă©tĂ© mon maĂźtre dans ce mĂ©tier. Il m’a appris Ă  quel point l’éditeur peut devenir indispensable Ă  l’auteur. L’écriture est un mĂ©tier de solitaire : certes, on se rĂ©veille le matin et on s’impose une rĂ©gularitĂ© dans l’écriture, mais on finit aussi tĂŽt ou tard envahi par le doute ou le dĂ©couragement en se demandant pour qui au juste on Ă©crit
 je pense sincĂšrement que si je suis un Ă©diteur, disons pas trop mauvais, c’est parce que je suis aussi un auteur. Claude Durand l’était. Jean-Marc Roberts aussi. Ce cas est hĂ©las moins frĂ©quent aujourd’hui


Puisque vous Ă©voquez votre activitĂ© d’auteur, on va rappeler que vous avez Ă©crit une biographie de François Mauriac dont les deux volumes ont Ă©tĂ© unanimement saluĂ©s comme une Ɠuvre remarquable par la critique, mais on se doit bien sĂ»r aussi d’évoquer votre rencontre avec Jacques Chirac. Avec l’ex-prĂ©sident de la RĂ©publique, vous avez entretenu une relation absolument privilĂ©giĂ©e en rĂ©digeant avec lui ses MĂ©moires, parus en 2009 et 2011 et qui se sont vendus Ă  plus de 500 000 exemplaires. Outre le fait que l’univers politique de Jacques Chirac ne vous Ă©tait pas inconnu puisque vous aviez envisagĂ© un temps une carriĂšre politique sous la banniĂšre du RPR, vous n’avez pas hĂ©sitĂ© longtemps pour vous lancer dans ce travail qui, Ă  l’évidence, allait marquer votre parcours d’écrivain


C’est Nicole LattĂšs, alors directrice de Robert Laffont, qui m’a informĂ©, peu avant un diner Ă  son domicile, que Jacques Chirac cherchait quelqu’un pour l’accompagner dans l’écriture de ses MĂ©moires. Elle m’a proposĂ© de le faire. Moi qui suis assez fascinĂ© par les grands hommes en gĂ©nĂ©ral, j’ai dĂ» mettre une seconde et demie Ă  lui dire oui ! C’est d’ailleurs Ă  cette Ă©poque-lĂ , on doit ĂȘtre dĂ©but 2008, que Daniel Rondeau a annoncĂ© qu’il quittait la direction de la Collection Bouquins. Et je me revois encore, sortant d’une rĂ©union avec Nicole LattĂšs oĂč nous avions parlĂ© du livre de Jacques Chirac

b GRAND ENTRETIEN — Jean-Luc BarrĂ© 9 №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

dans son bureau, revenir illico sur mes pas et lui dire : « Au fait, Nicole, je suis candidat pour Bouquins  » Le poste Ă©tait trĂšs convoitĂ©, quantitĂ© de candidats avaient Ă©crit des lettres de candidature, pas moi, qui a rĂ©agi Ă  l’instinct. Je suis donc devenu directeur de la Collection l’annĂ©e suivante tout en terminant l’écriture du premier volume des MĂ©moires de Chirac.

Parlons-en de ce travail avec l’exprĂ©sident. Vous ne l’aviez jamais approchĂ© personnellement durant sa longue carriĂšre politique. Dans ce contexte aussi particulier de la fin de sa carriĂšre politique qui Ă©tait rĂ©cente, et pour tout dire

de la fin de sa vie tout court, comment aborde-t-on la collaboration puis le travail avec une telle personnalité ? Et, plus prĂ©cisĂ©ment, comment pĂ©trit-on cette matiĂšre brute qu’il ne cesse de vous dĂ©livrer pour que soit au final publiĂ© un livre Ă  la hauteur de ses ambitions ?

Jacques Chirac ne se considĂ©rait pas comme un auteur, mais c’est lui qui a apportĂ© l’essentiel de ce livre, ses souvenirs, ses rĂ©flexions sans quoi rien n’aurait pu ĂȘtre Ă©crit. Se trouver devant lui Ă©tait souvent impressionnant, mais j’aimais et admirais cet homme de longue date et j’étais bien sĂ»r au courant de son Ă©tat de sa santĂ© que je savais fragile. Je me suis rendu compte

qu’en fait, il n’avait aucune envie d’écrire ses MĂ©moires et que c’est Claude, sa fille, qui l’avait beaucoup poussĂ© en ce sens. J’ai donc dĂ» commencer par le convaincre de l’intĂ©rĂȘt qu’il y avait Ă  les Ă©crire. Comme il Ă©tait trĂšs souvent dans l’autodĂ©rision, il me disait en rigolant : « Vous devriez signer le livre vous-mĂȘme, on mettrait “en collaboration avec Jacques Chirac” et ça ferait l’affaire. De toute façon, ça ne se vendra pas, je n’intĂ©resse plus personne  » Bon, on a quand mĂȘme vendu ses MĂ©moires Ă  500 000 exemplaires
 J’ai trĂšs vite compris que j’étais dans la position d’un acteur qui, pour entrer dans son rĂŽle, doit savoir se dĂ©doubler. Attention, je ne dis pas que je me prenais pour Jacques Chirac, mais je me suis senti quelque part tenu d’entrer dans sa peau pour parvenir Ă  atteindre notre but. Il fallait absolument que je comprenne tous les ressorts de cet homme et la maniĂšre dont il aurait pu s’exprimer s’il avait Ă©crit lui-mĂȘme son livre. Que je parvienne Ă  une forme de communion qui me permette de restituer sa voix, son ton, sa façon de s’exprimer. C’était assez difficile avec Chirac : il y avait chez lui cette espĂšce de gouaille, en privĂ©, qui ne pouvait Ă©videmment pas ĂȘtre restituĂ©e telle quelle dans ses MĂ©moires, et une forme d’humour qu’il fallait prĂ©server sans perdre de vue que l’homme qui s’exprimait avait occupĂ© les plus hautes fonctions. Il fallait restituer tout ça et je crois que nous y sommes parvenus. Mais aprĂšs lui, j’ai refusĂ© toute autre collaboration du mĂȘme genre parce que cette expĂ©rience Ă©tait restĂ©e Ă  mes yeux unique et irremplaçable. L’idĂ©e de travailler avec un historien et non un journaliste l’a rassurĂ©, de surcroĂźt.

À l’époque, nous en avions parlĂ© tous les deux. Et j’avais Ă©tĂ© alors frappĂ© par ce qui sautait aux yeux : vous l’aimiez, cet homme


Oui, profondĂ©ment. Je trouvais qu’il avait Ă©tĂ© un bien meilleur prĂ©sident de la RĂ©publique qu’on avait bien voulu dire. Je l’ai toujours trouvĂ© digne de la fonction. Force est de constater que ce fut plus rarement le cas aprĂšs lui. Non seulement j’aimais Jacques Chirac, mais j’avais adhĂ©rĂ© au RPR dĂšs l’ñge de dix-huit ans, nous avions le gaullisme en commun, mĂȘme si le sien Ă©tait davantage teintĂ© de pompidolisme. Le personnage m’avait toujours intriguĂ© et je m’étais souvent dit que je devais Ă©crire sur cet homme qu’on ne connaissait pas, au fond. Il faut dire qu’il ne faisait rien pour qu’on le connaisse mieux. Il y avait l’homme public puis l’homme tout court, loin, trĂšs loin derriĂšre. C’est sur le tard qu’on a fini par savoir qui il Ă©tait vraiment : aujourd’hui,

b GRAND ENTRETIEN — Jean-Luc BarrĂ© 10 №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

« Moi qui essaie d’ĂȘtre romancier, mais qui suis aussi biographe, et qui ai

des ressorts intimes des individus, c’est sans doute ce qui m’a le plus intĂ©ressĂ© chez Jacques Chirac. »

quand je vais au musĂ©e du quai Branly, je sais que Jacques Chirac est lĂ . Il est lĂ  dans ce monde qui Ă©tait son monde intĂ©rieur. En Ă©crivant ce livre, j’ai aimĂ© un homme dont je cherchais Ă  rĂ©soudre l’énigme, en quelque sorte. Nous avons pu terminer ses MĂ©moires avant que la maladie ne l’affaiblisse trop et ne finisse par l’emporter quelques annĂ©es plus tard. Je voyais bien que quand j’arrivais dans son bureau, il Ă©tait content que je sois lĂ . Notre travail en commun a fini par le galvaniser et il l’a Ă©tĂ© encore plus avec le succĂšs du premier tome, en 2009. Sa confiance envers la suite du projet s’en est trouvĂ©e renforcĂ©e. Deux ans plus tard, Ă  la fin du second volume, il Ă©tait encore bien, mais il devait alors affronter son procĂšs. Il y tenait absolument avec ce cĂŽtĂ© « cheval fou » qu’il gardait encore malgrĂ© le grand Ăąge et qui affolait ses proches. En juin 2011, il a quand mĂȘme rĂ©alisĂ© un acte de transgression incroyable en appelant Ă  voter pour François Hollande contre Sarkozy. Je l’avais pressenti, cette volontĂ© de battre le prĂ©sident sortant, je l’avais vue mĂ»rir. Ce fut son dernier acte politique, une maniĂšre de signifier qu’il Ă©tait toujours en vie. Ensuite, il n’a pas pu se rendre Ă  son procĂšs, il a Ă©tĂ© condamnĂ© sans bien comprendre pourquoi et il s’est enfoncĂ© alors dans une longue nuit durant laquelle il n’avait plus aucune raison de se battre


Au final, que vous aura appris le fait de cĂŽtoyer aussi longuement et intensĂ©ment un tel homme d’État ?

Cela m’a appris Ă  toujours essayer de voir au-delĂ  des apparences, cela m’a donnĂ© une plus grande curiositĂ© encore pour comprendre les ressorts secrets des gens de pouvoir. Moi qui essaie d’ĂȘtre romancier, mais qui suis aussi biographe, et qui ai cette curiositĂ© des ressorts intimes des individus, c’est sans doute ce qui m’a le plus intĂ©ressĂ© chez Jacques Chirac. J’ai compris Ă  quel point on peut construire tout un destin sur Ă  peu prĂšs le contraire de ce que l’on est profondĂ©ment. Elle a Ă©tĂ© lĂ , la tragĂ©die de Chirac. C’est un homme qui n’a pas construit sa vie sur ce qu’il souhaitait ou aimait, mais sur ce qu’il s’est laissĂ© imposer. C’est le mystĂšre de la construction de soi, que j’avais dĂ©jĂ  abordĂ© avec un livre sur le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, comment on se construit quand on est un tel homme politique et comment tout ce parcours peut ĂȘtre jalonnĂ© de malentendus et de contresens. C’est en cela que j’ai parfois senti chez lui un homme moins heureux qu’il voulait le laisser paraĂźtre.

Je voudrais terminer en recueillant vos sentiments sur le monde de l’édition. Ce secteur est aujourd’hui traversĂ© par des Ă©vĂ©nements considĂ©rables, liĂ© Ă  la

cession du groupe Éditis, auquel votre maison d’édition Bouquins appartient, cette cession devant permettre Ă  Vincent BollorĂ© de prendre dĂ©finitivement le contrĂŽle du groupe LagardĂšre et de son fleuron, Hachette.

La direction d’Éditis m’a fait confiance pour diriger une des maisons qui lui appartiennent encore Ă  l’heure oĂč nous nous parlons. J’ai pris un jour un petitdĂ©jeuner avec Vincent BollorĂ© et il m’a expliquĂ© pourquoi il s’intĂ©ressait au monde de l’édition. Sa mĂšre avait Ă©tĂ© lectrice chez Gallimard, son oncle l’un des fondateurs des Ă©ditions de La Table Ronde aprĂšs la LibĂ©ration. Pour autant, je n’ai jamais Ă©tĂ© associĂ© Ă  son projet de fusion avec Hachette, qui ne relevait pas de mes compĂ©tences. Ce que je puis dire, en revanche, c’est que depuis deux ans, je n’ai jamais subi la moindre pression de qui que ce soit Ă  l’intĂ©rieur du groupe. J’ai toujours pu agir sur le plan Ă©ditorial avec une libertĂ© et une autonomie totales. Je ne suis pas sĂ»r que j’aurais trouvĂ© les mĂȘmes dans d’autres maisons prĂ©sumĂ©es vertueuses. Ceci dit, comme tout le monde, je souhaite qu’on retrouve trĂšs vite une stabilitĂ© indispensable Ă  notre propre Ă©quilibre professionnel, Ă  la qualitĂ© de nos relations avec les auteurs et Ă  la rĂ©ussite de nos objectifs communs  » b

cette curiosité
b GRAND ENTRETIEN — Jean-Luc BarrĂ© 11 №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

EXPOS TGV

Munch, Kokoschka, Monet, Mitchell, Neel, Street Art, Hyperréalisme 


Le cru Paris-2022 est exceptionnel !

Comme chaque dĂ©but d’hiver, revient l’immense plaisir de vous inciter Ă  visiter durant les fĂȘtes de fin d’annĂ©e les grandes (et moins grandes
) expos de la capitale, dĂ©sormais si facilement accessibles grĂące au prĂ©cieux TGV. Sur les cimaises des musĂ©es parisiens de cette fin d’annĂ©e, l’art scintille de toutes parts. RĂ©servez train et hĂŽtel, on s’occupe du reste, marchez sur nos pas


c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS
Jean-Luc Fournier Jean-Luc Fournier
12 c DOSSIER – Expos TGV
Exposition Monet – Mitchell à la Fondation Louis Vuitton

MUSÉE D’ORSAY

Edvard Munch, le merveilleux indocile

C’est bien sĂ»r l’expo-Ă©vĂ©nement de cette fin d’annĂ©e Ă  Paris et les impressionnantes files de visiteurs qui se forment sur le parvis d’Orsay sont lĂ  pour attester de la rĂ©elle attente du public concernant un des monstres sacrĂ©s de la peinture du dĂ©but du XXe siĂšcle. Par la grĂące d’un accrochage d’une rare pertinence, « Edvard Munch, un poĂšme de vie, d’amour et de mort » est une expo qui se vit avec un plaisir infini, chaque visiteur ayant bien conscience qu’on cĂŽtoie lĂ  le plus prĂ©cieux d’une Ă©poque quasi indĂ©passable de l’histoire de l’art


Une confirmation, tout d’abord : le cĂ©lĂ©brissime  Le Cri  n’est pas lĂ  (mais une petite lithographie l’évoque). Inutile, cependant, de chercher des poux dans la tĂȘte des promoteurs de l’expo d’Orsay, la prestigieuse toile est dĂ©sormais sertie pour toujours dans l’écrin du tout nouveau MusĂ©e Munch d’Oslo, ce spectaculaire bĂątiment de verre et d’acier, reconnaissable entre mille par son plan inclinĂ© supĂ©rieur, qui domine de ses soixante mĂštres de haut la capitale norvĂ©gienne qui vient de l’inaugurer. De toute façon, depuis son vol en 2004 (en mĂȘme temps qu’une autre toile trĂšs connue du peintre norvĂ©gien La Madone) et, deux ans plus tard, le retour des deux Ɠuvres retrouvĂ©es (mais pas les voleurs), Le Cri est devenu un vĂ©ritable trĂ©sor national et ne voyage plus.

Son absence est parfaitement assumĂ©e et on ira mĂȘme jusqu’à dire qu’elle permet de braquer les projecteurs sur l’Ɠuvre prolifique (plus de 1 700 toiles, dessins,

lithographies en prÚs de soixante ans
) du maßtre norvégien.

LibĂ©rĂ©e du carcan de cette toile emblĂ©matique mondialement connue, la commissaire de l’exposition (et toute nouvelle directrice du musĂ©e de l’Orangerie) Claire Bernardi nous offre le magnifique cadeau de nous prĂ©senter une centaine de toiles et de dessins constituant un formidable aperçu de la totalitĂ© de l’Ɠuvre du peintre norvĂ©gien.

La maladie, la folie et la mort

Edvard Munch fut le contemporain septentrional des Kandinsky et autres Klimt, Schiele, Kokoshka (lire l’article page 18), tous acteurs de l’Art moderne, cette pĂ©riode bĂ©nie de l’histoire de l’art. Pour autant, largement autodidacte, il est au final inclassable puisqu’on dĂ©cĂšle dans sa peinture des influences naturalistes, impressionnistes, fauvistes, lui, qu’on considĂšre aussi comme un des prĂ©curseurs de l’expressionnisme.

Fournier CC BY 4.0
– Dag Fosse/KODE – Gundersen
c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS
Jean-Luc
Munchmuseet
Collection/Morten Henden Aamot
14 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

L’expo parisienne d’Orsay montre bien son indocilitĂ© et sa grande libertĂ© esthĂ©tique, Munch se prĂ©occupant uniquement, en dehors de toute contrainte, de fixer sur une multitude de supports sa vision personnelle et intime du monde et de la vie.

Ainsi, les thĂ©matiques morbides traversent toute son Ɠuvre. Dans un de ses innombrables carnets de notes, Munch Ă©crit : « La maladie, la folie et la mort Ă©taient les anges noirs qui se sont penchĂ©s sur mon berceau ». Comment pouvait-il en ĂȘtre moment : la tuberculose lui enlĂšve sa mĂšre alors qu’il est seulement ĂągĂ© de cinq ans, cette mĂȘme maladie faisant disparaitre, dix ans plus tard, Sophie, sa sƓur ainĂ©e. À l’ñge adulte, Laura, une autre de ses sƓurs, sera internĂ©e Ă  vie pour d’intenses troubles psychiatriques et son frĂšre Andrea dĂ©cĂ©dera brutalement d’une pneumonie, Ă  l’ñge de vingt-cinq ans. Parmi d’autres, quatre Ɠuvres symbolisent cette importante et incontestable part de noirceur : une lithographie de L’enfant malade (la

toile originale date de 1885-86) oĂč la mort s’apprĂȘte Ă  engloutir une pauvre enfant au visage diaphane, DĂ©sespoir (1892) oĂč l’on retrouve le ciel tourmentĂ© du Cri accablant la forme d’un homme sans visage qui fixe le noir qui coule sous la rambarde d’un pont, le cĂ©lĂ©brissime tableau SoirĂ©e sur l’avenue Karl-Johan (1892) avec le dĂ©filĂ© des bourgeois des rues de Christiana devenus des spectres aux visages sans expression mangĂ©s par des yeux fixes et inhabitĂ©s et enfin, Vampyr (1895) cette somptueuse allĂ©gorie de la cruautĂ© de l’amour, cette toile superbement traversĂ©e par la lumiĂšre provenant de la criniĂšre rousse qui dĂ©vore


Toute l’Ɠuvre d’un gĂ©ant


Heureusement, l’exposition d’Orsay, dans son souci de prĂ©senter la palette complĂšte des talents de Munch, propose Ă©galement, en majestĂ©, les « extĂ©rieurs » du peintre norvĂ©gien, si dĂ©licatement matĂ©rialisĂ©s

« L’exposition d’Orsay, dans son souci de prĂ©senter la palette complĂšte des talents de Munch, propose Ă©galement, en majestĂ©, les “extĂ©rieurs” du peintre norvĂ©gien. »
15 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Edvard Munch, Vampyr, 1895

par Les jeunes Filles sur le pont (1927) –a-t-on mieux qu’Edvard Munch rĂ©ussi Ă  fixer sur une toile la lumiĂšre si particuliĂšre des rĂ©gions septentrionales ? – ce tableau Ă©tant aussi prolongĂ© par une superbe gravure sur bois, prouvant l’universalisme de la dĂ©marche de l’artiste, rĂ©pĂ©tant souvent les mĂȘmes motifs et les mĂȘmes thĂ©matiques en peinture, en gravure, en sculpture
 Sans prĂ©tendre rivaliser Ă  distance avec l’exhaustivitĂ© de la plus belle des expositions jamais montĂ©es sur Munch (c’était en 2003 pour la rĂ©ouverture de l’Albertina de Vienne avec toutes les toiles majeures de l’Ɠuvre du NorvĂ©gien, dont Le Cri, et une invraisemblable kyrielle de Madone sur tous les supports possibles, huile sur toile, fusain, gravure, sculpture sur bois
), l’expo parisienne s’attache formidablement Ă  rendre hommage Ă  un artiste rĂ©ellement hors du commun.

Indocile, vous dit-on : en 1937, 82 de ses toiles se verront classĂ©es (quel hommage !) comme « art dĂ©gĂ©nĂ©ré » par l’Allemagne nazie. Sept annĂ©es plus tard, sous l’occupation de la capitale norvĂ©gienne par l’armĂ©e allemande et malgrĂ© la soumission quasi totale des Ă©diles municipaux d’alors, la NorvĂšge organisera pour son peintre emblĂ©matique des obsĂšques quasi nationales.

Ultime touche de raffinement : la coĂ©dition avec la RMN d’un petit livre, Mots de Munch, oĂč, en regard de la plupart des Ɠuvres du maĂźtre norvĂ©gien, figurent ses innombrables citations. Parmi elles, celle-ci, datant de 1930, « Nous ne mourons pas, c’est le monde qui meurt et nous abandonne »  c

EDVARD MUNCH, UN POÈME DE VIE, D’AMOUR ET DE MORT

Jusqu’au 22 janvier 2023 MusĂ©e d’Orsay Paris (7e)

TĂ©l. : 01 40 49 48 14 du mardi au dimanche, de 9h30 Ă  18h, le jeudi jusqu’à 21h45

AccĂšs : MĂ©tro ligne 12, station SolfĂ©rino

Billetterie (prudent de rĂ©server) : www.musee-orsay.fr

EntrĂ©e de 10 € Ă  16 € (bravo pour ces prix modĂ©rĂ©s !)

Rosa Bonheur, la star de la peinture animaliĂšre

Orsay fĂȘte le bicentenaire de la naissance de Rosa Bonheur, cette dessinatrice-virtuose et peintre lĂ©gendaire du rĂšgne animal.

c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS
Edvard Munch, SoirĂ©e sur l’avenue Karl Johan, 1892 ET PUISQUE VOUS ÊTES TOUJOURS AU MUSÉE D’ORSAY
 Edvard Munch, Madonna, 1895
16 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
17 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

MUSÉE D’ART MODERNE DE PARIS c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS

Si elle existait, sa collection de passeports dirait tout du destin d’Oskar Kokoschka, lui qui fut successivement de nationalitĂ© austrohongroise, tchĂ©coslovaque, britannique et enfin autrichienne, au fil des Ă©vĂ©nements de ce XXe siĂšcle qui ont bouleversĂ© l’Europe. L’anecdote ne vaut pas que pour son originalité : c’est bien l’engagement permanent qui a dictĂ© les pĂ©rĂ©grinations gĂ©ographiques de ce peintre peu montrĂ© en France et Ă  qui le MusĂ©e d’Art Moderne de Paris offre enfin l’exposition qui lui manquait dans notre pays


Oskar Kokoschka, Le joueur de transe (Ernst Reinhold), 1909

S

on nom scintille pour l’éternitĂ© parmi ceux des fameux SĂ©cessionnistes viennois fĂ©dĂ©rĂ©s par Gustav Klimt dĂšs la toute fin du XIXe siĂšcle et qui créÚrent de toutes piĂšces le mouvement de l’Art nouveau, cet Ă©crin brillantissime d’une inoubliable kyrielle d’Ɠuvres majeures. Oui, Ă  peine ĂągĂ© d’une vingtaine d’annĂ©es, Oskar Kokoschka se mesurait dĂ©jĂ  avec les Gustav Klimt, Egon Schiele, Koloman Moser, les architectes Josef Hoffmann, Josef Maria Olbrich et Otto Wagner et une flopĂ©e d’artistes rĂ©unis autour du concept d’art total au sein du Wiener WerkstĂ€tte (L’Atelier d’Art de Vienne).

L’oubli est donc rĂ©parĂ© et on le doit Ă  Fabrice Hergott, l’ex-directeur des MusĂ©es de la Ville de Strasbourg, poste qu’il quitta en 2006 pour justement prendre la direction du MusĂ©e d’Art Moderne de Paris. Depuis, dans la capitale europĂ©enne, le dĂ©part de Fabrice Hergott reste unanimement regrettĂ© par toutes celles et ceux qui aiment l’art


Ce sont donc prùs de 150 toiles et Ɠuvres sur papier qui rendent enfin

18 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

Oskar Kokoschka, l’engagĂ© forcenĂ© Jean-Luc Fournier Fondation Oskar Kokoschka/Adago
Oskar Kokoschka, Autoportrait, 1917 19 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

hommage Ă  Oskar Kokoschka dans les immenses salles du musĂ©e de l’avenue du prĂ©sident Wilson, Ă  deux pas du TrocadĂ©ro. Bien sĂ»r, elles couvrent toutes les Ă©poques de l’Ɠuvre de l’artiste, les toutes derniĂšres Ă©tant aussi bien reprĂ©sentĂ©es que ses premiers pas viennois.

Un engagement total

Il y a donc Vienne, jusqu’à la PremiĂšre Guerre mondiale. La Grande Faucheuse n’aura pas voulu d’Oskar Kokoschka qui, griĂšvement blessĂ© Ă  deux reprises, rĂ©ussit nĂ©anmoins Ă  survivre. En 1916, dĂ©mobilisĂ©, il rejoint son galeriste Paul Cassirer qui Ɠuvre Ă  Berlin puis il enseigne Ă  Dresde jusqu’en 1923. Dans la dĂ©cennie suivante, ponctuĂ©e par de nombreux sĂ©jours Ă  Paris et Ă  Londres, villes oĂč il Ă©tait strictement inconnu avant sa venue, il voyagera beaucoup, en Europe, mais aussi en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

Son retour Ă  Vienne, en 1932, assoira sa notoriĂ©tĂ© devenue internationale. Mais c’est Ă  Prague qu’il rĂ©sidera ensuite pendant quatre ans, cette capitale de la TchĂ©coslovaquie qu’il fuira Ă©galement, sentant arriver l’occupation nazie. À Londres de 1938 Ă  1946, il finira par se fixer en Suisse jusqu’à sa mort en 1980 Ă  l’ñge de 94 ans.

C’est peu dire que, si peu casanier, le sĂ©cessionniste viennois fut marquĂ© Ă©galement par ces deux terribles guerres

mondiales des annĂ©es de plomb du XXe siĂšcle durant lesquelles son engagement fut total. EngagĂ© volontaire en 1914 puis farouche opposant aux hordes nazies montantes Ă  la fin des annĂ©es trente ce qui lui valut de figurer parmi les artistes de l’art dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© en 1937, un an aprĂšs qu’une de ses toiles se vit dĂ©coupĂ©e au couteau par un abruti apprenti-gestapiste Ă  Vienne. Beaucoup de ses toiles ont par ailleurs disparu ensuite, lors des spoliations antisĂ©mites.

À Paris et Ă  Londres, on releva son nom parmi les adhĂ©rents des associations venant en aide aux artistes allemands en exil. AprĂšs la guerre, Kokoschka continua son parcours militant, s’opposant Ă  la prolifĂ©ration de l’arme nuclĂ©aire, affichant sans relĂąche son pacifisme et soutenant avec force l’Union europĂ©enne alors naissante. Jusqu’à sa mort, sa rage de peindre ne faiblira pas et il ne cessera d’affirmer jusqu’au bout sa conviction que la peinture, par sa subversion, est une arme essentielle pour lutter contre les dictatures.

OSKAR KOKOSCHKA, UN FAUVE À VIENNE

Jusqu’au 12 fĂ©vrier 2023 MusĂ©e d’Art Moderne de Paris 11 avenue du prĂ©sident Wilson Paris (16e)

TĂ©l. : 01 53 67 40 00 du mardi au dimanche, de 10h Ă  18h, le jeudi jusqu’à 21h30

AccĂšs : MĂ©tro ligne 9, stations IĂ©na ou AlmaMarceau

Billetterie : www.mam.paris.fr EntrĂ©e de 12 € Ă  16 € (bravo lĂ  encore pour ces prix modĂ©rĂ©s !)

L’expo du MusĂ©e d’Art Moderne de Paris fait la part belle Ă  ses fameux portraits qui le firent connaĂźtre dans le monde entier, particuliĂšrement ceux manifestement

inspirĂ©s des techniques et couleurs des Nolde, Kirchner et autres artistes du mouvement Die BrĂŒcke créé Ă  Dresde en 1905.

D’entrĂ©e, dĂšs le seuil de l’expo, on dĂ©couvre le portrait de son ami Ernst Reinhold, un comĂ©dien, qui nous hypnotise avec son Ă©trange regard bleu, mais on se sent trĂšs vite perturbĂ© par les quatre phalanges boursouflĂ©es de sa main gauche, apparaissant comme une puissante griffe animale


Une grande partie de l’Ɠuvre de OK (sa signature emblĂ©matique) Ă©chappe pour beaucoup Ă  la comprĂ©hension usuelle, car ses toiles sont souvent autant d’allĂ©gories assez mystĂ©rieuses oĂč le grotesque le dispute Ă  la colĂšre et mĂȘme la rage. C’est cet engagement permanent, presque atavique, qui fit dĂ©boucher le peintre autrichien en pleine lumiĂšre et qui, aujourd’hui, frappe par sa modernitĂ© au point que beaucoup de ses Ɠuvres d’aprĂšs-guerre pourraient de nos jours figurer sans problĂšme sur les cimaises des plus grands rendez-vous mondiaux de l’art contemporain.

Rien de cela n’a Ă©chappĂ© Ă  Fabrice Hergott, qui cite dans son avant-propos publiĂ© dans le catalogue de l’exposition, la formule de l’écrivain autrichien de l’entredeux-guerres Karl Kraus selon laquelle « le grand mensonge qu’est l’art parvient Ă  dire la vĂ©rité ». L’Ɠuvre de Oskar Kokoschka est une des plus belles illustrations de la pertinence de ce propos
 c

Oskar Kokoschka, Londres – Petit paysage de la Tamise, 1926
« Ce grand mensonge qui parvient Ă  dire la vĂ©rité  »
20 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Par autan Théùtre du Radeau | François Tanguy 6 | 14 janv FRATERNITÉ, Conte fantastique Caroline Guiela Nguyen | Les Hommes Approximatifs 12 | 20 janv Un sentiment de vie CRÉATION AU TNS Claudine Galea * | Émilie Charriot 17 | 27 janv Odile et l’eau Anne Brochet 2 | 10 fĂ©v Comme tu me veux Luigi Pirandello | StĂ©phane Braunschweig 27 fĂ©v | 4 mars * Autrice associĂ©e au TNS FRATERNITÉ, Conte fantastique © Jean-Louis Fernandez 03 88 24 88 24 | tns.fr | #tns2223 T NS Théùtre National de Strasbourg
Jean-Luc Fournier Fondation Louis Vuitton – Jean-Luc Fournier c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS Monet et Mitchell : ils se sont enfin rencontrĂ©s
 FONDATION LOUIS VUITTON 22 c DOSSIER – Expos TGV №47 – DĂ©cembre 2022 – Merveilles

Joan Mitchell, la peintre expressionniste abstraite amĂ©ricaine est nĂ©e en 1925, Ă  peine deux ans avant la disparition du pĂšre de l’impressionnisme, Claude Monet. Et pourtant, magie de l’art et du talent de la directrice artistique de la Fondation Vuitton, l’impressionnante Suzanne PagĂ©, le vieux lion et la viscĂ©rale anticonformiste se sont enfin rencontrĂ©s Ă  l’aube de la troisiĂšme dĂ©cennie de ce XXIe siĂšcle. Outre la rĂ©trospective de l’artiste amĂ©ricaine au niveau -1 de la Fondation, le dialogue Monet/Mitchell se dĂ©voile sur les trois niveaux supĂ©rieurs du bĂątiment et le tout surprend et Ă©merveille


23 c DOSSIER – Expos TGV №47 – DĂ©cembre 2022 – Merveilles

Avant tout, il faut faire part d’une intense Ă©motion que tous les amateurs d’art qui visiteront la Fondation Vuitton d’ici le 27 fĂ©vrier prochain vivront comme un cadeau prĂ©cieux et incroyable.

Dans la monumentale Galerie 9 de la Fondation, un mur immaculĂ© et immense accueille le majestueux triptyque L’Agapanthe, peint par Claude Monet vers la toute fin de sa vie, Ă  partir de 1914, dans le cadre de ce qu’il a appelĂ© « Les Grandes DĂ©corations ». Monet a fait construire un atelier spĂ©cial pour pouvoir crĂ©er ces trĂšs grands formats dont aucun ne sera jamais montrĂ© avant sa mort, douze annĂ©es plus tard. « DĂšs lors, il ne reprĂ©sentera plus le monde tel qu’il le voit, mais il imagine un monde de peinture. Produire des Ɠuvres pleines d’harmonie est pour lui une forme de rĂ©sistance au chaos de la guerre » dit Marianne Mathieu, directrice scientifique du MusĂ©e Marmottan Monet qui a contribuĂ© Ă  l’évĂ©nement de la Fondation Vuitton. Oui, il faut sortir les superlatifs pour

faire partager l’émotion suscitĂ©e par cette Ɠuvre quasi incroyable. Les trois panneaux constituent un triptyque de treize mĂštres de long pour une hauteur de deux mĂštres ! Monet a mis dix ans pour le rĂ©aliser, modifiant et remodifiant plusieurs fois la composition de ce bassin de nymphĂ©as oĂč domine un mauve lavande d’une infinie douceur


Mais le plus ahurissant est ailleurs : cette Ɠuvre n’a non seulement jamais Ă©tĂ© vue par le public français sur le territoire national, mais ses trois Ă©lĂ©ments ont Ă©tĂ© rĂ©unis par Suzanne PagĂ© en provenance de trois musĂ©es amĂ©ricains diffĂ©rents. Le premier a Ă©tĂ© expĂ©diĂ© par le Saint-Louis Art Museum qui en a fait l’acquisition en 1956. Le second, celui du milieu, est arrivĂ© en provenance du Nelson-Atkins Museum de Kansas City qui en est devenu propriĂ©taire en 1957. Enfin, la troisiĂšme partie du prestigieux triptyque a Ă©tĂ© acquise par le Cleveland Museum of Art en 1960. Tour Ă  tour, se prĂȘtant mutuellement leurs

c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS
« Oui, il faut sortir les superlatifs pour faire partager l’émotion suscitĂ©e par cette Ɠuvre quasi incroyable. »
Joan Mitchell Two pianos
24 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

acquisitions, ces trois institutions ont accueilli la totalitĂ© de l’Ɠuvre Ă  la fin des annĂ©es 1970, avant que la Royal Academy of Art de Londres en fasse de mĂȘme, en 2016, dans une prĂ©sentation en U des trois Ă©lĂ©ments.

Presque un siĂšcle aprĂšs sa rĂ©alisation en France par Claude Monet, L’Agapanthe peut donc enfin ĂȘtre vu Ă  Paris dans son intĂ©gritĂ©. C’est Ă©videmment un Ă©vĂ©nement considĂ©rable et unique
 et le public peut donc enfin admirer sans compter les grands espaces colorĂ©s par ces « radeaux de nĂ©nuphars » comme le dit Suzanne PagĂ© « et la grande libertĂ© dans les touches, la subtilitĂ© de palette, avec des notes pĂȘche, lavande, roses, lilas. Monet est parti d’une reprĂ©sentation rĂ©aliste pour aboutir Ă  un rĂ©sultat presque abstrait » complĂšte-t-elle.

Enfin, la rencontre


La prouesse de la reconstitution originelle de L’Agapanthe s’inscrit donc dans le cadre de cette formidable rencontre Monet – Mitchell. La peintre expressionniste abstraite amĂ©ricaine n’avait certes que deux ans quand Claude Monet rendit son dernier soupir, mais, dĂ©jĂ  reconnue sur la scĂšne amĂ©ricaine de l’aprĂšs-Seconde Guerre mondiale, elle s’enticha trĂšs vite de Paris en multipliant les aller-retour entre la France et son atelier de Saint Mark’s Place Ă  New York. À l’évidence pour finir de marquer sa farouche indĂ©pendance, elle s’installa dĂ©finitivement dans la capitale française, rue FrĂ©micourt, au dĂ©but des annĂ©es soixante.

Elle qui avait toujours tenu Ă  imposer son propre rythme et dicter ses propres rĂšgles ne pouvait certes pas ignorer la peinture de Monet, plĂ©biscitĂ©e depuis longtemps par les États-Unis qui le considĂ©rĂšrent trĂšs tĂŽt comme le prĂ©curseur du modernisme amĂ©ricain.

Joan Mitchell avait-elle en tĂȘte les conditions d’une rencontre encore plus intime avec Claude Monet quand, en 1968, elle dĂ©cida de s’établir Ă  VĂ©theuil, Ă  l’orĂ©e de la Normandie, dans une propriĂ©tĂ©, La Tour, sertie dans une nature si superbe que les paysages qui l’entouraient n’allaient plus jamais cesser ensuite de l’inspirer ?

Le plus extraordinaire est cependant ailleurs : quand les yeux de Joan Mitchell embrassaient les panoramas qui s’offraient Ă  ses yeux, elle fondait alors son regard avec celui de Claude Monet qui, pendant quatre ans, jusqu’en 1881, vĂ©cut dans une maison Ă  quelques centaines de mĂštres en contrebas de la propriĂ©tĂ© de l’AmĂ©ricaine !

C’est cette magie-lĂ  qu’on retrouve sur les murs de la Fondation Vuitton, cette couleur qui interfĂšre en permanence avec la lumiĂšre, l’eau dont les effets miroirs sont archiprĂ©sents chez les deux artistes (Le bassin aux nymphĂ©as pour lui, la Seine pour elle) et surtout, bien sĂ»r, les grands formats (depuis toujours pratiquĂ©s pour elle et enfin affrontĂ©s Ă  la fin de sa vie, pour lui).

Quand on sait cela, on est en permanence Ă  la recherche de cette complicitĂ© Ă  des dĂ©cennies de distance et souvent, elle saute aux yeux. C’est plus qu’émouvant de voir leurs paysages se fondre dans ces ocĂ©ans de couleurs, tout en douceur chez Monet avec l’application de frottis monochromes, beaucoup plus brutalement chez Mitchell dont les touches Ă©nergiques ont scandĂ© l’ensemble de l’Ɠuvre.

Cette expo unique ne doit pas ĂȘtre ratĂ©e. On a envie de dire « Merci Mme Pagé » d’avoir su diriger notre regard vers la magie du travail de ce couple improbable, mais si formidablement rĂ©uni
 c

MONET-MITCHELL

Jusqu’au 27 fĂ©vrier 2023 Fondation Louis Vuitton 8 Av. du Mahatma Gandhi Paris (16e)

TĂ©l. : 01 40 69 96 00

En pĂ©riode de vacances scolaires : du lundi au jeudi de 9h Ă  21h ainsi que les samedis et dimanches. Le vendredi de 9h Ă  23h.

AccĂšs : Navette (payante) au dĂ©part du haut de l’avenue de Friedland (face au n° 44), prĂšs de l’Étoile.

Billetterie : www.fondationlouisvuitton.fr

EntrĂ©e de 5 € Ă  16 € Billet famille panachable.

Claude Monet Nympheas, 1910/1918
25 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

«

I am the century - Je suis le siĂšcle » avait coutume de dire Alice Neel nĂ©e en janvier 1900 et dĂ©cĂ©dĂ©e en 1984. Trop longtemps occultĂ©e de son vivant, la peintre rĂ©aliste amĂ©ricaine se voit enfin offrir sa rĂ©trospective en France. Et c’est une dĂ©marche provocatrice intense et ininterrompue que le Centre Pompidou expose sur ses cimaises, une recherche permanente de la vĂ©ritĂ© qui n’aura jamais craint de bousculer durant des dĂ©cennies. C’est bluffant


Il suffit de lire le rĂ©cit des trois premiĂšres dĂ©cennies de Alice Neel pour comprendre cette rage qui l’a habitĂ©e quasi en permanence et qui, Ă  l’évidence, a rugi sur ses peintures, de la premiĂšre Ă  la derniĂšre.

NĂ©e donc avec le XX e  siĂšcle en Pennsylvanie, elle intĂšgre dĂšs ses dix-huit ans la Philadelphia School of Design, non sans avoir servi son pays en tant que secrĂ©taire au sein de l’Army Air Corps. En 1924, elle se marie avec Carlos Enriquez, un artiste cubain. Tous deux s’installent Ă  Cuba oĂč nait leur fille deux ans plus tard. Santillana del Mar ne vivra qu’un an, emportĂ©e par la diphtĂ©rie alors que le couple venait juste de rentrer Ă  New York.

L’annĂ©e suivante nait une seconde petite fille, Isabetta, mais deux ans plus tard, Enriquez rentre brutalement Ă  Cuba, enlevant Isabetta Ă  l’affection de sa mĂšre. DĂ©sespĂ©rĂ©e, Alice Neel tombe dans une grave dĂ©pression et tente de se suicider. Elle sĂ©journera pendant un an dans un hĂŽpital psychiatrique. Nous sommes Ă  la veille du krach de 1929 et son cortĂšge de malheurs


TĂ©moigner des dĂ©laissĂ©s de la sociĂ©té 

DĂšs 1931, Alice Neel entamera son long parcours artistique, sans doute dĂ©jĂ  bien mĂ»ri par une farouche volontĂ© de peindre envers et contre tout. Elle vivra un autre dramatique Ă©pisode en 1934 quand son compagnon d’alors brĂ»lera ses dessins et lacĂšrera ses tableaux, suite Ă  une crise de jalousie. Se relevant une fois de plus, elle se met alors Ă  peindre d’innombrables portraits de toutes les classes sociales vivant autour d’elle Ă  New York, de ses proches aussi –amis, amants, voisins, artistes, poĂštes, critiques d’art – mais aussi des dĂ©laissĂ©s et ignorĂ©s de la sociĂ©tĂ© – les immigrĂ©s latinos et portoricains, les Noirs, les petites frappes n’ayant que la rue pour royaume sans oublier, effet miroir, les mĂšres de famille Ă©levant seules leurs enfants.

CENTRE POMPIDOU c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS 26 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

Alice Neel, Rita and Hubert, 1954
Alice Neel nous impose ses modùles. Regardez-les ! Jean-Luc Fournier The Estate of Alice Neel

Dans les annĂ©es 50, elle n’échappera pas Ă  l’inquisition de la Commission McCarthy. Elle sera longuement interrogĂ©e puis inquiĂ©tĂ©e par le FBI en raison de sa proximitĂ© avec le parti communiste amĂ©ricain.

ParallĂšlement Ă  cette vie qui ne la mĂ©nage pas, elle continue Ă  peindre avec ce style engagĂ© et quasi brutal qui est le sien, affrontant crĂąnement la bonne sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine de l’époque. Bien entendu, elle n’a ainsi que peu de chance de voir ses toiles achetĂ©es par les mĂ©cĂšnes newyorkais d’alors, mais, pour autant, elle ne cĂšde rien. En 1963, elle expose enfin Ă  la Graham Gallery qui la reprĂ©sentera pendant les vingt annĂ©es suivantes.

Alice Neel ne cessera jamais de militer, dĂ©nonçant notamment l’absence d’artistes femmes et africains-amĂ©ricains dans l’exposition The 1930’s. Panting and sculpture in America au Whitney Museum of American Art. Elle s’élĂšve l’annĂ©e suivante contre l’absence d’artistes noirs dans l’expo Harlem on My Mind au MoMA.

En 1970, le vent commence enfin Ă  tourner : son portrait de la fĂ©ministe Kate Millet fait la une du Times Magazine, la plus belle vitrine que l’AmĂ©rique d’alors pouvait offrir Ă  un artiste. Andy Wahrol pose pour elle puis, en 1974 (elle a alors 74 ans !) survient la consĂ©cration : le Whitney Museum lui offre sa premiĂšre grande rĂ©trospective (un beau succĂšs). DĂšs lors, Alice Neel fera l’objet de toutes les attentions, y compris internationales.

En 1983 sortira sa premiÚre monographie, mais, atteinte par le cancer, la rebelle rassemblera ses derniÚres forces pour recevoir le célÚbre photographe Robert Mapplethorpe qui capturera son visage quelques jours seulement avant sa disparition, le 13 octobre.

Une femme libre et indépendante

Une telle vie conditionne bien sĂ»r toute l’Ɠuvre d’un artiste. L’expo parisienne a Ă©tĂ© montĂ©e par Angela Lampe, conservatrice

« Elle continue Ă  peindre avec ce style engagĂ© et quasi brutal qui est le sien, affrontant crĂąnement la bonne sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine de l’époque. »
27 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Alice Neel, Marxist Girl, Irene Peslikis, 1972

au MusĂ©e national d’Art Moderne intĂ©grĂ© au Centre Pompidou. Il suffit de l’écouter parler du choc Alice Neel et de la puissance de ses convictions : « Traversant les pĂ©riodes de l’abstraction triomphante, du pop art, de l’art minimal et conceptuel, Alice Neel, une femme libre et indĂ©pendante, est restĂ©e avec sa peinture figurative Ă  contre-courant des avant-gardes qui marquent la scĂšne de New York oĂč elle avait Ă©lu domicile au dĂ©but des annĂ©es 1930. Habitant dans les quartiers populaires et multiethniques – Greenwich Village d’abord, Spanish Harlem ensuite – Neel, vivant des aides sociales et mĂšre cĂ©libataire, se sent proche de ses modĂšles, auxquels elle cherche Ă  s’identifier. Son engagement n’est jamais abstrait, mais nourri de vraies expĂ©riences. Peindre l’histoire sans le filtre d’une proximitĂ© intime ne l’intĂ©resse pas. À l’instar de l’Ɠil de la camĂ©ra, Neel fait entrer dans notre champ de vision des personnes qui auparavant restaient dans l’obscuritĂ© et tombaient dans l’oubli. C’est son premier geste politique. Le second rĂ©side dans son choix de cadrage – une frontalitĂ© qui interpelle. L’artiste nous place droit devant ses modĂšles. Avec une grande puissance picturale, Neel nous les impose : regardez-les ! »

L’extrĂȘme cruditĂ© de l’Ɠuvre de Alice Neel n’est pas occultĂ©e dans cette rĂ©trospective française enfin consacrĂ©e Ă  la peintre rĂ©aliste amĂ©ricaine sans doute la plus marquante de la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle.

Jamais sans doute l’expression « la rage de peindre » n’aura Ă©tĂ© aussi Ă©vidente Ă  souligner
 c

Jusqu’au 16 janvier 2023 Centre Pompidou Paris (4e)

TĂ©l. : 01 44 78 12 33

Du mercredi au lundi de 11h Ă  21h

AccĂšs : MĂ©tro Ligne 1 Station HĂŽtel de Villes ou Ligne 4 Station Les Halles, RER A Station Les Halles

Billetterie : www.centrepompidou.fr

EntrĂ©e de 12 € Ă  15 €

c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS
« L’extrĂȘme cruditĂ© de l’Ɠuvre de Alice Neel n’est pas occultĂ©e dans cette rĂ©trospective française. »
28 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Alice Neel, Nazis Murder Jews, 1936

Ce Garouste qui bouscule nos certitudes

Pompidou consacre pas moins de dix-huit salles Ă  GĂ©rard Garouste, un des plus importants peintres français. Une exposition du vivant d’un artiste (Garouste est aujourd’hui ĂągĂ© de 76 ans) est bien sĂ»r un Ă©vĂ©nement rarissime et ce sont ainsi dix-sept Ɠuvres majeures (dont certaines sont monumentales) qu’on peut dĂ©couvrir


Peut-on (doit-on ?) dissocier la vie et l’Ɠuvre d’un artiste ? Éternel dĂ©bat. En tout cas, sous le signe de l’étude, mais aussi de la folie, la vie et l’Ɠuvre de GĂ©rard Garouste « l’intranquille » se nourrissent mutuellement en un dialogue complĂštement saisissant.

Adepte d’une figuration sans concession, le peintre dĂ©veloppe depuis toujours le sens Ă©nigmatique de ses Ɠuvres et n’hĂ©site pas Ă  mobiliser les grands rĂ©cits littĂ©raires classiques, telle la Divine ComĂ©die de Dante, qu’il utilise comme une sorte d’introduction aux diffĂ©rents niveaux de lecture biblique.

Depuis le milieu des annĂ©es 90, Garouste s’est consacrĂ© plus que longuement Ă  l’étude du Talmud et du Midrash et, dĂšs le dĂ©but du siĂšcle actuel, toute sa production artistique a Ă©tĂ© influencĂ©e par cette obsession.

Ses Ɠuvres mobilisent ainsi fortement le regard et la pensĂ©e, car elles sont dĂ©routantes, souvent indĂ©chiffrables pour le profane.

Parmi elles, deux moments d’étonnement : La Dive Bacchuc, une immense toile inspirĂ©e de Rabelais, tendue sur une sorte de manĂšge en fer battu de 7,52 m de diamĂštre (!). La toile est peinte sur ses deux faces, la face intĂ©rieure ne se dĂ©couvrant qu’à travers une douzaine d’Ɠilletons rĂ©partis sur tout le pourtour de l’Ɠuvre.

Vers la fin de l’exposition, au dĂ©tour d’un dĂ©cor du parcours, on est littĂ©ralement happĂ© par un immense triptyque de 9 mĂštres de long, Le Banquet, qui renvoie Ă  de multiples clĂ©s de lecture : la fĂȘte du Pourim, mais aussi Le Tintoret et mĂȘme Kafka. Un coup de poing au plexus !

Gérard Garouste

jusqu’au 2 janvier 2023

Centre Pompidou – Niveau 6, galerie 2 Paris (4e)

TĂ©l : 01 44 78 12 33

Du mercredi au lundi de 11h Ă  21h

Billetterie : www.centrepompidou.fr

ET PUISQUE VOUS ÊTES TOUJOURS AU CENTRE POMPIDOU (BIS)


Evidence, la belle surprise de Soundwalk Collective & Patti Smith

De la chance de possĂ©der un outil culturel exceptionnel et modulable Ă  souhait : au cƓur du Centre Pompidou, un sombre parallĂ©lĂ©pipĂšde gĂ©ant accueille une « Ɠuvre totale » surprenante et Ă©tincelante inspirĂ©e d’un emblĂ©matique triptyque de poĂštes français magnifiĂ©s par la voix lancinante de Patti Smith


Soundwalk Collective est un collectif berlinois d’arts sonores contemporains formĂ© par l’artiste Stephan Crasneanscki et la musicienne Simone Merli. Le collectif dĂ©veloppe des projets sonores spĂ©cifiques Ă  un lieu ou un contexte Ă  travers desquels il dĂ©roule des thĂšmes conceptuels, littĂ©raires ou artistiques. Soundwalk Collective accumule depuis l’origine les collaborations crĂ©atives, hier avec le regrettĂ© Jean-Luc Godard, la chorĂ©graphe Sasha Waltz, l’actrice Charlotte Gainsbourg et pour le Centre Pompidou, la chanteuse et l’auteur Patti Smith, qu’on ne prĂ©sente plus.

Evidence, c’est un parcours visuel et sonore qui tisse un voyage audiovisuel Ă  partir de l’Ɠuvre des poĂštes français Arthur Rimbaud, Antonin Artaud et RenĂ© Daumal qui, tous trois, ont voyagĂ© vers divers horizons pour tenter de dĂ©couvrir une nouvelle perspective d’eux-mĂȘmes et de leur art.

Entre 2017 et 2021, Soundwalk Collective a collaborĂ© Ă  la crĂ©ation de Perfect Vision, un triptyque d’albums qui puise son inspiration dans les textes de ces trois poĂštes.

Ces trois albums ont Ă©tĂ© enregistrĂ©s respectivement dans la Sierra Tarahumara au Mexique, les montagnes de l’Abyssinie en Éthiopie et au sommet de l’Himalaya en Inde.

Chaque album, restituĂ© par bribes dans le casque wifi dont chaque visiteur est Ă©quipĂ©, est revisitĂ© par la voix lancinante de Patti Smith. Alors, forcĂ©ment, mĂȘme si on ne dĂ©ambule que sur quelques mĂštres carrĂ©s, on voyage en XXL en rĂ©alitĂ© et l’expĂ©rience est assez fabuleuse, entre sons, films, images de synthĂšse, un mur d’objets ayant appartenu Ă  ces trois poĂštes mythiques sans oublier les photographies, les textes et les Ɠuvres de Patti Smith. Ne ratez pas ce moment unique et d’une folle originalitĂ©.

Evidence – Soundwalk Collective & Patti Smith

Jusqu’au 23 janvier 2023 – Centre Pompidou – Paris (4e)

TĂ©l : 01 44 78 12 33

Du mercredi au lundi de 11h Ă  21h

Billetterie : www.centrepompidou.fr

Attention ! L’installation Evidence est accessible au niveau 4 (Galerie 0) du Centre avec le billet d’entrĂ©e Collection (de 12 € Ă  15 €), mais la rĂ©servation d’un crĂ©neau horaire de visite est impĂ©rative et se fait aux guichets principaux au rez-de-chaussĂ©e. En mĂȘme temps, vous recevrez un bon pour l’indispensable casque audio individuel qui vous sera remis Ă  l’entrĂ©e de l’installation.

c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS
GĂ©rard Garouste, Pinocchio et la partie de dĂ©s, 2017 ET PUISQUE VOUS ÊTES TOUJOURS AU CENTRE POMPIDOU

29 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Jean-Luc Fournier
30 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

Corps Ă©tranger MUSÉE MAILLOL

AprĂšs une tournĂ©e internationale, de l’Australie Ă  la Belgique en passant par l’Espagne, l’exposition HyperrĂ©alisme. Ceci n’est pas un corps, s’installe en France, Ă  Paris, au MusĂ©e Maillol et jusqu’au 5 mars 2023. L’occasion de dĂ©couvrir un courant artistique qui, au-delĂ  de son incroyable technique, impressionne par les questionnements qu’il soulĂšve.

Mouvement apparu aux États-Unis dans les annĂ©es 60, l’hyperrĂ©alisme sculptural fait Ă©cho Ă  l’esthĂ©tique dominante de l’époque, le Pop art et le photorĂ©alisme. Ici, l’artiste hyperrĂ©aliste cherche Ă  atteindre la reprĂ©sentation parfaite de la nature et Ă  crĂ©er le trouble auprĂšs du spectateur. Formes, contours, textures, le corps humain est reproduit Ă  l’identique dans un mĂ©ticuleux travail d’illusion. Pari rĂ©ussi donc pour cette exposition qui rĂ©unit plus de 40 sculptures d’artistes internationaux de premier plan dont : George Segal, Ron Mueck, Maurizio Cattelan, Berlinde De Bruyckere, Duane Hanson, Carole A. Feuerman, John De Andrea
 À peine la visite commencĂ©e, on ne sait plus ce qui relĂšve de la copie ou de la rĂ©alitĂ© (Ăąmes sensibles, s’abstenir) et les visiteurs de parfois sursauter comme dans un musĂ©e des horreurs !

Tératologie et eschatologie

MĂȘme parfaitement reproduits, ces corps n’en sont pas moins monstrueux, car leur ressemblance et leur permanence nous renvoient Ă  notre condition humaine, changeante et Ă©phĂ©mĂšre. C’est lĂ  toute la force de l’exposition : montrer ces corps copies, ces corps miroirs qui nous interrogent sur le sens de nos vies. Bronze, plĂątre, silicone, rĂ©sine ou encore polystyrĂšne, les artistes utilisent diffĂ©rents matĂ©riaux, toujours Ă  la recherche d’un rendu faisant illusion. Pourtant, la copie pure n’est pas nĂ©cessairement la finalitĂ© du processus hyperrĂ©aliste. Le corps, parfaitement reproduit, est ainsi modifiĂ© en profondeur, toujours dans l’idĂ©e de rĂ©vĂ©ler son potentiel expiatoire. Corps dĂ©capitĂ©s, Ă©tirĂ©s, tatouĂ©s, en lĂ©vitation, anamorphosĂ©s, automatisĂ©s ou lycanthropes, les mises en scĂšne poussent le dispositif jusqu’au trouble, dans un jeu d’attirance-rĂ©pulsion qui donne Ă  rĂ©flĂ©chir. Mi-fascinĂ©, mi-effrayĂ©, l’on parcourt les salles Ă  la recherche d’un frisson alors que ce sont nos propres peurs qui s’expriment lĂ .

À l’époque de l’onanisme iconophile Ă  grands renforts de selfies, l’exposition HyperrĂ©alisme. Ceci n’est pas un corps recentre le dĂ©bat et nous prouve que l’existence se trouve par-delĂ  l’apparence.

HyperrĂ©alisme. Ceci n’est pas un corps, MusĂ©e Maillol, jusqu’au 5 mars 2023

c
c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS AurĂ©lien Montinari Collection Odile & Erik Finck-Beccafico – Sullivan+Strumpf
« Les dĂ©tails font la perfection et la perfection n’est pas un dĂ©tail. »
Léonard de Vinci
À gauche : Sam Jinks, Woman and Child Ci-dessus : Tom Kuebler, Ethyl 31 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
« Le corps, parfaitement reproduit, est ainsi modifiĂ© en profondeur, toujours dans l’idĂ©e de rĂ©vĂ©ler son potentiel expiatoire. »

MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS

Indécente décennie

Si l’on considĂšre qu’il faut laisser passer une gĂ©nĂ©ration pour pouvoir jeter un Ɠil critique sur le passĂ©, l’exposition AnnĂ©es 80. Mode, design, graphisme en France arrive Ă  point nommĂ©. Le MusĂ©e des Arts DĂ©coratifs de Paris propose ainsi jusqu’en avril 2023 une rĂ©trospective des modes d’expression de cette dĂ©cennie aux idĂ©es et Ă  l’esthĂ©tique rĂ©solument hĂ©tĂ©roclites.

C’est accueilli par le portrait de François Mitterrand que l’on dĂ©bute l’exposition, nous sommes en 1981 et La force tranquille vient de gagner les Ă©lections. Tournant politique, mais aussi culturel et donc artistique, les annĂ©es 80 seront celles du fun et de la prospĂ©ritĂ© (pour un temps du moins), celles oĂč l’on cĂ©lĂšbrera, « le droit Ă  la vie, le droit au bonheur », selon la formule du ministre de la Culture d’alors, Jack Lang
 Ce sont ainsi tous les mĂ©diums qui seront sommĂ©s d’exprimer le potentiel crĂ©atif et la rĂ©ussite Ă  la française. Design, graphisme, publicitĂ©, haute-couture, culture underground, tout affiche le clinquant d’une sociĂ©tĂ© fric et frime qui s’essaie Ă  la surconsommation. Dans un parcours Ă  la fois historique et ludique, l’exposition du MAD revient sur les grandes figures et les temps forts qui firent les annĂ©es 80, de Jacques SĂ©guĂ©la (Ă  qui l’on doit justement le slogan gagnant de la Gauche), Ă  la FĂȘte

« L’avant-garde se mue parfois en kitsch et donne Ă  rĂ©flĂ©chir sur l’évolution de notre sociĂ©tĂ©. »

de la Musique, en passant par les défilés de Jean-Paul Gaultier, les créations de Philippe Starck et les tubes de Lio


La fĂȘte est finie

Si le gĂ©nie de Jean-Paul Goude ou du collectif Grapus n’est pas Ă  remettre en cause, la nostalgie des affiches, clips publicitaires ou musicaux (dont on connaĂźt encore et toujours les slogans et paroles) n’empĂȘche cependant pas quelques grincements de dents. Sexisme, racisme, certains des codes des annĂ©es 80 ne passent plus 40 ans aprĂšs. L’avant-garde se mue parfois en kitsch et donne Ă  rĂ©flĂ©chir sur l’évolution de notre sociĂ©tĂ©. Enfin, certaines publicitĂ©s nous rappellent qu’au-delĂ  des tenues extravagantes et des prouesses de l’industrie automobile, les annĂ©es 80 sont aussi (et surtout), celles du dĂ©but des ravages du SIDA, campagnes Act Up Ă  l’appui


L’exposition AnnĂ©es 80 est celle de toutes les gĂ©nĂ©rations, du souvenir Ă  la dĂ©couverte ; elle est celle d’une sociĂ©tĂ© qui s’auto-rĂ©flĂ©chit Ă  travers ses propres artefacts dans une sorte d’archĂ©ologie du prĂ©sent. Entre carambolage et marchĂ© aux puces, la culture de ces annĂ©es reste malgrĂ© tout porteuse de sens, spontanĂ©e, libre, Ă©phĂ©mĂšre. c

AnnĂ©es 80. Mode, design, graphisme en France, MusĂ©e des Arts DĂ©coratifs de Paris, jusqu’au 16 avril 2023

« La passion du siĂšcle, c’est le rĂ©el, mais le rĂ©el, c’est l’antagonisme. »
AurĂ©lien Montinari Les Arts DĂ©coratifs/Christophe DelliĂšre – DR c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS 32 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Alain Badiou
33 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

HÔTEL DE VILLE DE PARIS

Un passionnant panorama du Street Art

« Une expo oĂč on n’apprend rien » : c’est le jugement laconique d’un pseudo site branchouille d’information Ă  propos d’une exposition qui, pourtant, prĂ©sente avec exhaustivitĂ© et rigueur factuelle toute l’évolution du Street Art parisien depuis les annĂ©es 70 jusqu’à il y a peu. Un conseil pour l’apprenti-critique : « Et si tu te bougeais pour juste aller voir, en laissant tes a priori Ă  l’entrĂ©e ? »

CAPITALE(S)

Jusqu’au 13 fĂ©vrier 2023

Salle Saint-Jean de l’Hîtel de Ville de Paris 5 rue de Lobau, Paris 4e

TĂ©l. : 01 40 69 96 00

En pĂ©riode de vacances scolaires : du lundi au jeudi de 9h Ă  21h ainsi que les samedis et dimanches. Le vendredi de 9h Ă  23h.

AccĂšs : MĂ©tro Ligne 1, Station « HĂŽtel de Ville »

Billetterie : l’accĂšs est gratuit, mais I’inscription est obligatoire via un module de rĂ©servation accessible sur www.paris.fr.

Le billet gratuit est Ă  imprimer et vous sera demandĂ© Ă  l’entrĂ©e. Dernier accĂšs Ă  l’exposition : 17h45. Nocturne le jeudi jusqu’à 20h15. Horaire de rĂ©servation Ă  respecter impĂ©rativement. L’exposition est fermĂ©e les dimanches et les jours fĂ©riĂ©s.

Ce sont plus de 70 artistes dont les productions sont mises en scĂšne sur les deux niveaux de la Salle SaintJean de l’HĂŽtel de Ville de Paris et, pour ĂȘtre franc, se balader au beau milieu de prĂšs de six dĂ©cennies de crĂ©ations visuelles souvent Ă©bouriffantes fait un bien fou.

Beaucoup pensent que le Street Art est en fait le principal mouvement artistique de ce dĂ©but de XXIe siĂšcle. On peut bien sĂ»r discuter Ă©ternellement du postulat, mais, pour le moins, l’avis n’a rien de fantaisiste.

Si Londres (Bricklane, Shoreditch, Camden Town et maintenant le prolifique East End
) et Berlin postulent depuis longtemps pour le titre de capitale europĂ©enne du Street Art, Paris, sincĂšrement, n’est pas loin.

Le Street Art et Paris, c’est un couple fantasque qui s’est formĂ© dĂ©s les annĂ©es 1970, lorsque les premiers ÉphĂ©mĂšre de GĂ©rard Zlotykamien sont apparus sur les palissades du chantier de Beaubourg, prĂšs du cĂ©lĂšbre « trou des Halles » qui allait plus tard donner naissance Ă  un centre commercial alors promĂ©thĂ©en
 Zlotykamien bombait alors en costume trois-piĂšces, avec un attachĂ©-case dans lequel il cachait sa poire Ă  lavement, ancĂȘtre de la bombe aĂ©rosol !

Puis vint 1971 : pour fĂȘter le centenaire de la Commune, c’est le sublime Ernest Pignon Ernest qui peignait son cĂ©lĂšbre La Commune ou les gisants (prĂšs de 200 sĂ©rigraphies noir et blanc, directement appliquĂ©es sur les escaliers du SacrĂ©-CƓur, Ă  Montmartre, en hommage aux Communards victimes de la rĂ©pression versaillaise lors de la Semaine sanglante. Quasi premier acte d’un engagement politique s’insĂ©rant dans un lieu, la marque de fabrique d’un vĂ©ritable gĂ©nie. L’art envahit alors la rue, bien loin des galeries et des musĂ©es
 Depuis, bon nombre d’artistes se sont succĂ©dĂ© dans les rues et sur les façades d’immeubles de la capitale, bravant la loi et tombant sous le joug de multiples condamnations. C’est tout cela ce que l’expo Capitale(s) donne Ă  voir. Avec Zloty (le pseudo de GĂ©rard Zlotykamien), on y retrouve, entre plein d’autres, la regrettĂ©e Miss.Tic (rĂ©cemment disparue), Jef AĂ©rosol, Blek le rat, Invader, et, plus rĂ©cemment, Shepard Fairey alias Obey, Jr, ou Codex Urbanus
, autant de noms qui rĂ©sonnent fort et parlent haut, pour peu que l’on s’intĂ©resse Ă  l’art urbain contemporain ou plus ancien.

C’est la galeriste Magda Danysz qui s’est vue confier le commissariat de cette exposition remarquable. Contrairement Ă  l’avis pĂ©remptoire du site branchouille, on y apprend beaucoup et plus d’une fois, on se dit qu’on aurait bien aimĂ©, Ă©poque aprĂšs Ă©poque, dĂ©couvrir tout ça de nos propres yeux depuis le tout dĂ©but
 c

Jean-Luc Fournier Galerie Valois/Ville de Paris c DOSSIER – EXPOS TGV PARIS
Rue de Rennes, Jacques Villeglé, 1987
34 c DOSSIER — Expos TGV №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Untitled, Bando, 1983

SURRÉALICE ET ILLUSTR’ALICE ALICE DÉCONSTRUITE

Alice a la tĂȘte en bas, Alice a le corps coupĂ© en deux, le monde d’Alice est bizarre, inquiĂ©tant, autant que l’inconscient d’un enfant. Ce monde est le centre de deux expositions Ă  Strasbourg, l’une au MAMCS quant Ă  l’influence importante de Lewis Carroll (1832-1898) sur les surrĂ©alistes, l’autre au MusĂ©e Ungerer sur l’illustration d’Alice, notamment par les femmes.

a CULTURE – EXPOSITIONS Isabelle Baladine-Howald MusĂ©es de Strasbourg 36 a CULTURE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

I l s’agit principalement, dans ce musĂ©e Ungerer plein de charme, des illustrations d’Alice au pays des merveilles (1865) dans les Ă©ditions enfantines, certaines Ă©tant de toute beautĂ© comme celle de Trnka, le cĂ©lĂšbre tchĂšque, d’autres sobres comme celles d’Antony Browne, plus inquiĂ©tantes de Tove Janson ou douces de Marie Laurencin, plus cruelles pour Nicolas Claveloux, fĂ©eriques pour Adrienne SĂ©gur, beaucoup plus absurdes pour Ralph Steedman ou Mervin Peake.

Le monde d’Alice est celui du non-sens, de l’absurde, du jeu. Tout se joue dans la figure d’une carte Ă  jouer, sa figure coupĂ©e en diagonale. C’est un monde transgressif oĂč rien ne va de soi, oĂč le corps d’Alice est enfantin autant qu’il n’est pas innocent, oĂč plantes et animaux s’expriment Ă  Ă©galitĂ© de l’humain. Une manne pour les surrĂ©alistes qui s’en trouvent trĂšs inspirĂ©s.

Le MAMCS met merveilleusement cela en scĂšne. En dehors de l’entrĂ©e de la grotte faite dans des matĂ©riaux pauvres qui ne correspond pas Ă  l’élĂ©gance des salles, le reste de l’exposition est somptueux, avec ces quatre salles noire, rouge, vert sombre, bleu clair, montrant diffĂ©rentes Ă©ditions d’Alice, mais aussi les tableaux de Max Ernst, de Dali, travaux d’AndrĂ© Breton, photos d’Hans Bellmer, illustrations trĂšs Ă©tonnantes de FrĂ©dĂ©ric Delanglade de Victor Brauner ou de Dali, superbes Ă©galement celles de DorothĂ©a Tanning ou Leonora Carrington et de la si rare Unica ZĂŒrn, ainsi qu’un texte trĂšs cruel de la trĂšs prĂ©coce GisĂšle Prassinos.

La grande rĂ©ussite de cette exposition – Barbara Forest et Fabrice Flahutez en sont les commissaires – est son intelligence. Les peintres connus cĂŽtoient d’autres moins connus, les femmes

Ralph Steadman, Alice and the Wasp, 1971
37 a CULTURE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

sont reconnues Ă  leur valeur d’artistes Ă  part entiĂšre, on a la chance d’assister Ă  une trĂšs fine comprĂ©hension de l’univers d’Alice en tout sens, femme-enfant centrale, sous les trois grands thĂšmes du jeu, du langage et de l’image. Le rapport image/Ă©criture est l’écho du monde de Lewis Caroll chez les surrĂ©alistes des annĂ©es 20 aux annĂ©es 60. « Nous avons conçu un parcours immersif oĂč l’on peut entendre tant des chants populaires que du jazz ou des classiques tels que Tchaikowsky, Schubert, Wagner, Liszt  » prĂ©cise Mathieu Schneider.

C’est un vrai théùtre qui se joue lĂ , dans un dĂ©cor oĂč de cet univers en apparence veloutĂ© Ă©mane tous les rĂȘves et les abĂ©cĂ©daires d’une enfant prodige, magnifiquement folle, objet des rĂȘves et Ɠuvres des plus grands artistes.

Lewis Carroll, gaucher maladroit, sujet au bégaiement, a inventé une figure intemporelle.

« Comment savez-vous que je suis folle ? », dit Alice.

« Vous devez l’ĂȘtre », dit le chat, « sans cela vous ne seriez pas venue ici. »

Souhaitons plein de fous pour aller voir cette exposition dont la beauté est tellement nécessaire. a

SURRÉALICE, LEWIS CARROLL ET LES SURRÉALISTES

MAMCS

1 pl. Jean-Hans Arp Strasbourg 19 novembre 2022 au 26 février 2023

ILLUSTR’ALICE

MusĂ©e Tomi Ungerer 2 bd de la Marseillaise Strasbourg MĂȘmes dates

38 a CULTURE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
René Magritte, Alice au pays des merveilles, 1946
nexity.fr Siret 390 295 244 00011 - NEXITY GEORGE V EST- RCS383910056 - SNC au capital de 250 000 €. 5A, Boulevard Wilson, 67061 Strasbourg Cedex. Architecte : Odile Seyler. CrĂ©ation : Lmdi.fr - Documents et illustrations non contractuelles. Novembre 2022. 03 88 154 154 nexity.fr Espace Nexity : 10 place de l’UniversitĂ© Ă  Strasbourg Sur rendez-vous Du studio au 5 piĂšces duplex, renseignez-vous dĂšs Ă  prĂ©sent et embarquez pour une nouvelle vie. STRASBOURG TERRASSES VAUBAN Mettez le cap sur votre futur appartement C15 M100 Y85 K0 K100 NEXITY_Bloc marque COLOR_CMYK 26/01/2021

VITRA DESIGN MUSEUM LE GESTE ET LA PAROLE

Industrie, vie quotidienne, culture populaire, les robots sont parmi nous. À l’image d’un design rĂ©ussi, confortable et facile d’utilisation, leur prĂ©sence est devenue plus qu’une Ă©vidence, un irremplaçable prolongement. PensĂ©s Ă  l’origine pour nous aider, les robots nous assistent, nous surveillent, voire s’émancipent et surtout, nous interrogent.

L’exposition du Vitra Design Museum, Hello, Robot. Le design entre Homme et Machine, revient sur notre rapport Ă  cet outil qui, depuis bientĂŽt un siĂšcle, ne cesse d’évoluer. ImaginĂ© par l’écrivain Karel Capek en 1924, le terme robot est un mot tchĂšque, luimĂȘme dĂ©rivĂ© du mot robota qui signifie travail, corvĂ©e


L’exposition, dĂ©ployĂ©e sur 4 salles, met en lumiĂšre les relations que l’on entretient (parfois mĂȘme sans y penser), avec ce que l’on pourrait qualifier d’espĂšce robot. Science-fiction, travail, vie sociale, avenir, chaque groupement d’Ɠuvres est prĂ©sentĂ© sous une question, Faites-vous confiance aux robots ? Pensez-vous que votre travail pourrait ĂȘtre effectuĂ© par un robot ? Aimeriezvous qu’un robot s’occupe de vous ? Le robot prendra-t-il la premiĂšre place dans l’évolution ? Sorte de parcours-sondage, cette dĂ©ambulation au milieu de figurines de films, de bras automatisĂ©s ou d’interfaces gĂ©rĂ©es par des intelligences artificielles fascine, et parfois aussi dĂ©range ; une nouvelle espĂšce dominante seraitelle sur le point d’émerger ?

INÉLUCTABLE SINGULARITÉ ?

AurĂ©lien Montinari Galerie Baudoin Lebon – Shawn Maximo a CULTURE – EXPOSITION
fort, plus rĂ©sistant, plus prĂ©cis, mais aussi dĂ©sormais plus intelligent, le robot s’autonomise, laissant
Plus
« Les outils du maĂźtre ne dĂ©truiront jamais la maison du maĂźtre. »
J Human version 2 O7 Nexi –
40 a CULTURE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Audre Lorde
Yves Gellie
Kingsley Coman porte la nouvelle PUMA Ultra. rendez-vous sur puma.com

Jentrevoir le fameux point de singularitĂ©, Ă©vĂ©nement qui dĂ©signe le dĂ©passement de l’humain par la machine. Si ce changement de paradigme technologique n’est pour le moment qu’une thĂ©orie, force est de constater qu’un changement est d’ores et dĂ©jĂ  en cours : un outil est en passe de devenir notre condition d’existence. En 1984, la philosophe Donna Haraway disait d’ailleurs dĂ©jĂ , « le cyborg est notre ontologie ; il nous dicte notre politique. » Hello, Robot, presque 40 ans aprĂšs, confirme cette formule avec notamment les crĂ©ations de la derniĂšre salle de l’exposition qui Ă©voquent la fusion entre le vivant et la machine, souvent pour le meilleur, mais jusqu’à quand ?

Alors que les vidĂ©os de l’athlĂ©tique Atlas, le robot anthropomorphe de l’entreprise Boston Dynamics, dĂ©fraie les Internet (allez voir, c’est terrifiant !), au geste et Ă  la parole, ne manque plus que l’esprit. a

HELLO, ROBOT. LE DESIGN ENTRE HOMME ET MACHINE

Vitra Design Museum, jusqu’au 5 mars 2023

« UNE NOUVELLE ESPÈCE DOMINANTE SERAIT-ELLE SUR LE POINT D’ÉMERGER ? »
42 a CULTURE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Going green – Shawn Maximo

Il fallait bien que ça arrive un jour

Depuis sa nomination en 2019, Solveen Dromson, grande amie de Or Norme, est aussi Consule de la RĂ©publique d’Islande Ă  Strasbourg, perpĂ©tuant ainsi une tradition familiale entamĂ©e par son pĂšre, Patrice, malheureusement disparu en 2018. Sur son agenda Ă©tait cochĂ©e depuis longtemps la date du 9 novembre dernier : ce jour-lĂ , l’Islande prenait la prĂ©sidence du ComitĂ© des ministres du Conseil de l’Europe Ă  Strasbourg.

Cette prĂ©sidence tournante de six mois, qui Ă©choit tour Ă  tour Ă  chacun des 46 pays membres, Solveen l’a depuis longtemps imaginĂ©e comme une occasion unique d’apparaĂźtre en pleine lumiĂšre pour ce petit pays aux confins de l’Atlantique-Nord. D’ici fin mai prochain, les Ă©vĂ©nements culturels vont se succĂ©der Ă  Strasbourg, comme autant de rendezvous avec cette Ă©tonnante et sublime Islande que nous vous proposons de mieux dĂ©couvrir dans les trĂšs nombreuses pages qui suivent. Car, Ă©videmment, Solveen a pensĂ© Ă  Or Norme, passionnĂ©e qu’elle fĂ»t il y a quelques annĂ©es par nos numĂ©ros spĂ©ciaux « Destination de lĂ©gende » oĂč nous nous en allions au bout du monde rencontrer les Alsaciens vivant Ă  l’étranger et leur demandions de nous faire dĂ©couvrir leur pays d’adoption.

Oui, il fallait bien que ça arrive un jour
 Nous renouons donc ici avec une belle tradition et nous nous sommes mis en quatre Ă  la fin septembre dernier pour fouler cette terre sublimement attirante et mystĂ©rieuse qu’est l’Islande et vous ramener des histoires de feu, de glace, de volcans et d’ĂȘtres souterrains qui, dit-on, prĂ©sident encore au destin de ce morceau de terre unique au monde


Nous en avons ramenĂ© de belles histoires et de beaux tĂ©moignages, mais
 en sommes-nous vraiment revenus ?

Merci Madame la Consule !

c ISLANDE
44 c ISLANDE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
SEE IT Sometimes you don’t know what you need until you Looks like you need Iceland

Islande La nature en V.O.

C’est l’histoire d’une terre Ă  nulle autre pareille, fouettĂ©e par les vents, sculptĂ©e par l’eau et la glace, ravinĂ©e par de monstrueux flots incandescents oĂč l’homme, contre toute attente, a rĂ©ussi Ă  vivre


La plage noire de Reynisfjara Ă  la pointe sud de l’Islande. Falaises de basalte, sable volcanique, lĂ©ger brouillard sur l’ocĂ©an : l’Islande de lĂ©gende.

Photo : VisitIceland

La sublime nature des hauts-plateaux dans le centre du pays.

Photo : Christian Barret

Le rocher de Hvítserkur sur la Cîte-Nord de l’Islande.

Photo : Christian Barret

SituĂ©e Ă  l’exacte intersection de deux gigantesques plaques tectoniques, l’Islande est une terre de volcans. À tout moment, l’un d’entre eux peut entrer en Ă©ruption...

Photo : VisitIceland Les incroyables montagnes de Landmannalaugar, Ă  l’ouest de l’immense glacier Vatnajökull. Photo : VisitIceland

Le moindre village islandais arbore le Rainbow Flag ou pare ses rues des couleurs de la tolĂ©rance – ici, Ă  Seyðisfjörður, dans l’Est du pays.

Photo : VisitIceland

Islande Carnet de route dans l’Est

BientĂŽt, dĂšs l’ouverture de lignes directes pour l’aĂ©roport rĂ©gional de Egilsstaðir, l’Asturland (les rĂ©gions de l’Est) permettra de dĂ©couvrir un autre visage du pays : on y admire des paysages grandioses et sauvages souvent Ă  360°, des chutes d’eau gigantesques et des canyons de basalte surgis de nulle part. Il suffit juste de se souvenir que ce sont les premiĂšres terres qu’ont vues les Vikings en dĂ©barquant ici. Rien ou presque n’a changĂ© et c’est superbe


DĂšs qu’on approche du cercle polaire et comme toujours sous ces latitudes (64°08’07’’ pour Reykjavik, pour les spĂ©cialistes), le soleil ne monte jamais trĂšs haut dans le ciel.

Ce matin de la fin septembre dernier, il est 7h et il vient Ă  peine de se lever sur le petit aĂ©roport de ReykjavĂ­kurflugvöllur, Ă  quelques kilomĂštres Ă  peine du centre de la capitale islandaise. Et ce matin-lĂ , ce quelquefois si rare soleil islandais inonde le tarmac de sa lumiĂšre rasante qui se reflĂšte sur le fuselage du DASH 8-400 de Icelandair, prĂȘt Ă  dĂ©coller pour une heure de vol et sa destination, Egilsstaðir, dans l’est du pays. Nous sommes cinq journalistes de la

presse française, invitĂ©s Ă  dĂ©couvrir l’est de l’Islande, largement mĂ©connu. NoĂ©mie, de l’agence parisienne Group’Expression, sera celle qui, mĂ©ticuleusement et trĂšs professionnellement, assurera la logistique de ce groupe gentiment turbulent, avec une permanente bonne humeur. Elle est accompagnĂ©e de Thordis, une jeune guide dĂ©pĂȘchĂ©e par Visit Iceland, l’office du tourisme national, qui affiche dĂ©jĂ  un beau sourire, ravie de cĂŽtoyer pendant les trois prochains jours des journalistes français, elle qui connait quasiment Paris et ses restaurants comme sa poche


Et chacun de se rĂ©jouir de cette belle mĂ©tĂ©o, gage d’un vol agrĂ©able


Cette courte heure de vol sera magique. Le DASH 8-400 ne vole pas trĂšs haut (5 000 mĂštres, peut-ĂȘtre
) et sous ses ailes, c’est un paysage dĂ©jĂ  incroyable qui dĂ©file sous nos yeux.

Le trajet permet de survoler longuement le flanc nord-ouest de l’immense Vatnajökull, ce glacier de 8 300 km2 (soit plus de 95 % de la superficie de la Corse) et qui couvre Ă  lui seul 8 % de la superficie de l’Islande). Plus loin, l’avion survolera aussi les hauts-plateaux centraux de l’üle. Ce matin-lĂ , avec ce soleil rasant qui fait Ă©tinceler le moindre lac ou nĂ©vĂ© sous les ailes de l’avion, c’est toute l’Islande qui se rĂ©vĂšle dans sa magnificence naturelle.

c DOSSIER – ISLANDE
Jean-Luc Fournier Fannar Magg – Jean-Luc Fournier
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Un patchwork unique de tourbe, de glace, d’eau, de roches, sans la moindre trace humaine et se dĂ©roulant sur une immensitĂ© sans fin. Devant ce spectacle fascinant et cette nature quasi indĂ©cente, peu d’entre nous parviennent Ă  dĂ©tourner leur regard Ă  travers les hublots, ne serait-ce que quelques secondes


Et quand l’avion plonge plus tard dans le brouillard cotonneux Ă  l’approche de l’aĂ©roport rĂ©gional de Egilsstaðir, nous savons tous dĂ©jĂ  que l’Islande vient de nous offrir d’entrĂ©e un spectacle inouĂŻ, comme si elle nous faisait dĂ©jĂ  entrevoir le meilleur d’elle-mĂȘme


À l’aĂ©roport, c’est Helga qui nous attend. Toute l’annĂ©e, sa sociĂ©tĂ©, Tinna Adventure, organise des road trips pour les touristes. Nous sommes immĂ©diatement surpris par le vĂ©hicule qui va nous permettre de dĂ©couvrir l’Austurland (la province de l’est du pays) : un monster-truck rallongĂ© et rehaussĂ© par quatre Ă©normes roues. Il sera quelquefois trĂšs utile dans les jours qui suivront, car le macadam ne sera pas toujours la surface sur laquelle nous circulerons le plus


Un petit topo succinct nous donne l’essentiel de ce qui explique notre prĂ©sence ici. Le boom touristique des quinze derniĂšres

annĂ©es (plus de deux millions de visiteurs annuels) met Reykjavik et la rĂ©gion qui l’entoure sous une grande pression, l’essentiel des sites recherchĂ©s par les visiteurs se concentrant au sud de la capitale d’oĂč ils sont trĂšs facilement accessibles.

Pour le pays, il s’agit donc de communiquer sur ses nombreuses autres richesses et, pour cela, l’Austurland est la rĂ©gion idĂ©ale. DĂ©jĂ , les ferrys venus du Danemark, de NorvĂšge ou des Ăźles FĂ©roĂ© accostent tous au port de Seyðisfjörður au nord de la rĂ©gion et des vols internationaux directs sont Ă  l’étude pour rejoindre l’aĂ©roport de Egilsstaðir sur lequel nous venons d’atterrir. À l’évidence, ces portes d’entrĂ©e devraient sĂ©duire nombre de visiteurs dans un avenir proche


Un seul chiffre dit tout : les rĂ©gions est de l’Austurland sont trĂšs peu peuplĂ©es. À peine plus de
 12 000 habitants (on respire
) se regroupent dans de trĂšs petits villages, pour la plupart abritĂ©s au fond de superbes et majestueux fjords qui n’ont rien Ă  envier aux plus beaux de leurs Ă©quivalents norvĂ©giens Ă  1 500 km de lĂ . Les principaux d’entre eux (Seyðisfjörður, FĂĄskrĂșðsfjörður et MjĂłifjördur) sont reliĂ©s par une trĂšs sinueuse route cĂŽtiĂšre qui constitue l’artĂšre vitale de toute la rĂ©gion.

Bien entretenue, elle se transforme malgrĂ© tout quelquefois en piste qui fait goĂ»ter aux joies de la gravel road durant la « belle » saison ou Ă  l’enfer de la circulation « à l’aveugle » en pĂ©riode de blizzard, l’hiver (lire le tĂ©moignage de Thomas Waeldele page 74).

Une courte Ă©tape au Guesthouse Vinland (Ă  une demi-heure de Egilsstaðir) pour saluer deux Ă©leveurs de rennes, Fannar MagnĂșsson et Björk BjörnsdĂłttir, qui ont Ă©mu toute l’Islande. En mai 2021 lors d’une sortie en moto-neige dans les hauts-plateaux du centre du pays, ils ont recueilli deux bĂ©bĂ©s rennes ĂągĂ©s d’une semaine et manifestement abandonnĂ©s par le reste du troupeau. Sans leur intervention, les jeunes rennes n’auraient pas survĂ©cu. Fannar et Björk ont obtenu l’autorisation de les soigner et les Ă©lever Ă  Vinland. Aujourd’hui adultes, Garpur et Mosi, quasi domestiquĂ©s, font la joie des visiteurs dans leur enclos. Au passage, on y souligne que les premiers rennes sont venus de NorvĂšge vers la fin du XVIIIe siĂšcle et ne sont parvenus qu’à s’acclimater dans l’est du pays. Les effectifs actuels (environ 7 000 tĂȘtes) sont strictement contrĂŽlĂ©s, l’Islande ne souhaitant pas une forte prĂ©sence de ces animaux sur son territoire.

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Garpur et Mosi, dans leur enclos de Vinland.

Bryndis

On reprend la route plein Nord et elle est somptueuse. Les paysages minĂ©raux se succĂšdent. Lors de quelques haltes photographiques, l’Austurland se dĂ©voile Ă  360°, des rais de soleil transpercent les nuages et peignent sur l’herbe rase des taches de lumiĂšre du plus bel effet.

Le petit village de Borgarfjörður Eystri nous permet de dĂ©couvrir la minuscule maison Lindarbakki. Faite de briques, de bois et recouverte de gazon, elle semble littĂ©ralement surgir de terre. « Elle Ă©tait encore habitĂ©e il y a quelques annĂ©es par une vieille dame solitaire », nous raconte une jeune femme, Bryndis, qui nous entrainera ensuite sur le sentier des Elfes.

Les Elfes : voilĂ  une de ces merveilleuses dĂ©couvertes que nous a rĂ©servĂ©e l’Islande.

Les Elfes sont de petits ĂȘtres d’à peine plus d’un mĂštre de haut, aux oreilles franchement pointues et aux vĂȘtements dĂ©suets qui vivent la plupart du temps cachĂ©s aux yeux des humains. Les fĂȘtes de fin d’annĂ©e sont gĂ©nĂ©ralement propices pour apercevoir les Elfes ; Ă  NoĂ«l et au Jour de l’an, ils sont de sortie, Ă  la recherche d’un nouveau foyer


Un sondage rĂ©alisĂ© il y a quelques annĂ©es a annoncĂ© que 54 % des Islandais croient en leur existence ou disent qu’il est possible qu’ils existent. La preuve : le tracĂ© de routes en construction a Ă©tĂ© dĂ©viĂ© Ă  proximitĂ© d’amas rocheux oĂč les Elfes sont censĂ©s s’établir.

Rien de remarquable n’est visible sur le sentier des Elfes de Borgarfjörður Eystri. Il serpente en montant doucement au sommet d’une mini-colline qui offre un beau point de vue sur le village et son fjord. LĂ -haut,

Bryndis dĂ©roule la lĂ©gende : « La chapelle qu’on voit au bord du littoral devait auparavant ĂȘtre bĂątie au sommet de cette colline, dĂšs l’arrivĂ©e des premiers marins sur ce rivage. Mais, la veille du dĂ©but de la construction, la reine des Elfes leur est apparue durant leur sommeil et les a mis en garde : ne construisez pas votre chapelle en haut de mon sentier, les pires malheurs s’abattraient alors sur vous
 Prudemment, ils ont obĂ©i. Et tout s’est bien passé  » conclut Bryndis.

Si vous interrogez un Islandais, il vous dira bien sĂ»r que les Elfes n’existent pas, mais
 que la simple idĂ©e qu’ils puissent exister ne lui dĂ©plait pas. Une phrase qui participe Ă  la lĂ©gende ? Non, et il ne faudra pas longtemps pour le constater : en redescendant le sentier des Elfes, on s’apprĂȘte Ă  ramasser un joli petit caillou blanc qui brille sous un rayon de soleil. Mais Helga, la pilote du monster-truck, nous en dissuade fermement : « Il y a les mĂȘmes au dĂ©bouchĂ© du sentier, plus bas. On ne ramasse rien sur le sentier des Elfes  ». SĂ©rieux ? Oui, sĂ©rieux. On n’insiste pas


Le long de la cĂŽte, on longera quelques habitations de bois en bien mauvais Ă©tat. Un couple est lĂ , en train de rĂ©parer d’importants dĂ©gĂąts. La femme nous montre sur son tĂ©lĂ©phone portable ce qu’elle a filmĂ© la veille, lors d’une gigantesque tempĂȘte qui a frappĂ© toute la cĂŽte. Sur l’écran, d’immenses rouleaux gris de deux mĂštres s’abattent sur les quais de bois et les baraques du bord de mer sous d’impressionnantes rafales de vent. On devine Ă  quel point la nature peut se dĂ©chaĂźner dans ce fjord largement ouvert sur la mer et surmontĂ© par deux mystĂ©rieuses montagnes noires...

Plus tard, une petite maisonnette nous ouvre ses portes. C’est le royaume de Ragna ÓskarsdĂłttir et de sa sociĂ©tĂ© Icelandic Down. Quand Ragna est arrivĂ©e dans ce petit port en 2017, elle a aussitĂŽt visitĂ© l’élevage de canards eiders de Oli et Johann, deux fermiers locaux, dans le fjord quasi dĂ©sertĂ© de Loðmundarfjörður, Ă  quelques kilomĂštres au sud. « Les canards Ă©taient partout, dans les prĂ©s, dans les cours des habitations  », raconte-t-elle. La tradition ancestrale de l’élevage de canards voulait que le prĂ©cieux duvet rĂ©coltĂ© s’en aille loin de l’Austurland pour ĂȘtre travaillĂ© et pour garnir ensuite toutes sortes de couettes ou oreillers assurant la prospĂ©ritĂ© de manufactures lointaines. L’idĂ©e de crĂ©er Icelandic Down est nĂ©e aussitĂŽt.

Aujourd’hui, la sociĂ©tĂ© de Ragna produit sur 380 micro-zones sanctuaires un duvet

La maison Lindarbakki
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Le sentier des Elfes à Borgarfjörður Eystri

irrĂ©el, totalement Ă©purĂ© de tout corps de plume mĂȘme minime puis purifiĂ© avec soin pour ĂȘtre finalement annoncĂ© comme le duvet le plus doux au monde. Ragna n’hĂ©site pas Ă  nous inciter Ă  plonger les mains au cƓur d’une grosse boule compacte de ce duvet. MalgrĂ© son volume, elle ne pĂšse que 32 grammes, sur la balance ultra-sensible du magasin de vente, mais la sensation qui file entre nos doigts est purement magique. EntiĂšrement prĂ©levĂ© et « filtré » Ă  la main, ce duvet d’exception a un prix et il est Ă©levé : une couette 200 X 200 garnie chaudement pour l’hiver s’affiche Ă  7 978 € (!), sa version « allĂ©gĂ©e » pour l’étĂ© vous coĂ»tera 5 319 €. Les couettes et autres oreillers sont fabriquĂ©s Ă  la commande et sont expĂ©diĂ©s directement chez vous environ sept semaines aprĂšs la rĂ©ception de votre paiement. (www.icelandicdown.com)

Le soir venu aprĂšs ce premier jour au cƓur de l’Austurland nous voit ĂȘtre accueillis au trĂšs beau BlĂĄbjörg Resort, un hĂŽtelspa entiĂšrement bĂąti par une famille qui emploie pas moins de 48 personnes en haute saison (14 en permanence), « contribuant ainsi considĂ©rablement Ă  l’économie locale » comme le dit fiĂšrement Audur Vala GunnarsdĂłttir, la directrice du lieu. Dans quelques mois, un impressionnant complexe thalasso sera ouvert et d’ores et dĂ©jĂ , on peut dĂ©guster chaque soir un gin ou un Landi local dans la micro-brasserie attenante. Au restaurant du complexe, l’agneau, cuit doucement durant huit heures, est une vĂ©ritable tuerie. AprĂšs tout ça, on dort d’un sommeil profond et apaisé 

Le programme du deuxiĂšme jour de notre pĂ©riple dans l’est de l’Islande s’annonce

somptueux et il tiendra ses promesses. On quitte Borgarfjörður Eystri pour revenir vers les terres intĂ©rieures et bientĂŽt s’enfoncer dans la vallĂ©e Jökuldalur oĂč nous attend le prometteur Stuðlagil Canyon (page suivante). RĂ©cemment dĂ©couvert aprĂšs l’assĂšchement de la riviĂšre Jökla dĂ» Ă  la construction d’une retenue d’eau en amont pour alimenter une centrale hydroĂ©lectrique, le site est somptueux avec ses imposantes colonnes de basalte qui Ă©voquent irrĂ©sistiblement des orgues naturelles. On peut le dĂ©couvrir par sa rive Est grĂące Ă  un raide escalier mĂ©tallique dont on peut descendre (mais il faut ensuite remonter !) les 248 marches.

La vision de cette merveille est cependant mille fois plus spectaculaire vue de l’autre rive, surtout si l’on a le courage de descendre au ras de l’eau.

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Le duvet le plus doux au monde

Monolithique, redoutablement imposant, massif et altier, le Stuðlagil Canyon est incontestablement une des plus belles merveilles naturelles du pays.

La route, toujours la magique route islandaise au milieu d’une nature toujours aussi somptueuse et grandiose pour rejoindre Egilsstaðir et piquer au sud pour rejoindre l’étape du soir, le village de FĂĄskrĂșðsfjörður, au bord d’un immense fjord trĂšs Ă©troit.

Le Fosshotel Eastfjords nous reçoit. On y est accueilli par FjolĂ  qui semble ĂȘtre omniprĂ©sente dans ce petit village. AprĂšs nous avoir fait visiter une expo photos des plus belles aurores borĂ©ales capturĂ©es par un couple de photographes locaux, elle commence Ă  nous raconter tranquillement l’histoire de ce village de pĂȘcheurs qui, Ă  la fin du XIXe siĂšcle est devenu une Ă©tape majeure pour les pĂȘcheurs français venus si loin de leurs bases de l’Ouest et du Nord de la France pour gagner leur vie. La plupart Ă©taient issus du port de Gravelines, prĂšs de Dunkerque.

Le cimetiĂšre des marins français Ă  FĂĄskrĂșðsfjörður

Beaucoup, vivant et travaillant dans des conditions extrĂȘmes que les mots peinent Ă  dĂ©crire, ont vu leur vie s’interrompre en ces lieux si Ă©tranges. En contrebas, sur les rives du fjord, un petit cimetiĂšre marin accueille quelques tombes sur lesquelles figurent les noms de nos lointains compatriotes, un petit monument en rĂ©pertoriant 49 autres, y compris quelques marins d’origine belge.

Au moment du düner, nous apprenons que le Fosshotel Eastfjords occupe un bñtiment qui fut il y a un siùcle et demi un hîpital pour ces marins français du bout du monde


Le Stuðlagil Canyon

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Pour notre troisiĂšme et dernier jour en Austurland, le programme prĂ©voit dĂšs le petit-dĂ©jeuner avalĂ© la visite du MusĂ©e Français, installĂ© juste en face de l’hĂŽtel, dans l’ancienne maison du mĂ©decin de l’époque. Dans un tunnel souterrain reliant les deux bĂątiments, on a reconstituĂ© l’intĂ©rieur saisissant d’un bateau de pĂȘche de l’époque. Quelques mannequins simulent de façon rĂ©aliste les marins


Nous quittons FĂĄskrĂșðsfjörður en fin de matinĂ©e, l’exquise FjolĂ  nous aura accompagnĂ©s et guidĂ©s depuis l’aprĂšs-midi prĂ©cĂ©dent, passionnĂ©e et fiĂšre de vanter sa rĂ©gion, professionnelle, dĂ©licieusement amicale et complice


Il faudra bien se rĂ©soudre Ă  refaire la route Ă  l’inverse, vers l’aĂ©roport de Egilsstaðir oĂč nous attend l’avion du retour nocturne vers Reykjavik. Mais, outre la visite d’une imposante cascade perdue dans l’immensitĂ© d’une incroyable vallĂ©e d’origine volcanique, deux Ă©tapes-surprises nous auront encore Ă©tĂ© rĂ©servĂ©es.

C’est d’abord, une balade Ă  cheval dans ces paysages dĂ©lirants de beautĂ© sauvage, juchĂ©s sur ces chevaux islandais aux longues criniĂšres blondes si remarquables. Le cheval islandais est souvent, et Ă  tort, confondu avec un poney, car il est de petite stature. ImportĂ©e par les NorvĂ©giens il y a mille ans, la race s’est Ă©teinte complĂštement sur le continent, mais pas en Islande qui a su prĂ©server les chevaux des influences extĂ©rieures pendant tous ces siĂšcles


Le pays est amoureux de ses chevaux : la langue islandaise comprend plus d’une centaine de mots pour dĂ©crire leurs robes


C’est enfin l’expĂ©rience si longtemps vantĂ©e des fameux bains dans l’eau des rĂ©surgences chaudes. En Islande en effet, l’eau chaude jaillit des entrailles de la Terre, naturellement, et de partout


Les Vök Baths du Lac Urridavatn, prĂšs de Egilsstaðir, sont en fait trois piscines serties dans le lac. On entre, via la premiĂšre piscine, dans une eau Ă  38° qui permet en quelque sorte de doucement s’acclimater. La sensation est en effet purement divine, en contraste avec les frais 7° de la tempĂ©rature extĂ©rieure. Le temps de dĂ©guster un bon cocktail servi par un bar donnant directement sur la piscine, il faut sortir de l’eau, marcher une vingtaine de mĂštres (brrrr
) sur une passerelle de bois clair avant de se glisser dans les 40° de l’eau de la seconde piscine. Douce sensation de nouveau, le corps se dĂ©tend, on en sommeillerait presque


Comme le temps presse un peu, il faut se rĂ©soudre Ă  entrer dans l’eau de l’ultime piscine, Ă  42°. LĂ , l’impression est un peu plus violente, mais Ă©tant lĂ  Ă  l’ultime Ă©tape du parcours, on peut alors plonger sa main Ă  l’extĂ©rieur du bassin, dans l’eau naturelle du lac. Elle est Ă  4°, et le contraste produit une trĂšs Ă©trange sensation


Et dire qu’on se disait trente minutes plus tĂŽt qu’on se la jouerait Ă  l’islandaise. La tradition locale veut en effet qu’aprĂšs quelques instants dans la troisiĂšme piscine (on ne reste pas longtemps dans une eau Ă  42°, croyeznous
) on plonge et on ressorte rapidement dans l’eau du lac. Un violent choc thermique de plus de 35° d’écart qui dĂ©tend prodigieusement et promet quelques heures de fĂ©licitĂ© ensuite, paraĂźt-il. Oui, paraĂźt-il, car pourtant partis rĂ©solument pour vivre ce moment Ă  plein, on n’a finalement pas osé  Ne vous moquez pas trop vite, si vos pas vous amĂšnent un jour dans ces lieux, essayez et
 vous comprendrez.

Une heure plus tard, dans l’avion, je crois que nous avons tous sommeillĂ© paisiblement au moins quelques minutes


À notre arrivĂ©s vers 21h30, nos quatre collĂšgues parisiens ont rejoint le mĂȘme bel hĂŽtel que quelques jours plus tĂŽt, prĂšs de l’aĂ©roport international de Keflavik d’oĂč ils allaient prendre leur avion de retour vers Paris tĂŽt le lendemain matin.

Pour nous, c’était direction le centreville pour quatre jours supplĂ©mentaires en solo, Ă  la rencontre de la capitale islandaise et des Alsaciens qui y vivent et y travaillent
 c

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Les Vök Baths du Lac Urridavatn

Reykjavik Micro-capitale, méga plaisir


La plus septentrionale des capitales de la planĂšte offre le spectacle d’une petite ville cool, aĂ©rĂ©e, colorĂ©e et trĂšs paisible. En Islandais, son nom signifie « La baie des fumĂ©es », nom donnĂ© par les fondateurs stupĂ©faits de la vapeur qui s’échappait alors des nombreuses sources thermales. Entre ocĂ©an et proches montagnes volcaniques, Reykjavik regorge de richesses artistiques et culturelles, surtout dans l’art contemporain, en s’avĂ©rant vite familiĂšre, et c’est un Ă©norme avantage


Les statistiques historiques parlent. Ici, au bord de la pĂ©ninsule de Reykjanes, il n’y avait pas 600 habitants Ă  la fin du XVIIIe siĂšcle quand l’autoritĂ© danoise, dont dĂ©pendait alors l’actuelle Islande, accorda le statut de ville Ă  Reykjavik, lui confĂ©rant du coup, dans cette colonie insulaire, le rĂŽle de capitale.

En 1980, ils Ă©taient 80 000. Aujourd’hui, la capitale islandaise compte 133 000 habitants (240 000 pour l’agglomĂ©ration totale) soit prĂšs des deux tiers de la population totale du pays, 370 000 habitants.

Un Ă©lĂ©ment de comparaison qui parlera, lui aussi : l’EuromĂ©tropole de Strasbourg et ses 33 communes comptent plus de 505 000 habitants


La capitale islandaise est presque comme une Ă©norme carte postale. Non loin des premiers volcans et des montagnes environnantes, elle s’étend face Ă  l’ocĂ©an le long d’une large baie fermĂ©e par le Mont Esja.

La ville s’enorgueillit d’un petit quartier historique (mais ici, l’histoire est trĂšs rĂ©cente, ne comptez pas y admirer de trĂšs vieilles pierres
) et son front de mer est ourlĂ© d’immeubles modernes Ă  l’image du fameux Harpa dont nous reparlerons, prolongĂ©s par un port encore actif oĂč fleurissent aussi les quartiers branchĂ©s et festifs ainsi que de vastes entrepĂŽts superbement reconvertis en musĂ©es, lieux de vie et boutiques plutĂŽt luxueuses.

Rien n’oppresse dans ces rues-lĂ  et si les transports en commun (ni mĂ©tro ni tram dans cette petite ville), essentiellement des bus, quadrillent bien la ville, ils sont presque inutiles pour le visiteur qui n’usera que trĂšs parcimonieusement ses semelles pour passer d’un quartier Ă  un autre. À bien des Ă©gards, Reykjavik sait se laisser dĂ©couvrir tendrement


Comme un fanal incontournable, le petit centre-ville de la capitale islandaise est dominĂ© par la cĂ©lĂšbre HallgrĂ­mskirkja, cette spectaculaire Ă©glise luthĂ©rienne, Ă  l’immanquable flĂšche de bĂ©ton qui s’élĂšve Ă  75 mĂštres. TerminĂ©e en 1986, son architecture est remarquable et gracieuse, Ă©voquant irrĂ©sistiblement les colonnes de basalte des plus spectaculaires sites islandais. Des rues nombreuses y convergent, donnant autant de perspectives aux innombrables photographes. Est-ce voulu ou cela correspond-il Ă  une raison historique prĂ©cise, on ne sait pas, mais l’orientation de cette flĂšche audacieuse et de sa façade trĂšs minĂ©rale fait que le soleil la lĂšche latĂ©ralement de flanc Ă  flanc, durant toute sa course quotidienne. Lesdits photographes sont donc

un peu Ă  la peine pour leurs rĂ©glages (on ne peut pas avoir Ă  la fois le soleil dans le dos et la façade frontale devant l’objectif). Les vues de nuit, avec l’éclairage splendide du bĂątiment, font dĂ©couvrir la HallgrĂ­mskirkja dans toute sa sobre beauté 

Sur la majestueuse place au pied de la HallgrĂ­mskirkja trĂŽne la statue d’Éric le Rouge, le cĂ©lĂšbre norvĂ©gien bien connu par les amateurs de la sĂ©rie Vikings , qui a Ă©tĂ© banni d’Islande aux environs du premier millĂ©naire.

De lĂ  partent plusieurs rues tranquilles qui permettent de rejoindre trĂšs vite les deux principales artĂšres commerçantes de la ville, BankastrĂŠti prolongĂ©e par Laugavegur et SkĂłlavörðustĂ­gur, oĂč l’on trouve aussi les principaux restaurants ou bars trĂšs frĂ©quentĂ©s dĂšs 17h


Tout est Ă  deux pas : au bord de l’ocĂ©an, il y a cette vaste promenade oĂč s’est Ă©chouĂ©e SĂłlfar, (le voyageur

du soleil, en Islandais) une fine et Ă©lĂ©gante sculpture rĂ©alisĂ©e en acier qui Ă©voque irrĂ©sistiblement la silhouette d’un bateau viking qui se dirige droit vers le soleil couchant


À deux cent mĂštres, le bloc de verre et d’acier du Harpa, une gigantesque salle de concert-palais des congrĂšs, se dresse telle une massive vigie contemporaine. L’élĂ©gance de l’architecture extĂ©rieure n’a rien Ă  envier Ă  un amĂ©nagement intĂ©rieur d’une rare majestĂ©. Ses opposants ont tentĂ© en vain d’accrĂ©diter l’idĂ©e que ses proportions sont complĂštement surdimensionnĂ©es pour les besoins d’une aussi faible population. Peine perdue, un rĂ©fĂ©rendum a tranchĂ©, le Harpa a Ă©tĂ© terminĂ©, quitte Ă  provoquer une substantielle rallonge sur les impĂŽts locaux. À l’intĂ©rieur, le complexe abrite quatre salles de concert dont l’une de 1800 places Ă  l’acoustique renommĂ©e dans le monde entier, et une infinie variĂ©tĂ© d’espaces d’expositions,

L’incontournable Hallgrímskirkja
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Le Harpa

le tout sublimĂ© par un formidable kalĂ©idoscope de plus de 10 000 vitres en nid d’abeilles qui, orientĂ©es au sud, reflĂštent une lumiĂšre irrĂ©elle Ă  certains moments de la journĂ©e. Du grand art architectural, incontestablement


Plus Ă  l’ouest, dans le prolongement du port traditionnel, c’est le quartier de Kvosin, bien rĂ©novĂ©, qui abrite musĂ©es, galeries d’art, boutiques et restaurants. Il fait bon y flĂąner le nez au vent et les jetĂ©es, quand le soleil se couche, s’embellissent d’une belle lumiĂšre qui fait irrĂ©sistiblement penser Ă  celle de certains tableaux du norvĂ©gien Edvard Munch qui savait si bien peindre les clartĂ©s nordiques. (lire les pages 14 à 17 dans ce mĂȘme numĂ©ro)

Dans ce mĂȘme quartier ou pas loin, on dĂ©couvre aussi trois attractions dont les Islandais (et leurs visiteurs
) sont trĂšs friands : le Saga Museum oĂč on peut

Un kaléidoscope de couleurs

se balader parmi les grandes figures historiques islandaises, Whales of Island (les baleines d’Islande) qui reproduit le plus souvent Ă  leur taille rĂ©elle les cĂ©tacĂ©s de l’Atlantique-nord et surtout, l’extraordinaire Fly Over Iceland : installĂ© dans une sorte de nacelle gĂ©ante devant un gigantesque Ă©cran semi-sphĂ©rique, les pieds ballants (au-dessus d’un vide
 inexistant) vous vous envolez bientĂŽt tel un oiseau migrateur pour un voyage au-dessus de ce pays fantastique. Volcans, geysers, splendides pics rocheux, vertigineuses plongĂ©es dans des gorges de basalte
 se succĂšdent devant vos yeux Ă©bahis. L’illusion est parfaite (jusqu’aux micro-gouttes d’eau qui viennent vous asperger quand vous traversez les nuages
 et votre siĂšge qui s’incline ou se redresse en fonction de mouvements de la camĂ©ra). Fly Over Iceland est bien plus qu’une attraction, c’est une expĂ©rience


On le répÚte, Reyjavik se parcourt quasi entiÚrement à pied, tranquillement. Deux, voire trois jours ici se dégustent comme un vrai privilÚge tant la ville, et ses habitants, se laissent facilement conquérir.

Ces derniers entretiennent un art de vivre assez remarquable. Comme l’ensemble de ceux que nous avons rencontrĂ©s nous l’ont dit (lire les pages suivantes), tous cultivent cette espĂšce de coolitude qui finit vite par dĂ©teindre sur vous. Tout cela se vĂ©rifie Ă  partir de la fin de l’aprĂšs-midi : les rues centrales de la capitale islandaise s’animent, les restaurants et bars sont alors tous ouverts. Dehors, on picole et on rigole Ă  qui mieux mieux, c’est alors toute une jeunesse qui profite de la vie et mĂȘme cette satanĂ©e mĂ©tĂ©o (« S’il pleut, attends cinq minutes, ça va passer » dit le cĂ©lĂšbre proverbe local) ne fait fuir personne.

Reykjavik est un bien bel endroit
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65 c ISLANDE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

Ces Alsaciens sous les aurores boréales

Ils s’appellent Karim, Catherine, Valentin, Florent ou encore Thomas


Tous ont en point commun un dĂ©sir d’Islande, survenu plus ou moins tĂŽt, prĂ©mĂ©ditĂ© ou moins, mais, au final, toujours assouvi, car tous ont osĂ© franchir le pas et se mesurer Ă  ce pays unique et quelquefois si Ă©trange. Nous les avons rencontrĂ©s Ă  Reykjavik ou en France. Ils racontent ce qu’ils vivent ou ont vĂ©cu. Dans leurs yeux se reflĂštent les mille nuances de l’Islande. Et l’émerveillement ne les a jamais quittĂ©s


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ISLANDE NOVEMBRE 2022 — MAI 2023 PRÉSIDENCE DU COMITÉ DES MINISTRES DU CONSEIL DE L’EUROPE PROGRAMME CULTUREL

Ces Alsaciens sous les aurores borĂ©ales Karim Dahmane : l’Islande, comme une Ă©vidence


Il est Strasbourgeois d’origine et il avoue bien volontiers « avoir depuis toujours eu la bougeotte ». Alors, trĂšs tĂŽt, il a assumĂ© ses envies et le voyage est devenu pour lui une seconde nature. « L’Islande m’a permis de devenir celui qui est au fond de moi » dit-il joliment


Voyager a toujours été un objectif quasi obsessionnel pour vous


Je ne sais pas si on peut dire ça comme ça, mais oui, trĂšs vite, j’ai eu en tĂȘte l’idĂ©e de pouvoir joindre Ă  l’utile Ă  l’agrĂ©able c’est-Ă -dire d’ĂȘtre Ă  mĂȘme de voyager, mais aussi de vivre ma vie depuis une destination lointaine. Je travaille donc dans le tourisme depuis trente ans. J’ai commencĂ© Ă  travailler comme guide Ă  Terres d’aventures, me spĂ©cialisant sur les zones dĂ©sertiques, sahariennes principalement. J’emmenais les gens marcher. Peu Ă  peu, j’ai ajoutĂ© les zones arctiques, le Groenland et le Spitzberg, Ă  mon programme


Au tout dĂ©part, j’ai posĂ© pour la premiĂšre fois le pied sur le sol islandais pour une question liĂ©e Ă  l’impĂ©ratif d’une escale lors d’un vol aĂ©rien vers le Groenland. Et j’ai fait la connaissance d’un ami qui vivait en Islande ce qui m’a permis de multiplier les petits sĂ©jours lors des escales, dans les annĂ©es 90. Il y a eu ensuite pas mal de choses qui ont changĂ© au sein des agences de voyages pour lesquelles je travaillais, des rachats et regroupements surtout. Comme

Comment s’est passĂ©e votre rencontre avec l’Islande ?
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notre statut de travailleur indĂ©pendant est d’une grande fragilitĂ©, j’ai rĂ©alisĂ© que je n’allais pas tarder Ă  rencontrer des problĂšmes et qu’il allait falloir que je me prĂ©pare une solution de sortie. Je restais cependant trĂšs attachĂ© Ă  mon point d’ancrage qui Ă©tait Strasbourg et Ă  ma terre d’Alsace


Comment les choses ont-elles bougé ?

Le tourisme n’a jamais Ă©tĂ© pour moi une fin en soi, mais j’y ai toujours cherchĂ© un rĂ©el potentiel de rencontres, car ce sont ces rencontres qui, pour moi, nous font Ă©voluer et gĂ©nĂšrent le changement. J’ai donc un temps arrĂȘtĂ© de collaborer avec les sociĂ©tĂ©s habituelles et au dĂ©but des annĂ©es 2000, mon ami en Islande m’a incitĂ© Ă  venir dans l’üle oĂč j’ai commencĂ© Ă  guider jusqu’à finir par rencontrer Silja, une FrancoIslandaise qui est devenue depuis la mĂšre de mes enfants. Elle vivait Ă  Paris et elle venait en Islande pour encadrer des voyages d’étĂ©. On a dĂ©cidĂ© de s’installer lĂ -bas parce que je me disais que c’était un beau pays oĂč nous pouvions Ă  l’évidence rĂ©aliser pas mal de choses. C’est donc l’amour qui m’a amenĂ© vers l’Islande et j’ai trĂšs vite rĂ©alisĂ© que ce

pays me permettait de devenir celui que j’avais au plus profond de moi depuis toujours. Elle me paraissait bien, cette idĂ©e. Nous nous sommes installĂ©s en Islande en 2008. Au meilleur moment


C’est Ă  dire au moment oĂč la crise financiĂšre mondiale a Ă©claté 

C’est cela. Ce fut un enfer. heureusement, le pays a pu assez rapidement rebondir. Et nous avons fini par pouvoir nous intĂ©grer assez correctement. J’ai beaucoup de reconnaissance pour ce pays oĂč j’ai finalement pu me rĂ©aliser. J’en ai aussi pour les Islandais qui, en rĂ©fĂ©rence Ă  un passĂ© historique qui n’a pas toujours Ă©tĂ© pour eux une partie de plaisir, savent aujourd’hui se battre et affronter crĂąnement l’adversitĂ©. Ils l’ont notamment prouvĂ© dans les annĂ©es 60/70 oĂč ils ont su affronter les bateaux anglais qui venaient pĂȘcher dans leurs eaux territoriales en vertu d’acquis historiques qui n’avaient aucune lĂ©galitĂ© justifiĂ©e.

Comment votre activitĂ© s’est-elle finalement dĂ©veloppĂ©e ?

MalgrĂ© l’éruption-surprise de l’Eyjafjallajökull deux ans aprĂšs avoir

lancĂ© mon agence, ce qui est venu encore un peu plus compliquer les choses, sur le coup, je peux dire aujourd’hui que ça marche plutĂŽt pas mal. En fait, j’ai profitĂ© du boom touristique que nous connaissons depuis dix ans en Islande


Parmi toutes les qualitĂ©s que vous reconnaissez Ă  ce pays et parmi tout ce qui fait que vous avez dĂ©cidĂ© d’y construire votre vie, quel est peut-ĂȘtre le point le plus remarquable que vous avez envie de souligner ?

Il y en aurait Ă  l’évidence plus d’un. Mais je voudrais mettre en valeur le fait que les Islandais sont des gens fantastiques notamment pour le fait que s’ils constatent que vous avez trouvĂ© votre chemin et que vous avez une idĂ©e qui vous porte, ils vous font trĂšs facilement une place. Vous n’avez aucunement besoin d’apparaĂźtre comme quelqu’un qui brasse beaucoup d’argent, vous pouvez ĂȘtre un artiste ou simplement quelqu’un qui s’est fait son petit boulot, ils vous intĂšgrent bien. Ici, au final, j’ai donnĂ© une autre direction Ă  ma vie, j’ai Ă©levĂ© mes enfants. L’Islande m’a ouvert ses bras  »  c

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Ces Alsaciens sous les aurores borĂ©ales Catherine Ulrich, l’Islande au cƓur


« Alsacienne et Strasbourgeoise de souche » tient-elle d’entrĂ©e Ă  prĂ©ciser, Catherine Ulrich vit depuis toujours une incroyable histoire d’amour avec l’Islande. Nos rencontres Ă  Strasbourg d’abord puis Ă  Reykjavik – pour son 77e sĂ©jour lĂ -bas ! – ont rĂ©vĂ©lĂ© chez elle un attachement quasi viscĂ©ral Ă  l’üle perdue dans l’Atlantique-Nord dont elle nous parle avec une passion intacte. Portrait


Nous sommes dans les années cinquante.

C’est un simple livre dans une bibliothĂšque familiale d’un appartement strasbourgeois de l’allĂ©e de la Robertsau. La petite fille a sept ou huit ans, peut-ĂȘtre
 Elle est devenue octogĂ©naire aujourd’hui (mĂȘme si on lui donne facilement quinze ans de moins), mais elle se souvient bien de ce livre et surtout de sa couverture : « Il appartenait Ă  mes parents » raconte Catherine Ulrich avec une pointe de nostalgie dans la voix « et je me souviens comme si c’était hier de sa couverture et de la photo de cette Ă©glise de HĂĄteigskirkja et ses quatre clochers (une Ă©glise d’un quartier de Reykjavik – ndlr). Le clichĂ© avait dĂ» ĂȘtre pris au lever ou au coucher du soleil, je pense, car je me rappelle bien de ses couleurs orangĂ©es. Ce livre, j’ai dĂ» le feuilleter des centaines et des centaines de fois. Je ne rĂȘvais pas encore de volcans ou de geysers, mais pour moi, toute petite fille, ce livre et cette couverture rĂ©sumaient l’Islande. Et je me suis mise Ă  me passionner pour ce pays
 Mais, malgrĂ© tout cela, j’ai mis trĂšs longtemps avant de poser le pied sur cette terre. Je suis devenue veuve trĂšs tĂŽt, j’élevais seule mes trois enfants et se rendre Ă  quatre en Islande, Ă  cette Ă©poque, Ă©tait largement hors de mes moyens pour la simple professeur de musique que j’étais. Mais je me suis toujours sentie attirĂ©e par les pays nordiques, alors nous avons souvent voyagĂ© l’étĂ© en NorvĂšge, on louait

des huttes sur les campings, on a mĂȘme poussĂ© un jour jusqu’au Cap Nord. Mais l’Islande, pour moi, restait inatteignable, malgrĂ© ma connexion persistante avec le petit livre de mon enfance  »

Un heureux engrenage

La vie, quelquefois, souvent, se charge de mettre sur pied ces rendez-vous qu’on croit impossibles, qu’on s’imagine ne pouvoir ne vivre que dans nos rĂȘves. Pour Catherine, c’est la rencontre avec celui qui deviendra son deuxiĂšme Ă©poux.

Il y a trente ans, pour ses cinquante ans, elle se voit offrir le prĂ©cieux cadeau, son premier voyage en Islande. Elle se souvient parfaitement de sa premiĂšre sensation : « À l’époque, l’aĂ©roport international de Keflavik (situĂ© Ă  50 km de Reykjavik) n’existait pas, on atterrissait sur l’aĂ©roport de ReykjavĂ­kurflugvöllur, Ă  proximitĂ© immĂ©diate du centre de la capitale islandaise (cet aĂ©roport est rĂ©servĂ© aujourd’hui aux vols intĂ©rieurs du pays – ndlr).

Ma toute premiĂšre sensation, je m’en souviens comme si c’était hier, c’est, dĂšs avoir quittĂ© le tarmac, avoir marchĂ© comme sur la lune, sur ces roches volcaniques si particuliĂšres. Une sensation quasi identique Ă  celle que j’avais dĂ©jĂ  ressentie dans l’enfance quand le concierge de notre immeuble vidait chaque matin la chaudiĂšre des restes du charbon consumĂ©, les scories du combustible avaient le mĂȘme aspect et on entendait ce crissement trĂšs particulier

quand on marchait dessus. Ce qui m’avait Ă©galement aussitĂŽt frappĂ© lors de mon tout premier voyage, c’était les lumiĂšres tout Ă  fait singuliĂšres qui baignaient ce pays. Les ciels sont trĂšs souvent bas, mais rarement lourds ou oppressants. Je crois que c’est la proximitĂ© du pĂŽle Nord qui explique ce phĂ©nomĂšne. J’ai toujours eu l’ñme trĂšs sensible et pour moi, les ciels d’Islande me rapprochent des disparus qui me restent chers. Ce fut un vĂ©ritable voyage initiatique et comme j’étais membre trĂšs active d’une chorale et d’un orchestre, je me suis tout de suite dit qu’il fallait que j’amĂšne tout le monde dans ce pays. Ça s’est fait sous la forme d’un Ă©change avec une chorale islandaise de la CĂŽte-Nord de l’üle  »

Sans le savoir, Catherine Ulrich venait de mettre le doigt dans un (heureux) engrenage. Un voyage, puis un autre, puis encore un autre et, trĂšs vite, elle sera Ă  l’origine de la crĂ©ation de Alsace-Islande, une association culturelle qui deviendra une vraie rĂ©fĂ©rence en matiĂšre
 d’organisation de voyages et de confĂ©rences. « Ce n’était pas notre seul but » commente Catherine « mais c’est vrai que je me suis passionnĂ©e pour cet aspect-lĂ  de notre activitĂ© associative. Peu Ă  peu, j’ai dĂ©veloppĂ© une sorte d’expertise, j’avais mes parcours, mes rĂ©fĂ©rences d’hĂ©bergements, mes restaurants incontournables et le bouche-Ă -oreille a fait le reste. L’Islande est devenue ma destination privilĂ©giĂ©e, voire unique, et je n’ai cessĂ© d’éprouver du plaisir Ă  la faire dĂ©couvrir Ă  des centaines de gens, au fil des

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ans. Je n’ai jamais cessĂ© d’ĂȘtre bĂ©nĂ©vole, je n’en ai jamais fait un mĂ©tier, mais j’ai sans cesse su m’adapter. Par exemple, il y a une quinzaine d’annĂ©es, j’ai eu affaire Ă  de plus en plus de femmes seules et des exigences d’un hĂ©bergement plus confortable se sont faites jour. Alors, j’ai fait Ă©voluer en consĂ©quence ma gamme d’hĂŽtels, un peu comme l’agence de voyages que nous n’étions pas, mais dont je m’efforçais de copier le professionnalisme. J’ai mĂȘme un jour pu organiser un voyage pour une cinquantaine d’étudiants d’une Ă©cole d’ingĂ©nieurs, l’INSA, venus sur place pour Ă©tudier concrĂštement la gĂ©othermie, notamment. Ils en gardent tous un superbe souvenir, je crois
 (des propos que confirme un grand ami de Or Norme , leur ex-professeur Armand Erb, aujourd’hui Ă  la retraite – ndlr). VoilĂ  pourquoi je peux aujourd’hui afficher 77 voyages en Islande Ă  mon compteur » sourit Catherine qui compte bien atteindre le chiffre rond de cent voyages. Mais ce ne seront plus des voyages qu’elle

organisera, car elle a mis fin à cette activité quelques mois avant que le Covid ne vienne tout perturber.

Les solides particularitĂ©s d’un si petit peuple


Reste que, parfaitement bilingue, la nĂ©o-octogĂ©naire reste une formidable personne-ressource : quand nous avons en partie prĂ©parĂ© notre voyage lĂ -bas avec elle, il n’y a pas un lieu, un site, un hĂŽtel ou un restaurant d’étape qu’elle ne connaissait pas. Quasi incroyable


Cette parfaite connaisseuse de l’Islande est bien placĂ©e pour Ă©voquer l’évolution contemporaine de ce pays, elle qui l’a connue Ă  une Ă©poque oĂč il restait assez enclavĂ©, mais si follement « nature ». Je me souviens mĂȘme » raconte-t-elle, « qu’il y a trente ans, on roulait sur des routes sans asphalte vers le Snaefellsjökull (le glacier

qui inspira Jules Verne pour son formidable Voyage au centre de la Terre – ndlr) et qu’on suivait parfois une arroseuse publique qui projetait de l’eau sur la piste pour qu’elle ne s’érode pas trop quand elle devenait trop sĂšche. Ce type de routes existent encore aujourd’hui, mais l’asphalte est devenu beaucoup plus frĂ©quent, bien sĂ»r.

Ceci dit, l’Islande contemporaine a beaucoup Ă©voluĂ©, Ă  l’évidence. Le tourisme est arrivĂ© en masse, surtout Ă  Reykjavik et dans l’ouest du pays et il a forcĂ©ment eu un impact, car moins de 400 000 Islandais vivent sur leur ile. Mais, nĂ©anmoins, ce petit peuple, par le nombre d’ñmes, conserve ses solides particularitĂ©s : il y aurait beaucoup Ă  dire sur ce sujet, mais parmi elles, il y a par exemple cette tradition d’accueil concernant les Ă©migrĂ©s. Il y a ici beaucoup de gens d’origine polonaise, voire russe, beaucoup d’Asiatiques aussi et mĂȘme, ces derniers temps, des Ukrainiens et les Islandais que je connais vivent ça plutĂŽt bien. Certains revendiquent mĂȘme ce brassage de population, car cela permet de “mĂ©langer leur sang” comme ils disent. En effet, les risques de consanguinitĂ© ne sont pas rares dans une population aussi petite.

J’admire aussi leur façon d’éduquer leurs enfants, trĂšs vite et de façon trĂšs surprenante pour nous autres Français, les jeunes couples islandais leur accordant une autonomie qui ne cesse de grandir, et çà, je le constate depuis trente ans, en effet. Au bord des cascades, ils laissent leur bĂ©bĂ© trottiner tout seul, car il doit apprendre le plus vite possible Ă  se sentir le plus indĂ©pendant possible. Quasi impensable en France


Je crois que pas mal de nos compatriotes seraient trĂšs Ă©tonnĂ©s des particularitĂ©s rĂ©elles de ce si petit peuple  » conclut Catherine, la passionnĂ©e, dont l’Ɠil ne cesse de briller dĂšs que le mot Islande est prononcĂ©.

Tout cela grĂące Ă  la magie aujourd’hui lointaine, mais toujours prĂ©sente d’une couverture orangĂ©e dans la petite bibliothĂšque de son enfance
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Ces Alsaciens sous les aurores boréales

Valentin Fels-Camilleri, le battant


Aussi loin qu’il se souvienne, ce Haut-Rhinois d’origine, passĂ© par Strasbourg pour ses Ă©tudes supĂ©rieures Ă  la FacultĂ© des Sciences du sport, a toujours voulu voyager et Ă©largir son horizon. AprĂšs quelques Ă©tapes dĂ©terminantes, il s’est fixĂ© Ă  Reykjavik oĂč nous l’avons rencontrĂ©. Il nous parle avec une belle jubilation de sa nouvelle vie en Islande


On dĂ©couvre le Mjölnir (le nom islandais du marteau du dieu Thor) en haut d’une mini-colline, quasi protĂ©gĂ© des regards dans une zone sans commerciale sans Ăąme de la proche banlieue de la capitale islandaise. Le bĂątiment ne paie pas trop de mine, mais sa visite, aussitĂŽt entamĂ©e en suivant les pas de Valentin Fells-Camilleri, rĂ©vĂ©lera vite qu’il est plutĂŽt bien pensĂ©, suffisamment en tout cas pour avoir gagnĂ© assez vite ses galons de premier club de sport de Reykjavik. Autour d’une tasse de cafĂ©, Valentin se prĂȘte avec un entrain non feint au jeu des souvenirs


Tu n’as que 31 ans, mais ton parcours rĂ©vĂšle dĂ©jĂ  une belle appĂ©tence pour l’ailleurs, les voyages, la dĂ©couverte de beaucoup d’horizons


C’est certain. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu voyager, mais j’ai commencĂ© somme toute assez tard. L’Islande, une premiĂšre fois, fut mon premier grand voyage sans mes parents. J’avais 21 ans. Et j’ai passĂ© des vacances ici aprĂšs avoir rencontrĂ© un Islandais, Gunnar, qui Ă©tait jeune homme au pair Ă  Colmar et avec lequel j’ai bien accrochĂ©. C’est lui qui m’a fait dĂ©couvrir l’Islande durant trois semaines Ă  l’été 2012. J’ai Ă©tĂ© immĂ©diatement et totalement sĂ©duit. C’était avant le boom touristique de ces derniĂšres annĂ©es et j’avais Ă©tĂ© fascinĂ© par ces paysages grandioses quasi vides de toute prĂ©sence humaine. J’ai ensuite continuĂ© mes Ă©tudes Ă  Strasbourg et s’est prĂ©sentĂ©e une superbe opportunitĂ© Ă  six mois de la fin de ma cinquiĂšme annĂ©e de Master Ă  Strasbourg oĂč j’ai pu bĂ©nĂ©ficier d’un stage de fin d’études en Australie, au laboratoire de sport et de nutrition de

l’UniversitĂ© de Brisbane. Six mois fantastiques oĂč j’ai pu continuer mes entrainements de jiu-jitsu et mĂȘme participer Ă  quelques compĂ©titions, en mĂȘme temps que je finissais ma thĂšse. Une fois le stage terminĂ©, j’ai passĂ© quelques jours en Asie puis en Nouvelle-ZĂ©lande, j’ai fait le tour du coin, quoi (rires). De retour en Alsace, mon diplĂŽme en poche, j’ai fini par tourner un peu en rond, j’ai eu du mal Ă  dĂ©velopper l’activitĂ© de coach que j’avais prĂ©vu d’exercer et, pour ĂȘtre franc, j’ai compris que si je voulais continuer Ă  dĂ©velopper mon entrainement et ĂȘtre au top de mon sport, il allait falloir que je parte. J’ai pensĂ© Ă  Paris, aux États-Unis, j’étais trĂšs indĂ©cis
 Au printemps 2016, je suis revenu Ă  Reykjavik, Ă  Mjölnir, pour

prĂ©parer les championnats d’Europe et le staff du club m’a alors dit que le club allait se dĂ©velopper en ouvrant une structure plus grande et m’a fait comprendre qu’il y aurait sans doute une opportunitĂ© pour moi. À mon retour en France, j’ai mis un maximum d’argent de cĂŽtĂ© et je suis finalement revenu en Islande au dĂ©but de l’automne en me disant que je ne risquais rien Ă  tenter ma chance au club, d’abord en m’y entraĂźnant puis peu Ă  peu, en y prenant des responsabilitĂ©s en tant que salariĂ©. Je raccourcis le rĂ©cit, mais le hasard a bien fait les choses, vers la fin de l’annĂ©e : le responsable de la section de compĂ©tition de jiu-jitsu a annoncĂ© qu’il quittait son poste pour un autre job et, immĂ©diatement, on m’a proposĂ© sa place ! J’ai

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acceptĂ©, mais franchement, je me sentais un peu nerveux : cet homme Ă©tait mon modĂšle et je me suis dit qu’il allait vraiment falloir que je sois convaincant pour m’affirmer. Je me suis lancĂ©, et, au fur et Ă  mesure, tout s’est bien passĂ© cĂŽtĂ© professionnel puisque je suis devenu entraĂźneur en chef de cette section de compĂ©tition, mais aussi au niveau sportif avec une belle troisiĂšme place Ă  l’équivalent des qualifications europĂ©ennes pour les JO, une victoire aux championnats nationaux chaque annĂ©e depuis quatre ans et rĂ©cemment une prestation remarquĂ©e lors du plus grand show europĂ©en de mon sport. Enfin, j’ai ouvert ma propre structure Ă  Akranes (une localitĂ© Ă  une cinquantaine de kilomĂštres du nord-est de Reykjavik – ndlr). Bon, j’ai volontairement occultĂ© jusque-lĂ  une des raisons principales qui m’avaient fait m’établir durablement dans ce pays : je suis tombĂ© amoureux d’une Islandaise, Tina, que j’ai rencontrĂ©e il y a cinq ans. On a eu notre bĂ©bĂ©, Lena-Katrin, il y a deux ans
 Tina est originaire de Akranes, voilĂ  pourquoi nous vivons lĂ -bas.

C’est une trùs belle histoire. Parle-moi maintenant des Islandais, vus avec les yeux de l’Alsacien que tu es toujours, mais qui vit à demeure depuis plus de six ans dans ce pays surprenant


SincĂšrement, je vois que beaucoup de mes habitudes ont changĂ©. Je pourrais raconter une multitude d’anecdotes, Ă©videmment
 L’une est assez rĂ©vĂ©latrice, surtout avec l’époque que nous vivons aujourd’hui. Au dĂ©but de ma vie de couple avec Tina, j’avais du mal Ă  comprendre un truc qui Ă©tait incroyable Ă  mes yeux : les gens gardaient tout le temps les lumiĂšres allumĂ©es et ils n’étaient absolument pas Ă©conomes avec l’eau, par exemple. Tout cela me paraissait aberrant, au vu de mon Ă©ducation française mĂȘme si la latitude de l’Islande fait qu’en dĂ©cembre ou janvier, on n’a au mieux que trois heures de lumiĂšre du jour quotidiennement. Au dĂ©but, je passais systĂ©matiquement derriĂšre elle pour Ă©teindre la lumiĂšre et elle la rallumait aussi sec. C’est d’ailleurs devenu un jeu entre nous, depuis. Mais le prix de l’électricitĂ©, ici, c’est peanuts compte-tenu qu’elle est quasiment entiĂšrement d’origine gĂ©othermique ou hydraulique. C’est pareil pour le chauffage, les gens laissent couramment les fenĂȘtres grandes ouvertes et le chauffage Ă  fond, ce n’est pas un problĂšme. Les voitures Ă©lectriques sont en plein boom dans le pays et la recharge est tout aussi peu coĂ»teuse


Sur un autre plan, il m’a fallu m’adapter. Tiens, rien que la traditionnelle bise Ă  la française. Tant au niveau des hommes que des femmes, elle n’est pas du tout dans la culture islandaise. Ça ne se fait pas du tout ici. D’ailleurs, assez souvent, mĂȘme dire bonjour ou au revoir n’est pas usuel non plus. Ça doit tenir au fait que nous sommes, au fond, une petite communautĂ©, moins de 400 000 personnes sur toute l’üle. Avec mes potes on se quitte le soir sans se saluer et le lendemain, en se retrouvant, on peut mĂȘme redĂ©marrer la conversation lĂ  oĂč on l’avait laissĂ©e la veille. C’est assez Ă©trange hein ?

Quelles sont les deux ou trois qualitĂ©s, en gĂ©nĂ©ral, que tu apprĂ©cies le plus chez les Islandais ?

Il y a cette valeur bien spĂ©cifique au peuple islandais qui est l’entraide. Sans doute lĂ  encore est-ce dĂ» Ă  cette petite communautĂ© que nous formons. Les connexions spontanĂ©es sont beaucoup plus importantes que partout ailleurs. Si je rencontre quelqu’un que je ne connais pas, je peux ĂȘtre Ă  peu prĂšs certain que pas mal de mes amis le connaissent. Alors, si on essaie de promouvoir des valeurs comme la bontĂ© ou l’empathie par exemple, il y a de bonnes chances que beaucoup de rencontres deviennent trĂšs vite trĂšs positives. Bon, ça marche aussi dans l’autre sens, s’il y a un problĂšme ça se sait trĂšs vite. Du coup, Ă©normĂ©ment d’opportunitĂ©s inattendues se prĂ©sentent : par exemple, je me suis souvent retrouvĂ© dans des tournages de sĂ©ries hollywoodiennes ou chinoises qui recherchaient des acteurs pour des sĂ©quences de combat. Dans un autre pays, il y aurait un casting d’acteurs, mais ici, c’est tellement petit qu’ils passent au club de sport le plus renommĂ© et ils tombent vite immanquablement sur toi


Si je me base sur les gens que j’ai connus ici, dĂšs qu’on dĂ©passe la premiĂšre couche de personnalitĂ© juste aprĂšs la rencontre, ils deviennent vite trĂšs authentiques et s’étalent alors volontiers sur qui ils sont, ce qu’ils ont vĂ©cu, ce qu’ils vivent, ce qu’ils pensent. Mais je reviens sans cesse sur cette solidaritĂ© qui les caractĂ©rise tous. Je crois bien qu’elle est lĂ  la toute premiĂšre qualitĂ© des Islandais. Elle se manifeste d’autant plus dans les tout petits villages : quand tu y arrives, tu n’auras sans doute pas droit tout de suite aux grands sourires et aux grands discours, mais l’entraide se manifestera assez vite.

Du cÎté du trÚs positif, je pense aussi à la façon dont est considérée la maternité.

J’en ai Ă©videmment bien pris conscience en devenant pĂšre il y a deux ans, c’est bluffant. Le congĂ© de maternitĂ©, ici, c’est six mois pour la mĂšre et cinq mois pour le pĂšre, sans parler d’un ou deux mois supplĂ©mentaires auxquels tu peux avoir accĂšs en option. Au total, ton bĂ©bĂ© peut rester avec toi pendant plus d’un an et tu es encore payĂ©. Et ça vaut aussi pour les indĂ©pendants, ce n’est pas que pour les salariĂ©s. J’ai eu de la chance : en ajoutant les effets du Covid, j’ai eu ce privilĂšge et ce bonheur d’ĂȘtre prĂšs de ma petite fille pendant presque deux ans. Elle comprend le français aussi bien que l’islandais et la connexion que j’ai avec elle est merveilleuse


Et puis, il faut que je parle de cette ville Ă©tonnante qu’est Reykjavik. Bien sĂ»r, elle n’est ni Londres ni Paris, mais il y a ici des intellectuels, des artistes, des crĂ©ateurs et toutes sortes de gens curieux de tout, qui ne cessent de dĂ©velopper des modes et des tendances
 Et comme la ville est petite, on les rencontre trĂšs facilement. Et je ne te parle mĂȘme pas de l’atout le plus fantastique de la capitale : en moins de dix minutes de voiture, tu as accĂšs Ă  cette nature brute, l’ocĂ©an, les montagnes
 ça c’est un vrai, un gros, un Ă©norme atout. Ici, le mix entre l’urbain et la nature est fantastique.

Et, a contrario, le nĂ©gatif ?

En toute sincĂ©ritĂ©, pas grand-chose, vraiment
 En me creusant fort, je dirais que nos quatre saisons traditionnelles en Alsace me manquent et il en va de mĂȘme avec la langue française : comme je suis en contact avant plein d’Islandais, je parle tout le temps en anglais. Mon islandais est celui d’un gamin de cinq ans, j’avoue, mais je comprends l’essentiel de ce qui se dit. Du coup, en te parlant de ça, me vient Ă  l’idĂ©e un trait de caractĂšre qui serait un tantinet nĂ©gatif : quand ils sont en groupe et que tu es avec eux, ils basculent trĂšs vite de l’anglais Ă  l’islandais. Bon, rien de grave, c’est malgrĂ© eux, rien de volontaire
 Finalement, ce qui est le plus handicapant est liĂ© Ă  l’insularitĂ©. En partir et y revenir est trĂšs coĂ»teux, c’est une rĂ©alitĂ©.

Mais, tu vois, je cherche et je cherche pour trouver des choses Ă  redire et au fond, il y en a si peu. Il y a un dicton, ici, qui dit un truc du genre : « Bah, pas de souci, ça va le faire  » Les Islandais sont un peu les BrĂ©siliens de l’Europe : ils vont ĂȘtre un peu en retard, pas tout Ă  fait carrĂ©s, mais, pas de souci, ça fonctionnera quand mĂȘme, ils vont s’adapter tout en restant cool, mais, au final, tout se fera toujours comme prĂ©vu ou comme promis  » c

73 c ISLANDE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

Ces Alsaciens sous les aurores boréales

Florent Gast « Mes attaches sont dĂ©sormais dans ce pays  »

Alsacien d’origine puisque natif d’Obernai (mais il a vĂ©cu dans les Vosges dĂšs l’ñge de deux ans), Florent Gast, 34 ans, est passĂ© par la Fac de Nancy pour une licence d’Anglais puis un Master de Français - Langues Ă©trangĂšres qui l’aura finalement amenĂ© en Islande pour un stage d’un semestre Ă  l’étranger. Et ce fut le coup de foudre


Il avait prĂ©venu : la rencontre et l’interview ne pourraient se faire qu’avec ses deux filles, dont il avait la charge lors de la semaine. Aucun problĂšme pour un tel deal sauf qu’on ne peut pas contraindre deux enfants de moins de dix ans Ă  rester stoĂŻquement sages pendant cinquante minutes, pendant que le papa raconte tant de choses Ă  ce monsieur Ă©tranger qui veut tout savoir. « Pas de problĂšme, je vais choisir un endroit oĂč elles pourront jouer dehors  » avait dit Florent qui avait fixĂ© le rendez-vous une fin d’aprĂšs-midi, dans un bar Ă  proximitĂ© immĂ©diate de l’aĂ©roport de ReykjavĂ­kurflugvöllur rĂ©servĂ© aux vols intĂ©rieurs islandais.

SituĂ© Ă  peine quelques kilomĂštres du centre de Reykjavik, l’endroit ressemble Ă  une vague zone commerciale un peu dĂ©sertĂ©e et le bar convenu occupe un de ces ex-hangars typiques de l’armĂ©e de l’air, avec son toit arrondi, qui pullulent dans la zone. L’intĂ©rieur, cependant, est joliment agencĂ© et dĂ©corĂ© et s’avĂšre ĂȘtre un des spots les plus tendance de la capitale islandaise.

Florent n’aura besoin que d’un rapide coup d’Ɠil, aprĂšs avoir stationnĂ© son vĂ©hicule, pour juger l’endroit tout Ă  fait sĂ»r et pendant une heure, Andrea et JĂșlia gambaderont en totale libertĂ© au milieu de quelques jeux d’enfants en plein air. Une seule fois durant l’heure de l’interview, leur papa sortira du bar pour jeter un coup d’Ɠil : ce n’est pas la premiĂšre fois oĂč on rĂ©alise que, dĂ©cidĂ©ment, les enfants bĂ©nĂ©ficient ici d’une Ă©ducation Ă  la responsabilitĂ© qui ne pourrait certainement pas s’exercer ainsi en France


L’Islande en tĂȘte

« Pour ce trimestre Ă  l’étranger dans le cadre de mon Master » raconte Florent, « j’avais postulĂ© un peu partout, en

NorvĂšge, en Lituanie mais aussi en Islande. En fait, j’avais depuis longtemps l’Islande en tĂȘte : je suis passionnĂ© de volcanisme depuis toujours et cette passion est nĂ©e grĂące Ă  deux hĂ©ros alsaciens, Katia et Maurice Krafft, cet incroyable couple de vulcanologues qui ont Ă©tĂ© victimes de leur passion en 1991, Katia et Maurice Krafft ont Ă©tĂ© emportĂ©s le 3 juin 1991 par une coulĂ©e pyroclastique sur les flancs du volcan Unzen au Japon. » (Un trĂšs beau doc rĂ©alisĂ© par Werner Herzog, Requiem pour Katia et Maurice Krafft est encore disponible en streaming sur le replay de Arte – ndlr). « Je me souviens aussi des images de l’éruption de Heimaey sur les Ăźles Vestmann, au large de l’Islande, que j’avais dĂ©couvertes dans un livre qu’on m’avait offert alors que j’étais encore enfant. Et je ne vous parle mĂȘme pas, bien sĂ»r, de l’éruption de l’Eyjafjallajökull, en 2010, situĂ© Ă  peine 150 kilomĂštres de l’endroit oĂč nous nous

En 2011, Florent postule donc pour un stage à l’Alliance française de Reykjavik,

programmĂ© dans le cadre de son mĂ©moire de Master. DĂ©but fĂ©vrier, sous le statut de freelance, il enseigne le français Ă  l’Alliance puis il profite d’un poste d’assistant de direction qui se libĂšre pour se fixer en Islande. « Le poste recouvre en fait une multiplicitĂ© de responsabilitĂ©s qui vont de l’administratif Ă  la communication en passant par l’organisation d’examens et l’animation culturelle. Le tout notamment au profit d’une communautĂ© française qui tourne autour de 300 rĂ©sidents permanents mais il y a aussi pas mal de saisonniers qui s’ajoutent Ă  ce nombre. Mais mon rĂŽle principal n’est pas de m’adresser spĂ©cifiquement Ă  eux, au contraire il s’adresse aux Islandais auprĂšs de qui nous essayons de diffuser la culture française sous toutes ses formes ainsi que la Francophonie  »

« On m’a fait confiance dĂšs le dĂ©part  »

Le temps de prendre quelques instants pour se lever et jeter un rapide coup

rencontrons  »
74 c ISLANDE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

d’Ɠil sur ses deux filles qui jouent Ă  l’extĂ©rieur, Florent se met Ă  commenter sa vie Ă  Reykjavik : « Au niveau privĂ©, j’ai un conjoint avec qui je vis et ce sont ses deux enfants naturels, je me suis donc trĂšs naturellement intĂ©grĂ© Ă  cette famille. Ici, tout est trĂšs ouvert d’esprit sur ces sujets, trĂšs gay friendly
 Cela fait maintenant dix ans que je vis en Islande et franchement, je m’y sens trĂšs bien dans ma peau. En dehors de mon job Ă  l’Alliance, je guide durant les mois d’étĂ© ce qui fait que je connais bien le pays. Au fur et Ă  mesure de ces dix ans, j’ai appris l’islandais, ce qui me permet Ă©galement de faire un peu d’interprĂ©tariat. La sociĂ©tĂ© islandaise est tellement petite que, trĂšs souvent, on rencontre des gens qui ont plusieurs casquettes, plusieurs cordes Ă  leur arc. C’est frĂ©quent. Mes activitĂ©s me permettent donc de rencontrer beaucoup de gens et c’est autant d’échanges d’expĂ©riences.

Depuis 2010, il y a eu un boom touristique impressionnant et cet engouement pour l’Islande ne s’est pas dĂ©menti depuis. C’est d’ailleurs ce phĂ©nomĂšne qui m’a permis de devenir guide, il y avait un fort manque local en ce domaine. On m’a fait confiance dĂšs le dĂ©part, ça c’est un trait de caractĂšre local. Ici, se lancer dans des projets transversaux est somme toute assez facile, au contraire de la France oĂč il faut ĂȘtre bardĂ© de diplĂŽmes et d’expĂ©rience.

Aujourd’hui que je suis devenu islandais de nationalitĂ©, je me sens suffisamment implantĂ© pour essayer de parler de ce pays. Pour moi, il y a eu un avant et un aprĂšs l’apprentissage de la langue. Quand on ne parle pas l’islandais, on a l’étiquette du visiteur qui finira toujours par repartir un jour ou l’autre : les gens sont polis et courtois mais ce sera assez difficile de nouer de vrais liens d’amitiĂ©. Mais l’islandais reste une langue trĂšs difficile Ă  apprendre, ce qui est un handicap pour le pays qui a beaucoup besoin d’émigrĂ©s pour se dĂ©velopper. SincĂšrement, les portes ne se sont vraiment ouvertes pour moi que lorsque je me suis senti assez confiant pour parler la langue quasiment en permanence
 Alors, je pense que je suis lĂ©gitime pour parler des Islandais : ce sont des gens chaleureux, sympas, sans doute un peu froids en apparence lors des premiers Ă©changes, un peu comme des volcans qui seraient recouverts par un glacier ; l’image n’est pas de moi, elle est d’une jeune femme expatriĂ©e que j’ai connue ici
 C’est peutĂȘtre aussi dĂ» au climat : il pleut souvent, il peut faire froid mĂȘme si, curieusement, il fait en moyenne moins froid en Islande qu’en Alsace ! Il y a aussi ces deux mois

d’hiver oĂč la luminositĂ© manque. Alors, il faut s’occuper, il faut avoir des amis, il faut faire du sport et tout ça permet d’oublier et de surmonter cette obscuritĂ© qui n’est quand mĂȘme pas totale : au solstice d’hiver, le soleil le lĂšve vers onze heures le matin et se couche vers quinze heures. En attendant, nos deux filles ont eu droit Ă  leur cuillĂšre de foie de morue chaque matin Ă  l’école : c’est un puissant apport de vitamine D  »

Une société paisible

Mais c’est sur les thĂ©matiques liĂ©es Ă  la tolĂ©rance que Florent s’exprime le plus volontiers. Il en souligne les aspects trĂšs particuliers : « Ici, Ă  Reykjavik, la gay pride annuelle est comme une institution, elle n’est pas fĂȘtĂ©e que par les gays ou les transgenres. C’est une fĂȘte familiale, c’est la fĂȘte de l’amour universel. Quant au profil atypique de notre famille, il n’a jamais fait l’objet du moindre questionnement autour de nous, Ă  l’école par exemple. En fait, j’oublie totalement ce qui pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une exception en France : certes, nous ne vivons pas comme la majoritĂ© des gens autour de nous mais ce n’est pas un sujet, je ne me pose pas de questions. Je n’ai jamais Ă©prouvĂ© le besoin de me justifier.

Sur un plan plus global, je sens que l’Islande est dans la bonne direction. L’insularitĂ© et le faible nombre d’habitants imposent que ce pays puisse s’ouvrir et c’est le cas, les Islandais le souhaitent dans leur trĂšs grande majoritĂ©. Les gens sont conscients que cet apport d’immigrĂ©s est indispensable.

Il n’y a globalement pas de gros problĂšmes de sĂ©curitĂ© en Islande, vous le voyez bien d’ailleurs, mes deux filles jouent tranquillement dehors sans que je n’éprouve le besoin de les avoir sous les yeux toutes les cinq minutes. Dans le quartier que j’habite ; c’est trĂšs cool aussi. Les enfants prennent trĂšs vite l’habitude de se frĂ©quenter dans les familles. Nous sommes tous reliĂ©s par une petite application style WhatsApp et quand je pose la question : « OĂč est Andrea ? », la rĂ©ponse arrive vite : « Elle est chez nous, en train de prendre son goĂ»ter
 » J’avoue que nous vivons dans une sociĂ©tĂ© paisible et c’est trĂšs agrĂ©able, je le vis comme un privilĂšge. C’est sans doute un des pays du monde oĂč Ă©lever ses enfants est le plus facile et le plus agrĂ©able
 Ceci dit, le fait d’ĂȘtre un petit peuple n’est pas sans inconvĂ©nient : c’est trĂšs difficile de sortir sans rencontrer quelqu’un qu’on connait. Ce sentiment est permanent. Quelquefois, on aimerait bien vivre dans un certain anonymat. Du coup,

ça peut provoquer d’étranges sensations. Regardez nos maisons : elles n’ont pas de volets, elles ont de grandes baies vitrĂ©es, on ne cache rien, il n’y a rien Ă  cacher  »

J’ai vraiment grandi


TrĂšs vite, au cƓur de ce bar branchĂ© de la capitale islandaise, la conversation bifurquera vers des thĂ©matiques liĂ©es Ă  l’art et Ă  la culture. LĂ  encore, Florent n’est pas avare quand il s’agit de manifester sa satisfaction quant Ă  son pays d’adoption : « On en a parlĂ©, le climat et la luminositĂ© quelquefois insuffisante poussent les gens Ă  s’occuper de quelque façon que ce soit et dans ce cadre, l’art et la pratique artistique sont florissants. D’ailleurs, les Islandais consacrent beaucoup d’argent pour la dĂ©coration de leur intĂ©rieur et pour l’achat d’Ɠuvres d’art. Il en va de mĂȘme pour les Ă©quipements publics en la matiĂšre  » Et, trĂšs vite, de citer le Harpa, cette gigantesque salle de concerts et de confĂ©rences, Ă  l’architecture d’une folle audace, construite Ă  proximitĂ© immĂ©diate du port, face Ă  l’ocĂ©an. « Je le raconte souvent quand je guide : la construction du Harpa a dĂ©butĂ© trĂšs peu de temps avant la crise financiĂšre de 2008 et son Ă©dification a trĂšs vite Ă©tĂ© hors de prix. Il a mĂȘme Ă©tĂ© question de stopper immĂ©diatement les travaux. Mais il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© que le contribuable mettrait la main Ă  la poche et les travaux ont pu continuer. Quand il s’agit d’art, les Islandais rĂ©clament le meilleur et ce bĂątiment est devenu finalement un marqueur, un emblĂšme pour leur capitale  »

Tout au long de l’entretien, Florent sera restĂ© soucieux de ne jamais employer un vocabulaire trop dithyrambique pour parler de ce pays qui l’a accueilli et oĂč il se sent si bien tant professionnellement qu’humainement. Pour un peu le provoquer, en conclusion, on le pousse Ă  se demander ce qu’il ferait si on lui proposait le mĂȘme job trĂšs loin d’ici, avec un salaire doublĂ© Ă  la clé : « Pourquoi pas ? C’est d’ailleurs peut-ĂȘtre un projet de partir un temps ailleurs, oui, pourquoi pas ? Mais ce serait pour revenir tĂŽt ou tard en Islande. Je sens que mes attaches sont dĂ©sormais dans ce pays, il y a ici comme une forme d’insouciance, j’utilise mon vĂ©lo pour aller au travail, je suis Ă  deux pas des montagnes et de l’ocĂ©an, et partout en Islande, il y a cette belle ouverture d’esprit et ce gros potentiel d’opportunitĂ©s. On m’a fait confiance sur Ă©normĂ©ment de choses. J’ai vraiment grandi. Je ne vois pas, pas plus en France qu’ailleurs, un pays oĂč j’aurais pu rĂ©aliser aussi vite tout ce que j’ai fait ici  » c

75 c ISLANDE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

La belle histoire Partir, se trouver, revenir


Qui d’entre nous n’a jamais eu cette idĂ©e folle de tout plaquer pour « lever le camp », se frotter au grand frisson de l’aventure toutes voiles dehors, le temps au moins de faire peau neuve et se retrouver au plus intime de soi ? À bien y regarder, cette idĂ©e reste trĂšs souvent un simple projet pour beaucoup d’entre nous. Pas pour Thomas Waeldele, qui a sautĂ© le pas il y a trois ans : cap vers l’Islande !

Il se pose devant nous dans l’intimitĂ© d’un petit bar de quartier prĂšs des Halles et instantanĂ©ment, le courant passe. Peut-ĂȘtre parce qu’on se connait dĂ©jĂ  un peu sans s’ĂȘtre rencontrĂ©s puisque la Consule d’Islande Ă  Strasbourg, Solvenn Dromson, nous a remis le livre-photo que Thomas a rĂ©alisĂ© pour conserver une trace de son pĂ©riple au pays des Vikings
 Il ne faut donc pas longtemps avant que ce gaillard aux yeux dĂ©terminĂ©s nous raconte tout ce qu’il a vĂ©cu il y a prĂšs de quatre ans. Et ça devient vite hyper passionnant
 est au fond de moi » dit-il joliment


À un lĂ©ger dĂ©tail prĂšs
 Je n’étais pas heureux


« C’est un Ă©norme parcours personnel qui m’a conduit en Islande » racontet-il. « J’avais 43 ans en 2019, quand j’ai vraiment rĂ©alisĂ© qu’à force d’essayer de rentrer dans des cases sans y parvenir, il me fallait bien envisager d’absolument tout changer. Peu de temps avant, j’étais encore Expert produits pour un grand constructeur automobile allemand, je passais mon temps Ă  expliquer aux clients de A Ă  Z comment faire fonctionner le

vĂ©hicule qu’ils venaient d’acheter. Ça me plaisait assez, car j’ai toujours Ă©tĂ© un passionnĂ© d’automobile. Ça, c’est pour la case boulot, mais j’ai cochĂ© Ă©galement toutes les autres : marie-toi, je me suis marié ; fais un enfant, j’en ai fait un ; un bel appartement ? J’en avais un aussi. Et puis, une belle voiture, au vu de ma profession, ça n’a pas posĂ© de problĂšme
 Bon, voilĂ , je cochais donc toutes les cases. Les copains, la famille, tout Ă©tait super. À un lĂ©ger dĂ©tail prĂšs
 Je n’étais pas heureux. Ma perception du monde me disait que j’avais envie de faire des choses avec beaucoup plus d’envergure.

Je me suis lancé  J’ai commencĂ© par mettre fin Ă  mon contrat avec l’envie d’entreprendre quelque chose plus en accord avec moi. L’option gestion de chambres d’hĂŽtes s’est prĂ©sentĂ©e : j’ai suivi quelques pistes, dans les Vosges et mĂȘme jusqu’en LozĂšre, car je me sentais dĂ©jĂ  trĂšs attirĂ© par les coins un peu paumĂ©s oĂč il n’y avait pas grand monde, au cƓur des grands espaces. Rien de totalement convaincant, au final. En fĂ©vrier 2019, je me retrouve une premiĂšre fois en Islande, en vacances avec ma fille, sans doute influencĂ© par un effet de mode qui avait vu tous les grands constructeurs autos se rendre lĂ -bas pour tourner

leurs pubs dans des dĂ©cors naturels quasi uniques au monde. À notre retour, je me suis en quelque sorte un peu fĂąchĂ© avec la France, car je trouvais que c’était un pays oĂč c’était compliquĂ© pour bosser, du moins avec ma vision des choses  »

TempĂȘte sous un crĂąne, car manifestement, la volontĂ© de radicalement tout remettre en cause venait de se faire jour. « Je me suis posĂ© trĂšs franchement la question : je pars oĂč ? Et l’idĂ©e de l’Islande est venue assez vite  » poursuit Thomas. « AprĂšs avoir un peu potassĂ© le sujet et m’ĂȘtre notamment aperçu que le pays Ă©tait classĂ© deuxiĂšme au classement international de l’indice du bonheur de vivre, j’ai pensĂ© que ça pouvait se tenter. À un moment donnĂ©, dĂ©but dĂ©cembre, je me suis dĂ©cidé : aprĂšs avoir vendu mon appart et m’ĂȘtre dĂ©barrassĂ© d’un tas de trucs accumulĂ©s au fil du temps, j’ai mis le reste dans mon break et je suis parti par la route pour le Danemark avec l’intention de prendre le premier ferry pour l’Islande et de m’y installer. On Ă©tait en plein Covid et je savais pertinemment que n’importe quel douanier avait alors parfaitement le droit de me refouler : l’air fatiguĂ©, fiĂ©vreux, je n’aime pas votre tĂȘte, je pense que vous

c ISLANDE
Jean-Luc Fournier Thomas Waeldele – Jean-Luc Fournier
76 c ISLANDE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

Les cristaux de glace en altitude irisent le ciel de Vik, la plage la plus au sud de l’Islande.

La route

Thomas Waeldele
77 c ISLANDE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

avez le Covid, bref, vous faites demi-tour, vous n’entrez pas au Danemark
 Mais c’est passĂ©. En arrivant en Islande, j’avais une semaine devant moi, c’était prĂ©vu, car je devais m’isoler Ă  cause des conditions sanitaires. Mais au-delĂ  de cette semaine, c’était l’inconnu total ! »

poussĂ© Ă  partir au cƓur de l’hiver, dans des rĂ©gions aussi inhospitaliĂšres : « Je m’étais dit que quitte Ă  partir dans un pays compliquĂ©, autant vivre ça tout de suite au degrĂ© maximum » rĂ©pond-il sans rien Ă©luder. « Aller quelque part quand il fait beau, c’est facile, mais ça ne permet pas de se rendre compte de grand-chose. Le choix de partir en hiver, avec quelques heures Ă  peine de faible luminositĂ© par jour, Ă©tait vraiment dĂ©libĂ©ré  »

ne connaissais vraiment pas grand chose du pays. Je me suis donc dĂ©brouillĂ© tout seul pour tout et ce ne fut pas une mince affaire, avec les trois mots d’islandais que je baragouinais.

ImmĂ©diatement, la rĂ©alitĂ© de la situation a eu vite fait de se rappeler au bon souvenir de Thomas. C’est donc l’hiver et, Ă  partir de Seyðisfjörður, le petit port de la cĂŽte est oĂč accostent les ferrys, cet hiver-lĂ  ne fait pas de cadeau : « La mĂ©tĂ©o est le critĂšre absolu, elle dicte sa loi et s’impose Ă  tout » dit Thomas. « En mĂȘme temps, j’ai immĂ©diatement compris qu’elle façonne ce trait de caractĂšre spĂ©cifique des Islandais : ils vivent au jour le jour et ne prĂ©voient que rarement Ă  moyen ou long terme. MĂȘme prĂ©voir un week-end est impossible pour eux !

À Seyðisfjörður, je suis dans le bain dĂšs le premier jour et je rĂ©alise instantanĂ©ment ce qu’est la spĂ©cificitĂ© d’un fjord : on arrive au niveau de la mer, mais Ă  peine quelques kilomĂštres plus tard, on se retrouve sur des routes de montagne. Je n’avais pas trop potassĂ© tout ça, mais je me suis vite rendu compte que mĂȘme avec les quatre roues motrices et les pneus neige, ça allait tout de suite se compliquer considĂ©rablement
 Je me suis souvenu de ce que m’avait dit un chauffeur de bus au mois de fĂ©vrier prĂ©cĂ©dant, ou plutĂŽt un pilote de bus tant conduire est compliquĂ© dans ces rĂ©gions : il faut apprendre Ă  conduire entre le haut des piquets qui balisent la route. J’ai vite compris lĂ  encore, car tout est soudain devenu brutalement tout blanc, la route, les bascĂŽtĂ©s, le ciel
 La seule solution : se concentrer au maximum pour rester tant bien que mal entre les fameux piquets. J’étais sous pression, d’autant plus que juste avant mon dĂ©part, il y avait eu un glissement de terrain dans le village qui avait emportĂ© une trentaine de maisons ! Dans ma tĂȘte, je me disais : il n’y a pas 24 heures que tu es lĂ , le blizzard est arrivĂ©, il y a eu un gigantesque glissement de terrain
 OK, c’est L’Islande, ça va ĂȘtre du brutal. SincĂšrement, par moments, je me suis dit qu’il allait falloir essayer urgemment de comprendre ce que survivre voulait dire  »

Bien sĂ»r, en Ă©coutant Thomas raconter ce genre d’épisodes, on ne peut que se poser la question de savoir ce qui l’avait

Le trajet prĂ©vu emmenait l’aventurier Ă  longer la cĂŽte Sud du pays en Ă©vitant l’immense et impressionnant glacier du Vatnajökull qui barre tout le sud-est du pays, l’objectif Ă©tant de passer le Nouvel An Ă  Reyjavik, qu’il atteindra aprĂšs trois semaines passĂ©es au pied du cĂ©lĂšbre volcan Eyjafjallajökull, dĂ©sormais rendormi depuis son Ă©ruption catastrophique de 2010.

PassĂ©s les dix jours dans la capitale islandaise, Thomas s’est consacrĂ© au woofing , cette pratique qui consiste Ă  travailler bĂ©nĂ©volement dans une ferme en Ă©change du gite et du couvert. « Et c’est lĂ  que j’ai commencĂ© Ă  me poser les vraies questions concernant les raisons profondes de ma prĂ©sence ici » se souvient-il. « Je me rendais compte chaque jour de la chance que j’avais : tu bosses, tu tournes la tĂȘte, tu as un glacier avec un volcan en-dessous, tu te retournes et Ă  peine deux kilomĂštres plus loin, tu as l’ocĂ©an Atlantique ! Souvent, le soleil ne montant vraiment pas trĂšs haut et pas longtemps dans le ciel, les lumiĂšres en-dessous des nuages Ă©taient fantastiques
 Mais, malgrĂ© tout, au bout de trois semaines, je me suis senti devenir un peu blasĂ© de l’endroit
 Je me suis dit que je vivais ce que j’avais envie de vivre, certes, mais que mon voyage intĂ©rieur Ă©tait bien plus gigantesque encore


J’ai donc repris la route, des heures et des heures Ă  ne croiser aucune voiture, Covid oblige. Mais des haltes inoubliables face Ă  des paysages incroyables et inĂ©dits. Trois mois aprĂšs mon arrivĂ©e sur la cĂŽte Est, j’avais effectuĂ© le tour complet de l’üle, quasiment 9 000 km  »

Il me fallait cette violence-là


Aujourd’hui, trois ans aprĂšs son incroyable pĂ©riple au cƓur de l’hiver islandais, Thomas Waeldele reconnait avoir eu la rĂ©ponse Ă  beaucoup de questions qui le harcelaient. « L’avantage de ce voyage a Ă©tĂ© de me retrouver en perte totale de repĂšres, car Ă  mon arrivĂ©e en Islande, je

Ce voyage m’a fait comprendre une rĂ©alitĂ© profonde : je n’étais plus fait pour les grands systĂšmes, tels que ceux dans lesquels je baignais depuis si longtemps. Quelque chose d’autre a jouĂ© aussi dans le sens d’une prise de conscience totale : il y a quand mĂȘme eu une paire de jours oĂč j’ai rĂ©alisĂ© de prĂšs que ma vie pouvait s’arrĂȘter dans les minutes qui suivaient. Quand tu roules Ă  peine Ă  10 km/h dans le blizzard, les feux plein pot, que tu passes le fameux piquet sans voir le suivant et que tu sais que d’un cĂŽtĂ© tu as la falaise et de l’autre le ravin, ça t’amĂšne Ă  profondĂ©ment rĂ©flĂ©chir, tu relativises beaucoup de choses, crois-moi


Il me fallait cette violence-lĂ  pour pouvoir vivre ce que j’avais au plus profond de moi. Et ce que j’avais, c’était la conviction que c’est le local avant tout qui m’inspire : ça repose sur une seule envie, Ă  partir de lĂ  oĂč on habite, pouvoir construire son logement, se nourrir et pouvoir Ă©ventuellement trouver les plantes pour se soigner.

Fort de cette rĂ©alitĂ©, ma rĂ©alitĂ© en fait, de retour en France, j’ai entamĂ© une formation de naturopathe, mais je l’ai arrĂȘtĂ©e, car elle m’emmenait de nouveau dans le schĂ©ma que j’avais si mal vĂ©cu auparavant.

Alors, depuis la mi-mai dernier, j’ai entamĂ© un tour de France dans un fourgon amĂ©nagĂ© pour rencontrer toutes sortes de gens dans des Ă©colieux, des communautĂ©s, pour voir comment ils vivent avec des formats de vie plus simples mais ensemble ! La prochaine Ă©tape sera de m’installer quelque part : soit je crĂ©e mon lieu de vie, soit je m’intĂšgre dans un lieu de vie existant et qui me correspond. Je viens de terminer une formation de permaculture en Bretagne pour acquĂ©rir les bases de l’essentiel du cycle de la nature et travailler les ressources qu’on a naturellement autour de soi. Et Ă  partir du printemps prochain, je vais reprendre la route
 Je vais ainsi continuer de cultiver ce que j’ai appris de la phrase du grand aventurier Mike Horn : “Pour commencer Ă  marcher, il suffit d’avoir la rĂ©ponse Ă  5 % des questions qu’on se pose. Le reste, les 95 %, ils viennent en marchant
” Et puis, il y a cette conviction que j’ai acquise grĂące Ă  l’Islande et qui est dĂ©sormais si enracinĂ©e en moi : j’aurai ce qu’il faut au moment oĂč il le faudra  » c

OK, c’est L’Islande, ça va ĂȘtre du brutal

78 c ISLANDE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
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L’Islande Ă  Strasbourg Six mois de dĂ©couvertes

Depuis novembre dernier (et jusqu’au 1er juin prochain), l’Islande prĂ©sidera le ComitĂ© des ministres du Conseil de l’Europe Ă  Strasbourg. Les 46 pays membres de l’Institution alternent Ă  cette fonction tous les six mois. Autant dire que, pour chacun d’entre eux, leur prĂ©sidence reprĂ©sente une rare et unique occasion de concentrer la lumiĂšre sur leur pays. L’Islande a dĂ©cidĂ© d’en profiter Ă  plein pour qu’on parle beaucoup d’elle dans notre capitale europĂ©enne


Le visage de l’Islande Ă  Strasbourg est celui de deux femmes Ă  la rĂ©elle complicitĂ© qui ont beaucoup ƓuvrĂ© de concert pour que les six mois de la prĂ©sidence islandaise du ComitĂ© des ministres du Conseil de l’Europe mette dans la lumiĂšre le pays cher Ă  leur cƓur.

Ragnhildur Arnljótsdóttir, Ambassadrice de l’Islande à Strasbourg

L’Ambassadrice de l’Islande Ă  Strasbourg, Ragnhildur ArnljĂłtsdĂłttir, entourĂ©e par son staff opĂ©rationnel, nous accueille plus que chaleureusement Ă  la ReprĂ©sentation Permanente du pays dans la capitale europĂ©enne.

« Cette prĂ©sidence reprĂ©sente pour mon pays une superbe opportunitĂ©. Nous sommes bien sĂ»r trĂšs fiers de prĂ©senter nos prioritĂ©s Ă  cette occasion » rĂ©sume-t-elle spontanĂ©ment avant que nous l’interrogions sur nos perceptions ramenĂ©es de notre sĂ©jour en Islande. En tout premier lieu, la tolĂ©rance dont on a le tĂ©moignage presque partout, mĂȘme dans les villages les plus reculĂ©s, avec la mise en valeur du fameux « Rainbow Flag » aux frontons des bĂątiments officiels : « Votre remarque est trĂšs judicieuse » rĂ©plique tout de suite Ragnhildur ArnljĂłtsdĂłttir, « l’égalitĂ©

est au centre de notre vie sociale en Islande et les programmes officiels du pays en tiennent compte. Pour l’Islande, c’est au cƓur de la notion de libertĂ©. Par exemple, la Gay Pride qu’on organise chaque mois d’aoĂ»t dans le pays est devenue une immense fĂȘte populaire qui va bien au-delĂ  de ses motivations initiales. En fait, l’Islande respecte au plus haut point le droit de chaque individu de vivre de la façon dont il a choisi de vivre, voilĂ  tout  »

Presque dans la logique de ses derniers propos, Ragnhildur ArnljĂłtsdĂłttir dĂ©veloppera ensuite longuement tous les espoirs mis par son pays dans l’éducation des jeunes gĂ©nĂ©rations que l’Islande aimerait « voir Ă©rigĂ©e en modĂšle pour d’autres pays europĂ©ens ».

Revenant Ă  ce « moment important et exceptionnel » qu’est la prĂ©sidence du ComitĂ© des ministres du Conseil de l’Europe par son pays, l’Ambassadrice tient Ă  « mettre en valeur le programme culturel que l’Islande propose aux Strasbourgeois pendant les six mois Ă  venir soit une dizaine d’évĂ©nements dont certains assez exceptionnels tels, notamment, un concert avec une soirĂ©e Ă  l’OpĂ©ra le 24 fĂ©vrier ou encore, La passion selon Saint-Jean Ă  la CathĂ©drale de Strasbourg le 29 mars  »

Nous incitant longuement à commenter notre perception de son pays à l’issue

de notre pĂ©riple de septembre-octobre dernier, s’amusant de l’une ou l’autre de nos rĂ©flexions, l’Ambassadrice aura finalement cette conclusion spontanĂ©e : « J’ai vraiment hĂąte de vous lire  »

Voilà qui est fait, Madame


Solveen Dromson, Consule et amoureuse dingue de l’Islande

Blonde comme les blĂ©s et porteuse de ce prĂ©nom aux consonances nordiques, on pourrait jurer qu’elle est nĂ©e au pays de la glace et du feu. Mais non, Solveen Dromson est bel et bien alsacienne. « Notre famille a des origines suĂ©doises en fait, L’Agence immobiliĂšre Dromson, que je dirige depuis le dĂ©cĂšs de mon pĂšre, est en effet bien connue Ă  Strasbourg. C’est une histoire d’amitiĂ© entre mon pĂšre et le Consul gĂ©nĂ©ral qui a conduit mon pĂšre Ă  devenir Conseil honoraire de l’Islande Ă  Strasbourg, aprĂšs que le pays ait dĂ©cidĂ© de ne plus maintenir son Consulat gĂ©nĂ©ral Ă  Strasbourg, en 2008. Papa s’est alors consacrĂ© Ă  plein Ă  son rĂŽle, il a multipliĂ© les sĂ©jours en Islande et a nouĂ© ici un nombre impressionnant de partenariats culturels ou Ă©conomiques. Il s’est pris au jeu et s’est vraiment donnĂ© Ă  fond, il aimait vraiment faire dĂ©couvrir

Jean-Luc Fournier Nicolas Roses – DR c DOSSIER – ISLANDE
80 c ISLANDE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

ce pays Ă  un maximum de gens. À mon niveau, j’ai toujours Ă©tĂ© assez fascinĂ©e par l’Islande oĂč je m’étais rendue une premiĂšre fois dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 2010. Et mon pĂšre m’a incluse dans certains des projets qu’il a menĂ©s, notamment l’invitation de l’Islande au MarchĂ© de NoĂ«l de Strasbourg, en dĂ©cembre 2017. Ce pays est mystĂ©rieux, envoĂ»tant, et je suis trĂšs sensible Ă  toutes les lĂ©gendes qu’il a pu engendrer depuis ses trĂšs lointaines origines : les elfes, les volcans, les conditions de vie qui ont longtemps Ă©tĂ© d’une extrĂȘme rudesse  »

À la disparition de son pĂšre, en 2018, Solveen Dromson se voit ĂȘtre choisie par l’Islande pour devenir Ă  son tour Consule Ă  Strasbourg. « Il y avait plusieurs candidats, comme toujours en pareil cas, et le choix qui s’est portĂ© sur moi m’a bien sĂ»r beaucoup Ă©mue. J’ai Ă©tĂ© nommĂ©e en novembre 2019. Il y a bien sĂ»r eu la pĂ©riode du Covid oĂč tout a Ă©tĂ© fermĂ© et c’est durant cette pĂ©riode que le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres m’a avertie qu’une ReprĂ©sentation permanente du pays allait s’ouvrir Ă  Strasbourg. Pour moi, c’était inespĂ©rĂ©, j’allais avoir une Ă©quipe avec qui travailler. L’intĂ©gration Ă  cette Ă©quipe a Ă©tĂ© immĂ©diate et nous avons beaucoup travaillĂ© depuis pour ĂȘtre Ă  la hauteur de ces six mois oĂč l’Islande prĂ©side le ComitĂ© des ministres du Conseil de l’Europe. Avec cette Ă©quipe, nous avons montĂ©

le programme culturel de ces six mois et j’ai fini alors par me rappeler soudainement des fameuses “Destinations de lĂ©gende” que la rĂ©daction de Or Norme avait imaginĂ©es il y a quelques annĂ©es. J’avais adorĂ© cette idĂ©e d’aller trĂšs loin pour rencontrer les Alsaciens qui vivent et travaillent Ă  l’étranger. L’idĂ©e de recrĂ©er cette thĂ©matique avec l’Islande est nĂ©e de lĂ  et je suis vraiment folle de joie Ă  l’idĂ©e de lire dans Or Norme le rĂ©cit de votre voyage et de vos rencontres lĂ -bas
 La ReprĂ©sentante permanente, Ragnhildur ArnljĂłtsdĂłttir, a tout de suite adhĂ©rĂ© Ă  cette idĂ©e elle aussi et elle partage le plaisir qu’elle aura Ă  voir son pays ainsi exposĂ© dans vos colonnes  » c

Solveen Dromson, Consule d’Islande à Strasbourg Patrice Dromson Un tram aux couleurs de l’Islande circule à Strasbourg Ragnhildur Arnljótsdóttir, Ambassadrice d’Islande à Strasbourg
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La Playlist de Emmanuel Didierjean L’Islande, Terre de feu musicale

L’Islande fait partie des pays oĂč la proportion de musiciens par habitant est parmi les plus importantes au monde. Le climat et le caractĂšre des Islandais s’accommodent en harmonie avec les musiques. Vraiment plurielles.

1. BJÖRK

Artiste complĂšte, Björk est aussi connue pour son tempĂ©rament que pour son travail. Parmi ses disques les plus significatifs, MedĂșlla, uniquement composĂ© et travaillĂ© Ă  la voix, en compagnie de Robert Wyatt (Soft Machine), Mike Patton (Faith No More) ou encore le beatboxer amĂ©ricain Rahzel.

2.SKÁLMÖLD

Le viking metal est un genre musical Ă  part, trĂšs prĂ©sent dans le nord de l’Europe. Et SkĂĄlmöld en est un digne reprĂ©sentant. Leur musique ? Un mĂ©lange entre la puissance des guitares et la finesse de la musique folk. Le prĂ©sident islandais Guðni Th. JĂłhannesson est un fan, qui a mĂȘme Ă©crit quelques lignes dans la biographie du groupe parue en 2021.

3.ASGÉIR

Cet auteur-compositeur mĂ©lange les musiques folk, rock et Ă©lectro pour un rĂ©sultat lĂ©ger comme une bulle, minĂ©ral comme l’eau des volcans. Une musique portĂ©e par une voix aigĂŒe rare chez un chanteur. Son dernier album, Time on my hands, est sorti cette annĂ©e.

4. JÙNIUS MEYVANT

Un crooner soul au look de viking ? Ça existe. De son vrai nom Unnar GĂ­sli Sigurmundsson, il prouve que si l’habit ne fait pas le moine, le talent fait tout. Son album Guru, publiĂ© en 2022, est un bijou de douceur.

5. JÓNSI

Que ce soit avec son groupe Sigur Ros, avec son compagnon dans le duo Jónsi & Alex ou en solo, Jón Þór Birgisson promùne sa voix de fausset sur des chansons dont la langueur et le spleen font le charme absolu et discret.

6. SÓLSTAFIR

Entre la furie du metal et le mysticisme nordique, SĂłlstafir a dĂ©cidĂ© de ne pas choisir. Le groupe propose depuis plus de 25 ans une musique mystĂ©rieuse. Leur album Ótta (2014) est inspirĂ© par ce moment, entre 3 et 6h du matin, quand la nuit cĂšde face au jour naissant.

7. EMILIANA TORRINI

Islandaise d’origine napolitaine, Emilana Torrini c’est la rencontre entre le Stromboli et le Sneffels, les deux volcans de dĂ©part et d’arrivĂ©e d’un certain Voyage au centre de la Terre. Douceur pop et incandescence rock.

8. HATARI

ReprĂ©sentant de l’Islande Ă  l’Eurovision 2019, oĂč ils ont atteint la 10e place, un record, ce trio bien bourrin propose un mĂ©lange de musique Ă©lectronique et de musique industrielle. Leur nom signifie Haineux.

9. HILDUR GUÐNADÓTTIR

Le film Joker, inspirĂ© du cĂ©lĂšbre mĂ©chant de l’univers Batman a obtenu 2 Oscar. Un pour son acteur, Joaquin Phoenix. L’autre pour Hildur GuðnadĂłttir, violoncelliste et auteure de cette bande originale. On lui doit aussi les trames de la sĂ©rie Chernobyl ou du film Sicario avec JĂłhann JĂłhannsson.

10. JÓHANN JÓHANNSSON

DĂ©cĂ©dĂ© en 2018, il Ă©tait l’un des plus prolifiques compositeurs de musique contemporaine islandaise. Compositeur aussi pour la tĂ©lĂ© et le cinĂ©ma, il laisse une Ɠuvre riche entre nĂ©o-classique, rock et pop.

c ISLANDE
Björk Skålmöld
82 c ISLANDE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Écoutez nos playlists islandaises O N T
E R O A D T O I C E L A N D : I c e l a n d M u s i c v o u s p r o p o s e p l u s d e 2 0 p l a y l i s t s a l l a n t d e l ' I n d i e , Ă  l a m u s i q u e C l a s s i q u e C o n t e m p o r a i n e , a u J a z z e t Ă  l a m u s i q u e A l t e r n a t i v e E t b i e n p l u s e n c o r e E N S T R E A M I N G S U R S P O T I F Y , A P P L E M U S I C , D E E Z E R
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Apéro mortel

La mort se dépoussiÚre

L’association strasbourgeoise Maintenant, l’aprĂšs organise des ApĂ©ros mortels pour discuter, sans tabou, de toutes les questions autour de la mort et des obsĂšques. DĂšs l’an prochain, elle proposera aussi des services de pompes funĂšbres, via une coopĂ©rative funĂ©raire en cours de crĂ©ation.

Les fausses araignĂ©es et les poupĂ©es sanguinolentes qui dĂ©corent le CafĂ© Grognon – saison d’Halloween oblige – ne troublent pas la dizaine de personnes rassemblĂ©es dans une piĂšce privatisĂ©e. « On se retrouve ce soir pour discuter du mĂ©tier de croque-mort. Toutes les questions sont bienvenues et nous y rĂ©pondrons autant que possible », annonce Valentine Ruff. Membre fondatrice de l’association Maintenant, l’aprĂšs, elle anime cet ApĂ©ro mortel, organisĂ© dans le cadre des Rendez-vous mortels de la semaine de la Toussaint.

À ses cĂŽtĂ©s, Caroline Laemmel, croquemort de son Ă©tat, dĂ©bute la conversation.

« Jusqu’à la fin du monopole des pompes funĂšbres en 1993, on parlait de “rĂ©gleurs”, puis sont apparus les assistants funĂ©raires. Aujourd’hui, l’intitulĂ© exact de notre mĂ©tier est conseillĂ© funĂ©raire : notre travail consiste Ă  Ă©couter les familles afin de les accompagner au mieux dans l’organisation des obsĂšques de leur proche, expose-t-elle d’une voix posĂ©e. De la gestion administrative au dĂ©roulement de la cĂ©rĂ©monie, nous sommes un peu des couteaux suisses. »

Il n’en fallait pas davantage pour briser la glace. Autour des petites tables, quelques femmes et un peu moins d’hommes d’ñges divers sont venus, qui

S ACTUALITÉ — MAINTENANT, L’APRÈS
Lisette Gries Nicolas RosĂšs
85 S ACTUALITÉ

MĂ©lissa Bissessur, prĂ©sidente de l’association.

par curiositĂ©, qui en Ă©cho Ă  une expĂ©rience personnelle, qui encore pour avancer sur un projet de reconversion professionnelle
 « Est-ce que les pompes funĂšbres sont les premiĂšres personnes Ă  appeler en cas de dĂ©cĂšs Ă  la maison ? » « Peut-on trouver des pierres tombales d’occasion ? » « Nous avons dispersĂ© les cendres de mon pĂšre dans les vignes, mais en avait-on le droit ? »

OBSÈQUES ÉTHIQUES

MĂȘme quand les questions pourraient paraĂźtre saugrenues ou que les tĂ©moignages convoquent des souvenirs douloureux, les Ă©changes ne tournent jamais au vinaigre. C’est prĂ©cisĂ©ment pour offrir ce type d’espaces de discussion que l’association Maintenant, l’aprĂšs a Ă©tĂ© créée en 2019. « Notre objectif, c’est Ă  la fois de dĂ©dramatiser le sujet de la mort et de rĂ©flĂ©chir au sens que l’on donne aux rites funĂ©raires », prĂ©cise MĂ©lissa Bissessur, la prĂ©sidente de l’association.

Il faut bien reconnaĂźtre, en effet, que la mort a dĂ©sertĂ© nos quotidiens. Elle survient le plus souvent Ă  l’hĂŽpital ; le deuil est devenu un cheminement essentiellement intime et ne se porte plus guĂšre en public. Pour autant, les questions n’ont pas disparu, bien au contraire. L’affaiblissement des croyances et des rituels religieux ouvre le champ des possibles : que faut-il expliquer aux enfants ? À qui peut-on confier ses derniĂšres volontĂ©s ? Peut-on choisir un texte pour ses propres obsĂšques ? Autant de thĂšmes abordĂ©s au cours des ApĂ©ros mortels organisĂ©s rĂ©guliĂšrement. Mais l’association veut aller plus loin. « Nous avons Ă  cƓur de faire bouger les lignes pour que les cĂ©rĂ©monies et les choix funĂ©raires puissent correspondre aux valeurs des personnes dĂ©cĂ©dĂ©es et de leur entourage », rĂ©sume MĂ©lissa Bissessur. ConcrĂštement, les bĂ©nĂ©voles de Maintenant, l’aprĂšs militent pour que de nouvelles solutions soient autorisĂ©es par la loi, notamment l’humusation des corps. Une coopĂ©rative funĂ©raire est Ă©galement en cours de crĂ©ation et dĂ©marrera ses activitĂ©s Ă  Strasbourg dĂ©but 2023. « GrĂące Ă  des partenariats avec des artisans et des artistes locaux, nous pourrons proposer des obsĂšques diffĂ©rentes, plus Ă©thiques », promet Valentine Ruff. Elle-mĂȘme s’est formĂ©e au mĂ©tier de conseiller funĂ©raire et elle officiera au sein de la coopĂ©rative. De quoi rendre la mort un peu plus vivante. S

Plus d’infos : www.maintenant-lapres.fr

« Notre objectif, c’est Ă  la fois de dĂ©dramatiser le sujet de la mort et de rĂ©flĂ©chir au sens que l’on donne aux rites funĂ©raires. »
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Caroline Laemmel (Ă  gauche) et Valentine Ruffaniment l’ApĂ©ro mortel sur le mĂ©tier de « croque-mort ».
Semons les graines de l’engagement ! Exposition temporaire jusqu’à fin 2023 levaisseau.com

Le digital nomadism

Nouvel Eldorado des gĂ©nĂ©rations Y – Z

Plus encore depuis la crise sanitaire, le digital nomadism sĂ©duit de plus en plus d’indĂ©pendants ou de salariĂ©s qui n’ont besoin que d’un ordi et d’une connexion Wifi pour travailler, sans contrainte gĂ©ographique. Rencontre avec trois Strasbourgeoises qui ont sautĂ© le pas.

Troquer son fond d’écran pour une vraie vue ocĂ©an. Bosser pour soi ou profiter de la poussĂ©e des remote jobs, ces CDI 100% en tĂ©lĂ©travail, pour travailler oĂč le vent nous porte. Le digital nomadism a de quoi sĂ©duire les flippĂ©s du mĂ©tro-boulot-dodo et du traintrain quotidien. En 2020, ils Ă©taient 6,3 millions de travailleurs dans le monde Ă  avoir adoptĂ© ce mode de vie. Quelques confinements plus tard, on en comptait dĂ©jĂ  10,2 millions, selon plusieurs Ă©tudes statistiques rĂ©cemment compilĂ©es par Passport photo online. 59% d’entre eux seraient des hommes, avec un temps de travail hebdomadaire de 46h et un revenu mensuel moyen de 4 475€.

Être digital nomad, c’est pouvoir bosser partout dans le monde – en prenant en compte le dĂ©calage horaire – avec un ordinateur et une bonne connexion internet. Sans surprise, ce mode de vie attire surtout les indĂ©pendants dans le numĂ©rique (rĂ©dacteur, monteur, community manager, dĂ©veloppeur, etc.), de la gĂ©nĂ©ration des Millenials (nĂ©s aprĂšs 1980) pour 44% d’entre eux, suivis de prĂšs par la gĂ©nĂ©ration Z, nĂ©e aprĂšs 1995.

Mais concrĂštement, ça fait quoi de larguer les amarres, sans domicile fixe ? TĂ©moignages de trois Strasbourgeoises. S

Krystel, 36 ans, community manager établie à la Réunion

Une révélation

Krystel a dĂ©barquĂ© dans la capitale alsacienne Ă  contrecƓur. « Je rĂȘvais plutĂŽt de sud ou d’étranger, sourit-elle. Mais j’avais un prĂȘt Ă©tudiant Ă  rembourser  » Pendant sept ans, elle fait ses armes chez Novembre, une agence de pub, avant de se lancer en solo. « Je n’ai jamais Ă©tĂ© sereine en tant que salariĂ©e, je sentais que je pouvais davantage m’épanouir. Je me suis mise Ă  mon compte, je voulais ne dĂ©pendre de personne et voyager comme je le voulais. » Son premier voyage de deux mois en 2015 en AmĂ©rique du Sud marque le dĂ©but de sa nouvelle vie : « C’était comme une rĂ©vĂ©lation. J’ai eu l’idĂ©e de monter une boutique en ligne pour valoriser l’artisanat local, de lancer mon blog. L’idĂ©e Ă©tait de

combiner mon expĂ©rience de voyage avec un business. » Elle fait un tour du monde en solo en 2018 et rentre avec 18 kilos de stock sur le dos. En six mois, tout est Ă©coulĂ©. « C’était une annĂ©e exceptionnelle, avec 30 000 visites par mois sur mon blog, des partenariats, des chroniques sur RBS
. »

S ACTUALITÉ — LARGUER LES AMARRES
Barbara Romero DR
88 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

unepartdumonde.fr

Instagram : @unepartdumonde_

Mélanie, 28 ans, Entrepreneuse

À son retour Ă  Strasbourg, elle sent dĂ©jĂ  l’envie de repartir. « En 2020, je voulais faire le tour de l’Afrique et renflouer ma boutique. Et puis le COVID est arrivĂ©. » Elle ne restera qu’une semaine au SĂ©nĂ©gal avant de revenir en urgence. DĂ©prime totale. En octobre, elle dĂ©cide de partir sur un coup de tĂȘte Ă  la RĂ©union. « J’avais constituĂ© mon rĂ©seau professionnel, mes clients sont essentiellement Strasbourgeois. Ils sont super open et m’apportent une vraie force pour continuer mes voyages. Ils me suivent, ça les fait rĂȘver quelque part. Quand je vais dans des zones oĂč j’ai peu d’Internet comme rĂ©cemment Ă  Madagascar, je les prĂ©viens. Tout est question d’organisation. »

Hyperactive, Krystel ne compte pas ses heures. Ses journĂ©es dĂ©marrent par une heure de surf, elle fait au moins une randonnĂ©e en semaine et bosse le reste du temps. Sur l’üle, elle se sent ancrĂ©e, Ă  sa place. « Pour la premiĂšre fois de ma vie, j’ai moins la bougeotte. J’ai une rĂ©flexion plus poussĂ©e sur l’avion aussi : si je pars, c’est minimum un mois. » Le secret pour rĂ©ussir le travail Ă  distance : « Être responsable de ses heures et de ce que l’on produit. Le seul frein, c’est la peur... » S

«

AprĂšs le COVID, comme beaucoup, on a eu envie de voyager, avec mon compagnon, Samuel. On a lĂąchĂ© notre appart, achetĂ© un camping-car qu’on a baptisĂ© LĂ©on, et sillonnĂ© la France pendant un an. Lui a pris un congĂ© sabbatique. Moi, comme je venais de monter ma boĂźte, j’ai continuĂ© Ă  travailler. J’ai pris un deuxiĂšme tĂ©lĂ©phone, avec 200 Go pour le partage de connexion. Mon copain a pris un convertisseur pour pouvoir jouer Ă  la console la nuit ! Je me versais 2 500 euros par mois pour nous deux, comme lui n’avait pas de salaire. Vivre dans un camping-car, ça coĂ»te plus cher, il fallait rembourser notre crĂ©dit, changer la bombonne Ă  gaz tous les cinq jours, prĂ©voir le budget visites, stationnement, courses
 Cela suffisait pour nous deux sans ĂȘtre trĂšs confortable ! On restait trois semaines/un mois ou quelques jours au mĂȘme endroit. Moi je bossais la journĂ©e, mes clients Ă©taient super comprĂ©hensifs.

J’ai travaillĂ© pendant toute l’annĂ©e. Une sociĂ©tĂ© sur le net, c’est plus facile Ă  gĂ©rer Ă  distance. Mais parfois, on a dĂ» se dĂ©placer par manque de rĂ©seaux. Au bout d’un moment, j’ai ressenti le besoin de rentrer en Alsace, de retrouver ma famille. Travailler dans un camping-car, ce n’est pas Ă©vident, tu as l’impression d’ĂȘtre en vacances ! J’ai besoin de stabilitĂ©, d’un endroit dĂ©diĂ© pour travailler. Samuel, lui rĂȘve de repartir. Peut-ĂȘtre plus tard  » S

www.laplumerose.fr www.writeandgoldagency.com

Krystel allie voyages et boulot depuis 2017.
MĂ©lanie, Samuel
 Et LĂ©on !
« J’ai finalement eu besoin de retrouver une stabilité »
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Cécile, 25 ans, salariée dans une agence de marketing digital irlandaise

AprĂšs le COVID, les embauches Ă©taient plus compliquĂ©es, j’ai dĂ©cidĂ© de passer un deuxiĂšme master en Angleterre. Je suis restĂ©e un an lĂ -bas. Au dĂ©but, j’ai eu le mal du pays, et puis j’ai dĂ©cidĂ© de sortir de ma zone de confort, de m’intĂ©grer. En fĂ©vrier, j’ai dĂ©crochĂ© un poste dans une agence de marketing digital irlandaise. Tous les 300 salariĂ©s sont en total remote, CEO inclus. Je suis revenue en Alsace en avril pour revoir ma famille – les dĂ©placements Ă©taient compliquĂ©s pendant le COVID. Mais dĂ©but 2023, j’ai dĂ©cidĂ© de faire un mois, un pays, en Europe ou en Afrique du Nord, en sous-location ou en coliving. Je reviens de trois semaines au Canada, et travailler avec le dĂ©calage horaire est plus compliquĂ©. Mon entreprise nous laisse organiser nos journĂ©es, le deal dans le tĂ©lĂ©travail, c’est de rester joignable et d’ĂȘtre organisĂ©. Sans un minimum de To do list , tu es facilement noyé !

Je suis en portage salarial, j’ai juste pour obligation de revenir tous les trois mois en France. Si tu veux vivre Ă  l’étranger ou dans une autre ville française, il faut selon moi aller Ă  la rencontre des gens, sortir de son cocon. C’est comme cela que je vis les choses. J’ai construit beaucoup de bouts de vie un peu partout, on y laisse toujours un morceau de nous. Je ne sais pas si je pourrai vraiment revenir Ă  Strasbourg, j’ai toujours envie de repartir Ă  l’aventure. » S.

Instagram : @cecilesfr

« J’ai toujours envie de repartir Ă  l’aventure »
CĂ©cile Ă  Munich 90 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
«
Espace EuropĂ©en de l’entreprise - BĂątiment MIKADO - Schiltigheim

La Caténaire

Plus qu’un Tiers lieu, un Lieu pour des tiers

Virginia Woolf voulait « une chambre Ă  soi », la foisonnante tribu de « La CatĂ©naire » voulait « une piĂšce vide » dans ses locaux, un de ces espaces dont on rĂȘve tous, un lieu laissĂ© vacant pour y accueillir l’inattendu. Et, en fait de « piĂšce vide », ce sont trois salles parfaitement Ă©quipĂ©es qui ont Ă©tĂ© dĂ©gagĂ©es au rez-de-chaussĂ©e du 17 rue d’Obernai Ă  Strasbourg.

IndĂ©pendantes les unes des autres et toutes ouvertes sur une de ces cours intĂ©rieures dont le quartier Gare a le secret, elles peuvent ĂȘtre louĂ©es « pour des cours de yoga, des ateliers, des journĂ©es de formation professionnelle, des rĂ©unions, des projections, des expositions, des confĂ©rences de presse et pourquoi pas des rĂ©sidences d’artistes ».

Un tiers lieu en quelque sorte ?

PlutĂŽt « un lieu pour des tiers », nuance Thierry Danet, qui co-dirige Artefact, la structure aux manettes de La Laiterie et du festival des cultures numĂ©riques L’OsosphĂšre.

C’est autour de ce festival passionnĂ©ment connectĂ© Ă  l’espace urbain que se sont rencontrĂ©s les occupants du lieu en 2009 : Quatre 4.0 – L’OsosphĂšre bien sĂ»r, mais aussi l’Agence Candide, CNb.archi et Radio en Construction (REC) bientĂŽt rejoints par Creative Vintage créé en 2015 par une ancienne collaboratrice de l’agence Candide.

Une tribu au plus beau sens du terme, des partenaires dotĂ©s de leur propre parcours, mais habituĂ©s « à faire des choses ensemble » et Ă  les faire « en partageant les mĂȘmes points de vue sur ce qu’il y a Ă  faire et la maniĂšre de le faire ».

RassemblĂ©s depuis mai dernier dans l’immeuble de la rue d’Obernai, leur but n’était pas d’amĂ©nager « juste de beaux bureaux », mais de « crĂ©er

S ACTUALITÉ — AU CƒUR DU QUARTIER GARE / LAITERIE
Véronique Leblanc Alban Hefti
J 92 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

Partagez une cuisine de cƓur et de saison. Retrouvez-vous autour de dĂ©jeuners, d’apĂ©ros ou de dĂźners.

Informations et réservations : au +33 (0) 3 90 00 00 20 ou sur boma-restaurant.com 7 rue du 22 novembre 67000
BOMA Strasbourg
Strasbourg

un lieu » qui ait du sens dans « une ville qu’ils aiment » au sein d’un passionnant quartier Gare qui est « tout sauf un quartier concept ».

« On veut contribuer Ă  sa dynamique et le faire vivre autrement que par la spĂ©culation immobiliĂšre », confirme la joyeuse Ă©quipe.

DES SALLES OUVERTES À TOUS LES USAGES

Le nom de « CatĂ©naire » est lui-mĂȘme porteur de sens et renvoie Ă  l’histoire de ce quartier Gare qu’ils affectionnent.

Bien identifiable par la fresque de basketteur qui orne sa façade de briques, l’immeuble a abritĂ© les bureaux et entrepĂŽts de l’entreprise Ihm und Weber au dĂ©but du XXe siĂšcle avant d’ĂȘtre cĂ©dĂ© en 1924 Ă  la SociĂ©tĂ© des Ă©quipements des voies ferrĂ©es pour y installer des ateliers de petite mĂ©canique et Ă©lectricitĂ©. Des rails anciens subsistent sous le dallage de la cour et

renvoient Ă  ce passĂ© industriel, l’idĂ©e de « catĂ©naire » est nĂ©e de ces vestiges et elle a fait mouche. « Quoi de mieux que de se placer sous le patronage de ces structures porteuses de lignes d’énergie ! »

Quant au basketteur, pas question de s’en sĂ©parer. Il « signe » la façade et rappelle qu’au dĂ©but des annĂ©es 2000, l’immeuble abritait un magasin de sport.

RĂ©partis sur trois niveaux, les membres de « La CatĂ©naire » occupent de beaux espaces de bureaux et soulignent qu’il reste de la place Ă  l’étage de Creative Vintage.

Les « piĂšces vides » du rez-de-chaussĂ©e sont quant Ă  elles ouvertes Ă  la location depuis dĂ©but dĂ©cembre. Les rĂ©servations ont dĂ©butĂ©, les « lignes d’énergie » circulent Ă  « La CatĂ©naire ».

Ouverte Ă  tous et Ă  tous les usages, elle se veut « un lieu pour la ville » animĂ© par une Ă©quipe fĂ©dĂ©rĂ©e autour de trois mots : « enthousiasme, complĂ©mentaritĂ©, synergie ». S

L’équipe de La CatĂ©naire au grand complet. De gauche Ă  droite : Maxime Gil (Radio en construction), Isabelle Poutard (Agence Candide), Thierry Danet (L’OsosphĂšre), Laure Patry (Agence Candide), Guillaume Christmann, Xavier Nachbrand (CNb.archi), Jeff Loth (Creative Vintage).

La CatĂ©naire  Contact : info@ktnr.eu Insta : @lacatenaire

J 94 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

Le bistrot « plus » Le Frech DĂ cks

Bistrot, cafĂ©, salle de spectacles
 Le Frech DĂ cks, c’est le cabinet de curiositĂ©s de Strasbourg. Un lieu de vie, d’échanges, d’éveil des papilles, d’accĂšs Ă  la culture populaire ou popularisant la culture, c’est selon.

Mi-novembre, le Frech DĂ cks fĂȘtait ses 100 jours. PremiĂšre belle victoire pour ce « gamin effronté » en alsacien, qui a connu un sacrĂ© retard au dĂ©marrage en raison des confinements successifs. Pas de quoi dĂ©courager ses darons, Christian Ruppert et Franck Mothes, qui se sont rencontrĂ©s sur cette idĂ©e inĂ©dite Ă  Strasbourg d’allier spectacle vivant et bistronomie. NichĂ© rue Bucher, la petite ruelle piĂ©tonne attenante Ă  l’avenue de la Marseillaise, le Frech DĂ cks, c’est un bistrot, un cafĂ©, une salle de spectacles, « un lieu de joie, de papilles et de dĂ©couvertes, oĂč l’on vient pour s’amuser », confie Franck Mothes, en charge de toute la partie restauration. « Lors des dĂźners-spectacles ou des soirĂ©es musicales, la salle se transforme en stammtisch gĂ©ant. On permet aussi aux acteurs culturels locaux de se faire connaĂźtre. C’est un peu une thĂ©rapie de groupe ! ».

« C’EST UN CABINET DE CURIOSITÉS QUI INVITE À SORTIR DE SA ZONE DE CONFORT »

Jazz, pop, blues, blind test, karaokĂ©, théùtre, musique lyrique
 La programmation construite par Christian, le crĂ©ateur de l’agence de communication Graffiti, se veut Ă©clectique. « L’idĂ©e, c’est de permettre de s’ouvrir Ă  des choses que l’on n’irait pas voir forcĂ©ment, souligne Franck. Le Frech DĂ cks, c’est un cabinet de curiositĂ©s invitant Ă  sortir de sa zone de confort. »

CĂŽtĂ© planning, le gamin effrontĂ© propose entre jeudi et samedi deux soirĂ©es musicales oĂč l’on dĂźne Ă  la carte. Son concept repose aussi sur un

S ACTUALITÉ — LE GAMIN EFFRONTÉ
Barbara Romero Nicolas RosĂšs
96 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Franck Mothe (à gauche) et Christian Ruppert, créateurs du concept.

Marie Bouttier, Sans titre , vers 1899, 32 x 25 cm, mine de plomb, collection privée, courtoisie galerie J.-P. Ritsch-Fisch

dĂźner-spectacle par semaine au tarif unique (entre 49€ et 55€), incluant entrĂ©e, plat, dessert, et show. « Les Strasbourgeois ne sont pas encore habituĂ©s Ă  ce concept de menu qui existe dĂ©jĂ  Ă  Paris ou Lyon, certains aimeraient juste prendre une biĂšre et regarder le spectacle, mais nous voulons pouvoir continuer Ă  payer les artistes. C’est difficile Ă  dĂ©fendre, mais c’est notre parti-pris, et le seul moyen de continuer avec une jauge de 70 personnes. » Et Ă  bien y rĂ©flĂ©chir, dans les restos strasbourgeois, on a vite fait d’atteindre les 49€ par personne, et sans spectacle
 « Ce qui nous surprend agrĂ©ablement, c’est l’ambiance de ces soirĂ©es, rapporte Franck. Notre clientĂšle a plutĂŽt trente-quarante ans et plus, ils sont plus enclins Ă  participer que les jeunes, et davantage volontaires Ă  s’amuser ! »

Pour 2023, les deux acolytes envisagent de proposer des soirĂ©es « improsplanchettes » les mardis un peu plus calmes, et d’accorder davantage de place au théùtre dans leur programmation. Le Frech DĂ cks est aussi ouvert Ă  l’heure du dĂ©jeuner, avec un plat du jour Ă  13€ et une ardoise changeant rĂ©guliĂšrement, selon l’arrivage du marchĂ©.

Un bistrot canaille, culturel et dĂ©calĂ©, en rĂ©sumĂ©, oĂč il fait bon vivre, que ce soit sur sa terrasse d’étĂ© avec vue sur l’un des plus jolis ponts de Strasbourg. Ou en intĂ©rieur l’hiver, dans un cadre feutrĂ© propice Ă  refaire le monde, Ă  rire, vibrer, et dĂ©guster. S

Frech DĂ cks – 4 rue Pierre-Bucher, Strasbourg Toute la programmation sur lefrechdacks.com RĂ©servation recommandĂ©e.

9 octobre 2022 21 mai 2023
/ Design graphique : www.orikami.fr
« On permet aussi aux acteurs culturels locaux de se faire connaĂźtre. C’est un peu une thĂ©rapie de groupe ! »

La Halle gourmande

réussit son pari

possibilitĂ© de dĂ©guster sur place. On y fait ses courses – les plus pressĂ©s peuvent mĂȘme utiliser le click & collect – on peut y dĂ©jeuner ou y prendre un snack, sur le Food court central orchestrĂ© par le Théùtre du vin. C’est d’ailleurs le seul point Ă  amĂ©liorer, pour fluidifier l’attente des gourmands et faire comprendre aux clients qu’ils peuvent choisir leur plat ou encas sur les stands, avant de s’attabler pour commander un bon verre de vin, un soft ou un cafĂ©. Le groupe GĂ©raud, Ă  l’initiative de la Halle et reprĂ©sentĂ© par le Strasbourgeois Vincent LĂ©opold, a ainsi embauchĂ© une personne dĂ©diĂ©e pour guider les clients un peu perdus.

InaugurĂ©e mi-octobre au MarchĂ© gare, la Halle gourmande, rĂ©unissant 14 commerçants de bouche ultra select autour d’un Food court dĂ©diĂ© Ă  la dĂ©gustation, dĂ©montre, s’il Ă©tait besoin, que les Strasbourgeois attendaient ce concept depuis longtemps.

On se doit de l’avouer, on faisait partie des sceptiques : qui pourrait avoir envie d’aller faire ses courses au MarchĂ© gare, aussi lĂ©chĂ© soit le concept ? Eh bien, un monde de dingue ! Notamment le week-end.

Il faut dire que le concept est sĂ©duisant, pile dans l’air du temps : une halle, entiĂšrement dĂ©diĂ©e aux bons produits, dans un cadre soignĂ©, avec en plus la

Poissons, fruits de mer, viandes, fromages, fruits et lĂ©gumes, fruits secs, produits italiens, pains et pĂątisseries, condiments, traiteurs
 La Halle concentre tout ce dont on a besoin, sans – trop –tabasser niveau tarifs. Chaque semaine, les commerçants proposent aussi une offre promotionnelle.

Ce qu’on aime ? Pouvoir y accĂ©der facilement Ă  vĂ©lo ou en voiture, au choix. On attend aussi la navette bus proposĂ©e lors du dernier conseil municipal pour en faciliter l’accĂšs. À en croire ce dĂ©marrage des plus prometteurs, « les commerçants ont a minima atteint leurs objectifs de chiffre d’affaires », confie Vincent LĂ©opold, on se prend Ă  espĂ©rer une petite sƓur de la halle gourmande en plein cƓur de Strasbourg
 Et pourquoi pas dans l’ancien immeuble du Printemps ? S

41 rue du MarchĂ© Gare – Strasbourg. Du mardi au dimanche. Halledumarchegare.fr

S ACTUALITÉ — ULTRA SELECT
Barbara Romero Valentine Zeler
98 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

Amenez vos vinyles...

...et Ă©coutez l’amer au LAÀB

Il a dĂ©barquĂ© Ă  Strasbourg le 18 juin, 2021. Non loin des bords de l’Ill, prĂšs de la caserne de secours et incendies, de grandes tablĂ©es s’alignent jusqu’à une porte en bois massif. Imposante, rouge. L’entrĂ©e franchie, nous voici mis dans le bain : des vinyles parent un mur et annoncent la couleur. Attention Ă  la synesthĂ©sie, et bienvenue au « LAÀB », bar musical !

S ACTUALITÉ — NOUS SOMMES CHEZ DES PASSIONNÉS
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L a chaleur du bois enveloppe les lieux et se marie Ă  la dĂ©coration haute en couleur, souvent « faite maison ». NĂ©on, planche de skate, sombrero et instruments
 L’ambiance est rĂ©solument accueillante. Anthony Rousseau et Emmanuelle « Manue » Lesquerade ont travaillĂ© des annĂ©es ensemble dans la restauration, jusqu’en 2019, avant de monter ce projet. Ils possĂšdent, chose rare et notable, chacun 50% des parts de l’affaire, et Ă  les entendre, il est aisĂ© de comprendre pour quelles raisons. Ils travaillent de concert, et se complĂštent. Leur terrain d’entente – outre le bar ? La musique. Manue est guitariste et Anthony, grand amateur de notes.

Plus de 300 vinyles sont contenus dans la bibliothĂšque d’Anthony et du LAÀB. « Vous pouvez amener le vĂŽtre », ou faire votre choix parmi ses rĂ©fĂ©rences. Ici, pas d’ACDC, pas de Johnny. « Et nous avons un droit de vĂ©to ! », plaisantent (mais pas trop) les propriĂ©taires du bar. Le client trouvera une sĂ©lection faite de

« bons groupes », parfois plus confidentiels, avec une grande part de « rock indĂ©, de post wave ou de punk rock ».

Toutefois, lorsque le vinyle est choisi, c’est dans son intĂ©gralitĂ©, et « dans l’ordre », insiste Anthony, qu’il faudra l’écouter. Pourquoi ? Pour le simple fait que la plupart de ces petits bijoux ont une construction rĂ©flĂ©chie et dĂ©finie, « chose qui a disparu avec le CD ». Vous l’aurez saisi, nous sommes chez des passionnĂ©s. Or, qui dit passion, dit partage.

LIVE, QUIZZ ET RENCONTRES : LA MUSIQUE SOUS TOUTES SES FORMES

Ce partage, les deux comparses le font vivre sous forme de concerts, de scĂšnes ouvertes et autres Jam, rĂ©guliers. La programmation varie. Les thĂ©matiques Ă©galement. Et ils mettent un point d’honneur Ă  rĂ©munĂ©rer autant que faire se peut les artistes qui se produisent en

Anthony Rousseau et Emmanuelle « Manue »
J 102 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Elisabeth SOUFFELWEYERSHEIM elleva rĂ©duiresaconsommationde7%* Enbaissantle chauffagede 1°C *Àtitreindicatif,selonleguideADEME,RĂ©duiresafactureĂ©lectrique-dejuillet2022 -www.izhak.fr ÉSÉnergiesStrasbourgS.A‱Capitalde6472800Euros SiĂšgesocial:37,rueduMaraisVert,67932Strasbourg,Cedex9-RCSStrasbourgB501193171 sobriete-energetique.es.fr NousvousaccompagnonspourfairedesĂ©conomiesd'Ă©nergiesur L'Ă©nergieestnotreavenir,Ă©conomisons-la!

« Ici, le cadre, et le service, signent l’identitĂ© du bar.

“On ne peut pas plaire Ă  tout le monde”, dit l’adage, et ce n’est pas le but de l’établissement. »

concert, notamment grĂące Ă  une aide (le GIP cafĂ©-culture, dont les fonds sont issus du MinistĂšre de la Culture et des collectivitĂ©s territoriales – ndlr), et sur fonds propres, Ă  proposer lorsque c’est possible un ingĂ© son, et Ă  accueillir les groupes avec un minimum de matĂ©riel. Sur sept mois, Ă  raison de deux ou trois par mois, ce sont 29 groupes rĂ©munĂ©rĂ©s qui se sont produits au LAÀB. Et ce, sans compter les Jam et autres scĂšnes.

ET AVEC CETTE BONNE MUSIQUE, ON CONSOMME QUOI ?

Une fois par mois, des quizz musicaux sont organisĂ©s avec un groupe live. « Nous rĂ©flĂ©chissons aussi Ă  un blind test avec les vinyles, un karaokĂ© avec un groupe. Mais aussi de nouvelles animations en plus de nos rencontres autour des musiques brĂ©silienne (Roda de Choro), celtique ou encore du Moyen-Orient, ou des cafĂ©s thĂ©matiques », complĂšte Manue.

Omettre la dimension « bar » du LAÀB serait une erreur. Une fois musicalement satisfait, le curieux, ou l’habituĂ©, n’a plus qu’à s’installer au comptoir pour choisir une biĂšre – de prĂ©fĂ©rence locale, ou toute autre boisson, ou aller se poser en salle (ou au sous-sol lorsque celui-ci est ouvert). Une petite faim ? Une fois encore la rigueur est prĂ©sente dans la carte, par exemple : « des AOP, et du lait cru pour les fromages ». L’idĂ©e est de servir de la qualitĂ©, dans les assiettes ou les tartines, en composant avec un prix abordable. DerriĂšre le comptoir, Manue, Anthony ou encore LĂ©andre, le troisiĂšme larron du bar, sauront vous conseiller dans la joie et la bonne humeur. « MĂȘme en plein rush ! », rit Manue.

Ici, le cadre, et le service, signent l’identitĂ© du bar. « On ne peut pas plaire Ă  tout le monde », dit l’adage, et ce n’est pas le but de l’établissement. DerniĂšre information, et pas des moindres pour cerner le dĂ©cor ? « LAÀB, c’est pour la mer Ă  boire/ l’amer Ă  boire ». S

Le LAÀB – 1 rue du bain Finkwiller Strasbourg Ouvert du Lundi au vendredi, de 16h30 à 1h et le samedi à partir de 18h. Happy Hours : 17h-20h Pour la programmation : page facebook et IG @laab.strasbourg

104 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
J

C’est à Strasbourg et c’est unique en France !

Contre l’obsolescence dans l’Industrie

Factoryyy est strasbourgeoise, et unique en France. Ses clients sont des industriels. Depuis 2017, elle leur offre la possibilitĂ© de contrer l’obsolescence programmĂ©e de leur matĂ©riel en leur recrĂ©ant, parfois mĂȘme sur mesure, des piĂšces dĂ©sormais introuvables ou hors de prix. Car, si vous trouvez que votre lave-linge ou votre tĂ©lĂ©phone ne dure pas dans le temps, dites-vous bien qu’il en est de mĂȘme pour une entreprise. Une durĂ©e de vie programmĂ©e pour une piĂšce industrielle, en voilĂ  une aberration !

L’adresse ne manque pas de cachet. Le quai Koch offre une vue imprenable sur la Gallia, Saint-Étienne et les berges de l’Ill. De l’autre cĂŽtĂ© de l’imposante porte du numĂ©ro 4, Sylvain Claudel, fondateur et directeur technique, nous invite Ă  le rejoindre en salle de rĂ©union. Avec vingt ans de carriĂšre dans l’industrie Ă  son actif, l’ingĂ©nieur en plasturgie n’en est pas Ă  sa premiĂšre structure.

La crĂ©ation de Factoryyy tient Ă  une anecdote, qui prend place durant l’Hacking Industry Camp, d’Alsace Digitale, vous nous la racontez ?

Durant cet Ă©vĂšnement, ÉS (ÉlectricitĂ© de Strasbourg) Ă©tait venu avec une piĂšce que leur compagnie ne parvenait plus Ă  sourcer. Des tentatives pour imprimer la piĂšce en 3D avaient Ă©tĂ© menĂ©es, mais la piĂšce avait cĂ©dĂ©. Le matĂ©riau utilisĂ© n’était pas le bon. J’ai tout de suite identifiĂ© la technologie, vu de quelle façon on

pouvait relancer la piĂšce. Une rencontre s’est faite, et nous avons fait le job. Pour l’anecdote, lors de l’entretien de remise de la piĂšce, nous avons mĂ©langĂ©, au grĂ© des manipulations, toutes les piĂšces sur la table. La mienne n’étant pas marquĂ©e, nous avons confondu celle d’origine avec ! TrĂšs satisfait, ÉS a ramenĂ© un carton de piĂšces avec, entre autres, une piĂšce mĂ©tal.

Cette piĂšce image en grande partie une nĂ©cessitĂ© du secteur industriel, pouvez-vous nous expliquer en quoi ?

C’est un cliquet d’enclenchement, de la tringlerie. Vous retrouvez ça dans des disjoncteurs HTA. Le principe est similaire Ă  un disjoncteur classique : la piĂšce permet d’ouvrir les contacts comme Ă  la maison
 Sauf qu’on est sur du 63 000 volts ! Il s’agit d’une piĂšce de sĂ©curitĂ©.

Le problÚme avec les piÚces détachées, ce sont les délais de confection et de livraison. La structure a été construite autour de

S ACTUALITÉ – TECHNOLOGIE Marine DumĂ©ny DR
106 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

cette idĂ©e, notamment dans les domaines de l’industrie et de l’énergie, puisque nous avions commencĂ© avec ÉS. Ce sont souvent des fournisseurs qui font faillite et ne livrent plus, ou qui choisissent de ne plus faire une gamme d’appareils et les prix explosent parfois jusqu’à fois 10, fois 100 pour inciter Ă  racheter du matĂ©riel neuf. Et ce, sans parler des pĂ©riodes d’obsolescence : 10 Ă  15 ans.

Vous avez misĂ© sur le local pour vos partenaires, Ă  90 %. Pourquoi est-ce important pour vous ?

JLa rĂ©gion a un bassin de compĂ©tences trĂšs intĂ©ressant. Et la proximitĂ© permet d’avancer trĂšs rapidement sur des problĂ©matiques complexes. En outre, il faut absolument solliciter et entretenir l’industrialisation de la rĂ©gion. Surtout au vu de l’excellente rĂ©activitĂ© obtenue. Factoryyy, c’est donc 99 % de partenaires en France (90 % dans le Grand-Est). Le reste de nos fournisseurs se trouve en

« Le problĂšme avec les piĂšces dĂ©tachĂ©es, ce sont les dĂ©lais de confection et de livraison. La structure a Ă©tĂ© construite autour de cette idĂ©e. »
Sylvain
Claudel, directeur de Factoryyy

UE. Nous ne nous tournons vers la Chine que pour tout ce qui ne prĂ©sente pas d’alternative, notamment les aimants nĂ©odyme.

Qu’en est-il du coĂ»t, le local revient-il plus cher ?

La comparaison entre nos prix et ceux de Chine ne peut pas se faire. Nous gagnons beaucoup en dĂ©lai de rĂ©alisation. Ce que cherchent nos clients, c’est de la rĂ©activitĂ©, de la qualitĂ©, et un bon service client. En cas de besoin d’ajustement, c’est important. Il arrive qu’à 0,5 mm prĂšs il faille rerĂ©gler certaines piĂšces. Un exemple pas si anodin puisqu’on a d’ailleurs eu le cas avec un client, sur une piĂšce qu’on a refaite spĂ©cifiquement pour lui.

Ces dĂ©lais tiennent entre six semaines et un an. Le processus dĂ©bute au dĂ©marchage, vient ensuite la crĂ©ation du jumeau numĂ©rique de la piĂšce (aprĂšs rĂ©ception), puis les plans en 2D et 3D pour plus de prĂ©cision et la prise de cĂŽtes et un dessin (pour vĂ©rifications). Une fois Ă  ce stade, on consulte nos partenaires, avant de lancer la production. Nous sommes systĂ©matiquement sur la bonne matiĂšre, grĂące Ă  du « reverse engineering » (une mĂ©thode d’étude et d’analyse, ici de matĂ©riaux –ndlr), qui est un vrai gain de temps. Le contrĂŽle qualitĂ© et la validation sont faits

par nos fournisseurs-partenaires, qui expĂ©dient dans la foulĂ©e les piĂšces. Au besoin, un stock est créé. À noter que pour certains assemblages, nous faisons appel Ă  un ESAT.

Factoryyy est encore en dĂ©veloppement, quelle sera sa direction ?

D’un point de vue technologie, nous allons bientĂŽt en tester une nouvelle, pour rĂ©aliser des moules en 3D et y injecter la matiĂšre voulue, ce qui rĂ©duirait les coĂ»ts.

Concernant le commercial, aprĂšs une pĂ©riode prolifique avec le Covid, notre CA est multipliĂ© par deux ou trois tous les ans. L’an passĂ© Ă©tait plus complexe, l’activitĂ© a connu un blanc jusqu’en mai, cependant nous revoici en course, avec des consultations Ă  la SNCF par exemple, ou encore Ă  l’étranger. Nous avons un projet avec Safran.

Enfin, nous travaillons Ă  mettre l’accent sur la partie RSE, puisque, mĂȘme si ça n’intĂ©resse pas forcĂ©ment les gens sur le terrain, ça intĂ©resse leurs responsables, Ă  Paris. En effet, des piĂšces produites en France, c’est dĂ©jĂ  un impact carbone amoindri. Factoryyy permet de prolonger la durĂ©e de vie des machines. Et en prime, on augmente la sĂ©curitĂ© grĂące Ă  notre rĂ©activitĂ©. Le marketing et le ciblage vont ĂȘtre retravaillĂ©s en ce sens. S

Les piùces conçues pour ÉS
108 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
« La rĂ©gion a un bassin de compĂ©tences trĂšs intĂ©ressant. Et la proximitĂ© permet d’avancer trĂšs rapidement sur des problĂ©matiques complexes. »
J
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Franck Horand

Les gens sont

tous

extra-ordinaires


AprĂšs des Ă©tudes d’arts plastiques Ă  l’universitĂ© de Strasbourg, oĂč il a explorĂ© peinture, sculpture et, faute d’atelier, art conceptuel, Franck Horand s’est dirigĂ© vers la photographie. Donner Ă  voir, rĂ©vĂ©ler, raconter, comprendre que la photographie n’est que rencontre avec des histoires, des histoires de rencontres, voilĂ  ce qu’il travaille chaque jour, aprĂšs l’avoir enseignĂ© en tant qu’instituteur.

« À mes Ă©lĂšves j’ai appris, pour citer Paul Klee en le dĂ©tournant un peu, que “photographie et dessin sont identiques en leur fond” dit-il. En ajoutant : “Pour raconter ces histoires, j’ai toujours privilĂ©giĂ© le portrait, Ă  la rencontre des gens, les gens qui sont tous extra-ordinaires quand on les aime de nos yeux de photographe. Depuis maintenant plus de deux ans, je construis un projet de mĂ©moire de demain, Unchain my Hoerdt, en photographiant les 4 500 habitants de Hoerdt, le village oĂč je me suis installĂ©â€.

le suivre sur instagram @franckhorand @unchainmyhoerdt sur facebook  Franck Horand Photographie Unchain my Hoerdt

Contact : franckhorand@gmail.com

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REVISITER BASHUNG FIGURE LIBRE

Quarante ans aprĂšs sa sortie, Figure imposĂ©e, album dĂ©jantĂ© et Dada d’Alain Bashung, renaĂźt Ă  la vie. Pascal Jacquemin, auteur des textes, s’est entourĂ© des musiciens historiques du grand Alain pour Rejouer Figure imposĂ©e. L’un des projets rocks les plus excitants de ces derniĂšres annĂ©es.

Àpresque un demi-siĂšcle de distance, c’est facile Ă  dire bien sĂ»r, mais il n’empĂȘche : Ă  la réécoute, Figure imposĂ©e a tous les attributs d’une matrice. Il y a dans ce disque inclassable et trĂšs (trop) mĂ©sestimĂ© l’essence mĂȘme de l’Ɠuvre de Bashung. Le Bashung de Roulette russe et de Pizza , et puis celui d’aprĂšs, le Bashung de P assĂ© le Rio Grande , de Chatterton , de Fantaisie militaire et on peut mĂȘme pousser jusqu’à celui de l’impeccable Bleu pĂ©trole sans forcer.

Aussi imparfait soit-il, et imparfait il l’est assurĂ©ment, cet album est un moment charniĂšre dans la carriĂšre de l’interprĂšte de Gaby , peut-ĂȘtre pas au creux de la vague ce serait exagĂ©rĂ©, mais entre deux eaux c’est certain.

Play blessures , coĂ©crit avec Serge Gainsbourg, opus sombre et dĂ©pressif, teintĂ© de ce soupçon de new-wave qui lui allait si mal au teint Ă©tait sorti l’annĂ©e d’avant et avait Ă©tĂ© un Ă©chec foudroyant, de ceux dont on peut ne pas se relever. Bashung, lui, s’en Ă©tait remis comme on sait. Figure imposĂ©e ne lui a peut-ĂȘtre pas permis de rebondir, mais au moins de savoir quelle direction il voulait prendre.

« Alain avait une grande peur, celle d’ĂȘtre un chanteur “kleenex”, ça l’obsĂ©dait », se souvient Pascal Jacquemin, parolier de Figure imposĂ©e. « Il ne voulait pas qu’on le rĂ©sume Ă  des tubes. Il en avait besoin bien sĂ»r, mais il avait des choses Ă  dire, des choses profondes. Il savait oĂč il voulait aller ».

Retour en 1983. Le monde va mal (dĂ©jĂ ) et Bashung pas trĂšs bien non plus. Nous sommes en pleine guerre froide, les missiles du Pacte de Varsovie sont pointĂ©s sur ceux de l’OTAN et inversement. Ronald Reagan aux États-Unis et Margaret Thatcher en Angleterre incarnent un ultralibĂ©ralisme qui fera les ravages que l’on sait, Lennon et Bobby Sands sont morts, le punk pas encore. L’Iran et l’Irak sont en guerre,

Alain Bashung, auteur-compositeurinterprÚte et acteur français, né à Paris à 1947 et décédé en 2009.

Hambourg
a CULTURE – ROCK 118 a CULTURE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Pascal
Philippe Anstett – Zellie Noreda
119 a CULTURE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

Jl’Afghanistan aussi. Malouines, Sabra et Chatila, Sida, Khomeini sont des noms qui rĂ©sonnent si forts qu’ils en deviennent assourdissants.

En France, la gauche, elle, a dĂ©jĂ  pris le tournant de la rigueur, l’espoir d’un nouveau monde s’est fracassĂ© sur l’écueil de la rĂ©alitĂ©. Il y a dĂ©cidĂ©ment longtemps que Trenet chantait Y’a d’la joie , on dirait que c’était il y a un siĂšcle et ça n’en faisait qu’à peine la moitiĂ©. Figure ImposĂ©e est le reflet de cette Ă©poque, de ce chaos intĂ©rieur.

AprĂšs des annĂ©es de galĂšre, Alain Bashung, lui, a touchĂ© le sommet. VoilĂ  deux ans que, Pizza, son troisiĂšme album, portĂ© les Ă©normes tubes que sont Vertige de l’amour et Gaby Oh Gaby, cartonne. En pleine ascension, il dĂ©cide subitement de couper les gaz et d’interrompre sa collaboration avec Boris Bergmann. Il veut expĂ©rimenter d’autres voies. Tout risquer plutĂŽt que de se perdre. « Alain Ă©tait en recherche permanente, il n’arrĂȘtait jamais de se remettre en question », dit son Ă©pouse, la chanteuse ChloĂ© Mons. Ce sera d’abord Play blessures donc et

dans la foulée ou presque Figure imposée re-donc, avec sa sublime pochette trÚs réalisme soviétique des années 30 signée Pierre Buffin.

IMPOSSIBLE DE COMPRENDRE D’OÙ VIENT CET OVNI


Pascal Jacquemin a 26 ans Ă  l’époque, il a dĂ©couvert la musique de Bashung par hasard un soir alors qu’il avait trouvĂ© un job d’étĂ© dans une station-service du Haut-Rhin. Musicien lui aussi, le voilĂ  Ă  Paris. Il s’est mis en tĂȘte de rencontrer Bashung, au moins de lui faire Ă©couter une cassette de sa musique. De fil en aiguille, parce que l’époque Ă©tait comme ça aussi, le voilĂ  guitariste sur la deuxiĂšme partie de la tournĂ©e Vertige de l’amour et puis parolier de ce nouvel album qui ne doit ressembler Ă  aucun autre.

Ils sont sur scÚnes et rejouent Figure imposée. De gauche à droite, Yan Péchin, Bobby Jocky, Arnaud Dieterlen, Basile Jacquemin, Pascal Jacquemin et Fred Poulet.

« ALAIN ÉTAIT EN RECHERCHE PERMANENTE, IL N’ARRÊTAIT JAMAIS DE SE REMETTRE EN QUESTION. »

« Avec Gainsbourg et Bergmann, c’était plus prestigieux, mais il se sentait peutĂȘtre moins libre, je ne sais pas, confie aujourd’hui Jacquemin. Alain voulait du sang neuf, mais que ce ChloĂ© Mons J

120 a CULTURE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
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J soit quand mĂȘme dans la continuitĂ©, que ça ne le fasse pas complĂštement dĂ©railler non plus. Pour moi, Ă  l’époque, c’était un sentiment Ă©trange, entre prĂ©occupation et insouciance en fait. Ce qui m’importait, c’était que les textes ne soient pas anodins, je voulais des choses profondes, mais avec une lĂ©gĂšretĂ© quand mĂȘme, tous les deux on Ă©tait raccords lĂ -dessus. Il n’y avait pas de retenue, pas de rĂšgle. Et au final, l’album est une sorte de mash-up qu’on a construit ensemble. »

Si le terme d’OVNI n’était pas aussi galvaudĂ©, il aurait Ă©tĂ© une parfaite dĂ©finition de cet album un peu Dada, un peu baroque, profond et lĂ©ger, carrĂ©ment barrĂ©. Une « dinguerie assurĂ©ment, et c’était lĂ  toute sa force... et sa faiblesse (commerciale) » dit aujourd’hui Pascal Jacquemin. Impossible alors de comprendre d’oĂč vient cet Ovni. La critique ne l’a d’ailleurs pas compris et le public pas davantage. Si Figure est aussi solaire et Ă©nergique que Play Ă©tait tĂ©nĂ©breux et dĂ©pressif, l’échec commercial est le mĂȘme. Le public boude et la critique s’écharpe entre ceux pour lesquels cet opus est l’équivalent du disque blanc dans la carriĂšre des Beatles et ceux pour qui c’est l’album « le plus chiant de l’annĂ©e ».

Quarante ans plus tard, le dĂ©bat est tranchĂ©, ce n’est ni l’un ni l’autre. Figure imposĂ©e est un creuset et puis une passerelle, un point d’appui aussi. En fĂ©vrier 1984 dans LibĂ©ration , le critique Philippe Barbot expliquait ça autrement et bien plus poĂ©tiquement : « c’est une sorte de chĂąteau hantĂ©. Personne n’est assez crĂ©tin pour y croire tout Ă  fait, mais tout le monde sait confusĂ©ment qu’il est vraiment habitĂ©. » Sous-entendant que celui qui l’habite ce chĂąteau, c’est l’esprit, peutĂȘtre mĂȘme la substance de Bashung.

Au-delĂ  du coup dĂ©jĂ  fait de la nostalgie, Rejouer Figure ImposĂ©e est avant tout et par-dessus tout un geste artistique, d’une « richesse incroyable », dit Pierre-Jean Ibba, le directeur de la salle de spectacles l’ED&N (prononcer Eden) Ă  Sausheim, dans le Haut-Rhin qui a soutenu le projet. « Il est portĂ© par des musiciens qui sont de sacrĂ©es pointures. Je ne me rendais pas compte que c’était ambitieux Ă  ce point-lĂ . Ce n’est pas un album forcĂ©ment facile d’accĂšs, mais c’est ça qui est passionnant. Tous les mots ont un sens, tous les mots ont du sens. »

Le spectacle, car ce n’est pas uniquement un concert et un disque c’est

un spectacle, est aussi une expérience. Totalement originale puisque quarante ans ont passé, que le monde a changé et la musique aussi (les solos de saxo ne se font plus trop).

« La figure imposĂ©e demandĂ©e Ă  cette formation de rĂȘve est de donner envie aux spectateurs d’écouter ou de réécouter la version originale bien sĂ»r, mais aussi de s’immerger dans un album complet, avec les Ă©motions et la puissance de l’interprĂ©tation live, mĂȘlĂ©es aux vibrations d’aujourd’hui, dit encore Jacquemin. « Ce sera Ă©galement le moyen de se replonger dans le dĂ©but des annĂ©es 80 et Ă  la crĂ©ation de ce disque, grĂące au film de Fred Poulet. »

De l’hypnotique S piele mich an die wand Ă  What’s in a bird , interprĂ©tĂ© par Rodolphe Burger, en passant par ElĂ©gance , Poisson d’avril , Hi , Chaque nuit bĂ©bĂ© ou ImbĂ©cile , il y a dans cet album trĂšs largement de quoi s’amuser et rĂ©interprĂ©ter. D’autant que le spectacle s’annonce Ă©volutif au fur et Ă  mesure qu’il avancera dans le temps et dans l’espace, et que des artistes viendront poser leur voix sur les morceaux. En perpĂ©tuelle (r)Ă©volution. a

122 a CULTURE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

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Vingt ans de concerts, de crĂ©ations, de rencontres et de mutations, ça se fĂȘte. Le groupe Ozma s’est pliĂ© d’excellente grĂące Ă  la formalitĂ©, et a mis le feu Ă  la Briqueterie de Schiltigheim pour l’occasion. « Ce concert du 8 octobre restera dans nos mĂ©moires ! », souffle StĂ©phane ScharlĂ©, batteur et compositeur de cette formation « explosive jazz », comme ils le revendiquent.

FondĂ© au tournant de l’annĂ©e 2002 Ă  Strasbourg, Ă  l’occasion du concours d’entrĂ©e au Conservatoire du guitariste Adrien Dennefeld, le groupe a grandi avec ses musiciens. « Nous Ă©tions Ă©tudiants, Ă  peine vingtenaires, lors des premiĂšres rĂ©pĂ©titions. Ozma a accompagnĂ© et participĂ© Ă  nos vies d’adultes », rĂ©sume StĂ©phane. Ozma joue en quintet depuis 2004, une musique Ă  l’écriture pointue et prĂ©cise, mais ouverte Ă  des influences allant du funk Ă  l’électro. Sur scĂšne rĂšgne une grande gĂ©nĂ©rositĂ©, hĂ©ritĂ©e notamment des racines rock qu’ils ont en partage.

Ces ingrĂ©dients ont fait la recette du concert anniversaire, baptisĂ© Ozma XX et programmĂ© dans le cadre de la saison Jazz d’or 2022-2023. Les membres actuels du quintet ont laissĂ© leur place Ă  des anciens le temps de quelques morceaux, et se sont serrĂ©s pour accueillir Ă  leurs cĂŽtĂ©s une kyrielle d’invitĂ©s : des musiciens des Percussions de Strasbourg, le griot burkinabĂ© Moussa Coulibaly, des cuivres de l’expĂ©rience « Ozma Orkestrù » ou encore des Ă©tudiants du Conservatoire.

MATIÈRE MOUVANTE

(HĂ©las) peu prophĂštes en leur pays, les jazzmen ont construit l’essentiel de

JAZZ OZMA, EN APOTHÉOSE

Le quintet strasbourgeois « d’explosive jazz » a fĂȘtĂ© ses 20 ans lors d’un concert mĂ©morable le 8 octobre, Ă  la Briqueterie. L’occasion de cĂ©lĂ©brer deux dĂ©cennies de tournĂ©es internationales et de dessiner de nouveaux projets.

leur carriĂšre lors de tournĂ©es internationales. C’est pourtant Ă  Paris que leur trajectoire a Ă©tĂ© impulsĂ©e, en 2006, lorsqu’ils ont remportĂ© le concours Jazz Ă  la DĂ©fense. Les portes de la professionnalisation s’ouvrent alors, de mĂȘme que les frontiĂšres. Allemagne, Hongrie, Ukraine, SuĂšde, Inde, Chine, BrĂ©sil, Burkina Faso, Namibie
 leurs instruments accumulent les visas.

Jusqu’aux États-Unis, quelques jours Ă  peine aprĂšs le concert Ozma XX. « Pour des raisons administratives, nous avons dĂ» recruter un saxophoniste amĂ©ricain pour jouer avec nous lĂ -bas. Il a enrichi la musique de sa propre histoire et de son jeu. » Plus que jamais, Ozma est une matiĂšre mouvante, autour d’un noyau

Les musiciens d’Ozma sur la scùne de la Briqueterie.

dur qui garantit son identité : StĂ©phane ScharlĂ©, donc, Ă  la batterie, et Édouard SĂ©ro-Guillaume Ă  la basse et aux claviers. Sous une forme ou une autre, le quintet n’a pas l’intention de s’arrĂȘter : ils seront en tournĂ©e en Europe dĂ©but 2023. Un second projet prend Ă©galement forme : le programme Propulsion, partagĂ© entre Strasbourg et le Luxembourg, pour accompagner deux jeunes groupes de jazz pendant un an. Qui ne pourraient rĂȘver de meilleurs mentors ! a

Dates, vidĂ©os et infos : www.ozma.fr

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a CULTURE – JAZZ
124 a CULTURE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

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L’AMÉRIQUE DU NORD ET LA FRANCE DE MOLIÈRE M. SOUL, DU MANITOBA À L’ALSACE

CriniĂšre blanche, rĂ©partie agile et humour en bandouliĂšre, M. Soul parle d’abondance et chante comme il respire. En français et en anglais, car ce dĂ©sormais Strasbourgeois est nĂ© Ă  Winnipeg dans la province anglophone du Manitoba d’une mĂšre canadienne et d’un pĂšre
 breton


L’

Alsace, il l’a dĂ©couverte au grĂ© d’un parcours haut en couleurs d’abord menĂ© de ville en ville au Canada et en AmĂ©rique du Nord. Winnipeg, Vancouver, MontrĂ©al, Minneapolis, etc., l’auteur-compositeur-interprĂšte s’est produit partout ou presque, dans des concerts et festivals oĂč des amis cajuns l’ont un jour convaincu d’écrire en français.

Marcel (M.) Soulodre (Soul) a dit « banco » et s’est mis en quĂȘte d’un co-parolier jusqu’à ce qu’une amie de RadioCanada lui suggĂšre Bernard Bocquel un journaliste installĂ© Ă  Winnipeg, mais originaire du
 Neudorf Ă  Strasbourg.

Ensemble ils ont écrit une chanson puis de plus en plus de chansons et enregistré un album que Marcel est allé présenter à Paris aprÚs avoir rencontré la famille de Bernard en Alsace.

Quelques aller-retour transatlantiques plus tard, il s’est installĂ© chez nous en 2010 pour proposer une musique bien Ă  lui entre rock, blues, folk, country et chanson.

UN AUTOPORTRAIT MUSICAL

Tout un monde entre deux mondes, l’AmĂ©rique du Nord et la France de MoliĂšre. Pour le meilleur de la variĂ©tĂ© dont se revendique « le chansonneur ».

PrĂ©sentĂ© au centre culturel de Drussenheim Ă  la rentrĂ©e, son dernier album s’intitule Hello Out There – Le Manitoba vous rĂ©pond, clin d’Ɠil Ă  l’album d’HergĂ© Le Manitoba ne rĂ©pond plus » dĂ©couvert enfant dans la bibliothĂšque municipale de Saint-Boniface, quartier francophone Winnipeg.

M. Soul y dresse, en anglais et en français, un autoportrait musical oĂč transparaissent son amour de la vie et des voyages, mais aussi ses inquiĂ©tudes. GalĂšre raconte la fatigue, Swingtime Baby alerte sur l’urgence climatique, Birthday questionne la pression des technologies sur nos vies


« I’m a storyteller » rĂ©sume l’artiste
 a www.m-soul.com

Véronique Leblanc Bartosch Salmanski
a CULTURE – CHANSON
126 a CULTURE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
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MICRO-UTOPIES TÔT OU T’ART, UNE HISTOIRE DE REG’ART

« Être utile Ă  vivre et Ă  rĂȘver » chantait jadis Julien Clerc et ces mots auraient pu ĂȘtre Ă©crits pour l’association TÔT ou T’ART nĂ©e en 2001 et aujourd’hui nichĂ©e au sein de « La Fabrique », rue du Hohwald.

CĂ©cile HaeffelĂ©, directrice de TÔT ou T’ART

F ondĂ©e sur la conviction que l’accĂšs Ă  l’art sous toutes ses formes a le pouvoir de bousculer notre rapport au monde, Ă  nous-mĂȘmes et aux autres, cette structure se veut courroie de transmission entre les institutions culturelles alsaciennes et les personnes confrontĂ©es au handicap, Ă  la pauvretĂ©, Ă  la rĂ©insertion.

Pour sa directrice CĂ©cile HaeffelĂ©, « il est essentiel de reconnecter les publics fragilisĂ©s aux lieux de culture parce la culture nous fonde tous, y compris ceux qui en sont Ă©loignĂ©s ».

Pas moins de 95 structures alsaciennes jouent le jeu, prĂ©cise-t-elle en citant, entre autres, l’OpĂ©ra du Rhin, l’Orchestre philharmonique, le TJP, le Maillon, PĂŽle Sud, l’Espace Django, le Vaisseau
 Sans oublier les musĂ©es, les chĂąteaux, les cinĂ©mas et autres festivals. En dĂ©but de saison, toutes transmettent un lot d’entrĂ©es gratuites Ă  TÔT ou T’ART

qui peut ainsi installer une billetterie solidaire, mais, prĂ©cise CĂ©cile, « il s’agit aussi pour nous d’aller plus loin et de mettre en place l’accĂšs Ă  une pratique artistique qui soit une expĂ©rience de reconnexion Ă  soi et Ă  la vie ».

VIVRE ENSEMBLE

« Ce n’est pas simple pour les personnes fragilisĂ©es », ajoute-t-elle. Si nous voulons crĂ©er les conditions de confiance, nous devons compter sur la mĂ©diation des travailleurs culturels, sociaux et mĂ©dico-sociaux. »

« L’échange est essentiel entre tous ces acteurs, y compris les artistes qui s’investissent de plus en plus. Il faut rĂ©flĂ©chir aux objectifs, aux formats, crĂ©er des partenariats pour faire vivre une dĂ©mocratie culturelle aux couleurs du vivre ensemble. Chacun apporte sa contribution et notre rĂŽle est d’ĂȘtre aux endroits de mutualisation ».

RencontrĂ©e lors de la prĂ©paration d’une action « arts plastiques » organisĂ©e pour des patients du CHU d’Erstein dans le cadre de l’exposition d’art brut au musĂ©e WĂŒrth, CĂ©cile Ă©voque aussi des rĂ©flexions en cours avec l’équipe du cinĂ©ma Cosmos qui ouvrira aprĂšs les travaux entrepris dans l’ancien « OdyssĂ©e ».

L’action sera menĂ©e Ă  destination des personnes malvoyantes, prĂ©cise-t-elle en rappelant aussi « La Ronde des livres », opĂ©ration dĂ©sormais bien installĂ©e qui permet non seulement de donner des ouvrages aux enfants et adultes Ă©loignĂ©s de la lecture, mais aussi d’organiser des ateliers d’écriture crĂ©ative ou des visites ludiques de mĂ©diathĂšques.

« Les ressources culturelles des personnes que nous accompagnons sont immenses », conclut-elle, « à nous de crĂ©er les micro-utopies oĂč elles puissent s’épanouir sans complexe ». a www.totoutart.org

Véronique Leblanc Alban Hefti
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128 a CULTURE №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
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R O C H E S A

le tueurMon voisin

Comme le disait un grand historien, la mĂ©moire ça sert surtout Ă  oublier. Il est regrettable qu’un pays comme le nĂŽtre, si entichĂ© de commĂ©morations n’ait pas consacrĂ© plus d’attention Ă  ce qui arriva il y a tout pile 450 ans : la Saint-BarthĂ©lĂ©my. OĂč l’on apprendra que, dans un monde oĂč rĂšgnent actualitĂ© et musĂ©ification, les vieilles histoires ont beaucoup Ă  nous apprendre.

On peut le concevoir, reparler d’un massacre entre français, qui plus est au cours d’une guerre de religions, n’est pas toujours du meilleur effet dans le Grand RĂ©cit National. Du moins percevrait-on au passage que la religion nous ayant suffisamment emmiellĂ©s, il serait bon qu’elle restĂąt une affaire privĂ©e. Le xxe siĂšcle s’étant surpassĂ© dans l’abject, un petit massacre Ă  l’ancienne pourrait sembler dĂ©risoire. Dagues et pertuisanes sont bien peu de choses face Ă  une chambre Ă  gaz. De sorte que si on mesure le progrĂšs technique dans l’art de la tuerie, on morigĂšne sur ces hommes qui, dĂ©cidĂ©ment, sont bien vils. Faut-il se rĂ©signer ? Certes pas, et c’est la gloire des historiens de nous montrer quelques traits saillants parmi des Ă©vĂ©nements qui diffĂšrent cependant toujours.

Dans un magnifique livre rĂ©cemment paru, JĂ©rĂ©mie Foa revient sur le massacre du 24 aoĂ»t 1572. (1) Pour ce, il a entre autres sources Ă©tudiĂ© les archives notariales qui, malgrĂ© toute la froideur tabellionnaire idoine, rĂ©vĂšlent tout un monde englouti et poignant. Car la Saint-BarthĂ©lemy n’est pas un massacre comme un autre, c’est un « évĂ©nement de proximité ». Rappelons que, dans un premier temps, ce sont les chefs Huguenots (rassemblĂ©s Ă  Paris pour le mariage de Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, c’est bien pratique), au premier rang desquels l’amiral Coligny, qui sont visĂ©s. Ensuite, et au signal du tocsin vers 4 h du matin, la boucherie s’étend Ă  tous les Protestants. La milice bourgeoise (commerçants, artisans) rassemble les plus furieux. Les assassins opĂšrent par quartiers : qui se connaĂźt bien

S ACTUALITÉ – LE PARTI-PRIS DE THIERRY JOBARD Thierry Jobard DR 132 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

se massacre bien. D’autant plus que les Protestants ont Ă©tĂ© en butte pendant les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes Ă  d’incessantes persĂ©cutions et souvent arrĂȘtĂ©s puis relĂąchĂ©s. Mais fichĂ©s au prĂ©alable.

Ce qui fait que lorsque les bourreaux arrivent, les choses se passent fort civilement : on sonne avant d’entrer. Ne se mĂ©fiant pas, les victimes ouvrent leurs portes Ă  leurs connaissances, Ă  leurs voisins, Ă  leurs collĂšgues. Mais aussi Ă  leurs cousins, Ă  leurs beaux-frĂšres, Ă  leurs neveux. On se tue donc entre chrĂ©tiens, mais aussi entre membres d’une mĂȘme famille. D’oĂč par exemple, parmi tant d’autres, ce tĂ©moignage : « Le commissaire Aubert demeurant en la rue Simon le frac prĂšs la fontaine MaubuĂ©, remercia les meurtriers qui avoyent massacrĂ© sa femme ». La Saint-BarthĂ©lemy regorge de ces histoires atroces de violences interfamiliales et de spoliations en tous genres. On tue et on vole puisqu’on ne risque rien. Le pouvoir royal laisse faire, dĂ©passĂ©. Mais pas de prĂ©mĂ©ditation d’une Catherine de MĂ©dicis inspirĂ©e par les enseignements de Machiavel, ni de foule parisienne dĂ©chaĂźnĂ©e. Pas de planification, mais une envie entretenue depuis des annĂ©es en espĂ©rant

pouvoir la satisfaire un jour. Les bourreaux portent une croix ou un brassard blancs, ils ont des signes de reconnaissance, des mots de passe. De sorte qu’il est Ă  peu prĂšs impossible de fuir. Si vous restez chez vous, les maisons sont fouillĂ©es, si vous sortez, on vous reconnaĂźt. Les mots mĂȘmes perdent leur sens, par l’usage de termes euphĂ©misĂ©s ou doublement connotĂ©s (2). Le roi est un tyran, la paix est une fourberie, les huguenots des suppĂŽts du diable. Tous les repĂšres se brouillent et les liens sociaux se dĂ©litent. Certains abjurent, cela peut sauver. Beaucoup attendent les coups en priant. Mais ce n’est pas tout.

ON TUE L’AUTRE, PAS LE MÊME

Dans le fameux tableau de François Dubois (1529-1584), peintre ayant assistĂ© au massacre, on voit, Ă  peu prĂšs au centre, Coligny dĂ©fenestrĂ© puis son cadavre dĂ©capitĂ© et Ă©masculĂ©. Il sera ensuite traĂźnĂ© dans les rues par des enfants (meurtriers d’autres enfants) et enfin exposĂ© au gibet de Montfaucon. La Seine regorge de corps et l’image du fleuve rouge de sang qu’emploie notamment Agrippa d’AubignĂ© n’est

Pas de planification, mais une envie entretenue depuis des annĂ©es en espĂ©rant pouvoir la satisfaire un jour. »

Le Massacre de la Saint-Barthélemy, par François Dubois, vers 1572-1584

«
133 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

faut

différencier,

Mais tuer ne

faut

pas une licence poĂ©tique. Les Parisiens s’abstiendront de consommer du poisson les semaines suivantes au vu du nombre de corps en dĂ©composition qui s’y trouvent.

Massacre de proximitĂ© donc, massacres interfamiliaux, la sauvagerie semble ne pas avoir de limite et je ne m’attarderai pas sur les descriptions de mutilations et de femmes enceintes Ă©ventrĂ©es. Pourquoi cet acharnement ? Par peur dĂ©jĂ . Le pas si beau xvie siĂšcle baignait dans une angoisse de fin du monde. (3)

On prie le Dieu de l’Ancien Testament, beaucoup moins cool que le Petit JĂ©sus. On croyait voir partout les signes de l’Apocalypse proche et les Guerres de religion, soit des guerres civiles, marquant la fin de l’unitĂ© chrĂ©tienne (notamment face Ă  la menace turque) entretenaient cette crainte d’un ennemi si proche qu’il en Ă©tait semblable. Qu’y a-t-il de plus proche qu’un Parisien, qu’un boulanger, qu’un orfĂšvre sinon un autre parisien, un autre boulanger, un autre orfĂšvre ?

On tue l’autre, pas le mĂȘme. Il faut donc diffĂ©rencier, se diffĂ©rencier, afin de faire advenir l’autre comme autre. La propagande, les rumeurs, les calomnies sont une premiĂšre Ă©tape. Mais tuer ne suffit

pas, il faut dĂ©shumaniser, rendre mĂ©connaissable. D’oĂč les humiliations (dĂ©nuder les victimes), les mutilations, les dĂ©figurations. Rendre l’autre totalement autre.

On retrouve lĂ  un thĂšme dĂ©celĂ© par Freud dans ce qu’il appelle « le narcissisme des petites diffĂ©rences » (4) qui deviennent insupportables et qu’il s’agit donc de porter Ă  l’extrĂȘme pour accroĂźtre la distance entre la victime et son bourreau.

TOUS SOUDÉS PAR ET DANS LE SANG VERSÉ

On tue donc pour « purifier » le corps social, pour purifier la religion et pour se purifier soi-mĂȘme, parce qu’il a bien fallu qu’on ait pĂ©chĂ© bien fort pour s’attirer une telle calamitĂ©, l’hĂ©rĂ©sie. Et pour que l’immolation joue Ă©galement ce rĂŽle, il faut qu’elle soit collective. On tue en groupe et chacun doit faire sa part sous le regard des autres, encouragĂ© par les autres, tous soudĂ©s par et dans le sang versĂ©. Pas d’irrationnel cependant, mais, selon la formule de Jacques SĂ©melin, une « rationalitĂ© dĂ©lirante ». (5)

Au lendemain de la Saint-BarthĂ©lemy, le silence se fait. L’acmĂ© de sauvagerie

atteint, l’évĂ©nement se referme sur luimĂȘme et semble un cauchemar dont on se rĂ©veille engourdi. Pourtant que d’enseignements dans tout cela. Je prendrai deux autres exemples. Dans un livre prĂ©cisĂ©ment intitulĂ© Les Voisins (6), Jan Gross revient sur ce qui s’est passĂ© en Pologne Ă  l’étĂ© 1941, dans la petite ville de Jedwabne. Une moitiĂ© de la population a massacrĂ© l’autre moitiĂ©, hommes, femmes et enfants juifs. Les nazis ne sont pas dans le coup, pour une fois. Aucune pression extĂ©rieure donc, les Polonais ont assassinĂ©s, aprĂšs les avoir battus Ă  coup de gourdins et de barres de fer, ceux avec qui ils vivaient depuis toujours. On reprochait aux Juifs de supposĂ©es relations avec les SoviĂ©tiques (7) , on lorgnait sur leurs biens, on colportait des dĂ©bilitĂ©s au sujet de rituels avec du sang d’enfants chrĂ©tiens, etc
 LĂ  encore le piĂšge est sans issue puisque les victimes et les lieux sont connus. On a mĂȘme invitĂ© ceux des villages voisins pour participer.

« Paradoxalement, le poste de la gendarmerie allemande fut ce jour-lĂ  l’endroit de la ville le plus sĂ»r pour les Juifs ». (8) Au total 1600 morts. Bien entendu, dans la Pologne actuelle, il n’est

« Il
donc
se diffĂ©rencier, afin de faire advenir l’autre comme autre.
J 134 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
La propagande, les rumeurs, les calomnies sont une premiÚre étape.
suffit pas, il
dĂ©shumaniser, rendre mĂ©connaissable. »

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Créée par Dominique Flota en 2017 et implantĂ©e dans le Sundgau, au cƓur de la rĂ©gion des Trois-FrontiĂšres, Domiconus est spĂ©cialisĂ©e dans l’élevage de cĂŽnes marins et a 2 objectifs. Le premier est mĂ©dical grĂące au prĂ©lĂšvement du venin de ces cĂŽnes dont les bĂ©nĂ©fices thĂ©rapeutiques sont testĂ©s sur certains modĂšles de pathologies et maladies (douleur, oncologie, maladies dĂ©gĂ©nĂ©ratives et d’autres Ă  l’avenir). Une application en cosmĂ©tique est aussi Ă  l’étude. Le second est environnemental car l’étude en ferme aquacole de ces cĂŽnes va permettre de les prĂ©server, les rĂ©cifs coraliens les abritant Ă©tant menacĂ©s. En 5 ans, Domiconus est devenue la premiĂšre venumthĂšque de cĂŽnes marins au monde et est en pleine expansion. Elle vient d’entrer dans le Club des 100.

Dominique Flota s’est lancĂ© dans ce projet suite Ă  un accident grave en tant que pompier volontaire, il se dĂ©couvre intolĂ©rant aux dĂ©rivĂ©s morphiniques et cherche alors une solution pour soulager les douleurs des personnes confrontĂ©es Ă  la mĂȘme problĂ©matique que lui. Avec 20 ans d’expĂ©rience en biologie animale, Ă  travers diffĂ©rents postes occupĂ©s au sein de Novartis, de l’UniversitĂ© de Zurich et de l’Ecole Polytechnique de Zurich, il est passionnĂ© par la recherche et s’investit pleinement dans cet Ă©levage aquacole unique au monde et novateur. www.domiconus.com

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Jpas bien vu de rappeler que la barbarie ne fut pas que nazie. J’ajoute que d’autres meurtres antisĂ©mites eurent lieu aprĂšs la fin de la guerre.

« NOUS DÉRANGEONS

LES GENS »

Dernier exemple, le gĂ©nocide des Tutsis par les Hutus au Rwanda. LĂ  encore, et davantage, les bourreaux sont des voisins, des amis, voire des Ă©poux. Et la violence est intrareligieuse puisque des catholiques ont tuĂ© (coupĂ© disait-on) d’autres catholiques. Avec des prĂȘtres des deux cĂŽtĂ©s. Les Ă©glises, refuges habituels, ont souvent servi de théùtre aux massacres. Des barrages sur les routes entravaient toute fuite. Ici aussi une propagande mise en place bien avant (notamment via la trop fameuse RTLM, Radio TĂ©lĂ©vision des Milles Collines), l’exacerbation des diffĂ©rences (les Tutsis sont plus grands, plus pĂąles, plus ceci plus cela), la dĂ©shumanisation dans les mots (ce sont des cafards, des cancrelats, des serpents), puis dans les corps. À la machette. La chose Ă©tait prĂ©visible, annoncĂ©e, « l’accumulation d’un immense savoir sur les gĂ©nocides et les massacres de masse depuis la fin de la Seconde Guerre

mondiale n’a-t-elle Ă©tĂ© d’aucune utilitĂ© pour prĂ©venir et empĂȘcher la catastrophe de 1994 » ? se demande StĂ©phane AudoinRouzeau.(9) Mais lĂ  les choses semblent en suspens. Des Tutsis disent : « Si on s’endormait, le gĂ©nocide ne tarderait pas », « Nous dĂ©rangeons les gens » 

Les massacres prennent sens dans leur contexte historique et social, chaque fois diffĂ©rent. Notons cependant certains traits communs. Dans l’influence de la propagande d’abord et du rĂŽle d’un vocabulaire orientĂ©. Puis dans le rĂŽle de l’État, soit faible (France, Rwanda, Pologne), soit se sentant menacĂ© (pour l’Allemagne nazie). Le traitement des victimes ensuite, mises Ă  part et rabaissĂ©es avant d’ĂȘtre exĂ©cutĂ©es et souvent rendues mĂ©connaissables. Enfin, et c’est le cƓur du problĂšme : la facilitĂ© avec laquelle un individu, tout un chacun, peut devenir non seulement un meurtrier de masse, mais surtout de ceux qu’il connaĂźt, quand le groupe auquel il appartient l’y autorise. En devenant encore meilleur Ă  sa tĂąche avec l’habitude. Et sans regrets.

Je ne suis pas sûr que la psychologie positive pourra nous éclairer sur ce point. Mais je vous souhaite, sincÚrement, un joyeux Noël. a

1- Jérémie Foa, Tous ceux qui tombent, éditions La Découverte, 2021. Massacre, précisons-le, qui se prolongea plusieurs mois et dans toute la France.

3000 Protestant-e-s tuĂ©s Ă  Paris, 10 000, 15 000, voire 30 000 selon certains pour toute la France.

2- Selon une figure rhétorique, la paradiastole, pour ceux qui voudront briller dans les dßners mondains.

3- Denis Crouzet, Les guerriers de Dieu, Champ Vallon, 1990.

4- Notamment dans Malaise dans la civilisation 5- Jacques Sémelin, Analyser le massacre, Réflexions comparatives, in Questions de recherche, n° 7, septembre 2022.

6- Jan T. Gross, Les Voisins, 10 juillet 1941, Les belles Lettres, 2019.

7- La chose se passe aprĂšs l’invasion de la partie de la Pologne occupĂ©e prĂ©cĂ©demment par les Russes, comme convenu lors du pacte Germano-SoviĂ©tique de 1939 (un dĂ©tail omis par le camarade Poutine dans sa réécriture de l’histoire russe).

8- Les Voisins, p.79.

9- Une initiation, Rwanda (1994-2016), Seuil, 2017.

136 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
Le génocide des Tutsis par les Hutus au Rwanda

Qu’est-ce qu’on fout encore là ? Moi Jaja


Tu ne t’es jamais demandĂ© ce que l’on foutait encore là ? J’ai demandĂ© Ă  Tato, un de ces petits matins, lĂ , sur une plage de Ligurie, Ă  deux pas de GĂȘnes. On aime bien faire ça, avec Tato : se barrer de chez nous, prendre la route, quand trop c’est trop, et aller voir mes potos oiseaux au bord du lac LĂ©man, leur donner deux trois trucs Ă  grailler, face au Mont-Blanc et se dire qu’on pourrait pousser un peu plus loin encore, traverser les Alpes, se taper le Saint-Bernard – pas le chien –, longer la cĂŽte et envoyer tout balader. Un court instant au moins


C’est comme ça, la nuit Ă  peine Ă©coulĂ©e, qu’on a fini allongĂ©s face Ă  la mer, mes pattes et mes ailes roses dans le sable, couverts du corps de Tato et de son long manteau Ă  capuche. « On n’est pas bien ? Paisibles, Ă  la fraiche, dĂ©contractĂ©s du gland ? », j’aurais pu « valser » Ă  Tato. Mais allez savoir : alors que les premiers rayons d’un soleil automnal apaisaient une houle nocturne, c’est Ă  ça que j’ai songé : qu’est-ce qu’on fout encore là ? À quoi bon se battre, quand tant de gens brillants qu’on connait, tous autant que nous sommes, ont dĂ©jĂ  jetĂ© l’éponge ?

SORTIE D’ƒUF

« Tu parles de quoi Jaja ? Du rĂ©chauffement climatique ? ». « Tu crois vraiment que j’en ai quelque chose Ă  cirer du climat ? Tu m’as bien vu ? », je lui ai renvoyĂ© dans ses poils d’humain. « SĂ©rieux ! Yangzhou, Gdansk, Munich, Kryvyi rih, Zaporijia, Perzemysl, Strasbourg : Ă  moi tout seul je fais le bilan carbone de dix Yann Arthus-Bertrand, si l’on compte mon temps passĂ© en zones industrielles. « Et puis d’abord on ne dit pas rĂ©chauffement, mais dĂ©rĂšglement climatique.

Il ne t’a tout de mĂȘme pas Ă©chappĂ© que mĂȘme au Qatar et en Arabie Saoudite y a plus de rĂ©chauffement ? Les premiers te mettent la clim dans des stades ouverts, les seconds construisent des pistes de ski au milieu du dĂ©sert ». Et puis, Ă  quoi bon ? Poutine a dĂ©jĂ  tout rĂ©glĂ©. Plus de chauffage, plus d’électricitĂ©, plus de gaz, plus de pĂ©trole. L’on peut critiquer autant qu’on veut le bonhomme, mais avouez qu’en moins de temps qu’une sortie d’Ɠuf de pingouin, le gars a fait mieux que l’ensemble de la communautĂ© mondiale Ă©cologique rĂ©unie. Quant au reste des prĂ©occupations de la classe politique, il les gĂšre dĂ©jĂ  avec brio : surconsommation alimentaire, pauvretĂ©, migrations ; le tout sur fond de Wagner. MĂȘme le Pangolin n’a pas mieux fait ! « En moins de temps qu’une sortie d’Ɠuf – j’te dis –, le mec nous a fait un strike : plus de cĂ©rĂ©ales, d’engrais, c’est davantage de famines, d’émeutes de la faim et des mecs qui finiront d’ici peu par se tirer dessus sans avoir eu Ă  s’offrir une scolaritĂ© amĂ©ricaine. Tu vas voir : d’ici peu, mĂȘme l’Ocean Viking, on n’en entendra plus parler faute de croisiĂ©ristes ». Cerise sur le gĂąteau : avec moins d’humains, on tend vers le plein emploi Ă  l’échelle

S ACTUALITÉ –Pink Jaja Charles Nouar
138 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
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mondiale. « J’te l’dis, Tato : Poutine c’est le Einstein du xxie siĂšcle, le mode d’emploi de la bombe en plus. C’est le Free du moment : Il a tout compris ».

ÉGAREMENTS

Tato Ă©tait sans voix. Je le revois encore, interdit, qui me fixait, comme Pouxit aurait pu le faire un soir d’élections aprĂšs avoir soupĂ© un bol d’algues vertes. Un peu comme moi qui dĂ©visage Tato lorsqu’il gobe la derniĂšre sardine grillĂ©e du dĂ©jeuner, sans le moindre soupçon de culpabilitĂ©. Ou, alors, avec un peu de recul, lorsque sa conscience lui joue des tours, tel un archevĂȘque qui comprendrait que mettre la main au panier n’est pas une discipline sportive ; encore moins spirituelle. Ironie de l’actualitĂ©, c’est alors que M gr Jean-Pierre Grallet reconnaissait « s’ĂȘtre Ă©garé » que la SIG Ă©garait son entraĂźneur Lassi Tuovi. De quoi me faire aimer un peu plus encore le foot : au Racing, cette annĂ©e au moins, pas de risque de s’égarer. Les lois de la physique sont formelles : pour s’égarer faut-il encore prĂ©alablement avancer. Et lĂ , aucun risque, au point que s’il fallait attribuer un animal Totem au Racing, je lui choisirais le paresseux : le seul animal dont l’extrĂȘme lenteur rend quasi impossible la dĂ©tection de ses mouvements par ses prĂ©dateurs. Avec 11 points en 15 matchs, je parierais mĂȘme que peu de ses adversaires l’ont vu sortir des vestiaires avant la 90e

« FJANDINN, HVERNIG ER REYKJAVÍK STAFSETT?!»

Non, par « là », j’entends « chez nous », Ă  Stras, capitale de l’Alsace, mais Ă  condition de ne pas se dĂ©velopper plus vite que Mulhouse, Colmar ou SĂ©lestat. Capitale du Grand Est, pour peu que le GrandEst n’existe pas. De l’Europe, pour peu que recouvrir un tram d’un « Happy 70th birthday Parliament » ou d’un « Fjandinn, hvernig er ReykjavĂ­k stafsett?! »* suffise Ă  asseoir son osmose transpartisanne dans la dĂ©fense d’un siĂšge que nul ne semble encore vouloir si ce n’est pour gratter quelques millions Ă  l’État Ă  des fins toutes autres qu’europĂ©ennes. Capitale des Droits de l’Homme qui se rĂ©sume au travail d’une institution, d’une Cour ou de quelques citoyens bĂ©nĂ©voles pour combler l’absence de logements, de nourriture, de cours de langue intensifs, pour des femmes et des enfants dont on ne cesse de vanter la bravoure de leurs frĂšres

et Ă©poux qui protĂšgent, bien malgrĂ© eux, nos frontiĂšres extĂ©rieures. « Appartenance Ă  notre belle famille europĂ©enne », qu’ils disent. Chair Ă  canon pro-europĂ©enne, plutĂŽt, oui ! Si tu vas au Neuhof, ce n’est pas une Ă©quipe d’administratifs, mais Kim, un migrant sud-corĂ©en qui les aide Ă  se nourrir. Au port du Rhin, ce sont des dĂ©placĂ©s temporaires ukrainiens qui le font. Entre Strasbourg et Kharkiv ce ne sont pas des officiels qui financent et qui livrent des ambulances en mode Mario Kart sur une route jonchĂ©e de missiles, mines et autres roquettes, mais des Ă©tudiants Ă©trangers comme Pablo, qui t’envoie des « selfies cƓur » pour te signifier qu’il est encore en vie dans une zone de guerre dont il ne maĂźtrise que cinq mots. Au centre-ville, ce n’est pas la capitale des droits de l’homme qui augmente ses capacitĂ©s enseignantes, mais des gars comme Édouard, un Allemand qui vit Ă  Strasbourg, qui les supplĂ©es pour un forfait de 23 euros annuels versĂ©s Ă  son association. Je veux bien qu’on me parle d’autres nationalitĂ©s, mais pas de privilĂšges autres que la rapiditĂ© d’obtention d’un titre de sĂ©jour pour celles et ceux dont on vante le courage et la rĂ©silience Ă  longueur de rĂ©ceptions officielles. 316,20 euros mensuels pour une mĂšre et sa fille : c’est aujourd’hui tout ce que l’État – pas mĂȘme la ville – offre Ă  des citoyens d’un pays membre du Conseil de l’Europe pour leur Ă©pargner le jeu de la roulette russe. Capitale europĂ©enne des droits de l’homme, mes ailes !

DÉNI DE LUCIDITÉ

Alors, je le regarde, ce grand sapin de NoĂ«l solidaire et je m’interroge. C’est quoi la

prochaine Ă©tape ? Financer sur les fonds publics un rĂ©cital Ă  la con pour leur dire combien on les aime ? Jouer Ă  pierre feuille ciseau avec la prĂ©fĂšte quand ils finiront sous des tentes ? Nous dĂ©sespĂ©rer d’un ou deux degrĂ©s de moins pour faire face Ă  notre facture Ă©nergĂ©tique ? PolĂ©miquer sur ce qu’il est permis ou non de vendre sur le MarchĂ© de NoĂ«l pour ne pas nous Ă©loigner de nos fondamentaux ? DĂ©fendre la munsterflette contre la tartiflette ? Des tartes, oui, j’te dis !

Tu vois, Tato, je l’aime notre ville, tellement. Mais parfois elle me fait honte, notre capitale qui, aprĂšs l’avoir aussi Ă©tĂ© de PĂąques, le sera mondialement du Livre en 2024 – notre grande fiertĂ© du moment ou du moins de quelques-uns, Ă  l’heure oĂč tant de parents prĂ©fĂšrent pourtant planter leurs gosses devant Animal Crossing, Tik ToK et autres Disney+ plutĂŽt que de les emmener dans une bibliothĂšque ou sur un terrain de sport non genrĂ©, comme on dit dĂ©sormais, de peur de froisser quelques radicaux ou radicales de la syntaxe. C’est vraiment ça, notre ville, Tato ? Des mots, juste des maux ? En capitales ? « Un jour, une chanteuse nord-irlandaise a dĂ©clarĂ© que sa ville, Belfast, Ă©tait la plus belle au monde, pour peu qu’on la quitte souvent pour rĂ©ussir encore Ă  l’aimer », m’a alors rĂ©pondu Tato, alors que le ciel gĂ©nois commençait Ă  se couvrir. « Alors profite, profite de l’instant, Jaja. Profite des vagues, de la plage. Et la prochaine fois qu’on passe par le Saint-Bernard plutĂŽt que par le Gothard, de tes amis Ă  plumes. Parce que c’est ça, aussi, Strasbourg : une ville frontiĂšre qui te permet de t’en Ă©loigner quand elle te fait pleurer ». S

* M..., ça s’écrit comment ReykjavĂ­k ?

« Strasbourg : une ville frontiĂšre qui te permet de t’en Ă©loigner quand elle te fait pleurer. »
140 S ACTUALITÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
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L’actu Jak Krok'

Retrouvez chaque semaine sur notre page Facebook le regard sur l’actualitĂ© de l’illustrateur Jak Umbdenstock !

S ACTUALITÉ – DESSIN DE PRESSE
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Le 16 novembre dernier, le Club des Partenaires Or Norme s’est rĂ©uni lors d’une magnifique soirĂ©e chez Aedaen Place, avant de se retrouver pour le vernissage de ST-ART le 24 novembre.

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S B O U T E I L LES PLEINES DE V I E S

Les beaux verres à vin me font un petit quelque chose. Dans la continuité du bien boire, on joue de leur forme pour étaler les attraits du vin.

Les verres tulipe, idĂ©aux pour la dĂ©gustation d’un effervescent, s’entrechoquent Ă  l’occasion d’une fĂȘte, ou cĂ©lĂšbrent les coquillettes au jambon du mardi. À chacun ses petits bonheurs.

Puis la bouteille terminĂ©e s’en va rejoindre la benne Ă  verre. Issue de la tradition des arts du feu, la flĂ»te d’Alsace avec son surplus d’élĂ©gance n’y Ă©chappe pas. Du cĂŽtĂ© de Lutzelbourg, l’atelier S’GlĂ s leur offre une retraite dorĂ©e.

SituĂ© dans une ancienne usine d’agrafes, le PĂŽle Konzett est un lieu oĂč cohabitent diffĂ©rents crĂ©ateurs et entrepreneurs. C’est dans cet Ă©cosystĂšme que le talent de Maya Thomas trouve ses aises depuis aoĂ»t 2021. Parce qu’on vit dans une poubelle qui grandit chaque jour un peu plus, l’envie de faire quelque chose qui a du sens anime la Strasbourgeoise de cƓur.

Maya aime le verre. L’objet certes, mais surtout la matiĂšre, qu’elle recycle avec habiletĂ©. La partie supĂ©rieure des bouteilles est dĂ©coupĂ©e, passĂ©e au four, puis aplatie. Les piĂšces ainsi profilĂ©es s’assemblent et composent des vitraux. La partie infĂ©rieure trouve Ă©cho dans les arts de la table. La matiĂšre s’affiche alors en verres, bocaux, et carafes.

Feuille jaune, marron glacĂ©, chĂȘne
à l’atelier S’GlĂ s, les couleurs sont automnales. Les flĂ»tes au teint chlorophylle – celles qui fricotent avec le kitsch – prennent des airs sobres, minimalistes, et design. VĂ©ritables phĂ©nix du folklore Alsacien.

Un systĂšme de rĂ©cupĂ©ration de bouteilles, mis en place avec une poignĂ©e de professionnels, permet d’obtenir une matiĂšre premiĂšre ayant dĂ©jĂ  quelques gouttes de vĂ©cu. Les flacons sont ensuite coupĂ©s Ă  l’aide d’une scie Ă  eau Ă  lame diamantĂ©e. C’est que la duretĂ© du verre appelle les mĂȘmes outils que ceux des tailleurs de pierre. DiffĂ©rents ponçages permettent, notamment, de sĂ©curiser le toucher de bouche des verres. L’eau accompagne les gestes prĂ©cis et artistiques de l’artisane verriĂšre. Le polissage, la gravure, le nettoyage, puis l’emballage prĂ©cĂšdent la commercialisation.

À l’approche de NoĂ«l, les commandes s’accumulent. Les crĂ©ations dĂ©filent dĂ©jĂ  sur quelques tables strasbourgeoises, dont l’hĂŽtel LĂ©onor et le restaurant La Fignette. En cette fin d’annĂ©e, je ferai une infidĂ©litĂ© Ă  mon amour pour les verres Ă  pied en allant zieuter les rĂ©alisations de l’Atelier S’GlĂ s. Maya, elle, travaille le verre vide, mais apprĂ©cie son verre parĂ© du cĂ©page Auxerrois. E

E SOCIÉTÉ – S’GLÀS Jessica Ouellet Caroline Paulus
D
Maya Thomas, artisane verriùre et fondatrice de l’atelier S’Glàs.
E
146 E SOCIÉTÉ №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
MODÉRATION
Gewurztraminer d’Alsace. Puissant et tellement dĂ©licat.* L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC
* L’unicitĂ© des terroirs alsaciens et le travail des vignerons lui confĂšrent une forte richesse aromatique

SPECTACLES FESTIVAL, LIVRES GALERIES, ETC.

Chaque trimestre, la rĂ©daction de Or Norme a lu, Ă©coutĂ©, visionnĂ© l'essentiel de ce qu'on lui fait parvenir. Cette sĂ©lection fait la part belle Ă  ses coups de cƓur...

1KFESTIVAL À Pîle-Sud,

« L’AnnĂ©e commence avec elles »

Créé par la directrice du Centre chorĂ©graphique JoĂ«lle Smadja afin de « donner de la visibilité » aux spectacles Ă©crits, pensĂ©s et dansĂ©s par les femmes, ce festival dĂ©clinera onze propositions tout au long de janvier. Elle nous en parle.

Quel Ă©tait votre objectif en crĂ©ant ce festival ?

Toucher Ă  la question du « elle », montrer ce qui n’est pas visible. La question du genre n’est pas le sujet en soi, mais j’ai constatĂ© que les sujets traitĂ©s par les femmes n’étaient pas les mĂȘmes que ceux dont s’emparaient les hommes. Je voulais sortir de l’ombre des questionnements plus larges qui correspondent Ă  de nouvelles gĂ©nĂ©rations de public, entamer une rĂ©flexion qui n’existait pas avant et qui correspond Ă  une sociĂ©tĂ© nouvelle oĂč la complexitĂ© inhĂ©rente Ă  la vie trouve enfin sa place.

Quels sont ces sujets ?

Le viol par exemple, traitĂ© tout en dĂ©licatesse dans Rain de Meytal Blanaru ; la femme scandaleuse du XIXe siĂšcle abordĂ©e par la vie de la danseuse d’avantgarde Ida Rubinstein dans Ida don’t cry me love de Lara Barsaq ; la question des origines, le travail sur la figure du monstre et les croyances dans Mascarades, solo sans concession de Betty Tchomanga
 Les onze piĂšces sont puissantes tant dans l’originalitĂ© des propos que dans la maniĂšre de les prĂ©senter.

Des spectacles dont vous ĂȘtes persuadĂ©e qu’ils peuvent parler Ă  tous
 C’est ce qui ne cesse de me surprendre avec la danse. Il suffit d’ĂȘtre accessible Ă  l’émotion pour ĂȘtre spectateur ou spectatrice. Il n’y a pas besoin de « s’y connaĂźtre » pour ressentir. a

Images : Betty Tchomanga, Mascarades

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148 a SÉLECTION №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles
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EXPOSITION 2K

Michel Bedez, artiste autodidacte, Ă©mergent sur le tard, prĂ©sente ses Idoles au MusĂ©e Wurth en lisiĂšre de l’exposition Art Brut. Un dialogue singulier avec la Collection WĂŒrth ». Au cƓur du Val d’Argent, dĂšs le plus jeune Ăąge, Michel Bedez est fascinĂ© par les statues polychromes de la petite Ă©glise, les lĂ©gendes des forĂȘts habitĂ©es, les tarots sur les tables des bistrots.

C’est ainsi que sont nĂ©es ses « Idoles », ses petits dieux qui ont le pouvoir de soigner les maux des hommes et de la sociĂ©tĂ©, un mĂ©lange du saint et du paĂŻen, du cĂ©leste et du tellurique. Au MusĂ©e WĂŒrth, Michel Bedez a créé une chapelle paĂŻenne, un sanctuaire populaire, une caverne ombrageuse pour les installer et retrouver l’émotion du sacrĂ©. Les statues sont prĂ©sentĂ©es sur un monticule de charbon qui rappelle l’histoire des origines du crĂ©ateur. a

Image : Michel Bedez /Loïc Bosshardt

S ur quelques deux mille Ɠuvres encore non attribuĂ©es appartenant Ă  des juifs spoliĂ©s par les nazis, notamment au profit du plus grand voleur jamais rĂ©fĂ©rencĂ©, Hermann Goering, vingt sept sont en Alsace et actuellement exposĂ©es Ă  la Galerie Heitz, sous la dĂ©nomination MNR soit MusĂ©es Nationaux RĂ©cupĂ©ration, ce qui signifie sous la protection de l’État, leurs propriĂ©taires Ă©tant encore inconnus. Elles sont simplement rĂ©pertoriĂ©es, et Ă  la garde des musĂ©es.

DĂšs 1940 en raison de ces vols et des ventes des juifs euxmĂȘmes pour avoir un peu d’argent avant de fuir ou de se cacher, le marchĂ© de l’art explose. Puis quand la spoliation est prouvĂ©e, la plupart des biens sont restituĂ©s, grĂące notamment au travail clandestin de Rose Valland, sorte d’espionne de l’art rĂ©pertoriant ce qu’elle voit disparaĂźtre, puis de Hans Haug, qui a recherchĂ© et restituĂ© ces Ɠuvres. Ce sont de trĂšs belles Ɠuvres d’art, exposĂ©es avec goĂ»t, souvent de poĂštes du Nord, avec quelques nus languides et doux, des paysages fins comme celui de Sisley, quelques meubles, un petit coffre en bois, une boĂźte en cuir. Le plus Ă©mouvant est le petit portrait anonyme, datant du XVIe siĂšcle d’un Enfant tenant une poire, ayant traversĂ© le temps et les saccages, mais ayant gardĂ© son innocence. a

MNR – MusĂ©es Nationaux RĂ©cupĂ©ration
PassĂ©,prĂ©sentavenir desƓuvresrĂ©cupĂ©rĂ©es enAllemagne GalerieHeitz, Palais des Rohan 1placeduChĂąteauStrasbourg Les Idoles MusĂ©eWurthĂ Erstein, du4 janvierau11 fĂ©vrier 2023
Les idoles s’installent au MusĂ©e WĂŒrth
Ă  la Galerie Heitz
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EVE d’Europe, EVE d’Asie

Du rĂȘve Ă  la rĂ©alitĂ©, il ne faut parfois que la force d’une amitiĂ©. Celle qui lie Catherine Bolzinger, cheffe du ChƓur philharmonique de Strasbourg et directrice artistique de Voix de Stras’ Ă  Selvam Thorez directeur du ChƓur amateur de l’Asian UniversitĂ© for Women de Chittagong au Bangladesh a donnĂ© naissance Ă  EVE (Empower Vocal Emancipation), projet au long cours dont la premiĂšre tournĂ©e sera lancĂ©e en fĂ©vrier au Parlement europĂ©en et se terminera en mai Ă  l’ambassade de l’Union europĂ©enne Ă  Dacca.

Musique française et musiques orientales traditionnelles dialogueront dans un élan vocal né de la rencontre entre des chanteuses de 15 pays et 4 continents différents.

PortĂ©e par les valeurs d’égalitĂ©, de solidaritĂ© et d’émancipation fĂ©minine, cette synergie culminera avec une crĂ©ation du compositeur Lionel Ginoux Ă  partir des chants collectĂ©s auprĂšs des chanteuses du chƓur asiatique.

Heureux de cette perspective « de partage musical et d’échange culturel », celui-ci se dit persuadĂ© qu’il est « indispensable d’avoir des temps pour connaĂźtre l’autre et s’enrichir de nos diffĂ©rences ».

On ne saurait rĂȘver plus belle invitation aux concerts qui se tiendront en fĂ©vrier Ă  Strasbourg, Breitenbach et Mulhouse, mais aussi Ă  l’UNESCO Ă  Paris, Ă  GenĂšve et Ă  Kehl avant de se lancer dans une tournĂ©e de printemps au Bangladesh. a

Au pays des merveilles Nathalie Bittinger

AgrĂ©gĂ©e de Lettres modernes et maĂźtre de confĂ©rences en Ă©tudes cinĂ©ma Ă  l’UniversitĂ© de Strasbourg, Nathalie Bittinger a dĂ©jĂ  Ă©ditĂ© plusieurs ouvrages dont Or Norme vous a parlĂ©.

Pour ces fĂȘtes de fin d’annĂ©e 2022, elle nous a mitonnĂ© un amour de beau livre sur tout le cinĂ©ma d’animation japonais qui, dans le sillage du maga dont les ventes explosent littĂ©ralement, a le vent en poupe.

La Strasbourgeoise a rĂ©ussi ce petit prodige de rĂ©unir une vĂ©ritable somme scientifique sur ce cinĂ©ma particulier tout en l’écrivant et l’illustrant comme un ouvrage trĂšs grand public. C’est vraiment le cadeau idĂ©al pour un adepte du genre, mais aussi pour le nĂ©ophyte qui, comme nous, y apprendra beaucoup de choses. Pour couronner le tout, la maquette est sublime et l’objet magnifiquement Ă©dité  a

Aupaysdesmerveilles–TrĂ©sors

del’imaginationjaponaise, NathalieBittinger

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Vous avez adorĂ© ou vous avez Ă©tĂ© intriguĂ© par les mystĂ©rieux Elfes dont nous parlons dans les pages de notre dossier spĂ©cial Islande de ce magazine. Alors, faites comme nous lors de notre voyage lĂ -bas et plongez-vous dans la lecture de ces vingt petites histoires tirĂ©es du folklore islandais. Chacune est accompagnĂ©e d’un commentaire passionnant sur le contexte dans lequel elle s’enracine. Vous finirez par dire (et penser) comme tous nos interlocuteurs de la terre de glace et de feu nous l’on dit : « Bien sĂ»r, les Elfes n’existent pas. Mais bon
 on aime cette idĂ©e qu’ils puisent ĂȘtre rĂ©els  » a

Les lecteurs de Or Norme se souviennent des belles images de StĂ©phane Spach publiĂ©es en portfolio dans notre numĂ©ro 30 de septembre 2018. Difficile de rĂ©sumer ici l’univers de ce photographe inspirĂ©. Dans sa prĂ©face, joliment titrĂ©e « Le Temps et l’Intemporel, dans les choses muettes de StĂ©phane Spach », JĂ©rĂŽme ThĂ©lot Ă©voque « un platonisme photographique ». C’est une superbe mĂ©taphore. Ce livre photo se feuillette avec dĂ©licatesse et envie
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C'est tous les ans le mĂȘme (trĂšs beau) rite. Les marchĂ©s de NoĂ«l s’installent et Simone Morgenthaler est au rendez-vous pour un nouveau livre. Cette annĂ©e, elle ausculte avec talent les mots orduriers du dialecte alsacien qui sont quelquefois de vĂ©ritables « bombes atomiques » d’une poĂ©sie et d’un humour ravageurs.

Tiens, au hasard de ces dĂ©licieuses 200 pages : « d’MĂčckeversschissenitĂ petefrĂ tz », littĂ©ralement : la gueule tapissĂ©e de chiures de mouches ».

Comme tu es vulgaire, Simone ! Comme c’est bon
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Le petit livre du peuple cachĂ© Alda SigmundsdĂłttir StĂ©phane Spach, photographe Nos gros mots Simone Morgenthaler LePetitLivreduPeupleCachĂ© AldaSigmundsdĂłttir, Ed.LittleBooksPublishing (Amazon) 11,07€ Nosgrosmots SimoneMorgenthaler Ed.I.D l’Edition 18 € StĂ©phaneSpach,photographe Ed.L’AtelierContemporain 35 €
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Quelle excellente idĂ©e d’édition ! PlantĂ©e au beau milieu d’un immense couloir migratoire, notre cathĂ©drale sert d’étape et d’abri (de garde-manger, aussi) Ă  de trĂšs nombreuses espĂšces d’oiseaux.

Paulien Bugeaon et CĂ©dric Chambin, tous deux passionnĂ©s de nature ont passĂ© deux ans Ă  explorer et recenser les traces d’oiseaux et du monde sauvage au cƓur de notre ville. Le photographe Alain Mauviel a immortalisĂ© cet incroyable microcosme vivant. Le livre est surprenant et superbe
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C'est un Ă©norme pavĂ© de prĂšs de 1 000 pages superbement Ă©ditĂ© par l’Atelier Contemporain qui rĂ©unit les Ă©crits du prolixe peintreĂ©crivain-polĂ©miste, ordonnancĂ©s et Ă©clairĂ©s par l’éditrice Christine Gouzi. PrĂšs de six dĂ©cennies de textes, notes, Ă©crits en tous genre qui, ainsi rassemblĂ©s et commentĂ©s, laisseront donc dĂ©sormais une trace unique dans l’histoire de l’art
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L'Ă©diteur strasbourgeois FrançoisMarie Deyrolle (L’Atelier Contemporain) rend un formidable hommage Ă  Michel Butel, le journalisteĂ©crivain crĂ©ateur de l’Autre Journal, dont nous sommes nombreux, dans cette profession, Ă  nous rappeler qu’il fut parmi nous un des tout meilleurs. Quelle belle idĂ©e de rééditer, en fac-similĂ©, les 56 numĂ©ros de L’Azur, une autre de ses crĂ©ations. La maquette a certes vieilli, mais bon sang, pas un mot qui ne soit pas frais comme un gardon. ParallĂšlement le mĂȘme Ă©diteur rĂ©unit dans L’autre Livre les cinq magnifiques romans-rĂ©cits que Michel Butel, disparu il y a dĂ©jĂ  quatre ans, publia
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CathĂ©drale sauvage Pauline Bugeon et CĂ©dric Chambin Soliloques d’un peintre Georges Ruault L’Azur L’Autre Livre Michel Butel CathĂ©dralesauvage–Surlestracesdes oiseauxdelacathĂ©draledeStrasbourg PaulineBugeonetCĂ©dricChambin La NuĂ©e Bleue 27 € Les56 numĂ©rosdeL’Azur – Fac-similĂ© Ed.L’AtelierContemporain,28 € L’autreLivre,Compilationdecinqromans,Michel ButelmĂȘmeĂ©diteur,12 € Soliloquesd’unpeintre Coordination : Christine Gouzi. L’AtelierContemporain 30 € LIVRES4K 156 a SÉLECTION №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles

QUI SONT-ILS ?

Pourquoi, en pĂ©riode de difficultĂ©s financiĂšres, s’en prennent-ils avant tout Ă  la culture ?

Et pourquoi avoir visĂ© une institution comme les musĂ©es, en imposant dorĂ©navant deux jours de fermeture hebdomadaire ? Sans doute avec la conviction que cela ne concernait qu’un public restreint et passif – une « élite » ! Qu’une municipalitĂ© ignore le poids symbolique de la culture, est en soi trĂšs alarmant. Mais qu’une telle ignorance s’exprime dans une ville comme Strasbourg – avec un urbanisme exemplaire, une tradition musicale unique en France, un patrimoine architectural et musĂ©al d’un intĂ©rĂȘt artistique exceptionnel, et je pĂšse mes adjectifs – c’est une faute politique.

Et d’abord, savent-ils seulement de quoi la culture est le nom ?

Hannah Arendt a rappelĂ© qu’elle est devenue un bien public dans l’Empire romain. Le mot « culture », et ceci devrait intĂ©resser les Ă©cologistes, vient du latin colere, c’est-Ă -dire cultiver, veiller sur, honorer, prĂ©server ! Le mot tire son origine et son emploi du soin que prenaient les Romains de la nature : ils considĂ©raient devoir Ă  la culture de l’esprit les mĂȘmes soins qu’ils apportaient Ă  la nature.

À partir du siĂšcle des LumiĂšres, la notion de culture dĂ©signe des savoirs, des sensibilitĂ©s, la conscience d’appartenir Ă  une histoire. Enrichir ces savoirs, affiner cette sensibilitĂ©, Ă©clairer cette conscience, c’est se cultiver. C’est aussi contribuer Ă  dĂ©velopper l’esprit critique. C’est l’un des objectifs de l’enseignement, mais aussi des institutions culturelles auxquelles il peut s’adosser – le théùtre, les musĂ©es – ou des outils Ă  sa disposition comme la lecture, le cinĂ©ma, la musique


La mission d’un pouvoir politique, quel qu’il soit, lorsqu’il est en charge des affaires d’une ville, est d’assurer la transmission des biens culturels aux gĂ©nĂ©rations futures en garantissant leur conservation, leur promotion et leur accessibilitĂ©, car ils sont un bien commun. Comment osent-ils en disposer ?

« Verdir » la citĂ© ne doit pas avoir pour contrepartie de considĂ©rer le patrimoine ancien ou contemporain, cette composante essentielle de la culture, comme une variable d’ajustement.

Qui sont-ils ?

Ce sont les nouveaux commissaires du peuple qui savent ce qui est bon pour lui. Et ce qui est bon pour le peuple passe nĂ©cessairement Ă  leurs yeux par une redĂ©finition de la culture, voire une Ă©radication de ce qu’ils pensent ĂȘtre la « haute culture ». Car leur ennemi jurĂ©, c’est l’élite. Une catĂ©gorie gĂ©nĂ©rique d’individus qui auraient le privilĂšge d’accĂ©der Ă  la culture « du haut ». C’est pourtant grĂące Ă  cette « élite » – mĂ©cĂšnes, collectionneurs, interprĂštes, enseignants, Ă©diteurs, etc. – que les Ɠuvres laissĂ©es par les crĂ©ateurs du passĂ© existent encore.

Le terme « participatif » est devenu le maĂźtremot de ces populistes qui se mĂ©prennent sur leur vĂ©ritable responsabilitĂ©. En instaurant le « participatif », pensent-ils combler le vide de leur propre inculture ? Le vide de leur inaptitude Ă  faire le choix de la crĂ©ation, de l’innovation ? Le vide, enfin, de leur incapacitĂ© Ă  avoir une vĂ©ritable conscience historique ? a

Roland Recht, historien de l’art, universitaire et conservateur de musĂ©e, chroniqueur et critique d’art. Directeur des musĂ©es de Strasbourg entre 1986 et 1993.

Or Champ est une tribune libre confiĂ©e Ă  une personnalitĂ© par la rĂ©daction de Or Norme. Comme toute tribune libre, elle n’engage pas la responsabilitĂ© de la rĂ©daction de la revue mais la seule responsabilitĂ© de son signataire.

OR CHAMP Par Roland Recht Nicolas RosĂšs
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160 №47 — DĂ©cembre 2022 — Merveilles Or Norme Strasbourg est une publication Ă©ditĂ©e par Ornormedias 2 rue du maire Kuss | 67000 Strasbourg PublicitĂ© RĂ©gis PiĂ©tronave 23 publicitĂ©@ornorme.fr Direction artistique et mise en page Cercle Studio Directrice Projet Lisa Haller 24 Typographie GT America par Grilli Type Freight Pro par J. Darden Impression ImprimĂ© en CE Directeur de la publication  Patrick Adler 1 patrick@adler.fr Directeur de la rĂ©daction Jean-Luc Fournier 2 jlf@ornorme.fr RĂ©daction Alain Ancian 3 Eleina Angelowski 4 Isabelle Baladine Howald 5 Erika Chelly 6 Marine Dumeny 7 Jean-Luc Fournier 2 Pascal Hambourg Jaja 8 Thierry Jobard 9 VĂ©ronique Leblanc 10 AurĂ©lien Montinari 11 Jessica Ouellet 12 Barbara Romero 13 Benjamin Thomas 14 redaction@ornorme.fr Photographie Franck Disegni 15 Sophie Dupressoir 16 ZoĂ© Forget Alban Hefti 17 Yann Levy Abdesslam Mirdass 18 Vincent Muller 19 Caroline Paulus 20 Nicolas RosĂšs 21 Marc Swierkowski 22 Contact : contact@ornorme.fr Ce numĂ©ro de Or Norme a Ă©tĂ© tirĂ© Ă  15 000 exemplaires DĂ©pĂŽt lĂ©gal : Ă  parution N°ISSN : 2272-9461 Site web : www.ornorme.fr Suivez-nous sur les rĂ©seaux sociaux ! Facebook, Instagram, Twitter & Linkedin 5 1 2 3 4 6 9 7 10 11 8 12 13 14 23 17 20 24 22 15 16 18 19 21 OURS №47 DÉCEMBRE 2022 Couverture  Photographie par Lucas Adler Portraits de l'Ă©quipe Illustrations par Paul Lannes www.paul-lannes.com
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