Sérénités | Or Norme #25

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YVES ZEHR

Le cri de vérité d’un homme en souffrance

Photos :

Or Norme - DR Jean-Luc Fournier

70 ans, l’homme s’est voûté et se déplace aujourd’hui d’un pas beaucoup moins alerte qu’avant. Avant : c’était le temps où il était l’emblématique et incontournable numéro un de Coop Alsace : dans son bureau un rien suranné du siège du Port du Rhin, Yves Zehr travaillait beaucoup mais recevait tout autant. Dans cette aile du bâtiment aujourd’hui désaffecté, les vieilles boiseries cirées, si elles pouvaient parler, auraient bien des secrets croustillants à raconter : politiques, dirigeants sportifs, culturels et associatifs en quête de budgets de sponsoring, publicitaires et artistes, tout ce que Strasbourg et alentours comptaient de gens en recherche de soutiens financiers savait alors trouver le chemin de la Coop.

On lui rappelle brièvement un souvenir qui remonte à six ans, à peu près, quand, en notre présence, venus pour présenter notre magazine alors juste naissant, un coup de fil reçu dans son bureau, justement, avait confirmé la signature d’un pivot américain à la SIG que la Coop soutenait alors fortement. On lui remémore le sourire éclatant qui avait alors barré son visage et la passion qui s’était exprimée dans les mots qui avaient suivi, durant de longues minutes. Dans un soupir, Yves Zehr lâche d’une voix un rien éraillée : « La passion… La seule passion que j’aie jamais eue, c’est celle des gens. Moi, j’aime les gens, j’aime autant le jeune autiste qui est

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L’AMOUR DES GENS

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OR PISTE

Texte :

Il vient de sortir un livre, son « livre-vérité », sur ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Coop Alsace ». Quatre ans après sa condamnation et après avoir été détenu vingt et un mois à la prison de l’Elsau, Yves Zehr, l’ancien président et directeur général de Coop Alsace, a accepté de parler à cœur ouvert pour Or Norme. Confidences d’un homme qui se bat…

employé ici à la plonge (l’entretien se déroule au CIARUS, le superbe hôtel-restaurant associatif du Fossé des Treize dont Yves Zehr a été le président - ndlr) que l’Américain de la SIG qui pesait alors 250 000 $ par an. Ce sont les gens qu’il faut aimer. Souvent, ils vous le rendent et d’autres fois, non, mais ce n’est pas parce qu’on n’a pas de retour qu’il faut cesser de les aimer. Je suis un protestant agnostique (sourire), oui agnostique, du moins aujourd’hui, parce que probablement, au dernier jour, je vais forcément croire formellement en Dieu, comme tout le monde. Mais nous sommes tous Dieu l’un pour l’autre, pour l’amour de l’autre, au sens le plus noble du terme. Dieu est dans tous ceux qui tendent la main pour offrir ou recueillir une aide ou une explication. » LA PERSONNE LA PLUS IMPORTANTE DU MONDE Et Yves Zehr de se lancer dans une profonde réflexion sur l’homme qu’il était avant tous ces remous et celui qu’il est devenu aujourd’hui, après ce long séjour en prison : « Auparavant, avec toutes ces responsabilités qui pesaient sur mes épaules, je réfléchissais déjà sur leur corrélation, le pouvoir. Il peut déboucher sur un vrai enrichissement de l’homme quand on veut faire le bien. Mais le pouvoir est aussi dangereux, il peut rendre narcissique, voire fou. Ce qui m’a sans doute permis d’éviter ce sort, c’est que je n’ai jamais perdu le fil des petites gens.


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