Cultures l Or Norme #42

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L E M AG A ZI N E D’ U N AU T R E R EG A R D S U R ST R AS BO U RG

№ 4 2 S E PT E M B R E 2021 C U LT U RES

b GRAND ENTRETIEN

c D OS SIE R

Q É VÉ NE M E NT

S ACTUAL I TÉ

DELPHINE HORVILLEUR « Je n’écris que si c’est une question de vie ou de mort… » Page 6

RENTRÉE CULTURELLE Porteuse d’espoirs vitaux, sur fond d’angoisse sourde. Page 12

BIBLIOTHÈQUES IDÉALES Les livres prennent le pouvoir du 2 au 12 septembre ! Page 54

ADOPTION ILLÉGALE En quête de reconnaissance. Page 78

Cultures


spectacles musées

ciné *non étudiants

concerts

strasbourg.eu/atoutvoir Dispositif 2021-2022 de l’Eurométropole de Strasbourg

Welcome Byzance

À nous la Culture moins chère !


É DI T O

CULTURES Par Patrick Adler, directeur de publication

« L a culture est l’espace et le temps rendus sensibles au cœur. » JEAN D’ORMESSON La culture vivante, 2008

ertes, la rentrée culturelle 2021, à Strasbourg comme ailleurs, ne ressemble décidément à aucune autre. « Porteuse d’espoirs vitaux sur fond d’angoisse sourde », comme le résume bien Jean-Luc Fournier en ouverture de notre grand dossier qui lui est consacré. Et pourtant il me semble que nous serions tous bien avisés, acteurs comme spectateurs ( je ne me résous pas à utiliser le mot « consommateurs » quand il s’agit de culture), à ne pas tomber dans la morosité ambiante, mais bien au contraire, à conserver cette faculté d’émerveillement, propre à nous ouvrir les portes vers un avenir meilleur.

C

La citation de Jean d’Ormesson en exergue nous indique le chemin : celui du cœur, qui seul nous permet d’explorer de nouvelles dimensions, des créations innovantes, dans l’espace comme dans le temps.

№42 — Septembre 2021 — Cultures

et pourtant je continue d’entendre plus de complaintes que de révoltes salutaires. Il est temps, comme le dit dans nos pages Marie Linden, directrice de l’OPS, de ne plus ressasser « les affres de la crise sanitaire », et d’aller de l’avant ! Ainsi la formidable équipe du TNS, celle de l’OnR, ou encore Daniel Cohen et son Festival Européen du Film Fantastique et son projet pour le cinéma Odyssée, nous montrent la voie, avec l’enthousiasme qui les caractérise. Et que dire de l’incroyable énergie dégagée par la programmation des Bibliothèques Idéales 2021, qui, du 2 au 12 septembre, vont à nouveau offrir aux Strasbourgeois, le meilleur de la littérature et du spectacle, toujours autour des mots.

Delphine Horvilleur, dans le très beau Grand Entretien qu’elle nous a accordé, nous rappelle qu’au sortir de l’enfer des camps de la mort, certains ont choisi d’être des survivants tandis que d’autres n’ont pu faire mieux que d’être des « sous-vivants ».

Serge Gainsbourg, dont plusieurs manifestations que nous évoquons dans ce numéro célèbreront les 30 ans de sa disparition, justifiait la version reggae de sa Marseillaise par : « Ma version est celle d’une musique révolutionnaire, pour un chant révolutionnaire ! ». Baudelaire, qui est également présent dans ces pages, fut le révolutionnaire de la poésie.

Les épreuves que nous traversons, et particulièrement le monde de la culture, sont peu de choses, comparées à ce qu’elle évoque,

Gainsbourg, Baudelaire... deux grands amoureux, deux artistes révolutionnaires, qui nous montrent le chemin. 3


SOMMAIRE S E PTE M B R E 2021

06-11

c Dossier Cultures

12-53

b Grand entretien Delphine Horvilleur

14 Off Avignon 2021 24 La scène, enfin… 28 Anne Mistler 30 Scène culture Strasbourg (↓) 48 Scène culture Eurométropole 52 Festival Film Fantastique de Strasbourg

« Je n’écris que si c’est une question de vie ou de mort… » c Dossier Bibliothèques idéales

54-65

56 Fabienne Thibeault 60 Bibliothèques idéales La sélection Or Norme

S Actualités

78 Adoption En quête de reconnaissance (←) 82 Fanny Fuchs Osons plus 86 Portraits Pilotes 90 Neuro-atypiques Les femmes invisibles 92 Basket Center Game changer 108 Moi Jaja Si Kim Jong-Un savait 112 Le parti-pris de Thierry Jobard 118 Fragments Et pourquoi pas un vaccin pour nous rendre immortels ? 122 Libre opinion 126 Regard Jak Krok’ L’actu

a Culture

66 Exposition Le souffle de la Marseillaise 68 Hommage Gainsbourg for ever (↓) 72 Wouter Van der Veen Vincent, Rembrandt, Vermeer et les autres 76 Anne Dory Histoires de filles 96 Portfolio Jean-Louis Fernandez 104 Poésie Baudelaire 134 Sélections Livres, musique, parcours

E Société

128 Papilles Partitions pour jeune sommelier (→) 132 Club des jeunes ambassadeurs d’Alsace Türkân Bayrak

Q Or Champ

142 Audrey Chapot Anthropologue et auteure

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b GR AND E NTRE TI E N Jean-Luc Fournier

Franck Disegni

Delphine Horvilleur « Je n’écris que si c’est une question de vie ou de mort… »

VIVRE AVEC NOS MORTS Sorti en mars dernier, le dernier livre de Delphine Horvilleur a été plébiscité par les lecteurs, apparaissant en tête des ventes dans une période difficile où les librairies venaient à peine de rouvrir leurs portes au public. Plus d’une fois dans ces pages inspirées, la femme rabbin la plus célèbre de France entrouvre le livre de ses souvenirs, quelquefois très intimes, pour philosopher avec la mort et nous dire l’essentiel de ce qui peut nous permettre de « faire la paix avec nos fantômes… » 6

b G R A N D E N T R E T I E N — Delphine Horvilleur

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Vous avez publié au tout début du printemps dernier Vivre avec nos morts et ce livre a obtenu depuis un formidable succès. À travers onze chapitres, tous passionnants à lire, vous illustrez votre travail de rabbin qui consiste à délivrer des leçons de vie à celles et ceux qui restent, après le décès de proches. Mais ce livre contient aussi une réflexion profonde sur la mort qui s’appuie très souvent sur de véritables confessions de votre part. Il n’est pas abusif de dire que vous êtes même allée très loin pour raconter des parts de votre vie que vous aviez tues jusqu’alors, comme par exemple ce moment où, très jeune – vous aviez dix ans – vous avez prié Dieu pour la toute première fois…

« Oui, je venais d’avaler un petit morceau d’un jouet en plastique et je craignais de mourir (sourire). Mais raconter des moments de ma vie n’était aucunement ma volonté de départ, je pensais en effet écrire de nouveau un essai, comme mes livres précédents. Mais immédiatement, c’est comme si ce livre qui n’existait pas encore me disait déjà qu’il ne me laisserait pas ne pas m’y impliquer davantage. Donc j’ai perçu très vite que le seul moyen pour moi de parler de tout ça était de dévoiler des choses très personnelles dont je n’avais jamais parlé auparavant : mes propres deuils, mes propres brisures, tout ce qui me permettait en fait d’accompagner les tourments des autres. Je l’ai vraiment compris en écrivant ce livre : ce qui me permet de me tenir aux côtés des endeuillés, c’est l’écho que leurs questions font aux miennes. J’ai vraiment la

conviction qu’il est impossible d’accom- de parler de la mort est un euphémisme, pagner les gens cassés si on est soi-même mais non. Il s’agit d’une conscience qu’ont intact, ce n’est pas possible… les sages que lorsqu’on se rend au cimetière, on va dans un lieu où il faut en fait J’imagine que ça n’a pas été simple. De raconter la vie. Parce que la mort ne se dit nombreux écrivains expriment sans pas, parce qu’on ne sait pas en parler, dans détour toute la difficulté qu’il y a à com- ce lieu de mort il faut encenser la vie et le battre cette idée d’impudeur dès qu’on lien qu’on eut les disparus avec les vivants, commence à parler profondément de soi… avec ceux qui restent. J’ai l’impression, dans mon cas, que je n’écris que si c’est une question de vie ou À force de côtoyer les vivants et les de mort. Je veux dire que ce que j’écris, à un accompagner dans ces moments doucertain moment, c’est presque une question loureux, on imagine que vous avez dû de survie émotionnelle, je sens alors que je vous entendre dire très souvent que la n’ai pas le choix. Oui, la question des limites mort ne devait plus vous faire peur… Oui, on m’a souvent dit ça. Ces jours de l’exposition et de la pudeur s’est posée : la mienne d’abord, jusqu’où exposer certains derniers, j’ai déjeuné avec une médecin qui éléments de ma vie, mais aussi cette ques- est spécialiste en soins palliatifs. Elle me tion centrale et critique pour moi : jusqu’où racontait que, parmi toutes celles qu’elle puis-je aller à exposer la vie des autres ? Bien avait accompagnées, les personnes les plus évidemment, j’ai demandé à chaque famille apeurées étaient les religieux, des prêtres citée dans le livre de m’autoriser à racon- et des sœurs qui, contrairement à ce qu’on ter leur histoire. Toutes ces histoires sont pourrait croire, étaient totalement territrès proches de la réalité même si certaines fiés par l’idée de mourir. À mon sens, c’est fois, j’ai dû un peu les maquiller, changer souvent très proportionnel à l’attachequelques détails pour ne pas trop exposer ment qu’on a à la vie. Comme beaucoup ces gens, mais tout a été fait avec leur autori- de gens, j’aime formidablement la vie et sation. Reste que raconter l’histoire des gens donc, l’idée de la mort continue de me terou sa propre histoire n’a rien d’anodin et roriser. Je suis convaincue qu’il est imposqu’il y a forcément des limites à l’exercice… sible d’apprendre à mourir. En revanche, oui, on peut apprendre à vivre. Et apprendre Parmi une foule de choses, on apprend à vivre c’est, selon moi, être capable, en bien que le mot « cimetière », en hébreu, des occasions, de se dire que c’est peut-être c’est « la maison des vivants… » Quel la dernière fois qu’on fait quelque chose et paradoxe ! qu’au fond, ce n’est pas grave. Il m’arrive Oui. Il y a plusieurs façons de nommer très souvent de me forcer à cet exercice et les cimetières en hébreu, mais dans la tradi- de me dire : et si c’était la dernière fois ? Mes tion rabbinique, c’est en effet « la maison de proches, mes amis se moquent régulièrela vie ». On pourrait penser que cette façon ment de moi en me disant que ce n’est pas une bonne méthode, car en permanence, je livre tout, je grille toutes mes cartouches, quoi… Mais c’est parce qu’il y a toujours une petite voix en moi qui me dit : si tu ne le fais pas maintenant, qu’est-ce qui te dit que tu pourras le faire un autre jour ? Dans le Talmud il y a plein de paraboles là-dessus qui disent qu’on doit être capable de faire repentance le dernier jour de sa vie et il y a immédiatement toujours quelqu’un qui rétorque : mais comment sait-on qu’on vit son dernier jour ? Alors, cela implique qu’il faut être complètement et en permanence dans l’instant, être complètement exactement là où on doit être et dire ce que l’on doit dire. Ne pas retenir ses mots. Est-ce que j’ai vraiment dit aux gens que j’aimais que je les aimais ? J’ai le souvenir d’avoir accompagné des gens déjà octogénaires aux obsèques de leurs parents qui étaient donc centenaires. Ils m’ont confié n’avoir jamais dit à leurs parents des choses que très souvent des gens dans la vingtaine d’années ont

« Je suis convaincue qu’il est impossible d’apprendre à mourir. En revanche, oui, on peut apprendre à vivre. » 8

b G R A N D E N T R E T I E N — Delphine Horvilleur

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déjà dites à leurs propres parents. C’est très troublant : parfois, des gens partent en étant passés à côté de conversations essentielles, alors qu’ils ont vécu très longtemps. Pas plus tard qu’hier, j’ai eu une longue conversation téléphonique avec la fille d’une vieille dame de 97 ans qui venait de décéder. Je lui ai posé mille questions auxquelles elle a été incapable de répondre : quelles étaient les passions de votre maman ? Je ne sais pas… Est-ce qu’il y a des amis ou des lieux qui ont compté pour elle ? Pas à ma connaissance… Est-ce qu’elle a été une bonne mère ? Pas particulièrement… Est-ce qu’elle a été présente dans la vie de ses petits-enfants ? Non, pas vraiment… En fait, toute cette conversation était assez terrifiante pour moi, car je ne pouvais pas m’empêcher de penser que 97 ans, c’est quand même une très longue vie quand il ne s’y passe rien ! En fait, c’est de deux choses l’une : soit effectivement il ne s’était pas passé grand-chose dans sa vie, soit sa propre fille n’en savait rien. Et donc, effectivement, dans ces deux cas de figure, c’était terrifiant… Parmi les expériences que vous avez vécues personnellement, vous racontez votre première rencontre avec la mort, la première fois que vous êtes №42 — Septembre 2021 — Cultures

en contact avec un cadavre. Vous êtes alors jeune étudiante en médecine à la fac de Jérusalem et c’est votre première séance de dissection…

Je crois que tous les étudiants en médecine ne peuvent que se souvenir de la première fois où ils ont pénétré dans une salle de dissection. On tente alors par tous les moyens de faire abstraction de l’émotion et de l’affect et au choix, soit on fait des blagues graveleuses et idiotes, soit on fait comme si le corps qu’on a face à soi n’est qu’un conglomérat de nerf, d’os, de muscles… J’ai encore une image dans les yeux, celle du rouge à ongles sur les doigts de cette femme, des doigts parfaitement manucurés. Je me suis dit alors que je touchais du doigt la proximité entre la profondeur et le superficiel, le fait que la mort, bien sûr, nous rend visite à un moment où on est en vie, c’est même la définition exacte de la mort. M’est revenue à cet instant en tête la fameuse lapalissade : cinq minutes avant sa mort, il était encore en vie ! On n’est pas nécessairement en train de méditer sur le sens de son existence quand l’ange de la mort frappe à la porte. Cette dame venait sans doute de se faire manucurer et du coup, ça ne m’autorisait

pas à la regarder autrement que comme un être vivant, avec tout ce qui va avec, la grandeur, mais aussi les petitesses de nos existences, nos profondeurs et nos superficialités. Tout à coup, la mort était là, voilà. De plus, cette expérience, je l’ai vécue à un moment où la mort était omniprésente à Jérusalem, la ville où je vivais : dans les années 90, les attentats étaient permanents, nous nous sentions tous sous le feu des attaques et ça nous rendait fous. Le bus que je prenais pour aller à la fac, le 18, sautait tous les lundis. Le moindre bruit soudain qu’on entendait nous faisait immédiatement penser à un attentat terroriste. C’était un moment de stress terrible pour toute une société… Un autre moment qui a compté pour vous : celui vécu lors des obsèques de Elsa Cayat, la psychiatre victime des tueurs de l’attentat contre les locaux de Charlie hebdo en janvier 2015. Lors de ses obsèques, sa sœur vous a présenté comme un « rabbin laïc » et vous dites que cela a marqué un tournant pour vous dans votre pratique pastorale…

C’était important pour moi de débuter le livre par ce moment-là, car, pour moi,

b GRAND ENTRETI EN — Delphine Horvilleur

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ce moment était celui d’un deuil collectif, celui de toute une nation, qui se croisait avec un deuil personnel d’une famille que j’accompagnais. Nous étions donc tous en deuil, mais pas de la même manière. En fait, c’est le moment où je me tiens face à l’équipe de la rédaction de Charlie Hebdo et de la famille, devant le cercueil d’Elsa, avec la liturgie juive chantée. On aurait pu alors penser qu’on n’avait plus rien à se dire, qu’on pouvait renvoyer dos à dos le monde de ceux qui croient et celui de ceux qui ne croient pas, le monde de ceux qui sont attachés à la tradition et le monde de ceux qui la contestent. Or cette cérémonie venait justement dire l’inverse, elle venait dire qu’on habitait le même monde et qu’on partageait tellement ! En cet instant, l’histoire d’Elsa nous rapprochait. Et quand sa sœur me prend la main et me présente comme un rabbin laïc, je sursaute, car j’ai bien conscience que s’il y a en apparence un oxymore, cette femme vient ainsi de définir exactement comment je conçois ma pratique religieuse au sein d’un pays où on a l’immense bénédiction de bénéficier de l’esprit de la laïcité. Dans le livre, j’ai essayé de partager mon attachement à l’histoire de la France et ma conviction qui est que la laïcité nous permet qu’il y ait plus grand que nous, plus grand que nos croyances et nos convictions. Je le dis d’autant plus fort que j’ai vécu longtemps aux États-Unis, longtemps au Proche-Orient et que je me suis retrouvée bien souvent à devoir expliquer une laïcité que les gens ne comprennent pas. Aujourd’hui, c’est presque impossible d’expliquer au monde anglosaxon ce qu’est la laïcité. Et pourtant j’essaie toujours d’expliquer à quel point cette spécificité française est une chance immense, y compris pour les croyants… En fait, en vous écoutant parler avec ferveur de la laïcité « à la française », on peut se demander si ce discours est typique de la tendance juive libérale que vous représentez, qui se « confronte », pardon avec ce verbe qui est peut-être mal choisi, avec la tendance orthodoxe ou traditionnelle du judaïsme…

Je ne sais pas. Disons que ce discours est peut-être plus facile à tenir quand on évolue au sein des mouvances progressistes des religions parce que ces mouvances progressistes ont dans leur ADN, par définition, une vision ouverte de leurs traditions. C’est-à-dire que nos traditions sont poreuses aux univers qu’elles ont traversés, aux influences qu’elles ont connues. Et c’est vrai pour le judaïsme comme pour toutes les autres religions. Quand on appartient à la mouvance plus progressiste de ces 10

« (…) nos traditions sont poreuses aux univers qu’elles ont traversés, aux influences qu’elles ont connues. » traditions, on est beaucoup plus conscient de ce que l’on doit à l’influence de la société qui nous entoure. Mais, pour répondre encore plus précisément à votre question, je crois que des rabbins orthodoxes au sein du judaïsme pourraient vivre la laïcité exactement comme je la vis. À l’exemple du grand rabbin de France, Haïm Korsia, qui est un défenseur acharné de la République et de la laïcité et qui, avec ses mots à lui, parle aussi de la cette laïcité comme une véritable bénédiction pour la société française. Il y a une véritable histoire d’amour, faite de lumière et de ténèbres entre les juifs et la France. La France est le pays qui a donné aux juifs leur émancipation, c’est certes le pays de Vichy et de la collaboration, mais c’est aussi le pays de Léon Blum. Dans ma famille, il y a toujours eu un attachement viscéral et passionnel à l’histoire de France et une reconnaissance très forte à l’égard de tout ce que ce pays nous a offert. En fait, la vraie différence entre les rabbins orthodoxes et ceux de la sensibilité libérale ou progressiste que je représente est que les libéraux croient que la loi évolue dans le temps et que nos lois religieuses prennent toujours en compte un contexte et évoluent presque comme des strates géologiques. La place des femmes est un parfait exemple : n’étant plus aujourd’hui ce qu’elle a pu être depuis toujours, il est normal que la place des femmes évolue aussi au sein de nos lois religieuses. Un orthodoxe, lui, dira : la loi est la loi, elle a toujours été celle-là, qui sommes-nous pour la changer ? Moi, je pense que nos traditions ont toujours su évoluer et que ce n’est pas vrai de dire que rien n’a changé…

b G R A N D E N T R E T I E N — Delphine Horvilleur

À un moment du livre, quand vous parlez de ces obsèques où vous officiez, vous dites que le rabbin doit être « une verticalité qui a alors disparu pour les familles et les amis ». Cependant, vous racontez aussi que cette verticalité vous a abandonnée quand vous avez assisté aux obsèques d’une amie qui vous était très chère…

Ce jour-là, je ne cessais de me dire que je n’aurais pas dû être là. Mais immédiatement, je pensais que je n’avais pas le choix et que je devais vraiment être là. Il y avait en moi ces deux voix et c’était terrible. Je n’aurais jamais pu dire non à mon amie qui m’avait demandé de me tenir à ses côtés et d’être son rabbin à ce moment-là, mais en même temps, au fond de moi, je savais que je ne pouvais pas être cette voix qu’elle attendait, car j’étais bien trop abattue pour ça. Jusqu’à aujourd’hui, je ne suis pas parvenue à résoudre ce dilemme, car ça m’est arrivé à d’autres reprises d’accompagner des gens que j’avais très bien connus. C’est extrêmement difficile, car je sais que je ne dois pas m’effondrer, au nom de la tradition, mais aussi parce que je le dois aux très proches, au tout premier cercle. Il faut que je puisse me tenir debout, car justement, eux sont effondrés. Ma voix est alors celle de la tradition, il faut qu’elle se tienne droite. Mais ma voix personnelle est brisée. Je crains, à l’avenir, d’avoir encore à vivre ce genre de situation, c’est une appréhension terrible… Si cette appréhension est si puissante, pourriez-vous être amenée un jour à refuser de vous retrouver en pareille situation ? №42 — Septembre 2021 — Cultures


Oui, je me suis souvent dit que je pourrais et même que je devrais refuser. Ça ne veut pas dire que je ne pourrais pas être présente pour dire quelques mots. Mais peut-être ne pas incarner la tradition à ce moment-là, qu’il y ait un autre rabbin pour le faire. D’ailleurs, je pense que ce ne serait pas un mal pour la famille et les proches du défunt : souvent, pour pouvoir pleurer, on a besoin de quelqu’un qui ne soit pas aussi touché que nous… Parmi toutes les choses intimes que vous confiez dans votre livre, il y a cet épisode important de votre histoire personnelle qui, soudain, rencontre l’Histoire, la grande avec un H majuscule. Nous sommes le 4 novembre 1995 et vous êtes, avec votre amoureux de l’époque, sur la place des rois d’Israël à Tel-Aviv pour participer à une manifestation pour la paix en soutien aux accords d’Oslo. Vous allez quitter cette manifestation avant le discours final d’Yitzhak Rabin, le Premier ministre. Et c’est en pleine nuit, alors que votre voiture approche de Jérusalem, que la radio va vous apprendre à tous deux l’attentat puis la mort de Rabin, assassiné par un fanatique israélien. Vous racontez alors en détail tout ce que vous avez ressenti et ce sont vos confidences les plus fortes du livre. On sent bien que vous deviez impérativement raconter cet épisode de votre vie…

étroitement avec la mort de Yitzhak Rabin et même avec la fin des espoirs de paix puisqu’il a été immédiatement évident qu’avec la disparition du Premier ministre, ce sont les accords de paix qui s’évanouissaient…

Ce sont trois morts qui s’entremêlaient pour moi, à ce moment-là, dans cette voiture. Il y avait la mort d’un homme, Rabin, il y avait la mort d’un amour et ces deux morts-là venaient de tuer mon rêve sioniste. En fait, je savais déjà que quelque chose de cet idéal qui m’avait amené en Israël venait d’être détruit. Yitzhak Rabin incarnait mon idéal sioniste, mais mon petit ami de l’époque l’incarnait lui-même peut-être encore plus parce que nous avions dix-sept ou dix-huit ans quand nous nous sommes rencontrés, parce qu’il était un kibboutznik, un soldat… Pour beaucoup de gens à l’époque, nous étions tous deux comme une véritable carte postale : j’étais étudiante en médecine et lui un soldat. Nous étions un poster, un cliché… Et tout à coup, cette nuit-là, le cliché était explosé par une bombe et, avec lui, mon idéal un peu naïf, mon rapport avec Israël. Tout ça venait d’être soufflé en un instant… Pour finir sur une dernière anecdote moins dramatique et même carrément drôle, parlez-nous de cet instant complètement surréaliste que vous avez vécu dans la Cour d’Honneur des Invalides, le jour de l’hommage national à Simone Veil. À ce moment, vous êtes assise aux côtés de la formidable Marceline Loridan-Ivens qui nous a quittés il y aura bientôt trois ans à l’âge de 90 ans…

Beaucoup de gens n’ont pas pensé comme vous. Ils m’ont dit : mais pourquoi as-tu parlé de cet épisode, ce n’est pas toi qui a enterré Yitzhak Rabin… En fait, le Récemment, j’ai vu des photos de plus j’avançais dans l’écriture du livre, le plus je savais que j’allais devoir parler de cette journée, je ne savais même pas que ce qui s’est passé pour moi cette nuit-là. nous avions toutes deux été capturées par Je ne pouvais pas écrire sur le deuil sans l’objectif d’un photographe d’une agence parler d’autres formes de deuil, notamment le deuil amoureux que je vivais déjà avec ce garçon au moment de cette soirée si spéciale. C’est drôle : je suis restée amie avec lui qui, à l’époque, était soldat. Il a aujourd’hui emménagé à Paris et comme pour tous ceux dont je parle dans le livre, je lui ai envoyé le chapitre avant publication. Lui se souvenait partiellement des mêmes choses, mais pas tout à fait. Il m’a notamment rappelé l’enchaînement des nouvelles tombant à la radio : le Premier ministre a été touché par des tirs. Le Premier ministre est blessé. Le Premier ministre est gravement blessé. Puis, au final, le Premier ministre est mort…

de presse. On nous voit nous murmurer quelque chose à l’oreille. Et ce quelque chose est étonnant. En plein discours du président de la République, Marceline se penche en effet vers moi et avec son culot légendaire elle me demande : « Dis-moi, si j’allume un pétard, est-ce que d’après toi c’est un problème ? » Dans ma tête, je me suis dit : non, pour toi Marceline, ce n’est pas un problème. Elle était tellement, tellement plus jeune que nous tous qu’on pouvait tout lui passer. Et puis, les gens qui sont revenus de l’enfer ont eu le choix d’être des sous-vivants, comme ce fut le cas dans ma famille, mes grands-parents n’ont pas été totalement en vie après ce qu’ils avaient vécu ou bien alors d’être des survivants. Ce fut le choix de Marceline, il y avait quelque chose en elle de plus en vie que chez les vivants. Elle disait merde à la mort en toutes circonstances et jusqu’au terme de sa vie, elle a fait des choix de survivants. Je l’ai toujours vue entourée de gens bien plus jeunes qu’elle et même souvent très jeunes : elle n’incarnait absolument pas la traditionnelle figure tutélaire attendue : elle qui n’avait jamais pu avoir d’enfant, elle ne se percevait absolument pas comme la mère de qui que ce soit, mais plutôt comme une grande sœur de qui l’on attend des conseils. Et très souvent, ces conseils allaient vers des femmes à qui elle expliquait ce qu’est vraiment une vie libre. Aujourd’hui encore, j’en rencontre beaucoup de ces femmes qui disent n’avoir jamais oublié que Marceline les avait invitées à chérir leur liberté… » b ur sera Horville s Idéales Delphine ux Bibliothèque chain. a pro présente e 5 septembre rg.eu strasbou ch le diman thèques-idéales. lio www.bib

Mais vous-même, dans cette voiture, au cœur de cette nuit dramatique, aviezvous déjà conscience que la fin de cet amour avec ce jeune homme se mêlait №42 — Septembre 2021 — Cultures

b GRAND ENTRETI EN — Delphine Horvilleur

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c D O S S I E R – CULTURES Jean-Luc Fournier

Illustration par Samuel Bas

?   s e e r r t î u t a l u n C Re ès l’origine, chaque numéro de sep- n’était sans doute pas celui apparu au début tembre de Or Norme a toujours été du printemps 2020… consacré en très grande partie à la rentrée culturelle. Cette thématique-là était dans toutes les bouches, lors du moindre événement Comment pourrait-il en être autrement culturel ayant pu être organisé depuis les dans une ville qui a toujours consacré plus mois derniers jusqu’aux grandes manifestade 25% de son budget à la culture, comment tions culturelles du pays, comme le festival pourrait-il en être autrement quand on sait d’Avignon où nous avons retrouvé des comà quel point la culture, ici, est en perpétuel pagnies alsaciennes motivées et entreprefoisonnement dans des lieux où alternent nantes, mais souvent gagnées elles-mêmes avec bonheur grandes institutions et com- par cette sourde angoisse d’un avenir qu’on pagnies indépendantes, artistes confirmés pressent anxiogène et compliqué. et en devenir autour de propositions culturelles et artistiques d’une rare diversité ? Nous avons donc, comme chaque rentrée de septembre, tenté de faire le tour de ce foiCependant, cette rentrée culturelle 2021-22 sonnement, de ces espoirs, de ces angoisses n’est pas anodine. Elle est porteuse d’es- et de tout ce talent. poirs vitaux, mais elle se déroule sur fond d’une angoisse sourde et implacable car, Comme chaque année, nous essayons de pour tant et tant, il sera question de survie, présenter dans ces pages le meilleur de dans les prochains temps… Strasbourg et de sa région, proche ou plus lointaine. Depuis dix-huit mois, le monde de la culture a compris qu’il n’était pas essentiel. Il a À toutes celles et ceux qui œuvrent dans appris à lire et décoder les déclarations des l’art et la culture, nous disons que Or Norme, uns et des autres. Il sait que si d’entrée, on a plus que jamais, est là pour faire savoir tout eu la très belle idée d’utiliser tout le poten- ce qui fait la richesse de ces secteurs qui se tiel du statut de l’intermittence pour éviter savent aujourd’hui en danger. Que ce soit le pire aux artistes, techniciens et tout le par le biais du magazine trimestriel papier personnel qui « fabriquent » la culture au ou par celui de nos pages très suivies sur quotidien, on a largement méprisé par ail- les réseaux sociaux, nous serons à vos côtés leurs le développement des rencontres sur dans cette lutte qui s’engage, pour relayer vos les lieux du spectacle vivant qui sont le suc événements, vos initiatives, vos espoirs, vos de tout ce que nous aimons dans la culture coups de gueule et votre foi permanente… et l’art. Intuitivement, la plupart des acteurs culturels ont compris qu’il allait falloir se Parce que vous êtes plus qu’essentiels. Vous battre et que le virus le plus dangereux êtes indispensables… c

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c D OS SI E R — Culture



c D O S SI E R – CULTURES Jean-Luc Fournier

Or Norme – Virginie Schell – DR

L’Alsace en Avignon Off Avignon 2021 : comme si de rien n’était… 14

c D OS SI E R — Rentrée culturelle

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La miraculeuse éclaircie de la pandémie en juillet dernier aura permis à l’édition 2021 du festival Off d’Avignon de se tenir tant bien que mal. Pour beaucoup parmi les compagnies, les comédiens, les professionnels et les amateurs de théâtre, il aurait été inconcevable de ne pas se retrouver une deuxième année de suite dans la Mecque vauclusienne. Mais, l’air de rien, il en aura fallu de l’audace et même du courage pour tenir son rang coûte que coûte… uinze compagnies indépendantes (dont six d’origine alsacienne) ont été retenues par la région Grand Est pour cette 75e édition (56e pour le Off ) du plus grand festival de théâtre du monde. Pour l’essentiel, leurs spectacles ont été programmés à la mythique « Caserne » de la rue de la Carreterie, un des centres névralgiques du festival entièrement réquisitionné pour le nec plus ultra du théâtre de l’Est de la France. Avec, à noter au passage, une très belle diversité artistique… Pour y avoir séjourné trois jours durant, ce Off Avignon 2021 aura permis de constater l’enthousiasme intact des compagnies de théâtre de toute la France. Oh ! Bien sûr, les inquiétudes ne manquent pas après ces longs seize mois de black out. Comme le disent si bien Grégory Ott, Léopoldine HH et Matskat (lire page 24), le coup du « non essentiel » n’est pas près d’être digéré par celles et ceux qui vivent une véritable passion sur les planches et qui, pour la plupart, devinent trop bien ce qui se prépare dans les cornues des gestionnaires excelisés de la rue de Valois ou de Bercy. Nous avons parlé pendant des heures sur les terrasses ensoleillées d’Avignon. De l’avis unanime, le virus aura éclairé d’un jour cru la fragilité de ce monde de la culture qui a compris que sa générosité et son essence passionnée ne sauraient suffire pour surmonter les épreuves, à peine passées, et celles restant encore à venir. Sous la chaleur de l’été provençal, beaucoup parlaient de lourds combats à mener dans les temps prochains, pour encore et toujours défendre le statut de l’intermittence (heureuse exception française qui aura prouvé sa pertinence et ses vertus durant la crise sanitaire), mais aussi la place même de la culture dans notre pays. L’énorme majorité des comédiens, metteurs en scène et professionnels rencontrés salue les aides que les collectivités locales et régionales se sont ingéniées à apporter aux structures indépendantes (lire à ce sujet

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l’interview de Anne Mistler en charge de la culture à la Ville de Strasbourg, page 28). Et souligne, en contrepoint, l’indigence du discours et des actes venus de Paris. Combien de fois avons-nous entendu brocarder l’expression présidentielle « enfourcher le tigre » (6 mai 2020) ou la posture « impuissante et démunie » d’une ministre au verbe vain… Tous savent que l’enthousiasme qui s’est si formidablement manifesté durant ce Off avignonnais sera indispensable dans les mois et même les années à venir. Tous utilisaient l’expression : « on n’a pas le choix, il va falloir se battre ». Et tous aussi disaient « compter sur le public » pour que l’exception culturelle française perdure et se développe. Oui, il y avait une belle fureur de jouer en juillet dernier à Avignon. Après l’annulation de l’édition 2020, les rues et places de la cité papale avaient de nouveau retrouvé leur animation pétillante estivale. Le laid, le triste et le quelconque se retrouvaient effacés par ces semaines exubérantes et débridées, véritable marque de fabrique d’un événement sans nul autre pareil. Pour autant, l’ensemble des artisans du spectacle vivant mesuraient bien les enjeux qui se dressaient devant eux. « La grande peur de tout le monde, c’est que les aides se cloisonnent, qu’elles se concentrent sur les gros tuyaux des grandes institutions et qu’elles oublient les petites structures. En Alsace, il nous a fallu monter sévèrement au créneau pour que la Drac pense aux compagnies indépendantes régionales au moment de redistribuer les aides financières accordées par l’État… » Ce « constat » est celui de Eric Domenicone, le metteur en scène et coauteur de Je Hurle (lire page 16), un des spectacles les plus poignants présentés à Avignon, soutenu par la Région Grand Est et la Ville de Strasbourg… Ces mots, nous n’avons cessé de les entendre dans la bouche d’un panel d’interlocuteurs de toute la France du théâtre et de la culture… c c D OS SI ER — Rentrée culturelle

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La Soupe Compagnie (Strasbourg)

Je Hurle : le cri tragique des poétesses afghanes Dans un train, en lisant un numéro de l’hebdomadaire Courrier International, Eric Domenicone, le metteur en scène de cette pièce, « découvre » le destin de Zarmina, une jeune poétesse afghane de 15 ans qui a mis fin à ses jours parce qu’on lui avait interdit d’écrire. ’était en 2012. « Il aura fallu deux ans pour que le travail sur cette pièce débute », confie-t-il. « Deux ans de lecture, de documentation pour tenter de comprendre ce que pouvait être l’univers intime de cette jeune adolescente à qui il ne restait vraiment plus rien, quand on lui a retiré le droit d’écriture, la dernière part de liberté qui subsistait… » À ses côtés, Yseult Welschinger, qui partage la direction artistique de La Soupe Compagnie avec Eric Domenicone, souligne « l’engagement total » qui a permis de faire aboutir ce projet, notamment la rencontre déterminante, deux ans plus tard, avec Najiba Sharif, l’ex-ministre et députée afghane à l’époque du président Karzaï, qui vit aujourd’hui en exil dans le Haut-Rhin.

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Autre rencontre importante qui a pu nourrir l’écriture, celle avec Atiq Rahimi, prix Goncourt 2008 avec Syngué Sabour. Créée en décembre 2018, Je Hurle a été représentée plusieurs fois en 2019 avant « ne passe pas inaperçue ». À la mi-festi­ de voir sa diffusion stoppée net par le val, les journalistes de France Inter et France Culture étaient passés ainsi que confinement de mars 2020. « nombre de journalistes blogueurs ou écrivant sur des sites internet spécialisés ». Le combat « Les retours des professionnels sont eux pour survivre… aussi excellents » ajoute Eric Domenicone. « La pièce joue sa survie à Avignon » avoue sans ambages Eric Domenicone « car nous Les deux chevilles ouvrières de La Soupe devions déjà la présenter l’an passé, lors Compagnie soulignent l’impact considérable et très déstabilisant de la crise sanide l’édition 2020, annulée. » « Heureusement, Je Hurle bénéficie taire sur leur activité. Mais aucun de leurs déjà de quelques dates programmées lors projets n’aura été abandonné au cœur des prochains mois grâce à son exposi- de ce maelström de reports, de changetion au festival de Charleville, juste avant ments de dates et d’adaptation infinie le premier confinement… » confie Yseult des plannings de tous les intervenants, Welschinger qui confirme que la pièce comédiens, techniciens… Dans le cas 16

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particulier de Je Hurle, le souci obsédant de tenir les engagements moraux avec les poétesses afghanes restées dans leur pays aura au final été une source impérieuse de motivation. Un temps, la tentation de tout stopper s’est fait jour, mais très vite, la volonté de tout faire pour jouer a été la plus forte. Pour autant, les deux complices craignent ouvertement l’avenir à moyen terme concernant les structures indépendantes : « il va falloir se battre bec et ongles pour proposer nos productions sur tous les terrains, y compris celui de la proximité avec les établissements scolaires. C’est notre défi pour les mois à venir… » conclut Yseult Welschinger. c

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Le Passé CRÉATION AU TNS

Léonid Andréïev | Julien Gosselin * 10 | 18 sept

Rothko, untitled #2

Claire ingrid Cottanceau, Olivier Mellano 18 | 20 sept

Nous entrerons dans la carrière CRÉATION AU TNS

Blandine Savetier * 29 sept | 9 oct

Hilda

CRÉATION AU TNS

Marie NDiaye * | Élisabeth Chailloux 7 | 17 oct

Condor

Frédéric Vossier | Anne Théron * 13 | 23 oct

Ce qu’il faut dire CRÉATION AU TNS

Léonora Miano | Stanislas Nordey 6 | 20 nov

Deux Amis Pascal Rambert * 24 nov | 4 déc

Chère Chambre CRÉATION AU TNS

Pauline Haudepin * 25 nov | 5 déc

Quai ouest

Bernard-Marie Koltès | Ludovic Lagarde 8 | 16 déc

Cœur instamment dénudé CRÉATION AU TNS

Lazare * 11 | 22 janv

Sept 21 | Janv 22 Ouverture de la billetterie | Mer 18 août La suite de la programmation sera annoncée en novembre 21.

TNS Théâtre National de Strasbourg 03 88 24 88 24 | tns.fr | #tns2122

BIFACE

Bruno Meyssat 26 janv | 3 fév

Le Dragon

Evgueni Schwartz | Thomas Jolly * 31 janv | 8 fév * Artistes associé·e·s au TNS

Dominique Reymond, actrice associée au TNS © Jean-Louis Fernandez


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La culture est un incroyable et merveilleux engagement Un peu plus d’un mois après avoir rencontré Yseult Welschinger et Eric Domenicone, les événements en Afghanistan sont malheureusement venus conforter leur démarche. Nous avons retardé de 36 heures notre bouclage pour attendre l’issue heureuse de leur superbe engagement en faveur des femmes poétesses de Kaboul…

« La volonté de tout faire pour jouer a été la plus forte. » De gauche à droite : Eric Domenicone – Jérôme Fohrer Yseult Welschinger – Faustine Lancel

Notre avis : Je Hurle est un véritable cri poétique. On est comme au cœur d’une enquête sur le destin tragique de Zarmina. Poèmes, témoignages, articles de presse, vidéos se succèdent pour faire entendre l’insoumission des poétesses afghanes. Le tout se matérialise en permanence par des lés de papier de paper-board froissés, déchirés, torturés par les comédiennes, le tout ponctué par la musique lancinante de Jérôme Fohrer, auteur de l’excellente « bande sonore » qu’il interprète formidablement en live sur scène.

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Mme K.

« En mai 2019, avec l’aide de l’Institut Français d’Afghanistan, de la Ville de Strasbourg et de la Région Grand Est, nous avions invité deux poétesses dans le cadre d’une rencontre culturelle autour de la série de représentations de Je Hurle au TAPS…. » raconte Yseult Welschinger. « Mme K. (le nom de famille ne peut être révélé, pour d’évidentes raisons de sécurité – ndlr), une de ces deux femmes, s’est vite retrouvée en danger à son retour à Kaboul. Un membre de sa famille a même été assassiné par les talibans le 6 mai dernier dans la province de Takhar, car il avait refusé de communiquer son adresse dans la capitale afghane. Depuis le mois de mai, nous accompagnons les demandes de visas de cette femme et de sa famille. Après que le président Jean Rottner ait appuyé cette demande auprès de l’ambassadeur français à Kaboul, Mme K., son mari et trois de ses fils ont obtenu in extremis les visas pour la France il y a quelques jours, mais ils ont été bloqués à l’aéroport par l’invasion de la capitale par les talibans. Ils ont néanmoins réussi à entrer dans l’ambassade de France, rejoints in extremis par d’autres enfants adultes de Mme K. avec leurs jeunes enfants afin de pouvoir être exfiltrés ensemble… » Le suspense a été très long le jeudi 19 août dernier. Nous avons retardé notre bouclage dans l’espoir de pouvoir inclure un heureux dénouement dans notre magazine. Le lendemain, très tôt le matin, Yseult Welschinger nous envoyait ce message par WhatsApp : « Nous venons de quitter Strasbourg en voiture. La première partie de la famille est déjà à l’hôtel. La seconde partie arrive à 14h, dans un deuxième vol. Najiba Sharif (l’ex-ministre et députée afghane en exil près de Mulhouse, que nous évoquons dans la page précédente – ndlr) est déjà dans le TGV avec ses deux fils pour les accueillir à Roissy… ». Le message était accompagné de cette photo que nous publions. On y voit Mme K., femme-poétesse afghane, dans l’avion militaire français la conduisant elle et sa famille à Abu Dhabi, avant de prendre le vol pour la France. Bienvenue à tous en France, à Strasbourg. Que notre accueil vous soit doux, bienveillant et réparateur… c №42 — Septembre 2021 — Cultures



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Compagnie Kalisto (Mulhouse)

La Ligne Solaire : un couple piégé par les mirages d’une vie connectée Il est 5h du matin et Barbara et Werner n’ont pas réussi à trouver le sommeil, au sein de leur appartement « Ikéa » hyperconnecté : le couple a même signé pour des rendez-vous réguliers en live sur le net pour vanter les équipements de leur foyer – seuls brefs moments où ils parviennent à sauver la face d’une relation qui n’est plus en réalité qu’un champ de bataille impitoyable, après sept ans d’une vie commune devenue bien artificielle…

n homme a manifestement porté ce projet « à bout de bras » : le metteur en scène et directeur artistique de la compagnie mulhousienne Kalisto, Illia Delaigle, 42 ans, lui-même natif de la cité du Bollwerk. Il raconte comment s’est créée la compagnie, en 2010. « On a très vite eu la chance de bénéficier de la confiance du centre dramatique de Colmar avec la création de Parasites de Marius von Mayenburg et celle de la Scène nationale de Mulhouse avec la coproduction de Love and money. On est évidemment très influencés par la spécificité de cette ville de Mulhouse qui abrite notre compagnie et on regarde tout naturellement autour de nous pour répondre à des problématiques de proximité : comment fait-on pour permettre à de nouveaux publics de venir au théâtre, surtout quand on œuvre au sein de populations aussi diversifiées qu’à Mulhouse ? Dans notre ville, on a à la fois un des quartiers les plus riches de France, le Reeberg, mais qui se situe dans une des villes les plus pauvres de France, si on considère le revenu moyen par habitant. Depuis 2008, je réfléchis beaucoup à la place du spectateur. Liberté de temps, liberté de choix, liberté d’accès, liberté de point de vue… : je choisis ce que je veux voir, je choisis ce que je peux investir, je choisis combien de temps j’y reste. La création de La Ligne Solaire s’inscrit entièrement dans cette dynamique. On a d’abord proposé une première version de ce texte, destinée à être jouée dans les derniers Illia Delaigle, étages de la Tour de l’Europe (le “grattemetteur en scène ciel” incontournable qui s’élève au cœur de la cité mulhousienne — ndlr). Une version immersive avec une très forte implication du spectateur, une expérience inouïe qui se déroulait sur trois heures. La création de ce festival d’Avignon est née de là,

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comme une adaptation dans la continuité de notre démarche de recherche qui s’inscrit elle aussi dans le particularisme qui se dégage de Mulhouse, une ville qui est en difficulté et qui développe une énergie tout à fait singulière en matière de création… » Illia Delaigle reste serein devant les difficultés rencontrées par le spectacle vivant lors de l’actuelle pandémie. « Mais, comparés à celles d’autres secteurs, il ne faut pas exagérer les problèmes que nous avons rencontrés. Nous avons eu à gérer cette succession d’avortements successifs, ces projets presque aboutis et qui n’ont jamais vu le jour. On ne va quand même pas se plaindre outre mesure sur notre sort. En revanche, le danger, pour moi, réside plus dans le bouleversement des habitudes culturelles du public, induites par ces longs mois de crise sanitaire : je pense à ces soirées Netflix à la maison. Pour le théâtre qui avait déjà tendance à se muséifier – on le voit bien ici à Avignon – c’est devenu compliqué de capter №42 — Septembre 2021 — Cultures

les jeunes. Or le théâtre ne peut se régénérer que dans sa dimension citoyenne… » Le metteur en scène mulhousien reste lucide sur les retombées potentielles de sa participation à Avignon 2021 : « On savait que ce serait compliqué. Les programmateurs sont surchargés par les reports des représentations conclues depuis plus d’un an. Notre investissement financier n’aura donc pas d’impact sur des retours réels en termes de programmations concrètes. On l’a fait parce qu’on n’allait quand même pas cracher dans la soupe d’une sélection venue de la Région Grand Est. Mais la qualité du travail de Kalisto a ainsi été fortement reconnue… Bien sûr, on ne pourra pas revenir chaque année le temps que la pièce trouve son public, mais voilà : notre métier c’est de jouer. On est heureux d’être là. On est fier de faire le job… et on espère pouvoir un jour être coproduit : La Filature, la DRAC,… peut-être aurons-nous attiré leur attention, qui sait ? » c

Emma Barcaroli et Mathieu Saccucci, superbes acteurs de La Ligne Solaire Notre avis : La Ligne Solaire est typiquement le genre de production pour laquelle un festival d’Avignon « normal » pourrait servir d’importante caisse de résonance. Car tout y est audace et invention. Tout d’abord, le texte de l’auteur russe Ivan Piripaev, parfait support pour cette étude de mœurs moderne. La mise en scène et les décors sont à la hauteur : on y entre avec une confrontation frontale, dans la partie visible de l’appartement, et via la vidéo connectée pour deux autres pièces quasi invisibles. Une mise en scène au cordeau… Enfin, le très beau talent des deux comédiens, Emma Barcaroli et Mathieu Saccuci, littéralement possédés par leurs deux rôles exigeants. On voit rarement une telle débauche de prises de risques, même au Off d’Avignon et cet OVNI est une vraie réussite. c D OS SI ER — Rentrée culturelle

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Compagnie L’Ateuchus (Strasbourg)

Buffalo boy : l’effet « waooh » du théâtre contemporain de marionnettes « C’est sûr qu’on n’est pas de la première génération des amateurs de western, celle des baby-boomers, mais nous aussi nous avons été biberonné aux cow-boys et aux Indiens » proclame avec enthousiasme Gabriel Harand-Priquet. « Rien que la Dernière Séance d’Eddy Mitchell avec la diffusion régulière des plus beaux vieux westerns en noir et blanc a permis de sculpter notre imaginaire. La diffusion des films de Sergio Leone est également restée inoubliable… »

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Virginie Schell et Gabriel Harand-Priquet

n voit ces influences dans Buffalo boy : le personnage du shérif est très directement inspiré du shérif du Train sifflera trois fois… En fait, au détour de ma quarantaine, j’ai eu envie de parler de la mythologie de mon enfance et les cow-boys et les Indiens se sont imposés naturellement » sourit l’auteur de Buffalo boy. « Au niveau de la mise en scène, je me suis emparée de tout cet univers comme d’un gigantesque jeu », commente Virginie Schell. « J’aime bien que le média théâtre reste à l’avant-scène. Ainsi, dans notre spectacle, les marionnettes portent ellesmêmes des masques. Notre scénographie fait partie du spectacle et il en va de même pour le totem sur lequel trône Buffalo boy : on l’a travaillé en étroite collaboration avec notre musicien… » À peine avait-il été présenté au festival mondial de la marionnette de Charleville, engrangeant ainsi quelques signatures de dates en France, voilà que la course de Buffalo boy a été stoppée net par le premier confinement de mars 2020. « Ça a été un véritable coup dur, évidemment » se souvient Gabriel Harand-Priquet, « toute la production d’un nouveau projet a ainsi été annihilée… » « Tout à coup, on a été confronté au vertige de se confronter à notre avenir » se souvient Virginie. « Sur le coup, on n’avait aucune idée de ce qui nous attendait. Et très sincèrement, ce sentiment perdure encore aujourd’hui : on ne peut plus rien planifier… » Elle sourit un peu tristement quand son complice ajoute « On est comme quelquefois certaines scènes de westerns : dans le brouillard ou dans le vent de sable. On a quand même pris le risque d’être présent au Off d’Avignon 2021. c’est un vrai risque, car même si nous avons le soutien de la Région Grand Est, il nous faut financer nous-même une grande partie du coût de cette opération. Tout le monde est dans le flou. Alors, là encore on est comme dans les westerns, on s’est lancé en plein galop et on s’est dit qu’on verrait bien ensuite… Cette crise nous oblige à nous adapter en permanence, pas après pas… En fait, cette année et demie nous a permis de maturer le spectacle, en quelque sorte, on est même allé jusqu’à couper certaines scènes quand on a repris le spectacle… »

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De concert, Gabriel et Virginie soulignent le « mépris affiché ouvertement pour la culture, au niveau national » heureusement partiellement compensé par un engagement très fort des collectivités locales et régionales (un point souligné par l’ensemble de nos interlocuteurs rencontrés en Avignon). « On a misé, on a pris le risque d’être là » dit Virginie. « Le covid nous a appris cette grosse leçon : il faut tout jouer à fond, certes, mais il faut aussi bien comprendre que tout peut être remis en question le lendemain matin. Il faut vivre et s’habituer avec cette idée-là, voilà tout, conclut Gabriel Harand-Priquet. En tout cas, s’il est évidemment bien trop tôt pour commenter les retombées concrètes du Off 2021, Buffalo boy et ses deux créateurs nous auront permis de vivre cette incroyable révélation d’un genre presque totalement ignoré et qui a donc un mal fou à toucher le grand public. Le théâtre contemporain de marionnettes représente un univers de création incroyable. Or Norme va désormais essayer régulièrement de s’y intéresser, d’autant que Strasbourg est l’une de ses places fortes… c

Notre avis : Autant vous l’avouer sans fard : voici notre formidable coup de cœur de cette édition 2021 du Off avignonnais. On a été littéralement envoûté par l’univers onirique et flamboyant créé par Gabriel Harmand-Priquet, l’auteur, et Virginie Schell, la metteur en scène de Buffalo boy. Comment mieux vous dire notre enthousiasme qu’en décrivant avec un maximum d’objectivité notre étonnement et notre ravissement à la fin de ce spectacle : sur scène, à l’égal des trois acteurs « westerniens » en diable, Gabriel Harand-Priquet lui-même, Romain Landat et l’époustouflant musicien Vincent Martial à la flûte, il y a aussi sept marionnettes : outre Buffalo boy, il y a une femme-cheval, un général « tunique bleue » mytho et fou, un vieil indien à la sagesse inoxydable, un chasseur de prime sans scrupule, un jeune indien révolté et farouche et un shérif intègre. Et ces marionnettes, très vite, ne sont plus des morceaux de bois, fruits de la création artistique, mais deviennent, bien vivants, des comédiens à part entière. C’est la formidable magie de ce superbe spectacle hors-norme. L’erreur capitale, majeure, serait de considérer qu’il ne serait réservé qu’aux enfants. C’est tout simplement du grand et très beau théâtre… c D OS SI ER — Rentrée culturelle

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c D O S SI E R – CULTURE À STRA S B OURG Jean-Luc Fournier

Nicolas Roses

ne aussi longue attente. C’est le titre d’un vieux film du néo-réalisme italien, plutôt stylé avec ses somptueux gros plans en noir et blanc éclairés par un des génies de l’image de l’époque. Oui, une aussi longue attente : c’est ce qu’ont pensé tous les artistes de France et leur public qui, depuis le printemps dernier, ont réussi enfin à remonter sur les planches et à retrouver le chemin de la salle de spectacle. Début juin dernier, le TAPS Scala du Neudorf a touché le jack pot avec quatre dates successives complètes. À l’affiche « Gainsbourg & Miles —Your’re under arrest » avec sur scène le trio Grégory Ott (le chef de file au piano avec Gautier Laurent à la contrebasse et Matthieu Hirn à la batterie) renforcé par la fraîcheur de Léopoldine HH (chant et ukulélé) et l’explo­sivité de Matskat (chant et violon). Grégory Ott, le créateur du spectacle, rappelle « qu’il s’agit d’une commande des Bibliothèques idéales 2019 qui n’avait été joué qu’une fois sur le plateau de la Cité de la Musique et de la Danse, dans cette atmosphère de rush si typique des « cartes blanches » accordées par la manifestation phare de la rentrée culturelle strasbourgeoise. « En totale liberté, j’avais donc imaginé un rapport croisé entre Serge Gainsbourg et Miles Davis sur leur parcours dans le jazz et, indépendamment du strict vecteur musical, sur leur vision des rapports raciaux et sociaux relatifs à la persécution des noirs aux États-Unis et des juifs en Europe. Deux enfants terribles, deux provocateurs, morts tous les deux la même année, en 1991. J’avais noté qu’à trois ans d’intervalle, Miles Davis avait sorti son album You’re under arrest où, sur la pochette, il pose avec une mitraillette, un jouet d’enfant, et Gainsbourg avait rétorqué avec son propre album du même titre où il met en scène sa fiche anthropométrique avec son visage tuméfié et ses empreintes digitales. Cet album est clairement une forme de reconnaissance à Davis qu’il avait connu dans les années cinquante dans sa période SaintGermain-des-Prés. Là encore, pas mal de similitudes dans les dates : en 1957, Miles Davis crée et enregistre la bande musicale de Ascenseur pour l’échafaud et un an plus tard, Gainsbourg sort son tout premier album. Voilà, tout le spectacle tourne autour de ces croisements de destins humains et musicaux. »

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La scène, enfin… Léopoldine HH Grégory Ott Matskat Au printemps dernier, nous nous étions dit qu’il nous faudrait absolument être présent le jour où des artistes retrouveraient enfin la scène, le public, bref… revivraient. Ce fut le 2 juin dernier, au TAPS Scala du Neudorf où Léopoldine HH, Grégory Ott et Matskat ont renoué avec leur raison de vivre et de travailler…

Trois soirs complets, donc. De quoi donc marquer d’une pierre blanche cette reprise si attendue, après des mois et des mois durant lesquels le monde de la culture et les artistes ont pu mesurer le réel manque de la rencontre avec le public. Grégory Ott avoue avoir ressenti une « énorme charge émotionnelle lors du premier soir. Retrouver le public, même en jauge limitée, a provoqué chez nous une forme assez surprenante de pudeur : on y est allé un peu à tâtons et ce n’était pas seulement dû au fait qu’on n’avait pas rejoué ce spectacle depuis un an et demi. Il y avait une jolie fragilité à se retrouver sur scène et de ressentir cette écoute quasi religieuse du public. Et puis, à la toute fin, il y a eu ces incroyables applaudissements que le public a prolongés à l’extrême pour bien nous montrer sa joie d’être là avec nous. Ils n’en finissaient plus d’applaudir et nous avons été extrêmement touchés par cette vague de reconnaissance… »

voulu nous dire à quel point ils étaient heureux que tout redevienne normal. Un théâtre, des spectateurs, des artistes, tous ensemble : en applaudissant aussi longuement, ils ont voulu étirer ce moment au maximum, le vivre aussi longtemps que possible… » « Ce qui m’a plu » ajoute Matskat « c’est qu’aussi bien nous sur scène que le public devant nous, nous avons retrouvé la magie du live qui est entièrement basé sur l’interaction entre les artistes et le public. C’est d’ailleurs propre au jazz et à la musique improvisée : nous, les artistes, nous racontons des histoires. Et ce n’est pas du tout la même chose de raconter ces histoires à un public qui est présent devant nous plutôt qu’à une caméra comme beaucoup l’ont fait lors des confinements. Par exemple, on a eu envie de faire chanter le public alors on a demandé une “lumièresalle”. Cette communion-là, il n’y a que le concert live qui peut nous l’offrir et elle nous enjoint à aller encore plus loin, artistiquement parlant… » Une jolie fragilité… « Ce tâtonnement qu’on évoque là était à la fois étrange et magnifique » résume Léopoldine est encore tout émue de ce Grégory Ott. « C’était comme un envol un moment de grâce final lors du spectacle de peu lent, mais serein et on a fini par tous la veille : « J’ai l’impression qu’ainsi, ils ont planer ensemble » dit joliment Matskat. №42 — Septembre 2021 — Cultures


Ces trois dates de reprise ont donc constitué une belle session « baume au cœur » pour les artistes présents sur la scène de la Scala Neudorf en ce tout début juin. On s’en est presque voulu de rompre le charme retrouvé en les questionnant sur ces longs mois qu’ils venaient de vivre loin de leur public. Se sentaient-ils abimés, s’étaient-ils sentis humiliés de ne pas être plus et mieux considérés, avaient-ils une soif de revanche ?

« J’étais vraiment perdu… » « Ce n’est toujours pas facile d’avoir du recul pour répondre à ces questions » avoue Léopoldine. « Bien sûr, ça a été une période assez compliquée. Mais c’est dû aussi à ma façon de vivre : je suis toujours par monts et par vaux alors forcément, ne plus se déplacer a été surprenant. En tout cas, et c’est le plus important, la création n’a jamais cessé malgré le fait que nous n’avons plus été en mesure de faire avancer notre travail en le confrontant avec le public, sur scène… » « Avant cette crise, et je pense que je peux parler pour tous les trois, on se disait souvent qu’on en faisait trop, qu’on avait besoin de souffler » reprend Grégory. « Notre №42 — Septembre 2021 — Cultures

« Et puis, à la toute fin, il y a eu ces incroyables applaudissements que le public a prolongés à l’extrême pour bien nous montrer sa joie d’être là avec nous. »

You’re under arrest : une belle reprise au Tap’s Scala Neudorf

travail nous plait tellement qu’on est entièrement conditionné par lui, même s’il nous épanouit totalement. Alors aujourd’hui, avec le recul, la question est peut-être de se demander ce qu’on peut garder de positif de ce que nous avons vécu ces derniers mois. Est-on capable d’en faire moins, de trouver un équilibre entre l’épanouissement personnel, le boulot, la vie de famille et ne pas forcément retourner sans sourciller à la vie que nous menions avant le printemps 2020. Mais je n’oublierai jamais les choses importantes : personnellement, j’ai eu peur de ne plus avoir d’appétence pour mon instrument. Au début, j’ai fait le guignol sur Facebook, comme un peu tout le monde, avec des petites pastilles musicales en vidéo. Ensuite, j’ai arrêté, car je me suis dit qu’on était en train de délivrer un flot de gratuités qui finirait par nous nuire, mais j’y suis finalement revenu, car c’était un moyen de retrouver un peu d’envie. En tout cas, sans cette crise et là je parle très franchement, je n’aurais jamais pu m’investir autant avec Philippe Ochem c D OS SI ER — Rentrée culturelle

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Léopoldine HH

Matskat

« En être réduit à se sentir “non essentiel”, je ne l’ai jamais accepté. » pour l’enregistrement de cet album Himmel über Berlin sous le label Jazzdor. Donc, dans cette longue période de laquelle je l’espère nous sortons, tout n’a pas été négatif, de loin pas… » Matskat évoque gravement « toute cette première période de la crise durant laquelle j’étais vraiment perdu. Je me suis senti comme ayant été fauché net puisque, pour ma part, j’avais la chance de travailler beaucoup, en étant pratiquement tous les soirs sur scène. J’ai toujours su que je faisais de la musique essentiellement pour le partage avec le public et dans mon esprit, à mon humble mesure, que je contribuais ainsi à adoucir ce monde si brutal, si compliqué… Du coup, on me disait que ce que je faisais n’était pas utile et ça a été très déstabilisant. Je me suis un peu coupé de tout, je ne suis pas trop “réseaux sociaux” et la communication, hormis sur scène, ce n’est pas trop mon truc. Ça m’a donc permis comme beaucoup de me rapprocher avec la famille, de jouer pour eux et ça m’a fait beaucoup de bien. Je me suis aussi beaucoup replongé dans la lecture, la poésie dans l’idée de retrouver du sens et de dépasser ce quotidien dramatique qui nous bloquait tous. Et puis, comme beaucoup aussi, j’ai vécu cette prise de conscience que nous étions tous humain, partageant une seule et même planète. Depuis toujours, l’art participe au questionnement de l’évolution humaine, alors 26

c D OS SI E R — Rentrée culturelle

je me suis vite dit qu’il allait falloir ne rien oublier de cette période… » Léopoldine, silencieuse, a longuement écouté ses complices de scène et avoue d’entrée avoir « du mal à sortir de ce confinement. Sincèrement, j’ai du mal à m’organiser, car j’y ai pris des habitudes. J’ai pris des cours d’allemand, d’œnologie en pensant que si je ne pouvais plus être comédienne, je deviendrais ingénieure du son. J’ai vraiment songé à ma reconversion. Me poser m’a permis de voir tout ce que j’avais déjà vécu et réalisé, de mesurer avec précision le chemin parcouru et de faire une sorte de tri parmi tout ce que je faisais, ce qui est beaucoup moins facile que ça n’en a l’air… »

Non essentiel… Ceux qui suivent Grégory Ott sur les réseaux sociaux auront peut-être été surpris de la véhémence avec laquelle il a affronté le sort qu’a été celui de la culture durant cette longue période. « En être réduit à se sentir “non essentiel”, je ne l’ai jamais accepté. Ça veut dire quoi non essentiel ? Qu’est-ce qui est essentiel ? Ça doit être de rapporter de l’argent, si j’ai bien compris… Ce n’est pas un hasard si l’argument du PIB du secteur de la culture qui est égal à celui de l’industrie automobile n’a au final pas pesé bien lourd. Est-ce que par hasard on dérangerait parce que notre métier peut aussi peser lourd au niveau politique ? La culture, ce n’est pas seulement le divertissement,

Grégory Ott

mais c’est aussi de permettre à chacun de s’interroger sur le monde qui l’entoure. La culture sert aussi à ce qu’on ne s’endorme pas outre mesure… Je pense que durant cette période, tout a été fait pour qu’on ne réfléchisse pas trop. » Léopoldine abonde : « Une des seules initiatives a été de créer une chaîne de télé. C’est génial une chaine de télé, non ? Comme ça, tout le monde va penser que l’on considère un peu les artistes… Pfff… quelle drôle de réponse ! Greg, tu as raison, il y a de l’idéologie dans la façon dont la culture a été traitée depuis le printemps 2020 et pour ma part, j’ai été heureuse de voir le mouvement d’occupation des théâtres par de jeunes comédiens. Ça a ressemblé à une prise de conscience politique : qu’on le veuille ou non, la culture n’est pas un simple secteur parmi tant d’autres… » « Je l’ai dit tout à l’heure » rappelle Matskat. « Dans un premier temps, j’ai eu l’impression de ne plus être utile, ce qui pour moi est l’essentiel de mon métier. Les commentaires tournant autour du “non essentiel” m’ont profondément choqué. Cependant, la pression des artistes, mais aussi du public a provoqué cette prise de conscience que finalement, penser comme ça était une énorme erreur… » C’est Grégory Ott qui conclura, rappelant ce qui a sans doute le plus meurtri tout le monde des artistes et tous les amoureux du spectacle vivant : « Au plus haut niveau, on a laissé s’installer un message sous-jacent qui faisaient de nous comme des coresponsables de la diffusion du virus alors que, dès le début, pourtant, on avait tous participé à l’effort collectif nécessaire… Durant une éternité, on a observé la réalité concrète de la situation : les transports en commun, pas de problème, les commerces, pas de problème, aller travailler, pas de problème. Consumérisme first ! Mais se rendre au spectacle, cinéma compris, non ! Soudain, nous étions devenus comme des pestiférés. Ça, nous l’avons tous très mal supporté, c’est une évidence… » c №42 — Septembre 2021 — Cultures


Saison ’21’22 Il était une fois...

© Maïté Granjouan

Opéra national du Rhin

Opéra La Reine des neiges Hans Abrahamsen Stiffelio Giuseppe Verdi Carmen Georges Bizet L’Enfant et les sortilèges Maurice Ravel Les Oiseaux Walter Braunfels Les Rêveurs de la lune Howard Moody L’Amour sorcier Manuel de Falla & Journal d’un disparu Leoš Janáček Così fan tutte Wolfgang Amadeus Mozart L’Orfeo Claudio Monteverdi West Side Story Leonard Bernstein

Danse Danser Schubert au XXIe siècle Danseurs-chorégraphes du Ballet de l’OnR Les Ailes du désir Bruno Bouché Kamuyot Ohad Naharin Ballets européens au XXIe siècle Alice Philip Glass Amir Hosseinpour & Jonathan Lunn West Side Story Leonard Bernstein

Ouverture de la billetterie le 7 septembre

operanationaldurhin.eu


c D O S SI E R – CULTURE À STRA S B OURG Jean-Luc Fournier

Nicolas Roses

Anne Mistler « J’ai découvert avec un peu d’étonnement le fonctionnement d’une collectivité locale… » Un an après l’élection de la nouvelle équipe municipale strasbourgeoise, rencontre avec Anne Mistler, adjointe aux arts et aux cultures. L’occasion de parler, inévitablement, des dix-huit derniers mois marqués par les conséquences de la crise sanitaire de la Covid 19, mais aussi de se projeter, autant que faire se peut dans l’époque aussi instable et inédite que nous vivons…

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n ce chaud début juillet, on recueille les confidences d’une Anne Mistler sur le point de rejoindre le festival d’Avignon et qui ne boude pas son plaisir en imaginant ses retrouvailles avec le rendez-vous annuel de la culture au pied des remparts de la cité des Papes vauclusienne. « Après les épreuves de ces longs derniers mois, je ne vais sûrement pas être la seule à déguster l’ambiance avignonnaise » ditelle avec les yeux rieurs.

E

On a bien sûr très envie de l’entendre tirer le bilan de ces douze premiers mois à la tête du secteur de la culture strasbourgeoise. Et tout d’abord, elle qui a fait toute une carrière au sein de l’administration culturelle de l’État – prenant sa retraite après avoir été directrice de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) en Alsace –, a-t-elle été surprise par le quotidien de sa fonction ? « Oui, j’ai découvert avec un peu d’étonnement le fonctionnement d’une collectivité locale » avoue-t-elle sans problème. « Il faut sans cesse se battre pour bénéficier d’arbitrages favorables… » ajoute-t-elle immédiatement, sans trop en dire plus, avant d’enchaîner sur les derniers mois vécus sur fond d’interminable crise sanitaire. « Ma plus grande fierté est que les collectivités locales et parmi elles la Ville de Strasbourg ont pu globalement relever les défis de cette crise, nombre d’artistes le disent eux-mêmes. Nous avons su immédiatement flécher nos aides vers ceux qui en avaient le plus besoin, les structures et artistes indépendants pour qui la crise a été bien plus terrible que pour les institutions municipales par nature bien plus protégées des aléas. Mais pour autant, nous

avons bien mesuré à quel point l’absence de public et le gel impératif des programmations ont pu aussi gravement les affecter. En fait, avec Jeanne Barseghian, nous avons fait le tour des institutions et des structures indépendantes dès mars dernier et nous avons ainsi pu mesurer encore plus précisément la richesse culturelle de Strasbourg. Notre but était de rassurer les artistes, mais il est encore trop tôt, en ce début d’été, pour mesurer au cas par cas l’impact réel de ce que nous venons de vivre depuis le printemps 2020 » s’inquiète Anne Mistler. « En tout cas, nous les avons sentis tous très positifs, absolument déterminés à relever les défis inédits qui les attendent… » Autre point vital, il a fallu rassurer sur le budget global de la culture au niveau municipal. « Nous l’avons fait très vite et ce budget a été clairement conforté » affirme l’adjointe strasbourgeoise. « Les moyens dont dispose la culture font de ce secteur de l’action municipale une véritable spécificité strasbourgeoise et au final, la culture est un marqueur essentiel pour Strasbourg, elle participe au rayonnement de la ville, à son attractivité. Il y a un foisonnement incroyable d’artistes, de structures, d’idées et d’initiatives… »

Les dossiers « sensibles » Spontanément, Anne Mistler a accepté de se prêter à un tour d’horizon de quelques dossiers où la nouvelle équipe municipale se sait très attendue, comme l’Opéra pour lequel on disposera incessamment des résultats d’une énième étude visant à avoir la vision la plus précise de l’état du vénérable bâtiment №42 — Septembre 2021 — Cultures


Anne Mistler adjointe aux arts et et aux cultures à la municipalité de Strasbourg

de la place Broglie. « Je vous corrige tout de suite » réagit l’adjointe, « il ne s’agit pas du tout d’une énième étude de l’état des lieux comme vous le dites. Le cahier des charges que nous avons fixé dans le cadre du rapport que nous attendons au tout début septembre a prévu que cette étude détermine enfin une logique d’action pour les prochaines années. Pour cela, nous avons auditionné toutes les parties prenantes. Après la publication de ce rapport, et dans le cadre de ses préconisations, des groupes de travail vont faire émerger les actions concrètes à mener. Ce n’est qu’ensuite que se posera la décision ultime qui encadrera toutes les autres : rénover ou faire du neuf… » Nous avons bien sûr essayé de sonder le sentiment personnel d’Anne Mistler sur cet épineux sujet. Peine perdue, l’adjointe aux arts et aux cultures ne se confiera sur ce sujet qu’à l’issue des résultats des groupes de travail qui devraient débuter leur mission dès le début de l’automne prochain. Sur le cas de ST-ART, la foire régionale d’art contemporain la plus ancienne de France (25 ans cette saison), Anne Mistler confirme avoir reçu au printemps dernier une « délégation » de galeristes strasbourgeois ayant exprimé par voie de presse un certain mécontentement sur le sort qui leur serait réservé par la gouvernance actuelle de Strasbourg Événements, désormais de la responsabilité du géant national du secteur, GL Events. « J’ai pu constater qu’il n’y avait pas vraiment d’unité de point de vue » dit Anne Mistler, d’autant que ce sont quelquefois des choix très anciens, bien antérieurs à l’arrivée de GL Events, qui agitent le petit monde des galeries strasbourgeoises. Anne Mistler fait ainsi allusion aux dates de №42 — Septembre 2021 — Cultures

« La culture est un marqueur essentiel pour Strasbourg, elle participe au rayonnement de la ville. » l’événement, repositionné en novembre il y a déjà de longues années, ce qui a contribué à laisser beaucoup de place à Art Karlsruhe, l’ambitieux concurrent de ST-ART qui s’est ainsi emparé des dates ainsi laissées libres. « Mon rôle n’est pas de prendre parti » affirme l’adjointe « car nous sommes clairement dans le cadre d’une délégation de service public (DSP). Je me suis contentée de rappeler qu’il faut absolument préserver cette caractéristique de foire-tremplin qui est une très bonne chose pour les galeries locales et qu’il faut persévérer dans les actions communes comme le Galeries Tour qui a remporté un beau succès au début de l’été. Pourquoi ne pas envisager de le positionner en novembre, au moment du weekend de ST-ART ? » s’interroge-t-elle. Au passage, Anne Mistler aura également rendu hommage aux Bibliothèques idéales, manifestation qu’elle considère positionnée « comme un véritable modèle, articulé autour du savoir-faire et de l’engagement d’un homme – François Wolfermann (Librairie Kléber), le programmateur

au fantastique carnet d’adresses dans le monde de l’édition – et de la volonté publique de soutenir l’événement – celle de la Ville de Strasbourg qui le finance entièrement. » Pour l’avenir, est-il envisageable que d’autres collectivités (Eurométropole ­– Collectivité Européenne d’Alsace – Région…) abondent au développement et à l’essor de cette manifestation emblématique ? Mutisme volontaire de l’adjointe sur ces questions. Restant sur cette thématique du livre, Anne Mistler confirme que Strasbourg sera candidate au titre de capitale mondiale du livre, un label qui sera décerné en 2023 par l’UNESCO. « Cela a du sens » commente-telle « pour notre ville où la filière du livre a toujours été sur le devant de la scène, depuis Gutenberg… » ponctue-t-elle en souriant Une autre délégation de service public, concernant le cinéma municipal L’Odyssée, sera renouvelée au printemps prochain (lire à ce sujet, page 52, les propos de Daniel Cohen, le directeur et fondateur du Festival Européen du film fantastique de Strasbourg, qui pilotera une offre candidate pour les trois prochaines années). Anne Mistler se déclare « très concernée par tous les aspects d’éducation à l’image, partie intégrante de la gestion de l’Odyssée », mais bien sûr, n’en dira pour l’heure pas plus sur l’examen des candidatures relatives à cette DSP. Enfin, l’adjointe aux arts et aux cultures souhaite que le mandat en cours puisse apporter des réponses sur des dossiers un peu « oubliés lors des dernières années » citant le Palais des Fêtes et le Théâtre de Hautepierre. « Ce n’est pas rien, il faut agir, tout reste à faire… » conclut-elle. c c D OS SI ER — Rentrée culturelle

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Simon Gosselin

Théâtre National de Strasbourg Le TNS vous attend ! En juin, lors de la présentation de saison du Théâtre National de Strasbourg, Stanislas Nordey se voulait « prudent » à l’heure où une éclaircie semblait possible après « des temps particuliers, difficiles, douloureux ».

une année « de disette pour la culture » succède une année « particulière » pour le TNS qui annonce 25 spectacles au lieu des 16 ou 17 habituels, neuf d’entre eux sont des reports. Prudence ne signifie donc pas ambition à la baisse, mais programmation annoncée en deux temps. Pour l’heure, seule celle qui couvre les mois de septembre à janvier est officielle. La suite sera annoncée le 21 novembre. Les propositions artistiques seront foisonnantes avec une présence forte des artistes associés et « une ouverture en fanfare » permettant de découvrir trois spectacles créés au TNS.

À

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Le passé

Tout d’abord, en septembre, Le passé, nouvelle mise en scène de Julien Gosselin à partir de l’œuvre de Léonid Andréïev, « géant peu connu de la littérature russe qui rappelle Tchekhov, mais avec quelque chose de direct, de plus violent. » Au tournant de septembre et d’octobre, Nous entrerons dans la carrière, nouvelle création de Blandine Savetier qui interroge le désir de révolution dans un monde en crise en « revenant à la source de notre République » et, en octobre également Hilda, texte de Marie NDiaye mis en scène

par Elisabeth Chailloux avec « la magnifique Natalie Dessay dans le rôle titre ». « Une histoire d’esclavage moderne, un drame de la domination à la mécanique vampirique implacable, une histoire à la fois intime et politique », annonce le directeur du TNS.

Douze spectacles d’ici janvier Douze spectacles sont annoncés d’ici le début de l’année prochaine, tous plus interpellants les uns que les autres. Le TNS ne désarme pas après être resté ouvert en juillet-août pour une deuxième « Traversée de l’été » dans et hors les murs. Du 18 au 20 septembre, il présentera Rothko, untitled #2 dans le cadre de « Musica », une proposition visuelle, musicale et chorégraphique de Claire Cottanceau et Olivier Mellano rêvée à partir de l’œuvre du peintre américain pour « se laisser porter par la vibration du présent » et interroger l’émotion ressentie face à une œuvre d’art. Émotion, vibration, interrogation sur le monde et sur l’humain autant de mots clés qui prendront sens cet automne à chacun des spectacles d’ores et déjà annoncés. « Venez, écrit Stanislas Nordey dans la plaquette de présentation, les artistes ont mis tant de cœur à retisser ce lien si malencontreusement distendu au long de ces mois passés ». Du 24 novembre au 4 décembre, il sera lui-même sera sur scène avec Charles Berling dans Deux Amis écrit pour eux par Pascal Rambert. Ils y incarneront deux artistes de théâtre dans « une pièce d’amour et de guerre » mêlant réflexion sur l’art, déclaration sentimentale, péripétie, scène de ménage, humour et lyrisme. Et en novembre, Stanislas Nordey mettra en scène le « Ce qu’il faut dire » de Léonora Miano. Un spectacle qui interrogera les mots et récits forgés par une Europe conquérante pour parler de l’Afrique. Il s’agira de « retrouver le fil de l’humain, son désir de spiritualité et de beauté » Tout ce dont nous avons besoin. c omplet

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Un bien pensé.


c D O S SI E R – CULTURE À STRA S B OURG Benjamin Thomas

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Opéra national du Rhin Création et innovation au menu de la saison 2021/2022 L’OnR présente une saison placée sous le caractère fédérateur de la fiction avec, notamment, trois récits d’Andersen connus de tous, deux contes du XXe siècle imaginés par Colette et Lewis Carroll ou encore de grandes figures mythiques que l’on retrouve dans les œuvres populaires que sont West Side Story et Carmen (on retrouvera également la bouillante gitane au cœur du Festival Arsmondo Tsigane, avec un spectacle réunissant L’Amour sorcier de Manuel de Falla et Le Journal d’un disparu de Janacek. Stiffelio, de Verdi, en octobre prochain à l’OnR

eureux éclectisme des répertoires oblige, de Claudio Monteverdi (L’Orfeo, en version concert), Hans Abrahamsen (La Reine des neiges) en passant par Mozart (Così fan tutte), Verdi et Bizet, la saison 21/22 traverse quatre siècles d’opéras dont elle reflète l’incroyable richesse, du mélodrame au ballet en passant par la comédie musicale. Cette diversité se retrouve dans les concerts (dont une Marseillaise participative dans l’orchestration de Berlioz) et les récitals qui permettront aux mélomanes d’entendre de grands interprètes actuels comme la soprano Sabine Devieilhe ou le contreténor Jakub Jozef Orliński, ainsi que l’acteur Lambert Wilson dans des mélodrames romantiques (déclamation accompagnée au piano).

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Créations… L’innovation, enfin, sera au rendez-vous avec d’importantes créations : celle, mondiale, d’Alice – nouveau ballet d’un des compositeurs majeurs de notre temps, l’Américain Philip Glass –, mais également les trois créations françaises que sont La Reine des Neiges de Hans Abrahamsen, Les Oiseaux de Walter Braunfels et Stiffelio de Verdi. Les créations chorégraphique du directeur du Ballet de l’OnR, Bruno Bouché, sont toujours des événements très attendus : lors de la saison, il présentera Les Ailes du désir, un ballet qui revisite le chef d’œuvre cinématographique de Wim Wenders. c t sur : comple urhin.eu e m m a Progr eranationald p www.o

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№42 — Septembre 2021 — Cultures



c D O S SI E R – CULTURE À STRA S B OURG Benjamin Thomas

Marc Swierkowski

Alain Perroux « Il faut que l’OnR puisse retrouver un cap clair après tous ces événements incroyables depuis dix-huit mois... »

collaborateurs de l’OnR : j’ai été franchement impressionné par leur professionnalisme et leurs immenses qualités : ils sont incroyablement dévoués au service de l’institution. Grâce à eux, on peut vraiment viser à l’excellence dans la qualité des spectacles… Comme pour toutes les scènes du spectacle vivant, on imagine que vous devez gérer désormais l’épineux problème des reports des productions…

Oui, et pour ça, nous les étalons sur plusieurs saisons. Le Cosi fan tutte qu’on aurait dû présenter en avril 2020 est reporté pour le printemps 2022, idem pour les Rêveurs de la Lune, un opéra pour enfants qui est une commande de l’OnR. Beaucoup de rendez-vous sont d’ores et déjà reportés pour la saison 2022-23, nous sommes dans une activité où les délais sont très longs dès qu’on touche à la programmation. Personnellement, je n’ai aucun problème pour les programmer dans mes propres saisons à partir du moment où je peux préserver les équilibres entre les répertoires. Ce qui m’importe, c’est la bonne tenue de la maison… et que l’OnR puisse retrouver un cap clair après tous ces événements incroyables depuis dix-huit mois…

Votre arrivée à Strasbourg a d’emblée été placée sous le signe de l’urgence. Il s’agissait alors de faire face à la disparition de la regrettée Eva Kleinitz. Puis très vite, le premier confinement de mars 2020 a imposé sa loi d’airain. Vous avez abordé les rivages de l’Opéra national du Rhin en pleine tempête…

Il y a un peu de cela, oui. J’ai été nommé en décembre 2019 et j’ai pris mes fonctions tout de suite, ce qui est assez inhabituel dans notre milieu puisque plus d’un an, voire deux, peuvent se passer dans ce type de transition. Mais oui, il y avait urgence, l’Opéra était sans directeur général depuis pratiquement un an avec la maladie puis la triste disparition de Eva Kleinitz. J’ai été à temps partiel, dans les six premiers mois, car je devais aussi honorer mes engagements auprès du festival d’Aix-en-Provence. L’arrivée du Covid en mars 2020 a encore plus compliqué les choses, j’ai effectué mes deux boulots à temps partiel de chez moi, à Paris. À ce moment-là, il a surtout fallu gérer les annulations, en payant les dédits pour les 34

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artistes déjà engagés, et bien sûr les absences de nos personnels. On a ensuite été les premiers dans le monde de l’opéra à reprendre le travail, dans le cadre du déconfinement, à partir du 11 mai de l’an passé. On a marqué le coup avec ce petit concert du mois de juillet. Et puis, on a débuté la saison passée, mais fin octobre, le deuxième confinement nous a rattrapés. À la différence du premier, nos chanteurs, danseurs, etc. ont quand même eu l’autorisation de venir travailler, en respectant des protocoles assez stricts. Pour leur fournir un objectif, on a enregistré pas mal de nos spectacles. Ça a maintenu le lien avec nos spectateurs et ça a fourni un but pour nos équipes, tout cela a été très précieux. On est parvenu à passer ce ces caps, mais il était temps que tout reprenne, je crois qu’on commençait à constater quelques signes de profond découragement dans nos équipes. Au jour où nous nous parlons (le 8 juin dernier – ndlr), on croise les doigts pour connaître une rentrée pleine et entière, comme de tradition… En tout cas, tous ces événements m’ont permis de constater l’excellence des

Il y a un point traditionnellement épineux et qui l’est de plus en plus au fur et à mesure où les années passent, c’est l’état matériel du bâtiment de la place Broglie. Une énième étude va rendre très prochainement ses conclusions. Que peut-elle nous apprendre que nous ne sachions pas déjà, à savoir que ce bâtiment est en quelque sorte, en bout de course ?

En fait, ce n’est pas une énième étude, c’est un état des lieux très précis qui va permettre de constater là où on en est, qu’est-ce qui a été fait et à partir de là, quelles sont les alternatives qui se présentent. Je crois que les nouveaux élus de la municipalité actuelle souhaitent prendre une décision définitive aux deux tiers de leur mandat actuel. Je crois qu’une vraie prise de conscience a eu lieu sur le caractère désormais urgentissime de cette prise de décision. Rénover sur site ou construire un nouvel opéra. Il ne m’appartient bien sûr pas de me prononcer personnellement, mais oui, la question cruciale se pose ainsi. On n’a pas d’approche sur les coûts, mais si on décide de rester ici, il va y avoir besoin de travaux gigantesques, extrêmement coûteux. Ce sera une question très difficile à trancher et je suis moi-même impatient qu’elle le soit, croyez-le bien… c №42 — Septembre 2021 — Cultures


Publirédactionnel


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Grégory Massat – Alban Hefti

Orchestre Philarmonique de Strasbourg Une saison à la tonalité franco-russe « Une vingtaine de programmes symphoniques embrassant trois siècles de musique, de grands solistes, des jeunes talents… ». Marie Linden, directrice générale de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, croit « aux vertus d’une saison plurielle » construite sur l’univers musical du tout nouveau chef, Aziz Shokhakimov, qui succède à Marko Letonja.

«

e passage de flambeau s’est fait dans l’échange et la générosité », confie-t-elle. « Marko a eu des mots très délicats pour Aziz lors du Concert des deux Rives en juillet, c’était une vraie et belle transmission ».

L

Marquée par l’éclectisme et l’ouverture à tous les publics, cette nouvelle saison débutera le 9 septembre avec « un concert d’ouverture symbolique de sa forte coloration franco-russe, même si le programme initialement prévu avec Ravel a dû être adapté aux contraintes sanitaires ». Des œuvres de Borodine et


Debussy (mais aussi Kodály et Brahms) y seront associées au Concerto pour violon n° 2 de Prokofiev dans une très dansante « Ivresse du violon » où « le brillantissime virtuose Nemanja Radulović nous emmènera hors des sentiers battus ».

D’ici là, en 2021-2022, le public aura eu l’occasion d’applaudir de grands chefs tels que John Nelson ou Claus Peter Flor, d’immenses artistes comme Alexandre Kantorow, Arabella Steinbacher ou encore Sol Gabetta, ainsi que les chefs invités Ton Koopman et David Grimal.

Concerts symphoniques, musique de chambre, représentations à l’opéra, De grands chefs concerts scolaires, spectacles « famille » et d’immenses se succéderont dans une saison dense où artistes les concerts inédits côtoieront des reports tels « Roméo et Juliette » de Berlioz ou Octobre fera la part belle au chant avant l’intégrale des concertos pour violon de le retour de Marko Letonja qui dirigera en novembre un concert symphonique artiMozart avec David Grimal. culé autour de la Symphonie n° 9 dite du Enthousiaste à la perspective de cette « Nouveau monde » de Dvořák. Artiste en résidence, le merveilnouvelle saison, Marie Linden ne ressasse pas les affres de la crise sanitaire. « Nous leux pianiste Alexandre Tharaud assuavons eu la chance de bénéficier du sou- rera plusieurs rendez-vous : concerts tien constant de nos partenaires publics et symphoniques, récitals, concerts de privés, constate-t-elle. Cela nous donne une musique de chambre, une soirée aux stabilité qui nous permet d’œuvrer comme Bibliothèques idéales, une master class un véritable service public de la culture ». au Conservatoire… Autre atout dans ces circonstances excepSans oublier en décembre le toujours tionnelles : « la stratégie audio-visuelle très attendu Concert de la Saint-Sylvestre. entamée avant la crise, consistant à déve- Dirigé par Aziz Shokhakimov, il accueillera lopper une activité discographique et digi- cette année le violoniste hongrois Roby tale intense, que nous allons poursuivre Lakatos et son ensemble. « Ce sera une vériavec un enregistrement de musique de table fête », se réjouit Marie Linden avant films, un album Janáček dirigé par Marko d’évoquer aussi les ciné-concerts autour Letonja à la rentrée, avec la poursuite de des figures de Chaplin, Walt Disney et… l’Odyssée Berlioz sous la direction de Gladiator. Ouvert à tous les publics, exigent et John Nelson et – à l’horizon 2022/2023 – un disque dédié à Prokofiev et signé éclectique, l’Orchestre n’a pas fini de Aziz Shokhakimov. » nous enchanter. c

« Nous avons eu la chance de bénéficier du soutien constant de nos partenaires publics et privés. » Marie Linden (à gauche)

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c D O S SI E R – CULTURE À STRA S B OURG Jean-Luc Fournier

Abdesslam Mirdass

Aziz Shokhakimov « Le moment où j’ai appris ma nomination à la tête de l’OPS m’a rendu follement heureux !.. » remière impression à notre arrivée dans un bureau anonyme de l’administration de l’OPS, au Palais de la Musique et des Congrès de Strasbourg. Svelte, très classe dans son costume sombre, la mèche brune un poil rebelle sur le front, Aziz Shokhakimov nous accueille avec un franc sourire et, Covid oblige, après un check vigoureux du poing fermé, se rend immédiatement disponible pour le jeu de l’entretien…

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La réaction la plus communément enregistrée à l’annonce de votre arrivée est clairement relative à votre âge. Beaucoup ont été surpris par la nomination d’un chef aussi jeune à la tête de l’OPS…

« C’est moi qui en ai été le tout premier surpris… » (grand éclat de rire).

Excellent ! Bon, il a suffi ensuite de lire votre biographie qui accompagnait le communiqué de presse de votre nomination pour réaliser que si vous aviez certes 32 ans, vous pouviez faire déjà état d’un vécu exceptionnel en matière musicale et de direction d’orchestre… Racontez-nous les principales étapes qui vous ont amené aujourd’hui à la tête de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg. Et n’hésitez pas à nous parler de vos tout premiers débuts, on a envie de savoir comment ça se passe

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en Ouzbékistan en matière d’éducation musicale de haut niveau…

Et bien, en Ouzbékistan, nous avons toujours bénéficié d’un formidable héritage venu de l’ex-Union soviétique et particulièrement de Moscou. Durant la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de professeurs et de musiciens de haut niveau ont été contraints d’évacuer la capitale et les régions les plus à l’ouest de l’URSS et sont venus se réfugier en Ouzbékistan, à Tachkent plus particulièrement. Dimitri Chostakovitch ou encore Eugène Prokofiev ont longuement séjourné dans mon pays, par exemple. Et beaucoup sont restés après la guerre tout simplement parce que les conditions de vie y étaient infiniment plus favorables qu’à Moscou, pour l’approvisionnement en nourriture notamment et aussi pour le climat qui était plus favorable. Et puis, très vite, l’URSS a mis sur pied un programme éducatif qui donnait chaque année la possibilité à dix jeunes de pouvoir suivre des études de haut niveau chez nous. Beaucoup de musiciens sont arrivés de Moscou, de Leningrad. En ce qui me concerne, je n’ai pas participé à ce programme, car au moment de l’indépendance du pays, en 1991, j’ai pu étudier directement à la prestigieuse école Vladimir Uspensky en compagnie de gens de très grand talent comme les pianistes Yefim Bronfam ou Alexi Sultanov par exemple…

L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg vient de confier sa destinée artistique à la baguette d’un jeune chef d’orchestre de 32 ans, originaire d’Ouzbékistan. Nous avions donc hâte de rencontrer Aziz Shokhakimov, lors d’un aller et retour express à Strasbourg qu’il fit en juin, pour préparer son arrivée en ce début septembre à la tête de l’OPS… Comment en arrive-t-on à cheminer sur le chemin d’une très grande carrière internationale comme celle que vous vivez depuis de très longues années maintenant ?

À l’âge de 21 ans, j’ai remporté le Concours Gustav Mahler de Bamberg. Cette distinction a attiré l’attention sur moi et c’est ce qui m’a permis de diriger ensuite de nombreuses formations de haut niveau, comme l’Orchestre philharmonique de Radio France, le SWR Sinfonieorchester ou le London Philharmonic Orchestra. Je dois donc beaucoup à ce concours de Bamberg. Tout comme il y a six ans maintenant quand j’ai remporté le concours Karajan du jeune chef d’orchestre dans le cadre du festival de Salzburg. J’ai beaucoup pu me faire remarquer grâce aux compétitions que j’ai remportées, en fait… Vous connaissiez déjà l’OPS puisque vous l’avez dirigé pour la première fois en 2014. Vous aviez alors seulement 25 ans, c’est presque incroyable… Vous êtes revenu plusieurs fois, depuis et beaucoup de mélomanes strasbourgeois se souviennent notamment de la 5e symphonie de Mahler que vous avez dirigée…

Je m’en souviens moi aussi tout particulièrement. C’était le 14 février 2020, le jour de la Saint-Valentin ! (grand éclat de rire, là encore). Blague à part, je me souviens №42 — Septembre 2021 — Cultures


aussi de cette grande soirée, j’ai beaucoup de connexions avec la musique de Mahler, je n’ai pas oublié ce soir-là… Quelle a été votre réaction quand vous avez appris officiellement que Strasbourg vous avait définitivement choisi pour diriger son orchestre philharmonique ?

Ce fut un incroyable moment qui m’a rendu follement heureux. Sincèrement, Strasbourg correspondait exactement au lieu et à l’orchestre que je me souhaitais intimement pour continuer ma carrière internationale. Pourquoi ?

Parce que je pense que les musiciens de cet orchestre ont d’exceptionnelles qualités. C’est le plus important. Et puis, il y a cette sensibilité très française, cette « french flavor » qui se marie absolument bien avec la rigueur allemande que je retrouve à Strasbourg. Cette sensibilité particulière a pu me manquer là où j’ai dirigé des orchestres… Comment s’est passée la programmation de la saison à venir, je crois que vous y avez été associé très tôt…

Oui, parce que ma nomination a été annoncée dès le début de l’été 2020, très tôt en effet. J’ai donc pu décider de l’ensemble de la programmation artistique de la saison qui s’ouvre, avec Marie Linden (la directrice générale de l’OPS – ndlr) et les membres du comité artistique de l’Orchestre. J’avais besoin de dialoguer beaucoup avec les musiciens pour m’imprégner de leur opinion et on a bénéficié d’une excellente communication tous ensemble. On a pu bénéficier d’excellentes conditions de travail pour réaliser cette programmation de saison.

Oublions maintenant l’orchestre et ses enjeux, ainsi que vos propres enjeux professionnels à sa tête. Vous êtes maintenant en situation de travailler 100% en France en étant basé à Strasbourg. Je sais déjà que vous suivez des cours accélérés de français pour bien parler notre langue dès le mois de septembre №42 — Septembre 2021 — Cultures

« C’est pour moi inouï de me dire que je vais travailler à 100% dans le pays de la philosophie des Lumières qui possède cette culture et cette histoire incroyables. »

prochain. Cela veut dire quoi, travailler en France, pour vous ?

C’est pour moi inouï de me dire que je vais travailler à 100% dans le pays de la philosophie des Lumières qui possède cette culture et cette histoire incroyables, qui a su abriter tant et tant d’artistes et pas seulement dans le domaine de la musique ou de la peinture, par exemple. J’ai hâte aussi de découvrir l’extraordinaire richesse gastronomique de votre pays, ses vins aussi. On dit que partout, du nord au sud, de l’est à l’ouest, il y a une richesse incroyable dans ce domaine. Voilà pourquoi j’ai immédiatement décidé de m’installer à demeure à Strasbourg, je veux que ce pays influence réellement ma façon de penser dans bien des domaines… Et quand vous n’écoutez pas de musique classique, quelles sortes de musiques appréciez-vous particulièrement ?

J’adore vraiment les musiques issues du folklore des pays caucasiens, comme la Hongrie, la Roumanie, la Géorgie ou encore l’Arménie, l’Azérie… Il m’arrive aussi d’écouter des musiques issues des folklores allemands ou autrichiens, mais j’avoue que je connais mal les musiques traditionnelles françaises. J’ai envie de les découvrir vite… » c c D OS SI ER — Rentrée culturelle

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Estelle Hanania

« Le Maillon est une porte d’entrée » Avec pour fil rouge de saison la « Reconquête de l’espace commun », le Maillon affiche la couleur : ne jamais cesser d’explorer le rôle du spectacle vivant dans une société européenne en mutation.

La chorégraphe Gisèle Vienne reviendra au Maillon les 24 et 27 novembre avec L’Étang.

a Scène européenne n’y a d’ailleurs jamais renoncé, relève Barbara Engelhardt qui en est la directrice. « Nous ne nous sommes pas laissés décourager par la crise sanitaire. Le Maillon a multiplié les formes expérimentales, les résidences, les labos en menant en parallèle un travail sur les formes numériques. Cela nous a permis de rester en lien avec les artistes et avec le public ».

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La Grèce immémoriale et actuelle, l’afroféminisme au défi du passé En ouverture de saison 2021-2022, elle annonce Asterism d’Alexander Schubert, « un happening de 35 h 34 minutes, un espace, une immersion, une atmosphère » créé en ses murs, en coréalisation avec « Musica ». Un « rituel » où les artistes interagissent avec l’Intelligence artificielle dans un « entre-deuxmondes que le public est invité à parcourir de jour comme de nuit », est-il annoncé. C’est ensuite à la Grèce que le Maillon – scène européenne – consacrera son premier

focus thématique. « Nous avons programmé trois spectacles, deux de danse et un de théâtre », précise Barbara. Ils interrogeront l’héritage culturel d’un pays confronté à un « ici et maintenant » traversé par la crise. Rencontres et débats accompagneront ces créations contemporaines « qui valent le détour », ajoute-t-elle. Autre focus thématique de la saison, l’afroféminisme exploré au travers de « deux démarches différentes », celle de la chorégraphe rwandaise Dorothée Munyaneza (compagnie Kadidi) avec Mailles et celle de Rébecca Chaillon (compagnie « Dans le ventre »), qui présentera sa « Carte noire nommée désir ». « Toutes deux ont une même passion pour les droits civiques, un questionnement sur le rôle de la femme dans une mémoire marquée par le colonialisme et l’emprise sur les corps féminins. ». Ici aussi, le Maillon « ira plus loin » en approfondissant ces questionnements par des lectures, des projections cinématographiques et des débats où politiques et scientifiques seront interpellés face au « vécu et au partage du vécu ».

Homme et robot Au-delà du premier trimestre, le « grand temps fort de la saison se tiendra en janvier avec cinq spectacles sur deux semaines et demie ». Il creusera une question « peut-être accentuée par ce que nous avons traversé ces derniers mois », à savoir « l’ambivalence de nos ressentis face à la nouvelle technologie qui fait de plus en plus partie de nos quotidiens ». Qu’en est-il de la condition humaine lorsqu’elle cherche à dépasser ses limites ? « Plusieurs spectacles seront consacrés à notre relation à la machine, mais sans faire intervenir la réalité augmentée ou les formes numériques. Comédiens, circassiens, danseurs laisseront parfois leur place sur scène à des androïdes de troublante ressemblance. » « Il est important pour nous de travailler sur des formes inédites », souligne Barbara Engelhardt en soulignant la concrétisation de son engagement par 17 coproductions internationales sur la saison. « Nous devons accompagner l’émergence d’artistes européens. Le Maillon est une porte d’entrée. Ancrée dans son territoire, mais grande ouverte ». c  :

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TAPS Vingt ans et plein d’allant Oyez, oyez… Le TAPS a 20 ans ! Et fêtera l’événement par une création contemporaine. «

a commande que nous avons passée à Thierry Simon était double, raconte Olivier Chapelet directeur du TAPS : Raconter 20 ans, mais… ne pas parler de théâtre ». La contrainte était aussi de mettre en scène neuf personnages interprétés par les neuf artistes qui furent associés à la salle au fil des saisons. La disparition brutale du formidable Xavier Boulanger en octobre 2020 a ramené la troupe à huit. Chemin interrompu bien trop tôt qui fera peut-être écho à ceux racontés dans Vingt ans, pièce consacrée au parcours d’activistes altermondialistes qui tous feront leur route après s’être rencontrés au sommet de Gênes en 2001. Ils se retrouvent deux décennies plus tard dans la maison même où ils se réunissaient pour préparer leurs actions… Présentée en novembre, cette pièce s’intégrera dans une saison qu’Olivier veut « comme les autres », celles d’avant le couperet Covid. « Beaucoup de reprises de spectacles annulés par la crise sanitaire, mais aussi pas mal de créations » après « des mois denses » où le TAPS a accueilli beaucoup d’artistes, mais en devant fermer ses portes à 18h sur des salles vides. Choisi à dessein, le titre du premier spectacle de septembre est emblématique : On voudrait revivre On voudrait revivre. Et on revivra grâce à Léopoldine HH et Maxime Kerzanet qui, sous la houlette de Chloé Brugneau, raconteront l’histoire d’une passion musicale pour Gérard Manset, celui-là même qui « voyageait en solitaire » et que nul n’obligeait à se taire ».  : Ce sera le 23 novembre. D’ici là, renlet sur e comp dez-vous les 8 et 9 septembre pour la présen- Programmbourg.eu as tation de saison 2021-2022. La vingtième ! c taps.str

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Pôle-Sud dynamique, poétique et combatif

Avec 42 spectacles à l’affiche mêlant reports et nouvelles propositions, Pôle-Sud – Centre de développement chorégraphique de Strasbourg –, invite à la danse dans une programmation foisonnante. «

ous l’avons voulue dynamique, poétique et combative », précise Joëlle Smadja, directrice de PôleSud dans sa présentation d’une « saison recomposée » vouée à redonner au public « le goût du déplacement » après ces trop longs mois entravés par la crise sanitaire. Une soirée de fête en donnera le top départ les 14 et 15 septembre et elle sera gratuite sur réservation. Y seront présentées les Transports excepDorothée Munyaneza, tionnels de Dominique Boivin, duo d’un Mailles danseur et d’une… pelleteuse, sur des airs d’opéra interprétés par Maria Callas. La saison tout entière sera présentée en : mplet sur  images et en rencontres ces soirs-là. Elle co e m m Progra sud.f r www.poleaffiche de nouveaux formats tels « Une

Django Ça tape à la porte ! «

lle nous est tombée dessus comme tout le monde », raconte Benoît Van Kote, programmateur du lieu, « il a fallu réagir au quart de tour, mais on a maintenu le cap malgré cette muselière un temps desserrée, puis resserrée ». Le lien avec les habitants du Neuhof a été notre priorité ajoute Mourad Mabrouki, responsable de l’action culturelle en évoquant, notamment, une déambulation joignant piano et danseurs de l’opéra, « proposition douce » qui fut accueillie avec « beaucoup d’émotion » au Polygone et au Stockfeld. Après un an et demi d’annulations, la programmation en salle du premier trimestre va compter « pas mal de reports », mais en intégrant de nouvelles propositions parce que « ça tape

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semaine avec » qui débutera en janvier avec Maguy Marin autour de sa nouvelle pièce, Y aller voir de plus près. Elle donnera aussi toute leur place aux artistes féminines dans le cadre de « L’année commence avec elles », également en janvier. D’ici là Mark Tompson proposera fin septembre une Célébration des grandes figures de la danse, Georges Appaix conclura en décembre son abécédaire chorégraphique par XYZ ou comment parvenir à ses fins, Hamid Ben Mahdi et Dorothée Munyaneza reviendront à Pôle Sud. Une saison sans concession dont Étienne Rochefort sera l’artiste associé. Son nouveau spectacle Bugging lancera le festival ExtraDanse. Mais ça, c’est pour le printemps ! c

Raids urbains, concerts aux fenêtres, interventions en Ephad ou dans des lieux dédiés à la petite enfance…, l’équipe de l’Espace Django mesure combien sa « capacité à se projeter dehors » a été un atout durant la crise sanitaire. à la porte ». « Il faut jongler ! ». À noter d’ores et déjà, deux soirées de présentation de saison, les 7 et 18 septembre et… des concerts à foison. Le 11 octobre, déluge de funk irrésistiblement groovy avec Funkindustry qui accueillera le tonitruant Gystere. Le 29, retour en bande organisée de « notre » Thomas Shoeffler Jr accompagné de Rusty Rifles avec, à la clé, Django transformé en un Terrenoire saloon pimenté à la « Sauce piquante » de Théo Lawrence. Concert d’exception à l’affiche le 11 novembre avec Laake qui jonglera entre musiques de films, musiques classique et électronique, électropop intense ur : plète s le 16 décembre avec l’univers clair obscur ion com u t a m m de Terrenoire et Ussar à découvrir abso- Progra cedjango.e s pa www.e lument… Django garde le cap ! c №42 — Septembre 2021 — Cultures


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Garder la maison Laiterie allumée « Qu’en sera-t-il des concerts debout ? » « Quid de la couverture vaccinale de notre public ? » « Impossible de spéculer sur une programmation à plusieurs mois… » «

our nous, la situation reste complexe », résume Thierry Danet, directeur de La Laiterie-Artefact. « Notre mot d’ordre est de rester qui nous sommes, de faire en sorte que La Laiterie reste un lieu qui ouvre dès que possible comme ce fut le cas en juin », poursuit-il. Et ce même si « avec un autofinancement à 75%, jouer en sous-jauge c’est très grave ». Les aides ont aidé « mais on sait qu’elles r : ne seront pas durables » et il faut se battre plet su m o c e mm ct.org pour, « ne pas éteindre la lumière », préserProgra www.artefa ver « une âme commune » attestée par la place prise par la Laiterie et l’Ososphère, dans la ville et bien au-delà. La salle doit rester « la maison » tant pour le public avec lequel elle n’a jamais cessé d’être en lien, que pour les artistes

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qu’elle ne cesse de reprogrammer en fonction de l’évolution des règles sanitaires jusqu’à ce qu’ils puissent se produire « à l’instant T ». S’il est décidé qu’Ososphère sera reporté à 2022 après le moment fort du « Cosmos District » présenté en juin dans le cadre de l’« Industrie magnifique », la maison Laiterie vibrera en septembre. Quatre soirées « Ohm sweet Ohm » sont programmées du 22 au 25. « On va rallumer sur les musiques électroniques ! » Une programmation très « Laiterie » suivra, d’instant T en instant T. « Ne quittez pas des yeux le site ! » recommande Thierry Danet qui annonce IAM le 31 octobre. « Un rendez-vous déjà remis, mais qui un jour aura bien lieu ». On croise les doigts. c

Les Kouleurs de l’Espace K « L’Espace K retrouve des kouleurs » annonce Jean-Luc Falbriard, administrateur de production de la salle, déterminé à aller de l’avant envers et contre la kovid. elui-là même qui incarne avec une verve désopilante le Capitaine Sprütz, héros de l’espace et sex-symbole intergalactique qui va… s’arrêter si l’on en croit le titre du spectacle programmé du 2 au 12 septembre. De quoi nous plonger dans une perplexité cosmique… À laquelle il promet de donner « le pourquoi du comment » sans langue de bois ! Comme bien d’autres, ce spectacle était annoncé entre mars et juin 2020 et comme la plupart il sera reprogrammé « pour aider les artistes à repartir du bon pied » dans une salle où « tout sera mis en œuvre pour permettre au public d’assister aux représentations en toute tranquillité ».

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Lieu « multifacettes » à dominante humoristique, l’Espace K continuera à brasser les genres : concert théâtralisé avec The cracked cookies show, trio vocal féminin « délicieusement fêlé » volontiers cocasse, parfois touchant, rien moins que Feydeau avec une Puce à l’oreille mise en scène par Jean-Luc Falbriard ou bien encore 23F côté hublot, seule-en-scène de Mira Simova qui raconte l’histoire vraie d’un choc culturel. Imaginez une jeune Bulgare débarquée par amour au cœur de la campagne toulousaine et découvrant les petites habitudes et travers des Français. « Un petit bijou de comédie dramatique » promet Jean-Luc Falbriard. À ne pas rater dans une saison de pleine de kouleurs. c

Le Capitaine Sprütz va s’arrêter ?

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Vendenheim Tous les sons vibrent au Diapason

Pour Stéphane Litolff, responsable de la saison culturelle du Diapason-Pôle culturel à Vendenheim, « l’art et la culture transforment le monde et il était hors de question de tout arrêter ».

ès 2020, le Diapason a organisé les Estivales pour le plus grand plaisir d’un public « heureux de se retrouver en plein air ». Rééditée cette année, l’expérience a permis à l’équipe « de rester dans une dynamique sans être obligée d’attendre les annonces gouvernementales ». La Saison 2021-2022 s’enchaine dans la foulée, « dans une logique de reports », mais « avec un état d’esprit battant ». Dès le 16 septembre, retour vers le futur des années 1930 avec Hot for me, un « show vintage et feel good » concocté par les Sassy Swingers. Le 25, c’est CharlÉlie Couture en personne qui sera au Diapason dans un nouveau spectacle accompagnant la sortie CharlÉlie Couture de son nouvel album Trésors cachés & Perles sur : rares et celle de sa biographie aux éditions te lè p m ation co m.f r Archipel. Textes et musiques rock blues sur Programm vendenhei

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Schiltigheim Échappées belles… «

e moins que l’on puisse dire est que nous n’avons pas chômé », nous dit Julien Lesot, Directeur des affaires culturelles à Schillik. « Durant la période de fermeture des salles aux publics, nos équipes sont restées fortement mobilisées pour accueillir les artistes en résidences, proposer de nouveaux rendez-vous et lieux d’échanges professionnels. Nous avons également travaillé à la construction de la nouvelle saison qui fut un exercice complexe. Un vrai Tetris spectaculaire, entre reports, nouvelles créations et tournées, ce fut un sacré défi ». De la musique dans tous ses états, du théâtre, de la danse, du cirque, sans oublier la saison Récré Théâtre destinée au jeune public… Telles sont les lignes de force de cette nouvelle saison.

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scène, images à l’écran évoquant sa peinture, la bande-son d’une vie d’artiste en quelque sorte. Octobre sera théâtral, musical, nomade, chorégraphique, etc. À l’image d’une salle qui explore tous les possibles de l’émotion artistique et accueillera à l’orée de décembre les musiques on ne peut plus actuelles du « Collectif OH ! ». Le 7, gare aux Petites morts de la compagnie « Les oreilles et la queue », théâtre et clown de et avec la Strasbourgeoise Cécile Gheerbrant. Le 14, jonglage en délire avec la so british compagnie Gandini Juggling, sans compter les spectacles à voir en famille dans l’après-midi. Le Diapason vibre sur tous les tons et n’attend qu’à entrer en résonnance. Avec vous, avec nous tous. c

… et au pluriel s’il vous plait ! Car c’est bien ainsi que cette nouvelle programmation a été pensée : « à l’image des gens, multicolore et généreuse ». Avec comme enjeu principal : « retrouver nos publics et recréer du lien ». Une rentrée culturelle sous le signe de la légèreté, portée par le souffle de la trompettiste Airelle Besson. Un concert initialement prévu en février dernier au moment de la sortie de son nouvel album Try ! Disque enregistré entre deux confinements et qui marque les retrouvailles avec ses amis musiciens : Benjamin Moussay aux claviers, Fabrice Moreau à la batterie et Isabelle Sorling à la voix. De la légèreté, mais aussi de l’à-propos, avec ce nouvel album, Out, signé Kimberose, conçu comme une fenêtre s’ouvrant sur un monde nouveau. Celui de ce groupe français incarné par la chan- Kimberose teuse Kimberly Kitson Mills, sacrée nou : velle diva soul, à découvrir en live le let sur igheim.f r t e comp 17 décembre, aux portes de l’hiver, pour Programmterie.ville-schil let il .b w se donner chaud, chaud, chaud partout. c ww №42 — Septembre 2021 — Cultures


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Illkirch-Graffenstaden Du cœur à l’ouvrage à l’Illiade « Depuis octobre 2020, la situation n’a pas été évidente pour notre salle comme pour tous les acteurs culturels », confesse Laure Pierre, responsable de la communication de l’Illiade. «

Les Brünettes

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Programm

algré les dispositifs mis en place pour accueillir au mieux nos spectateurs avant les confinements et toute notre bonne volonté, nous avancions à l’aveuglette n’ayant que peu d’info en provenance du gouvernement sur une probable reprise. Nous avons pris notre mal en patience, continué à travailler sur nos projets ». Telle Pénélope rusant en attendant le retour d’Ulysse « faire et défaire sont devenus pendant un temps notre quotidien ». Cette fois l’ouvrage est bel et bien terminé, finement ciselé même. Entre spectacles reportés et nouvelles programmations, cette nouvelle saison s’annonce comme un beau voyage au fil de « 80 spectacles et plus de 120 représentations, le tout dispatché dans neuf offres thématiques » : Classique, Contemporain,

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Famille, Humour, Made in Alsace, Musique, Théâtre d’improvisation, Voyage autour du monde… Et ça commence drôlement fort en octobre avec Vérino toujours Focus sur son dernier spectacle (12/10) et les Brünettes, quatre Allemandes dans le vent qui reprennent le répertoire des Beatles a capella (30/10). En novembre, la 5e édition du Festival Le Mois Kréyol sera l’occasion de se redorer la pilule dans des jardins secrets, entre l’Afrique, la Caraïbe et l’Europe. Roméo et Juliette quant à eux danseront dans les pas du chorégraphe François Mauduit et au rythme de Jacques Brel (7/12). Sans oublier le théâtre jeune, voire très jeune public (dès six mois) et les impros de l’Inédit Théâtre. Tout est dit… y’a plus qu’à aller voir. c

Oberhausbergen Aux bonheurs du PréO Au « PréO Scène d’Oberhausbergen », « on veut croire à une vraie saison », s’enthousiasme Catherine Munch qui en est la chargée de communication. «

out au long de l’année, nous nous sommes tenus prêts et c’est finalement pour la dernière date de la saison que nous avons pu proposer à notre public le Comme à l’entraînement de la Compagnie des Ô. Humour, musique, théâtre, jeune public, danse, classique… la salle jouera de toutes les cordes de son arc lors de cette nouvelle saison qu’elle entamera le 2 octobre avec Le Potentiel érotique de ma femme de la compagnie C’est-pas-du-jeu. Une adaptation drôle et délicieusement cynique du roman de David Foenkinos à ne pas rater ! Toujours dans le registre de l’humour Cœur de moqueur de Frédéric Fromet en

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novembre et Tu penses donc je sais signé Frank Truong en décembre. Du théâtre aussi avec, en novembre, Les Pourquoi d’Hippolyte de Tanguy R. Bitariho et Chienne de vie / Life is a bitch proposé par Le Bleu d’Armand. De la musique bien sûr avec l’opéra piano La Chauve-souris, les Lettres d’amour de la Philharmonie de poche en octobre et Tim Dup en novembre introduit en première partie par la strasbourgeoise Lettres d’amour Claire Faravarjoo. Sans oublier la danse avec les battles de Hip Hop The circle of dancers proposé par r : lète su la compagnie MIRA en novembre. n comp io t a m Impossible de ne pas trouver son bon- Program o.f r -pre heur de spectateur ! c www.le №42 — Septembre 2021 — Cultures


c D O S S I E R – CULTURE DAN S L’E U ROM ÉT ROP OLE Véronique Leblanc

Philippe Delacroix

Ostwald Sources vives du Point d’eau

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umour en ouverture, mais la suite sera pluridisciplinaire. Théâtre, danse, cirque, spectacles jeune public, « il y en aura pour tous les goûts » dans une saison qui comptera « pas mal de reports avec des artistes qui ont hâte de remonter sur scène et une équipe tout aussi impatiente ». Côté théâtre, le Point d’eau entame la saison avec York, Henri VI-Richard III, le 25 septembre. 4h30 de spectacle avec entracte : Shakespeare en majesté ! Suivra, notamment, Invisibles de Nasser Djemaï, magnifique hommage aux Chibanis trois fois nominés aux Molières (novembre). « Pas mal de danse aussi » avec, entre autres, L’IniZio du chorégraphe Amine Boussa, spectacle où le hip-hop s’ouvre à d’autres esthétiques (octobre), Happy Diwali à l’heure indienne (novembre) ou bien encore My Land de la compagnie Recirquel qui mêlera cirque et danse (décembre). A noter aussi le retour des Wheepers Circus avec Panique dans la forêt, un spectacle où le jeune public ne devra… « jamais crier » (octobre). Habib Koité se produira le 29 octobre dans le cadre d’un partenariat avec « Afrique Festival ». Sans oublier le Rag’n Boogie de Sébastien Troendlé en novembre, la Flûte enchantée revisitée par trois chanteurs en décembre, un détour par New York avec Annie Hall en octobre et un par Londres en compagnie d’Oliver Twist en décembre… Des spectacles parmi bien d’autres. Rendez-vous sur le site ! c

« Avec les Scouts le 16 septembre, on commence très fort ! » se réjouit Mathieu Bernhardt, chargé de communication au Point d’eau d’Ostwald. Preuve s’il en est : « la billetterie a commencé à chauffer dès juillet » pour une Revue intitulée cette année Qu’est-ce qui foot à la Meinau ?.

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Invisibles de Nasser Djemaï.

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c D O S SI E R – CULTURES Jean-Luc Fournier

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Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg De la fondation du FEFFS à l’éventuelle gestion de l’Odyssée, la belle passion de Daniel Cohen.

Rencontre avec un homme qui paraît ne vivre que pour sa passion : le cinéma. Frustré par une année 2020 totalement blanche (Covid oblige), Daniel Cohen revient en force, dopé par l’enthousiasme et par des projets tous azimuts dont le retour du festival européen du film fantastique et… l’exploitation du cinéma municipal L’Odyssée pour laquelle son association postule.

’était le 10 juin dernier et Daniel Cohen, le directeur et fondateur du Festival européen du film fantastique de Strasbourg (FEFFS) s’asseyait devant nous sur une terrasse quasiment face au cinéma Star Saint-Exupéry, déclenchait son grand sourire XXL pour nous confirmer : « Oui, l’édition 2021 du FEFFS aura bien lieu, et quasiment sous sa forme habituelle : son format sur dix jours du vendredi 10 au dimanche 19 septembre, le retour des films en compétition : fantastique, animation, courts-métrages, rétrospectives et compétition cross-over sur des films qui sont à la frontière du genre comme les films noirs, par exemple. Le tout dans les salles strasbourgeoises Star, Vox et UGC, avec des jurys pour décerner les prix, l’Octopus d’or et le Méliès d’argent. Et outre la programmation cinématographique, il y aura la section Connexions, dédiée aux arts numériques, aux jeux vidéo et à la réalité virtuelle. Côté événements, mais là, je parle avec des guillemets parce qu’à l’heure où on se rencontre, je n’ai aucune certitude sur les contraintes réglementaires qui seront celles de la mi-septembre, notre idée est d’installer

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le traditionnel Village du Festival sur la place Saint-Thomas, qui est le moyen idéal pour découvrir la manifestation pour ceux qui ne la connaissent pas et le lieu de rencontres pour les festivaliers, avec des performances des artistes et des musiciens locaux. On souhaiterait aussi pouvoir réitérer la projection en plein air place de la Cathédrale, ce momentculte exceptionnel qu’on souhaite vraiment pouvoir offrir aux Strasbourgeois…Voilà l’essentiel de ce que nous souhaitons pouvoir proposer : si on y parvenait sans encombre, dans le contexte marqué par tout ce que nous avons vécu ces dix-huit derniers mois, ce serait formidable de pouvoir relever un tel défi… » conclut Daniel Cohen, passionné comme jamais et chaud-bouillant rien qu’à l’idée de pouvoir retrouver en septembre l’ambiance inimitable de « son » festival. On ne peut qu’encourager les lecteurs de notre magazine à consulter dès la lecture de ce papier le site du festival pour le programme actualisé et « tout frais » de l’événement. Mais c’est un autre dossier important qui occupe bien Daniel Cohen depuis des mois. Celui du renouvellement de la délégation de service public (DSP) de l’exploitation du cinéma municipal, l’Odyssée. « Notre association, Les Films du Spectre, a développé depuis longtemps beaucoup de rendez-vous autour du cinéma, comme les projections estivales en plein air ou les séances de films en réalité virtuelle en partenariat avec Seppia.

La gestion de l’Odyssée en ligne de mire… Bien sûr, en tant que cinéphiles strasbourgeois, l’Odyssée est cher à notre cœur : c’est un cinéma qui relève du patrimonial, un des plus vieux cinémas au monde encore en activité, et un des plus beaux aussi, que la municipalité des années 90 a eu l’heureuse idée de réhabiliter… Nous avons désormais une expérience de programmation de quinze ans et elle nous a mis en contact étroit avec les métiers du cinéma, les programmateurs, les distributeurs de films, les vendeurs internationaux, les cinémathèques, les producteurs, les réalisateurs et je №42 — Septembre 2021 — Cultures

L’affiche du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, édition 2021.

« Oui, l’édition 2021 du FEFFS aura bien lieu, et quasiment sous sa forme habituelle ! » Daniel Cohen (à gauche)

pense que ce savoir-faire pourrait être très utile pour l’Odyssée. Nous pensons que ce cinéma doit redevenir un lieu de rencontre convivial non seulement pour les publics, mais aussi pour les professionnels et les acteurs de l’ensemble de la filière locale du cinéma. C’est pourquoi nous avons initié la création d’une société coopérative d’intérêt collectif que nous avons appelée Cinémascoop. Le format coopératif nous est apparu comme la formule de gouvernance la plus adaptée pour intégrer les acteurs de la filière dans le projet. On a vraiment à Strasbourg un véritable vivier d’associations et de personnes qui déploient des savoir-faire étonnants, on a voulu les réunir autour d’un tel projet, de centraliser toutes ces énergies très positives à l’Odyssée. Autour de ce cinéma de programmation patrimoniale et de continuation, comme l’on dit (ce qui exclut toute concurrence avec les sorties nationales hebdomadaires – ndlr), des foules d’autres événements et d’initiatives trouveront leur place dans notre projet : la fiction, le documentaire, l’animation, le court-métrage, et nous pensons même pouvoir s’y faire rencontrer d’autres formes d’art… L’Odyssée a besoin de cette autre dynamique, de pouvoir toucher un public plus jeune, avec une communication plus claire, de façon à pouvoir rayonner davantage. C’est un défi, un gros challenge. Notre projet a été déposé le 6 juillet dernier, nous participons à des négociations avec la Ville de Strasbourg en vue de la réunion de la commission qui désignera le délégataire de la DSP à l’automne pour une prise de fonction début janvier 2022 et un début de programmation effective le 9 avril suivant, mais le cinéma sera exceptionnellement fermé tout le printemps et l’été prochains pour des travaux impérativement nécessaires qui ont été programmés par la Ville de Strasbourg... » conclut-il. c ustif e exha sur e gramm Le pro S est en lign al.com F iv F t s E F fe g u r d u trasbo www.s c D OS SI ER — Rentrée culturelle

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c D O S S I E R ­ – B IBL IOTHÈQUES IDÉA LES

es u q è h t o i l b i B s e L idéales, les livres ont pris le pouvoir !

Événemen t du 2 au 12 se

ptembre

Alban Hefti

Sur l’affiche, des grands noms comme s’il en pleuvait, mais aussi une foule de rendez-vous inédits… Une fois de plus, les BI vont donner le « la » d’une rentrée pas tout à fait comme les autres, marquée par une extraordinaire soif de rencontres culturelles. À la Cité de la Musique et de la Danse qui reste le QG de cet événement sans pareil et qui ouvre même de nouveaux espaces, dans les médiathèques, les librairies et même dans... les stations de tram, Strasbourg va proclamer une fois de plus son amour du livre et des auteurs pendant dix jours. Coup d’envoi le jeudi 2 septembre…

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c D O S SI E R ­ – B I BL IOTHÈQUES IDÉALE S Jean-Luc Fournier

Franck Disegni – DR

42 ans plus tard... La comète Starmania n’est pas prête de s’éteindre C’était le 10 avril 1979 au Palais des Congrès de la PorteMaillot à Paris. C’était le soir de la première de Starmania. Et, à l’instant précis des premières notes de musique de ce soir-là, personne, absolument personne, ne pouvait deviner que Starmania allait complètement enraciner la comédie musicale en France et que tant de générations allaient se partager le bonheur de fredonner ses inoubliables hits musicaux. Et une des chanteuses inconnues de ce spectacle allait crever l’écran dans le rôle de la serveuse-automate. Rencontre, plus de quatre décennies plus tard, avec la toujours délicieuse Fabienne Thibeault, devenue parisienne d’adoption, qui sera présente aux Bibliothèques idéales pour faire revivre un des plus grands événements musicaux français de tous les temps…

J’imagine que les souvenirs de votre entrée sur scène le 10 avril 1979 pour la Première de Starmania sont restés gravés dans votre mémoire. Vous aviez « le cœur battant la chamade et les jambes en coton » dites-vous dans votre livre. Il faut dire que Starmania a réussi à apparaître dans la lumière après nombre d’épisodes peu communs… Raconteznous tout ça…

Oui, vous avez raison. Starmania n’a pas du tout été facile à faire naître, en termes de production. À la fin des années soixante-dix, la comédie musicale n’était pas du tout un genre populaire en France. Le miracle est venu de Roland Hubert, un producteur, qui a accepté de prendre tous les risques. Il a décidé de programmer trente-trois dates pour Starmania au milieu d’une grande série de dates qu’il avait réservées pour une autre de ses productions, au Palais des Congrès. Ce point de départ va avoir ensuite son importance. Car notre opéra-rock – c’est comme ça que Michel Berger et Luc Plamondon appelaient leur Starmania – n’aura au final été joué que trente-trois fois dans sa version originale… Ça, on l’apprend dans votre livre. Et c’est quasiment stupéfiant tant notre imaginaire durant plus de quarante ans a réussi à associer étroitement le formidable succès de ces trente-trois représentations avec la légende de Starmania qui perdure encore aujourd’hui et qui traverse les générations…

Pas mal de choses se sont liguées à l’époque pour qu’on n’aille pas au-delà. Il y avait d’abord ce décor énorme, gigantesque, somptueux, qui n’avait pas du tout été prévu pour être remonté dans une autre salle. Par ailleurs, France Gall avait une petite fille qui était sérieusement malade et c’était très compliqué pour elle d’aller au-delà des dates initiales. Il y avait aussi Daniel Balavoine qui avait débuté une énorme ascension avec son hit « Le chanteur » et qui n’avait pas d’autres disponibilités. Et puis, Diane Dufresne n’était pas chaude pour continuer, elle qui n’était déjà pas trop entichée du travail en commun dans une comédie musicale. Comment êtes-vous arrivée personnellement dans ce casting ? À l’époque, vous étiez totalement inconnue en France et votre notoriété au Québec était balbutiante…

Je suis née en 1952, fille de parents paysans qui étaient venus s’installer à la ville au début des années cinquante. Mon père, devenu alors maçon et qui n’avait 56

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jamais été scolarisé souhaitait absolument que ses enfants fassent des études. J’étais douée à l’école, sincèrement, et le reste du temps, je chantais dans ma famille où tout le monde aimait chanter, nous étions des gens simples, catholiques, mais pas grenouilles de bénitier, qui aspirions tous à une vie meilleure. Jamais l’idée de faire une carrière dans le show-business ne m’a effleurée. On arrive dans les années soixante-dix, c’est l’époque où on souhaite tous refaire le monde, les jean’s, les cheveux longs, Dylan… Je suis à l’université et pour gagner quelques sous, je chante dans des cafés, dans des petits festivals… C’est dans l’un d’entre eux qu’un programmateur m’a repérée et m’a proposé de faire un album, puis un autre, puis un troisième. Pour autant, je vis ma vie, j’avance, je n’ai pas du tout l’ambition de devenir chanteuse à plein temps, pas du tout, d’autant que je suis tout juste alors diplômée en sciences de l’éducation et que j’ai un emploi qui m’attend. Et c’est comme ça que Luc Plamondon finit par me proposer ce rôle dans Starmania. À cette époque, avec mes longs cheveux et mes lunettes cerclées, l’air de rien, j’observe. J’observe №42 — Septembre 2021 — Cultures

« À la fin des années soixante-dix, la comédie musicale n’était pas du tout un genre populaire en France. »

De gauche à droite : Luc Plamondon, Fabienne Thibeault et Michel Berger : personne n’a oublié leur coup de maître de 1979

tout et sans cesse. C’est un peu ce que fait la serveuse-automate de Starmania, non ? (rires) Tout le travail qui a abouti à la Première d’avril 1979 a été marqué par pas mal de difficultés. Rien n’a été simple…

Oh non ! Nous autres Français et Québécois, nous n’avions alors aucune expérience et aucun savoir-faire en matière de comédie musicale, qui était un genre seulement pratiqué par les Américains et les Anglais. Donc nous apprenions au fil des jours, tous ensemble. Et puis, nous ne nous connaissions pas beaucoup : nous n’avions ni le même rythme de vie au quotidien, ni la même mentalité, ni la même façon de voir et vivre les choses. On n’a pas la même langue, les mots d’un côté et de l’autre de l’Atlantique peuvent ne pas vouloir dire la même chose et certains n’existent carrément pas en français ou en québécois. Par ailleurs, le metteur en scène de Starmania c D OS SI ER — Événement

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« Ce n’est que plus tard, bien après ces trente-trois représentations, que j’ai pu mesurer l’ampleur de ce qui s’était passé là. »

est américain, il perçoit les Québécois comme des Nord-Américains et les Français comme des Parisiens, avec une image un peu mythique. Il trouve les Français capricieux et chiants et nous perçoit nous les Québécois comme des gens disciplinés. Par-dessus tout ça, on n’a eu qu’un mois de répétitions et tout ça sous l’œil permanent des journalistes qui ont été omniprésents, car le producteur en avait fait des tonnes pour les booster tellement il avait peur du plantage. Enfin, pour expliquer les difficultés rencontrées, il ne faut pas non plus passer sous silence les égos des uns et des autres. France Gall et Diane Dufresne sont des stars, Balavoine est en train d’en devenir une : aucun n’était un petit jeune débutant à qui on pouvait donner facilement des ordres… Comment a-t-on pu, à l’époque, expliquer le succès immédiat et retentissant de Starmania ?

Je crois que sa thématique très moderne était complètement branchée sur son époque, au contraire des grands succès anglo-saxons souvent basés sur l’adaptation d’œuvres très littéraires, comme on a pu le voir avec Les Misérables, à l’affiche à Londres depuis des temps immémoriaux. Starmania parlait des jeunes des années soixante-dix et de ce qu’ils allaient devenir.

Vous concernant plus directement, votre succès a été immédiat lui aussi. Cela tient sans doute au fait que c’est vous qui chantiez les quelques morceaux qui sont depuis passés à la postérité… Comment avez-vous réagi face à ce succès soudain ?

Très honnêtement, je ne m’en suis pas trop aperçue sur le coup. Ça passe vite trente-trois représentations… C’est une question d’éducation à mon avis, c’est assez difficile à expliquer, en fait. Je n’ai jamais été capable de parler de « mon » public, jamais je n’ai évoqué « mon public qui m’aime » ou ce genre de choses. Encore aujourd’hui, je suis infiniment reconnaissante à tous ces gens de m’avoir tant appréciée lors de Starmania et ensuite. Tout au long de mon 58

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parcours, j’ai eu besoin, en même temps que la scène, de mener des projets pédagogiques, ou d’animer des ateliers de création de spectacles. Le show-biz, au sens traditionnel du terme, n’a jamais été, et de loin, mon seul univers. Ce n’est que plus tard, bien après ces trente-trois représentations, que j’ai pu mesurer l’ampleur de ce qui s’était passé là. J’ai notamment réalisé que Starmania avait été un tournant pour le genre de la comédie musicale en France. Starmania a défriché le terrain en quelque sorte… On va tout savoir sur la scène des Bibliothèques idéales le 9 septembre prochain. Promettez-nous d’ouvrir au maximum la boite aux souvenirs…

Bien sûr, très volontiers. Je vous le promets. Je me réjouis vraiment de venir à Strasbourg, on va vous concocter une superbe soirée… c №42 — Septembre 2021 — Cultures



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Sélection Or Norme Notre sélection dans le programme des dix jours des Bibliothèques idéales Retrouvez le programme complet de tous les événements des BI sur www.bibliotheques-ideales.strasbourg.eu

JEUDI 2 SEPTEMBRE à 20h30

Concert-Lecture Mémoire et Espoir : 76e Anniversaire de la libération des déportés

VENDREDI 3 SEPTEMBRE à 18h

Rencontre Susie Morgenstern et Catherine Cusset. Qu’est-ce qu’une vie heureuse ?

Juif, Tzigane, Manouche, Homosexuel, Handicapé, toutes ces différentes communautés ont été persécutées par l’appareil nazi. Cette grande soirée d’ouverture rendra hommage aux déportés et témoignera sur la déportation. Textes, lectures, musiques et paroles publiques seront le fil rouge de cette soirée. c Spectacle avec : Grégory Ott, piano jazz et Marcel Loeffler sur un répertoire Tzigane ; Astrid Ruff, chants yiddish ; Isabelle Durin, violon ; Ensemble Enge, musiques Tziganes ; Final collectif sur un titre, proposition : Les yeux noirs. Cité de la Musique et de la Danse/Auditorium Catherine Cusset

Croisement de destinée sur le plateau des Bibliothèques Idéales. L’écrivain vedette de la littérature jeunesse Susie Morgenstern est l’une des plumes les plus sensibles de la littérature française contemporaine. Sa vie est exceptionnelle. Née aux États-Unis, adoptant la France par amour, elle écrit son autobiographie comme une suite de dix-huit exils. Naître en étant expulsée du ventre de sa mère, être cataloguée comme une intello et renoncer à être jolie fille, laisser sa terre natale pour s’expatrier en Israël puis en France, s’oublier pour devenir mère, perdre l’amour de sa vie et en retrouver un autre. Un hymne à la vie jubilatoire. Catherine Cusset dresse la fresque d’une époque, des années 1980 à nos jours et pose un regard singulier sur le rapport des femmes au corps et au désir, sur l’amour, la maternité, le vieillissement et le bonheur. c Rencontre avec Susie Morgenstern, Mes 18 Exils (L’Iconoclaste) et Catherine Cusset, La définition du bonheur (Gallimard). Cité de la Musique et de la Danse/Auditorium

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SAMEDI 4 SEPTEMBRE à 13h

Rencontre Raphaël Glucksmann, Sa lettre à la jeunesse Les Bibliothèques Idéales au centre de la réflexion citoyenne ! Contre les discours catastrophistes qui présentent l’effondrement climatique comme inexorable, contre les fatalistes qui considèrent la globalisation financière, les délocalisations et l’explosion des inégalités comme inéluctables, Raphaël Glucksmann lance un appel à la génération qui peut et va tout changer selon lui. Pour en finir – avec la servitude volontaire et le sentiment d’impuissance généralisé,

il s’en remet à la capacité d’action de toute une génération déterminée. Raphaël Glucksmann, essayiste, est auteur de plusieurs best-sellers : Génération gueule de bois (2015), Notre France (2016), Les Enfants du vide (2018). Il est cofondateur du mouvement « Place publique » et député européen. Suivi par plus de 600 000 personnes sur Instagram – essentiellement des jeunes – il utilise les réseaux sociaux comme outils de mobilisation. c

Rencontre avec Raphaël Glucksmann, Lettre à la génération qui va tout changer (Allary Éditions). Cité de la Musique et de la Danse/Auditorium

SAMEDI 4 SEPTEMBRE à 18h

SAMEDI 4 SEPTEMBRE à 14h30

Rencontre Cécile Coulon et Adeline Dieudonné, Des incendies littéraires

© Astrid di Crollalanza

Rencontre-lecture Philippe Torreton raconte la Grande Guerre et lit Jean Giono et les textes humanistes. La vie plus forte que la guerre

Cécile Coulon

Que savent les nouvelles générations de l’expérience du feu, de la guerre, des charniers immenses, des pluies d’obus à n’en plus finir ? Rien ou presque. Philippe Torreton nous raconte comme personne les arbres, les tranchées, la poésie, les tourments d’un homme et l’espoir du monde. Acteur français passionné du verbe, des mots et de l’écriture, Philippe Torreton, César du meilleur acteur pour Capitaine Conan, Molière du comédien en 2014 pour Cyrano de Bergerac, a déjà publié de nombreux ouvrages dont les best-sellers Mémé (2014) et son premier roman Jacques à la guerre (2018). c

Adeline Dieudonné

Rencontre au sein des Bibliothèques Idéales entre deux autrices contemporaines et iconoclastes qui partagent une même maison. Suite à l’événement littéraire que fut l’édition de son premier recueil de poésie, Les Ronces, Cécile Coulon prolonge l’aventure avec la publication de ce nouveau roman, Seule en sa demeure. Elle a frappé fort il y a trois ans avec son premier roman La vraie vie. Adeline Dieudonné fut la révélation de la rentrée littéraire 2018 et nous est revenue au printemps dernier avec son livre Kérozène. Comme dans son premier roman, La Vraie Vie, l’autrice campe des destins délirants, avec humour et férocité. c Rencontre avec Cécile Coulon, Seule en sa demeure (L’Iconoclaste) et Adeline Dieudonné, Kérozène (L’Iconoclaste) proposée et animée par la Librairie Gutenberg Cité de la Musique et de la Danse/Auditorium

Rencontre et lecture de Philippe Torreton, Une certaine raison de vivre (Robert Laffont) et L’homme qui plantait des arbres (Gallimard) de Jean Giono. Cité de la Musique et de la Danse/Salle 20 №42 — Septembre 2021 — Cultures

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c D O S SI E R – B I BL IOTHÈQUES IDÉA LES SAMEDI 4 SEPTEMBRE à 18h30

Lecture musicale John Lennon et Les Beatles Soirée évocatrice de John Lennon et des Beatles au cœur des Bibliothèques Idéales. Entre musique et littérature, autour des livres de Hugues Blineau, Vies et morts de John Lennon, Le jour où les Beatles se sont séparés  (Ed.Médiapop). Hugues Blineau sera accompagné par Thomas Poli (musicien, de Dominique A, Miossec ou Yann Tiersen). c

Rencontre Amandine Gay, Elizabeth Colomba, Aurélie Lévy et Jennifer Padjemi. Afro-Féminisme, des identités plurielles © Otto Zinsou

Création originale de Hugues Blineau et Thomas Poli proposée et animée par la Librairie Ehrengarth. Cité de la Musique et de la Danse/Salle 20

DIMANCHE 5 SEPTEMBRE à 11h

Amandine Gay

Parler d’intersectionnalité dans la lutte féministe, c’est prendre conscience que la condition objective de chaque femme, sa couleur de peau, son orientation sexuelle, son lieu de naissance, l’origine de sa parentalité sont autant d’éléments constitutifs d’identités singulières et politiques, qui méritent d’être prises au sérieux. Amandine Gay se définit comme femme, noire, pansexuelle et adoptée. Quatre dimensions d’une identité qui collent à la peau de la réalisatrice, sans cesse rappelées. Tout comme son héroïne, l’artiste Elizabeth Colomba est d’origine martiniquaise et a immigré à Harlem pour se faire un nom. Devenue une peintre reconnue aux États-Unis, spécialisée en art postcolonial, elle a été fascinée par l’histoire de Stéphanie Saint Clair et

a très vite décidé qu’elle essaierait de lui redonner une place dans l’Histoire. Elle a trouvé la coscénariste parfaite en la personne de sa meilleure amie, Aurélie Lévy. Celle-ci étant documentariste et fille d’immigré juif, les thèmes de l’exil et de l’adversité culturelle ne lui étaient pas étrangers. Les deux femmes s’étaient rencontrées à la fin des années 1990 à Hollywood quand elles avaient vingt ans et chassaient toutes les deux leur part du rêve américain… Journaliste indépendante spécialiste des questions de société, Jennifer Padjemi explore l’alliance, pour le meilleur et pour le pire, du féminisme et de la pop culture. Elle aussi prend part à la lutte féministe intersectionnelle (du mouvement body positive en passant par #MeToo). c

Rencontre avec Amandine Gay, Une poupée en chocolat (La Découverte), Elizabeth Colomba et Aurélie Lévy, Queenie, la marraine de Harlem (Éditions Anne Carrière) et Jennifer Padjemi, Féminismes & Pop Culture (Stock) Cité de la Musique et de la Danse/Auditorium

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DIMANCHE 5 SEPTEMBRE à 14h

Rencontre Delphine Horvilleur. Son formidable hymne à la vie

DIMANCHE 5 SEPTEMBRE à 20h

Concert Louis Aragon en sa Bibliothèque idéale

© JF PAGA

Malencontreusement absente de l’édition précédente, Delphine Horvilleur renoue avec les Bibliothèques Idéales. « Nous sommes désespérément en quête d’histoires qui nous consolent. » Venez partager cette ode à la vie qui explore notre rapport à la finitude et l’importance des mots, prononcés ou sur papier, pour apprivoiser cette drôle de danse entre vivants et disparus. Raconter ses deuils pour mieux comprendre les vivants ? Dans un nouveau livre drôle et bouleversant, la rabbin iconoclaste met des mots justes sur notre époque et ses fantômes. Et, pour la première fois, se dévoile un peu. c Rencontre avec Delphine Horvilleur, Vivre avec nos morts  (Grasset) Cité de la Musique et de la Danse/Auditorium DIMANCHE 5 SEPTEMBRE à 15h

© Hannah Assouline

Rencontre Étienne Klein et Enki Bilal. L’impromptu des Bibliothèques Idéales

© Hannah Assouline

Enki Bilal

Étienne Klein

Rencontre impromptue entre le physicien et philosophe des sciences Étienne Klein et le dessinateur culte au trait si reconnaissable Enki Bilal. Tous deux réunis sur le plateau des Bibliothèques Idéales, ils parleront des livres de leur vie et de leurs influences. Monstre sacré de la bande dessinée avec des opus comme La Foire aux immortels, Partie de chasse ou Les Phalanges de l’Ordre noir, réalisateur de cinéma (Bunker Palace Hôtel, etc.), peintre ou encore plasticien invité à la Biennale de Venise. Enki Bilal est inclassable. Le maître de la bande dessinée moderne se raconte pour la première fois dans un livre L’homme est un accident et à travers une exposition DéconstruKt (galerie Artcurial à Paris du 6 juillet au 9 septembre 2021). Chantre de la vulgarisation scientifique attaché à la nuance, producteur de la Conversation Scientifique sur France Culture, Étienne Klein n’a cessé de rappeler la différence entre corrélation et causalité tout au long de cette période de grande confusion que fut et reste la pandémie de Covid-19. c

Louis Aragon, créateur aux multiples visages, romancier, essayiste, critique d’art, polémiste et poète, l’auteur de l’Affiche rouge inspirera de nombreux chanteurs, de Brassens à Ferré ou à Ferrat. Il commence sa carrière d’écrivain en 1919 en fondant la revue Littérature avec André Breton. En 1921 il a fondé le mouvement surréaliste avant de devenir « un poète au service de la révolution ». Dépassant le vieux débat sur les rapports entre chanson et poésie, Aragon, présentant le disque de Ferré consacré à ses poèmes, écrira : « La mise en chanson d’un poème est à mes yeux une forme supérieure de la critique poétique. » Les poèmes d’Aragon se prêtent, il est vrai, particulièrement bien à leur passage en chanson : ils reposent sur une métrique rigoureuse, des rimes riches, un rythme bien marqué ; ils renferment surtout des images simples, vigoureuses, dont les symboles, à la fois clairs et évocateurs, sont exprimés en formules frappantes pour l’auditeur : « Nous étions faits pour être libres », « Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre », « Que cette heure oubliée au cadran d’une montre ». c Concert de Gérard Daguerre, piano, arrangements ; Aurélien Noel, accordéon ; Andy Cock, Julie Victor et Charlotte Vix, chant. Cité de la Musique et de la Danse/Auditorium

Rencontre avec Étienne Klein et Enki Bilal Cité de la Musique et de la Danse/Auditorium

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c D O S SI E R – B I BL IOTHÈQUES IDÉA LES VENDREDI 10 SEPTEMBRE à 20h30

VENDREDI 10 SEPTEMBRE à 17h

Kaoutar Harchi

Nina Bouraoui

© Patrice Normand

Rencontre Kaoutar Harchi et Nina Bouraoui. Les exilées de l’intérieur

« J’ai souhaité retranscrire au plus près cet état d’éveil, de peur et de colère provoqué par la découverte soudaine que nous – jeunes filles et jeunes garçons identifiés comme musulmans, que nous le soyons ou pas d’ailleurs – étions perçus en France, par la France, comme un problème public. Une injustice à laquelle nous devons mettre fin » Kaoutar Harchi. Ce récit autobiographique retrace le cheminement sensible et intellectuel d’une enfant de l’immigration postcoloniale, animée par un désir de justice, née à Strasbourg. De son plus jeune âge l’écrivaine aujourd’hui se souvient. Après le succès d’Otages, Nina Bouraoui nous offre une nouvelle voix de femme incandescente, celle de Mme Akli qui confie à ses carnets sa mélancolie, son âme d’exilée, la complexité d’être une femme française dans l’Algérie des années 70. Un roman envoûtant, brûlant, sensuel et poétique qui réunit toutes les obsessions littéraires de Nina Bouraoui : l’enfance qui s’achève, l’amour qui s’égare, le désir qui fait perdre la raison. c Rencontre avec Kaoutar Harchi, Comme nous existons (Actes Sud) & Nina Bouraoui, Satisfaction (JC Lattès) Cité de la Musique et de la Danse/Auditorium

Spectacle Gainsbourg ? Affirmatif ! Marathon Gainsbourg en deux parties

1re partie Rencontre en musique Rencontre en musique avec Bradney Scott, bassiste, arrangeur, accompagnateur des plus grands artistes dont Bashung, Pierre Terrasson, photographe de la scène rock française et complice de Gainsbourg, Florent Richard, interprète de Gainsbourg et Aude Turpault, auteur de 5bis, rue de Gainsbourg. Conférence animée par Frédéric Marc, Radio Perfecto. Projection d’un montage d’archives INA, chansons et projection de photos. Sur scène, lecture du texte de Nathan, jeune de 20 ans, fan de Gainsbourg « pourquoi célébrer Gainsbourg »

2e partie Concert Sur le plateau des Bibliothèques idéales, retrouvez Gérard Daguerre entouré d’une section rythmique de rêve : Bruno Bongarçon, guitares, Jean-Luc Dayan, batterie et Jean-Luc Pagny, basse et trombone ! L’immense musicien, pianiste et arrangeur de Barbara nous a concocté un concert hommage à Gainsbourg. Entourés d’un rare Quatuor à cordes de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, deux jeunes chanteuses et un chanteur interprètent Gainsbourg : Léopoldine HH, Anne-Lise Heimburger et Roberto Jean. c Rencontre et Concert : Gainsbourg ? Affirmatif ! Cité de la Musique et de la Danse/Auditorium

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SAMEDI 11 SEPTEMBRE à 12h

DIMANCHE 12 SEPTEMBRE à 14h30

Rencontre Guillaume Meurice et Isabelle Sorente. Histoire et littérature, un couple idéal ?

Rencontre Niklas Frank et Philippe Sands. La proximité du mal. Un héritage nazi : Ce que nos pères ont fait.

Les Bibliothèques Idéales ont réussi l’exploit de réunir à Strasbourg les deux fidèles de l’émission de France Inter « Par Jupiter ! » : Guillaume Meurice et Isabelle Sorente. Ils s’interrogent sur les rapports éternels de l’Histoire et de la littérature. Qui inspire l’autre ? L’humoriste Guillaume Meurice, auteur de Cosme évoque les bouffons du Roi. Où sont les limites de la liberté ? Le pouvoir tolère-t-il vraiment le rire ? Lorsqu’elle est permise par un roi, l’irrévérence fait-elle révérence ? Isabelle Sorente s’intéresse au destin des Malgré-nous, enrôlés de force dans l’armée allemande. La faute, le secret, mais aussi la puissance mystique de la nature sont au cœur de son nouveau roman envoûtant. Que faire de ce lourd héritage ? c Rencontre avec Guillaume Meurice, Le roi n’avait pas ri (JC Lattès) et Isabelle Sorente, La femme et l’oiseau (JC Lattès) Cité de la Musique et de la Danse/Auditorium

Philippe Sands

DIMANCHE 12 SEPTEMBRE à 14h

© Richard Dumas

Rencontre Camille Emmanuelle et Morgan Sportès. L’écriture du réel à son meilleur. La trajectoire insoutenable des victimes et des terroristes.

Le 8 septembre s’ouvrira le procès du Bataclan, prévu pour durer six mois. 1750 personnes, victimes et proches de victimes, se sont constituées parties civiles. Camille Emmanuelle et Morgan Sportès débattent au plus près du réel sur les terroristes et les victimes. Enquête incarnée et ultra documentée. Camille Emmanuelle est journaliste gonzo et s’intéresse aux questions de sexualité, de genre et de féminisme. Le 7 janvier 2015, elle accompagne son mari, Luz, dessinateur de Charlie Hebdo et rescapé des attentats, pour un entretien psychologique à l’hôpital. Et commence le parcours du combattant du sort des aidants. Elle va à la rencontre d’autres proches

L’auteur et journaliste Niklas Frank nous livre un document unique sur ce que représente le fait d’être l’enfant d’un des plus hauts dignitaires du IIIe Reich, dans une langue brutale. Voici un livre d’une violence extrême, dirigée contre un père, mais pas n’importe lequel : Hans Frank, ministre d’Hitler, puis gouverneur général de la Pologne occupée par les nazis – responsable, à ce titre, de la majeure partie des camps d’extermination – pendu en 1946 après avoir été reconnu coupable au procès de Nuremberg pour complicité dans l’assassinat de 3 millions de Juifs de Pologne. Niklas Frank, trop jeune à l’époque pour comprendre ce qui se passait, était cependant déjà habité par un sentiment d’amour/haine à l’égard d’un père dont il avait très vite décelé les mensonges. Niklas Frank est l’un des personnages au cœur du récit de l’avocat juif britannique internationalement reconnu Philippe Sands, Retour à Lemberg. Philippe Sands, dont le grand-père Leon Buchholz vivait dans la zone commandée par le père de Niklas Frank surnommé le « Boucher de Pologne » et qui a perdu la majorité de sa famille pendant l’Holocauste, a été sidéré par la lecture de la lettre d’un fils à son père qui entre en collision avec les faits immuables de l’Histoire et prolonge son enquête. c

de victimes, de psys, d’avocats, de sociologues. Avec honnêteté, émotion et parfois même un regard amusé, elle décrypte cette expérience de vie, rarement évoquée et pourtant loin d’être unique. Morgan Sportès, l’auteur de L’Appât, reconstitue la trajectoire erratique de jeunes candidats au djihad, d’attentats manqués en problèmes d’intendance, de fanatisme religieux en disputes d’amoureux. Une photographie glaçante de l’époque. Il croque dans un style hyperréaliste et – sombrement ironique – une galerie de portraits inquiétants : le visage d’un pays mal connu qui est le nôtre pourtant, la France Rencontre en présence de Niklas Frank, Le père. Un règlement de compte (Plein Jour) du XXIe siècle mondialisée. c

Rencontre avec Camille Emmanuelle, Ricochets (Grasset) et Morgan Sportès, Les djihadistes aussi ont des peines de cœur (Fayard) Cité de la Musique et de la Danse / Salle 20 №42 — Septembre 2021 — Cultures

Niklas Frank

et Philippe Sands, Retour à Lemberg (Albin Michel) et La filière (Albin Michel) Cité de la Musique et de la Danse/Auditorium

c D OS SI ER — Événement

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a C U LT U RE – L A MARS EIL L A IS E Véronique Leblanc

M. Bertola / Musées de Strasbourg

EXPOSITION

LE SOUFFLE DE LA MARSEILLAISE « La Marseillaise n’est pas qu’un pan d’histoire, elle est aussi une inspiration », souligne Monique Fuchs conservatrice du musée historique de la ville de Strasbourg. Avec Alain Chevalier, conservateur du Musée de la Révolution française de Vizille et Fabrice Denise, conservateur du musée d’histoire de Marseille, elle a assuré le commissariat d’une exposition-somme consacrée à l’hymne national français.

résenté dans les trois villes, cet événement fera étape au musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg du 5 novembre au 20 février prochain. Plurisciplinaire, cette exposition explore l’histoire de La Marseillaise – « en démontrant au passage qu’elle a bien été créée à Strasbourg par Rouget de Lisle et non à Vienne par Pleyel », précise Monique Fuchs – et la replace dans les registres de la musicologie et des arts visuels. Georges Heck, historien du cinéma a été essentiel dans « notre gros travail d’équipe », relève la commissaire. 73 films seront évoqués dans le « salon cinéma » de l’exposition, Casablanca avec Humphrey Bogart et Ingrid Bergman bien sûr… mais aussi La Grande Illusion de Jean Renoir, Jules et Jim de Français Truffaut, et tant d’autres…

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Mathieu Schneider, maître de conférences en musicologie et vice-président de l’Université de Strasbourg, déclare quant à lui avoir été ravi quand Paul Lang, directeur des musées de Strasbourg, lui a proposé de participer au projet. « Je n’avais jamais eu l’occasion d’explorer un hymne national. Tout comme God save the queen, La Marseillaise a été la matrice de bien d’autres. »

« NAPOLÉON N’EN ÉTAIT PAS FAN » « Conçue comme chant de guerre pour que les armées aillent porter la Révolution en Allemagne », dit-il, « elle est devenue l’emblème du soulèvement des peuples » ce qui explique, souligne Monique Fuchs, que lorsqu’un empereur ou un roi est au pouvoir, elle est interdite. « Napoléon n’en était pas fan… Louis XVIII l’a interdite », ajoute№42 — Septembre 2021 — Cultures

t-elle, malicieuse. Sans compter que Pétain l’a bannie… Devenue chant révolutionnaire lors des fêtes civiques, elle a accompagné bien des rébellions : en Amérique latine et en Pologne au XVIIIe siècle, pendant la Révolution russe en 1917, lors de la longue Marche de Mao entre 1934 et 1935, Place Tienanmen en 1989 ou bien encore lors de la chute du mur de Berlin. « Nous avons conçu un parcours immersif où l’on peut entendre tant des chants populaires que du jazz ou des classiques tels que Tchaikowsky, Schubert, Wagner, Liszt… » précise Mathieu Schneider. Sans oublier Berlioz dont il présentera une « Marseillaise » conçue par le compositeur « pour tout ce qui a une voix, un cœur et du sang dans les veines » à l’Opéra du Rhin, le 6 novembre. « Une Marseillaise pour tous » à entonner sans modération lors de ce concert participatif. a

Isidore Pils, Rouget de Lisle chantant la Marseillaise pour la première fois, 1849

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a C ULT U RE – L A MA RS EIL L A IS E Véronique Leblanc

Archives DNA / Christian Lutz-Sorg

aurent Balandras, éditeur musical, relate cet épisode strasbourgeois dans son livre La Marseillaise de Gainsbourg, anatomie d’un scandale. Il y revient sur l’enregistrement en Jamaïque en janvier 1979 avec les musiciens de Bob Marley. Aux armes et caetera. Et en reggae s’il vous plaît.

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« Profanation » s’insurge le journaliste Michel Droit six mois plus tard. Dans un article du Figaro, il crucifie un hymne national « vomi en bribes » et s’acharne sur « la pollution ambiante qui émane de la personne de Gainsbourg et de son œuvre ». Pire, il accuse l’artiste de réveiller l’antisémitisme et d’infliger ainsi « un mauvais coup dans le dos » à ses « coreligionnaires ». L’attaque est ignoble. « Droit me renvoie dans le ghetto » répond Gainsbourg qui porta l’étoile jaune et fut séparé de ses parents pendant la guerre. « Ma version est celle d’une musique révolutionnaire pour un chant révolutionnaire », ne cessera de répéter « l’insoumis » pendant que l’« Union nationale des parachutistes », chauffée à blanc par la polémique tentait de faire interdire son concert de Strasbourg, ville natale de La Marseillaise.

PHOTO-CULTE À STRASBOURG, GAINSBOURG A MIS LES PARAS AU PAS La photo est devenue mythique. Prise par Christian Lutz-Sorg au Rhenus de Strasbourg le 4 janvier 1981, elle immortalise l’artiste, poing serré entonnant une Marseillaise a capella devant des paras venus en découdre, mais contraints à chanter avec lui. 68

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La photo raconte la suite : les musiciens effrayés repartis vers Bruxelles et Gainsbourg qui décide d’affronter seul plusieurs dizaines d’extrémistes venus se mêler au public. Il désamorça la tension, mais, écrit Laurent Balandras, Gainsbarre est né de la profonde dépression qui l’assaillit à l’époque. Sans compter, ajoute l’auteur, que cet épisode marqua le réveil de l’antisémitisme en France. Invité dans le cadre de l’exposition « La Marseillaise » organisée au musée d’Art moderne et contemporain, Laurent Balandras reviendra sur ces événements le 23 novembre à 18h30, lors d’une conférence qui se tiendra dans l’auditorium des musées de la Ville de Strasbourg. a №42 — Septembre 2021 — Cultures


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a CULTUR E – HOMMAGE Véronique Leblanc

Alban Hefti

HOMMAGE GAINSBOURG FOREVER Gainsbourg ? Affirmatif ! Et plutôt deux fois qu’une. Trente ans après la disparition de l’artiste, une batterie d’événements lui rendront hommage cet automne, à Strasbourg mais surtout à Erstein. Photo, de gauche à droite : Mélina Napoli, responsable INA Grand Est, Michelle Ruffenach et Roland Garcia adjoint à la culture de la Ville d’Erstein

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ux manettes : Michelle Ruffenach, une passionnée d’art et de musique, proche du parolier Jean Fauque avec lequel elle avait déjà monté l’exposition « Elsass Blues » consacrée à Bashung dans sa galerie du Boulevard de la Victoire. Proche aussi de Pierre Terrasson qui immortalisa la scène rock nationale et internationale et fut le photographe officiel de Gainsbourg dans les années 80. Grâce à ce carnet d’adresses horsnorme et à la confiance de Frédéric Marc de Radio Perfecto qui l’a missionnée, Michelle a pu élaborer un vaste et beau projet. Qu’on en juge…

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UN MOIS ET CAETERA À ERSTEIN À Erstein une exposition organisée en collaboration avec le service de la culture, l’INA et Radio Perfecto présentera des photographies de Pierre Terrasson en regard d’œuvres des Street artistes Jean Yarps et Jérôme Mesnager. Gainsbourg confidentiel, Gainsbourg et ses muses, Gainsbourg et le cinéma, histoires des chansons, sans oublier Gainsbarre le sulfureux avec une alcôve « Interdit aux moins de 18 ans ». À découvrir… on the beat. Pour aller plus avant dans la découverte de l’« homme à la tête de chou », des conférences et rencontres se tiendront chaque week-end, entre le 8 octobre au 14 novembre, en parallèle d’un volet 7e art qui sera proposé par le cinéma « Amitié ». Un happening aussi avec la métamorphose de l’un des murs de la médiathèque en une réplique de la façade de l’hôtel particulier qu’habitait Gainsbourg au 5bis rue de Verneuil à Paris. « Cela fonctionnera comme une tapisserie réalisée d’après un cliché de Pierre Terrasson agrandi, découpé et réassemblé morceau par morceau. Une fois l’œuvre reconstituée, Jean Yarps et Pierre Terrasson en lanceront le taggage ». À charge pour les visiteurs de poursuivre l’hommage. Dernier point, note Michelle, les master class menées auprès des élèves des écoles d’arts plastiques et de musique. Celle du musicien auteur№42 — Septembre 2021 — Cultures


compositeur Bradney Scott se clôturera par un concert Gainsbourg auquel il a consacré un album hommage.

NUITS GAINSBOURG À STRASBOURG À Strasbourg en novembre, c’est à la salle Blanche de la librairie Kléber qu’il faudra se rendre pour découvrir une autre expo photos, toujours de Pierre Terrasson. Plus resserrée que celle d’Erstein – volume des lieux oblige – elle sera également complétée d’archives de l’INA et de la SACEM. Tout comme le cinéma d’Erstein, le  STAR de la rue du Jeu des enfants présentera une programmation Gainsbourg. En prélude à ce foisonnement de manifestations, ne manquez pas la soirée №42 — Septembre 2021 — Cultures

« GAINSBOURG CONFIDENTIEL, GAINSBOURG ET SES MUSES, GAINSBOURG ET LE CINÉMA, HISTOIRES DES CHANSONS, SANS OUBLIER GAINSBARRE LE SULFUREUX. »

hommage organisée le 10 septembre à la Cité de la musique et de la danse dans le cadre des « Bibliothèques Idéales ». Pierre Terrasson, Bradney Scott y sont conviés, de même que Aude Turpault qui noua avec l’artiste une amitié de plusieurs années racontée dans son livre 5 bis et Florent Richard qui signe un album hommage intitulé Initiales SG. Tous évoqueront « leur » Gainsbourg. Suivra un concert concocté par Gérard Daguerre, pianiste et arrangeur de Barbara. À l’affiche : un exceptionnel Quatuor à cordes de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg et quatre jeunes artistes venus interpréter Gainsbourg : Léopoldine HH, Anne-Lise Heimburger, Charlotte Vix et Roberto Jean. De quoi nous faire venir l’eau à la bouche… a a CULT U R E

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a C ULT U RE – TOUCHE-À-TOUT Véronique Leblanc

Alban Hefti – Arthénon

WOUTER VAN DER VEEN VINCENT, REMBRANDT, VERMEER ET LES AUTRES Ne cherchez pas à mettre Wouter Van der Veen dans une case. D’abord, il n’aimerait pas ça, ensuite, vous ne trouveriez pas la case…

hercheur, éditeur, mais aussi écrivain de cartes postales (et de livres), l’homme est aussi scénariste et, depuis ce printemps, président de la société « Boussod, Valadon & Cie », mythique maison parisienne qui connut son apogée dans les années 1880 avant de s’étioler à la mort de Théo Van Gogh, frère de Vincent. Les Van Gogh étaient en effet associés dans cette entreprise artistique novatrice qui sut user des techniques de reproduction les plus en pointe pour diffuser les œuvres d’art et c’est avec un plaisir non dissimulé que Wouter a domicilié « sa » « Boussod, Valadon et Cie » chez Van Gogh et Van Gogh, rue Wagner à… Strasbourg. « La ville de Gutenberg, quoi de mieux pour une renaissance graphique ! » Une renaissance en pleine modernité puisque cette nouvelle société se lancera dans le monde de la blockchain avec les Non Fongible Tokens (NFTs). En français dans le texte « jetons non fongibles ».

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Nouvelle Cheffe au Boma Bistro !

QUAND LES SAVEURS DE LA CUISINE MÉDITERRANÉENNE RENCONTRENT LA GÉNÉROSITÉ DU TERROIR ALSACIEN. "Animée par une démarche éco-responsable, j’ai à cœur de proposer une cuisine bio, locavore et réconfortante qui favorise partage et mixité en s’adaptant aux habitudes alimentaires de chacun. Avec mon équipe, nous n’avons qu’un seul but : vous faire plaisir !" Maud DAVID, Cheffe du BOMA BISTRO

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Pour faire court et on l’espère (un peu) clair : il s’agit d’éléments cryptographiques et virtuels dotés de codes d’identification uniques et de métadonnées précisant auteur, signature, date, etc. Bref, un NFT est unique et peut être cédé comme l’a prouvé la vente de la reproduction virtuelle (NFT) d’une œuvre de Banksy préalablement et très officiellement brûlée à New York. La transposition du physique au numérique lors de ventes aux enchères digitales peut horripiler, mais « les artistes s’y intéressent » assure Wouter persuadé quant à lui que la culture doit « occuper tous les terrains ».

« PACTE REMBRANDT » Lui-même docteur en histoire de l’art, spécialiste mondialement reconnu de Vincent Van Gogh depuis sa découverte d’une carte postale identifiant l’endroit où l’artiste a peint son dernier tableau à Auverssur-Oise – localisation confirmée par une photo de 1907 exhumée par un historien amateur et publiée en juillet dernier – il est aussi depuis peu écrivain de fiction.

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« DANS LE PACTE REMBRANDT, IL PLONGE DANS LE XVIIe SIÈCLE HOLLANDAIS, BROSSE DU MONDE MUSÉAL CONTEMPORAIN UN PORTRAIT AU VITRIOL »

Dans Le Pacte Rembrandt, il plonge dans le XVIIe siècle hollandais, brosse du monde muséal contemporain un portrait au vitriol (outch… Le Louvre !) et étrille allégrement un entre-soi universitaire qu’il connaît bien pour avoir été pendant sept ans maître de conférences à Strasbourg. Publié chez Arthénon, maison d’édition de l’auteur, ce livre peut être téléchargé gratuitement ou acquis par l’achat d’une carte postale qui sera expédiée à l’acheteur, accompagnée d’un petit mot calligraphié. Wouter s’amuse, élabore un nouveau polar articulé autour de Vermeer et poursuit son travail de coscénariste sur un film consacré à Johanna, l’épouse de Théo Van Gogh qui fit tant pour la postérité du travail de Vincent. Porté par une société de production argentine, le film devrait afficher le nom « d’une star hollywoodienne » pour le rôle-titre. Le tournage est prévu au premier trimestre 2022 entre Paris, Amsterdam, Prague… Avec un Strasbourgeois dans les pas de Johanna. a №42 — Septembre 2021 — Cultures


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ANNE DORY HISTOIRES DE FILLES Donner le premier rôle à des filles : c’est le fil conducteur des livres pour la jeunesse qu’écrit la journaliste strasbourgeoise. aut-il gommer des contes et films de notre enfance les aspects qui ne correspondent plus aux valeurs de la jeunesse actuelle ? Anne Dory s’est inévitablement posé la question, elle qui a publié en début d’année Roule, Ginette ! (éd. La ville brûle), une réinterprétation du conte Roule galette… qui a fait les beaux jours des Albums du Père Castor. « Dans le récent débat, le terme de “cancel culture” ou “culture de l’annulation” est rapidement apparu. Pourtant, il n’est pas question de gommer le passé. La nature du conte est mouvante : les histoires se sont d’abord transmises oralement avant d’être fixées par l’écrit, et chaque nouvelle version intègre des éléments de son époque. Les contes de Grimm ou d’Andersen, par exemple, sont empreints de la morale de cette période et ne sont pas nécessairement fidèles à la tradition orale », souligne la journaliste strasbourgeoise.

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Ainsi, Roule, Ginette ! n’a pas pour objectif de remplacer Roule galette..., mais davantage d’en proposer une autre lecture, dans laquelle la « vieille », lassée d’être aux ordres d’un mari colérique et fainéant, prend la poudre d’escampette sous la forme de la galette et, après bien des péripéties, s’invente une retraite qui lui convient. « De façon générale, la littérature jeunesse manque de personnages féminins à qui moi, en tant maman, j’ai envie que mes enfants puissent s’identifier », remarque Anne Dory.

FILLES PIRATES ET SANS PEUR Acclamé par la critique, Roule, Ginette ! a aussi élargi les horizons professionnels de son autrice. Désormais piquée par le virus de l’écriture jeunesse, elle espère faire prendre un virage à sa carrière, jusque là menée exclusivement dans la presse et à

la radio. Et elle a déjà des histoires plein la tête (et son ordinateur). « Une réinterprétation de La Chèvre de Monsieur Seguin devrait être publiée prochainement. La chèvre s’échappe, mais elle n’a pas peur, même du loup, car elle a un secret... », glisse-t-elle malicieusement. D’autres récits de petites filles qui prennent la tête d’un groupe de vieux pirates, qui pactisent avec des cavaliers fantômes ou encore qui vont à la rencontre des sorcières de la forêt sont en cours de relecture par des éditeurs. « Plus j’écris, plus je réalise à quel point il est important mais difficile de me détacher de mon regard d’adulte et de mère pour retrouver la fraîcheur de l’enfance. C’est un défi de pouvoir aborder des thèmes qui me tiennent à cœur, comme le courage, la vieillesse, la transmission, tout en proposant des récits qui intéressent vraiment les jeunes lecteurs. » On a hâte de la retrouver en librairie pour la suite ! a №42 — Septembre 2021 — Cultures


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S ACTUALI TÉ — AD OPTION Barbara Romero

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Créé en février, le Collectif RAIF pour la reconnaissance des adoptions illicites en France, réunissant enfants adoptés et parents adoptants, demande à la France d’ouvrir une enquête indépendante sur les adoptions de 1960 à nos jours. a Suisse a demandé pardon. Les Pays-Bas ont reconnu les adoptions internationales illégales. « Pourquoi la France, pays des droits de l’homme ne bouge pas ? », s’interroge Emmanuelle Hebert, coordinatrice du collectif RAIF. « La Suède, les Pays-Bas, la Suisse ont apporté les preuves de ces adoptions illégales, il faudrait que tous les pays européens le reconnaissent. » Pourtant, la Convention de La Haye de 1993 est très claire : l’adoption internationale ne doit être que l’ultime recours. « Quand la filiation n’est pas retracée, il faut favoriser l’adoption nationale », précise Emmanuelle. « Seul un enfant orphelin peut être adopté à l’international. » Mais depuis 1960, le collectif, qui s’est constitué via les réseaux sociaux, constate de nombreuses irrégularités, responsables de vies brisées. « Depuis février, nous agitons les drapeaux en disant qu’on est là et qu’il faut qu’on nous entende, mais il y a de nombreux lobbies de parents adoptifs, très puissants, qui disent que l’on est des cas isolés. Nous on veut prouver que l’on n’est pas isolés », ajoute la coordinatrice. Depuis février, 22 personnes adoptées en Éthiopie ont déposé plainte contre leur OAA (Organismes autorisés pour l’adoption), plusieurs autres affaires sont en cours. « Ça se réveille, mais c’est très lent. L’adoption est un sujet dur, très émotionnant. » La reconnaissance des États permettrait une avancée et de débloquer des vies figées dans l’ignorance. « J’ai toujours remis en cause cette adoption. J’ai découvert à 40 ans qu’on m’avait volé à ma mère. » En témoigne Ame Quetzalame, Guatémaltèque de 42 ans, installé dans notre région. « À 40 ans, j’ai appris que mon frère et moi avions

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« J’ai toujours remis en cause cette adoption. J’ai découvert à 40 ans qu’on m’avait volé à ma mère. » Ame Quetzalame S ACTUAL I TÉ

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Ame Quetzalame (ci-contre) et Emmanuelle Hebert (en bas), à leur arrivée en France.

« Ce n’est pas de l’ingratitude de vouloir savoir d’où tu viens. » Emmanuelle Hebert

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été volés à ma mère. » Une mère qui n’a cessé de pleurer la disparition de ses enfants jusque sur son lit de mort, trois petits mois avant qu’Ame ne retrouve sa trace. À l’époque, la guerre civile fait rage au Guatemala. Les habitants sont sur le carreau. « On a proposé à ma mère de prendre soin de nous dans un orphelinat déguisé. Mes grands frères y avaient bénéficié de soins médicaux et ils étaient rentrés. » Seulement voilà, on interdit les visites à la jeune maman, jusqu’au jour où elle reçoit une photo d’eux en France. « On leur a dit : vos enfants vont très bien, ils ne reviendront jamais. » C’est en 2019 qu’Ame, arrivé en France à 3 ans, apprend la vérité. « C’était un trafic d’enfants. J’ai toujours remis en cause cette adoption. Tout ce que je ressentais, tout ce que l’on a dénoncé sans le savoir, c’était la vérité. On nous a volés à notre mère qui a passé sa vie à nous chercher », déplore Ame. « C’est ce qu’on appelle dans certains pays des “récoltes” : on trompe des mères pour leur voler leur enfant. » Aidé par la LIGA, Ame découvre que leur cas n’est pas isolé. « Il y a beaucoup de trafics d’enfants qui se font sous couvert de légalité, c’est ce que nous voulons prouver », insiste Ame. Selon des rapports d’organisations internationales et du Guatemala, 5000 à 8000 enfants ont disparu pendant cette guerre civile de 36 ans.

« On nous faisait passer pour des menteurs, des ingrats, parce que l’on était convaincu d’une autre vérité que celle que l’on nous imposait. J’ai été aidé par des personnes grâce à qui j’ai pu dire le mot “maltraitance”. Aujourd’hui je peux me battre pour dénoncer et rendre justice à ma mère et à ma famille qui a souffert de ce vol. Mes frères ont vécu enfermés car ma mère avait peur qu’on les kidnappe. Je souhaite permettre aux personnes comme moi de trouver la paix. » Car comme le souligne Emmanuelle Hebert, un enfant n’arrive jamais comme une page blanche. « On nous a conditionnés dans cette idée du blanc sauveur. Si tu dis que tu veux savoir, on te traite d’ingrat. Mais ce n’est pas de l’ingratitude de vouloir savoir d’où tu viens. » La députée de l’Aude, Mireille Robert, a déposé une demande de commission d’enquête au président du groupe LREM Christophe Castaner. Le collectif RAIF demande un contrôle plus strict des adoptions internationales, en accord avec la Convention de La Haye. Mais aussi une vraie politique de l’adoption en France avec un système législatif pour condamner les personnes ou structures qui pratiquent ou facilitent les adoptions illicites. S sur suivre IF est à A R if t collec lité du L’actua acebook. ge.org/ ite F w.chan sa page soutenir : ww -adoption-illic s ce Pour le reconnaissan fcollecti №42 — Septembre 2021 — Cultures


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Sans parti Fanny Fuchs, son audace, sa liberté… Comme prévu, sa liste (joliment nommée OSONS+) n’a pas passé le premier tour des élections départementales de juin dernier. Mais malgré la sécheresse du résultat (4,22% des voix dans un contexte d’abstention massive de 66,6%), Fanny Fuchs, à l’origine de cette candidature, ne désarme pas et pense même que l’avenir donnera raison à ses intuitions… n la rencontre au lendemain du second tour, une semaine après sa nette élimination à l’issue du premier tour. Son sourire et son punch ne semblent pas le moins du monde émoussés par l’issue du scrutin et il n’y a pas besoin de beaucoup de questions pour que Fanny Fuchs revienne sur sa candidature et en tire quelques solides conclusions. En pensant déjà à l’avenir… Immédiatement, fidèle à son image de battante, elle analyse tout le positif de cette aventure hors norme, puisque complètement à l’écart des us et coutumes politiques où les candidats cherchent avant tout à bénéficier de l’investiture d’un parti reconnu : « Ce fut une campagne très riche. Tout d’abord riche en rencontres personnelles mais aussi riche au quotidien, car on était toute une équipe et pas simplement un binôme qui concourait. Nous présentions une énorme cohérence : mon partenaire qui

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se présentait à mes côtés dans le binôme, Martin Guillaumé, est un jardinier-paysagiste, qui travaille à son compte et est très présent dans le milieu associatif. En suppléants, nous avons pu compter sur Carina Abnoun, médecin généraliste de ville, mais qui travaille aussi dans le secteur des EHPAD et Vincent Minery, chef d’entreprise qui travaille dans l’innovation. Mais au-delà de cette belle équipe que nous avons formée, il y a eu plein de gens autour de nous qui ont fortement contribué à ce projet dont l’essentiel était de mettre en œuvre un regard nouveau sur la pratique politique… » Fanny reconnait volontiers qu’elle n’était pas tout à fait une novice dans le domaine : « J’ai été chef de cabinet de Guy-Dominique Kennel l’ancien président du Conseil départemental, j’ai aussi été son attachée parlementaire quand il est devenu sénateur. Je connais donc assez №42 — Septembre 2021 — Cultures


bien les arcanes de ce milieu. Mais il suffit de regarder les résultats avec discernement pour s’apercevoir que notre système démocratique est obsolète. On peut même faire l’exercice chiffré tous les deux, si vous voulez : sur le canton où je concourais, il y avait 24 357 inscrits. Avec cette abstention démentielle, le binôme élu l’a emporté avec 4 295 voix ! Il est donc démocratiquement élu, aucun problème avec ça, mais sa légitimité est problématique. C’est là que je critique vertement le système démocratique actuel. Plus de deux électeurs sur trois ne sont pas allés voter, il y a au moins 80% de jeunes parmi eux. Je suis désolée, mais allez donc demander à un jeune, aujourd’hui, de se rendre un dimanche après-midi dans un bureau de vote, choisir un bulletin, le plier, le mettre dans une enveloppe… Il faut vivre avec son temps, non ? On paye bien ses impôts via internet alors pourquoi le vote par internet №42 — Septembre 2021 — Cultures

n’est-il pas autorisé ? Si on le faisait, le vote pourrait sans problème s’étaler sur un ou deux jours de plus, chacun pourrait voter au rythme qui l’arrange… »

UN SYSTÈME DÉMOCRATIQUE ÉPUISÉ… « Les partis ont fini par ne plus nous donner envie de les écouter et de les suivre. Et ça fait un moment qu’ils ne nous écoutent plus non plus. Pas la peine d’aller chercher plus loin pour comprendre le pourcentage monumental de l’abstention. L’immense majorité des quelque 23% et quelques qui sont allés voter sont sinon des encartés du moins des sympathisants ou des gens qui croient encore que le système partisan peut répondre aux enjeux d’un scrutin local. Ils ont voté plus pour un parti que pour un candidat. Ces mêmes

partis qui se désolent officiellement de l’abstention, mais qui, de toute façon, sont quand même gagnants. Dans tous les cas de figure !.. » dit Fanny avec force. On enfonce le clou : ce système, épuisé, qui finit par survivre en se nourrissant finalement du nombre incroyable d’abstentionnistes a tout intérêt, au fond, à ce que rien ne change. Car il est évident qu’ainsi, dans ces conditions, des démarches telles qu’OSONS+ peinent à émerger. « C’est évident » réplique Fanny Fuchs « avec moins de 24% de participation, un mouvement comme le nôtre a forcément du mal à apparaître dans la lumière. Alors oui, bien sûr, il y a une forme de déception à la lecture des résultats, mais cette déception ne résiste pas à l’analyse objective de ce qui s’est passé. Car je sais que nous avons touché énormément de gens. Ma réelle déception est que beaucoup de toutes celles et ceux S ACTUAL I TÉ

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qui nous ont soutenus n’aient pas osé aller jusqu’au bout au moment du vote… À un certain moment, devant cette boule de conviction et sa clarté d’analyse, on hasarde la question : « Avez-vous eu le sentiment d’être une pionnière ? ». Et la réponse fuse, tout aussi assurée : « Il y a de ça, oui. Peut-être sommes-nous d’ailleurs arrivés un peu trop tôt, mais vous allez voir, je vous en fais le pari, dans ce genre d’élections très locales, les gens vont faire de plus en plus confiance aux gens qui se présentent et de moins en moins regarder l’étiquette politique. Ils vont leur faire confiance pour leur compétence, pour leur représentativité, pour ce qu’ils sont dans la vie de tous les jours. Pourquoi aujourd’hui, parmi les candidats, n’avons-nous pas de carreleurs, de coiffeurs, par exemple ? Pourquoi ? On a clairement un problème de représentativité, non ? Il en faudrait beaucoup plus, pourtant, pour que tout soit plus cohérent sur le territoire, pour que nous soyons plus écoutés, pour que les décisions prises soient plus en adéquation avec les gens et leurs besoins… Oui, on est sans doute un peu en avance sur notre temps, mais je le répète, les temps qui viennent vont prouver que c’est une démarche comme la nôtre qui va permettre de renouer avec les électeurs, j’en suis plus que certaine…

LE DISCOURS DE LA MÉTHODE On ose le mot : ne faut-il pas imaginer une autre méthode de gouvernance, plus proche des gens et de leurs besoins ? Immédiatement, la balle est saisie au bond par cette puncheuse hors pair : « Il suffit de jeter un coup d’œil sur le programme que nous proposions : on avait une foule de réponses très concrètes à des problématiques du quotidien. Pourquoi ? Parce qu’on est allé chercher les gens, on a discuté des heures et des heures de leurs problématiques, des solutions qu’euxmêmes envisageaient. Nous sommes allés provoquer le débat et en retirer l’essentiel, ce n’est pas un programme arrivé de Paris et qu’il suffisait de décliner localement, on a bossé, avec les gens. Là, on est loin de ce qu’on constate en général partout : cette méthode-là, c’est l’avenir et elle ne peut être menée à bien que par des gens beaucoup plus représentatifs que la majeure partie des candidats qui se présentent aujourd’hui. Il faut aussi imaginer les moyens qui vont permettre à

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En campagne…

« (…) on avait une foule de réponses très concrètes à des problématiques du quotidien. » ces nouvelles personnes qui souhaitent s’investir dans la vie publique de pouvoir le faire au plus près de leurs préoccupations du quotidien. On va s’employer à aller les rencontrer, même sur leur lieu de travail s’il le faut, car là aussi, de vieilles pratiques vont disparaître : les gens, par exemple, n’ont plus le temps pour de la réunionnite après leurs horaires de travail, là aussi des pratiques sont devenues obsolètes. À nous d’imaginer comment les toucher, comment fabriquer avec eux de l’intelligence collective… C’est ce que nous allons nous employer à faire, désormais : la méthode va rester la même, on va continuer à aller pousser les portes, rencontrer les gens, dialoguer avec eux. On n’a pas été élu : et alors ? On va continuer sur notre positionnement, et rester au plus près des gens et de leurs préoccupations au quotidien. On ne lâchera pas le morceau, quoi, mais ça n’a rien à voir avec des ambitions personnelles.

On a tous notre job qui nous fait vivre. C’est important de souligner ce point-là : on n’a absolument pas besoin d’être des élus pour gagner notre vie. Si on a fait ça, et si on a décidé de ne pas en rester là et de continuer avec notre méthode, c’est parce que nous pensons que nous agissons ainsi pour le bien de tous. Il y a bien des acquis à ce que nous venons de vivre : on a rendu notre démarche très visible, on a détonné, c’était frais, inspiré, vivant et en rencontrant autant de gens, on a semé des petites graines qui vont pousser. La prochaine étape, c’est de créer un mouvement, pour se structurer et pour capitaliser sur ce bon écho qu’on a créé chez les gens. On était vraiment là où il fallait. Ça n’a pas marché cette fois, mais au fur et à mesure, ça va finir par le faire. Car on est sur une volonté ferme de changer la donne, les codes vont changer, on est dans l’air du temps, j’en suis plus que convaincue… S №42 — Septembre 2021 — Cultures



Pilote chez Air France Anne Bertucchi « C’est encore mieux que mon rêve d’enfant » De son enfance d’expatriée, Anne Bertucchi, 32 ans, a fait naître sa vocation : être pilote. À la fois pilote chez Air France depuis 2019 et maman accomplie, Anne Bertucchi nous raconte son parcours plutôt hors-norme. 86

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S ACT UA L I TÉ — P IL OTES Barbara Romero

Marc Swierkowski - DR

ille d’expatriés, Anne Bertucchi a passé son enfance et son adolescence entre la Colombie, la Suède et le Venezuela. « Quand on rentrait en France, l’avion était pour moi un moment hors du temps, assez fort, se souvient-elle. Toute petite, j’ai dit à mes parents que je voulais devenir pilote. Cela ne m’a plus jamais quittée. » Après une année de prépa, elle réussit le concours de l’ENAC (École nationale de l’aviation civile) de Toulouse et sort en 2008, au moment où la crise des subprimes éclate. « Nous étions 74 dans ma promo, et on s’est tous retrouvés au chômage, se souvient-elle. Après 2008, les promos sont passées à une dizaine d’élèves. Le marché du travail était extrêmement tendu. Je ne voyais pas d’évolution, alors j’ai décidé de suivre la formation de technicien de l’aviation civile après quelques années en tant qu’instructeur. J’avais tout donné pour être pilote, mais j’étais soulagée de trouver un métier où j’avais de l’avenir. Tous mes camarades étaient dans la même situation. » En 2018, Air France ouvre à nouveau les embauches. « Quelque part, j’avais tourné la page, je ne me suis pas précipitée. Au bout d’un an, j’ai eu le déclic : j’avais quand même les qualifications pour ! » Elle retourne alors en école de pilotage et se rend compte qu’elle n’a rien perdu de ses compétences. « J’ai été remise sur la liste Air France en décembre 2018 et passé mon premier entretien en février 2019… Enceinte de 7 mois ! Cela n’a pas du tout arrêté mon futur employeur, au contraire, j’avais le profil adapté, celui d’une personne stable dans sa vie. »

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« LA SÉCURITÉ EST LA PRIORITÉ NUMÉRO 1 DE MA COMPAGNIE » Elle entre chez Air France en octobre 2019, six mois après la naissance de sa fille, et enchaîne les formations pour piloter un A320. « Je n’ai jamais autant bossé pendant ces trois mois, sourit-elle. Nous devons apprendre à maîtriser l’avion, à réagir dans n’importe quelle situation. Il existe des procédures à connaître par cœur. Quand une panne se présente, vous pouvez réagir à partir de votre mémoire, mais il faut aussi savoir quoi chercher et comment le gérer. » Elle finit son cursus après deux mois de №42 — Septembre 2021 — Cultures

vols avec un capitaine-instructeur. « J’ai été lâchée en février 2020, juste avant le COVID. On a arrêté de voler jusqu’en juin, mais finalement, on n’oublie rien. Dès qu’on en ressent le besoin, on repasse en simulateur. La culture de la sécurité est la priorité numéro 1 de notre compagnie. » Anne Bertucchi est copilote sur A320 en Europe essentiellement, au Maghreb, et un peu au Moyen-Orient. « On réalise environ 600 heures de vol par an, sans compter tout le temps de préparation avant le vol, rappelle-t-elle. Nous faisons trois vols par jour, trois ou quatre jours de suite. » En une journée, Anne peut voler de Genève à Lisbonne en passant par Marseille. Elle se souvient encore très bien du jour où elle a atterri son premier A320, sans passagers. « J’ai eu peur de mal atterrir, mais finalement, l’avion réagit comme le simulateur. Ce que l’on acquière en vol, c’est la gestion du domaine opérationnel comme adapter sa vitesse en fonction de la charge de l’avion. » Un métier compatible avec la vie de jeune maman ? « C’est encore mieux que mon rêve d’enfant ! J’avais un peu peur avant, mais finalement, j’adore aller voler, c’est un métier très gratifiant, complet, ce n’est pas que de la technique. J’ai connu la vie de bureau où les soucis du quotidien reviennent, alors que quand je suis pilote, je suis complètement déconnectée de ma vie personnelle. On n’a pas de téléphone, on pense sécurité. » Enceinte de son deuxième enfant, Anne Bertucchi passera à 80% après son congé maternité. « Si chez Air France être une femme ne change rien du tout, dans l’aviation civile, c’est un frein, constate-telle. Mon compagnon, contrôleur aérien à Entzheim, est loin d’être un macho, mais il n’a pas été élevé dans le rôle de père au foyer, il avait au départ peur de ne pas pouvoir gérer mes absences. Finalement, cela se passe bien, mais un 80% avec deux enfants en bas âge me semble plus raisonnable. » Si les femmes sont encore minoritaires aux postes de pilote, Anne en côtoie de plus en plus. « Il m’est arrivé d’avoir un équipage 100% féminin. Je n’ai jamais vu de passager débarquer car les pilotes étaient des femmes ! Au contraire, on perçoit un changement de mentalités. » Sa petite fille d’un peu plus de deux ans est d’ailleurs déjà très attirée par les avions. Sur les pas de maman ? S

« Je n’ai jamais vu de passager débarquer car les pilotes étaient des femmes ! Au contraire, on perçoit un changement de mentalités. »

Anne Bertucchi, pilote Air France, donnera naissance à son deuxième enfant en septembre et retrouvera les airs en mars 2022 avec la même passion.

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Pilote dans une compagnie low-cost Antoine, 25 ans « Aucune crainte à avoir sur la sécurité »

ilotes épuisés, personnel pressurisé, sécurité relative, service minimum… Les compagnies low cost n’ont pas toujours bonne presse. Personnellement, avant de monter dans un avion low cost, je me souviendrai de cette interview avec Antoine, pilote depuis 3 ans à tout juste 25 ans. S’il ne peut citer la compagnie qui l’embauche, son discours a de quoi rassurer. « Avant d’être lâchés, nous suivons un training ultra sérieux et poussé, la sécurité est notre priorité », précise-t-il. Les mêmes étapes finalement que chez Air France : entraînement sur simulateur, accompagnement avec un commandantinstructeur pendant plusieurs mois. « Nous volons certes plus que les pilotes d’une compagnie régulière, mais nous travaillons cinq jours suivis de quatre jours off, avec en plus un mois de vacances et 10 jours à poser quand on le souhaite. » Sur une année, hors-Covid, un pilote de sa compagnie vole environ 800 heures, max 1000 heures. Plus qu’ailleurs. Ce qui change aussi ? « On travaille

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d’une base et on travaille par demi-journée, avec un temps de rotation de seulement 25 minutes. » En résumé, pas d’escale sur une île paradisiaque au programme. Niveau salaire aussi, ce n’est pas la même. « En tant que premier officier, j’ai un fixe de 1 500 à 2 000 €, auquel s’ajoutent mes heures de vol. Hors Covid, je touche entre 3 500 € et 7 000 € par mois. » Mais tous ne sont pas logés à la même enseigne, chaque contrat étant établi selon le pays où le pilote est basé. Certains sont mêmes auto-entrepreneurs, autant dire en difficulté pendant les mois de confinement… Reste que niveau sécurité, le passager n’a rien à craindre. « Nous effectuons 2 000 vols par jour et n’avons eu aucun accident grave. Nos avions sont révisés tous les jours… » En devenant pilote si jeune, Antoine a-t-il accompli son rêve d’enfant ? « Quand t’es petit, tu imagines des longs courriers avec des escales dans des 5 étoiles, puis tu réalises que ce n’est plus forcément le cas ! Mais je vis mon rêve de gosse, je me sens très chanceux… » Même s’il rêve d’enfiler un jour l’uniforme Air France. S

« Quand t’es petit, tu imagines des longs courriers avec des escales dans des 5 étoiles, puis tu réalises que ce n’est plus forcément le cas ! Mais je vis mon rêve de gosse, je me sens très chanceux… »

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S ACT UA L I T É — L ES F EMMES IN V ISI BLE S Lisette Gries

Abdesslam Mirdass

Neuro atypiques Les femmes invisibles Pendant des années, elles ont vécu sans vraiment se connaître ni se comprendre elles-mêmes… Comme beaucoup de femmes neuro-atypiques, ces trois Strasbourgeoises n’ont pas été repérées pendant leur enfance. Elles témoignent de leurs difficultés, mais aussi de leur soulagement au moment du diagnostic. «

Virginie Bouslama

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’est à l’occasion d’un stage auprès d’enfants autistes que j’ai réalisé que j’étais peut-être concernée moi aussi », décrit sans détour Caroline, étudiante en Master de psychologie à Strasbourg. « Pendant mon enfance, mais surtout mon adolescence, j’ai eu beaucoup de difficultés dans mes relations sociales, qui m’ont vraiment affectée moralement, mais personne n’a su repérer des signes évocateurs de l’autisme. » Comme beaucoup de femmes atteintes d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA), Caroline est passée entre les mailles du filet. L’Inserm estime que le TSA affecte une fille pour trois ou quatre garçons, et cette différence monte même à une pour neuf pour le TSA sans déficience intellectuelle. « On ne sait pas précisément si c’est la prévalence qui

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est moindre, ou si les filles sont moins bien repérées que les garçons », expose Dr Edwige Heitzmann, psychiatre à Strasbourg. « La deuxième hypothèse me semble cependant la plus probable. » En cause, des grilles diagnostiques élaborées à partir de cas masculins, et des capacités à masquer leurs difficultés davantage développées chez les filles. « Les femmes diagnostiquées le sont en moyenne quatre ans plus tard que les hommes », ajoute la spécialiste.

SURVIE SOCIALE « Au lycée et pendant mes études, j’ai toujours su que j’étais un peu bizarre, mais je réussissais à exister dans cette étrangeté. Les difficultés se sont surtout manifestées quand j’ai commencé à travailler. Les relations informelles, №42 — Septembre 2021 — Cultures


les consignes pas claires, les réunions, les subtilités du fonctionnement hiérarchique, tout cela dans un bureau partagé : j’ai trouvé ça très dur », détaille Margot, 27 ans, elle aussi atteinte d’un TSA. « J’étais épuisée, et j’ai eu ce qu’on appelle des crises autistiques. En rentrant le soir, j’éteignais toutes les lumières, je coupais le téléphone, je limitais tous les bruits au maximum et je me mettais sous la couverture pendant une demi-heure à une heure et demie. J’étais vraiment très mal. » Pour Caroline aussi, ce sont les moments informels, où les codes sociaux sont plus durs à décrypter, qui lui posent le plus problème. Pourtant, dans leur entourage professionnel, peu de gens sont informés de leur TSA. « C’est comme un réflexe de survie sociale, on se force à avoir l’air normales, on met en place des stratégies, mais c’est au prix d’une grande fatigue », témoignent-elles toutes les deux. « Les filles et les femmes autistes développent souvent des stratégies de coping. Elles apprennent à imiter les autres pour savoir comment réagir. Dans un environnement connu, elles font illusion, mais dans une situation nouvelle, elles sont plus perdues. Tout cela est générateur de fatigue et d’angoisse », décrypte Edwige Heitzmann.

« J’APPRENDS ENCORE À ME DÉCOUVRIR » Bien souvent, c’est une situation de détresse, voire de burn-out, qui les pousse à consulter. Un autre cas de figure est fréquent : celui des mères qui mettent en place un suivi pour leur fils et réalisent alors qu’elles partagent certains traits. Ce repérage tardif n’est pas spécifique au TSA et concerne tous les fonctionnements neuro-atypiques : troubles dys, déficit de l’attention, haut potentiel… « Mon mari et moimême avions déjà été repérés pour le haut potentiel intellectuel (HPI) suite au bilan réalisé pour nos enfants », décrit Virginie Bouslama, présidente de l’association Typik’Atypik. « Lorsque notre fils a eu son bilan pour le TDAH (trouble du déficit de l’attention/hyperactivité), les caractéristiques qu’on nous énonçait me correspondaient aussi et j’ai alors été évaluée. » C’est ainsi qu’à 40 ans passés, cette énergique mère de famille a enfin pu comprendre ses №42 — Septembre 2021 — Cultures

réactions impulsives et ses difficultés à se concentrer. Car c’est bien là que le bât blesse. « On perd des années à ne pas vraiment se connaître… », commente Caroline. Pour les trois femmes, le diagnostic est arrivé comme un soulagement. « Ça a été un changement de prisme : je ne voyais plus des choses que je n’étais pas capable de faire, avec de la culpabilité, je voyais juste un fonctionnement particulier, que j’étais prête à respecter », raconte Margot. Elle espère désormais pouvoir travailler à son compte, pour être plus en phase avec ses besoins. « J’apprends encore à me découvrir », reconnaît Caroline, « mais je sais désormais, par exemple, que je peux sortir mon casque anti-bruits ou mes lunettes de soleil si je suis agressée par l’environnement. » Pour Virginie, des thérapies comportementales et médicamenteuses ont été mises en place. « Et surtout, j’ai créé l’association Typik’Atypik, pour venir en aide aux autres familles », se félicite-t-elle. Margot et Caroline aussi ont pu trouver un appui et un lieu d’épanouissement au groupement d’entraide mutuelle (GEM) Aspies & Cie. En rêvant du jour où la société dans son ensemble acceptera sans mal leurs particularités… S

« Je ne voyais plus des choses que je n’étais pas capable de faire, avec de la culpabilité, je voyais juste un fonctionnement particulier, que j’étais prête à respecter »

typik.f r typik-a ie.org tc aspiese S ACTUAL I TÉ

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S ACT UA L I T É — P RATIQUE S P ORTIVE Aurélien Montinari

Abdesslam Mirdass - DR

r e t n e C t e k s a B r e g n a h c e m a G Vue d’artiste du Basket Center

« Le basket sur-mesure, à la portée de tous », voilà comment Denis Oehler, président du Comité départemental de Basket-Ball du Bas-Rhin, résume l’audacieux projet Basket Center qui ouvrira en octobre prochain, à deux pas du stade de la Meinau. Gros plan sur un lieu hors du commun, dédié à la pratique du ballon orange, mais pas que...

ratiquant depuis 1967, Denis Oehler est un passionné de basket, une discipline dont il a accompagné l’évolution à travers ses divers engagements. Le dernier en date est un projet de centre sportif d’un genre nouveau, dont l’idée provient d’un constat très simple : le manque de salles de sport. « Aujourd’hui beaucoup de pratiques qui se jouaient dehors évoluent en intérieur, par exemple le foot-salle, donc les clubs de basket, volley ou hand, qui avaient le monopole sur les pratiques en intérieur, se voient obligés de laisser des créneaux en hiver… » De là est né le concept du Basket Center « à l’américaine », un lieu de formations, de compétitions

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« Nous avons des pépites qui gravitent autour de Strasbourg mais qui n’ont pas les moyens d’émerger car on manque d’endroits où l’on peut leur assurer une formation. » Denis Oehler, président du Comité départemental de Basket-Ball du Bas-Rhin (ci-contre)

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et de stages, permettant de développer et surtout de démo­cratiser la pratique du basket. Premier projet de ce type en France porté par une association, le Basket Center s’étend sur une superficie de 3000 m2 dont 2000 m2 de sol sportif. Le lieu comprend ainsi 3 terrains en enfilade, avec une possibilité de fermeture pour les joueurs professionnels, une machine à shots et même un système de captation vidéo permettant de se perfectionner.

UNE OFFRE COMPLÈTE « Une salle pensée comme un véritable outil de travail » ajoute Denis Oehler, et qui s’adresse aussi bien au milieu scolaire, qu’aux associations, entreprises ou particuliers. L’espace de jeu (homologué FIBA Monde) est complété par une boutique Nike, des vestiaires ainsi que des espaces wellness et de préparation physique. Enfin, un sport-bar et sa cuisine « healthy », viennent compléter une « offre conçue pour répondre à tous les besoins des utilisateurs. » Si le Basket Center fait donc la part belle à l’univers du basket, il propose également d’autres agréments, comme un mur d’escalade, mais aussi, à l’étage, un espace de coworking et des salles privatisables, accompagnés d’un réfectoire. Le projet de Basket Center s’élève à 5 millions d’euros, une enveloppe qui a été soutenue à hauteur de 60% par les banques, 30% par les collectivités et 10% par le sponsoring et le mécénat.

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« À partir du moment où ce projet a été écrit, il a fallu chercher l’expertise pour la réalisation, et pourquoi pas se dire que demain tous ces documents qui constituent notre dossier serviront à d’autres ligues, clubs ou associations qui souhaiteraient se lancer dans un projet similaire. » Le Basket Center fait d’ailleurs déjà des émules, Denis Oehler ayant été contacté par des présidents d’autres ligues : l’Ile de France, Lyon ou encore l’Auvergne-Rhône Alpes.

UN MODÈLE INSPIRANT À peine sorti de terre, ce centre inédit semble déjà avoir rempli sa mission de promotion du sport, « pas seulement du basket, mais aussi du basket au féminin », souligne Denis Oehler. « Nous avons des pépites qui gravitent autour de Strasbourg, mais qui n’ont pas les moyens d’émerger, car on manque d’endroits où l’on peut leur assurer une formation. Grâce au Basket bourg Center, on espère aller à Stras Center Basket ue de Colmar eri plus loin dans l’accompa- 180 Aven rimm tation K gnement des joueurs et des Tram A : S Meinau e la Stade d joueuses. » S №42 — Septembre 2021 — Cultures



a CULT UR E — P ORT FOLIO

Jean-Louis Fernandez Photographe de scène passionné par le spectacle vivant, et le cinéma, Jean-Louis Fernandez est associé au Théâtre National de Strasbourg, il accompagne des artistes comme Stanislas Nordey, Christophe Honoré ou Caroline Guiela Ngyuen. Attentif au temps suspendu d’avant ou d’après spectacle, il capte des moments qui ne sont habituellement pas livrés au regard des spectateurs, comme ceux des répétitions, de la concentration ou au contraire de la détente, des instants d’intimité saisis avec pudeur et respect. Fabienne Arvers, journaliste aux Inrockuptibles, dit de ses portraits photographiques qu’ils ont « l’art de gratter derrière le miroir et l’apparence des choses, pour atteindre à l’intériorité, à cet accord parfait et fugace entre un cadre, un décor, une lumière et un corps, une pose, un regard… »

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Dominique Valadié – Loges – Le misanthrope d’Alain Françon


Sandrine Bonnaire – Loges – L’odeur des planches de Samira Sedira (au dessus) Emmanuelle Bercot – Répétitions – Dîner en ville de Richard Brunel (en haut à droite) Romain Duris – Loges – La Nuit juste avant les forêts de Patrice Chéreau (en bas à droite)

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Chiara Mastroiani – tournage de Chambre 212 de Christophe Honoré (en haut) Chiara Mastroiani, Christophe Honoré & Stéphane Roger – répétitions Le ciel de Nantes de Christophe Honoré (en bas) Pio Marmai – douche loges – Roberto Zucco de Richard Brunel (page de droite)

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Tahar Rahim – tournage – Don Juan de Serge Bozon

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Crémant d’Alsace. Simplement brillant.

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Tant de personnalité (s) * Le s avo i r- f a i re d e s v i gn e ro n s a l s a c i e n s co n fè re a u Cré m a nt d ’Al s a ce u n e ro b e b r i l l a nte e t d é l i c ate

L’A B U S D ’A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É , À C O N S O M M E R A V E C M O D É R A T I O N


a C U LT U RE – P O ÉS IE Isabelle Baladine Howald

Hervé Lewandowski

audelaire est encore classique et déjà moderne, son fond littéraire est le romantisme. Mais en lui gronde depuis l’enfance une révolte contre tout, peut-on dire.

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Furieux contre la Révolution et les Lumières, furieux après le progrès dans lequel il voyait la perte de l’humain, furieux après la nature qu’il détestait. Furieux aussi contre son beau-père qui lui a pris sa mère, le Général Jacques Aupick grâce à lui entré dans l’Histoire, il aurait encore été plus furieux d’être enterré dans la même tombe que lui !

COMMENT FAIRE NAÎTRE LE BEAU ? Son credo, le Beau est composé de « bizarre », disait-il. On connaît la fascination du poète pour les bas-fonds, ce qui pourrit, on connaît aussi son goût de la beauté exotique, ainsi que des parfums capiteux et des yeux énigmatiques des chats…

ANNIVERSAIRE BAUDELAIRE : UN JEUNE POÈTE DE 200 ANS Charles Baudelaire est né le 4 avril 1821 et est mort le 31 août 1867. Avec de meilleures fréquentations (il est mort de la syphilis contractée jeune…), il aurait pu atteindre le XXe siècle ! Nous fêtons donc le bicentenaire de sa naissance cette année… 104

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Ce dandy s’habille à grands frais sans en avoir le premier sou, mène une vie absolument dissolue sous le règne des Paradis artificiels. Ceci dit, quand on les lit, il est tout excusé… Comment faire naître le beau ? Par sa veine cérébrale et rêveuse : l’Imagination. Ainsi dans le beau voit-il deux choses : ce qui meurt déjà, ce qui est hanté par le mal inscrit en l’humain. Chez Baudelaire s’opposent leurs versants humains : l’horreur et l’extase. Dès lors, il n’y a de spleen que baudelairien, c’est une force, tout le reste n’est que romantisme et souffrance de jeune Werther… Les Fleurs du Mal connurent le procès le plus célèbre de l’histoire de la poésie, onze poèmes furent retirés, il fallut attendre le XXe siècle pour leur réhabilitation. Il eut pour le défendre, excusez du peu, Victor Hugo qui s’y connaissait en visionnaires... Lisez et vous me direz si cette merveille, Les bijoux, censuré, que je ne puis écourter, n’est pas un des beaux plus poèmes qui soient : №42 — Septembre 2021 — Cultures


La très-chère était nue, et, connaissant mon cœur, Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores, Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueur Qu’ont dans leurs jours heureux les esclaves des Maures. Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur, Ce monde rayonnant de métal et de pierre Me ravit en extase, et j’aime à la fureur Les choses où le son se mêle à la lumière. Elle était donc couchée et se laissait aimer, Et du haut du divan elle souriait d’aise À mon amour profond et doux comme la mer, Qui vers elle montait comme vers sa falaise.

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Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté, D’un air vague et rêveur elle essayait des poses, Et la candeur unie à la lubricité Donnait un charme neuf à ses métamorphoses ; Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins, Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne, Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ; Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne, S’avançaient, plus câlins que les Anges du mal, Pour troubler le repos où mon âme était mise, Et pour la déranger du rocher de cristal Où, calme et solitaire, elle s’était assise.

Je croyais voir unis par un nouveau dessin Les hanches de l’Antiope au buste d’un imberbe, Tant sa taille faisait ressortir son bassin. Sur ce teint fauve et brun, le fard était superbe ! Et la lampe s’étant résignée à mourir, Comme le foyer seul illuminait la chambre, Chaque fois qu’il poussait un flamboyant soupir, Il inondait de sang cette peau couleur d’ambre Non, mais, sérieux ??? C’est ce rythme d’enfer qu’on peut imaginer en slam qui choquait ou cette langue sublime ?

L’ODEUR DU TEMPS Les études qui furent consacrées à Baudelaire furent bien plus nombreuses que les volumes qu’il écrivit. Cependant, il est impossible de comprendre non seulement l’histoire de la poésie sans lui, mais aussi simplement le passage du XIXe au XXe siècle avec ses transformations esthétiques, notamment architecturales (il vomissait Haussmann !), industrielles, politiques. Rien ne trouvait grâce à ses yeux, mais il ne trouva ce qu’il cherchait nulle part ailleurs non plus. Cet amoureux de l’immobile – « je déteste le mouvement qui déplace les lignes » – a pourtant révolutionné la poésie. Le mouvement était certes amorcé par quelques illustres prédécesseurs (Verlaine et le Voyant Rimbaud), mais il ouvre grandes ouvertes les portes du symbolisme dans lesquelles va s’engouffrer, entre autres, Mallarmé. Je suis née cent ans exactement après la parution des Fleurs du mal. Ce recueil dont la minceur inquiétait Baudelaire a traversé le siècle. Les diverses éditions que je possède (pour les notes et parce que je ne sais pas résister aux nouvelles éditions !) sont souvent jaunies, avec des couvertures improbables (les motifs psychédéliques des années 70 !) et des pages cornées, des rides plein le dos et la couverture et les tranches toutes décolorées. Mais je les ouvre et je retrouve l’odeur du temps, pupitres fanés et premières amours, « Ô serments ! ô parfums ! Ô baisers infinis ! » a a CULT U R E

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S ACT UA L I T É – MOI JA JA Pink Jaja

Charles Nouar

Moi Jaja... Si Kim Jong-Un savait... On a trinqué ! C’est fait. #Freedom. Au début, notre Président était content. Mais ça, c’était avant : le temps d’une campagne électorale qui n’aura passionné au mieux que quelques insomniaques et avant que ses prédictions ne soient contrariées par un malheureux Delta.

vec Tato, on s’est arrêtés au débat régional du premier tour. « Zéro pointé pour tous » qu’il m’a dit, Tato. Perso, pour sa prestation théâtrale, j’aurais mis un petit point à notre vrai-faux Patriote national. Pas simple en effet de caser le mot Frexit dans presque chacune de ses phrases. Surtout quand le sujet n’a aucun rapport avec les compétences de la Région. Côté écolo, la gentille Éliane avait, quant à elle, l’air un peu perdue dans ses notes de campagne. « Recalée au grand oral ! », que j’ai lancé à Tato, qui m’a refait le coup du lamantin. En Marche, Brigitte Klinkert l’était tellement plus que sur ses affiches que sa pensée a dépassé son image : Moi, présidente de Région, je transférerai des compétences à la Collectivité européenne d’Alsace ! Un peu comme si votre patron vous proposait de démanteler votre activité pour services rendus. Ça n’a pas trop convaincu, je crois, sans compter que,

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selon l’endroit où l’on se situait dans la région, le sens de ses propositions de campagne avait semble-t-il quelque peu tendance à varier. Sans doute un problème de compréhension dialectale.

VIDE SYMÉTRIQUE Quant à la candidate « socialiste » – mais pas tant que ça parce que la socialiste officielle était en fait la candidate verte (à croire qu’être daltonien est un prérequis pour candidater dans ce pays) je n’ai pas eu le fin mot de l’histoire, mais il semblerait qu’il lui ait été reproché une vieille passion marinière, et non marine, l’usage de cet adjectif étant réservé au dernier candidat, habitué des plateaux de CNews. Restait notre président régional sortant, dont l’image rendue avait quelque chose de très symétrique avec Tato : deux mammifères aquatiques répartis de part

et d’autre de l’écran de télévision. L’un sur son tabouret, l’autre sur son canapé. Même regard vide, las, désintéressé. Heureusement, le soir du second tour, Tato m’a proposé de plutôt nous concentrer sur Fifa. Comme quoi, dans chaque défaite de la pensée réside une petite victoire humaine. Le temps que Tato prépare la console, j’en ai profité pour consulter la page Wikipedia du lamantin : saviez-vous que celui-ci avait des narines en haut de la tête, ce qui lui permet de respirer sans se faire remarquer ?

EN BELGIQUE, LE VIRUS NE CIRCULE QUE DANS UN SENS Pour le reste, vide sidéral. Les clients des bars, cafés, restos ont progressivement repris leurs habitudes depuis le déconfinement. Tato avec. Plus

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AQUAMAN, COUPE MULET ET JEANS SKINNY

« On en aurait J presque oublié que Kim Jong-Un avait interdit la coupe mulet et les jeans skinny. »

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surprenant, nos amis restaurateurs nous ont confié que, grâce aux mesures gouvernementales, le confinement avait eu un impact positif sur leur trésorerie. Difficile d’en tirer une généralité, mais être restaurateur en France semblerait quand même avoir quelques avantages en temps de pandémie. Mais bon, depuis, le Delta est arrivé jusque chez nous et le pass sanitaire avec. En attendant donc un automne sanitaire et social prometteur, on s’est finalement offert une petite escapade au Benelux avec Tato. Pendant que celui-ci s’émerveillait devant un semblant de Monde d’avant, où nul ne portait encore de masque, et qu’il étudiait l’effet d’une eau à 14° sur son intimité charnelle, j’ai joué à Baywatch depuis la balançoire de la plage. Dos à la mer, au cas où quelqu’un aurait la mauvaise idée de solliciter mes services en cas de noyade. L’alibi parfait ! Avantage de se rendre sur la côte néerlandaise plutôt que belge : les conditions de transport. En voiture, nul embouteillage. En train, nulle contrainte sanitaire particulière, alors que les Belges s’étaient vus imposer une mesure concurrençant, une fois n’est pas coutume, l’imagination de

Pour le reste, rien de bien neuf au cours de ces trois derniers mois. La politique reste la politique : les inaugurations s’enchaînent, l’opposition dénonce le gaspillage hydraulique de notre nouvelle cascade Malraux pas bien naturelle ou des brumisateurs qui nous rafraîchissent également par temps de pluie, sans avoir grand-chose d’autre à proposer. Heureusement me reste Pouxit – #Bisous. Je ne vous le cacherai pas : sa faible présence sur Facebook m’avait un peu inquiété ces derniers temps, surtout après ses déboires avec le personnel de la Représentation russe. Je me suis donc permis d’aller rendre une petite visite de courtoisie à son profil. Et là, soulagement. Après s’être grimé en David Bowie, Lucky Luke ou en vampire, je suis parvenu à retrouver sa trace. Dressé – maillot t-shirt – face à un petit rocher de Stromboli Volcano, les pieds dans l’eau, pluie d’embruns marins lui éclaboussant le corps, il semble avoir repris le rôle d’Aquaman à Jason Momoa. Ses trois lecteurs/commentateurs assidus du moment n’ont d’ailleurs pas manqué de le congratuler. « Il (ne) te manque plus que le trident afin de t’identifier comme la réincarnation du dieu Poséidon », a écrit le premier ; « J’aurais dit l’homme de l’Atlantide ! », a renchéri le second ; quant au troisième – sans doute un sympathisant de la première heure : « Faites attention : on a encore besoin de vous sur Strasbourg dans quatre ans ». Notons toutefois que la succession de smileys LOL MDR en fin dudit message peut interroger le sérieux de l’affirmation. N’empêche, avec tout cela, on en aurait presque oublié que Kim Jong-Un avait pendant ce temps interdit la coupe mulet et les jeans skinny, jugés... « décadents ». S №42 — Septembre 2021 — Cultures



S ACT UA L I T É – L E PARTI-P RIS DE THI ERRY JOBARD Thierry Jobard

Pierre Lambert – DR

p o p e r Cultu et pop cult ure La culture c’est super. Moi j’aime la culture. D’ailleurs tout le monde aime la culture. Mozart c’est de la culture. Le rap c’est de la culture. Les séries c’est de la culture. La tauromachie c’est de la culture. Le marouflage aussi. C’est bien simple on nage dans la culture. On en a partout. Même qu’on ne sait plus très bien ce que ça veut dire.

eureusement, en France on fait bien les choses. Nous avons un ministère de la Culture qui peut nous dire ce que c’est que la culture. Il ne faudrait pas commettre d’impair. Et la voie est étroite entre l’affirmation de l’exception culturelle et la promotion de la diversité, entre le soutien à un « modèle français » et l’ouverture aux influences d’ailleurs. Remarquez par exemple avec quel brio la vénérable institution a promu cette formidable création que le monde nous envie, le Pass Culture. Celui-ci va ainsi permettre à plus de 800 000 jeunes d’accéder aux plus hautes œuvres de l’esprit.(1) Jeunesse bénie… Nonobstant, il peut sembler utile de définir un peu ce qu’on entend communément par culture, car elle se dit de plusieurs façons. On retient souvent une vieille, mais concise définition de E.B. Taylor selon laquelle la culture est « un ensemble complexe incluant les savoirs, les croyances, l’art, les mœurs, le droit, les coutumes, ainsi que toute disposition ou usage acquis par l’homme vivant en société ». Culture s’oppose ici à nature. Cette distinction est de moins en moins étanche et l’on considère que, davantage que de césure,

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Pierre Bourdieu, 1930 - 2002

il conviendrait de parler de continuité entre l’une et l’autre.(2) Il est ici question également d’un ensemble de représentations mentales qui constituent un système, une grille d’interprétation du monde et qui varie selon les groupes de populations : la culture américaine n’est pas la culture allemande, la culture latine diffère de la culture d’Europe du Nord, la culture catholique de la culture protestante, etc. On tombe donc, à travers le concept de culture sur le paradoxe d’une notion qui d’un côté universalise l’humain à l’opposition du reste de la Création, et de l’autre particularise les humains en communautés. Longtemps d’ailleurs, les anthropologues n’ont pu résister au petit jeu de la hiérarchisation des cultures. Étrangement la culture occidentale était toujours la meilleure. Particularisme dit donc différence, dit potentiellement affrontement, la nature humaine étant ce qu’elle est.(3) Le troisième sens, c’est justement celui du Ministère, celui de la culture dite générale. Le Robert la définit comme ressortissant aux « domaines nécessaires à tous ». Ce qui me semble soit très léger soit très candide. Pour le Larousse en revanche, elle représente l’« ensemble des №42 — Septembre 2021 — Cultures

« Bourdieu établit qu’il existe une “légitimité culturelle” organisatrice des goûts et dégoûts en termes de culture »

connaissances qui enrichissent l’esprit, affinant le goût et l’esprit critique ». Vaste programme… Quant à la rue de Valois, elle prône une vision ouverte qui inclut la gastronomie, les voyages ou les jeux vidéos à la différence d’une autre, « légitimiste, à l’ancienne et scolaire ». (4)

LES PAUVRES, C’EST BIEN CONNU, ONT DES GOÛTS DE CHIOTTES. Car les choses ont changé depuis environ une trentaine d’années, ce que reflète la sociologie de la culture. L’œuvre majeure dans ce domaine reste La Distinction (1979), où Bourdieu établit qu’il existe une « légitimité culturelle » organisatrice des goûts et dégoûts en termes de culture (au sens large puisque l’ameublement ou le type de nourriture par exemple sont inclus). Ces préférences correspondent à un statut social et à un capital culturel inégalement réparti. Ce qui semble aller de soi est ainsi démontré avec toute la rigueur nécessaire : selon que vous êtes riche ou pauvre, vous n’aurez ni les mêmes goûts ni S ACTUAL I TÉ

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« À partir de là, deux attitudes sont possibles : la célébration ou la déploration. »

les mêmes pratiques culturelles. Mais ce qui importe davantage, c’est que ces goûts sont intériorisés, presque inconscients, et reflètent la violence symbolique qu’est la domination des jugements esthétiques des élites. En effet, ce sont toujours celles-ci qui détiennent l’étalon du goût par le biais de préférences culturelles légitimes et au détriment d’autres qui sont peu légitimes. Les pauvres, c’est bien connu, ont des goûts de chiottes. L’école, dans cette perspective est là pour entretenir le modèle de cette culture légitime qui se définit pourtant en dehors d’elle, au sein du milieu social. De fait la culture générale ne serait que la culture particulière de certains. Néanmoins, les évolutions de la société ont conduit à relativiser ces conclusions. Le modèle bourdieusien semblant terriblement déterministe et raisonnant, horresco referens, en termes de classes sociales. Ce qui est remis en question c’est notamment l’idée d’un modèle culturel établi par les classes sociales supérieures auquel il faudrait se référer, même imparfaitement. Il appert que ce modèle le populo peu lui en chaut. Quant aux élites elles-mêmes, elles auraient une attitude plus distanciée vis-à-vis de ces exigences, souscrivant à une obligation d’apparence plutôt qu’à un réel plaisir de connaisseur.

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L’individualisation croissante des parcours, des expériences, mène ainsi à un nouveau modèle, différent de celui de la distinction : l’éclectisme. Pratiques et goûts se mêleraient selon des niveaux de légitimité différents. On peut donc frémir en écoutant la Messe en si de Bach et se bidonner en lisant Wafwaf et Captain Miaou(5), c’est pas incompatible. Exit donc une quelconque hiérarchie des goûts et des couleurs, comme l’a proclamé Jack Lang : tous les arts se valent, vive la République, vive la France !

LIRE LA PRINCESSE DE CLÈVES ÇA NE SERT À RIEN

À ceci près qu’en regardant avec davantage d’attention, on se rend compte que les différences se reforment. On aimera tous le cinéma, certes, mais pas le même genre de cinéma. Idem pour le rock ou les voyages. À nouveau le jugement de goût est une compétence inégalement répartie. Ce qui relativise les grands discours sur la démocratisation de l’éducation artistique. Et puis l’ancien modèle culturel, très livresque, fondé sur les humanités(6) a fait son temps. Les classes supérieures n’y ont d’ailleurs jamais

adhéré par goût, mais par besoin. C’est parce que ce modèle était valorisé socialement qu’il fallait s’y conformer. Ce n’est plus le cas et il n’y a pas si longtemps un Président de la République avait dit tout le bien qu’il pensait de La princesse de Clèves. Et il a raison : qu’est-ce qu’on en a à foutre de La princesse de Clèves ? Ça ne SERT à rien de lire ce texte. Ça ne sert à rien de découvrir une subtilité d’émotions et de sentiments qui nous ouvre à autre chose qu’à nos petites vies de pousse-mégots ; ça ne sert à rien d’être capable de désintérêt dans un monde gangrené par l’intérêt.(7) Avoir le sens de la compétition ça, ça sert. Être flexible, être autonome, être efficace, être résilient, ça, ça sert. Et servir n’est-il pas le privilège des laquais ? À partir de là, deux attitudes sont possibles : la célébration ou la déploration. Soit on vante l’ouverture sans précédent que représente l’accès à des contenus en nombre infini via le net et une forme de démocratisation de la culture. Soit on fustige l’envahissement d’une culture de masse qui uniformise les goûts et ne représente que le résultat des investissements de quelques fournisseurs.(8) Un petit détour temporel peut éventuellement avoir son utilité. Des

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« Finis les excès du carnaval et du charivari ; fini de cracher, fini de jurer ; il faut marcher droit gros Pierrot ! »

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travaux d’historiens ont montré à quel point la France telle que nous la connaissons, une et indivisible, est une construction récente. Sous le Second Empire, en 1863 précisément, sur 37 510 communes, 8381 ne parlent pas français. Près d’un quart. Sur 4 018 427 élèves de 7 à 13 ans, 1 490 269 ne peuvent écrire le français.(9) Ce n’est qu’à la toute fin du XIXe siècle que la France est unifiée, au moins administrativement. Et elle le fut de force. Tout ce qui avait constitué durant des siècles la culture des paysans : les fêtes, les traditions, les patois, tout a disparu sous les effets de la modernité. Il ne s’agit pas ici de se lamenter sur un monde perdu qui avait aussi ses pesanteurs et ses excès, mais de bien mesurer que ce qu’on appelle aujourd’hui culture est le résultat d’un processus qu’on a tendance à oublier. Car même si la République a voulu fabriquer des citoyens, elle n’a fait que reprendre le flambeau de la Monarchie. Le premier assaut contre la culture paysanne, la culture des campagnes, la culture des pauvres, c’est à partir du XVIe puis surtout au XVIIe siècle qu’il fût lancé. Les mouvements concomitants de rationalisation de la vision du monde

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(la science contre la superstition)(10), de centralisation de l’État (donc pressuration fiscale accrue) et d’autocontrôle des individus conduisent à réprimer un certain nombre de pratiques.(11) Et oui, les croquants ça rote, ça pète, ça mange salement et puis ça nique un peu n’importe comment. Pas très catholique tout ça. Or, comme le dit si justement Franck Ribery : « le corps ne devient force utile que s’il est à la fois corps productif et corps assujetti ». Alors on va réprimer. Pas de façon sanglante, mais avec une fermeté paternelle (aujourd’hui ça s’appelle nudger parce qu’on a fait de gros progrès) et puis on va répandre la bonne parole, les bons usages, par le biais de la littérature de colportage ou de l’imagerie populaire qui font office de première culture de masse. Fini les excès du carnaval et du charivari ; fini de cracher, fini de jurer ; il faut marcher droit gros Pierrot ! Royal ou républicain, c’est toujours l’État qui fabriqua, longtemps avec l’Église, de bons petits Français. Quitte à faire disparaître la culture des humbles au profit de celle des élites urbaines, la seule qui reste, la nôtre. Quant à avoir un ministère ou bien un fournisseur de divertissements, ma foi, l’important n’est-il pas d’avoir un maître ? S

(1) À ce jour, les mangas représentent 71% des achats avec le Pass Culture. On ne peut qu’être impressionné par cette ouverture de notre belle jeunesse à la culture nippone. Ajoutez à cela des ouvrages de développement personnel et ces prodigieuses méthodes pour s’enrichir-sans-travailler et vous aurez la quasi-totalité des ventes. Ici, comme souvent, tout est affaire de proportions. (2) Voir à ce sujet par exemple Les origines animales de la culture, de Dominique Lestel. J’ai également appris récemment que les animaux ressentent un plaisir sexuel et que même la mouche jouit. Depuis le doute m’habite. (3) Voir : toute l’histoire de l’Humanité (4) Selon Jean-Michel Guy, auteur de l’étude Les représentations de la culture dans la population française (5) De B-gnet (6) Sur le grec et le latin notamment, dont l’université de Princeton, jamais en retard d’une drôlerie, a récemment rendu l’enseignement optionnel en Lettres Classiques parce que : « la culture antique est une représentation d’une société esclavagiste et raciste ». Plus con que ça tu meurs. (7) Et puis, on nous l’a bien dit et répété, la culture CE N’EST PAS ESSENTIEL. (8) Ce qui était déjà le propos d’Adorno et Horkheimer dans Kulturindustrie. Mais je ne développe pas ce genre de critique ou je risque de passer fissa pour un vieux con. Et je ne suis pas si vieux. (9) Eugen Weber, La fin des terroirs (10) Les chasses aux sorcières ont lieu précisément à cette période, ce n’est pas un hasard. (11) Voir les travaux de Norbert Elias, notamment La civilisation des mœurs. №42 — Septembre 2021 — Cultures


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s t n e Fragm n u s a p i o u q r u o p t E s u o n r u o p vaccin ?   s l e t r o m m i rendre ous ne savons pas si l’homme est une fleur ou une chaise », avait déclaré le biologiste Jean Rostand (1894-1977) en essayant d’illustrer l’incertitude quant à la nature de la cellule humaine : serait-elle éternelle, comme une chaise que l’on entretient régulièrement, ou fragile par nature, comme la fleur dont le développement porte déjà le programme de sa propre destruction ? Le personnage faisait partie de ces hommes de science qui au XXe siècle se sont mis à croire en l’immortalité physique. Quel paradoxe ! Au moment même où les scientifiques affichaient l’ambition de franchir la barrière la plus secrète de l’existence, le genre humain s’est vu menacé d’extinction générale. Est-ce la loi de l’hubris qui a enclenché une fois de plus la tragédie, cette fois-ci, à l’échelle de l’espèce entière ? Le XXIe siècle est marqué par la catastrophe écologique imminente, mais aussi par une course effrénée à la découverte de l’immortalité. Des milliardaires du monde entier, qualifiés par le journaliste scientifique Jean-Paul Fritz de « vampires ou cyborgs », se sont lancés dans des projets comme 2045 Initiative du Russe Dmitry Itskov ou la start-up Ambrosia dans la Silicon Valley du libertarien Paul Thiel

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explorant notamment le transfert du « sang frais » de jeunes personnes pour prévenir le vieillissement. Le transhumanisme promet, quant à lui, le transfert de la mémoire des candidats à l’immortalité dans des puissants ordinateurs… Alors, voilà, en temps de pandémie qui dure et pose sans cesse la question de la lutte contre la mort, la question de l’immortalité refait surface dans l’inconscient collectif. Qu’en pensent nos concitoyens en Alsace ? Non, pas les milliardaires… Étonnant de voir à quel point le Graal convoité par ceux qui peuvent tout s’acheter, y compris des parcelles sur la Lune, ne leur fait point envie. Dans toute l’histoire de l’humanité les plus riches étaient souvent divinisés, ou tout au moins respectés pour leur capacité de monter la voie à suivre. Aujourd’hui, l’idée d’un rappeur de s’acheter une planète fait rire, quand elle ne fait pas pleurer ceux qui aimeraient juste s’acheter le luxe de vivre en paix. Le gouffre entre « la pensée du palais » et « la pensée de la place publique » ne reflète plus seulement l’écart des fortunes, du jamais vu dans l’histoire de l’humanité, mais plus encore, un écart anthropologique sans précèdent entre le peuple et ces élites qui, tel Jeff Bezos, se préparent à quitter la planète ! À rire ou à pleurer, à vous de choisir… S №42 — Septembre 2021 — Cultures


FARUK GUNALTAY Directeur du cinéma l’Odyssée à Strasbourg, intellectuel, bon vivant, menacé de prison en Turquie pour ses prises de position contre le régime autoritaire en cours… Enfant, je me suis déjà interrogé sur la vie éternelle. J’avais neuf ans quand je me suis senti pour la première fois concerné par la disparition de mes proches et de ma propre mort : si mes parents, mes amis et tous ceux que j’aime ne pourraient pas m’accompagner dans l’immortalité sur Terre, alors à quoi bon supporter la solitude ? Aujourd’hui, ma première réponse, émotionnelle, serait toujours la même, même si mon cercle de proches et d’amis s’est beaucoup élargi. Mais si je réfléchis, je me dis que l’immortalité serait une terrible entrave à la loi universelle du changement perpétuel annoncée par Héraclite. Panta rei ! Tout change ! Même le système solaire est voué un jour à disparaître pour faire naître des nouvelles étoiles. Si je devais rester en vie, sur Terre, éternellement, alors quelle place pour l’aventure, la prise du risque, comment échapperai-je à la répétition, à la standardisation de mes gestes et faits, à la routine, ne serait-ce pas pire que la mort ? L’éternité se fait un peu trop longue vers la fin, comme disait Woody Allen. Dans Les versets sataniques Salman Rushdie évoque qu’au départ Dieu avait dit à Mohammed d’adresser ses prières en direction de Jérusalem pour ensuite lui annoncer que c’est plutôt vers la Mecque que les humains devaient se tourner en priant. Les intégristes ont tout de suite attaqué l’écrivain : comment avait-t-il osé supposer que Dieu pourrait se tromper ? Et pourtant, panta rei, tout change, même les « opinions » des Dieux, n’est-ce pas ? Parce que comme l’a si bien dit Gandhi : « Dieu n’a pas de religion ! » La vie est une énigme et la mort en fait partie, tout autour de nous, la réalité recèle des miracles dont on a du mal à saisir le sens. J’aime aussi la pensée de ce rabbin qui disait que la religion n’est pas le récit d’un vrai évènement, mais le vrai récit d’un évènement. Donner du sens, voilà ce qui importe à tout moment. Or, aujourd’hui on avance dans une sorte d’impensée collective, hypnotisés par « notre pouvoir d’achat ». Si tout s’achète, pourquoi pas aussi la jeunesse éternelle, voire l’immortalité ? Et les voilà, les virus, nos concurrents, dont certains sont là bien №42 — Septembre 2021 — Cultures

SYLVIE FRITZ avant l’apparition de l’homme en attendant leur réveil sous la glace de l’Antarctique… Pendant que nous ouvrons grand la bouche pour tout avaler d’un coup, plus de loisirs, plus de plaisirs, prendre encore et plus de la vie, des richesses de la Terre et du Cosmos, les virus se moquent de notre toute-puissance, provoquant ces dernières vingt années plus d’épidémies que celles qu’a connu tout le vingtième siècle. Alors, un peu d’humilité chers terriens, sans pour autant renoncer à la lutte pour la liberté et la fraternité. Dans L’Affiche rouge, chanté par Léo Ferré, Aragon l’a si bien dit, les résistants étaient « amoureux de vivre à en mourir… » S

« La religion n’est pas le récit d’un vrai évènement, mais le vrai récit d’un évènement » Faruk Gunaltay

Travaille au Snack Michel depuis 1977, serveuse en terrasse ou derrière le comptoir de la vente à emporter, elle est devenue « la maman » d’une clientèle fidèle depuis plus de 40 ans. Je suis à deux ans de la retraite et je ne me précipite pas vers la sortie. L’échange au quotidien avec la clientèle habituelle me manquerait tant. Pendant le confinement ce n’est pas la maladie qui me faisait peur, mais l’isolement. Me rendre immortelle. Jamais ! Je souscris à la recherche qui vise à améliorer la vie et la santé des gens, mais de là à les rendre immortels, on risque d’ouvrir la boîte de Pandore : que de problèmes sur cette planète qui est déjà surchargée. Si on aime sincèrement nos jeunes, on est obligé de leur céder la place au lieu de nous accrocher à nos vieux os ou à l’idée d’une jeunesse éternelle qui n’exprime qu’une avidité mal dissimulée. Les patrons qui ont ouvert le Snack Michel ont cédé leur affaire à leurs deux fils. Je me souviens encore avoir langé Sébastien, alors qu’aujourd’hui c’est lui qui est devenu mon patron. J’aime la tendresse infinie entre générations cohabitant dans l’amour et le respect mutuel. Depuis que je suis devenue serveuse au Snack Michel, je me suis liée d’affection pour notre jeune clientèle dont certains sont comme « mes enfants ». À un moment donné on était devenu le QG du Conservatoire de musique et j’avoue que le départ des jeunes musiciens pour le quartier de la Laiterie m’a fait quelque chose. Puis, les lycéens de Pontonniers, j’en ai connu plein qui se sont gravés dans mon cœur au fil des années. Je me souviens encore de la si drôle et sympathique bouille du comédien Alex Lutz et de tant d’autres. Quand Monsieur Éric Guerrier, que j’ai connu il y a plus de vingt ans, vient s’installer en terrasse, je débarque pour faire le pitre et la journée s’illumine par nos rires et nos échanges enlevés. À l’époque, la jeunesse était plus frivole, moins sérieuse, surtout dans les années 70 quand il y avait du travail et que les adolescents pensaient davantage à leurs amourettes qu’à l’avenir incertain de leurs carrières. Ces derniers temps, je m’amuse souvent à regarder les gens en terrasse, on ose moins leur parler quand ils ont le nez dans le téléphone portable. Verront-ils la robe jaune soleil, taille de guêpe, de cette belle mademoiselle qui vient de passer ? S ACTUAL I TÉ

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RENÉ-NICOLAS EHNI La vie, elle est partout, et ne demande qu’à nous en saisir, dans le partage de la joie rendant ces instants aussi intenses que l’éternité. Sans la découverte et l’aventure, elle ne vaut pas grand-chose, sans la rencontre des gens dont on apprend tous les jours, à quoi bon vivre éternellement dans sa bulle ? On n’a pas besoin de paradis virtuels quand on peut observer un arbre frémissant, se laisser absorber par la pluie qui tombe, par une conversation qui fait oublier le poids de nos corps fatigués ou par la douceur des souvenirs… Je me rappelle que lors d’une manifestation massive des agriculteurs à Strasbourg dans les années 80, la ville était totalement bloquée, toute l’Avenue de la Marseillaise était remplie de tracteurs et en soirée on avait épuisé le stock de nos produits en frigo à force de servir les manifestants tout au long de la journée ; à une autre époque, avant l’arrivée du tram, je travaillais dans une sorte de guichet qui donnait sur l’extérieur. J’y vendais des viennoiseries à des habitués qui passaient en double file tous les matins, puis c’était fini. Pendant la pandémie je n’ai jamais cessé de travailler pour la vente à emporter. Vous savez au Snack Michel on fait tout sur place et on n’utilise point de produits surgelés, c’est notre fierté, tout comme la fidélité de nos clients qui n’ont cessé venir s’approvisionner chez pendant le confinement… Voyez, tout change, rien n’est éternel, heureusement ! D’où l’espoir d’une vie meilleure où l’on réussira enfin à fumer tous ensemble la pipe de la paix, guéris du virus du pouvoir qui rend les gens fous… S

« Verront-ils la robe jaune soleil, taille de guêpe, de cette belle mademoiselle qui vient de passer ? » Sylvie Fritz

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Écrivain et dramaturge, né en Alsace, encensé dans sa jeunesse à Paris, publié par les éditions Christian Bourgois, Gallimard, la Nuée Bleue, converti dans le christianisme orthodoxe, retraité en Crète, puis de retour à Mulhouse… Quand on est jeune, la vie ressemble à un fleuve vigoureux et puissant. Elle s’écoule sans entraves... J’ai eu presque 80 belles années sur Terre, mais en approchant les 87, je succombe à la faiblesse, je ne vois plus, je ne peux plus marcher. Tout en étant comptées, mes journées c’est de l’eau stagnante. J’aimerais tant revoir Strasbourg, la belle, et mes amis pour lesquels j’ai une tendre affection. Je suis certain qu’ils le ressentent quand je pense à eux. Je ne regrette rien, sauf les conneries que j’ai faites, relationnelles surtout. Je demande pardon à Dieu. J’ai toujours envie d’écrire, mais la force me manque. Je devrais le faire, c’est peut-être la seule façon pour moi de demander pardon, raconter des choses que je cachais de moi-même, non pas exprès, mais tout de même… Non, la vie éternelle sur Terre ne m’intéresse pas. Je suis en attente de ma grande rencontre avec Dieu, l’inconnu sublime, au-delà de toute attente. Quelques jours après sa mort, mon père m’est apparu en rêve en me disant qu’il était très heureux d’être avec Dieu. Ce n’est pas tant une affaire de croyance, mais d’expérience, de vie. Je vais encore à l’Église orthodoxe à Belfort, le jeune prêtre est très beau et très gentil, comme la papadia d’ailleurs, sa femme. Les Chrétiens qui y sont venus ce dimanche, sont tous des gens bien, ils vivent déjà d’une autre façon, comme si une légère vapeur les enveloppait rendant leurs visages plus éthérés, avec des « moi » moins encombrants. Ce qui me reste de plus précieux ce sont mes enfants : Yannis et Catherine Jeanne-d ’Arc Antigone, ma femme aussi, ah, Maria… Les souvenirs ? Je me rappelle encore la première de ma pièce Que ferezvous en novembre ? à Paris. Mes amis l’ont beaucoup appréciée, la critique aussi, je me rappelle ce journaliste Bertrand Poirot-Delpech et son article élogieux dans Le Monde. Je crois que je la préfère parmi toutes mes œuvres. Elle parlait du début de la fin du communisme. Pourtant, je crois que je suis toujours communiste, à la manière intellectuelle bien sûr, comme beaucoup de mes amis, déjà partis de ce monde. Je suis persuadé

que le communisme reviendra sous une forme ou sous une autre puisqu’il porte en son sein l’idée chrétienne du partage et de la fraternité des humains qui, elle, ne peut s’éteindre. Ce qui se passe en ce moment ne m’intéresse pas de près, je n’y revendique plus rien vu que je suis sur le point de départ. On vit dans un monde plutôt crétin, mais ça ne devrait pas durer trop longtemps. Sans être un devin, je pense que ce qui se passera à l’avenir nous étonnera beaucoup, comme mon fils m’étonna avec ses poèmes en Crétois… L’inattendu sublime est plus précieux que l’immoralité sur Terre. S

« On vit dans un monde plutôt crétin, mais ça ne devrait pas durer trop longtemps » René-Nicolas Ehni

VICTOIRE Fillette de 7 ans Non, je ne veux pas de cette pilule, ni du vaccin qui pourraient me donner la vie éternelle. C’est un peu bizarre, non, une tromperie ? Je préfère qu’on me donne de l’argent pour m’acheter plein de bonbons… Je vais m’ennuyer si je reste à vivre ici pour toujours. Avec l’argent par contre je m’achèterai tout ce que je veux, tout de suite ! » S Victoire

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Libre opinion Élections et manifestations Chaque trimestre, la rubrique Libre opinion reflète la vie publique de notre ville et de notre région. Ni partisane ni flagorneuse, elle se veut le reflet de l’actualité politique et citoyenne.

e second tour des régionales a confirmé les tendances du premier tour : tout d’abord, un résultat catastrophique quant à la mobilisation des électeurs… Notamment dans le Grand Est, où 7 électeurs sur 10 ne se sont pas déplacés. Pourquoi donc un tel désintérêt ?

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QUE VONT CHANGER LES ÉLECTIONS RÉGIONALES ? Certes, les habitants cernent très mal le rôle des Régions ; institution encore toute récente dans le paysage français, fondé sur les communes, les départements et l’État, les compétences de la Région demeurent limitées. D’ailleurs, le débat régional a porté sur des compétences qui n’étaient pas celles de la Région. En rester aux questions des transports ferroviaires intra régionaux, de la formation professionnelle et de la construction des lycées n’était sans doute pas de nature à marquer des différences significatives entre les candidats… qui ont préféré parler sécurité ou environnement. Les résultats du Grand Est s’inscrivent dans le paysage national ; tous les présidents sortants ont été réélus, quel que soit leur parti, et Jean Rottner a ainsi été réélu

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comme tous ses confrères. Avec certes le score le plus faible de tous les présidents appartenant aux Républicains (40%), mais largement supérieur à ses concurrents du RN (26%), de l’écologie et de la gauche (20%), et d’En Marche (13%).

QUEL ENSEIGNEMENT EN TIRER POUR L’ALSACE ? Plusieurs listes s’étaient prononcées pour la sortie de l’Alsace du Grand Est ; au vu des résultats, ce sujet est-il encore vraiment d’actualité ? On peut se le demander. Même en Alsace, où les observateurs attendaient un résultat médiocre de Jean Rottner, dont le revirement à 180° sur la grande région apparaissait difficilement pardonnable, le président sortant a fait mieux que la liste conduite par Brigitte Klinkert, qui s’était engagée elle à un referendum sur l’avenir de la grande région. En réalité, les habitants n’ont pas mesuré de changements dans leur vie quotidienne, qui pourraient être liés à la création des grandes régions. Compte tenu des compétences réelles des régions, ce n’est pas étonnant en effet. Même si la taille des nouvelles régions demeure une absurdité, №42 — Septembre 2021 — Cultures


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fondée sur une chimère qui voudrait que plus on est grand, plus on est fort, la réalité du rôle des régions administratives fait que ce n’est plus vraiment un sujet. Et que le réflexe légitimiste a partout joué en faveur des sortants.

votants. Ils sont plutôt à chercher parmi les déçus de la démocratie.

ABSTENTION ET MOBILISATION CONTRE LES POUVOIRS PUBLICS : UNE CONTRADICTION ?

Qu’y a-t-il en commun entre ceux qui manifestent contre la vaccination et/ou le pass sanitaire, et ceux qui ont manifesté contre les 80 km/h et la hausse du prix du gas-oil, qui sont les mesures à l’origine du mouvement des gilets jaunes ? Sans doute peu de choses sur le plan idéologique, mais une chose les rassemble : la contestation de la décision publique, et la défiance à l’égard des gouvernants, qu’ils soient locaux ou nationaux. Pourquoi le doute s’est-il instillé ainsi dans un grand nombre d’esprits, face à la décision publique ? La culture française, et c’est sans doute une qualité, repose largement sur l’esprit critique. L’enseignement universitaire français est lui-même fondé sur l’apprentissage de cet esprit critique. Mais lorsque l’expression de cet esprit critique passe par l’affichage de certitudes le plus souvent infondées, relayées aujourd’hui par les réseaux sociaux, comment réintroduire de la rationalité dans les débats ? Il est stupéfiant de voir dans les rues des manifestants demander, au titre de leur liberté, le droit de ne pas se faire vacciner, ou pire, le droit de pouvoir déambuler librement en pleine pandémie, sans rendre aucun compte à qui que ce soit. Cela revient donc à revendiquer le droit de contaminer librement autrui ! Et quelques politiques, très minoritaires toutefois, il

Le niveau d’abstention incroyablement élevé aux régionales laisse penser qu’il ne s’agit plus d’une attitude conjoncturelle, mais vraisemblablement d’une attitude structurelle. Les municipales de 2020 avaient connu un niveau d’abstention quasiment aussi élevé, mais cela a d’abord été interprété comme un impact de la crise du COVID et de la simultanéité entre élections et début du confinement. Et ce, même si les Européennes de 2019 avaient, elles, battu un record de mobilisation. Faut-il voir une contradiction entre ce désamour pour les élections, et plus globalement pour le monde politique local et les élus, et la mobilisation visible contre les pouvoirs publics, à l’occasion de la vaccination et du pass sanitaire en ce moment, et plus généralement, contre toute consigne de la puissance publique ? À notre connaissance, il n’y a pas eu d’analyse sur le vote ou le non vote des personnes qui se retrouvent chaque samedi dans les rues à manifester contre… tout. Mais il nous semble peu vraisemblable que ces manifestants fassent partie des

LA CARPE ET LE LAPIN, UNIS CONTRE LES POUVOIRS PUBLICS

faut le dire, se sont engouffrés dans cette thématique, espérant en tirer quelques voix dans de prochains scrutins. Vient naturellement à l’esprit la citation de John Stuart Mill « La liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres… » Mais dans le cas d’espèce, je lui préfère celle de Victor Hugo : « La liberté commence où l’ignorance finit ». Car le complotisme, comme les arguments défendus, repose d’abord sur l’ignorance. La nouveauté, c’est que l’ignorance bénéficie aujourd’hui d’une formidable caisse de résonnance avec les réseaux sociaux… et qu’elle croise quelques cyniques qui tentent d’en profiter.

ET À STRASBOURG, QUOI DE NEUF ? Si Strasbourg n’échappe pas au mouvement de contestation, la ville a trouvé un rythme particulièrement tranquille. Les touristes ne sont plus là, les hôtels sont restés largement vides, et depuis le sursaut de l’Industrie magnifique, nos rues paraissent bien vides. À défaut de visiteurs, nous croisons en revanche une mendicité d’un niveau jusque là inconnu. Il est vrai qu’à force de dire que la ville est désormais accueillante pour ces personnes… les réseaux se sont organisés. Au moment où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas si Strasbourg va sortir de sa torpeur à la rentrée, ou si d’autres sujets seront relancés, sur lesquels des polémiques viendront à nouveau entacher l’image de la ville. Mais le pire n’est-il pas l’endormissement ? Sans doute serait-ce le pire chemin… S

La carpe et le lapin, unis contre les pouvoirs publics

« Pourquoi le doute s’est-il instillé ainsi dans un grand nombre d’esprits, face à la décision publique ? » 124

S ACT UA LI T É

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E S O CI É T É – B I L L ET DE V IN

ILL E S P A

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Jessica Ouellet

PARTITIONS POUR JEUNE SOMMELIER Jeune sommelier, bonjour. Tu as choisi le métier à la grappe dorée, intimement lié à l’expérience gourmande et aux tendances alimentaires. Partie intégrante de la culture française, aussi. Si le rythme de la restauration t’anime, tu valses dans un cadre qui peut être luxueux ou décontracté. Dans tous les cas, tu utilises tes connaissances afin de faire chanter les papilles du consommateur en quête de bien boire. 128

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epuis quelques années, je ne joue plus au restaurant comme toi. Mais j’accroche toujours des sourires avec le vin. Plus jeune, j’ai pris le large vers d’autres pays producteurs. Entre l’Europe et l’hémisphère Sud, j’avais soif de voir ailleurs. J’ai rapidement compris que les connaissances acquises en classe sont les prémices d’un long cheminement. Dans ce métier, l’apprentissage par l’exemple – du moins la dégustation – prend tout son sens. À défaut de pouvoir dissimuler un verre entre ces pages, j’y pose quelques observations liées à des tranches de vie. Libre à toi de les grappiller.

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ATTENTION À NE PAS T’Y PERDRE ! La restauration, c’est le joyeux des rencontres, le brouhaha des assiettes, et le bonheur des accords. C’est exigeant, et drôlement stimulant. Bouteille à la main, le sommelier pirouette dans l’adrénaline d’une salle bondée. Discerner les attentes d’un client, ça se travaille. Je te rassure, la pratique permet de

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L’insigne du sommelier, représentant une grappe de raisin

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s’ancrer un peu plus fort dans ses baskets. Certains appellent cela la sagesse liée à l’âge. J’appelle cela aptitudes. Certains soirs, tu croiseras des clients fébriles d’être attablés. C’est que tes conseils marqueront des moments de vie importants. S’y accrocheront idéalement un oui, et quelques tintements de verre. Prolongement de l’intimité des clients, garde ces moments précieux dans ta poche. Ils contribuent au beau de la profession. Tu rencontreras inévitablement des buveurs d’étiquettes. Ces derniers accueillent les recommandations avec désinvolture. Ils cherchent le prestige, un réconfort par rapport à leur choix – qu’on se le dise, peu de chances de se tromper, avec un Haut Brion – et méprisent généralement le reste. Pour ces victimes du marketing, assuretoi d’avoir certaines pépites largement surcotées en cave. Il y a aussi les petites habitudes. Certains clients, notamment, sont des inconditionnels du glaçon. Ils en commandent jusque dans tes précieux Champagne Jacquesson. Rappelle-toi qu’en matière de goût, chacun a sa petite affaire, et ce, même s’il s’agit d’une fausse note. Le vigneron fait du vin avec son cœur et ses tripes. N’arrête jamais de t’y intéresser. La curiosité élèvera la précision de tes propos, et le nombre d’étoiles dans tes yeux. Les professionnels qui marquent le milieu sont les plus assoiffés – au sens figuré, bien sûr – et les plus humbles. À ce sujet, quelques dégustations à l’aveugle permettent de réaligner ses pistes. Fais le test ; les plus fiers ne voudront pas jouer. Ils préféreront étaler leur confiture à tout vent. Tu constateras que connaissances et pouvoir sont étroitement liés. Attention à ne pas t’y perdre. Les

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sommeliers les plus appréciés sont ceux qui font du bruit avec leur personnalité, leurs émotions, et leur brin de fantaisie. Dans cet esprit, sache que les meilleurs arrangements ne sont pas fatalement classiques. L’accord d’un Champagne Extra Brut et d’un paquet de chips nature, par exemple, peut rencontrer le nirvana gustatif.

CE GOÛT DE REVENEZ-Y… Au fil des épaulés jetés, tu construiras une bibliothèque de pépites personnelles. À coup sûr, tu auras envie d’en coller plein la carte des vins. La frénésie de tes achats se limitera néanmoins au portefeuille de ta hiérarchie. Bien qu’il soit guidé par la passion – enfin, je te le souhaite – le métier représente un important rôle de gestionnaire. Entre enthousiasme et budget, réalise une carte des vins qui met en appétit ton envie de les partager. Dans le même esprit, vendre mieux, ce n’est pas qu’une question de marge. Le monde du vin est en constante mutation, et la profession l’est tout autant. Si ta niaque s’effrite, bouge ! Malgré toute la beauté que peut contenir un jus de raisin fermenté, un sommelier aigri n’encourage pas les tchin-tchin. Au début de mon parcours, j’ai saisi l’opportunité d’user mon tire-bouchon dans un restaurant chic, et aux idées festives. La confiance des clients m’a permis d’oser un éventail de références. Ce goût de revenez-y, il s’acquiert à la mesure des émotions que tu passes dans le verre. Telles une chanson, certaines notes font vibrer les sentiments. Sous des airs de mélophile, observe. Écoute. Trouve le rythme. E №42 — Septembre 2021 — Cultures



E S O CI É T É – P ORTRAIT

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Barbara Romero

TÜRKÂN BAYRAK, SLASHEUSE SUR TOUS LES FRONTS

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Membre du club des jeunes ambassadeurs d’Alsace depuis 2012, créatrice d’une entreprise de conseil entre autres fonctions, Türkân Bayrak accompagne les jeunes énarques débarquant à Strasbourg et promeut notre territoire à travers le monde. En cours aussi, le lancement de son association Les potes de Bobby pour accompagner les entrepreneurs atteints du cancer. En plus de ses activités, Türkân retrouve à la rentrée le chemin de l’école à l’ICN de Nancy pour la certification de coach.

ürkân Bayrak, 45 ans, est une fondue d’entrepreunariat. Elle-même créatrice de son entreprise de conseil, elle dispense des cours sur le sujet aux étudiants, accompagne les chefs d’entreprise et ceux en devenir. « Slasheuse », comme disent les jeunes, Türkân met à profit ses compétences, ses connaissances et son amour de la région auprès du Club des jeunes ambassadeurs d’Alsace.

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CRÉER UN RÉSEAU AUTOUR DU CHEF D’ENTREPRISE ATTEINT DU CANCER ET ISOLÉ « Chaque année je parraine un énarque originaire de Chine, du Japon, de Géorgie, de Tunisie, je suis leur relais sur place, et leur fais découvrir ce qu’est l’Alsace d’un point de vue culturel, économique, traditionnel », confie la marraine. Elle « vend » aussi la région Alsace auprès des étrangers souhaitant s’installer en France.

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« Plutôt qu’ils pensent Marseille ou Paris, je souhaite qu’ils pensent Strasbourg, sourit-elle. J’ai des contacts un peu partout dans le monde, mon rôle est de faire la passerelle entre eux et notre ville. » Prête à accueillir un nouvel étudiant cette année, Türkân attend aussi avec impatience la fin de cette crise sanitaire pour vraiment lancer l’activité de son association Les potes de Bobby. Créée en mars 2020, elle souhaite soutenir et accompagner les entrepreneurs qui doivent non seulement se battre contre la maladie, mais aussi maintenir leur boîte. « Quand tu es au fond de ton lit, personne ne peut assumer ton activité, aucune structure ne pense aux chefs d’entreprise. Avec notre collectif d’entrepreneurs, nous souhaitons être relais auprès du chef d’entreprise qui se sent un peu seul et créer autour de lui un réseau. » Türkân attend que la situation sanitaire s’apaise pour organiser une soirée de lancement digne de ce nom. E №42 — Septembre 2021 — Cultures



SPECTACLES FESTIVAL, LIVRES GALERIES, ETC. Chaque trimestre, la rédaction de Or Norme a lu, écouté, visionné l'essentiel de ce qu'on lui fait parvenir. Cette sélection fait la part belle à ses coups de cœur...

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a CULT URE ­– SÉLE CT ION Véronique Leblanc – Barbara Romero – Erica Chelly – Alain Ancian – Benjamin Thomas Paola Guigou – DR Jean-Luc Fournier

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L’École des filles Pascale Hugues out part d’une photo de classe de primaire prise en 1968 à l’école Sainte-Madeleine. Vingt-deux petites Strasbourgeoises « aux sourires de traviole » capturés « le jour du photographe ». Le genre de souvenir qu’on trimballe toute une vie, sans trop savoir pourquoi et dont la journaliste Pascale Hugues a décidé de se saisir. Elle était l’une de ces petites filles et elle se souvenait de chaque nom et prénom. Qu’étaient-elles devenues ces enfants sages ou pas si sages, ces condisciples qui avaient toutes ou presque laissé quelques mots dans le « Poésie album » lui aussi conservé par l’auteure ? Pour le savoir, elle a mené l’enquête, retrouvé douze de ses amies d’école et les a vues et revues au fil de conversa-

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tions où elles lui ont raconté leur vie de femme. Sans tabou ni faux-semblant, elles dressent un portrait choral qui raconte toute une génération dont on ne parle jamais et qui pourtant a dû, elle aussi, se libérer des injonctions répétées dès la plus tendre enfance : « Ne fais pas de vagues, ne parle pas trop fort, ne te fais pas remarquer ». Rien n’était simple, même après mai 68. Rien n’est encore simple. Pascale Hugues le raconte avec verve et tendresse et dresse au passage le portrait d’une Krutenau populaire bien différente de celle qui nous est familière. a ions Édit rènes A s Le 20€ №42 — Septembre 2021 — Cultures


Pour se protéger et protéger les autres, respectons les gestes barrières, prenez soin de vous.

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Les témoins du temps & Autres traces Salah Oudahar

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ais le monde est petit pour nous. Trop petit. Pour tout. Pour notre immense besoin de mémoire. Pour notre soif d’histoire, de justice, de dignité. Pour abriter nos amours brisées. Soigner nos blessures. Donner un sens à la terrible interruption de la trame. Aux chaînons manquants. Nous habitons le monde et le monde nous habite. Dans le tumulte et la disgrâce. Le renoncement. Le reniement. La perte. » Ce sont les dernières lignes de ce recueil des poésies signées Salah Oudahar (la cheville-ouvrière du festival Strasmed, dont nous parlons plus avant dans ces colonnes). Poète, metteur en scène, comédien, diplômé des sciences politiques, Salah est arrivé en France il y aura bientôt trente ans. Illustré de superbes photos qu’il a lui-même capturées, son livre déroule un récit éclaté sur plusieurs dimensions dans une trame serrée autour de la question de l’identité : valeurs, langue, histoire et terre natale semblent subir dans un mouvement de reflux une désertion qui prépare à son anéantissement… Quel re n tit beau livre ! a s d’u

e photographe mulhousien Luc Georges publie son troisième ouvrage sur l’envers du décor de Calais, ce port où des millions de migrants se sont amassés, dans l’espoir fou de rejoindre l’Angleterre, juste de l’autre côté d’un ultime bras de mer. Ces êtes humains, réprouvés de la terre, démunis et qui se concentrent dans des friches et des landes ingrates aux portes de la sous-préfecture du Pas-de-Calais. Les images de Luc Georges (et les textes de son complice le journaliste Eric Chabauty) racontent des histoires de femmes et d’hommes au bout de leur chemin d’exil, quelquefois au bout de leurs forces… a

e petit (par le format) mais imposant recueil de photos est l’œuvre de Thierry Roos. Il se veut « un regard, un émerveillement, des surprises et des commentaires partagés de Strasbourgeois, acteurs et contemplateurs de leurs concitoyens dans une des plus belles villes du monde » écrit l’auteur dans sa préface. Et c’est vrai qu’il l’aime sa ville, le bon Thierry et il le prouve avec ses presque 200 pages de photos issues de son compte Instagram qui a permis de les collecter, les travailler et les partager. Tous celles et ceux qui habitent ici retrouveront aisément l’ambiance et la charme particulier de cette ville : ici, des rails du tram qui luisent au soleil couchant, là une fontaine où un monstre verdâtre aux lèvres de sang dégueule une eau translucide, plus loin encore deux passantes blotties sous un parapluie qui affrontent une violente averse de neige. Il fallait à l’évidence un œil acéré pour capter tous ces moments. Thierry Roos a cet œil-là… a

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Ajours un rêve autobiographique

Gérard Titus-Carmel i autobiographie, ni mémoires, Ajours est défini par son auteur, le peintre, dessinateur, écrivain et poète Gérard Titus-Carmel comme un rêve autobiographique, borné entre le décès de son père en 1948 et l’année d’un voyage au Japon qui marquera une rupture en termes affectifs et artistiques pour lui, rendu pour finir « à ce point de véritable solitude » devenu le sien et qui a « produit » l’artiste que nous connaissons aujourd’hui. Comme à l’ordinaire magnifiquement édité par L’Atelier Contemporain dont c’est ici le quatrième ouvrage consacré à cet artiste contemporain qui poursuit inlassablement son chemin créatif, loin des modes et des artifices de l’époque… a

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Goélette Esther London

La fabrique du terroriste solitaire Patricia Cotti

vertissement : ce roman de la réalisatrice de films documentaires Esther London va vous tenir en haleine jusqu’au dernier mot de la toute dernière page ! C’est une histoire à multiples facettes qui se déroule à Strasbourg, à Paris et dans le mystérieux Morvan, un puzzle intemporel où s’imbriquent aventures, jeux de mémoire, enquête sur un établissement éducatif et une jeune réalisatrice, Maëlle, chargée d’un reportage qui, par curiosité, va s’éloigner de son objectif premier… Voilà une fiction bien menée, appuyée par une plume acérée et une thématique romanesque très imaginative. Un premier livre réussi. a

a question du terroriste solitaire fait polémique. Longtemps appelé « loup solitaire », il n’a généralement rien d’un ermite. Qu’il se soit radicalisé par des contacts directs ou sur Internet, qu’il ait un passé de délinquant ou soit diplômé de l’enseignement supérieur, ce terroriste qui organise et commet seul son action, au nom d’une idéologie extrémiste, constitue un véritable défi pour les services de renseignement et pourla sécurité dans une démocratie. À ce jour, en France, aucun ouvrage n’a essayé de comprendre très concrètement le parcours de ces individus. Aucun n’a étudié, éléments à l’appui, l’existence ou non de particularités, notamment psychologiques, chez ces terroristes. À partir d’études de cas approfondies, l’universitaire strasbourgeoise Patricia Cotti narre dans ces pages l’histoire de quelques-uns de ces assaillants et criminels solitaires, islamistes ou d’extrême droite. Patricia Cotti travaille aussi avec une association strasbourgeoise référente radicalisation et terrorisme. Son livre passionnera les lecteurs intéressés par la psychologie des extrêmes et la s criminologie. a ition

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2KPARCOURS des professionnels du bâtiment. « Nous nous appuyons sur des partenaires culturels ayant déjà une offre pédagogique, car ils ont déjà les outils et une connaissance du jeune public », précise Gaëlle Hilbert, architecte coordinatrice du projet. Objectif ? Éveiller le regard des jeunes et susciter peut-être l’envie d’aller plus loin en construisant un projet pédagogique dans chaque classe autour d’une thématique liée au patrimoine.

Les Enfants au cœur du patrimoine vis aux enseignants : chaque année depuis 2018, le CAUE du Bas-Rhin, à l’instar des autres CAUE de France, propose une journée dédiée aux scolaires de la maternelle au lycée afin de leur faire découvrir de manière ludique et variée le patrimoine de proximité et emblématique, bâti et paysager, de notre région.

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Les Enfants du Patrimoine, c’est une opération totalement gratuite, immersive, enrichissante et ludique au cœur du patrimoine de notre région. Une initiative portée par les CAUE de France, et plus spécifiquement du Bas-Rhin pour ce qui nous concerne. L’idée ? Permettre aux enfants et adolescents de vivre une expérience particulière, la veille des Journées européennes du patrimoine, avec leurs enseignants, guidés par des architectes, des élus, des animateurs ou

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Escape game à la BNU, enquête sur les traces gallo-romaines… Au programme, des initiatives qui font déjà briller les yeux rien que d’y penser, autant autour du patrimoine historique que celui contemporain ou industriel. Et pour cette édition 2021, les nouveautés ne manquent pas. La BNU a décidé d’ouvrir ses portes entre escape game, visite de ses coulisses et découverte de ses 150 ans d’histoire. L’œuvre Notre-Dame invite à une visite de ses ateliers et à une montée gratuite sur la plateforme de la cathédrale. Les scolaires découvriront aussi en avantpremière l’Enquête de Mackwiller sur les traces du passé gallo-romain. Et pourquoi pas aussi découvrir la Passe à poissons de Gambsheim entre patrimoine industriel, découverte des paysages rhénans et observation du vivant. « Nous sommes vraiment touchés de l’implication de nos partenaires qui s’investissent malgré un contexte difficile et à la veille d’un grand événement européen, souligne Gaëlle Hilbert. On sent aussi un vrai intérêt chez les enseignants et un appétit pour les sorties après une année difficile. » L’objectif des CAUE ? « Pérenniser cet événement et que cela devienne une habitude pour les enseignants de regarder vers la mi-mai la programmation et d’inscrire la date sur leur agenda ! », sourit l’architecte. a

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Les dix ans de Rag n’Boogie

ix ans déjà que le talentueux pianiste Sébastien Troendlé nous régale avec sa passion communicative du Rag n’ Boogie. Une dextérité proverbiale est certes indispensable pour pratiquer le ragtime et le boogie à l’égal des grands pianistes noirs américains : Sébastien la possède, assurément, mais il est aussi un conteur et un showman d’exception, capable de nous faire voyager aux racines du boogie-woogie. Alors, pour fêter cet anniversaire, il a vu grand, très grand même. Deux masterclasses (Piano – les 17 et 31 octobre au Conservatoire de Strasbourg et Danse – le samedi 14 novembre sur la Petite Scène du Point d’Eau), les deux représentations de son spectacle musical au Point d’Eau de Ostwald le jeudi 12 novembre et un big concert final le samedi 14 novembre à 20h, toujours au Point d’Eau, avec une flopée de musiciens venus des ÉtatsUnis et des quatre coins de la France. Le même jour – le 14 novembre – une rencontre à la Librairie Kléber (10h/11h) permettra de tout savoir sur le ragtime et le 021 boogie-woogie, « des racines re 2 emb e sur v jusqu’aux branches » o , 14 n amm comme le dit joliment 12, 13 le progr au.com t Tou .pointde Sébastien. a w

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e festival Strasbourg-Méditerranée affiche toujours résolument sa volonté de croiser les expressions culturelles et artistiques des deux rives de la Méditerranée et de constituer un arc européen entre intellectuels, penseurs, artistes et défenseurs des droits humains. Cette 12e édition est justement centrée sur ces droits humains, bafoués là-bas, menacés ici, et la promotion d’une citoyenneté de la réconciliation. Ce sont pas moins d’une cinquantaine d’événements autour de concerts, de cinéma, de spectacles de danse, de débats et de rencontres littéraires et de théâtre qui vont ponctuer le riche programme prévu entre le 21 novembre et le 4 décembre prochains. De grandes figures de l’engagement seront présentes (programme complet à découvrir sur www.strasmed.com) mais d’ores et déjà on peut annoncer les deux concerts qui vont inaugurer et clôre le Festival, et qui se répondent dans leur souhait de faire dialoguer les cultures

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musicales du bassin méditerranéen, l’Incredible Mektoub Orchestra, né au sein du Festival et l’infatigable arpenteur des sons du monde, Titi Robin. Cette 12e édition s’inscrira plus que jamais sous le signe de la rencontre avec des artistes venus de nombreux pays et des scènes locales. Strasbourg-Méditerranée ira à la rencontre des mouvements hip hop et du club'in. De nouvelles expressions culturelles que les jeunesses des pays méditerranéens s’approprient dans un élan créatif et engagé, avec le spectacle Yellel du chorégraphe Hamid Ben Mahi et dans divers lieux, le café-mix de DJ Zhar, Love and Revenge de Rayess Bek qui mêle électro et vidéos de romances égyptiennes et des masters class avec DJ MalKolm et les danseurs de la compagnie Mira. a 21 e 20 mbr s, e c é u 4 d t, affiche re a emb comple etterie v o 21 n ramme et bill m x Prog et lieu smed.co s date ww.stra sur w

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OR CHAMP Par Audrey Chapot

CES CONDITIONNEMENTS QUI NOUS CAPTURENT, ET CE QU’ILS NOUS DISENT Audrey Chapot, anthropologue & auteure de trois ouvrages sur les évolutions sociétales de notre époque. www.audreychapot.com

es conditionnements envahissent notre quotidien. Personne n’y échappe. Des conventions de vie collective (comme rouler à droite en France, à gauche au Royaume-Uni) aux comportements émotionnels attendus (« les hommes ne pleurent pas », les femmes le peuvent), ces programmations collectives nous pétrissent comme de la pâte à modeler. Ils orientent notre vision du monde, nos états d’esprit et nos comportements. Ils filtrent notre appréhension du réel et instaurent une certaine idée de ce qui est « normal ». Ils constituent notre pilotage automatique, indispensable pour réagir vite et de manière systématisée tout au long de la journée, conformément aux règles de vie admises par notre société.

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Incontournables, les conditionnements sont parfois inconfortables ou limitants. À les laisser systématiquement prendre la main, nous inhibons nos propres ressentis et excluons de nouvelles manières de faire. Nous nous enfermons dans un conformisme devenu trop confortable, nous anesthésions parfois même nos capacités à arbitrer et discerner, nous oublions nos besoins de spontanéité et d’expérimentation. Ces croyances et comportements limitants sont d’ailleurs devenus le fléau préféré des professionnels du développement personnel à en croire la littérature et les services proposés. Là où l’être souffre, où son identité est fragilisée, il faut agir. Vaine ambition pourtant que de tenter de les éradiquer. D’abord parce qu’il est impossible de vivre sans conditionnements. Ensuite parce

qu’ils ne sont ni bons ni mauvais en soi, mais propices ou non à un contexte. Enfin et par banale conséquence, parce qu’ils ne sont pas le problème à résoudre, mais un symptôme de l’état de notre société. Tendons l’oreille. Observons. Souvenons-nous de l’évolution de notre propre histoire, des vérités et des évidences de nos ancêtres, si différentes des nôtres. Apprenons d’autres manières de voir et de faire. Nos conditionnements actuels révèlent simplement les dysfonctionnements de notre société. Ce qu’ils nous disent, c’est qu’ils sont désormais périmés. Ils ne répondent plus aux besoins ni aux enjeux de notre société. Ce qui était autrefois adapté ne l’est plus. Ils nous invitent donc à les actualiser à de nouvelles circonstances. D’ailleurs, les nombreuses revendications récentes le montrent. Les temps sont désormais propices à exprimer ce qui a été tu, à demander réparation et justice de ce qui fut autrefois banalisé et accepté, à inclure ceux qui sont jusqu’à présents exclus, à reconnaitre les singularités auparavant considérées comme des exceptions. Nos habitudes et nos vérités évoluent. Nous sommes en train d’effectuer un grand ménage de notre prêt-à-penser, de choisir de nouveaux filtres plus compatibles à notre époque. Nous sommes en train de répondre à une nouvelle équation du monde actuel, d’ajuster notre état d’esprit, d’assainir nos modes de vie, de choisir de nouvelles normalités. Si les conditionnements nous capturent, ils nous parlent aussi. Écoutons-les et agissons. a a OR CHAMP

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№42 SEPTEMBRE 2021 Directeur de la publication  Patrick Adler 1 patrick@adler.fr Directeur de la rédaction Jean-Luc Fournier 2 jlf@ornorme.fr Rédaction Alain Ancian 3 Eleina Angelowski 4 Isabelle Baladine Howald Erika Chelly 6 Amélie Deymier 7 Jean-Luc Fournier 2 Thierry Jobard 8 Véronique Leblanc 9 Aurélien Montinari 10 Charles Nouar 11 Jessica Ouellet 12 Barbara Romero 13 Benjamin Thomas 14 redaction@ornorme.fr

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Photographie Franck Disegni 15 Sophie Dupressoir 16 Alban Hefti 17 Abdesslam Mirdass 18 Vincent Muller 19 Caroline Paulus 20 Nicolas Rosès 21 Marc Swierkowski 22 Direction artistique et mise en page Cercle Studio Typographie GT America par Grilli Type Freight Pro par Joshua Darden Impression Imprimé en CE

Couverture  Illustration par Samuel Bas Instagram : @_samuelbas_ Portraits de l'équipe Illustrations par Paul Lannes www.paul-lannes.com Publicité Valentin Iselin 23 07 67 46 00 90 publicité@ornorme.fr Directrice Projet Lisa Haller 24

Or Norme Strasbourg est une publication éditée par Ornormedias 2 rue de la Nuée Bleue 67000 Strasbourg Contact : contact@ornorme.fr Ce numéro de OR NORME a été tiré à 15 000 exemplaires Dépôt légal : à parution N°ISSN : 2272-9461 Site web : www.ornorme.fr №42 — Septembre 2021 — Cultures



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Crédit photo : Getty Images.

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