OnR LeMag #4

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édito Après le formidable accueil que vous avez réservé à la première édition du FESTIVAL ARSMONDO, l’intérêt, je dirai même l’enthousiasme que vous avez manifesté pour notre programmation japonaise, vous avez pu prendre connaissance, il y a quelques semaines, à la lecture de la brochure de la saison 2018-2019, de notre projet artistique et du pays et de la culture qui seront honorés au printemps prochain. Avec l’Argentine, c’est à un autre dépaysement que nous vous inviterons, à des rencontres avec des « cousins éloignés » avec lesquels la France n’a cessé d’entretenir des relations privilégiées au cours du XXe siècle. La rapidité avec laquelle beaucoup d’entre vous, lecteurs et abonnés, avez renouvelé votre fidélité à notre institution en vous engageant à suivre les sept nouvelles productions d’opéra et les cinq programmes de danse du Ballet qui seront à l’affiche de septembre à juin, ne peut que nous toucher et nous réjouir. La fin de l’actuelle saison est forte de nombreuses créations qui devraient vous faire vivre de beaux et forts moments auprès de nos artistes. Dans ce numéro de OnRLeMag, les chefs d’orchestre Roland Kluttig et Marko Letonja vous donneront leurs points de vue sur les œuvres et univers de Schönberg, Tchaïkovski et Weill au programme de ces prochains mois. La forte présence anglaise d’ici l’été nous a conduit à vous présenter un dossier « Opera in the UK » qui comporte des éclairages sur l’histoire récente de l’opéra en Grande-Bretagne par Nicholas Payne, un portrait de David Pountney, une des figures majeures de la mise en scène depuis plus de quatre décennies, et un entretien avec Frederic Wake-Walker, un artiste émergent très sollicité qui fait ses débuts dans notre institution, et le programme du récital du ténor Ian Bostridge, invité surprise à la suite de l’annulation du récital de Yann Beuron. Avec Danser Bach au XXIe siècle, Bruno Bouché inaugure une série qui sera déclinée au cours des prochaines saisons. À l’entrée au répertoire du Ballet de son Bless-ainsi soit-IL s’associent les créations Partita de Thusnelda Mercy et Tribulations de Martin Chaix pour des soirées très attendues à Mulhouse, Colmar et Strasbourg, scénographiées par Matias Tripodi.

SOMMAIRE

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Opera in the UK

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L'opéra en Grande-Bretagne, une histoire récente Entretien avec Nicholas Payne

Les Sept Péchés capitaux...

11 Schönberg et Weill, attraction des contraires Entretien avec Roland Kluttig 15 David Pountney ou la passion sans fin Portrait de David Pountney

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Eugène Onéguine

25 Tchaïkovski, le classique russe Entretien avec Marko Letonja

28 L’amour jusqu’à se brûler les ailes Entretien avec Frederic Wake-Walker

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Ian Bostridge

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Ludovic Tézier

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Danser Bach au XXIe siècle

Récital Récital

Un univers musical,

trois univers chorégraphiques Entretien avec Bruno Bouché

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Bals en liance

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Vite dit

44 Calendrier

Directrice de la publication Eva Kleinitz Rédacteur en chef Christian Longchamp Directrice de la communication Mélanie Aron

Je n’oublierai pas de vous rappeler la présence sur notre scène, en clôture de saison, du plus grand baryton français, le merveilleux Ludovic Tézier.

Conception graphique la fabrique des regards / Muriel Waerenburgh Iconographie la fabrique des regards / Lise Bruyneel Secrétariat de rédaction et mise en page Julien Roide

Je vous souhaite un très beau printemps.

Impression Ott Imprimeurs Journal imprimé à 10000 exemplaires Licences 2-1055775 et 3-1055776 ISSN : 2556-5397

EVA KLEINITZ

Photo couverture : Agafia Polynchuk


opera in the uk NICHOLAS PAYNE, DAVID POUNTNEY, FREDERIC WAKE-WALKER


L’OPÉRA EN GRANDE-BRETAGNE, UNE HISTOIRE RÉCENTE ENTRETIEN NICHOLAS PAYNE Propos recueillis par Tiziano Pellegrino

N

ous avons saisi l’occasion de la présence de deux metteurs en scène anglais à l’Opéra national du Rhin en cette fin de saison, ainsi que celle du ténor Ian Bostridge lors d’un récital le 23 mai, pour demander à Nicholas Payne, aujourd’hui à la tête de l’organisation Opera Europa et qui a eu des fonctions éminentes dans quatre des cinq maisons d’opéra du Royaume-Uni, d’évoquer l'histoire peu connue de l’émergence de grandes maisons d'opéra en Angleterre, en Écosse et au Pays de Galles depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. par David Webster, le directeur général. J’ajoute que parmi ceux qui se sont mobilisés pour la création du Royal Opera House, ce nom ne lui sera accordé qu’en 1968, beaucoup aimaient énormément les œuvres de Richard Wagner et la musique allemande. La volonté de dépasser la violence et les blessures de la guerre était très présente à l’esprit de ceux qui se sont lancés dans cette aventure qui avait un but prioritaire : permettre l’émergence d’une tradition anglaise de l’opéra avec l’objectif d’encourager la création de compositions en langue anglaise et de nouvelles générations de chanteurs britanniques. Rappelez-vous que le contexte semblait favorable. Benjamin Britten venait de stupéfier les amateurs d’opéra, en juin 1945, avec son Peter Grimes dont la première fut donnée au Sadler’s Wells Theatre. Et c’est à Covent Garden que, dans les années 1950, Britten devait créer Billy Budd et Gloriana. C’était un choix courageux, une volonté nouvelle de défendre des artistes vivants britanniques. D’une certaine manière ce projet s’inscrivait dans les initiatives multiples de ces années qui semblaient portées par la confiance du retour à la paix et l’envie d’offrir de nouveaux accès à la culture, au même titre que les créations des festivals d’Aix-en-Provence et d’Edimbourg. P. 2 – 3

En raison de votre carrière et de vos expériences à la tête de quatre institutions lyriques en GrandeBretagne, vous êtes tout particulièrement bien placé pour nous décrire les spécificités du monde de l’opéra de l’autre côté de la Manche. Je commencerai par ceci : vous devez vous rappeler que la Grande-Bretagne n’a pas une tradition lyrique comparable à celle que nous trouvons en Allemagne, en France, en Italie et même en Russie. Le développement de l’intérêt pour l’opéra est récent ; il n’est pour ainsi dire apparu qu’au cours de la seconde partie du XXe siècle. Covent Garden n’a été fondé comme compagnie, la Covent Garden Opera Company, fonctionnant à plein temps, qu’immédiatement après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Auparavant, des imprésarios programmaient des saisons de trois ou quatre mois et on donnait dans ce magnifique théâtre des spectacles généralement créés ailleurs, de passage à Londres. C’est le modèle allemand qui a été délibérément choisi en 1946-1947, ce qui est assez extraordinaire compte tenu du fait que le pays sortait à peine d’une guerre douloureuse contre les nazis. Et c’est un directeur musical d’origine autrichienne, Karl Rankl, élève de Schönberg et de Webern, qui avait trouvé refuge en Angleterre en 1939, qui fut engagé


Royal Opera House, Covent Garden, Londres

Et à quand remonte la création du Festival de Glyndebourne ? À 1934. Et le goût des Anglais pour la musique allemande et les grands artistes allemands s’y est aussi manifesté dès le début lorsque son fondateur, cet excentrique mélomane, John Christie, a souhaité consacrer sa fortune personnelle, après avoir fréquenté les festivals de Bayreuth et Salzbourg, à la création d’un festival d’art lyrique dans un lieu improbable en engageant deux artistes allemands qui avaient fui l’Allemagne après l’arrivée de Hitler au pouvoir, le chef d’orchestre Fritz Busch et le metteur en scène Carl Ebert. Ce fut là aussi une occasion pour les Anglais d’apprendre le fonctionnement du monde de l’opéra en s’appuyant sur l’expérience germanique. Dans quelle langue les œuvres étaient-elles chantées dans le tout nouveau Covent Garden ? En anglais ! Wagner en anglais ! Et tous les autres compositeurs également ! Durant des années ce fut la règle avant que quelques exceptions viennent affaiblir ce postulat. Ce fut le cas de Kirsten Flagstad qui a exigé d’interpréter Isolde en allemand, bien qu’elle ait chanté, tout comme Hans Hotter, Die Walküre en anglais. Et Elisabeth Schwarzkopf fut une Violetta et une Elsa en langue anglaise. Cela peut nous paraître étonnant aujourd’hui, mais n’oublions pas qu’à la même époque

Nozze di Figaro était donné en allemand à Berlin ou à Vienne. Les choses ont évolué par la suite au début des années 1960. L’administration artistique de Covent Garden a compris que pour l’engagement de grands chanteurs comme Maria Callas il était impossible de leur demander d’apprendre ou de réapprendre leurs rôles en anglais. Et dans le même temps, la deuxième scène lyrique de Londres, Sadler’s Wells Opera, qui se déplacera en 1968 au London Coliseum puis deviendra par la suite l’English National Opera, proposait à des prix beaucoup plus bas des spectacles en langue anglaise avec des distributions presque exclusivement anglophones. Le public au Covent Garden préférait entendre les plus grands chanteurs au monde dans la langue originale de l’œuvre que de se passer de les voir sur scène. J’ai commencé à travailler au Covent Garden à la toute fin des années 1960, durant les deux dernières années où Georg Solti était directeur musical, époque où Pierre Boulez est venu diriger Pelléas et Mélisande de Debussy par exemple, Otto Klemperer avait dirigé Fidelio de Beethoven quelques années plus tôt, Colin Davis avait dirigé la première production intégrale des Troyens de Berlioz. C’était une époque assez extraordinaire. De grands spectacles avaient légitimé toute l’aventure de cette jeune institution. Au cours des années 1970, ces deux maisons d’opéra, Covent Garden et le Coliseum — n’oublions pas qu’elles ont toutes les deux des jauges de plus de 2000 places et qu’elles sont distantes de moins d’un kilomètre — se livrèrent à une forme de saine compétition, bien qu’elles ne figuraient objectivement pas dans la même catégorie. Les artistes qui se produisaient au Coliseum


DOSSIER OPERA IN THE UK

étaient avant tout britanniques ou étaient originaires du Commonwealth alors que ceux qui étaient engagés au Covent Garden étaient très largement des chefs d’orchestre et, comme je l’ai indiqué, des chanteurs étrangers, et parmi eux figuraient les plus grandes stars internationales. En dehors de Londres, les choses ont pris plus de temps à se développer. Les villes les plus importantes de Grande-Bretagne accueillaient des tournées des deux maisons d’opéra de la capitale et ce n’est que progressivement que des institutions sont devenues plus professionnelles et ambitieuses, je parle bien entendu du Welsh National Opera à Cardiff, du Scottish Opera à Glasgow et de l’Opera North à Leeds, la dernière des trois à avoir vu le jour en 1978. Quand j’ai rejoint celle-ci, trois ans plus tard, son développement était encore embryonnaire, ce qui a rendu d’ailleurs l’aventure tout à fait passionnante car tout était à inventer et à développer. Ce qui est intéressant à souligner je trouve, c’est que ces trois maisons d’opéra qui avaient chacune leur centre ou leur base – à Cardiff, à Glasgow et à Leeds – ont dû, pour justifier leur existence auprès des politiques et des contribuables, faire un nombre important de tournées. L’organisation des tournées faisait partie intégrante du projet artistique et du planning de ces maisons. Il n’aurait pas été possible d’entretenir des théâtres lyriques exclusivement pour trois villes de ces tailles. Le Welsh National Opera par exemple proposait régulièrement des productions à Birmingham, Bristol, Liverpool, Southampton et dans des villes du nord du Pays de Galles. Lorsque j’étais à l’Opera North, nous ne donnions pas plus de 50% de nos spectacles à Leeds. Nous étions régulièrement à Manchester, Nottingham ou Newcastle. Nous étions sans doute un peu jaloux du système allemand ou français avec des maisons d’opéra qui, même dans des villes moyennes, proposent des saisons complètes dans un seul théâtre, mais l’organisation si spécifique de l’Opéra national du Rhin avec son déploiement dans trois villes répond en partie à la même logique : lorsqu’on investit de l’argent public dans une production, on cherche à la présenter au plus grand nombre et donc dans différentes villes. Je reste toujours assez stupéfait de voir quelques maisons d’opéra en France disposées à créer de nouvelles productions pour 3 ou 4 représentations avec plus de trois semaines de répétitions. Comment peut-on justifier de telles dépenses ?

English National Opera, Coliseum, Londres

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Financièrement, comment ces théâtres fonctionnent-ils ? Ils ne pourraient pas vivre sans des financements publics à la différence du Festival de Glyndebourne qui est lui l’exemple d’un autre modèle, un modèle privé qui a été, de manière inattendue, un véritable succès, et qui a été à l’origine d’autres initiatives ailleurs en Grande-Bretagne. L’opéra considéré, au même titre


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que d’autres arts, comme relevant d’un service public est récent en Grande-Bretagne. Des élus ont décidé à partir des années 1950 que les peuples écossais, gallois ou ceux de territoires anglais éloignés de Londres devaient avoir eux aussi accès à l’opéra, comme aux musées qui dès l’époque victorienne avaient ouvert leurs portes au public. On peut d’ailleurs élargir la perspective et évoquer plus largement l’investissement de l’État, après la Seconde Guerre mondiale, dans les services publics, pensez notamment à la création en 1948 du National Health Service, le système de la santé publique du Royaume-Uni. La création de ces lieux de culture est l’une des conséquences de cette profonde et silencieuse révolution social-démocrate qu’a connue la Grande-Bretagne, tout comme d’autres pays européens. Des écoles publiques performantes, des systèmes de protection sociale et de santé publique efficaces, des transports accessibles et des lieux de culture ouverts à tous, voilà en quelques mots ce qui a porté beaucoup d’initiatives en Europe pendant les dernières décennies. Cette ambition fut la grande affaire des pays démocratiques au XXe siècle. Est-ce le cas encore aujourd’hui ? Sous-entendez vous que les habitants de Glasgow par exemple entretiennent aujourd’hui la même relation de fierté avec leurs théâtres ou musées que ceux de Karlsruhe, Stuttgart ou Mannheim par exemple ? Oui et non. Je ne suis pas sûr que nous ayons pleinement réussi. Mais observez la place qu’occupe le

Scottish Opera Theatre Royal Glasgow

Palais Garnier dans l’urbanisme de Paris, ou l’Opéra Bastille, ou encore l’Opéra à Strasbourg sur la place Broglie. Qu’en est-il à Londres du Royal Opera House ou de l’English National Opera ? Les entrées de ces bâtiments ne sont absolument pas spectaculaires, elles sont même discrètes, logées dans des rues secondaires. Comparez-les avec le positionnement de la National Gallery sur Trafalgar Square. Cela peut nous aider à expliquer un certain nombre de choses. Lorsque j’étais au Welsh National Opera, nous avons travaillé beaucoup à la création d’un lien important entre les citoyens et leur maison d’opéra lorsque celle-ci s’arrêtait en tournée dans leur ville. J’ai valorisé l’organisation de ces tournées régulières et j’ai mis en place des séries d’abonnements qui n’existaient pas avant, toujours dans l’espoir d’approfondir ce lien et cette fidélité. Lorsque j’étais à Leeds, à la direction de l’Opera North, j’ai obtenu un engagement financier de la ville bien plus important que partout ailleurs. Ce fut très important d’obtenir l’assentiment et la confiance des élus de la ville en leur faisant comprendre que cette maison d’opéra devait être leur fierté. Est-ce que la BBC a joué et joue encore un rôle important dans la promotion de la musique classique en Grande-Bretagne ? Oui, certainement. Il est toujours facile de critiquer la BBC compte tenu de la taille gigantesque de cette institution et donc de son coût, mais Radio 3 et Radio 4 proposent des programmes remarquables. Si nous nous


DOSSIER OPERA IN THE UK

NICHOLAS PAYNE

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La carrière de Nicholas Payne dans les institutions lyriques britanniques est sans équivalent. En effet, après avoir débuté dans le monde de l’opéra au Covent Garden en 1968 auprès de David Webster et Georg Solti, il a eu, pendant vingt-sept ans, des responsabilités importantes dans quatre maisons d’opéra. Il fut ainsi le contrôleur financier du Welsh National Opera, l’administrateur général de l’Opera North, directeur du Royal Opera House Covent Garden et directeur général de l’English National Opera. Depuis 2003, il dirige l’organisation Opera Europa (www.opera-europa. org), un réseau d’échanges et de partages d’informations qui regroupe plus de cent-quatre-vingt-deux maisons d’opéra et festivals dans quarante-deux pays.

Qu’en était-il des compositeurs et metteurs en scène anglais ? Rappelons un fait tout d’abord spectaculaire  : il n’y eut aucun compositeur anglais d’opéra de valeur entre Purcell et Britten. Si Elgar avait été Allemand, il aurait peut-être écrit autant d’opéras que Strauss. Le cas Britten est donc tout à fait extraordinaire. Peter Grimes fut une réussite stupéfiante pour un premier opéra. Pensez aux premiers opéras de Verdi, de Puccini ou de Wagner, ils n’ont pas les qualités de Peter Grimes. Depuis plusieurs décennies, les compositeurs anglais de très grands talents ont émergé, songez à Harrison Birtwistle, Peter Maxwell Davies, Mark-Anthony Turnage, George Benjamin, Thomas Adès pour ne citer que quelques-uns. Une des grandes joies dans mes fonctions à Opera North a été de découvrir toute une génération de metteurs en scène anglais qui, à la différence des metteurs en scène précédents qui avaient préféré le théâtre ou le cinéma, ont voulu résolument faire carrière dans l’opéra. À un moment les choses ont changé, pour de nombreux très talentueux artistes, il y eut un désir véritable de créer à l’opéra, sur une scène d’opéra. L’opéra est devenu désirable pour de jeunes metteurs en scène et décorateurs. P. 6 – 7

arrêtons un instant sur l’enseignement de la musique et si nous évoquons plus largement la culture musicale, vous trouverez de l’autre côté de la Manche, en France ou en Italie notamment, une catastrophique chute d’intérêt pour la musique classique même si les maisons d’opéra essaient, à travers des initiatives louables, de permettre aux écoles et aux familles d’encourager à la découverte du chant et de la musique. Cette tendance est générale malheureusement. Dans ces cinq institutions – Covent Garden, English National Opera, Welsh National Opera, Scottish Opera et Opera North, cinq à l’échelle de la GrandeBretagne, vous avouerez que c’est peu en comparaison avec la France et l’Allemagne plus encore – il y a eu dans les années 1980, même au temps où économiquement la situation était difficile, le sentiment que l’intérêt pour l’opéra se renforçait, dans toutes les couches de la société. Il y eut une certaine fièvre, une excitation particulière lorsque ensemble, le Welsh National Opera et le Scottish Opera, nous avons lancé notre cycle Janáček dans les années 1970, en commençant par Jenufa.

Le metteur en scène de ce cycle était le jeune David Pountney qui était par ailleurs directeur de production au Scottish Opera. Compte tenu de la coproduction entre les deux institutions, chacun des spectacles du cycle, qui était donné en anglais, a été présenté dans près de 20 villes différentes au cours des années. Ce fut une sorte de révolution, car pour beaucoup de spectateurs, Janáček était totalement inconnu. Bien évidemment qu’il nous fallait également programmer de grandes œuvres du répertoire, de Puccini ou de Mozart, mais chaque année au moins une œuvre était essentiellement nouvelle pour le public. Nous participions à ce titre à l’éducation artistique de toute une région.


DOSSIER OPERA IN THE UK

Auparavant, si je suis honnête, lorsque j’étais en poste au Welsh National Opera, nous avons surtout cherché à inviter des metteurs en scène étrangers car nous avions l’impression que les artistes anglais proposaient des approches souvent trop littérales. Nous avons donc délibérément cherché à attirer des artistes du continent, notamment est-allemands comme Harry Kupfer ou Ruth Berghaus. Ils ont apporté à Cardiff un professionnalisme dans l’organisation et une exigence artistique qui furent essentiels. Lorsque Joachim Herz est venu pour Madam Butterfly il m’a demandé huit semaines de répétitions… J’étais pris à la gorge mais je lui ai dit, ok, pas de problème, nous sommes une petite institution, ce sera possible. Et évidemment le travail a été d’une plus grande précision que lorsque vous travaillez pendant cinq semaines. Le jeune Kupfer avait une force extraordinaire, un dynamisme impressionnant. Avec Berghaus, c’était un peu plus difficile peut-être car elle défendait une esthétique qui était très éloignée de celle qu’attendait le public. Peter Stein, qui était alors au sommet avec ses succès à la Schaubühne de Berlin, est venu pour une nouvelle production d’Otello. Les metteurs en scènes roumains Andrei Serban, Liviu Ciulei et Lucian Pintilie ont été de l’aventure. Ce que nous avions compris, c’est que nous ne pourrions pas entrer en compétition au niveau des chanteurs avec Covent Garden. Les cachets qui y étaient offerts étaient beaucoup trop élevés pour nous. Nous avons donc parié sur la qualité et l’originalité des metteurs en scène en leur offrant des conditions de travail qu’ils ne pouvaient pas trouver ailleurs, du temps et des chanteurs présents pendant toute la période des répétitions. Quand j’ai pris la

direction d’Opera North, j’ai considéré que ce qui avait été fait à Cardiff ne pouvait pas être reproduit et qu’il me fallait donc découvrir des metteurs en scène anglais. J'ai eu la joie de travailler avec des artistes brillants tels que Tim Albery, Richard Jones, Phyllida Lloyd, Deborah Warner, Tom Cairns, Antony McDonald, David McVicar… Quels rapports les femmes et les hommes politiques entretiennent-ils avec l’opéra en Grande-Bretagne aujourd’hui ? J’ai le sentiment qu’aujourd’hui notre classe politique, ici comme ailleurs en Europe, à de très rares exceptions près, est beaucoup moins cultivée, beaucoup moins intéressée par la musique et l’opéra en particulier que par le passé. Je me rappelle que lorsque j’étais au Covent Garden, à la suite de la première de Don Carlos au Châtelet dans la production de Luc Bondy, un spectacle que nous coproduisions, Stéphane Lissner qui dirigeait alors ce théâtre était très fier de me présenter au Ministre de la Culture qui était passé au restaurant où nous dînions, une heure après la fin du spectacle auquel il avait assisté, pour saluer les artistes et le coproducteur anglais. Ceci était alors simplement inconcevable en Grande-Bretagne et aujourd’hui moins encore. Récemment, deux politiciens conservateurs amateurs d’opéra,

Welsh National Opera Welsh Millennium Centre, Cardiff


OPÉRA KEIN LICHT / INTERVIEW

Opera North Grand Theatre, Leeds

L’Opéra national du Rhin accueille deux metteurs en scène anglais en cette fin de saison. David Pountney et Frederic Wake-Walker sont à bien des égards très différents, ne serait-ce que par leur parcours artistique respectif, leur différence d’âge. Vous suivez leur carrière, vous avez même travaillé avec David Pountney à plusieurs reprises. Pourriez-vous définir en quelques mots chacun de ces deux artistes ? De David Pountney, je dirai ceci : comme directeur de production à l’English National Opera pendant les années 1980, il a été le porte-drapeau d’une nouvelle esthétique de l’opéra au Royaume-Uni. Ses propres mises en scène ont proposé des lectures dramaturgiques audacieuses, souvent en collaboration avec des designers remarquables comme Stefanos Lazaridis et Maria Bjørnson. Bien qu’il soit indubitablement anglais, il a toujours été ouvert à l’Europe continentale,

tant dans ses intérêts littéraires que dans ses influences théâtrales. En outre, il a toujours été l’avocat de la création contemporaine, en tant qu’auteur de libretti pour des compositeurs vivants et en créant un nombre important d’opéras. Une de ses grandes qualités est sa générosité qui s’est exprimée notamment par le soutien qu’il a apporté à de nouveaux talents. Dans son travail de metteur en scène, il appartient à la tradition anglaise pour laquelle « raconter l’histoire » est essentiel, mais il l’associe de manière originale à une manière plus « conceptuelle » d’aborder les œuvres telle que nous la trouvons sur le continent, en Allemagne notamment. Frederic Wake-Walker, quant à lui, appartient à la nouvelle génération de producteurs/metteurs en scène qui ont commencé par inventer leurs propres compagnies afin d’être libres d’expérimenter de nouvelles formes à distance des grandes institutions. Cette liberté lui a permis d’accorder une place privilégiée aux œuvres contemporaines dans son projet et lui a permis d’investir des espaces abandonnés ou des friches pour ses créations, en proposant de modifier les rapports entre artistes et spectateurs. Ses succès ont attiré l’attention du Festival de Glyndebourne où il a présenté La finta giardiniera de Mozart et du Teatro alla Scala qui a produit Le nozze di Figaro dans sa mise en scène. Avec Eugène Onéguine à l’Opéra national du Rhin, c’est un nouveau un défi pour ce très talentueux metteur en scène qui va consister notamment à préserver l’intimité dont il a fait une signature de son travail dans un théâtre à l’italienne et sur une grande scène.

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à l’occasion du Ring que proposait Covent Garden, se sont glissés presque clandestinement dans le théâtre en redoutant de se faire remarquer car leur image auprès des électeurs pouvait souffrir selon eux de cette passion honteuse… Nous en sommes là. C’est un scandale. La situation est encore un peu différente à Leeds où les politiciens étaient assez fiers de nous je crois à l’époque. Mais il y a fondamentalement un côté philistin en Angleterre qui a empiré encore récemment. Mais ce qui était impossible en Allemagne il y a quelques années à peine est en train de changer là-bas aussi. La conviction semble ancrée désormais dans l’esprit des politiques que de montrer publiquement son intérêt pour l’opéra ou la musique classique peut-être problématique électoralement. Est-ce que la France échappe à cette tendance ? Je n’en suis pas sûr.


© plainpicture_Readymade-Images_Alexis plainpicture/Distinctimage/Julie de Waroquier Bastin

LES INVITÉS

les sept péchés capitaux ...


LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX / ARNOLD SCHÖNBERG – KURT WEILL

SCHÖNBERG & WEILL ATTRACTION DES CONTRAIRES ENTRETIEN ROLAND KLUTTIG, CHEF D’ORCHESTRE Entretien conduit par Tiziano Pellegrino

R

éunis dans une soirée qui s'annonce surprenante et captivante, trois opéras courts de deux des plus grands compositeurs du début du XXe siècle forment un voyage imaginaire à la suite de deux femmes ensorcelantes. Alors que la rigueur de Schönberg et le goût du music-hall de Weill devraient les opposer, ce spectacle que dirige Roland Kluttig pour ses débuts à l’Opéra national du Rhin, souligne combien au contraire le monde du cabaret les font dialoguer et les rapproche.

Pouvez-vous nous parler de votre activité de chef d’orchestre principal au Landestheater de Coburg ? Vous avez dirigé tous les répertoires, de la musique

baroque à la musique contemporaine, à l’opéra et en concert. Votre curiosité et vos connaissances d’une grande variété de répertoires ont été saluées par la critique et le public. Mais vous avez certainement des affinités électives avec certains compositeurs. Il s’est finalement avéré que la position appelée en allemand GMD, c’est-à-dire Generalmusikdirektor, était idéale au vu de ma trajectoire musicale. « General » se réfère incontestablement à l’armée, mais vient aussi de « studium generale », c’est-à-dire d’études générales par opposition à « études spécialisées ». Nous vivons à une époque où il y a des spécialistes du baroque, des spécialistes de l’opéra italien, des chefs d’orchestre de musique contemporaine ou des spécialistes de Wagner et de Strauss. J’essaie d’être un spécialiste de tous ces genres et j’apprécie beaucoup la grande diversité du répertoire de l’Opéra de Coburg. J’y ai dirigé des opéras de Purcell, Händel, Gluck, Mozart, Beethoven, Smetana, Dvořák, Janáček, Tchaïkovski, Verdi, Puccini, Debussy, Wagner, Strauss, Britten, Sciarrino. Je n’ai pas de compositeur préféré, mais si je dois nommer mes opéras préférés je dirais Don Giovanni, Don Carlo, Eugène Onéguine, Tristan und Isolde, Pelléas et Mélisande, La Bohême, La Petite Renarde rusée, Wozzeck… P. 10 – 11

J’aimerais commencer par vous poser quelques questions personnelles pour permettre à nos lecteurs et au public de l’Opéra national du Rhin de mieux vous connaître. Quelle a été votre trajectoire artistique ? Quelle a été votre formation ? Je viens d’une famille de musiciens. Mon père, Christian, était directeur musical à Chemnitz et à Halle/ Saale, si bien que j’ai grandi en quelque sorte au théâtre. J’ai joué du violon, de la batterie et du piano et c’est tout naturellement que je me suis intéressé à la direction d’orchestre. Mais le théâtre m’intéressait aussi beaucoup et, à une époque, j’aurais préféré devenir comédien. J’ai fait mes études musicales à Dresde, à l’époque de la chute du Mur, et j’allais tous les étés en Hongrie suivre le Séminaire BartÓk où ont enseigné tous les grands musiciens hongrois, parmi lesquels Peter Eötvös. Dans les années 1990, j’ai surtout dirigé des ensembles de musique contemporaine, mais l’opéra me manquait. En 2001 j’ai rejoint l’Opéra de Stuttgart comme Kapellmeister et assistant de Lothar Zagrosek.


OPÉRA LES SEPT PÉCHÉS LES INVITÉS CAPITAUX / ROLAND KLUTTIG

Cette partition que vous avez maintes fois dirigée est aujourd'hui considérée comme une œuvre capitale de la modernité. On peut dire que cette œuvre marque, en effet la naissance de la musique moderne au XXe siècle. Elle est un véritable tournant et un grand nombre de compositeurs en étaient conscients, quelle que soit

leur opinion sur la musique de Schönberg – Puccini, Ravel, Stravinski et bien d’autres. Ravel a écrit une de ses meilleures œuvres après la parution de Pierrot – Trois poèmes de Stéphane Mallarmé – et Stravinski ses Poèmes de la lyrique japonaise (Three Japanese Lyrics). Le mélodrame était une forme populaire à cette époque, mais l’alliance du Sprechgesang (chant parlé) et de cette forme de musique de chambre était inconnue. Pierrot lunaire et L’Histoire du soldat de Stravinski marquent un tournant dans l’histoire de la musique. Certains ont soutenu que Schönberg n’avait pas pris réellement en compte le contenu poétique de l’adaptation par Otto Erich Hartleben des vingtet-un poèmes d’Albert Giraud et que, pour lui, ce contenu était secondaire. Qu’en pensez-vous ? Pour moi, au contraire, Schönberg s’est fortement inspiré des paroles de poèmes. Chaque parole est restituée de façon saisissante par le discours musical au travers des formes qui donnent aux images leur relief sonore (canon, sonate, mouvement rétrograde, forme-miroir). Dans cette période de son activité musicale dite atonale, qui se situe après son abandon du romantisme tardif mais avant le début de sa période dodécaphonique, le texte est souvent la source d’inspiration qui fixe la forme. C’est l’époque du monodrame Erwartung, de La Main heureuse (Die glückliche Hand), du Livre des jardins suspendus (Das Buch der hängenden Gärten) – toutes des œuvres composées sur des textes. © Marco Borggreve

Parlons de la nouvelle production de l’Opéra national du Rhin. Dans quelles circonstances et à quel âge avez-vous découvert Pierrot lunaire ? Vous souvenez-vous de l’émotion que vous avez ressentie ? Pierrot lunaire représente un tournant dans ma vie de musicien. J’ai travaillé cette œuvre pour la première fois lors d’une master class de Peter Eötvös avec l’Ensemble intercontemporain au célèbre Séminaire BartÓk de la ville de province hongroise Szombathely. À l’époque l’œuvre était pour moi presque trop complexe, mais j’ai beaucoup appris auprès de musiciens de l’Ensemble intercontemporain tels que Pierre-Laurent Aimard ou Pierre Strauch. Quelques années plus tard, Pierrot était la pièce maîtresse du premier concert professionnel que j’ai dirigé avec des musiciens du Rundfunk-Sinfonieorchester de Berlin et l’extraordinaire chanteuse Salome Kammer, qui reste pour moi la plus grande interprète vocale de ce rôle. Depuis lors, cette œuvre m’a accompagné tout au long de ma vie professionnelle.

Quelles sont les difficultés particulières à surmonter quand on dirige cette œuvre ? Et quelles sont les qualités indispensables que doit posséder le chanteur qui l’interprète ? Toutes les parties instrumentales sont d’une extrême exigence pour chaque instrument. C’est une œuvre de musique de chambre du plus haut niveau. La partie vocale a conduit à de longues discussions sur la manière de dire et chanter. Dans le contexte historique, il faut savoir que les acteurs de cette époque avaient une gamme d’intonations bien plus étendue qu’aujourd’hui. La tentative de Schönberg de définir le Sprechgesang par « l’attaque de la note à la hauteur juste pour la quitter immédiatement » – au contraire du chant normal, a conduit à toute sorte de malentendus, de nombreux interprètes utilisant un mode de « glissando » permanent.


OPÉRA LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX / ROLAND KLUTTIG

L’avis que je donne aux interprètes est de tout d’abord simplement réciter le texte en respectant le phrasé rythmique et avec les expressions requises puis de s’exercer à le chanter dans toutes les hauteurs de ton possibles. Lors de l’exécution, les deux chemins devraient se rejoindre. En tout cas, ils ne doivent pas chanter comme on chante une œuvre d’opéra classique. Quinze années seulement séparent les créations de Pierrot lunaire de Mahagonny - ein Songspiel. En 1927, le monde musical s’était enrichi d’un grand nombre d’expériences nouvelles, l’Europe s'était déchirée et l’Empire austro-hongrois avait disparu, la nouvelle République de Weimar était assaillie par le populisme, la montée de l’antisémitisme était indiscutable et nous étions à la veille du désastre financier qui engagera l’Europe dans une nouvelle dynamique belliciste. Les langages musicaux de Pierrot lunaire et des deux œuvres de Kurt Weill que vous allez diriger à l'OnR sont très différents. Quelle a été votre réaction à l’invitation d’Eva Kleinitz de diriger ces trois œuvres le même soir dans une même production ? C’est une combinaison très intéressante et inhabituelle, car bien que ces œuvres appartiennent à la même époque et prennent leur source dans le genre théâtral de l’époque, principalement le cabaret, le résultat en est très différent. Le mépris de Schönberg pour le « compositeur de divertissement » Kurt Weill est connu, mais nous portons aujourd’hui, à une distance d’un siècle, un tout autre regard sur cette époque, et les points communs entre ces œuvres – un climat analogue – nous frappent davantage que leurs différences.

Ivresse de lune Le vin que l’on boit par les yeux À flots verts de la Lune coule, Et submerge comme une houle Les horizons silencieux. De doux conseils pernicieux Dans le philtre nagent en foule Le vin que l’on boit par les yeux À flots verts de la Lune coule. Le Poète religieux De l’étrange absinthe se soûle Aspirant, jusqu’à ce qu’il roule Le geste fou, la tête aux cieux, Le vin que l’on boit par les yeux ! Premier des poèmes du Pierrot lunaire, texte de Albert Giraud

SYNOPSIS

***

P. 12 – 13

Donner de ce spectacle un résumé ou un synopsis n’aurait aucun sens. À l’instar des soirées de cabaret, disons qu’il se compose d’une succession de scènes poétiques, de numéros brillants et de moments équivoques. « Quand nous fûmes bien pourvues de lingerie, de robes et de chapeaux, déclare Anna dans Die sieben Todsünden, nous avons trouvé une place de danseuse dans un cabaret. C’était à Memphis, la deuxième ville de notre voyage… ». S’y mêlera l’esprit d’une époque qui a en son cœur la catastrophe de la Première Guerre mondiale et qui glisse dangereusement vers un nouveau crépuscule avec l’arrivée au pouvoir des nazis. Tout alors n’est pas écrit, mais tout semble aller vers l’abîme, ce qui amènera Arnold Schönberg, Kurt Weill et Bertolt Brecht à quitter l’Allemagne pour les Etats-Unis. Cette soirée que nous avons intitulée Les sept péchés capitaux… sera composée de surprises, sera empreinte de l’atmosphère des avant-gardes, du dadaïsme au ring de boxe en passant par le surréalisme et le théâtre politique. Il y aura de la joie et de la tendresse, de la joie et de la mélancolie. Il y sera question de saloon et de whisky, de Pierrot regardant le ciel et d’une traversée de l’Amérique par deux femmes qui veulent faire fortune, il y aura deux chanteuses et une danseuse, il y aura bien quelques hommes pour les faire…chanter. Il y aura des péchés capitaux et des capitales qu’on laisse derrière soi. Il y aura des péchés qui seront aussi les vôtres.


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grandes qualités musicales et quelle est l’originalité des œuvres de Kurt Weill ? La fascination qui émane de Weill est qu’il fut le premier à pratiquer l’éclectisme, ceci bien avant des compositeurs comme Alfred Schnittke, par exemple. Il a été formé au classicisme mais il n’est pas un néoclassique. Il partage avec Paul Hindemith le sens de la motorique mais sonne très différemment, pour moi en tout cas de manière bien plus fraîche. On le compare souvent à Hanns Eisler, mais il convient aussi de remarquer sa proximité avec des compositeurs tels que Viktor Ullmann ou Erwin Schulhoff, dont le travail de création, brutalement interrompu sous le IIIe Reich, resta longtemps ignoré. Je trouve aussi le Weill américain tout à fait fascinant, par exemple dans des œuvres comme Street Scene ou Lady in the dark ou encore les Whitman Gesänge. En juin prochain vous serez à Coburg pour une nouvelle production de l’opéra Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny (Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny. Cet opéra est-il pour vous seulement le développement naturel de la version Mahagonny - Ein Songspiel ou voyez-vous, musicalement, de réelles différences entre les deux titres ? Question difficile  ! Peut-être la version Mahagonny - Ein Songspiel est-elle la meilleure des deux versions, parce que dans sa brièveté lapidaire cette version rend mieux l’esprit de la pièce que sa « longue version  » d’une dramaturgie très complexe. Mais je ne pourrai en parler de manière plus précise qu’après avoir dirigé cet opéra.

Pouvez-vous décrire l’usage particulier que fait Weill de la voix comme instrument dans Die sieben Todsünden et dans Mahagonny - Ein Songspiel ? On ne peut concevoir Weill sans Lotte Lenya. Dans toutes ses œuvres on se trouve, différemment mais au fond tout comme dans Schönberg, face à la question de savoir s’il faut chanter à pleine voix ou adopter le style de la chanson de boulevard. L’alternance fait tout le charme des œuvres de Weill et, à côté des voix de femme à la Lotte Lenya, les persiflages des quatuors d’hommes dans la tradition des Comedian Harmonists ou des chœurs d’hommes de tradition allemande sont symptomatiques de son style.

Kurt Weill, Salzbourg, 1934

Quel plaisir particulier avezvous à diriger ces œuvres de Weill ? J’adore chez Weill les alternances de style, l’humour et la mélancolie. J’ai souvent dirigé sa Deuxième symphonie, un chef-d’œuvre exigeant car, bien que sans texte, elle comporte toutes les particularités du style Weill. Quant au Songspiel et à Die sieben Todsünden, l’atmosphère de boîte de nuit et de cabaret et leur dimension humoristique confèrent à ces deux œuvres une qualité particulière qui me touche beaucoup.

Traduit de l’anglais par Catherine Debacq-Groß

Arnold Schönberg, Vienne, 1911


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DAVID POUNTNEY OU LA PASSION SANS FIN PORTRAIT DAVID POUNTNEY, METTEUR EN SCÈNE Par Tiziano Pellegrino

A

lors qu’il est considéré comme l’un des maîtres de l’opéra dans le monde anglo-saxon et germanique, le metteur en scène anglais n’a que rarement donné des spectacles en France. Après La Clemenza di Tito, il fait son retour à l’Opéra national du Rhin avec Les sept péchés capitaux… qui mêle avec finesse, humour et tendresse Mahagonny – ein Songspiel, Pierrot lunaire et Die sieben Todsünden. Sa présence dans notre maison est l’occasion d’un portrait qui aborde aussi bien ses activités de metteur en scène, de directeur d’institutions et d’écrivain au cours des cinq dernières décennies.

David Pountney est une des figures les plus importantes du monde de l’opéra des quarante dernières années. Au milieu d’un nouveau Ring de Wagner pour le Lyric Opera de Chicago, quelques jours après une première de Francesca da Rimini de Zandonai au Teatro alla Scala

à Milan et avant de débuter les répétitions d’une nouvelle production de Guerre et Paix de Prokofiev au Welsh National Opera de Cardiff qu’il dirige depuis 2011, il est donc à Strasbourg pour un spectacle inédit qui réunira en une même soirée une œuvre d’Arnold Schönberg et deux œuvres de Kurt Weill. Spectaculaire est le mot qui vient à l’esprit lorsqu’on considère son parcours depuis le début des années 1970. Spectaculaire par le nombre de spectacles qu’il a signés, spectaculaire par le nombre d’institutions au sein desquelles il a eu un rôle capital, spectaculaire par l’habileté avec laquelle il sait aborder aussi bien un plateau gigantesque comme celui de Bregenz et une scène de théâtre à l’italienne de petit format, spectaculaire la quantité de livrets d’opéra traduits en anglais et ceux, écrits par lui-même, qui ont été mis en musique par plusieurs compositeurs importants de notre époque, une activité régulière qui souligne son goût pour la littérature et l’écriture. Sa présence à l’Opéra national du Rhin est l’occasion de cette tentative de portrait qui est à vrai dire plutôt une esquisse à partir de quelques éléments de son aventure artistique. P. 14 – 15

En cette après-midi de répétitions dans la salle Ponnelle, sous le regard à la fois bienveillant et attentif de Marie-Jeanne Lecca, magnifique collaboratrice régulière depuis une production de Falstaff en 1989 à l’English National Opera et qui a conçu la scénographie et dessiné les costumes de cette nouvelle production, David Pountney semble éprouver, dans un esprit presque dadaïste, une joie juvénile à inventer l’arrivée loufoque de Dieu dans la ville de Mahagonny où le whisky coule à flot. Et cette joie est communicative ; les quatre chanteurs sont séduits et enchantés par les intuitions poétiques et la théâtralité d’un metteur en scène qui les guide avec humour dans ce voyage imaginaire. À plus de soixante-dix-ans, l’âge paraît ne pas avoir de prise sur une force physique et créatrice qui ne connaît aucune baisse d’énergie, aucune lassitude. Pour ce « storyteller » enthousiaste, ce conteur passionné, l’existence ne peut se concevoir sans le théâtre et la musique.


Ces voyages à Berlin-Est, il me dit en mesurer aujourd’hui encore leur importance. Ce fut Keith Hack, assistant à la production et metteur en scène au Citizens Theatre de Glasgow avec lequel il partageait alors un appartement, qui nourrit son intérêt non seulement pour Felsenstein et Brecht, mais aussi pour les mises en scène de Götz Friedrich et Joachim Herz.

David POuntney © Richard Hubert Smith

« À la fin des années 1960, me dit-il après la fin de ce service de répétition, j’étais officiellement un étudiant en histoire et en littérature anglaise à Cambridge. Pendant cette période, j’ai mis en scène neuf opéras au sein de la Cambridge Opera Society, un ensemble amateur formidable que Mark Elder, le chef d’orchestre avec lequel j’ai beaucoup et admirablement bien travaillé par la suite, et moi dirigions en quelque sorte. J’ai une anecdote assez drôle d’ailleurs à notre sujet. Nous nous sommes rencontrés lorsque nous avions environ douze ans. Nous jouions dans un orchestre amateur et nous devions travailler la Première symphonie de Chostakovitch qui débute par un duo de basson et de trompette. Et bien, Mark jouait du basson et moi de la trompette… Pendant une pause, j’ai fait la connaissance de ce type qui faisait ces bruits étranges et notre amitié a débuté. À Cambridge, en 1967 ou 1968, avec Mark, j’ai monté pour la première fois Die sieben Todsünden. Nous avions associé cette œuvre de Weill à Il cambiale di Matrimonio de Rossini. À l’époque j’étais intéressé par la pensée et la littérature marxistes et j’étais passionné par ce qui se passait au Komische Oper à Berlin. J’y ai vu quelques-unes des plus grandes productions de Walter Felsenstein tout comme d’ailleurs des spectacles historiques du Berliner Ensemble que dirigeait encore Helene Weigel. Dans l’année qui a suivi notre production de Weill/Rossini, nous avons créé la première anglaise de Die Verurteilung des Lukulus de Paul Dessau sur un livret de Bertolt Brecht également. Notre production était d’ailleurs très « brechtienne » dans la forme et dans l’esprit. Et c’est à la suite de ces mises en scène à Cambridge que j’ai eu mes premiers engagements professionnels comme assistant, puis comme metteur en scène au Scottish Opera à partir du début des années 1970. »

Glasgow a été la ville où David Pountney obtint un engagement fixe de directeur de la production au Scottish Opera en 1975. La capitale écossaise connut une période d’émulation créatrice formidable au cours de ces années en grande partie grâce à l’arrivée à la tête du Citizens Theatre de trois personnalités — Giles Havergal, Robert David MacDonald et Philip Prowse — qui firent de ce lieu, par des choix artistiques souvent radicaux, l’un des plus passionnants sur la carte du théâtre en Grande-Bretagne. Londres, ses artistes et ses critiques, ne purent ignorer le retentissement considérable de ce qui s’y créait. C’est dans ce théâtre que David Pountney fit la connaissance de deux assistants à la scénographie de Philip Prowse avec lesquels il devait beaucoup travailler par la suite : Sue Blane et Maria Bjørnson. Avec cette dernière, il réalisera plus de vingt productions d’opéra pendant les dix années qui suivirent, à commencer par Kat’a Kabanova de Janáček au Wexford Festival en 1972 qui fut à bien des égards le grand coup qui lança leurs carrières. Ce succès leur ouvrit les portes du Welsh National Opera de Cardiff pour un cycle Janáček légendaire qui permit au compositeur tchèque d’apparaître enfin en Grande-Bretagne comme un des plus extraordinaires compositeurs du XXe siècle. David Pountney fit en sorte que les cinq spectacles soient coproduits par le Scottish Opera, ce qui en multiplia l’écho. Aujourd’hui encore la production de From the House of the Dead, reprise plusieurs fois par la suite, représente une référence que certains, au Royaume-Uni, juge insurpassable. La collaboration avec la scénographe et décoratrice Maria BjØrnson aura été d’une fertilité extraordinaire jusqu’à la production de Carmen pour l’English National Opera (ENO) en 1986. Celle qui signa de son côté les décors et les costumes de Phantom of the Opera, un musical au succès retentissant des deux côtés de l’Atlantique, et


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Hänsel and Gretel Mise en scène : David Pountney, décors : Stefanos Lazaridis ENO, 1987

qui marqua l’histoire de l’opéra, du théâtre et du ballet en Grande-Bretagne, disparut soudainement en 2002 alors que David Pountney envisageait une nouvelle collaboration avec elle.

Macbeth mise en scène : David Pountney, décors : Stefanos Lazaridis ENO, 1990

P. 16 – 17

Avec le retour en Europe de Mark Elder en 1979 comme Directeur musical de l’ENO, après des années passées au Sidney Opera, débuta, pour l’institution qui avait jusqu’alors été considérée comme la deuxième scène lyrique londonienne après le Royal Opera House de Covent Garden, une période d’une intensité et d’un culot extraordinaires sous la direction générale extrêmement inspirante, selon David Pountney, de Lord Harewood, lequel avait été l’un des principaux avocats du changement de nom de l’institution – de Sadler’s Wells Opera en English National Opera – afin de donner à celle-ci un rayonnement artistique à la hauteur de son ambition. David Pountney, tout en poursuivant son activité de metteur en scène, y devint, en 1982, le directeur de production artistique. Avec l’arrivée en 1985 de Peter Jonas en remplacement de Lord Harewoord qui avait pris sa retraite, l’ENO poursuivit ses audaces artistiques et ses succès qui lui valurent le surnom de « Power House ». La programmation d’œuvres peu connues, de créations mondiales, dont The Mask of Orpheus de Harrison Birstwistle en 1986, un des opéras les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle, et des mises en scène qui revisitèrent courageusement le grand répertoire, les onze années que David Pountney passa


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à l’ENO demeurent mémorables pour ceux qui les ont connues. Elles furent aussi celles d’une nouvelle collaboration avec un scénographe d’exception, Stefanos Lazaridis, qui aura conçu au total les décors de plus de trente productions de l’ENO dont celles de David Pountney de Rusalka, Hänsel und Gretel, Macbeth, Dr Faustus et Lady Macbeth of Mtsensk. La collaboration intense et intensive avec Stefano Lazaridis généra la création de trois autres productions qui ont marqué l’histoire d’une autre grande institution, le Festival de Bregenz en Autriche, dans le Voralberg, sur les bords du Lac de Constance. Pendant les dix ans qui ont suivi son départ de l’ENO, David Pountney, redevenu metteur en scène indépendant invité dans les plus grands maisons d’opéra, signa en effet trois productions spectaculaires avec Stafanos Lazaridis sur l’énorme scène de Bregenz qui flotte sur le lac face à des gradins pouvant accueillir jusqu’à sept mille spectateurs  : Der fliegende Holländer, Nabucco et Fidelio. En binôme, ils créèrent aussi d’autres productions pour la deuxième scène du festival, notamment La Passion grecque de Martinů, en coproduction avec le Royal Opera House, qui furent autant de succès. Ce sont eux et l’expérience acquise à l’ENO qui lui valurent d’être nommé, en 2003, à la direction générale des Bregenzer Festspiele. Après ces engagements comme directeur de production à Glasgow et à Londres, il se retrouva à nouveau, mais seul cette fois, à la direction d’une grande institution, ce qui allait confirmer chez lui ce sentiment, comme il le dit volontiers, qu’il est un « company man », un homme qui aime la responsabilité de toutes les facettes d’une institution, de la direction artistique à la communication et au marketing, en passant par l’accueil des publics et l’édition des programmes. L’ambition des Bregenzer Festspiele correspondait parfaitement à la personnalité de David Pountney. La programmation devait associer, c’est son « adn », son histoire, de grandes productions pour des foules considérables et des spectacles exigeants d’œuvres rarement proposées et des créations, en d’autres mots, la très grande forme sur la scène la plus vaste d’Europe et des spectacles pointus qui sont autant d’aventures inattendues pour le public et une occasion de positionner ce festival parmi les institutions lyriques les plus innovantes. Chez David Pountney, la frontière communément admise entre ce qui relève de  l’«entertainment » et la création artistique est artificielle, stupide même. Ce qui compte, c’est

l’émotion, la profondeur, l’efficacité d’un spectacle. Plusieurs programmations de Bregenz sont à cet égard emblématiques de la vision qu’il n’a cessé de défendre : les nouvelles productions de Karl V de Krenek et Maskarade de Nielsen, la redécouverte d’un compositeur soviétique d’origine juive et polonaise tout à fait extraordinaire, Miyecislaw Weinberg, auquel David Pountney a consacré une forme de monographie avec plusieurs concerts et la création scénique de son opéra Die Passagierin, quarante-deux ans après son achèvement, dans une production qu’il mit lui-même en scène. La première édition du festival sous sa direction, en 2004, mérite qu’on s’y arrête un instant. En effet, il mit à l’honneur avec un succès incontestable, l’œuvre et la personnalité de Kurt Weill, une programmation en forme de manifeste pour un projet artistique qu’il souhaitait à la fois grand public et exigeant, populaire et d’avant-garde. L’intérêt personnel pour Weill, on l’a vu, était ancien et remontait à ses passages à Berlin-Est dans les années 1960, aux enregistrements de Lotte Lenya et de Gisela May et à sa première production de Die sieben Todsünden à Cambridge avec Mark Elder. De Weill, trois œuvres rares ont notamment été programmées cette année-là : Der Protagonist, Der Kuhhandel et Royal Palace, trois opéras de la « période Weimar » du compositeur qui soulignent, une fois encore, combien David Pountney a voulu dépasser toutes les querelles de clocher des avant-gardes (Kurt Weill étant considéré encore par certains thuriféraires de la musique contemporaine comme un compositeur talentueux certes, mais trop léger, trop facile). Avant de retrouver Weill à l'OnR pour cette nouvelle production, David Pountney l’abordera à nouveau en 2003, à Leeds, pour une mise en scène de Die sieben Todsünden très différente de celle réalisée à Cambridge, dans le cadre de la première édition du festival « Eight Little Greats » de l’Opera North où un scénographe et deux metteurs en scène travaillaient sur la création de huit opéras courts. C’est cette production, qu’il a décidé de revisiter quatorze ans plus tard, alors que son scénographe, Johann Engels, excellent lui aussi, avec lequel il réalisa une vingtaine de productions dont les mémorables Khovantchina et Pelléas et Mélisande, a disparu en 2014. Étrange fatalité de ces grands artistes ; après Marja Bjørnson en 2002 et Stefanos Lazaridis en 2010, il fut en effet le troisième des scénographes parmi les plus doués de leur époque à mourir prématurément. Des artistes qui, chacun avec son talent et sa personnalité,


OPÉRA LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX / DAVID POUNTNEY

Fidelio mise en scène : David Pountney, décors : Stefanos Lazaridis, Bregenzer Festspiele, 1995

© Karl Forster

Die Passagierin mise en scène : David Pountney, décors : Johan Engels Bregenzer Festspiele, 2010

Peter Maxwell Davies notamment, avec lequel il travailla à quatre reprises, de The Doctor of Myddfai, une commande du Welsh National Opera pour le cinquantième anniversaire de l’institution galloise, à Kommilitonen !, en 2011, sans doute la plus réussie de leurs aventures communes. Récemment, c’est avec Elena Langer, dont une œuvre sera donnée dans Singing Garden, au mois de septembre prochain, lors d’un « Prélude ! » de l’OnR, qu’il a travaillé pour la création de Figaro Gets A Divorce, variation contemporaine sur le couple à partir des personnages des Nozze di Figaro et du Barbiere di Siviglia, un opéra créé à Cardiff lui aussi, en 2016. David Pountney me révèle qu’il travaille actuellement, en tant que librettiste, sur plusieurs projets de création. Il me déclare au passage que quatre livrets attendent des compositeurs… P. 18 – 19

En 2000, lors d’une conférence tenue à Londres, l’artiste anglais donna sa vision sur l’opéra à l’aube du XXIe siècle. Intitulée The Future of Opera, cette intervention (accessible librement sur internet à l’adresse www.rodoni.ch) est un formidable plaidoyer pour l’opéra vivant, actuel, tourné vers le futur. On retrouve dans son argumentaire une vision semblable à celle qu’il avait tenté de mettre en pratique au Scottish Opera, à l’ENO puis aux Bregenzer Festspiele : il faut défendre des œuvres récentes et actuelles, il faut créer des opéras qui parlent de notre époque, qui parlent à notre époque. Mais, et en cela il confirme la singularité de sa réflexion dans le contexte de la création musicale contemporaine, il attaque violemment les compositeurs, et les directeurs d’institutions qui les défendent, qui, volontairement, préfèrent des œuvres austères et sibyllines qui n’intéressent qu’un public de spécialistes et qui par-là tomberont très vite dans l’oubli, plutôt que de tenter, en faisant une comparaison avec le cinéma, de toucher, d’émouvoir et de marquer l’imaginaire du plus grand nombre. Son intervention attaque à la fois le conservatisme de nombreux programmateurs qui préfèrent la facilité à l’audace et l’esprit de chapelle des spécialistes de musique actuelle. Elle est un manifeste pour une création lyrique contemporaine ambitieuse ouverte aux thématiques de notre époque et résolument accessible, conditions nécessaires pour que cet art demeure populaire et actuel. Sa formule « Don’t exploit the past without feeding the future » (« n’exploitons pas le passé sans nourrir le futur ») fit mouche. Elle est un credo qu’il défend depuis le début de sa carrière. Ce fut au début des années 1970, au Scottish Opera, que David Pountney s’engagea dans ses premières créations de livrets d’opéra, en l’occurrence deux opéras en un acte pour le compositeur Steven Oliver, The Donkey et The Three Wise Monkeys. Depuis lors, ces collaborations avec les compositeurs vivants ont été nombreuses et fructueuses, avec

© Karl Forster

ont été des compagnons de route et des collaborateurs essentiels dans le parcours de David Pountney.


OPÉRA LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX / DAVID POUNTNEY

Pendant notre conversation, j’évoque une production qui demeure profondément ancrée dans ma mémoire, Die Soldaten de Bernd Alois Zimmermann, lors de

Pour ce nouveau spectacle, David Pounney insiste sur un point à ses yeux très importants : son intention a tout de suite été non pas de juxtaposer les trois œuvres

© Clive Barda

Le Welsh National Opera est la dernière institution en date à se retrouver dans les mains et sous la direction stimulante et originale de David Pountney. Il en est le directeur artistique depuis 2011. Avec notamment les productions de Lulu de Berg et de Guillaume Tell de Rossini qu’il a mises en scène, des créations mondiales, il poursuit encore et toujours le même espoir : élargir les publics avec des productions surprenantes et des œuvres nouvelles qui s’adressent au plus grand nombre. On a pu dire de lui qu’il est de cette race rare qui associe l’artiste complet et le « business man ». Une aubaine pour les institutions qu’il a dirigées.

la Ruhrtriennale de 2006, dans la gigantesque et splendide Jahrhunderthalle de Bochum. Il me fait alors cette confidence : « Il y a certains moments où l’on comprend instantanément comment faire une chose. Je connaissais cette œuvre depuis des années. Jürgen Flimm m’a demandé d’en créer une production dans ce lieu extraordinaire. Et je me rappelle qu’après deux ou trois minutes seulement de déambulation dans cet énorme espace, j’ai dit « ce sera ainsi, la scène traversera l’espace dans toute sa longueur avec le public de part et d’autre ». Et le succès de cette production vient de cette idée initiale, spontanée, intuitive. Il a fallu trouver des solutions à de très nombreux problèmes bien sûr mais l’idée majeure est arrivée après deux ou trois minutes. Et c’est le cas de beaucoup d’idées. Elles surgissent très rapidement. » Étendant alors sa réflexion à son travail de metteur en scène et à sa collaboration avec les chanteurs, il ajoute, ce qui peut valoir également pour cette nouvelle production de Schönberg/ Weill, que « pendant les répétitions d’un nouveau spectacle, j’accorde une très grande importance aux deux premières semaines. Tout se passe pendant cette si courte période. Il me faut être hyper réceptif pour savoir si je dois aller dans cette direction ou celle-ci ou une autre encore. Après ces deux semaines, il faut consolider les choix qui auront été faits, s’assurer que les enchaînements fonctionnent, etc. Cette première période de quinze jours est essentielle pour moi mais tout autant pour les chanteurs. Tout le monde doit être super réceptif, super créatif et stimulé par ce processus de création. Il y a une discipline à avoir, se donner les moyens d’être dans cet état de création pendant cette période. Être super attentif aux potentiels de chaque chanteur, à ce qu’il peut apporter, offrir. C’est une forme de technique qui me permet d’avoir tous mes sens en éveil. Le processus de création, je ne le mène pas seul. C’est un travail de collaboration bien sûr. Et souvent j’ai l’intime conviction, sans être en mesure de l’expliquer parfois, de savoir que c’est ainsi que nous devons avancer, que c’est ceci qu’il faut faire, que c’est dans cette direction que nous devons aller. C’est l’intuition créatrice. Souvent inexplicable, oui. Mais parfois je lutte bien évidemment, je lutte encore et alors je me dis que rien de vraiment bien ne peut naître de tout cela. C’est impossible d’empêcher l’arrivée de tels moments, c’est ainsi. Mais il faut savoir dépasser le doute pour avancer, pour créer ».

© Cory Weaver

From the House of the Dead mise en scène : David Pountney, décors : Maria Bjørnson Welsh National Opera, 1982-2017

Die Walküre mise en scène : David Pountney, décors : Robert Innes Hopkins (d'après le projet de Johan Engels), costumes : Marie-Jeanne Lecca, Chicago Lyric Opera, 2017


LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX... SCHÖNBERG - WEILL [ NOUVELLE PRODUCTION ] Direction musicale Roland Kluttig Mise en scène (Mahagonny - Ein Songspiel et Les Sept Péchés capitaux) David Pountney Mise en scène (Pierrot Lunaire) David Pountney en collaboration avec Amir Hosseinpour Chorégraphie (Mahagonny - Ein Songspiel) Amir Hosseinpour Chorégraphie (Les Sept Péchés capitaux) Beate Vollack Décors et costumes Marie-Jeanne Lecca Lumières Fabrice Kebour MAHAGONNY - EIN SONGSPIEL Kurt Weill - Bertolt Brecht Charlie Roger Honeywell Billy Stefan Sbonnik Bobby Antoine Foulon Jimmy Patrick Blackwell Jessie Lenneke Ruiten Bessie Lauren Michelle Danseuse Wendy Tadrous

© Clive Barda

PIERROT LUNAIRE Arnold Schönberg - Albert Giraud Soprano Lenneke Ruiten / Lauren Michelle Danseuse Wendy Tadrous

au programme — Pierrot lunaire de Schönberg, Mahagonny - Ein Songspiel et Die sieben Todsünden de Weill — mais de trouver un moyen d’entrer et de sortir d’elles, de les mêler en quelque sorte. Et à nouveau, l’envie d’aller à contre-courant en contestant les oppositions idéologiques entre Schönberg et Weill. « Ce n’étaient que deux Juifs sans défense tentant de donner des réponses aux questions qui se posaient à la musique moderne, durant cette période terrible de l’histoire européenne » me ditil dans un demi-sourire. Je lui demande pour conclure de me préciser en quelques mots ce qui se joue dans cette production. « En fait, il n’y a pas vraiment d’intrigue, me dit-il, parfois il ne se passe simplement rien. Dans Pierrot lunaire, on ne sait, on ne saura jamais exactement ce que ces poèmes signifient, ni sa fantaisie, son univers poétique, son symbolisme. Tout y est fascinant cependant. Mahagonny représente une forme de théâtre de l’absurde. Toute ceci dans une ambiance de cabaret, une forme théâtrale que j’aime beaucoup, que j’ai introduite parfois dans des productions d’opéra, comme La forza del destino récemment. Il y a chez Weill et Brecht une critique du capitalisme évidemment. Mais c’est au spectateur de tirer les éventuels enseignements politiques de ces pièces, ce n’est pas mon rôle de mettre le doigt dessus de façon lourde ou emphatique. Mais il est clair selon moi qu’il est question, chez Weill et Brecht, de l’exploitation servile d’une femme par sa famille. Le sujet de la soirée pourrait être résumé ainsi : le destin de femmes dans un monde capitaliste ».

LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX Kurt Weill - Bertolt Brecht Anna Lenneke Ruiten / Lauren Michelle Père Roger Honeywell Frère Stefan Sbonnik Frère Antoine Foulon Mère Patrick Blackwell Anna danseuse Wendy Tadrous Orchestre symphonique de Mulhouse STRASBOURG

COLMAR

Opéra

Théâtre

di 20 mai 15 h ma 22 mai 20   h je 24 mai 20 h sa 26 mai 20   h lu 28 mai 20   h

ma 5 juin 20  h

MULHOUSE La Sinne me 13 juin 20  h ve 15 juin 15  h

PRIX : de 6 à 90 €

LES MIDIS LYRIQUES Berlin-Vienne, l'entre-deux guerres : du cabaret au docécaphonisme Oeuvres de Kurt Weill, Franz Schreker, Erich Wolfgang Korngold et Alban Berg

COLMAR

STRASBOURG

Théâtre

Opéra, Salle Bastide

ma 22 mai 12 h 30

SCÈNES ES OUVERT

sa 26 mai 11  h

« Prologue » introduction de 30 min., 1 h avant chaque représentation Rencontre à la Librairie Kléber

avec Roland Kluttig et David Pountney sa 19 mai 17 h

P. 20 – 21

Lulu mise en scène : David Pountney, décors : Johan Engels, costumes : Marie-Jeanne Lecca, Marie Arnet (Lulu) Welsh National Opera, 2013


LES INVITÉS

il a été ému j'ai été émue

de le voir ému


SAISON 2018 / 2019

opéra IL BARBIERE DI SIVIGLIA GIOACCHINO ROSSINI PELLÉAS ET MÉLISANDE CLAUDE DEBUSSY BARKOUF OU UN CHIEN AU POUVOIR JACQUES OFFENBACH LE GARÇON ET LE POISSON MAGIQUE LEONARD EVERS LA DIVISIONE DEL MONDO GIOVANNI LEGRENZI

danse

BEATRIX CENCI ALBERTO GINASTERA DER FREISCHÜTZ CARL MARIA VON WEBER LA PRINCESSE ARABE JUAN CRISÓSTOMO DE ARRIAGA DON GIOVANNI WOLFGANG AMADEUS MOZART

SPECTRES D’EUROPE BRUNO BOUCHÉ / KURT JOOSS LE LAC DES CYGNES RADHOUANE EL MEDDEB BALLETS EUROPÉENS AU XXIE SIÈCLE MARIA DE BUENOS AIRES MATIAS TRIPODI L’ATELIER DES FRÈRES GRIMM

récitals

DANSEURS – CHORÉGRAPHES DU BALLET DE L’ONR DANSER MAHLER AU XXIE SIÈCLE HARRIS GKEKAS / SHAHAR BINYAMINI

CHRISTIANNE STOTIJN MARLIS PETERSEN SIMON KEENLYSIDE ARMANDO NOGUERA VÉRONIQUE GENS JULIE FUCHS

www.operanationaldurhin.eu


© plainpicture/Linkimage/Trinidad Carrillo

LES INVITÉS

eugène onéguine


EUGÈNE ONÉGUINE / PIOTR ILITCH TCHAÏKOVSKI Scènes lyriques en trois actes et sept tableaux Livret du compositeur et de Constantin Chilovski d’après Alexandre Pouchkine Créé le 29 mars 1879 à Moscou

TCHAÏKOVSKI, LE CLASSIQUE RUSSE ENTRETIEN MARKO LETONJA, CHEF D’ORCHESTRE Entretien conduit par Mathieu Schneider

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ugène Onéguine fait partie des grands classiques de l’art lyrique russe. Classique, il l’est au sens figuré du terme, car il compte aujourd’hui parmi les opéras russes les plus connus et les plus joués au monde. Classique, il l’est aussi au sens propre, car Tchaïkovski a volontairement tourné le dos au Groupe des Cinq en s’appropriant les codes de la musique occidentale et en les adaptant au sujet russe. C’est sur ces classicismes et sur leurs traits singuliers que revient Marko Letonja, qui s’apprête, à la tête des musiciens de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg, à diriger le dernier opéra de la saison. Dois-je comprendre qu’il y aurait pour vous une différence qualitative entre les deux opéras composés d’après Pouchkine et les autres ? Oui, pour tout dire, je trouve par exemple Iolanta assez faible sur le plan dramatique. Tchaïkovski était un excellent musicien, mais, de son propre aveu, il n’avait pas ce sens naturel du drame que l’on trouve chez ses contemporains comme Verdi ou Gounod… sans parler de Wagner. Tchaïkovski a voulu écrire lui-même ses livrets, en sollicitant l’aide d’écrivains, comme Konstantin Chilovski dans le cas d’Onéguine. Grand mal lui en a pris, car la critique s’est montrée sévère à son égard. D’une certaine manière, elle n’avait pas tort car il manque souvent à ses opéras un souffle dramatique, une tension qui tient le spectateur en haleine. Tchaïkovski assumait cette faiblesse scénique, même si, à son crédit, elle est moins sensible dans Onéguine et La Dame de Pique, probablement parce que les textes de Pouchkine étaient suffisamment bien construits et leurs personnages suffisamment bien campés pour permettre de pallier ce défaut.

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Vos origines slovènes vous ont-elles prédestiné, plus qu’un autre chef, à diriger de la musique russe, ou slave en général ? Il me faut bien reconnaître que l’on ne m’a confié que très peu d’opéras russes. Ce sera d’ailleurs la première fois que je dirigerai Eugène Onéguine, alors que j’ai découvert cet opéra quand j’étais jeune au Théâtre national de Slovénie. Quant aux grands ouvrages russes, il n’y a guère que Boris Godounov pour lequel j’ai tenu la baguette. Je ne pense donc pas que, dans mon cas, il y ait une quelconque prédétermination. Peut-être parce que l’on considère, à juste titre, que la Slovénie est bien loin de la Russie, et le slovène bien éloigné du russe. Pour autant, j’ai grandi à une époque où tous les Slovènes devaient apprendre le serbe, une langue qui, elle, s’apparente beaucoup plus au russe, tant dans son alphabet – qui reprend à quelques exceptions près les lettres cyrilliques du russe – que dans sa syntaxe et son vocabulaire. Grâce au serbe, j’ai eu accès à la culture russe, à sa littérature et à sa musique, et je suis heureux aujourd’hui de pouvoir diriger celui que je considère, avec La Dame de Pique, comme l’un des opéras les plus aboutis de Tchaïkovski.


OPÉRA EUGÈNE ONÉGUINE / MARKO LETONJA

SYNOPSIS Dans une propriété de campagne près de Saint-Pétersbourg, à la fin du XVIIIème siècle. Olga et Tatiana sont les filles de Madame Larina : la première est rieuse et amoureuse du poète Lenski, la seconde rêveuse et mélancolique. Lorsque se présente Eugène Onéguine, un ami de Lenski, Tatiana s’éprend instantanément de cet homme qui semble si différent, si poétique. Mais celui-ci lui répond avec mépris. Dénué, semble-t-il, de tout sentiment, Onéguine pousse le cynisme jusqu’à courtiser Olga lors d’un bal : la situation ne fait qu’accentuer la douleur de Tatiana et suscite une terrible crise de jalousie de Lenski, qui provoque son ami Onéguine en duel. Il meurt dans l’aube froide sous le regard désespéré d’Onéguine. Plusieurs années passent. Eugène Onéguine a compris que la profondeur de l’amour qu’il éprouvait et qu’il éprouve encore pour Tatiana, mariée désormais au Prince Grémine. Lors d’une soirée Onéguine retrouve par hasard Tatiana. Il lui confesse sa passion et ses regrets de n’avoir su répondre à son amour d’autrefois; celle-ci, malgré des sentiments pour Onéguine qui ne sont pas morts, le repousse et l’éconduit, fidèle à son devoir d’épouse. Entre rage et douleur, Onéguine reste seul. Il maudit le ciel.

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Comparé à ses contemporains russes, Tchaïkovski est un compositeur qui aime le beau chant et qui recherche avant tout la mélodie. Iriez-vous jusqu’à le qualifier de belcantiste ? La mélodie tient une place très importante dans Onéguine. C’est indéniable. De là à dire que Tchaïkovski était un belcantiste, il y a un pas que je ne franchirais pas. Il se sert du belcanto comme moyen pour caractériser ses personnages, mieux : pour les différencier. Il a confié à Tatiana et à Lenski les plus grands airs : la scène de la lettre pour la première, et le fameux « Kuda, kuda » pour le second. Ces deux numéros sont composés dans la tradition du belcanto : une mélodie très chantante, soutenue par une écriture très clairement harmonique, et une expression portée avant tout par la mélodie, tant au chant qu’à l’orchestre. C’est d’ailleurs cette dernière caractéristique qui distingue Tchaïkovski de ses modèles italiens. Tatiana et Lenski sont les deux rôles brillants, l’une soprano, l’autre ténor. Il est donc normal qu’ils soient portés par cette fièvre mélodique. Onéguine est, par opposition, un personnage en demi-teinte. Bien qu’étant le rôletitre, il est interprété par un baryton dont le génome musical est plus dramatique que purement mélodique.

Sa partie est faite d’une accumulation de petites phrases musicales, dans un style souvent proche du récitatif, qui contrastent avec l’envergure lyrique des deux grands rôles. La scène que Tchaïkovski lui confie à la fin du premier acte est le seul moment vraiment chantant jusqu’à la scène finale du troisième acte, où il reprend, dans la douleur d’un amour perdu et d’une manière très poignante, le thème de Tatiana. L’orchestre d’Onéguine est très classique : les bois par deux, et des cuivres très peu présents. Recherchezvous un son épuré ? Ou au contraire, essayez-vous de donner du corps à cet orchestre ? Tchaïkovski a composé Onéguine à la fin des années 1870. Pour autant, il n’était absolument pas un compositeur moderne. La musique de Wagner l’indifférait, et ses références tournaient plutôt autour des compositeurs de la première moitié du siècle, et même de Mozart. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, les compositeurs russes, pour compléter leur formation, allaient apprendre la musique en Occident. C’est précisément ce que Tchaïkovski a fait au cours de nombreux voyages qui l’ont amené à découvrir la musique italienne, française et allemande. Dans ses


OPÉRA EUGÈNE ONÉGUINE / MARKO LETONJA

symphonies, que j’affectionne particulièrement, il fait preuve d’une technique redoutable, notamment dans l’usage du contrepoint, et, d’une certaine manière, je le trouve plutôt moderne. En revanche, dans Onéguine, un certain classicisme domine, et je ressens une grande proximité avec Mozart. Aussi, je recherche avant tout la transparence du son, quelque chose de limpide, de clair. C’est là une différence majeure avec La Dame de Pique, un ouvrage plus tardif, dans lequel l’orchestre est bien plus sombre et dramatique.

d’une atmosphère russe, à travers ce qu’on appelle traditionnellement la couleur locale. Tchaïkovski cherche à écrire une musique russe qui ne l’est pas par son langage, mais par cette couleur et par son sujet. Je suis donc d’accord avec Stravinski pour dire qu’il a réussi à faire connaître la musique russe sur la scène internationale, en l’adaptant au langage international déjà pratiqué un peu partout en Europe. Avez-vous d’autres projets autour de la musique russe ? La saison prochaine de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg sera placée sous la double étoile de Haydn et de Chostakovitch, dont nous interpréterons les trois dernières symphonies (n° 13, 14 et 15). Après avoir rendu hommage à Beethoven cette année, il me semblait important de jouer la musique d’un grand maître qui l’a précédé (Haydn) et d’un autre qui en est le lointain héritier (Chostakovitch), et de confronter leur musique. J’aime beaucoup la musique russe, particulièrement la musique symphonique, et j’ai très envie de continuer à la défendre avec force et conviction. Mili Balakirev, Alexandre Borodine, César Cui, Modeste Moussorgski et Nikolaï Rimski-Korsakov

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Considérez-vous toutes les scènes de paysans, les chœurs et les danses traditionnels qui émaillent l’opéra comme des ornements ? À les entendre, on a peine à croire Stravinski qui affirmait, dans une lettre au directeur du Figaro en 1922, que Tchaïkovski avait su tirer la musique russe du folklore. Je ferais une distinction entre le folklore russe et la musique russe. Lorsque le Groupe des Cinq1 décide de fonder une école nationale russe, il choisit de ne pas faire référence à la tradition occidentale : son langage harmonique se base sur les modes du rite orthodoxe, les rythmes irréguliers sont empruntés aux danses populaires, et l’orchestration n’obéit en rien aux canons occidentaux. L’ambition de ce groupe était de créer une musique russe à partir d’un langage musical nouveau et différent de ce qui se pratiquait en Europe de l’Ouest. Sa musique n’est donc en rien folklorique. Le folklore, c’est la transcription dans le langage occidental d’une musique populaire, dans le but de la diffuser au-delà des frontières nationales. La musique de Tchaïkovski se situe aux antipodes de celle du Groupe des cinq, car elle reprend les codes occidentaux (genre, harmonie, forme, orchestration…), mais aussi aux antipodes de la musique folklorique. Les scènes paysannes auxquelles vous faites allusion ne sont pas des ornements ; elles participent de l’évocation

© Sean Fennessy

Du chef d’orchestre d’Onéguine, Tchaïkovski disait qu’il ne doit être ni une machine, ni « un musicien à la Napravnik », c’est-à-dire dont la seule vertu est de distinguer le do du do dièse. Diriez-vous la même chose des chanteurs ? Oui, Tchaïkovski a écrit les rôles de cet opéra avec ses tripes. Il faut donc des chanteurs qui sachent en révéler la force, l’expression et la sensibilité. Pour Tatiana et Lenski, je n’imagine rien d’autre que de grands chanteurs lyriques, du type de ceux qui interprètent habituellement Verdi. Onéguine, lui, doit avoir une voix plus héroïque, capable de contrastes et d’envolées puissantes.


L’AMOUR JUSQU’À SE BRÛLER LES AILES ENTRETIEN FREDERIC WAKE-WALKER, METTEUR EN SCÈNE Entretien conduit par Theodora Tavener

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epuis quelques années, Frederic Wake-Walker suscite l’attention des plus grandes scènes lyriques internationales. Son parcours artistique est pour le moins original. En effet, s’il présente une nouvelle production d’Eugène Onéguine en cette fin de saison à l’Opéra national du Rhin, s’il a récemment fait ses débuts au Festival de Glyndebourne et à la Scala de Milan, c’est dans des scènes alternatives qu’il s’est révélé être un des artistes les plus doués de la scène britannique actuelle.

Quand avez-vous envisagé l’idée de devenir metteur en scène d’opéra ? D’une certaine façon, je pense que j’ai toujours été metteur en scène d’opéra. Je viens de l’opéra. J’ai chanté le rôle de Miles dans The Turn of the Screw (Le Tour d’écrou) et d’autres œuvres, mais principalement dans les opéras de Benjamin Britten. Aujourd’hui, je travaille comme metteur en scène d’opéra, mais je réalise aussi des spectacles multidisciplinaires. Je travaille avec des enfants et je monte des spectacles de théâtre musical, une activité nouvelle pour moi, mais la musique est toujours au cœur de tout – en ce sens, tout est opéra. Je suis le directeur artistique du Mahogany Opera et avec la compagnie nous développons un travail nouveau, créons des spectacles de théâtre musical, ce qui permet aussi d’élargir les frontières de ce que peut être l’opéra, de transporter l’opéra dans des sites et des espaces différents et de travailler avec d’autres artistes. C’est un des aspects de notre travail dans le domaine de l’opéra. L’autre aspect est ce que nous faisons avec les enfants – nous les faisons travailler avec des professionnels et les faisons monter sur scène. Notre tout dernier projet s’appelle Snappy Operas. Nous venons de commander dix nouveaux snappy operas. Un snappy opera dure dix minutes et est destiné à des enfants de huit à onze ans. Nous avons produit

des snappy operas à travers tout le Royaume-Uni et espérons maintenant les présenter dans le monde entier. De fait, votre travail est très varié. Votre manière de l’aborder change-t-elle d’un projet à l’autre ? Pour moi, c’est la même chose : que je travaille sur un grand opéra d’un compositeur disparu, sur une nouvelle pièce de théâtre musical, un spectacle de danse multidisciplinaire ou quelque chose pour enfants, je me pose toujours la question : Quel est l’espace ? Quel est le contexte ? Qui est le public ? Où se trouve le public ? Parce que, pour moi, le théâtre, c’est un dialogue entre les gens, c’est une rencontre entre gens. Et il faut vous demander qui sont tous ces gens, d’où ils viennent et de quoi ils parlent dans leurs conversations. De sorte que pour votre production à l’OnR, vous pensez aux gens de cette région ? Oui, absolument, mais cela ne signifie pas que la production aura un lien avec des questions politiques propres à Strasbourg. Je n’aime pas situer les choses dans une époque spécifique ni dans un lieu spécifique. Je ne me dis jamais : « C’est le Paris des années 1830. » Ce n’est jamais comme ça. J’essaie toujours de trouver un espace entre l’histoire que racontent l’opéra ou


OPÉRA EUGÈNE ONÉGUINE / FREDERIC WAKE-WALKER

la pièce de théâtre et la réalité du théâtre, la maison d’opéra, l’orchestre, les chanteurs et le public. Dans mes productions, je cherche à créer un monde qui relie toutes ces choses entre elles, à créer – sans vouloir paraître prétentieux – un « méta-espace » dans lequel se déroule l’histoire. Si bien que cet espace n’est pas un immeuble, une chambre ou quoi que soit d’autre, mais un espace symbolique à l’intérieur duquel l’œuvre toute entière peut prendre vie.

C’est ce qui m’excite en pensant à Strasbourg : le théâtre n'est pas trop vaste. Il va me permettre de développer quelque chose d’intimiste, comme je pense que ce doit être fait et comme le voulait Tchaïkovski. L’orchestration est brillante : elle suit la ligne vocale puis s’en éloigne, développe les thèmes propres à chaque personnage et laisse percer un peu de sous-texte. C’est une illustration classique de la manière d’écrire et d’orchestrer un opéra. Et il y a des passages stupéfiants.

Vous voulez dire que vous ne créez pas un espace naturaliste ? Dans cette production, tout l’opéra Eugène Onéguine se déroule dans un seul espace : une bibliothèque à l’abandon. Ainsi, nous ne représentons pas la maison de Larina, non plus la grange où se déroule le duel. Nous créons pour ainsi dire, au sein d’une maison d’opéra, un espace spécifique. Si je m’apprêtais à réaliser cette même production comme une production liée à un site particulier, alors je chercherais une belle bibliothèque à l’abandon et c’est là que je la ferais. Mais ici, pour l’Opéra du Rhin, nous construisons un décor qui ressemble à une bibliothèque à l’abandon et qui se transforme lentement tout au long de ce drame en trois actes.

Pensez-vous que Tchaïkovski veut que nous découvrions un héros dans son opéra ? Je pense qu’il n’y a aucun héros. L’œuvre est l’horrible tragédie d’un amour romantique entre deux individus, qui est broyé par la société.

Quelle fut votre première expérience d’Eugène Onéguine ? J’avais un cd de cet opéra quand j’étais enfant que j’écoutais souvent. Je n’ai jamais vraiment analysé pourquoi c’est une de mes œuvres préférées. Je m’identifie complètement avec Onéguine et les sentiments d’un personnage un peu timide, nerveux ou trop froid. En particulier dans ses relations avec les autres.

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Quand j’ai lu pour la première fois la pièce de Pouchkine, je me suis immédiatement identifiée avec Tatiana et j’étais stupéfaite qu’il ait saisi le personnage avec tant de justesse. J’ai vu Eugène Onéguine à Saint-Pétersbourg. Quatrevingt pour cent du public était probablement célibataire, entre dix-huit et trente ans, et tous tenaient des roses dans leur main. C’était comme pour une audition de Tatiana. Et cet Onéguine… je ne sais pas si le public était venu pour le chanteur, mais il était splendide et complètement fou. Dans le duo final, quand elle le repousse, Tatiana l’agrippe et l’embrasse à pleine bouche. Tout le théâtre eut le souffle coupé. Je l’ai aussi vu à Moscou dans l’école de Galina Vishnevskaya, un minuscule théâtre de jeunes chanteurs.


MON POUCHKINE

______________________ rien ne pouvait éveiller sur mes lèvres, un sourire – pour remercier. Sur le chemin du retour – traîneau glissant, traîneau de nuit – ma mère qui se fâche : « Quelle honte ! Même pas dit merci pour la mandarine ! Amoureuse d’Onéguine, comme une imbécile, et à six ans !... » Pas d’Onéguine, maman, mais d’Onéguine … donc, volons vers le jardin et Tatiana (et plus de Tatiana peut-être), Où Tatiana le vit soudain. des deux ensemble – de l’amour. Jamais, plus tard, je n’ai écrit un de mes textes sans Un banc. Sur le banc – Tatiana. Entre être amoureuse de deux ensemble (d’elle – Onéguine. Il ne s’assied pas. C’est elle un peu plus), et pas des deux, mais de leur qui se lève. Ils restent debout, tous les amour. De l’amour. deux. Mais il n’y a que lui qui parle. Il Ce banc où ils ne se sont pas assis se parle longtemps, tout le temps. Elle, révéla déterminant. Ni à l’époque ni elle ne dit pas un mot. Et je comprends plus tard – jamais je n’ai aimé quand on alors que le gros chat roux, et Augusta Portrait d’Alexandre Pouchkine par Vassili Tropinine, 1827 embrasse – toujours quand on se quitte. Ivanovna, et les poupées – tout ça n’est Jamais quand on s’assied – toujours quand pas l’amour. L’amour. C’est ça : un banc, on va son chemin. Ma première scène d’amour fut toute – et elle sur le banc, et lui qui entre, et lui qui parle tout le temps, non-amour : il n’aimait pas (je comprenais) – il ne s’est pas et elle qui ne dit pas un mot. assis ; C’est elle qui aime, et qui se lève donc. Pas un instant – Alors, Moussia, qu’est-ce que tu as préféré ? (Ma mère, à ils n’ont été ensemble, ils ont fait le contraire : il parlait, elle la fin). ne disait mot ; il n’aimait pas, elle aimait ; il est parti, elle est – Tatiana et Onéguine. restée – soulevez le rideau : elle reste là, elle s’est assise, – Vraiment ? Pas La Roussalka, avec le moulin, le prince et le peut-être, parce qu’elle n’était debout que pour lui – elle s’est démon ? Pas Rognéda ? donc effondrée, elle restera assise – à tout jamais. À tout – Tatiana et Onéguine. jamais, elle est assise sur le banc. – Mais comment ça ? Qu’est-ce que tu as pu y comprendre ? Ma première scène d’amour détermina toutes les autres, Eh bien ! de quoi est-ce que ça parle ? cette passion pour l’amour malheureux, impossible – à sens Silence. unique. Dès cet instant, j’ai refusé toute idée de bonheur et je Ma mère triomphante : me suis vouée – au non-amour. – Ah ! tu vois bien ! – tu n’as pas compris un mot. C’est bien ce C’était ça, l’essentiel : il n’aimait pas, et elle, elle a aimé ainsi que je pensais. Et à six ans, encore ! Qu’est-ce qui a bien pu – rien que pour ça, et lui entre tous, lui et pas un autre, parce te plaire là-dedans ? qu’elle savait, au plus profond, qu’il ne pouvait répondre à son – Tatiana et Onéguine. amour. (Cela, je le dis aujourd’hui, mais à six ans je le savais – Tu es complètement idiote ! Une vraie tête de mule ! (Se déjà. Aujourd’hui, j’ai appris à le dire). Ceux qui possèdent le tournant vers le directeur de l’école, Alexandre Léontiévitch don fatal de l’amour malheureux – l’amour sans la réponse, Zograf, venu la saluer) – Je la connais ; maintenant, pendant l’amour pris sur soi seul – ont le génie des dissemblances. tout le trajet, tout ce qu’elle va trouver à répondre à mes Pas que cela – Eugène Onéguine détermina bien autre questions, c’est « Tatiana et Onéguine ». Vraiment, elle chose. Si pendant toute ma vie, jusqu’à aujourd’hui même, j’ai n’est pas sortable. Pas un enfant au monde n’aurait préféré toujours écrit – la première, toujours – tendu la main – au « Tatiana et Onéguine » : Ils auraient tous préféré La Roussalka diable tous les juges – la première, c’est qu’à l’aube de mes – au moins, ça, c’est un conte, on comprend tout. Je ne sais jours, Tatiana dans son livre, à la lumière de la chandelle, la pas quoi faire avec cette enfant ! natte détressée sur la poitrine, l’avait, sous mes yeux – fait. – Mais, ma petite, pourquoi donc, « Tatiana et Onéguine » ? Plus tard, quand ils partaient (ils sont toujours partis), je n’ai (M. Zograf avait une douceur infinie). jamais tendu les mains, je ne me suis jamais retournée : c’est (Moi – le silence. Mais – à pleine voix : « Parce que c’est que dans le jardin, alors, Tatiana était restée figée. Statue. l’amour »). Leçon de courage. Leçon de fierté. Leçon de fidélité. Leçon de – Elle doit en être à son septième rêve ! (Nadedjda Iakovlevna destin. – Leçon de solitude ". Brioussova, notre meilleure élève, notre aînée) – j’apprends alors qu’il existe un septième rêve, pour mesurer la profondeur Extrait de Mon Pouchkine de Marina Tsvetaïeva du rêve et de la nuit. – Et ça, Moussia, qu’est-ce que c’est ? dit le directeur sortant (traduction de André Markowicz) de mon manchon une mandarine – un tour de passe-passe Babel, Actes Sud, 2012. – et, de nouveau – on voit, on ne voit plus ! cachant et découvrant, cachant et découvrant, encore et encore... Mais, définitivement, j’étais muette, transformée en statue : Marina Tsvetaïeva (1892-1941) fut l’une des plus grandes poétesses aucun sourire de mandarine, le sien comme celui de de langue russe. Son œuvre a été largement traduite et publiée en Mlle Brioussova, aucun éclair de rage dans les yeux maternels, français. " Un peu plus tard – j’avais six ans, ma première année de musique – à l’école de musique Zograf-Plaskina, passage Merzliakov – on donnait – rien que ce nom ! – une soirée publique pour Noël. Une scène de La Roussalka, puis Rognéda et


OPÉRA EUGÈNE ONÉGUINE / FREDERIC WAKE-WALKER

Olga est quelque peu en retrait, mais Lenski, Onéguine et Tatiana sont des sommets d’énergie juvéniles. Ils ne sont pas des personnages achevés, mais des archétypes, un peu vides parce qu’ils sont des feux d’artifice d’énergie, de passion et d’idées. Quand ils ont une idée en tête, ils vont le faire à cent pour cent. Et je pense que c’est là que réside le tragique de la pièce : si vous vivez à cent à l’heure, vous risquez de vous brûler les ailes. La société tentera peut-être de vous freiner quelque peu, à moins qu’elle ne vous détruise : Lenski est tué d’une balle, Onéguine broyé et perdu, Tatiana enfermée dans une cage dorée et, pour rester dans le cliché, c’est quelque chose de purement russe. Vous êtes baisé quoi que vous fassiez (sic). Alexander Blok déclara au sujet de Pouchkine, tué dans un duel pour la même raison que Lenski : « ce n’est pas une balle qui a tué Pouchkine, c’est l’air étouffant de la société ». Avez-vous le sentiment qu’il existe un rapport avec notre climat socio-politique d’aujourd’hui ? Si on fait une moyenne de ce qu’est le monde entier aujourd’hui et une moyenne de ce qu’était le monde il y a cinquante ans, je pense que nous sommes beaucoup plus conservateurs aujourd’hui. Même au cours des trente dernières années, mon époque, j’ai le sentiment que nous sommes devenus plus conservateurs. En tout

cas, sans aucun doute en ce moment : pensez à Donald Trump et aux idées populistes en Amérique, en Pologne, Hongrie, au Royaume-Uni et partout. Et je pense que la société dans Eugène Onéguine est tout aussi étroite d’esprit et a tout aussi peur. Est-ce que vous avez déménagé à Berlin – de la même façon que Peter Brook, Katie Mitchell, et tant d’autres sont venus s’installer sur le continent – par aversion pour Londres ? Oui [rires]. C’était davantage mon désir de partir à la découverte qu’une fuite. Je n’ai pas le sentiment d’avoir pris la fuite. À part mes productions pour Glyndebourne et mon travail avec Mahogany, au fond je ne travaille pas en Grande-Bretagne. À cet égard je me sens un peu comme un outsider. Je serais gêné d’être trop critique à l’égard du Royaume-Uni, mais pour certaines raisons je n’y suis pas retourné. Berlin est une ville vibrante, qui offre une vie culturelle intense et qui est bien située. L’attitude de la presse au Royaume-Uni à l'égard des metteurs en scène de théâtre, et plus encore à l'endroit des metteurs en scène d'opéra est dure, voire excessive. En cela l'atmosphère y est très différente de celle que nous trouvons en Europe continentale. Prévoyez-vous que le Brexit fera empirer la situation ? Je pense que ce qui se passe maintenant n’a pas vraiment d’importance : le Brexit a déjà empiré les choses. C’est comme une rupture – vous dites que vous voulez partir, à présent il ne vous reste plus qu’à vider les lieux. Dans le fond, c’est une chose horrible. Je suis sûr que ce sera très mauvais pour tout le monde. Au moment même où nous parlons, j’ai fait une demande de passeport allemand. Je me considère plus comme un Européen que comme un Anglais. Je vis ici depuis sept ans et j’ai épousé une Allemande. Le théâtre britannique est un petit peu… bon, il n’est pas insulaire – c’est plutôt comme un cinquante-et-unième état d’Amérique. Je pense que le théâtre britannique se portera bien après le Brexit, parce qu’il est beaucoup plus connecté au cinéma et à la télévision, donc à l’Amérique, tandis que l’opéra souffrira davantage parce qu’il est davantage connecté à l’Europe.

Piotr Ilitch Tchaïkovski

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Ceux qui critiquent l’opéra radical, « européen », s’inquiètent qu’il n’y ait pas un plus grand nombre de lieux offrant des opéras à la manière traditionnelle, à savoir tels qu’ils ont été conçus par le compositeur. Cette inquiétude est-elle fondée ?


OPÉRA EUGÈNE ONÉGUINE / FREDERIC WAKE-WALKER

Lenski est tué d’une balle, Onéguine est broyé et perdu, et Tatiana est ailleurs, enfermée... Je pense que vous pourrez toujours voir une production traditionnelle au Met ou dans d’autres institutions semblables. Je comprends ce que vous voulez dire quand vous dites que l’opéra devient toujours plus radical, mais moi je pense que l’opéra est toujours un peu en retard sur l’époque. Il existe un théâtre plus radical : le travail conceptualisé et sa mise en œuvre se trouvent dans le monde du théâtre et alors, quelle que soit la superstar qui en est l’auteur, on lui commandera un grand nombre de productions d’opéra dans les cinq ou dix années à venir. Le problème est que ces productions nontraditionnelles semblent se réclamer d’autre chose. Les metteurs en scène de théâtre créent des pièces d’une grande intensité, puis on leur demande de les recréer en quelque sorte dans les limites contraignantes d’objets symphoniques, orchestraux ou opératiques. Où trouve-t-on des productions d’opéra qui combinent un sens radical du théâtre avec un sens de la musique dès le départ ? Peut-être l’opéra ne peut-il pas se revigorer de l’intérieur. Peutêtre ne l’a-t-il jamais pu. Peut-être a-t-il toujours été un moulin à paroles se rabattant sur des références venues d’ailleurs. Ce qui, pour moi, le rend toujours un peu nostalgique. Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. C’est juste comme ça. Il y a des pièces musicales à la pointe du progrès qui sont données et encensées, mais les compositions avant-gardistes sont encore relativement marginalisées. Vous avez parlé d’opéra radical à propos de metteurs en scène qui proposent une production radicale d’œuvres lyriques existantes, mais où sont donc les maisons d’opéra qui font du neuf à quatre-vingt-dix pour cent et seulement occasionnellement des reprises ? Traduit de l’anglais par Catherine Debacq-Groß

EUGÈNE ONÉGUINE PIOTR ILITCH TCHAÏKOVSKI [ NOUVELLE PRODUCTION ]   Direction musicale Marko Letonja Mise en scène Frederic Wake-Walker Décors et costumes Jamie Vartan Lumières Fabiana Piccioli Eugène Onéguine Bogdan Baciu Tatiana Ekaterina Morozova Olga Marina Viotti Lenski Liparit Avetisyan Prince Grémine Mikhail Kazakov Mme Larina Doris Lamprecht Filipievna, la nourrice Margarita Nekrasova Monsieur Triquet Gilles Ragon Zaretski Dionysos Idis Chœurs de l’Opéra national du Rhin Orchestre philharmonique de Strasbourg En langue russe, surtitrages en français et en allemand

STRASBOURG Opéra sa 16 juin lu 18 juin me 20 juin ve 22 juin di 24 juin ma 26 juin

20   h 20   h 20  h 20  h 17   h 20 h

MULHOUSE La Filature me 4 juillet 20  h ve 6 juillet 20  h

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avec Marko Letonja sa 2 juin 18 h Opéra, Salle Bastide Rencontre à la Librairie Kléber avec Marko Letonja et Frederic Wake-Walker ve 15 juin 18 h

« Prologue » introduction de 30 min., 1 h avant chaque représentation en partenariat avec


Photo de la mannequin retouchée.

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PRIX : de 6 à 48 €

PROGRAMME ROBERT SCHUMANN (1810-1856) In der Fremde Hör ich das Liedchen klingen Ich hab im Traum geweinet Mondnacht

JACQUES IBERT (1890-1962) Quatre Chansons de Don Quichotte GABRIEL FAURÉ (1845-1924) L´Horizon chimérique Les Berceaux HECTOR BERLIOZ (1803-1869) L´Ile inconnue (Nuits d´été)

P. 34 – 35

FRANZ SCHUBERT (1797-1828) An die Musik Meeres Stille Gute Nacht Ständchen Erlkönig


Š plainpicture / Bjanka Kadic

danser bach e au xxi siècle


DANSER BACH AU XXI E SIÈCLE BRUNO BOUCHÉ / THUSNELDA MERCY / MARTIN CHAIX

UN UNIVERS MUSICAL, TROIS UNIVERS CHORÉGRAPHIQUES ENTRETIEN BRUNO BOUCHÉ, DIRECTEUR ARTISTIQUE DU BALLET DE L’ONR Par Solène Souriau

D

ernier événement danse de la saison, la programmation de « Danser Bach au XXIe siècle » inaugure une série qui se déclinera sur plusieurs saisons et qui verra de jeunes chorégraphes proposer des créations à partir d'œuvres et d’univers de grandes figures de l'histoire de la musique. Pour cette première édition, Thusnelda Mercy et Martin Chaix créent deux pièces pour les danseurs du Ballet, alors que Bruno Bouché reprend, en la faisant entrer au répertoire, l'une de ses œuvres les plus intimes.

Le cycle sera-t-il toujours dédié à un compositeur ? Il pourra revêtir plusieurs aspects. Si lors de cette première saison, nous avons choisi un compositeur

baroque, la soirée de l’année prochaine sera autour de Gustav Mahler et rien n’empêche de mettre l’accent sur un instrument plutôt qu’un compositeur. Les possibilités sont vastes. J’ai également souhaité laisser les chorégraphes libres dans leurs manières de traiter la musique. Ils ont eu le choix dans la formation musicale : petite et grande. Dans le support : enregistrement ou live ou encore dans le traitement. Thusnelda Mercy, par exemple, travaille en collaboration avec le compositeur Alexandru Catona à partir des Suites pour violoncelle. L’essence du compositeur réside dans chacune des pièces, de trois manières différentes. Trois pièces de trois chorégraphes donnent donc lieu à trois interprétations différentes ? Bien sûr. D’un univers musical commun naît trois univers chorégraphiques résolument distincts. Parmi les trois pièces qui partagent l’affiche, deux créations : Partita de Thusnelda Mercy et Tribulations de Martin Chaix. Alors que la première interroge le « vivre en communauté », la deuxième concerne plutôt un combat esthétique. Martin Chaix a choisi le Concerto en ré mineur de Bach qui est la musique P. 36 – 37

Danser Bach au XXIe siècle s’inscrit dans le cycle « Musique et Danse » que vous avez mis en place pour cette première saison et que vous aimeriez reconduire chaque année. Pourquoi avoir voulu consacrer une soirée à ce thème ? Ce thème vient de l’envie de confronter de grandes partitions classiques à un regard contemporain. Par le titre Danser Bach au XXIe siècle, nous proposons une réflexion autour de la manière d’aborder en danse aujourd’hui un compositeur du répertoire aussi reconnu que Jean-Sébastien Bach. Cette soirée aura la spécificité d’unir trois chorégraphes par la musique et, comme d’autres cycles de la saison, offre un cadre à des chorégraphes émergeants d’une même génération. En les confrontant à des canons musicaux, la question de la contemporanéité se pose  : qu’est-ce qu’être contemporain aujourd’hui ? Et peut-on l’être avec une musique du XVIIe siècle ? Si l’écoute a évolué au cours des siècles, la musique de Bach inspire toujours autant.


Bless-ainsi soit-IL, Bruno Bouché, Miao Zong, Renjie Ma © Agathe Poupeney


Partita, Thusnelda Mercy, Monica Barbotte Š Agathe Poupeney

Tribulations, Martin Chaix, Dongting Xing Š Agathe Poupeney


DANSE DANSER BACH AU XXI E SIÈCLE / BRUNO BOUCHÉ

Une des idées originales de ce spectacle est d’avoir confié la scénographie à Matias Tripodi. Qu’est-ce que cela signifie précisément? J’ai voulu m’éloigner des programmes mixtes qui présentent des pièces courtes de différents chorégraphes sans jamais les faire dialoguer ni trouver ce qui les unit. Les trois pièces de Danser Bach au XXIe siècle seront liées par la musique mais aussi par la scénographie de Matias Tripodi, artiste pluridisciplinaire avec qui j’avais déjà travaillé avec ma compagnie Incidence Chorégraphique. La forme géométrique assez imposante qu’a dessinée Matias Tripodi, forme aussi solide qu’aérienne, va se déplacer sur scène et prendre différentes positions. Elle découle d’un travail collectif et nous l’avons imaginée comme

objet plastique qui ne servirait pas seulement la mise en scène mais existerait aussi en tant qu’œuvre d’art. Les transitions, moments où l’on perd souvent le rythme du spectacle, seront également mises en scène et feront partie intégrante du spectacle. C’est l’occasion de proposer au spectateur une soirée homogène et cohérente. Vous avez vous-même chorégraphié sur de la musique de Bach. Pourquoi, selon vous, cette musique a-t-elle tant inspiré les chorégraphes du XXe et XXIe siècles ? La magie de ce compositeur réside dans un paradoxe. De son austérité et travail très précautionneux qui fait que nous pourrions presque le comparer à un ouvrier de la musique, va découler un imaginaire sans limite et une fantaisie extrême. Cette musique, atemporelle, rejoint encore aujourd’hui notre condition et parle de nos quotidiens, nos vies mais aussi nos aspirations et nos désirs de sublime. Qu’est ce qui vous a poussé à choisir Thusnelda Mercy et Martin Chaix ? Ces deux chorégraphes m’interpellent. En chaque début de saison, je contacte les chorégraphes avec qui j’ai envie de travailler et leur présente le projet dans son intégralité avec ses différents fils conducteurs. Je leur fais ensuite une proposition de ce qui me semble le mieux leur convenir. Pour cette soirée, j’avais envie de travailler avec une même génération et des chorégraphes qui se connaissent pour qu’un travail en profondeur soit possible. Bless-ainsi soit-IL, Bruno Bouché, Thomas Hinterberger, Alexandre Van Hoorde © Agathe Poupeney

du ballet éponyme de Claude Bessy, le premier ballet qu'il a dansé à l’École de Danse de l’Opéra national de Paris. Il y a donc une interrogation sur la tradition inculquée aux jeunes danseurs français et comment s’en émanciper.

Pourquoi avoir choisi d’associer Bless-ainsi soit-Il, une de vos pièces qui remonte à 2010, à ces deux autres créations ? Cette pièce a été fondatrice pour moi. Il y a eu un avant et un après dans la manière de m’envisager chorégraphe. Avec cette pièce, j’ai posé une pierre. Et j’ai eu envie de la transmettre et la partager avec les danseurs du Ballet de l’Opéra national du Rhin.


BALS EN LIANCE

PARTITA* / THUSNELDA MERCY [CRÉATION] Chorégraphie, costumes Thusnelda Mercy Création musicale Alexandru Catona TRIBULATIONS* / MARTIN CHAIX [CRÉATION] Chorégraphie, costumes Martin Chaix Musique Jean-Sébastien Bach BLESS-AINSI SOIT-IL / BRUNO BOUCHÉ [ENTRÉE AU RÉPERTOIRE] Chorégraphie, costumes Bruno Bouché Musique Jean-Sébastien Bach, Ferruccio Busoni Piano Maxime Georges Scénographie Matias Tripodi Lumières Tom Klefstad

I

nspirés à la fois par les bals traditionnels et par le Bal moderne (inventé par Michel Reilhac), les « Bals en Liance » innovent et s’affirment comme des moments de cérémonie joyeuse durant lesquelles plusieurs classes se rencontrent pour danser à la faveur d’un parcours en amont qui aura constitué une culture commune au sein de chaque école.

Ballet de l’Opéra national du Rhin Ballets présentés avec des musiques enregistrées

*

MULHOUSE

STRASBOURG

La Sinne

Opéra, Salle Ponnelle

je 17 mai 20   h ve 18 mai 20   h sa 19 mai 20   h

ve 8 juin sa 9 juin di 10 juin me 13 juin je 14 juin ve 15 juin sa 16 juin

COLMAR Théâtre sa 26 mai 20  h di 27 mai 15   h PRIX : de 6 à 25 € avec le soutien de

fidelio association pour le développement de l'Opéra national du Rhin

SCÈNES ES OUVERT

Coulisses studio Répétition ouverte MULHOUSE Studios du Ccn je 3 mai 18 h sur inscription ballet@onr.fr Danse à l’université Conférence dansée STRASBOURG Université Le Portique je 24 mai 18 h 30 « Prologue » introduction de 15 min., 30 min. avant chaque représentation

20   h 15   h & 20 h 15   h 20   h 20   h 20 h 20 h

Il semble essentiel que, dans leur pratique, les enfants éprouvent leur enveloppe, l’espace autour et en eux, le toucher, le contact avec l’autre et avec d’autres éléments. Le corps leur apprend quelque chose de notre « condition ». L’évolution individuelle des enfants qui se confrontent à cette pratique, montre combien la danse place le corps en tant que sujet. Par un savoir ancré dans une réalité concrète et physique, il est un moyen d’expression et de réalisation de soi. Si l’éducation est faite pour que chacun trouve sa place dans le monde, l’expression artistique et la danse en particulier n’est donc pas le moindre de nos alliés pour donner du sens aux questions et aux quêtes de ces êtres en devenir. À partir de règles chorégraphiques posées par Bruno Bouché, des artistes sont intervenus dans sept classes avec une esthétique singulière inspirée des danses traditionnelles : le tango, la danse folklorique mais aussi la danse baroque etc. Lors du Bal, le lundi 28 mai, de 14 h à 16 h, dans la salle modulable de la Filature, les enfants seront ambassadeurs d’une esthétique à partager avec les autres. Elle sera déclinée par chaque classe sur des protocoles d’improvisation et dirigée par un Maître de Bal, en l'occurrence, Bruno Bouché luimême. Deux artistes plasticiennes seront intervenues afin de définir un dress’code commun à chacune des classes et concevoir une scénographie avec les élèves : un moment de partage sur Mulhouse pour 190 jeunes. LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES Sept établissements scolaires (du CP au Lycée) avec des équipes interdisciplinaires sont associés au projet : École Furstenberger : avec une classe de CM1/Ulis - École Haut Poirier : avec une classe de CE1
- École Pergaud : avec une classe de CP
- Collège François Villon : avec une classe de 3ème - Collège Wolf : avec une classe de 4ème - Lycée Louis Armand : avec une classe de 2nde - Lycée du Rebberg : avec une classe de 2nde Le projet « Bals en liance » est porté par le Ballet de l’OnR/CCN de Mulhouse et l’OCCE (Office central de coopération à l’école)


Hélène de Beauvoir, Sans titre, 1956, huile sur toile, collection privée / Photo : Christian Kempf


»» vite dit »» >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

Salle de la Filature, à Mulhouse, Patrick Davin dirige son dernier concert à la tête de l’Orchestre symphonique de Mulhouse en tant que directeur musical avec un programme qui souligne l’éventail de ses qualités et des ses passions, de Maurice Ravel à Jacques Brel, en passant par Claude Debussy, Astor Piazzolla, Wim Henderickx et Jean-Marie Rens. L’Opéra national du Rhin remercie chaleureusement Patrick pour les magnifiques aventures lyriques développées ensemble au cours des dernières années.

Tatjana Gürbaca, qui nous a proposé un superbe Werther l’hiver dernier, reprend Jephta de Georg Friedrich Händel au Händel-Festspiele de Halle avant de créer une nouvelle production d’une autre œuvre du même compositeur : Alcina au Theater an der Wien avec Marlis Petersen dans le rôle-titre (première le 15 septembre). Marlis Petersen sera sur la scène de l’OnR le 18 décembre pour un récital de lieder allemands.

*!* Le 23 juin, dans la Grande

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*!* The Heart of my Heart, œuvre créée en mars 2018 par Gil Carlos Harush sur une commande de Bruno Bouché pour le Ballet de l’Opéra national du Rhin, est nominée pour le prix de la meilleure création de la saison par l’Association de la critique. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Fireflies sera la première pièce créée par Bruno Bouché pour les danseurs de sa compagnie. Elle sera crée le 11 octobre et ouvrira la première soirée de danse de l’Opéra national du Rhin avec la reprise de La table verte de Kurt Joos. N’oubliez pas l’abonnement danse ! Il vous permet d’obtenir dans des conditions très favorables toute la saison danse des magnifiques artistes de notre Ballet. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* À l’auditorium de l’Opéra de Bordeaux, le chef d’orchestre Paul Daniel, à la baguette récemment à l’OnR pour les représentations du Pavillon d’or, dirige une mise en espace, les 29 mai, 1er et 3 juin, du chef-d’œuvre de Richard Strauss, Elektra, à la tête de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine dont il est le directeur musical.

*!* La metteuse en scène

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*!* Après des années qui auront marqué en profondeur la scène lyrique allemande et européenne, Jossi Wieler, Sergio Morabito et le chef d’orchestre Sylvain Cambreling quittent la direction de l’Oper Stuttgart en ce mois de juillet avec un dernier spectacle, la création mondiale du dernier opéra du compositeur Toshio Hosokawa Erleben. Träume (première le 1er juin). Nous aurons la chance de découvrir la vision de Jossi Wieler et Sergio Morabito de Freischütz de Carl Maria von Weber à partir du mois d’avril 2019 à l’Opéra national du Rhin. De Toshio Hosokawa, nous pourrons entendre la création française de Singing Garden les 25 et 27 septembre sur la scène de l’Opéra à Strasbourg dans le cadre du « Prélude ! » de la rentrée. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Le metteur en scène argentin Mariano Pensotti qui fera ses débuts dans le monde de l’opéra à l’Opéra national du Rhin au mois de mars prochain avec Beatrix Cenci dans le cadre de ARSMONDO ARGENTINE sera en Europe cet été. Vous pourrez découvrir sa prochaine création théâtrale réalisée avec sa complice, la scénographe et costumière Mariana Tirantte, le 24 août lors du festival de la Ruhrtriennale. Il y présente Diamante. Die Geschichte

einer Free Private City au Landschaftspark de Duisbourg. >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Le baryton-basse Ashley David Prewett et le ténor Marcelo Puente, qui ont chanté successivement les rôles d’Ostasio et de Paolo Il Bello lors de notre nouvelle production de Francesca da Rimini dans la mise en scène de Nicola Raab en décembre dernier, ont été appelé en urgence par le Teatro alla Scala pour qu’ils reprennent leur rôle il y a quelques semaines après le désistement de collègues. Public et critiques leur ont réservé de très chaleureux accueils. Et au moment où ce nouveau numéro du magazine est imprimé nous apprenons que Marta Bauzà, jeune soprano membre de l’Opéra Studio, qui a chanté le rôle de Garsenda dans notre production, a été appelée pour un remplacement dans ce rôle sur la scène de la Scala ! >>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>

*!* Un mot encore au sujet du metteur en scène et cinéaste Kirill Serebrennikov dont OnRLeMag vous a longuement parlé il y a quelques mois. L’assignation à résidence dont il est la victime depuis le 23 août 2017 vient d’être prolongée jusqu’au 19 juillet. Les accusations de fraudes et de détournements à l’encontre du directeur artistique du Gogol Centre ne sont que des prétextes pour faire taire l’un des artistes russes les plus originaux, ouvertement homosexuel, très critique à l’encontre de l’emprise religieuse orthodoxe sur la société civile et militant d’une société ouverte et démocratique. Son dernier film, Leto, dont le tournage a été écourté en raison de son arrestation, a été sélectionné en compétition officielle au prochain Festival de Cannes. Plus que jamais #FreeKirill

P. 42 – 43

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calendrier Informations communiquées sous réserve de modifications

STRASBOURG

MULHOUSE

COLMAR

MAI je

17

Danser Bach au XXIe siècle

Sinne 20 h

ve

18

Danser Bach au XXIe siècle

Sinne 20 h

sa

19

Rencontre autour des Sept Péchés capitaux...

sa

19

Danser Bach au XXIe siècle

di

20

Les Sept Péchés capitaux…

Kléber 17 h Sinne 20 h

Opéra 15 h

ma

22

Midi lyrique / Berlin-Vienne

ma

22

Les Sept Péchés capitaux…

Opéra 20 h

me

23

Récital Ian Bostridge

Opéra 20 h

je

24

Danse à l’université / Danser Bach au XXIe siècle

US 18 h 30

je

24

Les Sept Péchés capitaux…

Opéra 20 h

sa

26

Midi lyrique / Berlin-Vienne

Opéra 11 h Opéra 20 h

Théâtre 12 h 30

sa

26

Les Sept Péchés capitaux…

sa

26

Danser Bach au XXIe siècle

Théâtre 20 h

di

27

Danser Bach au XXIe siècle

Théâtre 15 h

lu

28

Les Sept Péchés capitaux…

Opéra 20 h Opéra 18 h

JUIN sa

02

Bonsoir Maestro ! Marko Letonja

ma

05

Les Sept Péchés capitaux…

me

06

Mercredi découverte / Les espions...

Opéra 14 h

ve

08

Danser Bach au XXIe siècle

Opéra 20 h

sa

09

Danser Bach au XXIe siècle

Opéra 15 h et 20 h

di

10

Danser Bach au XXIe siècle

Opéra 15 h

me

13

Danser Bach au XXIe siècle

Opéra 20 h

me

13

Les Sept Péchés capitaux…

je

14

Danser Bach au XXIe siècle

Opéra 20 h

ve

15

Rencontre autour d’Eugène Onéguine

Kléber 18 h

ve

15

Danser Bach au XXIe siècle

Opéra 20 h

ve

15

Les Sept Péchés capitaux…

sa

16

Avec mon cous(s)in • Spécial bébés

sa

16

Midi lyrique / Le Cœur brûlant

Opéra 11 h

sa

16

Danser Bach au XXIe siècle

Opéra 20 h

Sinne 20 h

Sinne 20 h

Opéra 11 h

sa

16

Eugène Onéguine

Opéra 20 h

lu

18

Eugène Onéguine

Opéra 20 h

me

20

Midi lyrique / Le Cœur brûlant

me

20

Eugène Onéguine

Opéra 20 h

ve

22

Eugène Onéguine

Opéra 20 h

di

24

Eugène Onéguine

Opéra 17 h

ma

26

Eugène Onéguine

Opéra 20 h

sa

30

Récital Ludovic Tézier

Opéra 20 h Opéra 15 h

JUILLET di

01

Avec mon cous(s)in • Ludovic Tézier

me

04

Eugène Onéguine

Filature 20 h

ve

06

Eugène Onéguine

Filature 20 h

Kléber Librairie Kléber, Salle Blanche 1 rue des Francs-Bourgeois, Strasbourg US Université de Strasbourg 4 rue Blaise Pascal, Strasbourg

Théâtre 20 h

Théâtre 12 h 30




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