Omnivore Foodbook #4

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cahier spécial bière

guide vin nature 2015

le numéro

craft beer 100 vins 04 àdemoins 15 €

enquête houblon generation coup de les 20 bières de la rentrée portfolio gueuzes d’atmosphère mixologie les cocktails se font mousser

analyse le goût américain / le goût italien on the road la romanée-conti sélection 150 caves & bars à vins

automne hiver 2015 100 % jeune cuisine

food ! book

barbot

25 chefs nés à l’astr a nce

laurent banc d’essai cazottes 8 saucissons parfaitemen t secs

l’hom me de l’eau-de-vie

Cahier de cuisine

rio

mini-guide

armand arnal & alexandre mazzia

revue 180 pages Guide 100 vins recettes 2 chefs PRIX 19,90 €


!


VIN

100 vins nature à moins de 15 € BIÈRE

Craft Beer Generation CAHIER DE CUISINE

Armand Arnal & Alexandre Mazzia

food ! book 4



SOMmaire

magazine banc d’essai

8 saucissons parfaitement secs P.7

mémoire du goût

le yaourt

dossier P.75 cahier spécial

craft beer 20 pages en ébullition P.23

Enquête : houblon generation P.24

Sélection : les 20 bières coup de cœur de la rentrée

P.10

P.32

les potentiels

Portfolio : gueuzes d’atmosphère

table on / table over P.11

la ville

anvers essentiels P.12

P.36

Mixologie : les cocktails se font mousser Shopping : les 35 adresses de caves & bars à bières

la technique

P.14

l’objet

le mini-moulin à farines P.14

BD

Quelques vérités bonnes à boire

Claude & Lydia Bourguignon, les arrangeurs P.88

analyse

P.76

Il était une fois le terroir d’amérique

data

P.92

Viticultures : le jeu des 7 erreurs

Veni, vini, pas encore vici

P.80

reportage

Looking for Aubert

P.94

P.84

entretien

laurent cazottes l’homme de l’eau-de-vie P.47

style

écrans de fumets

introduction

P.42

P.44

le coravin

une brève histoire du vin

mini-guide

P.15

guide P.97 palmarÈs les 5 de 2015 P.99

la dégustation 100 vins nature à – 15 € P.103

l’animal

suprêmes volailles

guide vin paris P.126

P.16

l’ingrédient

timut, saga d’un faux poivre P.18

filiation

les bébés barbot P.20

P.55

ville à ville P.134

portrait

Philip Rachinger Von Saturne nach Neufelden P.61

playlist

10 gamays 10 galettes P.64

grands espaces

suède

le grand blond en avant P.66

reportage

24 Heures en KNUTHENLUND P.72

food mn book #4 / 3

cahier de cuisine

armand arnal &

alexandre mazzia ROUTES 77 P.145


l’ingrédient

Timut, Saga d’un faux poivre Le Timut, avec son parfum d’agrumes, a été rapporté du Népal un jour de 2009 par David Thiercelin. Les chefs en sont tombés amoureux, la production a triplé et obtenu la certification bio. Chronique d’un succès éclair. par Stéphane Méjanès

« Bonjour, j’aimerais parler avec vous du poivre Timut. — Le Timut n’est pas un poivre, mais un “xanthoxylium”. Son odeur fortement marquée en pamplemousse est amusante. » La réponse écrite depuis Madagascar par Gérard Vives a fusé, cinglante et n’appelant guère de commentaire. Pour le chasseur d’épices au franc-parler, il y a poivre et poivre, et une odeur « amusante » n’a que peu d’intérêt. Un temps commercialisé en tube à essai dans la gamme Gérard Vives, entrevu avec des carottes, des asperges ou du fenouil sur le compte Pinterest du patron, on n’en trouve plus la queue d’un sur le site du Comptoir des poivres (www.lecomptoirdespoivres.com). Que l’on se rassure, pour acheter sa dose de Timut, il suffit de se rendre chez son découvreur, David Thiercelin, septième génération d’une famille de tonneliers et vignerons-vinaigriers à Pithiviers, depuis 1809, reconvertis en triturateurs de safran. Chez les Thiercelin, le Timut est rangé parmi les poivres, mais avec des guillemets. Aucune tromperie sur la marchandise, c’est bien un faux poivre, obtenu à partir des baies d’un arbuste de la famille des Zanthoxylum (Gérard Vives avait presque bon), comme les « poivres » de Sichuan, de Jamaïque ou de Tasmanie. Les vrais poivres

appartiennent aux genres Piper nigrum (poivre noir), Piper cubeba (poivre cubèbe) et Piper longum (poivre long). « Pour une fois, les Anglo-Saxons sont plus précis que nous, explique David Thiercelin. Ils disent “pepper corn” pour le poivre du poivrier et “pepper berries” pour les baies poivrées. » Les querelles botaniques et linguistiques mises à part, reste le Timut et son parfum d’agrumes, pamplemousse (d’où son nom usuel de « poivre pamplemousse »), yuzu et fruit de la passion. Quelques kilos dans une valise vide

Tout est parti d’une expédition menée en 2009 par David Thiercelin, dans la région du… Timut, dans le nord-ouest du Népal. « Quand on part, on est toujours à l’affût, raconte David. On a pour habitude d’aller voir ce qui se fait sur le marché. On entre en immersion, on s’ouvre à la culture locale. » Le premier souvenir qui lui revient, c’est celui d’une odeur enivrante de fruit de la passion. Elle émane d’une fleur qui s’avèrera hélas toxique à la consommation. En revanche, une autre trouvaille, un vieux sel millénaire arraché à la montagne, au parfum d’œuf cuit et de citronnelle, excellent pour la digestion, devrait bientôt débarquer en France. Mais c’est une autre histoire.

18 / food mn book #4


l’ingrédient

La grande découverte de ce périple fut donc le Timut, mal séchés, peuvent rancir. Les conditions locales sur un marché des contreforts de l’Himalaya où l’on répondant à leurs exigences, les éclaireurs français vend ces petites baies vertes virant au rouge en mûris- peuvent rentrer confiants. sant, puis au carmin une fois séchées. La première impression est mitigée. Il faut en effet balayer ici le Une « petite note fraîche » cliché du produit parfait qui s’offrirait miraculeu- Cette fois-là comme souvent, le retour en France sement dans sa virginité primitive à l’homme blanc passe par la case Jean-Yves Leuranguer, directeur conquis d’emblée par tant de beauté, le tout sur une de la restauration du Fouquet’s Barrière, un ami de musique de John Williams. « Les produits sur les mar- la famille. Christophe Schmitt, recruté depuis peu à chés sont à la hauteur de la bourse locale, rappelle cette époque et aujourd’hui chef du Diane, restaurant David Thiercelin. C’est mal travaillé, poussiéreux, ça gastronomique de l’hôtel, se souvient de sa première sent le vieux, la transpiration. » Il faut savoir dépasser fois avec le Timut. « Je connaissais le Sichuan, au goût ses appréhensions, oublier l’apparente pauvreté citronné, précise le jeune chef qui donne régulièrearomatique pour entrevoir le potentiel gustatif réel. ment des cours de cuisine à la boutique Thiercelin. Cette fois-là, mus par leur instinct, les crapahuteurs Le côté agrumes du Timut m’a beaucoup plu. C’était des épices décident d’en savoir plus. l’hiver, on avait de belles coquilles. J’ai imaginé un Ils avaient déjà dans les pattes quelques heures émietté de tourteau avec un carpaccio de Saint-Jacques d’avion depuis la frontière nord de la Chine pour et mangue assaisonné de Timut. » Infusé dans la crème atteindre la région du Timut, mais pour préparer une ganache ou avec ils embarquent en 4x4 pour cinq à des carottes en purée accompagnant six heures de grimpette vers l’Hiun saint-pierre, il n’a quasiment Facile malaya. Ensuite, faute de pistes, jamais quitté la carte. à moudre mais Cyril Lignac (Le Quinzième, Paris) ils mettent pied à terre pour une peu agréable à l’a adopté assez vite lui aussi, dans journée de marche dans la jungle croquer, le Timut montagneuse, en suivant la rivière. une fameuse dorade de ligne de l’île doit être Objectif : 1 500 m. Plus bas, les d’Yeu marinée à l’huile d’olive et un ingrédient fraîcheur de fruits de la passion au arbustes épineux recherchés ne du plat et pas poussent pas. À la tombée de la nuit, poivre Timut. De son côté, Jean-Miun poivre un matelas en bois les attend chez chel Carrette (Aux Terrasses, Tourd’assaisonnement. l’habitant, entre chèvres et vaches, nus) adore la « petite note fraîche » près du jardin planté de céréales et qu’il confère à son dessert tout chode piments. Après un lait chaud de la colat après avoir infusé à 60 °C, toute traite matutinale et encore deux heures de marche à une après-midi, une huile de pépin de raisin. Quant travers les rizières, premières cultures des plateaux à Christophe Hay (La Maison d’à Côté, Montlivault), intermédiaires, les plantations s’offrent enfin au il en jette 10 grammes dans du lait bouillant, avec regard, dans la lumière rasante de l’aube. Il y a aussi quatre feuilles de gélatine, pour confectionner un du cannabis, de la moutarde et du gingembre, mais blanc-manger au concombre et à l’artichaut, élément essentiel de sa recette de mulet de Loire au coquelicot. on est là pour le Timut. Récolté de septembre à novembre, il est descendu à dos d’homme dans des sacs tenus par le front, puis Romain Pouzadoux (L’Imaginaire, Brest) insiste lui convoyé jusqu’à Katmandou. Là, il est principale- sur le fait que le Timut, facile à moudre mais peu ment utilisé dans l’industrie pharmaceutique, en agréable à croquer, doit être un ingrédient du plat particulier pour le dentifrice. Bien décidé à en rap- et pas un poivre d’assaisonnement. Il risquerait de porter quelques kilos dans une valise vide qui ne le prendre le dessus. S’il l’utilise en cuisine, plutôt avec quitte jamais, David Thiercelin observe le travail des légumes, il l’incorpore aussi dans des cocktails des fermiers. Au village, les graines sont secouées nés de l’imagination de sa femme, Charlotte. Cela sur des tamis de laine tissée pour séparer l’écorce donne par exemple : 4 cl de jus de citron vert, 2 cl de la bille noire non comestible. Ensuite, on trie à la de sirop de sucre de canne, 2 cl de vodka infusée de main les branches, les feuilles, les épines et les petites Timut, champagne. Au hasard, un champagne Thierécorces, puis on laisse sécher plusieurs jours sur des celin, lointains cousins marnais de nos marchands tables, dehors ou dedans selon la météo. Les faux d’épices du Gâtinais ? Faux poivre, mais vrai esprit poivres étant riches en huiles essentielles, s’ils sont de famille.

food mn book #4 / 19

Maison Thiercelin

3, rue CharlesFrançois Dupuis 75003 Paris 09 54 86 05 66 thiercelin1809.com Le Diane

46, av. George-V, Hôtel Fouquet’s Barrière 75008 Paris 01 40 69 60 00 Le Quinzième

14, rue Cauchy 75015 Paris 01 45 54 43 43

Aux Terrasses

18, av. du 23-Janvier 71700 Tournus 03 85 51 01 74 La maison d’à côté

25, rue de Chambord 41350 Montlivault 02 54 20 62 30 L’Imaginaire

23, rue Fautras 29200 Brest 02 98 43 30 13


Les 20 bières coup de de la rentrée

Saison Brasserie des Franches montagnes (Suisse) 14 € (75 cl) C’est quoi ?

Calypso Siren Craft Brewery (Angleterre) 5 € (33 cl) C’est quoi ?

C’est toujours plaisant l’ouverture d’esprit. Quand un brasseur américain, travaillant pour un Anglais, brasse une Berliner Weiss… mais finalement y ajoute tout plein de houblon, qui plus est un différent à chaque brassin, pour garder un peu de surprise. Ça goûte comment ?

Le nez est explosif, incroyable, d’une grande intensité, s’y mêlent les arômes du houblon choisi, les parfums de citron frais, et une légère odeur lactique propre au style, puis en bouche, vive acidité, belle fraîcheur, même pas d’amertume, un régal.

Un brasseur fou qui aurait hérité d’une recette de bière dont la moitié doit rester en cuve inox pendant que l’autre vieillie dans des fûts de chêne. Le tout assemblé fait une Saison séquestrable en cave pour fêter les 225 ans de la brasserie. Ça goûte comment ?

Subtile combinaison entre la fraîcheur et l’amertume préservée par l’inox et l’acidité de la fermentation « sauvage » en fût. L’amertume disparaît progressivement au profit d’une belle acidité toujours plus marquée lorsque la bière est âgée.

Imperial Zest Birrificio Extraomnes (Italie) 6,50 € (33 cl) Mademoiselle Brasserie du Mont Salève (Savoie) 4,80 € (33 cl) C’est quoi ?

Une IPA au houblon français, oui madame, car on en fait pousser nous aussi, en Alsace par exemple, tantôt Barbe rousse, tantôt Aramis, pourvu que l’Hexagone soit à l’honneur. Ça goûte comment ?

Tout dépend du houblon choisi sur le brassin auquel vous accéderez, mais c’est souvent floral au nez, très aromatique, sec, un peu amer, et légèrement astringent en bouche, la bière des apéritifs intellectualisés.

Irish Red Ale Fanø Bryghus (Danemark) C’est quoi ?

Et si on inventait la bière de terroir ? C’est le pari d’un collectif de petites brasseries danoises, qui tentent de brasser des mousses avec 100 % d’ingrédients locaux, substituant le houblon par d’autres plantes, et développant leur propre souche de levure. Celle-ci est la première de la série, bière brassée avec une levure totalement inédite. Ça goûte comment ?

Curieux en bouche, comme une parabole inversée, l’attaque est vive, un peu terreuse, organique, puis file en douceur, disparaît avant de revenir en force sur les fruits cuits type pruneaux, et de terminer en rondeur.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. Les prix sont donnés à titre indicatif.

32 / food mn book #4

C’est quoi ?

Quand un œnologue italien, devenu brasseur, décrète qu’une Saison belge houblonnée à l’américaine est sûrement l’un des styles brassicoles les plus plaisants mais qu’il décide de doubler sa puissance alcoolique pour rigoler, on aime toujours ! Ça goûte comment ?

Nez puissant et éclatant de fruits mûrs, de fruits à peau blanche comme la pêche, voire plus exotique comme le litchi habituellement associé aux houblons américains. Une bouche douce et légèrement sucrée, longue, mais terminant sur une amertume affirmée.


sélection

Babylone Brussels Beer Project (Belgique) 4,50 € (33 CL) C’est quoi ?

On se le demande ! 30 % de pain dur, le reste en malt, un houblonnage intense, c’est la bière de pain de nos ancêtres mésopotamiens, à la mode de Bruxelles au XXIe siècle. Ça goûte comment ?

Bread bitter sur l’étiquette, l’amertume est bien là, on peut même parler d’IPA, nez super exotique et intense, bouche sèche et directe, l’utilisation du pain est écolo sans être un sacrifice au palais.

New Morning Birrificio del Ducato (Italie) 6 € (33 cl) C’est quoi ?

La bière à l’italienne, la bière pensée comme la cuisine. Calendula, paprika, gingembre, le tout finement dosé sur une belle levure de Saison belge. Grazie mille Giovanni ! Ça goûte comment ?

Chaleureuse au nez, tomates séchées, gingembre, céréales cuites… et cette levure qui accompagne, on est au dessus de l’assiette. En bouche, c’est suave, délicat, tout juste si le gingembre rappelle que c’est une bière qui a du piquant.

1809 Fritz Briem (Allemagne) 6 € (60 cl)

Indigo IPA Brasserie Deck & Donohue (Montreuil) 5,50 € (50 cl)

C’est quoi ?

C’est quoi ?

Professeur éminent à l’école de Weihenstephan près de Munich, Fritz Briem apprend le métier de brasseur et remet lui-même au goût du jour des styles presque disparus. La Berliner Weiss, bue par l’armée de Napoléon lors de la campagne de Prusse, en est un exemple. Ça goûte comment ?

Le yaourt, diront certains, mais c’est la typicité de ces bières de fermentations lactiques : point de houblon, donc pas d’amertume, mais une vive acidité, une fraîcheur citronnée.

3ter Brasserie de la Goutte d’or (Paris) 5,35 € (50 cl) C’est quoi ?

Brassée en collaboration avec le café Lomi, torréfacteur du même quartier, l’enjeu étant de proposer une bière au café qui ne soit pas brune… Et ça marche ! On profite de cette Triple dès les premiers froids de l’année, en novembre. Ça goûte comment ?

C’est puissant, malté, assez fort en alcool sans que cela ne se laisse percevoir. Sur le grain vert au nez, puis l’acidité des arabicas kényans en bouche. Pas d’amertume, douceur sucrée pour fin de repas.

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Le duo franco-américain nous propose une IPA à l’américaine, droite et comme on aime, pour amateur du style. Ça goûte comment ?

Le fruit et l’exotisme des houblons d’outre-Atlantique bien sûr, l’agrume et la résine en bouche, pas si sec que ça, le malt n’est pas oublié, et équilibre le tout de sa rondeur.


« On brasse des bières qui ont du sens » simon girardon (Deck & Donohue)

Deck & Donohue, c’est l’histoire d’une rencontre sur un campus de Georgetown. Entre l’Alsacien Thomas et l’Américain Mike, et une passion commune, la craft beer. En février 2005, les deux brassent leur première bière à San Francisco avant d’ouvrir leur brasserie à Montreuil, début 2014. Leurs mousses parfaitement léchées, jusqu’au graphisme de l’étiquette, sont déjà dans les bars à cocktails et quelques restos bien informés de Paris. Le duo s’agrandit aujourd’hui avec l’arrivée de Simon Girardon (photoci-contre).

portfolio

GUEUzes d’atmosphère par marie-laure fréchet photos stéphane bahic




Mes eaux-de-vie sont l’expression d’une identité, plus que d’une saveur. entretien avec laurent cazottes bouilleur d’exception food mn book #4 / 47



portrait

Philip Rachinger, Von Saturne nach Neufelden Après Paris et Londres, où il s’est fait remarquer dans les cuisines de Pierre Gagnaire, Sven Chartier et Isaac McHale. Philip Rachinger est rentré à Neufelden, Haute-Autriche, dans l’auberge familiale. Portrait d’un futur Kaizer de la cuisine. texte et photos kim lévy

Helmut Rachinger, le père, n’en revient toujours pas. Son fils unique a renoncé à La Grenouillère après seulement trois jours de stage. « Je m’ennuyais pas mal, explique Philip en anglais. La grande ville me manquait, c’était peutêtre trop semblable à ce que je connaissais, en terme de restaurant, même si la cuisine là-bas est très créative et que ce sont des bons. » Sur place, à Mühltalhof, la comparaison avec l’iconique auberge d’Alexandre Gauthier s’éclaire. Il faut rouler quarante minutes depuis Linz, la première grande ville à proximité, pour rejoindre ce coin reculé de Haute-Autriche. Comme en fait état l’arbre généalogique affiché sur un mur discret de la réception, les Rachinger y tiennent un hôtel-restaurant depuis quatre générations. Ici les propriétaires n’ont pas remis à neuf une métairie désaffectée comme dans le cas des Gauthier, mais un ancien établissement de bain. Le premier train, en 1900, puis les congés payés ont amené par centaines des estivants autrichiens sur les berges de la Grossemühle, le bras du Danube qui s’étend au pied de l’hôtel. Avant eux, les grands-parents d’Helmut profitaient de la rigueur des hivers pour servir des pintes bien fraîches, de cette

pils légère et bonifiante qui se brasse ici depuis des siècles. À Neufelden, ce n’est pas le marais mais de grands lacs et des rivières cernées de forêts immenses.

et l’envoie au Sketch de Londres. « Je me suis assez vite lassé : trop de monde, environ 130 employés, trop impersonnel pour moi. J’ai cherché quelques jours et je suis tombé sur Isaac McHale, qui était en plein travail à Ten Bells. Je ne l’ai Tout en regrettant son anglais approximatif, pas suivi à The Clove Club parce que j’étais déjà le père de Philip comprend parti pour La Grenouillère. » Après les pop-up des Young l’attrait de l’étranger, de la grande ville. Lui-même s’est Turks au Ten Bells et l’expéformé à Vienne au fameux resrience écourtée de la Madeau sketch, taurant Steirereck, entre 1987 leine-sous-Montreuil, Philip Je me suis et 1988. À peine sorti du Koch recentre donc ses recherches assez vite lassé : Campus, l’école hôtelière, sur Paris. Il se lie vite d’amitié trop de monde, avec le chef de Saturne, où il Philip marche dans ses pas 130 employés, est entré en stage. Sven Charen intégrant la brigade de trop impersonnel ce même restaurant. C’est là tier lui confie les viandes. De pour moi qu’il croise Pierre Gagnaire, Paris et de cette cuisine où il son idole, de passage. Cela fait n’a « jamais vu autant de prodeux ans que le jeune homme duits exceptionnels », il ne part au look tout droit sorti des qu’au bout de neuf mois. années 80 – il est pourtant né en 1989 – travaille dans l’institution. En 2012, Pierre Ga- À Mühltalhof, les choses n’ont pas tellement gnaire l’embauche pour un stage à Paris – « Je bougé en son absence. La même organisation ne parlais pas vraiment bien français, j’avais tranquille et calibrée se poursuit, les mêmes appris à l’école, mais on ne peut pas dire que membres de la famille se lèvent de bon matin ça soit suffisant pour connaître une langue » –, et rejoignent l’hôtel depuis leurs maisons, food mn book #4 / 61


une brève histoire du vin

Quelques vérités bonnes à boire Le vin est complexe, fragile comme une société aux individus et opinions variés. Il suit l’histoire et la politique, les élans individualistes et les processus de massification. Décryptage d’une lente révolution qui ne dit pas son nom. Par Dominique Hutin

« Faut-il boire du vin ? » Propulsé par le Comité national de propagande en faveur du vin, ce mince opuscule de 1937 au titre faussement cinglant ne laisse que peu de mystère sur ses intentions lobbyistes. Pourtant, quatre-vingt ans plus tard, tandis que l’Espagne, autre ténor viticole, a institutionnalisé sa position via la loi « de la viña y del vino », déclarant le vin « élément constituant de la culture ibérique », la France continue de s’interroger sur la place du vin dans la société… avec la loi Evin pour orienter les débats. Un tiraillement schizophrène couplé à une chute de la consommation aussi pentue qu’un gosier assoiffé, qui laisse penser que la vigne n’est pas un long fleuve tranquille. En trois décennies de « un verre ça va, trois verres, bonjour les dégâts » (1984), le pays réputé champion du monde de la chose viticole a connu plusieurs mutations porteuses de néologismes : « parkerisé », « vinodiversité », « torchabilité »… Un bréviaire qui raconte autant les bouleversements vécus par ceux qui remplissent les bouteilles que le profil de ceux qui vident les verres au XXe siècle, qu’ils soient acheteurs à la sauvette en supermarché, buveurs d’étiquettes encravatés ou hipsters militants du vin « nature ».

Trésor national ou maladie honteuse ? Oh, un président de la République prend sur son temps de sommeil pour honorer le salon Vinexpo de quelques compliments forcés ! Comme s’il s’agissait moins d’être présent que de laver l’affront de son prédécesseur, qui ne manquait jamais d’adresser un bras d’honneur à la filière « vin » – pourtant troisième force d’exportation française –, en multipliant les détours pour ne pas croiser de verres. Il n’y a pourtant plus de risque majeur à tinter ses lèvres de rouge. Avec un état de maîtrise technique jamais égalé – à la vigne comme en cave– , le vin est assurément « meilleur » et… pérenne depuis que l’on sait corriger et sauver, sans coup férir, un mauvais millésime du naufrage. Les piquettes d’hier font aujourd’hui, au pire, figure de vins d’entrée de gamme sans défaut, que l’on peut taquiner du verre-ballon sans être obligé de souscrire une assurance-vie. À l’autre bout du spectre, malgré quelques gnons glanés dans le ring international, les crus perchés au sommet des hiérarchies s’évertuent à faire transpirer hors des frontières l’idée d’une France dépositaire de l’excellence. Fût-elle hautaine et ampoulée dans sa manière de se 76 / food mn book #4

présenter au monde. Et si, dans l’Hexagone, des capitaines d’industrie continuent de trouver dans le statut et la noblesse d’un domaine viticole le meilleur moyen de s’offrir une deuxième vie (en plus, parfois, d’une danseuse), alors nous tenons certainement les indices tangibles d’un totem en bonne santé et promis à l’immortalité. Tout est donc en place pour dresser un tableau idyllique. Et, pourtant, un doute s’immisce. Comme le message biaisé d’une scène en trompe-l’œil. À gagner des vins œnologiquement parfaits, n’a-t-on pas abandonné quelque chose de fondamental en route ? Une dimension supplémentaire, ou une profondeur, qui devrait un peu de son génie à la perfide alternance d’années solaires ou pluvieuses, autant qu’à l’insondable alchimie de sols vivants. Cette « qualité » assurée, comme calibrée et reproductible, est porteuse d’un ressenti mortifère, souvent. Et ennuyeuse, toujours. Soit l’antithèse de ce que pèse le vin dans le cœur du buveur.

Le goût façonné par la technique Pour décrypter l’évolution du vin ces dernières décennies, il faut multiplier les points de vue,


une brève histoire du vin

car les perspectives s’apprécient différemment la Bourgogne dans les années 70 : « 90 % des selon que l’on ausculte la France viticole à la vins que je dégustais étaient délavés, sans verticale d’un verre, dans le fatras d’un chai caractère, alcoolés, rustiques, avec des arômes pendant les vendanges ou même, c’est impor- faisandés et des fins de bouche sucraillonnes. tant, sous les racines des ceps, avec en tête les […] Le raisin était très rarement rentré à plus préoccupations d’un ver de terre. Plaçons-nous de 11° degrés d’alcool et était allègrement porté d’abord en terrain neutre avec Kermit Lynch, à 13° ou 14°. » Comprendre « par la magie de historique importateur américain de vins fran- l’enrichissement artifiçais. L’homme, chantre des vinifications peu ciel », la chaptalisation, interventionnistes, a vécu beaucoup de millé- et même parfois, dans la simes et déplore le rôle envahissant que tient foulée, par son contraire l’œnologue dans les exploitations. Un péri- œnologique, l’acidificamètre d’influence qui ne devrait pas décroître, tion ! La médiocrité était communication aidant, tant ces consultants de mise pour le travail de qui donnent le « la » aspirent à une forme de la vigne, avec des raisins starisation. « L’œnologue est devenu le vinifi- à l’état sanitaire affolant, cateur du domaine devant lequel le vigneron se et l’on s’en remettait au dit “c’est un scientifique, je suis un ignorant”. miracle de l’œnologie Je ne parle pas des grands mentors comme Sté- corrective. À force de phane de Derenoncourt, que je respecte, mais de prises de conscience, de l’œnologue de village, qui, au lieu de s’en tenir pratiques culturales plus à son rôle de médecin du vin, utilise au quoti- pointues et du réchaufdien des décoctions de levures. » « Levures », le fement climatique, les premier nom tombe. Tient-on le coupable de vignerons ont pu s’apl’uniformisation du vin ? En théorie, non, car puyer sur des matières ces micro-organismes unicellulaires ont pour premières acceptables fonction principale la fermentation alcoolique. et ont intégré l’idée Sauf que, progrès aidant, on a supplanté les que la bataille du vin se levures dites « indigènes » (car naturellement gagnait à la vigne. Pas présentes sur la peau du raisin) par des levures à la cave. Ce constat est sèches, pudiquement appelées « sélectionnées » d’autant plus affligeant (car d’extraction industrielle), pour encadrer que les stigmates de cette et fiabiliser les délicates fermentations. Sous forme de suicide collectif ce terme générique, se niche une large famille s’observent durablement de levures, aux rôles multiples, mais dont la dans le paysage viticole, fonction aromatisante n’est pas la plus neutre. par la faute de vignes Formée à la philosophie Lynch, l’une de ses ex- issues de « clones » procollaboratrices, Amy Lillard, est aujourd’hui ductifs, enracinés. « Avec installée en vigneronne dans le Gard, au do- les années 80-90, les maine La Gramière. Ou comment, avec une cer- choses ont commencé à taine logique, passer de Kermit aux « Froggies ». changer. Les rendements Pour son vin, elle se refuse à « levurer » mais ont baissé, les filtrations analyse : « Contrairement à la dynamique de la se sont relâchées, avec un bière artisanale qui peut faire preuve d’audace et net virage au début des de créativité au gré de brassins menés à grande années 2000. » Ouf, on fréquence, nous n’avons, dans le vin, qu’une pro- en soupire d’aise avec duction par an. Il est plus risqué d’innover, on mister Lynch. Sauf que. devient fatalement plus conservateur. » Pas de Si on avait bien éloigné révolutions, donc, mais des évolutions lentes, le spectre de la caricature, paradoxalement, nombre menées au rythme agricole. de pratiques artificielles s’étaient institutionnaliAvant de jeter l’œnologue interventionniste sées, bientôt rejointes par dans la cuve, regardons-nous dans la glace : en de nouveaux procédés vinification, l’empirisme, le manque d’hygiène techno-orientés. À la tête et leur lot de vins impropres ont longtemps d’un des domaines d’élite été de mise, le vigneron ne disposant dans sa de l’Anjou, Patrick Baudouin, vigneron ayant trousse à outils que du soufre, seulement riche oublié d’être suiviste, résume ainsi l’affaire : de ses vertus anti-oxydantes et antiseptiques. « Engrais, traitements à répétition, anti-botrytis, Le mal nécessaire qu’est « l’accompagnement rendements élevés, levurage du moût (état du des vins » prend tout son sens lorsque le jour- jus avant fermentation), correctifs œnologiques, naliste Michel Bettane rappelle le visage de osmose, cryo-extraction, chaptalisation… Pour

nombre de vins, la relation terroir/vigne/raisin/ moût est rompue. »

Faut-il pendre les banquiers ? Ce triste constat, couplé aux scandales de la vache folle et du poulet à la dioxine, forme un terreau favorable pour le bio, un chèque en blanc pour repeindre tout en vert. Et bien, pas tout à fait. Car le vin bio part de loin, lui aussi. D’abord parce qu’il n’est pas tout-terrain, comme le relève Frédérique Célérier dans sa thèse « Les territoires des vins “bio” en France ». Tout en s’étonnant d’une vague d e co nve rs i o n s b i o en 2008 dans le Bordelais, la chercheuse note que « la bio est longtemps apparue comme un contreargument de vente pour les crus prestigieux ». Et surtout, on gronde dans les rangs. Le tant attendu cahier des charges européen de 2012 accouche d’une déception. Certes, il officialise sur les étiquettes le terme « vin bio » en lieu et place du peu glamour « vin issu de raisins de l’agriculture biologique », mais le référentiel technique paraît bien trop laxiste aux bio historiques, en matière de soufre, d’intrants et de pratiques œnologiques. Valérie Pladeau, conseil en œnologie à SudVinBio, justifie ainsi l’idée de ce cahier des charges souple : « On aurait pu être plus restrictif selon les régions sur certains intrants. Mais l’idée est d’avoir un discours unique et clair pour tous les consommateurs européens. » Nombre de grands opérateurs trouvent, eux, ce cahier des charges tout à leur goût et s’engouffrent dans une bio de communication. On pourra même saluer quelques miraculeuses conversions de crus bordelais. Opportunistes ou pas, ces conversions s’inscrivent dans un mouvement inéluctable, surtout pour qui veut faire voyager

À force de

prises de conscience,

etde pratiques plus pointues,

les vignerons

ont pu s’appuyer sur des matières premières

acceptables

et ont intégré l’idée que

la bataille du vin à la vigne. se gagnait

Vivement 2000 !

Pas à la cave.

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dégustation

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. Les prix sont donnés à titre indicatif.

100 vins nature s n i o àdme 15 € Ce fut une belle journée. De celle qui vous rappelle que déguster – et boire… – est un acte humain des plus importants, avec ou sans modération car la vie ne s’entoure pas de tant de précautions. Déguster, boire : de ces moments fondateurs où idées, perceptions, enthousiasmes et rejets se conjuguent autour de l’agora qu’est la table. Ils étaient 10, ce jour de mai, à siéger dans ce comité sérieux qui ne se prenait pas au sérieux. 10 pour goûter un peu plus de 100 vins. C’est Caroline Loiseleux qui avait eu la lourde charge de les sélectionner. Avec deux seuls critères : « nature » et à moins de 15 euros. Parce qu’on reproche souvent, et injustement, à la viticulture contemporaine d’appuyer un peu trop sur le tiroir-caisse. Parce que ces prix sont souvent justifiés par la lourde charge de travail dans la vigne (lire p.80-82) mais qu’il est bien possible de boire bon et nature autour de 10 euros. Le reste est affaire d’intuition, de connaissance et de subjectivité. Caroline, ancienne sommelière de Frenchie, primée l’an dernier par Omnivore comme sommelière de l’année, devenue dénicheuse de vins, possède toutes ces qualités. La première étant

Les dégustateurs Yves Camdeborde

chef, Le Comptoir du Relais, Paris 6e

Camille Fourmont

Caviste, La Buvette, Paris 11e

Cyril Lignac

Chef, Le Quinzième, Paris 15e Caroline Loiseleux,

Chasseuse de vins, sommelière Frédéric Malpart

Sommelière

Caviste, Le Siffleur de ballons, Paris 12e

Fleur Godard

Kevin Rolland,

Caroline Furstoss

Chasseuse de vins Florent Ladeyn

Chef, Le Vert Mont, Boeschepe Bloempot, Lille

Restaurateur, Le Bloempot, Lille Romain Tischenko

Chef, Le Galopin, La Cave à Michel, Paris 10e

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avant tout d’aimer ce/ceux qui ne triche(nt) pas, quels que soient les dogmes, castes, coteries qui existent dans le vin nature comme partout – ce qui d’ailleurs est bien dommage. Pour éviter toute tricherie, les vins dégustés ont donc tous été masqués, revêtus d’un élégant papier rouge. Ils ont été goûtés par grandes familles plutôt que par appellations et testés en l’état par l’ensemble de la table… qui découvrait ensuite les étiquettes. Cela donna d’ailleurs de cocasses scènes de repentir, les amis vignerons étant légion parmi les cuisiniers. « Oh merde, ne dites pas que j’ai dit ça sur son vin, il va me tuer ! » entendait-on de loin en loin. Ce fut vif, joyeux, emporté. Les avis tranchés n’enlevant rien au respect du vigneron. Après neuf heures de dégustation, entrecoupée d’une côte de bœuf maturée et de l’intervention providentielle des sublimes gâteaux de Cyril Lignac, la fumée blanche s’est échappée de la cheminée. 100 vins élus, prêts à être mis sur vos tables. Car maintenant c’est à vous, chers lecteurs, qu’il revient la lourde tâche de goûter. À moins de 15 euros, cette sélection rend le naturel à porté de goulot. LD


LES BLANCS

ALSACE Rietsch

Vigneron : Jean-Pierre Rietsch Cuvée : Coup de cœur Millésime : 2012 / 13,80 €

Ici, l’Alsace nous livre un peu de sucre avec les atouts de la noblesse du riesling et du séduisant gewurztraminer. Le Coup de cœur a été câliné en foudre pendant dix-neuf mois. Son gras et sa rondeur due à l’élevage touillent le cocktail des pétales de rose, de poire jaune, d’orange confite et d’un zeste d’air frais mixant une splendide finale amère et un petit je-ne-sais-quoi. « C’est un vin sans défaut, droit avec une belle amertume en fin de bouche. » Alors que certains soulèvent un léger manque de gourmandise en bouche par rapport au nez, Caroline Furstoss est heureuse qu’il n’y en ait pas !

Vincent Fleith

Domaine de Muzy

Cuvée : Riesling Millésime : 2008 / 12 €

Vigneron : Jean-Marc Liénard Cuvée : L’Ossera Millésime : 2013 / 12,80 €

aoc alsace

Ingerhsheim voit le jour à la fenêtre des Vosges, aux portes de Kaysersberg et de Munster. Le domaine se construit sur une petite dizaine d’hectares et une panoplie de cuvées. Mousseux, sec, rouge, demi-sec, tendre, moelleux, vendanges tardives, et ça continue encore et encore… Avec leurs étiquettes colorées par cépages, assemblages, crémants, 1ers crus et grands crus, les vins ont, heureusement, leur propre canevas de terroirs et d’expression, du monocépage ou des assemblages. Dans ce vin, la facette du riesling, de bon augure, fait vibrer l’identité minérale et les notes herbacées qui s’épanouissent dans le verre. La dégustation divise. Quand certains trouvent une fin pétrolée, peu agréable ; d’autres y voient du végétal, caractéristique du riesling.

IGP Côtes de Meuse

La généreuse biodiversité du domaine mérite qu’on s’y intéresse. Des poiriers, des mirabelles, des cerises de Montmorency, des truffiers et des vignes illuminent la beauté du paysage de la Lorraine. Ici, les cépages traditionnels ont été replantés pour donner une authenticité aux vins. L’architecture des vignes est en hauteur des côtes et regarde les vergers. Pinot gris, anciennement appelé affumé ou… Ossera, cette cuvée a passé douze mois en demi-muids sur lies, ce qui le rend unique. On l’associe souvent aux vins de Bourgogne pour son côté fumé. « Il y a une belle tension, le vin est aromatique, un peu lactique, un peu fumé. Il se marie de suite avec le palais et laisse une belle fin de bouche fruitée. » Ce vin plus « classique » fait l’unanimité et le lien entre les dégustateurs d’horizons différents.

Domaine Bott-Geyl aoc Alsace

Cuvée : Métiss Millésime : 2012 / 13,60 €

Le domaine s’approvisionne auprès des petits vignerons du coin pour réaliser ce Métiss sur une base de salade de quatre cépages (pinot blanc, gris, auxerrois et pinot noir vinifié en blanc). On peut avoir au premier coup d’œil, une sensation de sucre mais non, ce n’est qu’une illusion. « C’est joli. Il y a une bonne longueur en bouche avec du gras et l’exotisme des notes de fruits jaunes comme l’abricot. »

Domaine Ostertag Vigneron : André Ostertag Cuvée : Les Vieilles Vignes de sylvaner Millésime : 2012 / 14,90 €

Le sylvaner, c’est le vilain petit canard des cépages alsaciens. Cependant, depuis qu’il traîne aux côtés des grands crus de Zotzenberg, il est plutôt bien apprécié. Comme quoi, l’habit ne fait pas le moine. André Ostertag signe de belles étiquettes sur les grands crus et un style plus épuré sur ses autres cuvées. La vieille vigne a plus de cinquante ans et fait son trou sur un terroir riche de marnes et de graves. Le système racinaire lui procure une personnalité et un franc-parler qui peuvent rendre jaloux les crus de la grande cour. « C’est un cépage qui a de la niaque, le vin est vif, il se boit tranquillement à l’apéro. »

112 / food mn book #4

BOURGOGNE Domaine Ballorin & F Bourgogne aligoté

Vigneron : Gilles Ballorin Cuvée : Le Hardi Millésime : 2013 / 15 €

La plongée sous-marine est une thérapie pour Gilles, et aussi un réveil. En découvrant sous la mer la pollution des profondeurs, il se dit que ça ne tourne pas rond. En 2005, il fonce et se donne pour mission de donner vie à son domaine par des moyens naturels. Cinq hectares en propriété sur 17 parcelles, dont 80 ares d’aligoté. Un combat de tous les jours, mais une satisfaction au quotidien. « Joli vin, délicat, diaphane, légèrement oxydatif. La finale est un peu abrupte, un peu nouée, il faudrait le laisser s’ouvrir un peu. »


LANGUEDOC Le Clos des jarres

IGP Coteaux de Peyriac

Vigneron : Vivien Hemelsdael Cuvée : L’Estrangièr Millésime : 2013 / 11 €

L’Estrangièr s’est enraciné sur les Coteaux de Peyriac, au pied de la montagne Noire. Les pieds de vignes s’acclimatent plutôt bien après vingt ans et procurent un style atypique par rapport à ce que l’on peut connaître du sauvignon planté en Loire. Dodu et rond, il exprime la richesse de la poire jaune bien mûre et la bonne humeur d’un bouquet de chlorophylle du Sud. « On est sur la pêche, le noyau de pêche, et la fraîcheur reste en bouche. Marié à de l’estragon ou du maquereau ou un autre poisson de caractère, ça éclate. »

Le Soula

VDP des Côtes catalanes Vignerons : Gérard Standley et Gérard Gauby Cuvée : Trigone Millésime : 2013 / 13,50 €

Plus de neuf cépages se complètent dans l’assemblage de la petite cuvée du domaine et cinq millésimes différents se greffent, avec une dominance de 2013. Gérard Standley et Gérard Gauby ont relevé de beaux défis dans le vignoble de Fenouillèdes depuis le premier millésime, en 2001. La détermination est toujours de mise pour élever les vins au sommet de leur pureté et rendre hommage à ce magnifique terroir des contreforts des Pyrénées du Roussillon. « C’est une beauté classique assez facile et accessible : c’est propre, efficace, bien fait, mais ça manque un peu d’âme. »

Domaine de Pélissols IGP de l’orb

Vigneron : Vincent Bonnal Cuvée : Blanc demi-sec Millésime : 2013 / 13,50 €

Dans le parc naturel du Haut-Languedoc, la nature accompagne tout au long de l’année la vigne à flanc de coteaux sur une mosaïque de granit, gneiss, basalte… Les différents cépages s’acclimatent dans leur milieu et livrent sur les cuvées du domaine l’image de belles expressions franches. Ce Pélissols blanc demi-sec les interprète, en muscat et en chardonnay. « Le nez est sur l’absinthe, il y a un côté salin, délicieux ! » Lire Prix Révélation Vigneron p. 99

LOIRE Vincent Caillé VDF

Cuvée : Je t’aime mais j’ai soif Millésime : 2015 / 8,50 €

La famille Caillé est au cœur du Muscadet. Après quatre générations, Vincent prend les rênes du domaine en 1986 pour rendre hommage à la mosaïque du terroir. Depuis, ses vignes ont retrouvé leur beauté et s’épanouissent. On aime les prix modiques des vins, et on danse sur le nouveau hit du Billboard 2015, Je t’aime mais j’ai soif. « Un vin bien fait, tendu, plaisant. Il y a une belle longueur en bouche et pas de défaut. »

Ci-dessus : Florent Ladeyn

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LES BULLES

ALSACE

BEAUJOLAIS

Rietsch

Domaine Les Capriades

Crémant d’Alsace

Cuvée : Extra Brut Nature Millésime : 2012 / 15,50 €

Cette famille alsacienne occupe de nombreux lieux-dits de Mittelbergheim. Son crémant a du caractère, un style nerveux, un souffle vivifiant et très peu dosé, une bulle qui tranche. Les bonnes levures naturelles font gonfler des soupçons de miel et de coing. « Ça remet droit dans les papilles ! C’est vif et rafraîchissant. Malgré les bulles légèrement grossières, c’est pas mal du tout. »

domaine christian Binner Crémant d’Alsace Cuvée : Triple Zéro Millésime : 2011 / 14 €

On connaît bien Christian Binner, ses fabuleuses cuvées et ses eaux-de-vie d’Ammerschwihr qui finissent bien les soirées endiablées. Pour compléter la gamme, un petit négoce s’est forgé depuis quelques années avec une terre et des raisins, évidemment certifiés, de Stéphane Bannwarth. Ce dernier, vigneron à Obermorschwihr, donne une valeur ajoutée aux cépages alsaciens et concocte quelques vinifications en amphores venues de Géorgie. Ce Triple Zéro est un crémant de riesling, d’auxerrois, de pinot gris et… de copains, à siroter pendant les grandes chaleurs. « Le nez est un peu tomaté, il y a un côté petit-lait. La bouche est atypique et intéressante. »

VDF du Cher

Vignerons : Pascal Potaire et Moses Gadouche Cuvée : Piège à filles / 15,70 €

Pascal Potaire a inventé le Piège à filles et maintenant ils sont deux, avec son pote Moses Gadouche, à jouer de cette cuvée. On se demande un instant où l’on est, aucune idée, mais ils vont me le payer Cher à Faverolles ! Séduit par une bulle qui vient réveiller nos petites papilles, on croque des raisins de chardonnay et de petit meslier. Le fruit explose et un sucre tout léger tout bon vient confirmer qu’on s’est fait prendre au piège, à notre insu, d’une seconde gorgée. « À boire comme une limonade, pour s’amuser, à 7 °C, un après-midi ensoleillé. » Certains dégustateurs insistent : « Il y a un peu trop de sucre… On s’attend à un tout petit peu plus de fraîcheur. »

Laurence et Rémi Dufaitre

Même si les derniers millésimes en Bourgogne sont difficiles, voire pour certains catastrophiques, en raison des conditions climatiques capricieuses et des maladies qui ne cessent de se multiplier. Le domaine s’efforce chaque année de révéler une identité propre dans le cadre de chacune de leur cuvée. « Au nez, on retrouve le gaspacho de tomates, la soupe froide d’été avec un côté herbacé, mais il manque un peu de gourmandise en bouche, marquée par de l’acidité. »

domaine Derain vdt

Vigneron : Dominique Derain Cuvée : Chut… Derain, brut nature 26 €

Dominique est un artiste bienveillant et un drôle de numéro. Ces cuvées libèrent une note de musique qui sonne juste, un dessin d’enfant coloré et attachant. Dans le Chut… Derain, c’est un aligoté doré champagnisant qui tire sa ficelle du jeu. La crème de la bulle est onctueuse et joyeuse, ainsi que les arômes, rafraîchissants, qui se multiplient au rythme des gorgées. Cette cuvée, d’ordinaire formidable, ne « goûte pas » aujourd’hui. Ce sont les aléas des dégustations… et le désespoir des dégustateurs.

Beaujolais

Cuvée : Pet’ Nat’ / 15 € / rosé

Attention, cette bubulle décoiffe et est agréablement dangereuse car on la consomme sans modération. C’est un pétillant naturel à base de gamay, qui prolonge sa fermentation avec les sucres restant dans la bouteille pour continuer de gazouiller. Sensation de montagnes russes et de plaisir assurée. « Le nez a un côté frangipane en première impression, les agrumes se révèlent en bouche. »

BOURGOGNE domaine céline & laurent Tripoz

Crémant de Bourgogne Cuvées : Brut Nature 2013 et Fleur d’Aligoté 2013 15,90 € et 13,50 €

Le village s’appelle Loché et est situé dans le sud de la Bourgogne. La famille Tripoz est entourée de vignes mais n’exploite que 11 hectares. En 2001, ils arrêtent tous les produits chimiques et, en 2006, ils rafraîchissent le sol et les vignes en agriculture biodynamique.

120 / food mn book #4

CHAMPAGNE Jacques Lassaigne aoc Champagne

Cuvée : Les vignes de Montgueux, extra brut / 33,60 €

Le Montrachet de la Champagne s’étire sur la colline de Montgueux, non loin de la ville de Troyes que l’on aperçoit. Le terroir est dessiné de craie et accompagne les chardonnays en guise de croquis. Un passage dans l’antique pressoir Coquard, puis un sommeil sur les lies. Sept à neuf parcelles et deux années consécutives signeront l’autographe d’une bulle fine, à la couleur de pêche et au filet mordant. « Un nez plein de promesses qui ne déçoit pas. Il y a une belle acidité, une amertume végétale, et un peu de matière qui fait durer le plaisir en bouche. »


Pascal Doquet aoc champagne

Cuvée : Extra Brut 1 Cru 34,90 € er

Pinot noir à petite dose et chardonnay qui figure toujours en tête de liste dans les champagnes qu’élabore Pascal Doquet. Le 1er cru montre sa tenue et son caractère nerveux et vivifiant par un dosage presque nature de 2,5 g/l. Une bulle pour arroser le début du week-end ou pour fêter un heureux évènement. « Un nez excitant qui amène à une belle finale vineuse en bouche. C’est vif, avec une vraie amplitude. »

Benoît Lahaye aoc Champagne

Cuvée : Essentiel, brut / 34,70 €

Afin de transmettre dans la bouteille la singularité et l’authenticité du terroir de Bouzy, les vignes sont conduites en agriculture bio et le sol est labouré au cheval de trait. Pour Aurélien Lahaye, qui a repris les vignes, c’est une évidence, il croit dur comme fer que l’homme devrait toujours travailler en harmonie avec son sol et ses fruits. C’est l’un des domaines phare même s’il ne compte que 4,5 hectares. À consommer de préférence une nuit

d’été sous un ciel parsemé d’étoiles. « Après s’être ouvert, le champagne est très beau, vif. » Florent pense aux foies de dinde fumés goûtés la veille chez Ivan Shishkin (Delicatessen, Moscou) : « Les foies sont fumés à chaud, cuits 4 minutes à 55 °C, et plongés dans l’eau glacée. Avec ça, ce serait extraordinaire ! »

Chartogne-Taillet

aoc Champagne merfy

Vigneronne : Alexandre Chartogne-Taillet Cuvée : Sainte Anne, brut / 26,40 €

Élève d’Anselme Selosse, Alexandre reprend le domaine familial en 2006 et continue, comme ses aïeux, de faire valoir les lois fondamentales de l’équilibre entre l’homme et la vigne. Pour mener à bien le vin, les éléments naturels ont une force universelle que l’homme ne peut pas enfreindre. Sainte Anne est la patronne des saints protégeant le village de Merfy et la collection de parcelles qui écrit les assemblages. « L’aromatique est délicat, linéaire, avec un côté fumé. Il manque en profondeur mais il a de la matière. »

Charlot-Tanneux

aoc Champagne mardeuil Vigneron : Vincent Charlot Cuvée : Le Fruit de ma passion, extra brut / 29 €

À Mardeuil, Vincent Charlot accompagne judicieusement la vie microbienne et la faune aérienne par des pratiques qui peuvent sembler olé olé, voire extraterrestres, mais qui étaient autrefois pratiquées et restent pleines de bon sens. La cuvée Le Fruit de ma passion est vineuse et plutôt ronde de chair. Les parfums évoquent le souvenir pâtissier d’une tarte Tatin avec un givrage légèrement caramélisé à la fleur de sel. « Les bulles sont très légères et ce champagne devient vite un vin. »

Marie-Courtin aoc Champagne

Vigneronne : Dominique Moreau Cuvée : Résonance, extra brut 33 €

Un champagne de l’Aube où le pinot noir fait office de mise en bouche. Une petite surface de 2,5 hectares à Polisot sur la côte des Bar. Dominique Moreau cultive sa vigne et sa terre en agriculture biodynamique. Résonance rythme la chanson sur son squelette

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minéral apporté par son terroir kimméridgien et aussi par les vignes en sélection massale. Un plateau de fruits jaunes à noyaux vient amuser le nez, et la pointe poivrée le taquiner juste un peu. La force du terroir de craie assure la longueur et la mâche mordante que l’on se met sous la dent. « La bouche est hyper verte, comme de la coriandre, comme si on avait un panier de légumes dans le verre. »

Françoise Bedel & fils aoc Champagne

Cuvée : Origin’elle, extra brut 30 €

Des remises en question ont mené le domaine vers une culture saine et en santé depuis le millésime 1998. Les différents champagnes sont issus des assemblages des communes environnantes et livrent judicieusement les nuances des terroirs marnais. Sur une base majoritaire de pinot meunier, l’Origin’elle dévoile ses origines et se complète de pinot noir et de chardonnay crayeux. La bulle joue doucement et se déroule sur les doux parfums de fruits de la mirabelle et de la prune jaune. Ci-dessus : Frédéric Malpart & Yves Camdeborde



armand arnal &

alexandre mazzia ROUTES 77

texte luc dubanchet photographies thomas chĂŠnĂŠ



mn / 159

[…] chef marseillais opère comme un chirurgien dans se frotter à Bruno Caironi, ancien ducassien, exilé à Bar-sur-Seine. « J’étais un petit-bourgeois du VIIe à qui une belle lumière rougeoyante. Après la biscotte végétale, l’œuf de truite et saumon, on allait apprendre la vie, je n’ai pas été déçu. J’ai appris lait fumé et noisette, l’équation cerise-chocolat blanc- à la force du poing, au sens propre… » Il apprend. Énordorade semble avoir été résolue. Un plat a bien abouti mément : les artichauts barigoules, les ris de veau en de ces quelques heures restant juste avant le service. crépine. Tout en accéléré. Il a 16 ans – « Je suis fou » –, Un sucre de bacon vient envelopper l’ensemble en finit ses journées à 3 heures du mat’, prend le train tôt conservant suffisamment de vivacité pour ne pas le matin pour poursuivre son brevet, passe quelques l’empâter. Armand Arnal se recule légèrement de la heures dans des bars à strip-tease en attendant les table, fixe l’assiette. Et, cuisine aidant, finit lui aussi correspondances. « Avec le chef, un énorme respect s’installe, une sorte de relation père-fils, fusionnelle. par se raconter. « Je suis né à Montpellier, j’y suis resté jusqu’à mes Ça devient dur à gérer, donc je pars. » Il se retrouve à la 10 ans. Mon père tenait une boîte de nuit, ma mère y Grande Cascade version Ducasse, sèche l’école, zappe travaillait aussi avant de s’occuper de la communica- vers la Table d’Anvers sans se retrouver dans la cuition de Georges Frêche, le maire et le président de la sine ni les méthodes des frères Conticini – « Un délire région. Mais au fond, j’ai deux formes de parents, ceux culinaire, ce n’était pas ma place. Je dois plus à Olympe, qui m’ont fait et ceux qui ont fait mon apprentissage. juste après, au Manoir de Paris. » C’est surtout de ma tante dont je parle. Elle mangeait Commencée très tôt, la vie de cuisinier d’Armand midi et soir au restaurant. Elle s’occupait de moi et je Arnal est une succession ininterrompue, une accélél’accompagnais. De 10 à 18 ans j’ai été mis à l’internat. ration de particules qui laisse deviner le jeune RastiJe n’aimais pas l’école, les codes. Alors quand, en milieu gnac avide de découvrir et de s’accaparer, venant d’un de seconde, j’ai décidé d’arrêter pour devenir photo- monde avec quelques principes, une certaine idée de graphe, mes parents ont dit OK, ça ne servait à rien de la cuisine, sans pour autant être borné. Il s’envole pour New York, coup de foudre. « Mon père vient de mourir, s’opposer. » L’histoire dit qu’il ne l’est jamais devenu, même s’il je me dis que c’est là que je veux habiter. J’arrive chez assouvit, vingt ans plus tard, sa passion lors des nom- Daniel Boulud en 1999. Un truc de fou, des services à breuses interventions qu’il ménage à l’occasion des 480 couverts les samedis soir, des pourboires à 100 dolRencontres de la photographie d’Arles. Ses parents se lars, la télé sur le passe les soirs de grande rencontre séparent, il commence à travailler avec son beau-père, sportive… » nombreux boulots de petites mains qui l’entraîne un Les langoustines, carottes, ravioles de manioc, lait beau jour chez Pierre Hermé – connaissance de la fa- de poule au jaune d’œuf viennent apporter un peu de mille – « Mais j’y reste quatre mois, je n’étais pas à l’aise douceur au flot du récit. « Très régressif, comme un lait avec la pâtisserie. » C’est chez Jean-Pierre Vigato, à la maternisant », analyse Armand, avant de reprendre : Manufacture, qu’il fait son premier stage en cuisine, « J’ai rencontré Alain Ducasse lors du mariage de Pierre à Issy-les-Moulineaux. Il en retient une grande cui- Hermé. Je revenais tout juste de New York quand il sine bourgeoise, agile et intransigeante, qu’il défend m’appelle pour m’annoncer l’ouverture de l’Essex House. encore aujourd’hui avec une passion de gardien. Dans J’ai dit : “J’arrive”. On s’est retrouvés seuls au monde la famille Hermé, Fréderick Grasser, épouse de Pierre contre tous, la presse comme les clients nous ont allumés et égérie de toute une génération, suggère qu’il aille grave sur la débauche de luxe, les prix. La campagne a


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